Pie XII 1949 - MESSAGE DE PAQUES TÉLÉVISÉ PAR LA RADIO-DIFFUSION FRANÇAISE


CARDINAL GILROY

du salut qui lui a été indiquée par ce courageux Apôtre et ses collaborateurs ? Après avoir essuyé de telles calamités et de si grandes ruines lors de la dernière guerre, et avoir entrepris avec des forces nouvelles les oeuvres de la paix dans les pâturages bénis du Seigneur, ne faut-il pas que la grâce divine élève les coeurs vers la félicité des cieux ? Si précédemment existèrent plusieurs causes d'obstacles graves au développement du catholicisme, aujourd'hui, s'est levée une ferme espérance que, par l'effort conjugué de tous les hommes de bien et la rapidité et la fréquence plus grande des voyages et des correspondances, la prédication de la parole divine et le soin des âmes puissent s'opérer de mieux en mieux en sorte que, non seulement la sagesse chrétienne mais aussi un humanisme bien compris se répande parmi les Japonais. Nous approuvons donc de Notre recommandation, la célébration de ce centenaire et voudrions y être présent au moins en quelque manière. C'est pourquoi, très cher Fils, Nous vous avons choisi comme Notre Légat a latere, vous qui vous acquittez de la charge pastorale du siège métropolitain de Sydney et êtes honoré de la pourpre romaine. Ainsi, en tant que Notre Délégué, vous présiderez aux fêtes qui se tiendront à la fin du mois de mai prochain, en mémoire de l'anniversaire de l'arrivée au Japon de Saint François Xavier.

Nous vous accordons en outre le pouvoir, au jour fixé, après la célébration pontificale de la Messe, de bénir les fidèles présents en Notre nom, et par Notre autorité, en leur proposant ainsi une indulgence plénière à gagner suivant les conditions ordinaires de l'Eglise. Enfin, Nous prions Dieu, riche en miséricorde pour qu'avec l'établissement pacifique de Son règne, dans la nation japonaise, naisse une ère nouvelle qui soit de prospérité et de bonheur chrétiens. Qu'elle soit l'annonciatrice de cette charité particulière, cette Bénédiction Apostolique que Nous vous accordons, très cher Fils, ainsi qu'à tous les participants de ces cérémonies.

DISCOURS AUX PROFESSEURS ET ÉLÈVES DU SÉMINAIRE PONTIFICAL D'ANAGNI

(29 avril 1949) 1

Recevant en audience les professeurs, élèves et anciens élèves du séminaire interdiocésain créé, il y a 50 ans, dans le diocèse d'Anagni, suffrageani de Rome, le Pape déclara :

Nous sommes très heureux, à l'occasion du 50e anniversaire de votre Institut, de vous accueillir, Vénérables Frères et chers fils, supérieurs et professeurs, anciens élèves et élève3 du Collège Pontifical d'Anagni, qui s'honore du nom de son auguste Fondateur, Léon XIII, Notre Prédécesseur ^ de glorieuse mémoire. A lui va, après Dieu, votre perpé-

tuelle reconnaissance, sans oublier cependant tous ceux qui, au cours de ce demi-siècle, ont travaillé sans relâche pour réaliser ses intentions et veiller avec amour à la formation des candidats au sacerdoce.

Cinquante générations de prêtres appelés à être la fleur et le ferment actif d'une douzaine de diocèses, quel honneur, mais aussi quelle responsabilité !

En vous, Nous voyons représentés tous les âges de la vie cléricale depuis la première jeunesse jusqu'à la maturité et la vieillesse ; en vous, les divers ministères de la mission sacerdotale, pastorale et apostolique, en vous, les diocèses d'une partie très importante de l'Italie.

Mais ce qui Nous réjouit particulièrement au spectacle de cette synthèse du clergé du Latium Inférieur, c'est non seulement la variété des éléments qui la composent, mais encore, et surtout, son efficacité pour le bien des âmes et pour le progrès de l'oeuvre de l'Eglise.

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano du 30 avril 1949; traduction française dans La Documentation Catholique, t. LXV1, c. 1163.

