Pie XII 1950 - LETTRE A SON EM. LE CARDINAL GERLIER, ARCHEVÊQUE DE LYON, A L'OCCASION DU CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE M. HYACINTHE DE GAILHARD-BANCEL


LETTRE DE MONSEIGNEUR MONTINI, SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT, A M. CHARLES FLORY, PRÉSIDENT DES SEMAINES SOCIALES DE FRANCE

(13 juillet 1950)1

Du 18 au 23 juillet 1950 se tenait à Nantes la XXXVIIe Session des Semaines Sociales de France ; celle-ci avait pour thème : Le monde rural dans l'économie moderne. Selon la tradition, la Secrétairerie d'Etat faisait parvenir au Président une lettre d'approbation et d'encouragement :

C'est à nouveau sur le problème rural2 que les Semaines Sociales de France ont décidé de se pencher, cette année, en choisissant pour siège de leurs travaux cette grande cité nantaise qui n'a pas moins d'ouverture sur la campagne bretonne que sur l'océan, avec ses chantiers navals et ses pêcheries. Vous avez été bien inspiré de choisir un tel centre pour y traiter un tel sujet, et il n'est pas douteux, au surplus, que le pasteur qui préside aux destinées de cet important diocèse ne contribue, par son accueil, et ses judicieux conseils, au succès de vos prochaines assises 3.

La lettre rappelle les nombreux documents déjà rédigés par le Saint-Siège et traitant des questions rurales :

Aussi bien n'ignorez-vous pas à quel point le Saint-Siège a toujours pris à coeur les problèmes ruraux, avec quelle insistance il y revient, chaque fois que l'occasion s'en présente,

1 D'après le texte français de VOsservatore Romano du 27 juillet 1950.

2 Des problèmes ruraux ont été étudiés aux Semaines Sociales d'Orléans (1905), Dijon (1906), Marseille (1908) ; la XVIe Session tenue à Rennes en 1924 fut consacrée à l'étude du « Problème de la Terre dans l'Economie Nationale ».

3 L'évêque de Nantes depuis 1936 est Son Exc. Mgr Villepelet.

dans ses messages et ses discours, et quelle précieuse contribution il a déjà apportée, en ce domaine, à la doctrine sociale de l'Eglise4. C'est à la lumière de cet auguste magistère que vous allez donc aborder les nombreuses et délicates questions que soulève l'intégration du monde rural dans l'économie moderne, et Sa Sainteté tient à vous faire savoir l'importance qu'elle attache à ces travaux d'économistes et de sociologues catholiques pour l'élaboration, sur ce point, d'une pensée chrétienne informée, sûre et constructive.

Les problèmes de la terre doivent aujourd'hui être étudiés en union avec tous les autres problèmes sociaux et économiques, et de plus, il faut leur trouver des solutions qui satisfassent les exigences internationales.

En effet, les questions agricoles, dans un monde comme le nôtre, restent plus que jamais à l'ordre du jour, encore qu'elles ne puissent plus être considérées isolément. Désormais, il faut les envisager et les résoudre dans leurs indispensables rapports avec les autres branches de la vie économique et de l'activité industrielle et maritime.

Au surplus, si vous étudiez principalement ces problèmes dans le cadre de votre patrie, où l'agriculture occupe une place d'honneur grâce aux richesses naturelles que la Providence a répandues sur le sol de France, vous ne pouvez davantage vous replier sur vous-mêmes sans tenir compte des ressources et des besoins complémentaires des autres pays. Combien de questions ne se posent pas alors, délicates, mais nécessaires : main-d'oeuvre et immigration, communication et répartition des produits ?... Au delà de vos frontières, enfin, des masses humaines souffrent encore de sous-alimentation dans un univers dont l'économie cherche de plus en plus son équilibre à l'échelle mondiale5, et le Saint-Père ne craint pas de penser que des travaux tels que les vôtres, fussent-ils de portée restreinte, concourent efficacement à instaurer les conditions temporelles d'une paix stable, car celle-ci, en vérité, pourrait-elle se réaliser tant que d'innombrables familles ne participent que d'une façon gravement insuffisante aux richesses de la terre nourricière ?

