Pie XII 1949




DOCUMENTS PONTIFICAUX

de Sa Sainteté PIE XII

« Nous aimons ce temps, nous l'embrassons comme la vraie Croix que le Seigneur nous a destinée de toute éternité ».

Pie XII

Discours lors de l'inauguration du monument de Pie XI 19 décembre 1949.


DOCUMENTS PONTIFICAUX

de Sa Sainteté Pie XII 1949

RÉUNIS ET PRÉSENTÉS

par

R. KOTHEN

Éditions Labergerie Éditions Warny

17, rue Cujas *> rue Vésale


PARIS LOUVAIN

Imprimatur Malines, 6 janvier 1951

t L. Suenens, Vie. Gén.

LETTRE PRÉFACE de Son Eminence le Cardinal Joseph Ernest van Roey Archevêque de Malines

Monsieur l'Abbé,

Notre Saint Père le Pape Pie XII exerce son suprême magistère avec une ampleur et un zèle apostolique incomparables. Tous les jours, sous les formes les plus variées, par de solennelles encycliques, par des messages radiophoniques, par des lettres et des exhortations, par des discours et des allocutions, son lumineux enseignement s'adresse aux peuples et à leurs dirigeants, aux grands et aux petits, à toutes les classes sociales. Dans les audiences collectives qu'il ne cesse d'accorder à d'innombrables pèlerins ou visiteurs, il fait entendre sa parole, toujours éloquente, riche de doctrine, variée et pleine d'à-propos, aux savants comme aux humbles, abordant tous les sujets de la foi et de la morale, traçant clairement leurs devoirs à tous et à chacun, aux patrons et aux ouvriers, aux juristes, aux médecins, aux économistes, aux cultivateurs, aux époux et aux parents, à tous les états et à toutes les professions.

L'Année Sainte, qui vient de terminer à Rome son cours triomphal, a mis en un relief saisissant l'exceptionnelle importance et le bienfait unique du splendide magistère exercé par le Souverain Pontife dans le monde actuel d'une manière vraiment providentielle. Jamais le contact entre le Pasteur Suprême et les fidèles n'a été plus général, plus direct, plus filial. Il se fait que le monde a besoin plus que jamais de lumière et de vérité, et il se tourne vers le Successeur de Pierre pour entendre les paroles de la vie éternelle.

Votre recueil de « Documents Pontificaux 1949 » répond à ce besoin. Les paroles de l'Autorité suprême si riches de substance, si proches de la vie, si entraînantes par leur souffle apostolique et leur élégance littéraire, méritent d'être lues et relues par les prêtres et les fidèles. En groupant ces textes, vous rendez ces trésors accessibles à tous.

Nous souhaitons à ce volume, qui fait suite aux « Documents Pontificaux 1948 », la plus large audience, et Nous vous félicitons pour le soin et la piété filiale avec lesquels vous avez accompli votre travail très méritant.

f /. E. Card. van Roey, Archevêque de Malines.

Malines, le /or février 1951.


INTRODUCTION

En 1949 le Pape Pie XII n'a cessé de parler clairement et vigoureusement au monde. Il s'adresse aux jeunes (cf. W, 21, 30, 105) et aux peuples de tous les pays (cf. 20, 41, 55 , 72, 84, 85, 118, 126). Il parle aux Evêques (cf. 3, 83, 100) et au clergé (cf. 4, 24, 35). Il fait appel aux femmes (cf. 73) et aux malades (cf. 113). Il donne des directives aux ouvriers (cf. 23 , 28, 45, 88), aux patrons (cf. 37), aux juristes (cf. 106, 111), aux médecins (cf. 51, 95), aux parlementaires (cf. 6, 97, 101, 114, 116), aux commerçants (cf. 104), aux ruraux (cf. 79), aux corps enseignants (cf. 52, 86, 94), etc..

En toute vérité on peut dire plus que jamais : « Rome est par dessein de la divine Providence le phare toujours resplendissant de la foi au Christ et le centre de l'unité visible de l'Eglise, le siège du suprême magistère des âmes » 1.

Sans vouloir dresser ici le bilan complet de l'enseignement de l'Eglise en 1949, on peut cependant en dégager quelques idées maîtresses.

I. Pie XII montre sans cesse la nécessité pour tous les chrétiens de pénétrer de leur foi et de leur amour le courant impétueux de la vie afin de le sanctifier.

