Pie XII 1950 - DISCOURS AU CONGRÈS INTERNATIONAL DES ÉTUDES SOCIALES


LETTRE A SON ÉMINENCE LE CARDINAL FRANÇOIS TEDESCHINI, PROTECTEUR DE LA SOCIÉTÉ DE S AI NT-JÉRÔME

(7 juin 1950)1 *

Dans son Encyclique Spiritus Paraclitus, du 15 septembre igzo, Benoit XV écrivait : « Nous avons Nous-même pris part aux débuts et à l'organisation définitive de la Société de Saint-Jérôme. Vous connaissez le but de cette Société : étendre la diffusion des quatre Evangiles et des Actes des Apôtres, de manière que ces livres aient désormais leur place dans toute famille chrétienne et que chacun prenne l'habitude de les lire et méditer chaque jour. » Prenant l'occasion d'une nouvelle édition des Evangiles, Pie Xli encourage à nouveau cette oeuvre :

Voici enfin l'occasion tant attendue de manifester publiquement que la Société de Saint-Jérôme2, au sort de laquelle vous veillez, jouit auprès de Nous d'une grande renommée et estime. Bientôt, par vos soins, paraîtront les nouveaux exemplaires de l'Evangile qui devront être diffusés le plus largement possible, dans le peuple. Nous accordons donc volontiers notre louange à la Société qui poursuit cette tâche très utile avec une ardeur jamais relâchée. Qu'est-il, en effet, de plus salutaire, qu'y a-t-il de plus profitable à la foi et à la vie chrétienne que la propagation de l'usage et de la connaissance de ce Livre où se trouvent les paroles et les actes du Verbe ? On y trouve non seulement une vérité d'une sagesse consommée, mais encore un

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 552.

2 La Société Saint-Jérôme a été fondée pour assurer l'édition et la diffusion de la Bible-En France, il existe une Ligue de Diffusion de l'Evangile, z, rue de la Planche, Paris. En Belgique de même il y a un Comité de Diffusion de la Bible dont le président est

le chanoine L. Cerfaux, professeur à l'Université de Louvain, et dont le siège est 79, boulevard Poincaré à Bruxelles.

remède bien adapté à la renaissance des moeurs et une consolation à apporter aux malheurs de notre siècle versatile.

C'est, en effet, cela surtout que postule notre époque, que soit guéri tout ce qui est aveuglé par la haine, ce qui est courbé à terre et corrompu par le désir d'avoir et de jouir, ce qui sort des massacres ou est encore soumis à des menaces.

Appliquez-vous donc à ce que, par votre zèle ardent, le Livre de la doctrine céleste se trouve dans chaque demeure et soit à la disposition de tous pour être lu dans la méditation et réalisé dans la pratique.

Si vous en faites ainsi, la grandeur de vos mérites ne fera que s'accroître : « Grand travail, mais grande récompense » 3.

Nous accordons la Bénédiction apostolique comme gage de l'aide divine dont Nous vous souhaitons l'afflux à Vous-même, très cher fils, ainsi qu'à tous les membres de la Société.

3 Lettre XVIII à Eustochium.


HOMÉLIE PRONONCÉE LORS DE LA CANONISATION DE SAINT VINCENT STRAMBI

(11 juin 1950) 1

En ce deuxième dimanche après la Pentecôte, Pie XII procéda à la canonisation du nouveau saint. Celui-ci est né en 1745, dans les Etats Pontificaux, à Civita-Vecchia.

Il fit ses études aux Séminaires de Viterbe et Bagnora ; après avoir été ordonné, il demanda à saint Paul de la Croix son admission chez les Passionnistes où il devint prédicateur de mission, professeur de théologie, et supérieur provincial. Pie VII le nomma évêque de Macerata et Tolentino, dans les Marches. Il fut exilé de son diocèse par Napoléon en 1808, parce qu'il refusait de prêter un serment de fidélité aux autorités occupantes. Il reprenait bientôt sa charge après la défaite de l'Empereur. Ayant en 1824 offert sa démission, il devint le confesseur et le conseiller de Léon XII et il mourut la même année. Il fut béatifié par Pie XI en 1925.