4 On trouvera un exposé des principaux documents pontificaux sur ce sujet dans Giovanni Hoyois, Eglise et Vie rurale, Ed. La Pensée catholique, Liège, 1949.

5 De vastes territoires d'Asie et d'Afrique voient leur population souffrir de sous-alimentation.

En plus des problèmes économiques, il y a des problèmes humains : démographiques, psychologiques et sociologiques :

Mais outre ce retentissement de vos travaux sur le plan économique et technique, dont les conjonctures présentes disent assez la gravité, comment le Saint-Père n'aimerait-il pas à souligner l'aspect social et moral de vos recherches ? Il s'avère, en effet, aujourd'hui, que le resserrement des liens entre le monde rural et la vie industrielle et urbaine pose des problèmes humains nouveaux qui ne doivent pas prendre au dépourvu les penseurs et les hommes d'action catholiques.

Il convient de mettre en relief toutes les ressources de santé sociale accumulées dans la vie rurale :

Que ceux-ci, en particulier, dans leur juste désir de faire progresser les populations paysannes vers un niveau social plus élevé de vie et de travail, gardent le souci de les préserver de dangereuses secousses et de vaines séductions. Ce n'est pas sans raison que Sa Sainteté reconnaissait dans une population rurale, en contact permanent avec la nature, « une force économique et une capacité de résistance indispensables dans les temps critiques ». A l'heure où les échanges vont se multiplier entre la ville et la campagne, ne sous-estimons pas ce capital de saines valeurs ; préservons-le contre les causes de dissipation qui risquent de l'assaillir ; que la volonté de remédier à des situations imparfaites ne nous rende pas sourds aux conseils de l'expérience ! Gardons-nous cependant de toute pusillanimité et de regrets stériles du passé, car, sous la poussée de la justice sociale et de l'inspiration de la charité chrétienne, il y a encore beaucoup à réaliser dans le domaine rural.

Mais il faut aussi envisager l'avenir et ne pas hésiter à orienter les recherches vers d'heureuses transformations de Y agriculture :

Telle est ici la tâche propre des professeurs d'une Semaine Sociale catholique. A eux de rechercher et de promouvoir les valeurs spécifiques de ce monde rural et son rôle dans le concours harmonieux des divers milieux sociaux. A eux d'analyser les structures nouvelles de l'entreprise agricole à la lumière des enseignements pontificaux. A eux d'étudier les aménagements souhaitables et possibles de l'habitat rural, des conditions de travail et de loisirs, de l'enseignement scolaire et technique. Tâche immense, complexe, mais combien utye i Par là, ils aideront toute une élite rurale à prendre mieux conscience d'elle-même, et à développer, dans la ligne humaine et chrétienne, trop souvent compromise encore par des conditions inadéquates de formation et d'existence. Je suis heureux de vous transmettre, à cet égard, les encouragements confiants et paternels de Sa Sainteté.

Toutes les solutions ne seront valables que si elles permettent l'ascension spirituelle de ceux qui vivent de la terre :

L'urgence de ces problèmes sociaux ne saurait toutefois masquer aux yeux du chrétien la primauté de la question religieuse. Ne l'indiquiez-vous pas vous-même, Monsieur le Président, en proposant d'étudier « le monde rural tout entier avec le souci fondamental de lui rendre une âme... et de donner satisfaction à ses besoins spirituels » ? Pour réaliser un tel programme, le Souverain Pontife compte sur la collaboration persévérante et efficace de ses fils de l'Action Catholique, et en particulier sur le Mouvement Familial rurale. A ces populations paysannes auxquelles ils sont mêlés comme le levain dans la pâte et qui sont parfois trop étroitement repliées sur leurs intérêts matériels immédiats, ils porteront un témoignage courageux de moralité familiale et professionnelle ; ils leur insuffleront un esprit nouveau ; ils les serviront par leur présence active dans les institutions civiques et sociales. Mais cette action ne sera profonde que si tous, membres actifs de paroisses rurales, vivantes, gardent pur en leur coeur l'idéal surnaturel, évitant de restreindre leur horizon aux seules perspectives temporelles, quelle que soit la justice de la cause qu'ils veulent faire triompher.

