Pie XII 1950 - HOMÉLIE PRONONCÉE LORS DE LA MESSE CÉLÉBRÉE EN L'HONNEUR DE SAINTE MARIE GORETTI


DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DU CONCILE

SUR L'INSTITUTION CANONIQUE DES OFFICES ET BÉNÉFICES ECCLÉSIASTIQUES

(29 juin 1950)1

Parmi les mesures persécutrices que prennent les autorités communistes, il faut signaler celles qui écartent des fonctions ecclésiastiques les evêques et les prêtres officiellement mandatés par l'Eglise pour les remplacer par des personnages mandatés par l'Etat, afin de créer des Eglises schismatiques, à la solde du régime politique soviétique. Ce fut le cas notamment en Tchécoslovaquie où, après la mort de Son Exc. Mgr André Strabik, évêque de Banska-Bistrika, survenue le 8 janvier 1930, le gouvernement imposa un administrateur apostolique en la personne de l'abbé Jean Déchet2. Il est probable que les autorités communistes essayeront encore de renouveler ce geste. C'est pourquoi l'Eglise proclame à nouveau les sanctions qui frappent ceux qui se prêtent à ces manoeuvres :

L'Eglise catholique est, de par l'institution même de Jésus-Christ, une société parfaite, hiérarchiquement constituée, dont le pouvoir et la juridiction appartiennent pleinement et souverainement au Pontife Romain, successeur de saint Pierre dans le primat. C'est pourquoi personne ne saurait, sans institution légitime ou sans provision canonique, occuper des offices ou des bénéfices ecclésiastiques ou y introduire d'autres personnes.

Les normes authentiques du droit canon sur ce point se trouvaient rappelées déjà dans la prima regula juris in VI : « On

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 601.

2 Cf. Décret de la Salle Consistoriale du 18 février 1950, p. 45. Lire de même le Décret de la Sacrée Congrégation du Saint-Office condamnant l'Action Catholique schismatique:: de Tschécoslovaquie, 20 juin 1949 (cf. Documents Pontificaux 1949, p. 232).

ne saurait occuper légitimement un bénéfice ecclésiastique sans institution canonique. » Le Concile de Trente décréta : « Les personnes qui, appelées ou instituées seulement par le peuple ou par le pouvoir séculier, se permettent d'exercer ces ministères, et les personnes qui ont la témérité de les occuper elles-mêmes, doivent être considérées non pas comme des ministres de l'Eglise, mais comme des voleurs et des malfaiteurs qui ne sont pas entrés par la porte 3. » Le même Concile définit en outre : « Si quelqu'un prétend que les personnes qui ne sont pas régulièrement ordonnées et envoyées par l'autorité ecclésiastique, mais arrivent d'ailleurs, sont les ministres légitimes de la Parole et des Sacrements, qu'il soit anathème 4. »

Le nouveau Code de droit canonique sanctionne ces principes et établit des peines contre les transgresseurs 5.

Pour mieux assurer l'observance de ces principes sacrés et en même temps pour prévenir des abus en une matière si importante, Sa Sainteté Pie XII a daigné établir ce qui suit :

Encourent ipso facto l'excommunication réservée spécialement au Saint-Siège toutes les personnes qui :

i° complotent contre l'autorité ecclésiastique légitime ou cherchent à en entamer le pouvoir ;

2° sans institution ou provision canonique, faite selon les normes de l'Eglise, occupent un office, un bénéfice ou une dignité ecclésiastique, s'y laissent mettre ou s'y maintiennent ;

3° participent, directement ou indirectement, aux actions coupables mentionnées plus haut.

3 Concile de Trente, chap. IV, sess. XXIII, de reform.

i Ibid., can. VII ; cf. Syllabus de Pie IX, No 50.

5 Cf. ce. 2331, § 2 ; 2334, § 1-2 ; 147, § 1-2 ;   322, § 1 ; 2394.


MESSAGE AU CONGRÈS MARI AL DE RENNES

(30 juin 1950)1

Lors de la clôture du Congrès Mariai national français, le 9 juillet 1950, Son Eminence le cardinal Roques, archevêque de Rennes, en présence de 40.000 personnes, donna lecture du message suivant, émanant de Pie XII :

Multiples et fécondes sont les assemblées qui, chaque année, groupent en grand nombre les catholiques français autour de leurs pasteurs pour rechercher et promouvoir les conditions les plus propres au rayonnement de la pensée et de la vie chrétienne. Le Congrès mariai, selon une heureuse tradition, est devenu l'une des plus suivies de ces manifestations, et Nous Nous réjouissons d'apprendre qu'à votre appel, des foules imposantes affluent vers la capitale bretonne pour approfondir dans la prière et dans l'étude leur dévotion à la Vierge Marie.