« Les membres de l'Eglise... doivent imprégner du levain de la foi et de l'action chrétiennes toute la vie privée et publique » 2.

Car de fait nous vivons un moment de l'histoire qui est caractérisé par son évolution rapide, « évolution qu'il conviendrait plutôt d'appeler complet bouleversement » 3.

1 Discours aux Juristes Catholiques Italiens, 6 novembre 1949 (106).

2 Discours aux Délégués du Mouvement Ouvrier Chrétien de Belgique, 11 septembre 1949 (88).

a Discours à l'Association de l'Action Catholique Féminine Italienne, 24 juillet 1949 (73).

Il s'<xgit pour tout chrétien de « répondre aux besoins urgents du temps » l.

En cette « période qui est un tournant dans l'histoire du monde » 2, il faut « se rendre capable selon ses forces de répondre aux besoins actuels, en entreprenant hardiment toutes les formes d'apostolat qu'une nouvelle époque aura introduite » 3.

Devant un auditoire de prêtres, le Saint-Père marque nettement la position d'équilibre que tous doivent tenir entre :

— les excès de zèle en faveur des nouveautés,

— la routine qui enlise dans les chemins battus.

« Ils sont dans l'erreur ceux qui, poussés par un désir puéril et immodéré de nouveauté, lèsent par leurs doctrines, par leurs actes, par leur agitation, l'immutabilité de l'Eglise ».

Par contre se trompent aussi « ceux qui chercheraient sciemment ou non à raidir l'Eglise dans une stérile immobilité ».

Et le Pape dégage de cette constatation un principe général de vie chrétienne : « L'Eglise, Corps mystique du Christ, est comme les hommes qui la composent un organisme vivant, substantiellement toujours égal à lui-même ; et Pierre reconnaîtrait dans l'Eglise catholique romaine du XXe siècle cette première société des croyants auxquels il s'adressait le jour de la Pentecôte. Mais le corps vivant croît et se développe, tend à la maturité. Le Corps mystique du Christ, à l'instar des membres physiques qui le constituent, ne vit pas et ne se meut pas dans l'abstrait, en dehors des conditions constamment changeantes de temps et de lieu ; il n'est ni ne peut être séparé du monde qui l'entoure, il est toujours de son siècle, il avance avec lui, jour après jour, d'heure en heure, en adaptant continuellement ses manières et ses attitudes à celles de la société au milieu de laquelle il doit agir » *.

Le Pape demande toutefois qu'on ne méprise jamais les formes ordinaires et traditionnelles de l'apostolat, celles-ci demeureront

' Homélie lors de la Canonisation de Sainte Jeanne de Lestonnac, 15 mai 1949 (42).

2 Lettre à S. E. le Cardinal Faulhaber, Archevêque de Munich, 20 février 1949 (19).

s Lettre au R. P. Sylvestre Juergens, 30 juin 1949 (61).

4 Discours aux Professeurs et Elèves du Séminaire pontifical d'Anagni, 29 avril 1949 (35).

toujours indispensables. « Le ministère ordinaire reste toujours l'élément principal et fondamental de Vapostolat n 1.

II. Au cours de 1949 l'Eglise est demeurée dans de nombreux pays soumise à une violente persécution. En Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Roumanie, des mesures draconiennes ont été prises contre l'Eglise catholique.

A Budapest en particulier, S. E. le Cardinal Mindszenty était injustement condamné par des tribunaux obéissant aux ordres de Moscou. A ce sujet le Pape disait : « Nous voyons dans ce prélat si méritant, le respect sacré dû à la religion et la dignité humaine elle-même gravement offensé » 2.

En une autre circonstance le Pape déclarait : « Nous réprouvons avec douleur cet événement plein de tristesse et Nous le soumettons en quelque sorte au jugement de l'opinion publique et au tribunal de l'histoire elle-même » 3.

Durant cette année dans la plupart des pays soumis à l'influence soviétique, des jugements iniques étaient prononcés, et le Saint-Père disait : « Les circonstances présentes offrent — non certes partout, mais sur bien des points — le spectacle d'une crise dans l'administration de la justice, dépassant les déficiences habituelles de la conscience morale des chrétiens » *.