« Si l'évêque est fidèle aux instructions reçues, c'est-à-dire, par une doctrine sûre et adaptée, il affermit ce qui est faible, s'il combat les désunions, s'il convertit les dépravés, et répand chez tous ceux dont il a la charge, le Verbe de vie comme une nourriture d'éternité, si la mort vient à le surprendre persévérant dans ces activités, il obtiendra de Dieu la gloire, comme un économe fidèle et un intendant utile : c'est-à-dire qu'il jouira près de Dieu du bonheur céleste, car il n'y a rien de plus grand ni de meilleur2 ». Cette pensée de saint Hilaire Nous vient a l'esprit, au moment où Nous désirons célébrer dignement ks mérites de Vincent-Marie Strambi, auquel Dieu Nous a permis

1 D'après le texte latin des A. A. S„ XXXXII, 1950, p. 518.

2 S. Hilaire de Poitiers, Comm. in Matth., ch. 27, Migne, P. L., 10 ; 1058-1059-

de décerner les honneurs suprêmes des autels. Jusqu'à la fin de sa vie, en effet, il s'est efforcé, avec soin, et de toutes ses forces, de réaliser heureusement ce que ces paroles expriment et ce qui fait partie des devoirs de la charge pastorale.

Il put sans aucun doute réaliser cet idéal, parce que, lors de son élévation à l'épiscopat, il avait déjà atteint le sommet de la sainteté, et il agissait, dans tous les domaines, avec cette perfection qui vient de la grâce divine, à laquelle répond la bonne volonté. Les présages de cette sainteté qui rendit si fécond son ministère pastoral et lui permit de surmonter de rudes obstacles avec un coeur serein et confiant, apparurent très clairement dès son jeune âge. Tout enfant, en effet, il surpassait ses camarades par la droiture de ses façons et la pureté de sa vie, et lorsque, par une inspiration divine, il se sentit appelé au service de Dieu, et fut admis au séminaire de Montefiascone, il s'efforça de préparer son âme, avec le secours de la grâce divine, et il le fit avec tant de zèle et d'efforts qu'il était source d'admiration et d'exemple, non seulement pour les élèves, mais même pour ses maîtres.

Quelques années plus tard, toujours poussé par un désir de plus grande perfection, il demanda humblement son admission dans la Congrégation de la Passion de Notre-Seigneur. Dans cet Institut, il s'efforça d'avancer chaque jour plus rapidement vers ces sommets de haute sainteté qu'il découvrait avec admiration dans le fondateur et Père Paul de la Croix. Il avait coutume de vénérer avec un amour intense l'image de Jésus Crucifié, et de méditer, non sans larmes, les douleurs et tourments de Jésus, et dans ces méditations, il était animé d'une piété si ardente qu'il lui arrivait souvent de mortifier sa chair innocente par des cilices et disciplines et qu'il désirait de tout coeur s'offrir comme une victime expiatrice pour ses péchés, profondément regrettés, et pour les péchés d'autrui.

Aussi, lorsqu'il fut choisi, encore dans la force de l'âge, comme évêque de Macerata et Tolentino, il se révéla comme doué de toutes les qualités requises pour faire face à une si lourde tâche. Et tout d'abord, comme il brûlait d'un ardent amour pour Dieu, et qu'il savait fort bien ne rien pouvoir, si ce n'est en s'appuyant sur la force divine, il ne forma jamais un projet et n'entreprit jamais rien, sans implorer auparavant du ciel la lumière et la force. Et c'est ainsi qu'il put ramener à l'intégrité de la foi de nombreuses âmes égarées par de fausses

M opinions, remettre dans le droit chemin des dévoyés, former le clergé à la sainteté, défendre son troupeau contre les attaques de l'erreur, le préserver avec soin contre tout genre de dangers, et, par ses discours et ses exemples, l'entraîner à travers de bons pâturages vers la poursuite de la perfection chrétienne. 11 fut en effet doué d'une âme indomptable et apostolique, détaché des biens de ce monde, remarquable par son zèle pour la foi catholique et son amour pour le culte divin, tout à fait eminent par la sagesse de ses actes et ses autres vertus. Et, comme durant le cours de son épiscopat, la religion chrétienne connut des troubles, au point de paraître succomber, il défendit avec force les droits de Dieu et de l'Eglise, contre ceux qui paraissaient jouir d'une puissance immense et presque absolue, affirmant qu'il n'y avait pas de plus solide fondement pour les Etats que la sauvegarde de la liberté ecclésiastique.

Cette grande force lui valut d'être chassé de son diocèse ; il fut contraint d'abandonner le cher troupeau confié à ses soins. Mais il arriva peu d'années plus tard — non sans la volonté de Celui qui « renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles » 3 — que celui qu'on avait vu dominer l'Europe presque entière, qui s'était efforcé, avec une audace téméraire, de soumettre à sa volonté le clergé, de nombreux evêques, et même le Pontife romain, se trouva complètement vaincu, après tant de victoires et de triomphes, renversé et exilé, demanda pardon à Dieu et, l'âme ulcérée, chercha auprès de la sainte religion de suprêmes consolations.