A tous, Nous adressons de grand coeur Nos voeux paternels pour le succès spirituel de ces assises, et Nous prions Dieu qu'il bénisse vos travaux dont le thème unique, l'Assomption de la Très Sainte Vierge, est cher à tant de titres au coeur de tous nos fils. N'est-ce pas d'ailleurs dans l'auréole de cette glorieuse Assomption qu'une consécration mémorable a proclamé la Mère de Dieu Reine et Patronne de la France 2 ?

Cette piété mariale, au surplus, vous la voulez d'abord assurée sur les bases les plus fermes, et, certes, Nous ne saurions que vous encourager à cet effort de réflexion théologique. Depuis quelques  années, les manifestations  de la  dévotion

1 D'après le texte de La Croix du il juillet 1950.

2 Le Pape fait ici allusion au voeu de Louis XIII qui, le 10 février 1638, mettait la France sous la protection toute spéciale de la Sainte Vierge Marie, honorée dans le mystère de l'Assomption. Le Pape Benoît XV déclara le 21 mars 1922 : La Bienheureuse Vierge Marie, sous le titre de l'Assomption, patronne principale de la France. >?

envers Marie ont connu parmi les fidèles un renouveau de faveur et Nous avons su les précieux fruits de grâces, tant en France qu'en d'autres contrées. Mais quand le peuple chrétien se laisse ainsi porter aux élans de la confiance filiale, il importe dans le même temps de nourrir cette piété de solides aliments de la vérité. C'est en particulier l'oeuvre de Congrès, tels que le vôtre, et des nombreuses conférences qui y sont données. La compétence des maîtres découvrant à tous les richesses doctrinales de cette foi ancestrale, la docilité des fidèles aux enseignements traditionnels de l'Eglise, voilà les plus sûrs garants de la qualité religieuse et de la fécondité surnaturelle de ces magnifiques cérémonies. De Maria nunquam satis ! « On ne parlera jamais assez de Marie »... répétait saint Bernard. Oui, on ne scrutera jamais assez le providentiel dessein de Dieu à l'égard de Marie, on ne s'appliquera jamais trop à éclairer sa propre marche de l'exemple lumineux de la Vierge de l'Annonciation ou du Calvaire !

En notre temps surtout, face à d'orgueilleuses et païennes doctrines, qui exaltent la grandeur de l'homme à l'encontre des droits souverains de Dieu et des desseins de sa miséricorde, la dévotion mariale doit être pour la conscience chrétienne le rappel efficace de cette absolue primauté divine dans notre vie et de la disponibilité entière qu'elle requiert de nous. La Mère du Verbe incarné ne chante-t-elle pas en tous ses mystères le plus éclatant triomphe de l'amour du Sauveur en une simple créature ? A ceux qui, dans le désarroi des pensées ou le désordre des passions, cherchent, doutent, se révoltent ou se lassent, présentons Marie, « bénie entre les femmes », toute resplendissante d'humilité, de pureté et de charité dans l'éclat de la grâce dont elle fut prévenue par les mérites de son Fils : rappelons le secret de cette Vierge en qui Dieu accomplit de grandes choses, car sa vie ne fut qu'un perpétuel acquiescement aux mystères de salut qui s'opéraient en elle. Et quand une tradition séculaire et vénérable invite les croyants à célébrer la glorieuse Assomption de la Mère de Dieu, que le Magnificat de leur gratitude se joigne alors à celui de cette Vierge sainte, leur Mère, comblée la première en plénitude des fruits de rédemption et de résurrection que Jésus-Christ nous a acquis par son sang, à la gloire de Dieu le Père.

Ainsi affermie dans la foi, la dévotion mariale fleurira librement en espérance et en filiale confiance. Et c'est ici que

Nous renouvelons à tous, en cette Année Sainte, l'appel que Nous adressions déjà lors de la solennelle consécration du monde au Coeur Immaculé de Marie3. Puisqu'il a plu à Dieu, dans sa miséricorde, de remettre entre ses mains maternelles une puissance d'intercession, dont Nos fils de France ont maintes fois éprouvé l'ampleur et la délicatesse, que chacun ne cesse d'implorer son secours en faveur du monde déchiré et pécheur. La Vierge Marie ne saurait rester sourde au cri de ses enfants si celui-ci est non seulement le cri des lèvres ou celui d'une résolution hâtive et transitoire, mais le cri des réformes efficaces et des renouveaux nécessaires, sur les plans personnel et familial, civique et social, national et international.