Toutefois ces événements douloureux sont en quelque sorte le lot permanent de la vie de l'Eglise ; néanmoins ceux de cette année semblent atteindre un paroxysme : « La lutte entre les bons et les méchants dont la conduite et les actions entremêlées constituent toujours l'histoire du genre humain, rarement et peut-être jamais n'est devenue aussi violente qu'à notre époque » 5.

Cependant la barque de Pierre demeure ferme au milieu des secousses les plus violentes : « Rarement peut-être l'Eglise s'est sentie aussi tranquille et aussi sereine » 6.

III. Devant l'incertitude qui continue à régner concernant le

1 Allocution aux Curés et Prédicateurs de Carême de Rome, 23 mars 1949 (24).

3 Lettre à l'Episcopat de Hongrie, 2 janvier 1949 (3).

* Allocution au Consistoire, 14 février 1949 (17).

4 Discours aux Membres de la Rote, 13 novembre 1949 (111).

5 Exhortation Apostolique, II février 1949 (14).

* Discours à S. Exc. M. Felipe Portocarrero, Ambassadeur du Pérou, 17 août 1949 (80).

sort futur des Lieux Saints, le Pape ne cesse de réclamer pour ceux-ci un statut international. « Il est tout à fait opportun de donner à Jérusalem et à ses environs, où se trouvent les vénérables souvenirs de la vie et de la mort du Sauveur, un régime établi et garanti par le droit international, régime qui dans les circonstances présentes paraît assurer d'une façon plus convenable et plus appropriée la protection de ces souvenirs sacrés » 1.

IV. Enfin l'année 1949 a été marquée par les préparatifs de l'Année Sainte de 1950 et Pie XII a précisé en de multiples occasions le sens profond de ce Jubilé.

« Le but primordial de l'Année Sainte que Nous avons proclamée... est d'obtenir que tous conforment leur vie et leurs moeurs aux enseignements de l'Eglise... Que Notre-Seigneur si miséricordieux fasse naître, pendant l'Année Sainte, pour toute la grande famille humaine, une ère nouvelle, plus juste, plus sainte, plus heureuse, et qu'il nous accorde finalement que toutes les nations, blessées et dispersées par le péché, se réunissent de nouveau sous son doux commandement » 2.

1 Encyclique Redemptoris Nostri, 15 avril 1949 (31). a Allocution au Consistoire, 12 décembre 1949 (119).


PRIÈRE POUR L'ANNÉE SAINTE

(25 décembre 1948) 1

Selon la tradition, l'année 1950 sera déclarée une année sainte. Aussi, dès cette année 1949, une série de documents pontificaux seront publiés en vue de la préparer.

Qu'est-ce qu'une Année Sainte ?

Il faut remonter jusqu'à l'histoire juive pour découvrir l'origine de cette institution.

Nous trouvons, en effet, écrit dans le Livre Lévitique, ce que, sur la montagne du Sinaï, Dieu dit à Moïse :

Vous compterez... sept fois sept qui font quarante-neuf. Et, au dixième jour du septième mois, vous ferez sonner de la trompette 2 dans tout le pays.

Vous sanctifierez la cinquantième année et vous publierez la liberté pour tous les habitants du pays, parce que c'est le jubilé. Tout homme rentrera dans le bien qu'il possédait et chacun retournera à sa famille d'origine. Parce que c'est le jubilé, la cinquantième année.

Vous ne sèmerez point et Vous ne moissonnerez point ce que la terre aura produit d'elle-même (Lévitique XXV, 8-11).

De fait l'Année Sainte devait être :

1° un souvenir de la libération du peuple de la servitude d'Egypte, celle-ci étant l'image de la libération de l'humanité de Vesclavage du démon par la rédemption du Christ. L'année jubilaire est une année « de retour et de pardon » 3 ;

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 187.

2 En hébreu, trompette ou corne de bélier, se dit yobel, d'où est venu le nom de jubilé.

3 C'est pourquoi l'Eglise décrète des indulgences spéciales durant l'Année Sainte.

2° un moment de pénitence ; les fêtes jubilaires débutaient le jour de l'Expiation ;

3° une année de joie dans l'action de grâces pour le bienfait de la libération ;

4° une réparation des injustices et le rétablissement d'un ordre social juste ;

5° un temps sacré : on cesse le travail profane pour, pendant tout un an, au milieu des cérémonies religieuses, replacer tout son être et tous ses biens sous le souverain domaine de Dieu ;

6° une figure de l'éternité : l'année jubilaire n'est pas seulement un souvenir du passé, mais aussi une préparation de l'avenir. On tente, durant cette année, de vivre ici-bas le plus possible comme on vivra au ciel, car l'éternité sera le jubilé parfait et définitif.