Au même moment, pendant que Notre prédécesseur, Pie VII, pouvait regagner la Ville Eternelle, au milieu de l'enthousiasme universel, Vincent-Marie Strambi regagna son siège épiscopal, à la joie de tous, et reprit, encore plus ardent, l'oeuvre interrompue.

De tous ces événements, comme d'innombrables autres rapportés par l'histoire « maîtresse de vie » 4, il apparaît de façon lumineuse, vénérables frères et très chers fils, que si l'Eglise de Dieu peut être assaillie, elle ne peut être vaincue ; car « les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle » 5, et son divin Fondateur a promis à ses Apôtres : « Je suis avec vous tous les

3 Luc, 1, 52.

i Cio, De Ora:., z, g.

5 Matth., 16, is.

jours jusqu'à la consommation des siècles » '. Aussi, ceux qui, dans les difficultés actuelles — qui semblent en certains endroits, être plus graves que celles que Nous évoquions —, sont déconcertés, ébranlés, bouleversés, doivent affermir leurs âmes, et s'efforcer de reproduire en eux la force invincible de ce saint et ses autres vertus.

L'Année Sainte que Nous avons promulguée le réclame avec instance de tous, pour que la rénovation chrétienne des moeurs que Nous avons tant souhaitée, puisse se réaliser heureusement ; l'Eglise catholique le réclame, car si elle se distingue par d'autres qualités que lui a données son Divin Fondateur, elle doit briller avant tout par la splendeur de la sainteté. Que ce saint évêque le demande pour nous à Dieu, lui dont la gloire resplendit aujourd'hui d'un nouvel éclat. Amen '.

" Matth., 23, 20.

^     7 Cf. Décret concernant les miracles, 31 juillet 1949 (A. A. S., XXXXI, 1949, p. 651) , ecret en vue de la canonisation, 27 novembre 1949 (A. A. S., XXXXII, 1950, p. 156).

NOTIFICATION DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE f


'I

(14 juin 1950) 1

Le prêtre Stanislas Bojan, né à Nowy-Turg en Pologne le 27 juillet 1919, reçut l'ordination sacerdotale en présentant de fausses lettres dimissoriales2 ; c'est pourquoi la S. Congrégation du Saint-Office, en sa session plénière du 29 mars 1950, décréta qu'il fallait considérer le même prêtre Stanislas Bojan comme réduit à l'état laïc, quant à tous les effets juridiques et délié de toutes les obligations inhérentes aux ordres sacrés 3.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 489.

Normalement, l'évêque confère les ordres sacrés aux candidats étant nés ou habitant son propre diocèse. Toutefois, un évêque peut ordonner un candidat appartenant à un autre diocèse, pourvu que ce candidat présente un document signé par son propre évêque l'autorisant à recevoir l'ordination. C'est ce document qu'on appelle « lettre dimissoriale » (C. 7. C, c. 955 et seq.).

8 Toute ordination validement reçue ne peut jamais être annulée. Toutefois, le Saint-Siège peut, par décret, infliger la peine de la dégradation par laquelle, juridiquement, le clerc est réduit à l'état laïc. — De ce fait, il perd les droits et privilèges propres aux clercs, et ne peut plus porter l'habit ecclésiastique.

Dans des cas exceptionnels, les clercs ainsi réduits à l'état laïc ne sont plus tenus aux obligations du célibat et de la récitation des heures canoniques (cf. C. /. C, c. 211 et seq.).

r DÉCRET


DE LA S. CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE CONDAMNANT LE LIVRE «LA PEAU» DE MALAPARTE

(16 juin 1950)1

En la session générale de la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office, les Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux chargés de veiller à la foi et aux moeurs, après avoir pris l'avis des Consulteurs, déclarèrent qu'en vertu de l'article 1399 du Droit Canon, il faut condamner et inscrire dans la liste des livres prohibés, l'ouvrage écrit par Curzio Malaparte et dont le titre est La Pelle, storia e racconto 2.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 489.

2 Ce livre, dû à la plume d'un des meilleurs écrivains italiens contemporains, est le journal des années 1943-1945, relation des événements vécus par l'auteur qui était officier de liaison auprès des alliés. Ces pages sont remplies d'un pessimisme cynique, faisant suite à une débauche d'immoralisme. Les attaques contre le christianisme ne manquent pas. Ce livre baigne dans l'abject.