Le Pape demande qu'on allie le respect de la tradition avec le désir ardent de progrès :

S'il est vrai qu'ils sont dans l'erreur ceux qui poussés par un désir puéril et immodéré de nouveauté, lèsent par " leurs doctrines, par leurs actes, par leur agitation, l'immutabilité de l'Eglise, il n'est pas moins certain qu'ils se tromperaient aussi ceux qui chercheraient sciemment ou non, à la raidir dans une stérile immobilité. L'Eglise, Corps mystique du Christ, est, comme les hommes qui ia composent, un organisme vivant, substantiellement toujours égal à lui-même ; et Pierre reconnaîtrait dans l'Eglise catholique romaine du xx0 siècle cette première société des croyants auxquels il s'adressait le jour de la Pentecôte. Mais le corps vivant croît, se développe, tend à la maturité. Le Corps mystique du Christ, à l'instar des membres physiques qui le constituent, ne vit pas et ne se meut pas dans l'abstrait, en dehors des conditions constamment changeantes de temps et de lieu ; il n'est, ni ne peut être séparé du monde qui l'entoure, il est toujours de son siècle, il avance avec lui, jour après jour, d'heure en heure, en adaptant continuellement ses manières et son attitude à celles de la société au milieu de laquelle il doit agir.

Le séminaire ne doit pas constituer un monde fermé :

Or c'est là un des principaux avantages des Séminaires régionaux, un des avantages de cette multiple variété que Nous avons reconnue et appréciée en vous, c'est-à-dire que votre zèle et votre activité sacerdotale, tout en s'exerçant dans vos propres diocèses ou dans vos familles religieuses, dans la persévérante assiduité à vos charges et à vos propres ministères, dans l'attachement fidèle aux particularités de vos vocations et traditions, ne sont pas confinés comme en un vase clos.

Les séminaristes doivent en particulier échanger entre eux leurs expériences :

Le contact qui s'est établi entre vous, depuis le jour où vous avez franchi le seuil de votre collège, dure et se raffermit aux divers degrés de votre fonction, en rendant à chacun possible l'assimilation du fruit des expériences et des entreprises d'autrui. Il permet sans préjudice de la légitime prédilection et du dévouement total au champ d'action assigné par la Providence, d'élargir son coeur et son âme et préserve de toutes les mesquineries d'un esprit de clocher mal compris.

Au delà du séminaire, candidats au sacerdoce et prêtres doivent demeurer unis, de manière à acquérir une authentique âme d'Eglise :

Conservez donc toujours entre vous, quels que soient l'âge et la fonction de chacun, ce lien et cette communion permanente, et non seulement entre vous, anciens et nouveaux élèves du Collège léonin, mais encore par votre intermédiaire, entre tous les membres du clergé, ayant tous un seul coeur, une seule âme, un seul idéal. De cette façon, vous ne vous contenterez pas de faire strictement votre oeuvre personnelle, mais vous ferez encore la grande oeuvre de l'Eglise, l'oeuvre du divin Rédempteur.

Le rôle du clergé dans le monde d'aujourd'hui esl plus important que jamais :

Tout le monde sent, chers fils, que le genre humain se trouve maintenant à un tournant décisif de son histoire, devant lequel le clergé ne peut rester spectateur inerte, car il s'agit du sort même des âmes. C'est pourquoi, à l'esprit de mensonge, qui domine le monde, il doit opposer l'amour inébranlable de la vérité ; à l'esprit de haine et d'égoïsme, le sentiment de la paternité chrétienne et la défense de la justice, spécialement à l'égard des nécessiteux des humbles classes ; à l'esprit de corruption, la pureté sacerdotale ; à la frénésie des plaisirs, le détachement des misérables biens de cette terre. L'heure présente exige du prêtre une vertu plus forte, un zèle plus ardent, une fermeté plus intrépide. Malheur au prêtre qui voudrait aujourd'hui s'épargner les renoncements, les sacrifices et les fatigues ! Malheur au prêtre qui se laisserait intimider par les menaces et par les dangers, oublieux de l'avertissement du Rédempteur ! « Qui aime sa propre vie la perdra ! » (Jean XII, 25).