En l'an 1300, en un moment particulièrement troublé de l'Histoire de l'Eglise, le Pape Boniface VIII (1217-1303), dans une Bulle Papale, Antiquorum habet du 22 février 1300, déclarait cette année jubilaire. Désormais chaque dernière année de chaque siècle serait une année de pardon universel.

Cette année 1300 vit plus de 200.000 pèlerins se rendre au tombeau des saints Apôtres Pierre et Paul.

Clément VI (Pape de 1342 à 1352), dans sa Bulle Unigenitus Dei Filius du 27 juin 1343, déclare que, désormais, l'Année Sainte aura lieu tous les cinquante ans, afin de se conformer à ce qui était déjà prescrit dans l'Ancien Testament.

Le Pape Paul II (1418-1471), dans la Bulle Ineffabilis Providentia du 19 avril 1470, décidait que l'Année Sainte serait célébrée tous les vingt-cinq ans afin que tout homme ait l'occasion dans sa vie de bénéficier de ses avantages spirituels.

C'est ainsi que le XXIIe fubilé eut lieu en 1900, le XXIIIe en 1925 et que Pie XI décréta, en 1933, un jubilé extraordinaire pour commémorer le dix-neuvième centenaire de la Rédemption du Christ (Bulle Quod nuper, 6 janvier 1933).

Dès le 2 juin 1948, Pie XII déclarait dans une Allocution adressée au Sacré-Collège 1 :

PZus le monde met en face des yeux des fidèles le spectacle désolant des dissensions et des contradictions, plus

1 Cf. Documents Pontificaux 1948, p. 218.

pressant est le devoir des catholiques de donner un lumineux exemple d'unité et de cohésion, sans distinction de langues, de peuples et d'origines.

A la lumière de cet idéal de concorde, Nous accueillons avec reconnaissance envers Dieu et avec confiance dans son assistance l'approche de l'Année Sainte. On a pu, à certains moments, se demander si la Ville Eternelle aurait été matériellement et spirituellement en état d'assurer à un événement d'aussi grande portée un cadre digne de lui.

Mais l'énergie, la grandeur d'âme, le sentiment fort de l'ordre dans la justice et dans la paix qui animent le peuple de Rome et de l'Italie, ont produit sur le monde catholique une si profonde impression qu'ils ont dissipé tout doute et ôté son fondement à toute sorte de crainte.

Aussi est-ce avec une joie profonde et une douce émotion que Nous vous donnons, Vénérables Frères, ainsi qu'à tout l'univers catholique, l'annonce, qu'en 1950, la célébration de la 25e Année Sainte dans l'Histoire de l'Eglise aura lieu, s'il plaît à Dieu, selon les formes consacrées par la vénérable tradition.

Après les tristes temps qui viennent de s'écouler, remplis jusqu'au bord du calice de douleurs et d'angoisses, puisse cette Année vraiment sainte, avec la grâce du Tout-Puissant, par l'intercession de l'Auguste Mère de Dieu, des princes des apôtres et de tous les saints, être Vannonciatrice — pour la famille humaine — d'une nouvelle ère de paix, de prospérité, de progrès ! Tel est Notre voeu le plus cher, l'objet de Nos plus ferventes supplications.

Que les jours de l'Année Sainte apportent la réponse du ciel à la prière que, comme d'un seul coeur, Pasteur et troupeau, Rome et l'univers élèvent vers Dieu : « Laetifica nos pro diebus quibus nos afflixisti, pro annis quibus vidimus mala » — Réjouissons-nous pour les jours durant lesquels tu nous as affligés, pour les années durant lesquelles nous avons éprouvé le malheur (Ps. LXXXIX, 15).

En cette fin d'année 1948, le Souverain Pontife composa et récita la prière suivante afin qu'avec lui les fidèles du monde entier s'unissent dans un fervent appel adressé à Dieu :

Dieu Tout-Puissant et Eternel, de toute notre âme nous vous remercions du grand don de l'Année Sainte.