ALLOCUTION ;

AU PERSONNEL DE LA BANQUE DE ROME

(18 juin 1950) 1 .->

Le personnel de la Banque de Rome, ayant accompli les exercices du Jubilé, fut reçu en audience par Pie XII qui déclara : ,ï;

Votre piété filiale, qui a tenu à couronner et conclure votre pèlerinage jubilaire avec une visite au Père commun, et qui Nous est aussi agréable qu'elle répond à vos désirs intimes, Nous invite à répondre par Notre parole paternelle aux sentiments qui vous ont conduits ici.

Le Pape félicite les dirigeants de la Banque d'avoir toujours maintenu celle-ci dans la voie droite :

Ce sont avant tout les sentiments d'une dévotion au Saint-Siège qui, née avec l'Institut lui-même, n'a pas faibli au cours de sa vie déjà longue. Des sentiments de fidélité aux justes principes qui, après avoir présidé à sa fondation, n'ont pas cessé de maintenir ses dirigeants dans la voie droite, à travers les vicissitudes alternées et au milieu de son activité croissante et multiple. Enfin des sentiments d'administration vigilante, tendant entièrement à l'utilité commune, dans le meilleur emploi de l'épargne publique.

Il faut faire taire ceux qui prétendent que la Banque est intrinsèquement mauvaise :

Aussi, tout en vous adressant ces louanges méritées, en arrivons-Nous à définir clairement Notre position à l'égard

1 D'Après le texte italien de VOsservatore Romano des 19-29 Juin 1950.

d'une conception malsaine et ne répondant pas « à cette liberté par laquelle le Christ nous a affranchis » 2. C'est-à-dire comme si le système bancaire était par sa nature même entaché d'une faute. Comme si l'exercice de votre profession et l'objet même de votre travail vous mettaient inévitablement en danger de contaminer votre coeur. Comme s'il était particulièrement difficile pour vous de libérer votre âme de l'attachement aux biens éphémères et fallacieux de passer à travers la flamme des richesses temporelles de façon à ne pas perdre les trésors éternels. Vous avancez dans votre carrière comme les autres dans la leur — et peut-être souvent la parcourez-vous avec peine —, en gagnant honnêtement votre vie et celle de ceux qui vous sont chers.

Il y a moyen d'être en même temps un excellent financier et un bon chrétien :

Tout cela est valable non seulement pour le simple subalterne dans son travail de simple exécution et de comptabilité, mais également pour les hauts employés de la finance, pour le financier au sens propre du mot. Il peut lui-même unir à l'application de sa compétence et à l'utilisation de sa capacité professionnelle, le véritable esprit évangélique, c'est-à-dire la liberté d'un coeur profondément détaché de l'argent qu'il manie, des valeurs qu'il négocie, des biens matériels qu'il administre, en ne connaissant qu'un seul Seigneur, Dieu qu'il sert dans une obéissance d'esprit et d'action à ses commandements et dans la fidélité au Christ.

A toutes les époques d'ailleurs, on a dû faire appel à l'institution bancaire :

Il Nous semble opportun de souligner encore une fois ici la haute fonction du système bancaire, la grande importance qu'il a toujours eue dans l'économie nationale, déjà à l'époque des Anciens Assyriens et Egyptiens, et à laquelle les conditions présentes n'ont fait que donner une ampleur et une influence considérablement accrues. Si l'argent n'a pas été défini à tort

2 Gal., 5, i.

3 Matth., 6, 24.

comme le sang dans l'organisme du corps économique4, on pourra bien en conclure que les Banques sont comme le coeur qui doit en régler la circulation pour le plus grand bien des familles, des individus, des groupes sociaux, dont l'ensemble forme le corps national économique ; d'où la puissance, l'utilité, la responsabilité du système bancaire.

Il faut que la Banque soit imprégnée d'esprit chrétien :

Certainement, ce pouvoir et cette responsabilité ne sont pas sans risques d'abus, comme les faits, hélas ! le démontrent suffisamment. Le devoir de l'Eglise et des fidèles n'en est que plus impérieux de communiquer au système bancaire le pur esprit chrétien. Cet esprit est large et étranger aux étroites mesquineries. Il ne fixe de limites infranchissables que là où cessent le droit moral et l'honnêteté naturelle, sans restreindre la liberté en deçà de ces frontières, mais sans permettre de s'aventurer au-delà. Cette largeur et cette fermeté agissent pour le bien de l'économie générale, ce qui est également ce à quoi vous tendez vous-mêmes.