A l'heure où déjà s'opère en tant d'âmes la rénovation intérieure que Nous espérons comme l'un des premiers fruits du Jubilé, mais à l'heure aussi où l'inquiétude serre le coeur de tant d'hommes, Nous aimons à penser que le Congrès de Rennes suscitera un nouvel essor de la piété mariale en France et, du fait même, un enrichissement de la vitalité chrétienne de votre chère patrie. Nous en formons le voeu en vous accordant d'un coeur paternel, à vous-même, Notre cher Fils, aux organisateurs et à tous les participants de ces assises, une large Bénédiction apostolique 4.

m S Pie XII consacre solennellement le monde au Coeur Immaculé de Marie en *942 (cf. A. A, S., 34, 1942, p. 345).

4 On a publié le compte rendu et les rapports du Congrès de Rennes.


LETTRE

AU R. P. FRÉDÉRIC SCHWENDIMANN, S. J. DIRECTEUR GÉNÉRAL-ADJOINT DE L'ASSOCIATION DE L'APOSTOLAT DE LA PRIÈRE

(ier juillet 1950) 1

L'apostolat de la Prière ayant décidé, à l'occasion de l'Année Sainte, une Croisade de prières et d'ceuvres pies de pénitence, le Saint-Père écrivit la Lettre suivante :

Ce n'est pas sans une joie intérieure particulière que Nous avons appris que l'association de l'Apostolat de la Prière2 en faveur de l'Année Sainte présente, avait déféré avec empressement à Nos invitations et annoncé une sorte de « Croisade de prières et d'ceuvres pies de pénitence », pour appeler sur le genre humain déchiré par tant de conflits et en proie à de graves détresses une plus grande abondance de la miséricorde divine. Or, tous ceux qui veulent entreprendre ce saint combat doivent principalement veiller à assister au moins une fois la semaine au Sacrifice de la Messe et à y communier, par une communion réparatrice, comme ils disent ; à réciter chaque jour le chapelet mariai, autant que possible en union avec toute la famille rassemblée à la maison. Or, de toutes les parties du monde, comme Nous l'avons appris avec très grande joie, non seulement

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 634.

2 L'Apostolat de la Prière a été créé en 1844 par le Père Sauhelet S. J. à Vais ; en 1860, le Père Ramière S. J. prenait la direction de l'oeuvre. Aujourd'hui celle-ci compte trente-cinq millions d'adhérents, et la revue Messager du Coeur de Jésus est éditée en quarante-cinq langues. Le siège de l'oeuvre est à Rome auprès du R. P. Général de la Compagnie de Jésus. Le but de cette organisation est de rappeler aux chrétiens qu'ils ont des devoirs d'apostolat et que ceux-ci ne sont fructueux qu'accompagnés de prières. On sait que les intentions de ces prières sont fixées chaque mois par le Pape.

les membres de l'Apostolat de la Prière, mais de nombreux autres fidèles ont donné leur nom avec entrain à ce pieux combat de supplication. C'est pourquoi, en de nombreux endroits, avec les encouragements des Evêques eux-mêmes et l'aide active des membres de l'Action Catholique, les devoirs de religion et de piété sont pratiqués plus souvent et avec plus de zèle, principalement en l'honneur des Coeurs Sacrés de Jésus et de Marie, qui doivent être élevés aux Tegards de toutes les nations comme des étendards de paix et de charité. En même temps que Nous vous félicitons donc, du fond du coeur, vous et tous les membres de l'Apostolat de la Prière, pour les fruits recueillis jusqu'ici, Nous formons le ferme espoir de voir beaucoup d'autres bataillons de fidèles entrer avec ardeur au plus tôt dans cette généreuse bataille de prières et d'oeuvres expiatoires. Ceci répond parfaitement et merveilleusement, en effet, aux buts poursuivis par Nous au cours de cette Année Sainte. Réconforté par ce joyeux espoir, Nous vous accordons très affectueusement dans le Seigneur, en présage des dons du ciel et en témoignage de Notre particulière affection, la Bénédiction apostolique, à vous, cher fils, à vos compagnons de projets et de labeurs et à tous les membres inscrits à la « Croisade de prières » '.