Ainsi ouverts à de si hautes préoccupations, fidèles a l'enseignement de l'Eglise et fondés sur l'expérience des faits, ces travaux de la Semaine nantaise porteront sans nul doute, cette année encore, les meilleurs fruits. C'est le voeu du moins que forme de tout coeur le Saint-Père en vous accordant, ainsi qu'aux organisateurs, aux maîtres et aux auditeurs de cette prochaine session, une large et paternelle Bénédiction apostolique.

6 Le Mouvement familial rural (M. F. R.) a son siège 13, rue du Docteur-Leroux, Paris. Il constitue avec la section des jeunes de la Jeunesse agricole catholique, 7, rue Coëtlogon, Paris, le groupement des forces d'Action Catholique dans le monde rural.


MESSAGE A SON EXC. M. GALO PLAZA LASSO PRÉSIDENT DE L'EQUATEUR

(15 juillet 1950)1

A l'occasion de la canonisation de sainte Marie-Anne de Jésus Paredes2, le Président de l'Equateur envoya le message suivant au Saint-Père :

« Au nom du peuple êquatorien et en mon nom personnel, je tiens à exprimer respectueusement à Sa Sainteté nos sentiments de gratitude émue et de vive satisfaction pour la glorification universelle de Marie-Anne de Jésus, valeur insigne de vie spirituelle de notre pays et de tout le continent américain. »

Le Pape répondit par le message suivant :

Vivement ému par les sentiments exprimés par Vous-même et par le peuple êquatorien à l'occasion de la canonisation de sainte Marie-Anne de Jésus, Nous Nous unissons à vous pour formuler Nos meilleurs voeux paternels à votre Nation.

1 D'après le texte espagnol de VOsservatore Romano du 20 juillet 1950.

2 Cf. Homélie lors de la canonisation, 9 juillet 1950, p. 237, et Allocution aux pèlerins, io juillet 1950, p. 240.


ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONGRÈS DU DROIT PRIVÉ §

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(15 juillet 1950) 1 ,|'

1 Plus de deux cents juristes se sont réunis à Rome pour participer au premier Congrès International du Droit Privé ; parmi ceux-ci se trouvait le Prince Don Carlo Pacelli, neveu du Souverain Pontife, qui représentait la Cité du Vatican. Ces délégués furent reçus en audience dans la Salle du Consistoire et le Pape leur dit :

Dans votre souhait de bienvenue et dans l'expression de Notre joie à vous recevoir, ne voyez pas seulement, Messieurs, la sincère, mais commune manifestation de Notre bienveillance. Vous y avez un titre tout spécial en tant que représentants éminents de la science et de la pratique juridiques.

Le Pape rappelle les liens étroits qui unissent l'Eglise et le Droit2 ;

Qui pourrait, pour peu qu'il ait feuilleté l'histoire de la civilisation, et qu'il ait réfléchi sur la nature du droit, sur son rôle et sur sa fonction dans la vie de la société humaine, s'étonner de l'intérêt que n'a cessé de lui porter l'Eglise ?

1 D'après le texte français de VOsscrvatore Romano des 17 et 18 juillet 1950.

2 Ce sujet a été fréquemment abordé par le Souverain Pontife. — Citons : Discours à l'occasion de la béatification de Contardo Ferrini, 14 avril 1947 (cf. A. A. S., 39, 1947* p. 343) ; Discours aux membres de la Rote, 29 octobre 1947 (cf. A. A. S., 39, 1947, p. 493) '/ Discours aux membres de l'Institut de l'Unification du Droit Privé, 20 mai 1948 (cf. Documents Pontificaux 1948, p. 192) ; Allocution aux délégués de la Conférence de l'Union Interparlementaire, 9 septembre 1948 (cf. Documents Pontificaux 1948, p. 304) ; Discours aux juristes catholiques italiens, 6 novembre 1949 (cf. Documents Pontificaux 1949, p. 462) ; Discours aux Membres de la Rote, 13 novembre 1949 (cf. Documents Pontificaux %949t p. 480).