Réconforté à la pensée que vous êtes tous et fidèles à tous les devoirs de votre vocation, et groupés dans une si étroite union fraternelle, bénie de Dieu et fécondée par sa grâce, Nous appelons sur vous l'abondance de ses secours célestes et vous donnons de tout coeur à vous tous et à vos confrères, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

DISCOURS à S. Exe le Dr. RAMON ARIAS FERAUD Ministre de Panama 1 (6 mai 1949) 2

C'est avec un vrai plaisir que Nous recevons en ce moment les Lettres de créance, par lesquelles Monsieur le Président de la République de Panama 3 vous accrédite Envoyé Extraordinaire et Plénipotentiaire de cette République auprès du Saint Siège.

Votre pays. Monsieur le Ministre, se trouve, fort heureusement pour lui, dans le nombre de ceux qui, comme Votre Excellence vient de le faire remarquer, n'ont jamais perdu la foi en la Divinité, ni l'amour envers Notre Seigneur Jésus-Christ, ni la fidélité à son Vicaire sur la terre. C'est peut-être à cause de cela que Notre coeur garde et a toujours gardé une place spéciale pour ce digne peuple que Votre Excellence représente si brillamment.

Ce n'est pas l'extension géographique, ni l'abondance des richesses, ni la force physique qui constituent la valeur intime d'une nation ; elle lui vient de ses vertus, de son amour et son respect pour les grands principes moraux et religieux ; de sa constante fidélité à la parole donnée ; des faits glorieux accomplis dans le service de Dieu, de l'Eglise, de la Patrie et d'autres nobles causes ; de son amour pour l'ordre et le travail ; de ses dispositions fraternelles envers

1 Le nouveau ministre le Docteur Ramon Arias Ferraud est né en 1875; il occupa des postes diplomatiques en France, en Angleterre, en Belgique, en Hollande, au Mexique, en Suisse, etc.

' D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXXI. 1949, p. 218.

* Depuis le 1 octobre 1948, le Président de la République de Panama est M. Domingo Diaz Arosemena.

tous, hostile envers personne, généreuse envers les pauvres, toujours disposée au pardon, à la réconciliation, à la paix.

Le grand événement dans l'histoire de votre Patrie fut la construction du Canal de Panama. Au même endroit où les Espagnols, au milieu du xvie siècle, pensèrent déjà le creuser — quelle idée prévoyante et hardie pour ces temps-là ! — notre siècle est arrivé à la réaliser avec un effort qui, malgré les moyens de la technique actuelle, incomparablement plus nouveaux et perfectionnés, est toujours une preuve imposante de la puissance et de la volonté humaines.

En un moment la construction du canal a donné à votre pays, dans les jeux des forces politiques et économiques du monde, une place bien plus centrale et bien plus importante qu'il n'avait auparavant. Personne ne désire et n'attend plus que Nous que cette nouvelle situation devienne pour votre Patrie une source de prospérité et de progrès. D'autre part il n'est pas rare, par malheur, que, dans une position comme la vôtre — placée entre deux océans et noeud entre les deux parties d'un continent —, si les échos et les influences de tout ce qu'on propage de bon dans le monde peuvent vous arriver ; par contre, la lie et les scories de ce qui est moins bon peuvent aussi faire acte de présence. Votre peuple, tout au long de son passé catholique, a pu expérimenter quels sont les antidotes contre ces poisons : l'équilibre social, pour lequel vous ne manquez pas de bons principes dans le Code du Travail, dans la Constitution et d'une manière spéciale l'intégrité du mariage et de la famille chrétienne ; tout ceci pénétré d'une sérieuse instruction religieuse et d'une foi, non superficielle, mais profonde, qui domine toute la vie. Nous ferons tout ce qui sera en Notre pouvoir afin que la vie religieuse de votre peuple se fortifie de plus en plus et produise les vocations sacerdotales qui doivent lui donner le clergé nombreux et saint dont il a besoin.