3 Sur l'Apostolat de la Prière, on lira l'allocution aux membres d'Italie, le 17 janvier 1943 ; de même Lettre au R. P. Jean Bru, directeur national de l'Apostolat de la Prière, ie 29 juillet T950, p. 270.


ALLOCUTION A LA GARDE PALATINE D'HONNEUR

(ier juillet 1950) 1

Le 1" juillet marquait le centenaire de la fondation de la Garde Palatine d'honneur de Sa Sainteté -. Au cours d'une cérémonie qui se déroula dans la cour du Belvédère, du Vatican, le Pape prononça les paroles suivantes :

A vous, chers fils du peuple romain, qui êtes accourus pour prendre part à cette réunion pacifique et familiale, et célébrer le centenaire de la fondation de votre chère institution ; qui êtes fidèles aujourd'hui comme toujours à votre ancienne devise : Fide constamus avita ; « Nous demeurons fermes dans la foi des aïeux », vous qui servez avec tant d'amour, tant de ferveur, tant de dévouement, tant d'esprit de sacrifice le Vicaire de Jésus-Christ sur terre, Prince de la Paix, Nous vous accordons de tout coeur, comme à toutes vos familles et à toutes les personnes qui vous sont chères, Notre paternelle Bénédiction apostolique, avec l'augure que le Seigneur écoutera votre prière et accorde la grâce d'éloigner de Rome et du monde le fléau de la guerre, inspirant à tous des pensées de fraternité et de paix.

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 3 et 4 juillet 1950.

2 La Garde Palatine d'honneur a été instituée par Pie IX le 14 décembre 1850. Elle est formée de deux bataillons de volontaires, soit un total de 500 hommes. Tous résident à Rome et prêtent spontanément leurs services pour assurer une garde d'honneur au Souverain Pontife. Elle est mise sous la direction de la Secrétairerie d'Etat.


ALLOCUTION AU PERSONNEL DE LA SOCIÉTÉ ROMAINE D'ÉLECTRICITÉ

(2 juillet 1950) 1

Trois mille ouvriers, employés et dirigeants de la Société Romaine d'électricité étaient reçus en audience par le Pape dans la salle des Bénédictions. Pie XII s'adressa à la foule en ces termes :

C'est toujours pour Nous un motif de grande satisfaction et de joie de recevoir le témoignage de l'amour filial des travailleurs et de saisir chaque occasion opportune pour exprimer l'estime et l'affection que leur vie laborieuse Nous inspire. L'Eglise a toujours protégé l'ouvrier et son travail. Prenez en mains, chers Fils, les déclarations des Papes sur la question sociale et la condition des travailleurs. Ce ne sont pas des paroles vides ni de vaines promesses qui ne peuvent ensuite être réalisées ni maintenues. Elles constituent plutôt une défense efficace et juste du travailleur, de son oeuvre et de son bien-être.

A ce sentiment vient se joindre un autre, lorsque le travail est consacré à procurer le bi%n comlun. Tro0 souvelt, le travail est méconnuou tout au moins sous-estimé par le grand public qui, cependant, profite dd ses avantages. Habitués à jouir des services qui le5r sont devenus indispensables, les usagers ef oublient facilement la valeur et le mérite et ne semblent s'en souvenir que dans ,es moments où, p!r force majeure, ils s'en trouvent privés 2. i

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 3 et 4 juIll%t 1950.4/p>

2 </span:On trouvera </span<la même pensée dans l'allocution au personnel des Transports urbains <3e Rome, 19 novembre 1950, p. 535.

N'est-ce pas là sans doute, également, votre cas, collaborateurs de la Société Romaine d'Electricité ? En temps normaux, les brèves interruptions du courant, indépendantes de la volonté humaine, font ou devraient faire apprécier d'autant plus le bénéfice de sa constante régularité. Si celle-ci vient à faire défaut, que de graves conséquences peuvent en résulter pour la vie domestique, pour l'industrie et l'économie, pour la chirurgie, en mettant parfois même des vies humaines en danger ! D'autre part, quels efforts, quelle vigilance incessante sont nécessaires pour éviter ces interruptions ou pour y remédier au plus tôt !