Ces liens dérivent du fait que la source même de tout droit est Dieu :

Dans une formule, dont la vigoureuse concision porte le coin de son génie, Platon fixe en ces termes la pensée latente dans l'esprit de toute l'antiquité : 'O drj deos rjfiîv Tzdvzajv xprjiiàzwv ptizpov àv eïrj jxdkcaza, xai noXb fiàXXov fj noo res, o'S epaoev âu&pwTtos 3 « Dieu est pour nous, en première ligne, la juste mesure de toutes choses, beaucoup plus qu'aucun homme ne peut l'être. » Cette pensée même, l'Eglise l'enseigne aussi, mais dans toute la plénitude et la profondeur de sa vérité, lorsque, déclarant avec saint Paul que toute paternité dérive de Dieu : Tcaaà Ttazpià èv oùpavocs xal ènî yrjs 4 elle affirme en conséquence que, pour régler les rapports mutuels au sein de la grande famille humaine, tout droit a sa racine en Dieu.

L'Eglise condamne le positivisme juridique 5, qui professe que le droit est autonome :

Voilà pourquoi l'Eglije, rejetant le positivisme juridique extrémiste qui attribue au droit sa « sainteté » propre et comme autonome, auréole celui-ci d'une plus sublime et réelle sainteté, obligeant en dernière analyse, à la fidélité envers la loi tout catholique et aussi tout homme convaincu de l'existence et de la souveraineté d'un Dieu personnel.

D'ailleurs, l'Eglise doit nécessairement avoir son propre droit :

Quant à l'Eglise, étant elle-même un grand organisme social, une communauté supra-nationale solidement bâtie, pourrait-elle subsister sans un droit déterminé et précis ? Outre cette considération d'une logique incontestable, d'ordre purement naturel pourtant, elle a conscience d'avoir été constituée par son divin Fondateur comme une société visible pourvue d'un ordre juridique, et la base de cet ordre, de ce statut juridique, n'est donc autre que le droit divin positif. La fin de toute la vie de l'Eglise, sa fonction de conduire les hommes à Dieu, de promou-

»   NÔplOC 1. IV, n. 716 c. 1 Eph., 3, 15.

5 On trouvera des allusions au positivisme juridique dans le discours aux juristes catholiques italiens, 6 novembre 1949 (cf. Documents Pontificaux 1949, p. 462) ; discours aux Membres de la Rote, 15 novembre 1949 cf. ibid., p. 480).

voir leur union à Dieu, se trouve, il est vrai, dans le champ de l'ultraterrestre, du surnaturel ; elle est, en fin de compte, quelque chose qui se joue immédiatement, personnellement, entre Dieu et l'homme. Oui, mais le long de la route où s'exerce cette fonction et qui tend à cette fin, chaque fidèle chemine comme membre de la communauté ecclésiastique, sous la conduite de l'Eglise, à travers les conditions particulières et concrètes de l'existence. Or, qui dit communauté et direction d'une autorité, dit par le fait même puissance du droit et de la loi.

A vous, Messieurs, qui connaissez assez bien le droit canonique, point n'est besoin de souligner, pour vous la faire apprécier, la valeur de ces connexions intimes.

Le but de ce Congrès est d'étudier, de comparer les droits privés des différentes nations, pour aboutir à une uniformisation de ces droits :

Mais pour en venir à votre Institut, Nous voulons rendre un témoignage de la haute estime dans laquelle Nous tenons et son rôle et son travail. Un simple coup d'oeil sur l'objet du droit international privé et sur son histoire suffit à faire entrevoir la difficulté de la coordination des différents droits. C'est que le domaine où s'applique votre tâche excède en profondeur celui du droit international privé. Il ne vise à rien moins qu'à préparer graduellement une législation de droit privé uniforme. Entreprise d'un grand courage assurément, mais entreprise opportune, urgente.