O Père céleste, qui voyez tout, qui scrutez et régissez les coeurs des hommes, rendez-les dociles, en ce temps de grâces et de salut, à la voix de votre Fils.

Que l'Année Sainte soit pour tous une année de purification et de sanctification, de vie intérieure et de réparation, l'année du grand retour et du grand pardon.

Donnez à ceux qui souffrent persécution pour la foi votre esprit de force, pour les unir indissolublement au Christ et à son Eglise.

Protégez, ô Seigneur, le Vicaire de votre Fils sur la terre, les évêques, les prêtres, les religieux, les fidèles. Faites que tous, prêtres et laïques, adolescents, adultes et vieillards forment, en étroite union d'esprit et de coeur, un roc inébranlable contre lequel se brise la fureur de vos ennemis.

Que Votre grâce excite en tous les hommes l'amour pour tant de malheureux que la pauvreté et la misère réduisent à des conditions de vie indignes d'êtres humains.

Avivez, dans les âmes de ceux qui vous appellent du nom de Père la faim et la soif de la justice sociale et de la charité fraternelle dans les oeuvres et dans la vérité.

« Donnez, Seigneur, la paix à notre temps », paix aux âmes, paix aux familles, paix entre les nations. Que l'arc-en-ciel de la pacification abrite sous la courbe de sa lumière sereine la terre sanctifiée par la vie et par la Passion de votre divin Fils.

Dieu de consolation ! Profonde est notre misère, lourdes sont nos fautes, innombrables nos besoins ; mais plus grande encore est notre confiance en vous. Conscients de notre indignité, nous mettons filialement notre sort entre vos mains, unissant nos faibles prières à l'intercession et aux mérites de la très glorieuse Vierge Marie et de tous les Saints.

Donnez aux infirmes la résignation et la santé, aux jeunes gens la force de la foi, aux jeunes filles la pureté, aux pères de famille la prospérité et la sainteté du foyer, aux mères l'accomplissement de leur mission éducatrice, aux orphelins une affectueuse tutelle, aux réfugiés et aux prisonniers leur patrie, à tous votre grâce, en réparation et comme gage de l'éternelle félicité dans le ciel. Ainsi soit-il.


ALLOCUTION AU SYNDIC DE ROME ET A SON CONSEIL

<1 janvier 1949) 1

Répondant aux voeux qu'est Venu lui présenter la municipalité de Rome, le Saint-Père dit :

De grand coeur Nous vous remercions, Monsieur le Syndic 2, et vous Messieurs les Assesseurs qui, avec lui, vous acquittez de l'administration de la chose publique à Rome, pour les souhaits respectueux de nouvel an qu'avec une exquise courtoisie vous êtes venus Nous offrir.

A ces souhaits Nous répondons avec une non moindre effusion par nos voeux pour vous qui, bien qu'au sein de multiples difficultés et oppositions, vous consacrez avec tant de zèle au travail si ardu de la reconstruction et du retour progressif à une activité administrative et économique normale, en vous inspirant des millénaires et glorieuses traditions religieuses et civiles de la Ville.

Nous n'ignorons pas que déceptions et difficultés sont souvent l'apanage des entreprises généreuses. Mais, loin de vous laisser décourager, vous redoublez votre ardeur et votre ingéniosité pour le bien public et spécialement pour venir au secours de tous ceux qui, dans cette grande Métropole, souffrent les tourments de la misère.

Une des figures les plus élevées de la Rome antique (malgré ses jugements erronés à l'égard des chrétiens), l'empereur Marc-Aurèle, dont la statue équestre domine votre colline du Capitale, laissa dans ses Pensées (xû)V sic. lavxtov Ad Seipsum, 1. VII, n. 7) quelques paroles profondes que

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano des 3 et 4 janvier 1949.