Mais voici qu'un horrible cataclysme, le conflit le plus effrayant de l'histoire, est venu récemment provoquer, principalement par la destruction des centrales, une désastreuse crise générale de l'énergie électrique. Devant la ruine d'ouvrages magnifiques, devant la perspective de terribles et longues conséquences, tous, dirigeants, techniciens, ouvriers, ne pouvaient réprimer dans leurs coeurs un sentiment de vive douleur, une première impression de découragement. Ce ne fut qu'une rapide impression, fermement et immédiatement repoussée ! On doit rendre hommage à la force d'esprit et de volonté, au courage résolu et persévérant qui vous ont permis — plus rapidement que les calculs les plus optimistes n'auraient pu le faire envisager — de démêler le désordre et l'enchevêtrement des installations bombardées, de rebâtir les édifices, de reconstruire les machines, de remettre en ordre et relier les circuits et les réseaux, de rendre toute son activité à l'immense organisme, depuis la source d'énergie sur la montagne jusqu'à la modeste lampe où elle aboutit.

Vous pouvez bien être fiers d'un si merveilleux relèvement, chacun de vous dans la mesure où vous y avez contribué, car il suppose chez tous deux conditions qui constituent la noblesse de la vie laborieuse : l'intérêt et l'amour de l'ouvrier pour son travail dans la coopération au bien commun, l'intérêt et l'amour pour l'entreprise, au service de laquelle tant de peines sont consacrées.

Ces peines ne sont pas légères, Nous le savons bien, et dans votre vie personnelle, dans votre vie de famille, les heures ne manquent pas où elles se font sentir plus lourdement. Puissent, en ces heures-là, vous soutenir la pensée de leur utilité et vous réconforter par ailleurs la certitude que Nous, Vicaire du Christ, qui considérons avec satisfaction votre travail pour les hommes ses frères, — Nous vous honorons, vous aimons, et que Nous invoquons sur vous spécialement en cette Année Sainte, les plus précieuses grâces du Ciel, en gage desquelles Nous vous donnons de tout coeur, ainsi qu'à vos familles, à vos collègues et compagnons, empêchés par le devoir d'être eux aussi, présents ici, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


HOMÉLIE LORS DE LA CANONISATION DE SAINTE MARIE-ANNE DE JÉSUS DE PAREDES

(9 juillet 1950) 1

Le Saint-Père a procédé, le VIe dimanche après la Pentecôte, à la canonisation de Marie-Anne de Jésus de Parades. Celle-ci naquit à Quito ¦en Equateur le 31 octobre 1618, et fut dès l'âge de quatre ans orpheline de père et de mère ; elle fut recueillie par la famille de sa soeur aînée ; c'est dans ce foyer qu'elle mena une vie de contemplation et de pénitence.

Des secousses sismiques et la peste s'abattant sur le pays, Marie-Anne offrit sa vie pour éloigner les fléaux. Ceux-ci cessèrent instantanément leurs ravages et la sainte mourut le 26 mai 1645. Pie IX béatifia en 1853 celle qu'on acclame comme le « lys de Quito » 2.

Considérant la vie de l'angélique vierge qu'il nous a été donné d'élever aux honneurs suprêmes des autels, Nous croyons devoir proposer à votre méditation son éclatante pureté, son esprit de pénitence qui la portait à châtier son corps humain pour son prochain, enfin, sa charité et sa compassion pour toutes les misères humaines.

Sous l'impulsion de la grâce, elle cultiva dès son enfance la virginité, « qui a quelque chose de divin » 3.

Avec le consentement de son directeur, elle se consacra à l'âge de dix ans à Jésus. Convaincue que la virginité est le don d'En-Haut, une fleur qui croît dans le jardin de l'Eglise, mais a

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 610.

2 Cf. Lettre à Son Exc. Mgr Carlo-Maria Délia Torre, archevêque de Quito, à l'occasion du Ille centenaire de la mort de la bienheureuse Marie Paredes de Jésus, le ier septembre !945 (A. A. S., 37, 1945, p. 231) ; Décret concernant les miracles, 12 janvier 1950 (A. A. S., XXXXII, 1950, p. 332) ; Décret en vue de la canonisation, 5 mars 1950 (A. A. S., XXXXII, 1950, p. 402) ; Discours à l'occasion de la canonisation de sainte Marie-Anne de Jésus de Paredes, 10 juillet 1950, p. 240.

3 Didym. Alex., Contra Manich., 9.

continuellement besoin de la rosée du ciel, elle fuyait les pompes du siècle et passait de longues heures dans la prière, la méditation et la contemplation.

A la table sainte — elle s'en approchait très souvent — elle semblait un ange plutôt qu'une jeune fille, et excitait l'admiration de tous.