Cette oeuvre est rendue nécessaire à la suite des progrès techniques qui ont permis de rapprocher les peuples :

Les générations précédentes auraient-elles jamais cru réalisable, auraient-elles même pu simplement songer au progrès technique des communications qui a, en si peu de temps, rapproché tous les hommes au point de rendre exacte à la lettre cette expression familière que « le monde est devenu bien petit » ? Il le devient et le deviendra toujours davantage.

De plus, on songe aujourd'hui à déférer les peuples d'Europe, ce qui suppose un accord sur certains principes communs de droit :

En  outre,  l'idée  paneuropéenne,  le  Conseil  d'Europe  et d'autres  mouvements  encore   sont une  manifestation  de la

nécessité où l'on se trouve de briser ou du moins d'assouplir, en politique et en économie, la rigidité des vieux cadres de frontières géographiques, de former entre pays de grands groupes de vie et d'action communes.

D'ailleurs, les mouvements de population imposent de leur côté qu'on uniformise le droit :

Bon gré, mal gré, on aura beau faire abstraction de toutes ces considérations pratiques ; du fait des conséquences inéluctables de la guerre et sous la pression des événements, la surpopulation de certaines régions et le chômage qui en résulte, entraînent par l'émigration, tout un brassage démographique qui, au cours du prochain demi-siècle, dépassera probablement de beaucoup en importance les expatriations vers les deux Amériques au cours des derniers cent cinquante ans. De quelle utilité sera alors la coordination du droit privé !

Il faudra toutefois progresser prudemment en ce domaine, et respecter certaines données particulières, qui, sans doute, ne permettront pas Y uniformisation complète du droit :

Sera-t-il cependant toujours possible de l'étendre à tout son domaine, fût-ce seulement pour un groupe déterminé d'Etats ? une parification radicale sera-t-elle vraiment partout avantageuse ? Il serait malaisé de le dire dès maintenant. Il peut se faire, en effet, que, malgré tout, les conditions économiques, sociales ou de culture générale demeurent dans certains pays si différentes qu'une uniformité embrassant toutes les nations et tout l'ensemble du droit privé, ne corresponde pas tout à fait aux exigences du bien commun.

Le Souverain Pontife énonce des principes qui devront en permanence guider les travaux des juristes :

Quoi qu'il en soit, Nous vous demandons d'avoir toujours présents à l'esprit les trois points suivants :

i° 7/ faut énoncer des règles de droit en vue de protéger les plus faibles :

D'abord la protection sans cesse plus  attentive et plus efficace de tous ceux qui en ont le plus grand besoin, spécialement les enfants abandonnés et les femmes seules ; c'est à leur égard surtout que le législateur devrait régler sa conduite sur le modèle du père et de la mère de famille.

2° Il faut assouplir les règlements, en vue de faciliter les rapports entre les peuples :

En second lieu, simplification du régime juridique de ceux que leur situation contraint de passer fréquemment et même périodiquement d'un pays à l'autre.

3° Il faut assurer à tout homme l'exercice de ses droits fondamentaux :

Enfin reconnaissance et réalisation directe et indirecte des droits innés de l'homme qui, en tant qu'inhérents à la nature humaine, sont toujours conformes à l'intérêt commun ; bien plus, ce sont eux qui doivent être pris comme éléments essentiels de ce bien commun ; d'où il suit que le devoir de l'Etat est de les protéger, de les promouvoir et que, en aucun cas, ils ne peuvent être sacrifiés à une prétendue raison d'être.

Le Pape bénit en terminant les travaux de ce Congrès :

Avec la plus vive et la plus sympathique attention, Nous suivons, Messieurs, et vos travaux et le développement de votre Institut, sur lequel Nous appelons de tout Notre coeur, ainsi que sur vous et vos familles, la divine assistance et la bénédiction de Dieu.


DÉCRET DU SAINT-OFFICE CONDAMNANT LE LIVRE «LA VIA» DE BRUNO UGHI

(18 juillet 1950) 1

Au cours de la session générale de la S. Congrégation du Saint-Office, les Eminentissimes et Révérentissimes Cardinaux, ayant la charge de veiller aux vérités de la foi et aux moeurs, après avoir pris l'avis des Pères Consulteurs, ont condamné et ordonné que soit inscrit dans la liste des livres prohibés l'ouvrage de Bruno Ughi : La Via, ire édition, Institute Editoriale Cisalpino, Milano-Varese, 1948, 2e édition augmentée, Florence, C. Y. A. Editore, 1949 2.