Ainsi votre « Banco di Roma » sera un ardent creuset d'affaires dans l'honnêteté du travail. Grâce à l'esprit chrétien, qui dirige votre activité professionnelle, et votre conduite personnelle, chacun de vous contribuera à ce qu'il puisse remplir de mieux en mieux sa fonction, la fonction du coeur qui fait circuler et affluer un sang pur et vigoureux dans toute l'économie sociale.

Le Saint-Père bénit cette assemblée :

Avec ce souhait, en même temps que Nous vous remercions de votre hommage et que Nous vous assurons de Notre bienveillance, Nous prions le Seigneur de vous combler de ses lumières et de ses dons, en gage desquels Nous vous donnons à vous tous, à vos familles, à votre travail quotidien, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

4 L'expression est de S. S. Pie XI qui déclarait dans l'Encyclique Quadragesimo Anno (15 mai 1931) : Un petit nombre d'hommes détenteurs et maîtres absolus de l'argent gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent en quelque sorte le sang à l'organisme économique, dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que sans leur consentement nul ne peut plus respirer.


ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONGRÈS INTERNATIONAL DES ULTRA-SONS

(18 juin 1950) 1

Pour couronner les travaux de leur Congrès, les savants réunis à Rome demandèrent audience au Saint-Père qui la leur accorda :

Votre démarche, Messieurs, Nous procure une grande joie, car elle Nous apporte, en même temps que l'expression de votre déférence, le témoignage de votre conviction que l'Eglise s'intéresse à tous les progrès de la science elle-même, comme à toutes ses applications pour le bien de l'humanité.

Le caractère de votre Congrès et son objet, à la fois si vaste et si précis, arrête tout particulièrement Notre complaisante attention pour deux raisons notamment. Il offre l'exemple d'une très large collaboration des savants les plus éminents de tous les pays, spécialistes qui, tout en poussant à fond leurs études, dans leurs domaines respectifs, mettent en commun les fruits de leurs recherches, comprenant la connexion intime de ces domaines et, par suite, la possibilité d'en étendre indéfiniment les conclusions. Heureux effort de synthèse, qui, dans la riche et inépuisable variété de leurs manifestations, tend à mettre en lumière toujours plus vive l'admirable harmonie de l'oeuvre de Dieu, la convergence des lois et des forces physiques, la puissance et la sagesse infinies de leur Auteur.

C'est ce qui vous a permis de donner à votre Congrès si savant une portée si pratique. Par leur intensité même, ces forces physiques franchissent les frontières de la perception sensible. Comme les rayons ultra-violets échappent à la saisie de notre oeil, de même les ultra-sons, du fait de leur très haute fréquence, échappent à la saisie de l'oreille. Et pourtant, par

T d'autres voies, le savant connaît les uns et les autres ; il les définit, il les mesure ; bien plus, il étudie, manie et dirige leur action sur la matière inerte, sur les corps vivants, leur utilisation pour la thérapeutique et le diagnostic ; il la met à la disposition du technicien pour le progrès de l'industrie, du praticien pour la santé et l'amélioration de la vie humaine. Le simple énoncé des communications générales ou relatives aux applications physiques et techniques, biologiques et médicales est d'une ampleur merveilleuse, mais surtout est par lui-même l'éloge le plus éloquent des travaux passés, l'encouragement le plus puissant aux travaux de l'avenir.

En vous remerciant, Messieurs, du plaisir que votre visite Nous a causé, Nous prions Dieu, Auteur de la nature et de ses lois, Créateur de l'intelligence humaine qui les découvre, de vous aider à l'y connaître toujours mieux, à faire de vous ses ministres dans leur application au plus grand bien de tous les hommes vos frères.


DISCOURS AU PEUPLE APRÈS LA CANONISATION DE SAINTE MARIE GORETTI

(24 juin 1950) 1

Une telle affluence était annoncée pour assister à la canonisation de la Sainte que le Saint-Père décida que la cérémonie aurait lieu — non pas comme d'habitude, un dimanche ou un jour de fête, à l'intérieur de la Basilique Vaticane —, mais le samedi soir h 19 h., sur la Place Saint-Pierre.

Après avoir proclamé la sainteté de Marie Gorettiz, chanté le Te Deum, et récité l'oraison de la sainte, le Pape prit la parole :

Par un dessein plein d'amour de la divine Providence, l'exaltation suprême d'une humble fille du peuple vient d'être célébrée dans cette soirée lumineuse avec une solennité sans égale et sous une forme unique jusqu'à ce jour dans les annales de l'Eglise, dans l'ampleur et la majesté de ce lieu de mystère transformé en temple sacré, solennité que vous avez désirée telle, avant que Nous l'ayons décidée, qui s'est déroulée avec un concours de fidèles innombrables, tel que n'en connurent point les autres canonisations3, et surtout qui était comme

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 597.