Lorsque Votre Excellence, à une date plutôt éloignée, baisait avec émotion la main vénérable de Notre vertueux Prédécesseur Pie X, peut-être ne pensait-Elle pas qu'un jour Elle devait être reçue par un de ses Successeurs, dans une occasion aussi solennelle et honorable comme celle où nous nous trouvons. Pour Notre part, Nous Nous plaisons à voir en cela la main de la Divine Providence.

Votre Excellence s'est proposée, comme noble but de sa haute mission, l'intensification des liens étroits qui unissent déjà Panama à ce Siège Apostolique. En la recevant, Nous déclarons que telle est aussi Notre intention, et pour cela Nous pouvons l'assurer dès à présent que, pour la réaliser, Elle trouvera toujours en Nous le plus paternel et bienveillant accueil.

En son propre nom et en celui de son peuple Votre Excellence a voulu unir ses voeux aux Nôtres pour que régnent enfin dans le monde la paix, la vraie liberté, le respect de la religion et des droits de la personne humaine. Avec égale complaisance Nous avouons que, dans le travail sans relâche que Nous avons entrepris pour obtenir cela, ce n'est pas pour Nous une petite satisfaction que celle de savoir que, dès à présent, Nous pouvons compter avec votre intelligente et généreuse coopération.

De tout coeur, donc, Nous voulons vous bénir, comme vous Nous l'avez demandé, en souhaitant que cette Bénédiction s'étende à Monsieur le Président de la République et à tout le bien-aimé peuple de Panama.


ALLOCUTION AUX MEMBRES DE L'UNION INTERNATIONALE DES ASSOCIATIONS PATRONALES CATHOLIQUES

(7 mai 1949) 1

Des Associations de Patrons Catholiques ont été créées dans un grand nombre de pays ; depuis peu, elles se sont fédérées en Union Internationale 2. Pour la première fois, des délégués de cette Union se sont rendus à Rome, en mai 1949.

1 D'après le texte français des A. A. S.. XXXXI, 1949, p. 283.

2 L'Union Internationale des Associations Patronales Catholiques a été constituée le 12 février 1931.

L'U. N. I. A. P. A. C. a pour but:

1. de servir de lien et d'entr'aide entre les Associations Patronales Catholiques qui, d'après leurs statuts, poursuivent le triple but suivant :

a) diffuser et faire prévaloir, dans la vie économique et sociale, les principes de la loi naturelle et chrétienne tels qu'ils sont contenus dans l'enseignement traditionnel de l'Eglise catholique ;

b) poursuivre l'établissement de l'entente entre les patrons et les employés, sur la base de ces principes ;

c) prendre à coeur les intérêts sociaux et professionnels de ses membres;

2. de défendre, entre associations ayant librement donné leur adhésion, les intérêts sociaux et professionnels internationaux qui ne peuvent être défendus ou suffisamment défendus par les organisations nationales;

3. de susciter dans tous les pays où elles n'existent pas encore, des associations patronales catholiques poursuivant les buts sus-indiqués.

Elle s'efforce d'atteindre ce but dans un esprit de pleine soumission aux directives du Saint-Siège.

Le comité de l'Union se compose de deux délégués de chacune des organisations affiliées.

Lors d'une audience qui leur fut accordée, Pie XII fit un discours important dont nous donnons ici le texte.

Le Pape se réjouit que des organisations catholiques, tant d'ouvriers que de patrons, cherchent à pénétrer la vie industrielle et la vie économique de principes chrétiens :

Avec une égale sollicitude, un égal intérêt, Nous voyons venir à Nous, tour à tour les ouvriers et les représentants des organisations industrielles ; les uns et les autres Nous exposent avec une confiance qui Nous touche profondément, leurs préoccupations respectives.

Aussi, en vous souhaitant de tout coeur la bienvenue, Nous saisissons volontiers, très chers fils, l'occasion que vous Nous offrez de vous exprimer Notre paternelle bienveillance et de louer votre zèle à faire pénétrer dans le monde de l'économie, la doctrine sociale chrétienne.