2 Le syndic de Rome est M. Salvatore Rebecchini.

nous pouvons considérer non moins comme un portrait de lui-même qu'une consigne : « Hoc uno te oblecta, in eoque acquiesce ut ab una quae communitatem juvet, actione, ad alteram transeas, numinis memor — Que ce soit ta joie et ton réconfort de passer d'une oeuvre sociale à l'autre en pensant à Dieu ». Ce n'est sans doute que l'écho du commandement nouveau apporté par le Christ au monde : Aimez-vous les uns les autres, comme moi je vous ai aimés (cf. Jean XIII, 34),

Puisse cet amour qui sème le bien et le dispense dans la joie sereine du coeur, unir de liens indissolubles tous les fils de Rome, les administrateurs et les administrés, ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, en les rapprochant tous de Dieu ! Tel est Notre voeu le plus cher et l'objet de Nos prières et de Notre paternelle bénédiction apostolique que Nous voulons étendre encore à vos familles, aux personnes et aux choses que vous avez dans l'esprit et dans le coeur, et à tout le peuple romain représenté par vous.


LETTRE A L'ÉPISCOPAT DE HONGRIE '

(2 janvier 1949) 1

Les derniers jours de 1948 ont vu la persécution de l'Eglise hongroise atteindre son paroxysme. En effet, le 26 décembre, Son Eminence le Cardinal Mindszenty, archevêque d'Esztergom et primat de Hongrie, était incarcéré. C était le terme d'un conflit douloureux entre l'Eglise et le nouvel Etat hongrois.

Déjà sous Voccupation nazie de la Hongrie, l'Eglise, en la personne de son Primat le Cardinal Justinien Seredi, avait opposé une résistance farouche aux décisions d'un régime totalitaire. Son Excellence Mgr Mindszenty, alors évêque de Verzprem, avait, lui aussi, pris une attitude énergique vis-à-vis du pouvoir occupant ; c'est pour cette raison que les Allemands l'emprisonnèrent. Il fut délivré au début de 1945 lors de l'arrivée des troupes soviétiques libérant la Hongrie du joug nazi.

Mgr Mindszenty était élu archevêque d'Esztergom le 2 octobre 1945 et créé cardinal le 18 février 1946.

Le gouvernement hongrois, de plus en plus dominé par l'influence soviétique, prit une série de mesures que l'Eglise ne pouvait approuver, notamment la nationalisation des écoles ; de plus il menait une propagande ouverte contre le catholicisme.

Son Em. Mgr Mindszenty émit de violentes protestations pour affirmer la vérité et les exigences du christianisme en matière d'enseignement. Le Cardinal fut dénoncé comme un agent réactionnaire.

Il en résulta une persécution sournoise et tenace 2 ; celle-ci mena finalement le Cardinal en prison sous Yinculpation : 1° d'avoir dirigé une organisation visant à renverser le régime démocratique ; 2° d'avoir trafiqué des devises ; 3° d'être fauteur de haute trahison.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 29; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVI, c. 267.

2 On lira : Livre Blanc. Documents publiés sur la demande du Cardinal Mindszenty (Ed. Amiot-Dumont, Paris, 1949).

De son côté, Pie XII avait manifesté à plusieurs reprises sa sympathie et ses encouragements envers les catholiques de Hongrie 1, et, lors de l'arrestation du Cardinal Mindszenty, un décret de la S. Congrégation Consistoriale avait excommunié tous ceux qui y avaient apporté leur collaboration 2.

De même, dans son Message radiophonique du 24 décembre 1948, le Pape disait :

Il s'est trouvé et se trouve toujours des milliers de braves qui, impassibles au milieu des sacrifices, des proscriptions et des supplices, intrépides en face des chaînes et de la mort, ne fléchissent pas le genou devant le Baal de la puissance et de la force (Reg. III, 19).

C'est pour Nous un devoir de glorifier ces hommes fidèles et forts, ces infatigables et valeureux ; ces hommes élus et bénis de Dieu 3.

En ce jour, le Saint-Père écrit aux Evêques de Hongrie la lettre suivante :

A la nouvelle que Notre cher Fils le cardinal Joseph Mindszenty, archevêque d'Esztergom ou Strogonie, a été témérairement et impudemment éloigné de son Siège et conduit en prison, Nous avons été frappé d une profonde douleur, car Nous voyons, dans ce prélat si méritant, le respect sacré dû à la religion et la dignité humaine elle-même gravement offensé.

La conscience de l'accomplissement de Notre devoir demande par conséquent que Nous déplorions publiquement en Nous en plaignant, ce crime contre les Droits de l'Eglise, crime qui remplit d'indignation et d'une tristesse souveraine, non pas seulement vos âmes, mais aussi tous les catholiques de Hongrie et du monde entier. Notre devoir demande également que Nous exprimions solennellement Notre plainte pour l'injure faite à l'Eglise.