2 La famille Goretti était installée avec ses six enfants dans une ferme des Marais Contins, près de Nettuno ; Marietta était l'aînée des filles. Un jeune homme, à plusieurs reprises, essaya de séduire cette jeune fille de douze ans qui résista implacablement. Le 5 juillet 1902, ne parvenant pas à ses fins, Alexandre Serenelli l'assassina. Celui-ci fut condamné à trente ans de prison et se convertit. Il est actuellement, âgé de 68 ans, domestique au couvent des Capucins d'Ascoli. La mère de la sainte a assisté le 27 avril 1947 a la béatification de sa fille et le 24 juin 1950 à sa canonisation.

3 Environ 400.000 personnes étaient assemblées pour assister à cette cérémonie de canonisation.

imposée par l'éclat éblouissant et le parfum enivrant de ce lys revêtu de pourpre, que Nous venons d'inscrire avec une joie intime au catalogue des saints : la petite et douce martyre de la pureté : Marie Goretti.

Pourquoi, chers fils, êtes-vous accourus en si grand nombre à sa glorification ? Pourquoi, en écoutant ou en lisant le récit de sa brève vie, qui ressemble tellement à quelque limpide narration évangélique par la simplicité des lignes, par la couleur locale, par la violence soudaine de sa mort, vous êtes-vous attendris jusqu'aux larmes ? Pourquoi Marie Goretti a-t-elle conquis si rapidement vos coeurs, jusqu"à devenir la préférée, la benjamine ? Il y a donc dans ce monde apparemment bouleversé et plongé dans l'hédonisme non seulement une petite compagnie d'élus assoiffés de ciel et d'air pur, mais encore une foule immense sur laquelle le parfum surnaturel de la pureté exerce un attrait irrésistible et prometteur : prometteur et rassurant.

Il est vrai que si dans le martyre de Marie Goretti, ce fut surtout la pureté qui resplendit, avec elle et en elle les autres vertus chrétiennes triomphèrent également. Dans la pureté, il y avait l'affirmation la plus élémentaire et significative de la maîtrise parfaite de l'âme sur la matière ; dans l'héroïsme suprême, qui ne s'improvise pas, il y avait l'amour tendre et docile, obéissant et actif envers les parents ; le sacrifice dans le dur travail quotidien ; la pauvreté acceptée selon l'esprit de l'Evangile, et soutenue par la confiance dans la Providence céleste ; la religion embrassée avec ténacité, approfondie chaque jour davantage, devenue trésor de vie et alimentée par la flamme de la prière ; le désir de Jésus Eucharistie, et enfin, couronnement de la charité, le pardon héroïque accordé au meurtrier : guirlande rustique, mais si chère à Dieu, de fleurs champêtres, qui orna le voile blanc de sa première communion et peu après son martyre.

C'est ainsi que ce rite sacré se déroula spontanément dans une assemblée populaire pour la pureté. Si à la lumière de tout martyre, il y a toujours en amer contraste la tache d'une iniquité, derrière celui de Marie Goretti, se trouve un scandale qui au début de ce siècle parut inouï. A une distance de cinquante ans environ, au milieu de la réaction souvent insuffisante des honnêtes gens, la conjuration des mauvaises moeurs, à l'aide de livres, d'illustrations, de spectacles, d'auditions, de modes, de plages, d'associations, tente de saper, au sein de la société et des familles, au détriment principalement de l'enfance même la plus tendre, ce qui constituait les défenses naturelles de la vertu.

O jeunes gens, garçons et fillettes, pupilles des yeux de Jésus-Christ et des Nôtres, dites, êtes-vous bien résolus à résister avec fermeté à tout attentat que d'autres oseraient faire à votre pureté ?

Et vous, pères et mères au milieu de cette multitude, devant l'image de cette vierge adolescente qui, par sa candeur sans tache, a conquis vos coeurs, en présence de sa mère qui, l'ayant éduquée au martyre, ne regrette pas sa mort, tout en vivant dans la douleur, et qui maintenant s'incline avec émotion pour l'invoquer, dites, êtes-vous prêts à prendre l'engagement solennel de veiller, en ce qui vous concerne, sur vos fils, sur vos filles, afin de les préserver et de les défendre contre tant de périls qui les environnent, et de les tenir toujours à l'écart des lieux où l'on est entraîné à l'impiété et à la perversion morale ?