// faut tout d'abord chercher les moyens aptes à provoquer l'entente entre patrons et ouvriers : si aujourd'hui, trop souvent, les deux groupes s'opposent, ce n'est pas en vertu d'une nécessité permanente, mais uniquement à la suite de circonstances accidentelles : '

Nous venons de faire allusion aux préoccupations de ceux qui participent à la production industrielle. Erroné et funeste est, en ses conséquences, le préjugé, malheureusement trop répandu, qui voit en elles une opposition irréductible d'intérêts divergents.

De par la nature même des choses, tous ceux qui collaborent à une même oeuvre utile doivent y trouver une communauté d'intérêts.

Il est évident que les profits réalisés par les entreprises industrielles doivent être répartis équitablement entre tous ceux qui apportent leur part à la production :

Dans le domaine économique, il y a communauté d'intérêts et d'activités, entre chefs d'entreprises et ouvriers. Méconnaître ce lien réciproque, travailler à le briser, ne peut . être que le fait d'une prétention de despotisme aveugle et déraisonnable. Chefs d'entreprises et ouvriers ne sont pas antagonistes inconciliables, ils sont coopérateurs dans une oeuvre commune.

Et même au delà de l'entreprise, patrons et ouvriers sont tous solidaires de la prospérité de l'économie du pays, car toutes les fonctions, tous les genres de production sont en dernière analyse dépendants les uns des autres :

Ils mangent, pour ainsi dire, à la même table, puisqu'ils vivent en fin de compte, du bénéfice net et global de l'économie nationale.

Il ne faut pas considérer certaines tâches comme inférieures à d'autres ; les ouvriers ne sont pas au service du patronat et le patronat ne jouit pas d'une indépendance totale.

Au contraire, patrons et ouvriers sont ensemble au service du bien commun. C'est à ce titre que chacun a droit à une rémunération : le revenu du patron, le salaire de l'ouvrier.

Chacun touche son revenu, et sous ce rapport, leurs relations mutuelles ne mettent aucunement les uns au service des autres.

Etre rétribué pour son travail est non un signe de servitude, mais, au contraire, un acte parfaitement conforme à la dignité humaine. L'homme doit travailler et il doit par son travail gagner sa vie :

Toucher son revenu est un apanage de la dignité personnelle de quiconque, sous une forme ou sous une autre, comme patron ou comme ouvrier, prêter son concours productif au rendement de l'économie nationale.

Si, dans une entreprise, on peut considérer les salaires comme des frais qu'il faille réduire au minimum, dans Véconomie d'un pays les salaires ne sont jamais des frais, mais, au contraire, un gain pour la nation. Dans l'économie nationale, les seuls frais sont les matières premières utilisées pour la production :

Dans le bilan de l'industrie privée, la somme des salaires peut figurer à titre des frais de l'employeur. Mais dans l'économie nationale, il n'est qu'une sorte de frais qui consistent dans les biens matériels utilisés en vue de la production nationale et qu'il faut, par conséquent, sans cesse suppléer.

On voit donc que tous oni intérêt à diminuer le coût des matières premières et la quantité qu'on en utilise ou, au moins, qu'il y ait toujours un meilleur rendement industriel :

Il s'ensuit, que, des deux côtés, on a intérêt à voir les dépenses de la production nationale proportionnelles à son rendement.

Si tel est l'intérêt de tous, il faut organiser la vie industrielle conformément à cet intérêt commun. Il faudrait, en particulier, que patrons et ouvriers prennent leur part de responsabilité et d'autorité dans la politique économique du pays :

Mais dès lors que l'intérêt est commun, pourquoi ne pourrait-il pas se traduire dans une expression commune ? Pourquoi ne serait-il pas légitime d'attribuer aux ouvriers une juste part de responsabilité dans la constitution et le développement de l'économie nationale ?

Et d'une manière toute particulière, a l'heure actuelle où l'économie est en crise, il faut faire appel à tous pour lui rendre la santé :

Aujourd'hui surtout que la pénurie des capitaux ; les difficultés des échanges internationaux paralysent le libre jeu des dépenses de la production nationale.