Quittant l'église, elle s'efforçait de communiquer à autrui — et tout particulièrement à son entourage — la flamme qui brûlait dans son coeur.

Tout innocente qu'elle fût, Marie-Anne châtiait son corps par des jeûnes, des cilices et des flagellations. Chargée d'une lourde croix, elle faisait le Chemin de croix. A la méditation de la Passion du Christ, elle s'enflammait d'amour et répandait d'abondantes larmes.

Son court sommeil, elle le prenait tantôt à terre, tantôt sur une planche. Elle passait le reste de la nuit à genoux, dans la prière et la contemplation.

Tous les hommes — aujourd'hui surtout — ne comprennent pas ce genre de pénitence, tous ne l'estiment pas à sa juste valeur. Beaucoup le dédaignent et le négligent. Et pourtant, marqués par le péché originel, et facilement portés au mal depuis la chute d'Adam, tous les hommes ont absolument besoin de faire pénitence : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous 4. » Rien comme la pénitence ne maîtrise les mouvements déréglés et ne soumet à la raison les tendances de la nature. En luttant vaillamment et en crucifiant en quelque sorte notre chair5, nous pouvons goûter dès cette vie les joies supérieures qui dépassent les plaisirs du monde comme l'esprit l'emporte sur le corps et comme le ciel s'élève au-dessus de la terre. Les saintes austérités de la pénitence volontaire procurent à l'homme une douceur céleste qu'il ne saurait trouver dans les biens caducs de cette terre. Cette douceur, Marie-Anne la connut. Au milieu de ses pénitences les plus rudes, elle goûta parfois, dans l'extase, quelque chose du bonheur éternel.

Conduite ainsi par la grâce, Marie-Anne travailla au salut non seulement de son âme, mais aussi de son prochain. Empêchée d'aller évangéliser les païens, elle s'efforçait de porter à la vertu et à la piété les personnes qu'elle rencontrait, par ses

4 Luc, 13, 5.

5 Cf. Galat., 5, 24.

exhortations et ses exemples. Elle soulageait la misère des pauvres et soignait les malades. Et lorsque de graves épreuves, un tremblement de terre et la peste, éprouvèrent ses concitoyens, elle s'efforça d'obtenir par la prière et la pénitence ce que n'avaient pu faire les efforts humains.

Telle est en bref la vie de la nouvelle sainte. Admirez-la, chers fils et filles bien-aimés, et efforcez-vous de l'imiter, chacun selon ses conditions. Qu'à cette imitation s'applique surtout la jeunesse moderne, entourée de toutes parts de dangers et d'embûches. Les jeunes gens apprendront d'elle à préférer la souffrance et même la mort au péché. Le peuple équatorien surtout, qui nous est très cher, s'efforcera d'imiter les glorieuses vertus chrétiennes de ses ancêtres, et de donner à l'Eglise, sous la protection de Marie-Anne de Jésus, de nouveaux modèles de vertu et de sainteté.


DISCOURS AUX PÈLERINS A L'OCCASION DE LA CANONISATION DE SAINTE MARIE-ANNE DE JÉSUS DE PAREDES

(10 juillet 1950) 1

Le lendemain de la canonisation de la nouvelle sainte, le Pape reçut en audience les nombreux pèlerins de l'Equateur et d'Espagne et adressa à l'auditoire les paroles suivantes :

Comme pour conclure une série de canonisations solennelles, Nous avons eu la consolation de placer l'auréole de la sainteté au front d'une grande héroïne de l'Amérique espagnole, Mariana de Jésus de Paredes, le « lys de Quito » 2.

Il ne s'agit pas, cette fois, d'une fondatrice illustre, comme sainte Emilie de Rodât, ni d'une personnalité d'importance historique comme saint Antoine-Marie Claret, ni d'une apôtre de la charité comme sainte Bartolomea Capitanio ou sainte Vicente Gerosa, ni d'une reine, comme sainte Jeanne de France, ni d'un champion des droits de l'Eglise comme Vincent-Marie Strambi, ni enfin d'une martyre de la pureté virginale comme sainte Marie Goretti. En revanche, il s'agit de quelqu'un qui est, en un certain sens, comme la phrase finale d'une symphonie, qui réunit tous les thèmes en prenant à chacun quelque chose de ce qui le caractérise, pour composer la merveille humaine de son esprit.