1 Radiomessage aux Catholiques de Hongrie, le 30 mai 1948 (Cf. Documents Pontificaux 1948, p. 205).

s Décret de la S. Congrégation Consistoriale du 28 décembre 1948 (Cf. Documents Pontificaux 1948, p. 464).

3 Radiomessage au monde du 24 décembre 1948 (Cf. Documents Pontificaux 1948, p. 440).

Nous connaissons les mérites de cet excellent pasteur ; Nous connaissons la ténacité et la pureté de sa foi ; Nous connaissons la force apostolique qu'il a montrée dans la défense de l'intégrité de la doctrine chrétienne et dans la revendication des droits sacrés de la religion. Si, l'âme intrépide et forte, il se sentit obligé d'élever des protestations, en voyant que la liberté de l'Eglise était de plus en plus limitée et entravée de bien des manières, et surtout en voyant empêchés, au grand préjudice des fidèles, le magistère et le ministère ecclésiastiques, lesquels doivent s'exercer non seulement dans les églises, mais encore en plein air, dans les manifestations de foi, dans les écoles élémentaires et supérieures, par la presse, par les pieux pèlerinages aux sanctuaires et par les associations catholiques, cela n'est certainement pas pour lui un motif d'accusation ou de déshonneur, mais plutôt de louange, attendu qu'il accomplit ainsi sa fonction de pasteur vigilant.

Nous désirons donc, Vénérables Frères, partager vivement et paternellement votre peine et votre affliction ; Nous désirons aussi vous adresser au nom du Seigneur Notre exhortation afin que, ainsi que vous l'avez toujours fait, vous vouliez bien, tout particulièrement en cette grave occurrence, continuer à accomplir votre ministère pastoral avec une constante sollicitude, unis d'esprit, de coeur et d'action, vous souvenant toujours que pour la liberté de l'Eglise et pour ses droits sacro-saints il faut supporter non seulement fatigues et douleurs, mais encore, si c'est nécessaire, la perte de la vie.

Nous sommes certain que vous répondrez à Notre appel paternel par une activité spontanée et généreuse, et que la Hongrie catholique tout entière, qui Nous est si chère, dont la glorieuse histoire resplendit dans les annales de l'Eglise, saura rester toujours égale à elle-même, au milieu des difficultés et des dures contingences de l'heure actuelle, et donner par ailleurs, aux autres peuples, de splendides exemples de force chrétienne.

Nous savons bien quelle formidable tempête s'est abattue actuellement sur vous et sur le troupeau confié à vos soins ; mais Nous connaissons également votre zèle apostolique et Nous sommes certain de votre prudence pastorale comme aussi de la constante unité de vos intentions, de vos décisions, et de votre activité. Nous connaissons et approuvons pareillement votre fermeté indomptable qui, comptant uniquement sur Dieu et s'appuyant sur son aide, peut tout vaincre, peut tout surmonter. Unissant donc vos directives et mettant ensemble vos forces, allez de l'avant, ô vénérables Frères, armés de la force qui vient du ciel et qu'alimente la grâce divine. Ne vous laissez pas détourner par une fallacieuse apparence de vérité, par laquelle on a coutume de duper les esprits par des illusions ou des flatteries. Vos ancêtres qui, dans les temps passés, durent résister à toutes sortes d'erreurs et surmonter les plus âpres difficultés, vous enseignent clairement que la religion chrétienne peut être calomniée et combattue, mais qu'elle ne peut être vaincue !

Marchez confiants sur leurs traces ; que tout ce que demande l'intégrité de la foi, que tout ce qu'exigent dans la croyance et dans l'action les préceptes chrétiens, soit l'objet de votre attentive préoccupation, sans compter avec la fatigue ni vous laisser ébranler par aucune crainte. Que ce vous soit une consolation — il n'en est assurément de plus grande — de penser que vous combattez pour le règne pacifique du Christ sauveur, règne qui n'est pas de ce monde (Jn 4,36) parce qu'il a pour tâche de réformer par la vérité, la justice, la charité, les moeurs et de guider tous les hommes, à travers cet exil terrestre, vers la céleste patrie et l'éternelle félicité.