Dans plusieurs pays on a cru trouver une solution en décrétant la socialisation des industries de base ; Vexpérience prouve que cette mesure ne résout rien :

Les récents essais de socialisation n'ont fait que mettre en plus claire évidence cette pénible réalité.

La crise économique actuelle n'est pas le fait de quelques volontés particulières ; le remède n'est pas à chercher dans la volonté de quelques-uns 1 :

Elle est un fait : ni la mauvaise volonté des uns ne 1 a créée, ni la bonne volonté des autres ne réussira à l'éliminer.

1 Ce n'est donc pas par des mesures individualistes qu'on résoudra les problèmes d'aujourd'hui. Il ne faut pas non plus attendre toute la solution d'une réforme des moeurs... celle-ci est indispensable, mais elle est stérile sans une réforme parallèle : la réforme des institutions.


ASSOCIATIONS PATRONALES CATHOLIQUES

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C'est une question de régime et de structure. Le régime actuel engendre les crises ; il faut donc de toute urgence instaurer un régime nouveau d'où devra naître l'ordre économique 1 :

Mais alors, pourquoi quand il en est encore temps, ne pas mettre les choses au point, dans la pleine conscience de la commune responsabilité, en sorte d'assurer les uns contre d'injustes défiances, les autres contre des illusions qui ne tarderaient pas à devenir un péril social 2.

Ce régime nouveau est traditionnellement préconisé par l'Eglise, il se nomme « l'organisation professionnelle » :

Cette communauté d'intérêt et de responsabilité dans l'oeuvre de l'économie nationale, Notre inoubliable prédécesseur Pie XI en avait suggéré la formule concrète et opportune lorsque, dans son Encyclique Quadragesimo Anno, il recommandait « l'organisation professionnelle » dans les diverses branches de la production.

Il faut donc que les professions s'organisent en corps autonomes et reçoivent de l'Elat une reconnaissance légale :

Rien, en effet, ne lui semblait plus propre à triompher du libéralisme économique que l'établissement, pour l'économie sociale, d'un statut de droit public fondé précisément sur la communauté de responsabilité entre tous ceux qui prennent part à la production.

Des oppositions violentes ont surgi contre ce point du programme de la doctrine sociale de l'Eglise : on a accusé l'Eglise de favoriser les thèses mises en avant par les Etats totalitaires qui

1 Le régime qui est désigné ici comme source de désordre est le capitalisme : celui-ci, en effet, refuse de reconnaître qu'il y ait des intérêts communs ; il est entièrement conçu au profit des intérêts du capital.

2 II est temps, dit le Pape, de créer un régime nouveau, sinon on continuera à se débattre dans des conflits. Il faut que cessent, du côté patronal, des mouvements de méfiance qui écartent le monde ouvrier d'une place qu'il a le droit d'occuper dans l'économie du pays ; il faut que cessent, du côté ouvrier, ces illusions par lesquelles certains s'imaginent pouvoir un jour diriger l'économie d'un pays sans devoir faire appel à des patrons.

créaient un ordre corporatif, ou encore de revenir à une société médiévale étriquée et figée en restaurant les corporations :

Ce point de l'Encyclique fut l'objet d'une levée de boucliers ; les uns y voyaient une concession aux courants politiques modernes, les autres, un retour au Moyen Age.

Il s'agissait là d'une vue superficielle des choses. Ces critiques étaient vaines. Il faut, au contraire, se mettre résolument au travail pour poser les bases d'un nouveau régime économique, social et professionnel :

11 eût été incomparablement plus sage de déposer les vieux préjugés inconsistants et de se mettre de bonne foi, et de bon coeur à la réalisation de la chose elle-même et de ses multiples applications pratiques.

De fait, on n'a pas suivi les directives données par l'Eglise :

Mais à présent, cette partie de l'Encyclique semble malheureusement nous fournir un exemple de ces occasions opportunes qu'on laisse échapper faute de les saisir à temps.