L'histoire de Marie-Anne de Jésus de Paredes est très brève. Issue d'une noble famille d'origine espagnole, dont l'arbre généalogique unit l'Andalousie et la Castille, elle naquit a Quito en 1618. Dès le début, on trouve en son âme toute la suavité de ce climat, toute la clarté de ce ciel et toute la grâce

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 637.

2 Cf. p. 237.

de ses palmiers et de ses Heurs. Prodige de piété par la maturité de son esprit, elle se lie, vers les dix ans, par les voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. On voit que ce rameau détaché du tronc ibérique était fort et que la terre du Nouveau-Monde était généreuse. L'exemple des missionnaires la conquiert, enflamme son âme et la remplit des plus hautes aspirations, qui se concrétisent en ferventes prières, en contemplations extraordinaires et autres dons mystiques, accompagnés de telles austérités que leur seule énumération provoquerait une profonde stupeur. Victime d'un amour sublime, elle achève ses jours comme holocauste de charité en 1645, en offrant sa vie pour son peuple. Et tandis que la terre cessait de trembler et que la peste se dissipait, elle exhalait son dernier soupir au milieu de délices ineffables, tout en portant toujours de cruels cilices. Elle n'avait pas plus de vingt-six ans.

Elle ne vécut pas dans un cloître, car la Providence la voulut dans le monde ; cependant, elle aspira à la perfection, comme aurait pu le faire la religieuse la plus stricte. Elle ne fut point une figure historique ; elle n'en est pas moins aujourd'hui l'héroïne d'une nation illustre qui l'acclame comme son « héroïne nationale » 3. Elle ne consacra pas exclusivement son temps à la charité ; pourtant, à la fin, elle donna sa vie pour ses frères. Elle aima l'Eglise comme le plus jaloux défenseur de ses droits et elle l'honora par ses vertus. Enfin, elle ne fut pas immolée par la fureur d'autrui, mais elle sut se mortifier de sa propre main.

Tout le monde peut apprendre de cette sainte le pouvoir immense de la vertu chrétienne, capable de mûrir un esprit avec plus de vigueur que le soleil de Quito ne fait mûrir les magnifiques fruits de la terre équatorienne. Que le monde apprenne les énergies qui se cachent dans la prière et dans le sacrifice. Que les épicuriens de tous les temps apprennent que le but des esprits se rencontre dans cette voie cachée, dans laquelle l'amour cherche la douleur pour s'élever au-dessus des liens matériels. Que la jeunesse mondaine apprenne ce que peut faire, dans son milieu même, une âme éprise du Seigneur. Et que tous ceux qui vivent aujourd'hui dans la pleine dévotion au Sacré-Coeur de Jésus admirent le caractère de cette victime innocente qui, à

3 En novembre 1946, l'Assemblée Constituante de l'Equateur déclara Anne-Marie de Paredes « héroïne nationale » parce qu'elle avait offert sa vie pour sauver ses concitoyens.

l'aube du XVIIe siècle, sut faire déjà de la réparation le centre de sa spiritualité.

Cependant, il est évident que Nous ne pourrions terminer ce discours sans Nous adresser tout particulièrement à la distinguée délégation équatorienne, ici présente, composée d'une partie si digne de son épiscopat, avec des centaines de fidèles et présidée par une ambassade extraordinaire, dans laquelle figurent des noms dont les mérites ne Nous sont pas inconnus \

Marie-Anne de Jésus de Paredes est un exemple pour tous, mais d'une manière toute spéciale pour vous, chers fils de l'Equateur. Parfois, les vicissitudes de la politique de chaque jour peuvent faire considérer comme un danger des valeurs aussi fondamentales que l'éducation chrétienne. Ne le permettez pas, vous tous ; au contraire, exigez pour vos générations futures une formation encadrée par les vertus qui firent la grandeur de votre sainte, et proposez à vos enfants le modèle parfait de votre « héroïne nationale », sainte Marie-Anna de Jésus de Paredes.

Nous vous recommandons à elle, chers fils, en même temps que Nous vous bénissons avec la sincère effusion de Notre paternelle affection, en vous demandant d'apporter Notre Bénédiction à votre patrie et aussi à vos foyers, comme gage de l'amour du Vicaire du Christ.

* Le Président de la République de l'Equateur avait envoyé une ambassade extraordinaire en mission spéciale pour représenter le gouvernement et le peuple de ce pays a la canonisation de la première sainte équatorienne.

La mission, composée de trente-cinq personnes, était présidée par Son Exc. Don En-rique Arizaga Toral, ancien ministre des Finances et actuellement maire de Cuenca.