1 D'après A. A. S., XXXXII, 1950, p. 490.

2 M. Bruno Ughi est le mari d'une « visionnaire » qui a été condamnée pour ses vues hérétiques touchant l'Eglise (millénarisme). Ulcéré par cette mesure disciplinaire, le mari a écrit, pour se solidariser avec sa femme, La Via. Sa femme ne s'est pas soumise aux: décisions de l'Eglise.


ACCORD ENTRE LE SAINT-SIÈGE ET LA RÉPUBLIQUE PORTUGAISE CONCERNANT LE DROIT DE PATRONAGE AUX INDES

(18 juillet 1950) 1

A la fin du XVe siècle, les navigateurs portugais découvrirent la route des Indes Orientales. Les Souverains catholiques du Portugal exercèrent depuis cette époque leur domination sur de vastes territoires coloniaux. Dès lors, le Saint-Siège reconnut à la hiérarchie portugaise une juridiction sur tous les territoires d'Extrême-Orient. L'Archevêque de Goa (Indes) et l'évêque de Macao (Chine) étaient les dépositaires de cette juridiction et les rois portugais gardaient le droit de patronage.

De nombreux accords furent signés pour tenter de résoudre les conflits qui surgissaient à la suite de la double juridiction romaine et portugaise qui régissait certains territoires indiens. Citons :

— le concordat du 21 février 1857 entre Pie IX et Pierre V de Portugal ;

— le concordat du 23 juin 1886 entre Léon XIII et le roi Louis de Portugal ;

— l'accord du 15 avril 1928 entre Pie XI et la République Portugaise 2.

Aujourd'hui, par un nouvel accord, la question semble résolue, k Portugal renonçant à ses droits :

Le Saint-Siège et le gouvernement portugais, ayant reconnu qu'il convenait d'adapter à la nouvelle situation de l'Inde les

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano du ier août 1950, latin des A. A- S., XXXXII, 1950, p. 811, traduction française de La Documentation Catholique, t. XLVIII, c. 1173.

2 Cf. R. P. Yves de la Brière, L'Organisation internationale âu Monde contemporain et la Papauté souveraine, Ille série, p. 114, Ed. Spes, Paris, 1930. ^

dispositions du Concordat signé à Rome le 23 juin 1886, et de l'accord signé dans la même ville, le 15 avril 1928, ont nommé des plénipotentiaires : pour le Saint-Siège, Mgr Domenico Tar-dini, secrétaire de la Sacrée Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires et, pour le gouvernement portugais, S. Exc. le Dr Pedro Tovar de Lemos, comte de Tovar, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près le Saint-Siège, lesquels ayant échangé leurs pleins pouvoirs respectifs et les ayant trouvé en bonne et due forme, ont convenu des articles suivants :

Article premier. — Le gouvernement portugais renonce au privilège de la présentation accordé au Président de la République portugaise pour la provision des sièges de Mangalore, Quelon, Trichinopoly, Cochin, Saint-Thomas de Méliapour et Bombay.

Art. 2. — Le gouvernement portugais considère le Saint-Siège comme libéré de l'obligation de consulter le Président de la République portugaise et de nommer des evêques de nationalité portugaise aux sièges de Cochin et de Saint-Thomas de Méliapour.

Art. 3. — Le gouvernement portugais considère également le Saint-Siège comme libéré de l'obligation de nommer au siège archiépiscopal de Bombay un archevêque de nationalité britannique.

Art. 4. — Malgré la cessation des privilèges visés aux articles 2 et 3, il est entendu que les candidats portugais, qu'ils soient originaires d'Europe, de Goa ou d'ailleurs, n'auront à souffrir d'aucun préjudice à cause de leur nationalité vis-à-vis d'autres candidats éventuels d'origine étrangère, pour la provision des diocèses de l'Inde.