Aujourd'hui, devant les nécessités d'une économie désorganisée, on ne fait pas appel aux intéressés eux-mêmes pour résoudre les difficultés, mais on fait appel à l'Etat :

Après coup on s'évertue à élaborer d'autres formes d'organisation juridique publique de l'économie sociale et, pour le moment, la faveur va de préférence à l'étatisation ou à la nationalisation des entreprises.

L'Eglise, de son côté, admet que, dans certains cas bien précis, la nationalisation des industries puisse être une solution :

Il n'est pas douteux que l'Eglise aussi — dans certaines limites — admet l'étatisation et juge que « l'on peut légitimement réserver aux pouvoirs publics certaines catégories de biens, ceux-là qui présentent une telle puissance qu'on ne saurait, sans mettre en péril le bien commun, les abandonner aux mains des particuliers » (Encyclique Quadragesimo Anno, A. A. S., 23, 1931, p. 214).

Mais les nationalisations généralisées ne sont pas une solution heureuse, car elles attribuent à l'Etat une mission qu'il n'a pas. En effet, il ne reoient pas à l'Etat d'organiser lui-même Véconomie et la production :

Mais faire de cette étatisation comme la règle normale de l'organisation publique de l'économie serait renverser l'ordre des choses. La mission du droit public est, en effet, de servir le droit privé, non de l'absorber. L'économie — pas plus d'ailleurs qu'aucune autre branche de l'activité humaine — n'est de sa nature une institution d'Etat ; elle est, à l'inverse, le produit vivant de la libre initiative des individus et de leurs groupements librement constitués.

UEconomie Nationale doit nécessairement être gérée par des institutions où tous ceux qui collaborent, patrons et ouvriers, ont leur mot à dire ; si chaque profession doit constituer un corps reconnu par l'Etat et être composée de membres assumant les différentes fonctions qui constituent la profession, il ne faut pas conclure que toute entreprise doive nécessairement mettre en commun tout ce qui la constitue : capitaux, matières premières, outillage, bâtiments, etc..

On ne serait pas non plus dans le vrai en voulant affirmer que toute entreprise particulière est par sa nature une Société, de manière que les rapports entre participants y soient déterminés par les règles de la justice distributive, en sorte que tous indistinctement — propriétaires ou non des moyens de production — auraient droit à leur part de la propriété ou tout au moins des bénéfices de l'entreprise.

/I ne faut pas que l'Etat impose ce type uniforme d'entreprises :

Une telle conception part de l'hypothèse que toute entreprise rentre par nature dans la sphère du droit public.

Il faut, au contraire, laisser ici jouer la liberté. On doit admettre plusieurs hypothèses :

a) qu'une entreprise soit de fait possédée en commun par l'ensemble des travailleurs ;

h) qu'une entreprise demeure la propriété privée d'un particulier.

C'est le droit privé qui doit continuer à régler la vie des entreprises privées :

Hypothèse inexacte : que l'entreprise soit constituée sous forme de fondation ou d'association de tous les ouvriers comme copropriétaires, ou bien qu'elle soit propriété privée, d'un individu qui signe avec tous ses ouvriers un contrat de travail, dans un cas comme dans l'autre, elle relève de l'ordre juridique privé de la vie économique.

De même en ce qui concerne l'autorité dans l'entreprise, il faut nécessairement confier celle-ci à celui qui a la propriété :

Tout ce que Nous venons de dire s'applique à la nature juridique de l'entreprise comme telle ; mais l'entreprise peut comporter encore toute une catégorie d'autres rapports personnels entre participants, dont il faut aussi tenir compte, même des rapports de commune responsabilité. Le propriétaire des moyens de production, quel qu'il soit — propriétaire particulier, association d'ouvriers, ou fondation — doit, toujours dans les limites du droit public de l'économie rester maître de ses décisions économiques.

De plus, celui qui jouit de l'autorité a droit à une rémunération plus importante que les autres :

Il va de soi que son revenu est plus élevé que celui de ses collaborateurs.