Et maintenant, ô vous tous qui m'écoutez, haut les coeurs ! Au-dessus des marécages malsains et de la boue du monde s'étend un immense ciel de beauté. C'est le ciel qui fascina la petite Marie ; le ciel auquel elle voulut monter par l'unique voie qui y conduit : la religion, l'amour du Christ, l'observation héroïque de ses commandements.

Salut, ô suave et aimable Sainte ! Martyre sur terre et ange au ciel, dans ta gloire, tourne ton regard vers ce peuple qui t'aime, qui te vénère, qui te glorifie, qui t'exalte. Sur ton front, tu portes clair et resplendissant le nom victorieux du Christ4 ; sur ton visage virginal se lisent la force de l'amour, la constance de la fidélité à l'Epoux divin ; tu es une Epouse ensanglantée pour reproduire en toi Son image. Nous te confions, à toi, puissante auprès de l'Agneau de Dieu, Nos chers fils et filles ici présents et tous les autres qui sont spirituellement unis à Nous. Ils admirent ton héroïsme, mais ils veulent encore plus être tes imitateurs dans la ferveur de la foi et dans la pureté incorruptible des moeurs. Les pères et les mères ont recours à toi pour que tu les assistes dans leur mission d'éducation.

4 Cf. Apoc, 3, 12.

L'enfance et toute la jeunesse trouvent un refuge en toi par M0s mains, pour être protégée de toute contamination et p0ur pouvoir avancer sur le chemin de la vie dans la sérénité et dans la joie des coeurs purs. Ainsi soit-il.5

i 5 Cf. Décret concernant le martyre de la vénérable Maria Goretti, 25 mars 1945 (A. A. S-, XXXVII, 1945, p. 234) ; Décret concernant la béatification, 21 mai 1945 (A. A. S., 37, 1945, p. 299) ; Décret de reprise de la cause de canonisation, 3 août 1947 (A. A. S., XXXX/ 194P, p. 42) ; Décret à propos des miracles, 4 décembre 1949 (A. A. S., XXXXII, 1950, p. 312) ; Décret en vue de la canonisation, 12 janvier X950 (A. A. S., XXXXII, 1950, p. 331).


HOMÉLIE PRONONCÉE LORS DE LA MESSE CÉLÉBRÉE EN L'HONNEUR DE SAINTE MARIE GORETTI

(25 juin 1950) 1

La canonisation de la sainte ayant eu lieu le samedi 24 juin au soir le Pape célébra le lendemain, /Ve dimanche après la Pentecôte, la messe de la nouvelle sainte, au cours de laquelle il prononça l'homélie suivante :

« La virginité est une manière de vivre angélique » * que la religion chrétienne a portée à un si haut degré de perfection qu'elle paraît être étrangère à la terre et convenir seulement au ciel ; mais si la palme du martyre s'y ajoute, au charme et à l'éclat de la grâce s'unit la victoire de la force ; et toutes les âmes nobles sont entraînées par elle aux actes héroïques exigés par les préceptes chrétiens. Tout cela, nous l'admirons dans la virginale enfant qu'il Nous a été donné hier de couronner de la gloire des saints du ciel, Marie Goretti.

Ses parents appartenaient à la classe laborieuse, et pour gagner par un travail honnête le pain de leur nombreuse famille, ils durent quitter leur petite ville et vinrent dans la province du Latium où ils purent assurer très modestement la subsistance de leurs enfants par le travail des champs.

A la candeur de son âme, Marie joignait son ardeur au travail et dès ses tendres années, elle se distingua non seulement par la lumineuse pureté de sa vie, mais aussi par le soin et l'empressement avec lesquels elle aidait sa mère joyeusement et sans se lasser, dans tous les travaux de la maison.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 580.

2 Cf. p. 219.

3 S. Jean Damascène, De fide orthodoxe, 1. IV, c. 24 ; Migne P. G. LXXXXIV, 1210.

4 De Imit., 1. III, ch. IV, 19, 20, 21.

Ne sachant pas lire, elle apprit les préceptes du christianisme de sa mère elle-même, qui prenait soin de les faire pénétrer dans son âme attentive. Il n'y avait rien de plus agréable ni de plus doux pour elle que de se rendre à l'église pourtant éloignée, chaque fois qu'elle le pouvait, et d'y faire monter vers Dieu et la Bienheureuse Vierge Marie ses prières pleines d'amour. Lorsqu'elle put enfin s'approcher de la table eucharistique et se nourrir de l'aliment céleste, elle le fit avec une piété si grande, une charité si ardente, que plutôt qu'une petite fille, on eût dit un ange dans une enveloppe humaine. Sans aucun doute, c'est là qu'elle puisa cette force d'en-haut qui lui permit peu de mois après, alors qu'elle n'avait pas encore douze ans, de combattre victorieusement jusqu'à la mort pour conserver intact et sans souillures le lys immaculé de son innocence, et de le rendre empourpré du sang de son martyre au divin Auteur de sa vie virginale.