Art. 5. — Les dispositions des articles précédents se rapportent seulement à la provision des diocèses mentionnés, et non à la propriété des biens, trésors artistiques, écoles, etc., du patronat portugais ; le Saint-Siège continuera de les considérer comme appartenant aux propriétaires actuels.

Art. 6. — Le gouvernement portugais s'engage à prendre dûment en considération, dans l'esprit du présent accord, une éventuelle délimitation nouvelle de l'archidiocèse de Goa, au cas où le Saint-Siège jugerait nécessaire d'y procéder.

Art. 7. — Demeureront en vigueur les autres dispositions du Concordat de 1886 et de l'accord de 1928, non expressément

modifiés par le présent accord, notamment en ce qui regarde la dignité métropolitaine et patriarcale du siège de Goa et la nationalité des curés de certaines paroisses.

Art. 8. — Le gouvernement portugais est dégagé de l'obligation de pourvoir à la dotation des diocèses de Cochin et de Saint-Thomas de Méliapour, prévue à l'article 6 du concordat de 1886, et des autres charges qu'il avait vis-à-vis des territoires actuellement détachés du patronat.

Art. g. — Le présent accord sera ratifié et les instruments de ratification seront échangés à Lisbonne dans le plus bref délai possible 3.

3 On lira le texte du Concordat entre le Saint-Siège et la République portugaise du 7 mai 1940 (A. A. S., 32, 1940, p. 217) et l'accord missionnaire du 7 mai 1940 (A. A. S., 32, 1940, p. 235).


ENCYCLIQUE «SUMMI M/ERORIS » SUR LA PAIX MONDIALE

(19 juillet 1950) 1

Alors que l'insécurité continue à régner sur le monde, alors que le bloc soviétique s'oppose avec plus de violence que jamais au bloc anglo-saxon, et à l'Europe occidentale, une guerre se déclenche en Extrême-Orient, risquant d'entraîner à sa suite un nouveau conflit mondial. En effet, le 25 juin 1950, à l'aube, les forces de la Corée du Nord — sous régime communiste — ont traversé la frontière fixée au 38e parallèle, pour envahir la Corée du Sud, Etat indépendant.

L'appel des Nations Unies demandant à l'agresseur de retirer ses forces armées, au delà du 38e parallèle, demeura vain. Dès lors, les membres des Nations Unies furent invités, dès le 27 juin, à apporter une aide militaire à la Corée du Sud, pour repousser l'envahisseur. Dès le 30 juin, les Etats-Unis engageaient des forces dans la guerre, et le 4 juillet, trente-deux membres des Nations Unies promettaient une aide militaire à la Corée du Sud. Ce sont ces événements qui ont donné lieu à la publication de l'Encyclique.

Le Pape déplore que le monde demeure soumis aux angoisses des menaces de guerre :

Les causes d'une profonde douleur et d'une immense tristesse ne nous manquent pas.

Toutefois, le Pape se réjouit des fruits portés par l'Année Sainte :

D'une part, Nous avons le spectacle des multitudes de pèlerins qui, en cette Année jubilaire, accourent à Rome de tous les points de la terre, vision merveilleuse, en quoi

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 513, traduction française dans <-a Documentation Catholique, t. XLVII, c. 1025.

Nous voyons un émouvant témoignage de foi commune d'union fraternelle, de piété ardente, et cela en si grand nombre que cette Ville vénérable, qui a tant vu d'événements fameux, ne connut rien de pareil au cours des siècles précédents "\ Ces foules innombrables, Nous les recevons d'un coeur aimant, Nous les raffermissons de Notre parole paternelle, et leur proposons de nouveaux et illustres modèles de sainteté 3, Nous les invitons, non sans succès, à un renouveau des moeurs et à progresser dans la vie chrétienne.

Mais le Pape manifeste son inquiétude devant la situation internationale :

D'un autre côté, la situation générale des peuples se présente à Nos regards sous un tel jour que Nous en éprouvons les plus vives préoccupations et anxiétés.