Mais la tâche de celui qui a l'autorité est d'organiser l'entreprise de manière à favoriser le bien commun. En particulier, il doit permettre à tous ceux qui travaillent dans Y entreprise d'épargner afin que le bien de tous puisse croître :

Mais il s'ensuit que la prospérité matérielle de tous les membres du peuple, qui est le but de l'économie sociale, lui impose, à lui, plus qu'aux autres l'obligation de contribuer par l'épargne à l'accroissement du capital national.

La richesse d'un pays est d'autant mieux établie qu'elle est constituée par l'apport d'un grand nombre. C'est donc Y ensemble du monde ouvrier qui doit pouvoir apporter sa part de biens à la richesse de la nation. Ce qui n'est possible que si la rémunération des travailleurs permet cet effort :

Comme il ne faut pas d'autre part perdre de vue qu'il est souverainement avantageux à une saine économie sociale que cet accroissement du capital provienne de sources aussi nombreuses que possible, il est par conséquent désirable que les ouvriers puissent aussi, du fruit de leur épargne participer à la constitution du capital national.

On se rend de plus en plus compte aujourd'hui que la doctrine sociale de l'Eglise apporte au monde en crise des solutions de salut :

Nombre d'hommes, industriels comme vous, catholiques, et non catholiques aussi, ont, en maintes circonstances, expressément déclaré que la doctrine sociale de l'Eglise — et elle seule — est en mesure de fournir les éléments essentiels pour une solution de la question sociale.

Mais la doctrine en elle-même demeure sans effet pratique : il s'agit par des actes de la traduire dans des réalisations :

Assurément la mise en oeuvre et l'application de cette doctrine ne peuvent être l'ouvrage d'un jour. Sa réalisation exige de tous les participants une sagesse clairvoyante et prévoyante, une forte dose de bon sens et de bon vouloir.

En particulier, l'application de la doctrine sociale de l'Eglise exige que patrons et ouvriers cessent de poursuivre leurs intérêts propres sans tenir compte du bien de tous :

Elle réclame d'eux surtout une réaction radicale contre la tentation de chercher chacun son propre avantage aux dépens des autres participants — quelles que soient la nature et la forme de leur participation — et au détriment du bien commun.

Le Saint-Père déclare qu'une telle attitude exige de la vertu et le support de la grâce divine :

Elle requiert enfin un désintéressement que, seule une authentique vertu chrétienne, soutenue par l'aide de la grâce de Dieu, peut inspirer.

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ASSOCIATIONS PATRONALES CATHOLIQUES

Le Pape souhaite que partout on s'inspire de la doctrine de l'Eglise pour diriger l'action sociale :

C est pour attirer cette aide et cette grâce sur votre Union, sur son développement interne et sur son rayonnement au dehors, particulièrement dans les pays qui, tout catholiques qu'ils sont, ont pourtant besoin de s'ouvrir plus largement à la pensée sociale de l'Eglise, que Nous vous donnons, dans toute l'effusion de Notre coeur, à vous tous , et à votre Association, sous le puissant patronage de la Mère du divin Amour Notre Bénédiction Apostolique 1.

1 Le Bureau de l'U. N. I. A. P. A. C, qui est chargé de la gestion journalière, a son siège à La Haye, Raamweg, 32 (Pays-Bas). Il est composé de:

M. Charles Harmel, Président.

M. P. Kelly, Vice-Président.

M. P.-J. Spoorenberg, Vice-Président.

M. Ed. A. Fourmond, Secrétaire.

Dr. A. H. M. Albregts, Secrétaire Administratif. Les Associations suivantes sont affiliées à l'U. N. I. A. P. A. C. : Angleterre : Catholic Industrialists Conférence, Oxford. Belgique : Fédération des Patrons Catholiques de Belgique, Bruxelles. Canada : Association Professionnelle des Industriels, Montréal. France : Centre Français du Patronat Chrétien, Paris. Italie : Unione Christiana Imprenditori Dirigenti, Rome. Pays-Bas : Algemene Katholieke Werkgeversvereniging, La Haye. Allemagne Occidentale : Bund Katholischer Unternehmer.


Pie XII 1949 - MESSAGE DE PAQUES TÉLÉVISÉ PAR LA RADIO-DIFFUSION FRANÇAISE