C'est dans une lutte très dure, comme chacun le sait, que cette vierge sans défense dut s'engager ; une attaque violente et impétueuse lui fut livrée à l'improviste, qui voulait violer et souiller son angélique candeur. Mais dans la terrible difficulté où elle se trouvait, elle pouvait répéter au Divin Rédempteur ces paroles du petit livre d'or de l'Imitation du Christ : « Si je suis tentée et affligée de tribulations, je ne craindrai pas qu'il m'arrive du mal, tant que sa grâce sera avec moi. Elle est ma force ; elle me donne conseil et me porte secours. Elle est plus puissante que tous mes ennemis... » 4. C'est pourquoi, soutenue par la grâce céleste, à laquelle correspondait sa volonté forte et généreuse, elle donna sa vie ; elle ne perdit pas la gloire de sa virginité.

Dans la vie de cette humble fille, que nous avons retracée à grands traits, il nous est donné, vénérables frères et chers fils, de voir un spectacle non seulement digne du ciel, comme nous l'avons dit, mais digne aussi d'un regard d'admiration et du respect des hommes de notre époque. Que les pères et les mères de famille apprennent combien il importe qu'ils élèvent les enfants que Dieu leur a donnés dans la droiture, la sainteté et la force du caractère, et qu'ils les forment suivant les préceptes de la religion catholique, de telle sorte que lorsque leur vertu sera mise à l'épreuve, avec l'aide de la grâce divine, ils sortent du combat victorieux, intacts et sans souillures.

Que l'enfance riante et la jeunesse ardente apprennent à ne pas s'abandonner éperdument aux joies éphémères et vaines de la volupté, ni aux plaisirs de vices enivrants qui détruisent la paisible innocence, engendrent une sombre tristesse, affaiblissent tôt ou tard les forces de l'âme et du corps, mais plutôt à tendre avec enthousiasme, même au milieu de pénibles difficultés, vers cette perfection chrétienne des moeurs que par l'énergie de notre volonté, aidée des dons célestes, par l'effort, le travail et la prière, nous pouvons tous atteindre.

Qu'enfin le monde voluptueux et trop souvent enclin au mal, apprenne à vénérer la victoire de la force dans cette virginale enfant et à l'imiter. Que tous regardent ce lys champêtre, exhalant son odeur très suave, ces palmes éclatantes du martyre, et qu'ils comprennent combien les préceptes chrétiens sont puissants pour conduire les hommes dans la droiture et les former, combien les joies supérieures — qui naissent d'une innocence de vie gardée intacte et d'une vertu laborieusement acquise — dépassent et éclipsent les vains plaisirs de la volupté ; Dieu seul, en effet, peut mettre dans la paix et la tranquillité les âmes des hommes et combler leurs désirs infinis.

Nous ne sommes pas tous réduits à subir le martyre, mais à atteindre la vertu chrétienne à laquelle nous sommes tous appelés. La vertu requiert une force qui, si elle n'atteint pas aux sommets de la force de cette angélique enfant, n'exige pas moins de nous un effort prolongé, assidu, indéfectible, jusqu'à la fin de la vie. C'est pourquoi on peut dire qu'elle est un martyre lent et continu auquel Jésus-Christ nous invite par cette divine parole : « Le Royaume des cieux souffre violence et ce sont les violents qui s'en emparent » 5.

Forts de la grâce céleste, tendons tous à cela : la sainte vierge et martyre Marie Goretti nous y exhorte ; que du haut des cieux où elle jouit du bonheur éternel, elle demande au divin Rédempteur que tous, chacun suivant la condition spéciale de notre vie, nous suivions ses traces lumineuses avec joie, avec énergie et avec ardeur 6. Ainsi soit-il.

5 Matth., 11, 12.

6 L'abbé Louis Novarese a recueilli les confidences de la mère de Marie Goretti dans un livre : Mamma Assunta Racconta (Ed. Lega sacerdotale mariana, Rome).

Un film a été réalisé par Augusto Genina, racontant la vie de la sainte, Cielo sulla •la palude, La Fille des Marais.


Pie XII 1950 - DISCOURS AU CONGRÈS INTERNATIONAL DES ÉTUDES SOCIALES