D'une façon particulière, Nous désirons, Vénérables Frères, qu'adressant vos prières, même pour ceux qui vous persécutent, au divin Rédempteur et à sa Très sainte Mère, Patronne de la Hongrie, vous demandiez en même temps avec insistance que la lumière chrétienne unisse et mette d'accord les âmes séparées par la haine et les rivalités, et qu'enfin luisent, avec l'aide de la divine grâce, des temps meilleurs et plus tranquilles pour votre chère patrie.

Qu'elle réalise Nos voeux et Nos souhaits, la Bénédiction Apostolique, que Nous vous donnons avec une très grande affection, à vous, Vénérables Frères, aux troupeaux confiés à vos soins, et tout particulièrement à « ceux qui souffrent persécution pour la justice » (Matth. V, 10).


ALLOCUTION AUX ÉLÈVES DU COLLÈGE PONTIFICAL CANADIEN DE ROME

(9 janvier 1949) 1

Recevant en audience les élèves du Collège Canadien de Rome conduits par leur Recteur Monseigneur Emile Léger, le Saint-Père déclara :

A vous, très chers fils, qui représentez ici les divers diocèses de votre belle et très chrétienne patrie. Nous Nous 9entons pressé du désir de confier la mission, très douce à Notre coeur, de transmettre l'expression de Notre vive gratitude à vos vénérés Pasteurs, les évêques du Canada,

L"r pour le zèle et la charité dont ils ont fait preuve en stimulant l'empressement de vos compatriotes à secourir, par • le don de leur superflu, les plus misérables parmi les pauvres

victimes de la guerre. Nous leur sommes tout particulièrement reconnaissant de l'envoi qu'ils Nous ont adressé d'une quantité considérable de barils d'huile de foie de morue, cette richesse de votre pays qui va Nous permettre de relever les forces et même de sauver la vie d'un grand nombre

, de pauvres enfants étiolés par la misère. Dans leurs petits

j , corps débiles, c'est le corps et le coeur de l'Enfant-Dieu qui grelotte et qui souffre. Il se complaît à accueillir ces dons, comme II a accueilli ceux des mages et ceux des • bergers, et il les bénit sous le regard aimant de sa Mère. Et Nous-même, dans toute l'effusion de Notre coeur paternel, Nous vous donnons, chers fils, à vous et à tous ceux dont la charité est venue à Notre aide, Notre Bénédiction Apostolique.


ALLOCUTION AUX DÉLÉGUÉS DE L'ORGANISATION INTERNATIONALE DES RÉFUGIÉS

(10 janvier 1949) 1

Une réunion de l'O. 1. R. 2 ayant eu lieu à Rome, les délégués en visite au Vatican entendirent le Pape leur dire :

Nous tenons à vous dire Notre joie très vive d'accueillir ici votre groupe et d'avoir l'occasion de vous féliciter pour le magnifique travail réalisé par l'O. I. R. en faveur des « Personnes Déplacées » dont le sort Nous tient tant à coeur.

Nous savons combien est importante votre organisation : importante par le nombre des Etats qui y sont représentés ; par le but si digne d'éloge qu'elle se propose : le secours efficace à apporter, sous les formes les plus diverses, à tant de malheureux arrachés à leur patrie, déracinés, aspirant à se refaire une existence ; cette importance est accrue encore si l'on pense à l'ampleur et à la gravité des besoins qui sollicitent l'activité de l'O. I. R.

Le Saint-Siège a eu à coeur de donner son appui, dans toute la mesure et avec toute l'efficacité possible, à votre organisation, et Nous pouvons vous assurer qu'il est tout

1 D'après le texte français de l'Osseroafore Romano des 10-11 janvier 1949.

8 L'O. I. R. (ou I. R. O. = International Refugee Organisation) prit en juin 1947 la succession de l'U. N. R. R. A. (United Nations Relief and Rehabilitation Administration) fondée en 1943 pour porter secours aux pays dévastés par la guerre. En 1949, l'O. I. R. avait encore à s'occuper de 650.000 réfugiés en Europe (Allemagne, Autriche, Italie et au Moyen-Orient). L'O. I. R. cessera son activité en juin 1950 ; après cette date, les secours aux réfugiés seront organisés par le Conseil économique et social de l'Organisation des Nations Unies.


Pie XII 1949