LETTRE A SON EM. LE CARDINAL GERLIER, ARCHEVÊQUE DE LYON, A L'OCCASION DU CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE M. HYACINTHE DE GAILHARD-BANCEL

(12 juillet 1950) 1

Hyacinthe de Gailhard-Bancel est né à Alex (Drôme) le 1er novembre 184g ; après avoir terminé ses études de droit à Grenoble et à Paris, il revint à sa terre natale pour se vouer à promouvoir les organisations rurales : syndicats agricoles, oeuvres des retraites fermées et pèlerinage annuel des paysans à La Louvesc (inauguré en igoo). En 189g, il fut élu député et durant 25 ans, il défendra à la Chambre les droits de l'Eglise. Il mourut en 192g 2.

Une grandiose manifestation réunissant à La Louvesc plus de 20.000 paysans, commémora, le 23 juillet îgso, le centenaire de la naissance de cette grande figure. A cette occasion, le Saint-Père écrivit la lettre suivante :

Les fêtes du centenaire de la naissance de Hyacinthe de Gailhard-Bancel, que vous présiderez le 23 juillet prochain sont, pour Nos fils de France, riches de signification et d'opportunité. Nous vous savons gré, ainsi qu'à Nos vénérables Frères les evêques de Valence et de Viviers, de le souligner par la présence de la hiérarchie, et de tout coeur Nous vous apportons Nous-même, à cette occasion, le témoignage de Notre paternelle bienveillance.

A l'heure, en effet, où dans votre pays des manifestations anniversaires et des Semaines d'études attestent tour à tour la vitalité de la jeunesse agricole chrétienne et l'application de la

1 D'après La Croix du 27 juillet 1950.

2 On lira de H. de Gailhard Bancel, Les Syndicats agricoles aux champs et au Parlement, Ed. Spes, Paris, 1926.

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pensée catholique aux problèmes économiques et sociaux du monde rural, il est fructueux pour la nouvelle génération d'évoquer fidèlement la mémoire de ces hommes qui furent les devanciers de ces efforts et soutinrent les premiers les « idées d'avenir » dont elle se nourrit encore aujourd'hui. Hyacinthe de Gailhard-Bancel fut l'une de ces personnalités, et il n'est que justice de reconnaître ce que doit à son action le catholicisme social français.

Sa vie entière fut consacrée à la défense des droits sociaux et religieux des populations terriennes du Dauphiné et du Vivarais qu'il connaissait si bien, mais le rayonnement de ses initiatives dépassa de loin le champ de ses expériences. Très jeune, il recueille le message de la Tour du Pin et d'Albert de Mun, et se montre disciple empressé des enseignements de Léon XIII. Par son action hardie et persévérante, il suscitait, dès 1.884, les premiers syndicats agricoles et ne cessera de promouvoir l'organisation professionnelle et sociale du travail ; dans le même temps, on le voyait inaugurer des retraites fermées d'agriculteurs et collaborer à la création de l'Union catholique de la France agricole. Qui donc, enfin, pourrait oublier qu'à l'une des heures douloureuses de l'histoire de l'Eglise en France, sa parole éloquente retentissait, tant au Parlement qu'à travers le pays, pour y porter un témoignage dont la fermeté et la loyauté soutenaient le courage de ses frères et forçaient le respect des adversaires eux-mêmes.

Ses amis, d'ailleurs, savent à quelle source profonde cet homme d'action puisait son énergie, et vous aimerez évoquer les traits de ce fidèle de l'adoration nocturne, non moins que la noblesse de son foyer chrétien enrichi de vocations religieuses et sacerdotales, et où une admirable épouse le secondait de sa discrète et intelligente affection. Mais, dans le cadre de ces fêtes qui commémorent à la fois le cinquantenaire du pèlerinage des hommes à La Louvesc et le centenaire de son fondateur, comment ne pas louer, au surplus, l'infatigable pèlerin animateur de ces vastes rassemblements de croyants, groupés à l'ombre d'un sanctuaire vénéré, pour aviver leur piété et proclamer leur foi ?

Ces mêmes fruits de grâce, Nous les appelons aujourd'hui sur tous les participants de ces cérémonies anniversaires, en leur accordant volontiers, ainsi qu'à vous-même et à la famille de ce grand chrétien, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


Pie XII 1950 - HOMÉLIE PRONONCÉE LORS DE LA MESSE CÉLÉBRÉE EN L'HONNEUR DE SAINTE MARIE GORETTI