En effet, malgré les réunions qui se multiplient, les Etats ne parviennent pas à fonder la paix. Pourquoi ? Parce qu'on ne veut pas faire appel aux principes capables d'assurer la paix :

Certes, de nombreuses personnes discutent, écrivent et parlent sur le moyen d'aboutir finalement à la paix tant désirée ; mais les principes, qui doivent être les bases solides de cette paix, sont négligés par certains, et même ouvertement repoussés.

Dans les pays soumis au joug communiste, on entretient le mensonge, la haine, la violence et, par là, on sème la discorde :

En effet, dans un certain nombre de pays, ce n'est pas la vérité qui est à l'honneur, mais le mensonge habilement

2 Durant les sept premiers mois de l'Année Sainte, près de 2 millions de pèlerins étaient venus à Rome.

S Au cours de la première moitié de l'année 1950, furent canonisés : le 23 avril 195°' sainte Emilie de Rodât ; le 7 mai, saint Antoine-Marie Claret ; le 18 mai, sainte Bartho-lomée Capitano, sainte Vincenza Gerosa ; le 28 mai, sainte Jeanne de France ; le 11 juin, saint Vincent Strambi ; le 24 juin, sainte Maria Goretti ; le 9 juillet, sainte Marie-Anne de Jésus de Paredes.

déguisé. Ce n'est pas l'amour ni la charité qui sont favorisés, mais la haine et les rivalités aveugles. On n'exalte pas la concorde entre citoyens, mais on provoque des troubles et des désordres.

C'est pourquoi, il faut condamner ce procédé qui mène à la guerre :

Mais, comme le reconnaissent les gens sincères et de bonne foi, il n'est pas possible, de cette manière, de résoudre les problèmes qui divisent actuellement les nations, ni de conduire le prolétariat comme c'est nécessaire, vers un avenir meilleur. Car la haine, le mensonge et la division n'ont jamais produit rien de bon. Il faut, certes, élever la classe pauvre à une condition conforme à la dignité humaine, mais cela par des lois justes et non pas par la violence et le désordre.

Il faut, au contraire, faire oeuvre de vérité, de justice et d'amour :

Il faut, le plus tôt possible, à la lumière de la vérité et sous la conduite de la justice, régler tous les différends qui divisent et séparent les peuples.

Dans ces circonstances, l'Eglise lance de nouveaux appels à la paix :

Tandis que le ciel s'obscurcit de nuages, Nous, qui avons particulièrement à coeur la liberté, la dignité et la prospérité de toutes les nations, Nous ne pouvons qu'exhorter à la paix et à la concorde tous les citoyens et leurs gouvernants.

Il faut garder devant ses yeux le spectacle atroce des ruines provoquées par les guerres modernes :

Que tout le monde se rappelle ce qu'apporte la guerre, comme on ne le sait que trop par expérience : des ruines, la mort, et toutes sortes de misères. Avec le progrès, la technique moderne a créé et préparé de telles armes meurtrières et inhumaines, que, non seulement pourraient être exterminés les armées et les flottes, non seulement les villes, les bourgades et les villages, non seulement les trésors inestimables de la religion, de l'art et de la culture, mais encore les enfants innocents avec leurs mères, les malades et les infirmes, les vieillards. Tout ce que le génie humain a produit de beau, de bon, de saint, tout ou presque tout peut être anéanti.

Cette vision invitera, sans doute, les chefs d'Etat à réfléchir sur leurs graves devoirs :

Si donc la guerre, aujourd'hui surtout, apparaît à tout esprit sensé comme quelque chose de terrifiant et de mortel, il faut espérer que par l'effort de tous les hommes de bonne volonté et surtout des dirigeants des peuples, on puisse éloigner les nuages sombres et menaçants qui, en ce moment, angoissent les coeurs, et que la paix véritable règne enfin parmi les peuples.

Cependant, en dernière analyse, la paix qui résulte de l'effort des hommes est aussi un don de Dieu :

Mais, comme nous savons que tout beau présent et tout don parfait viennent d'En-Haut et descendent du Père des lumières 4, Nous jugeons opportun, Vénérables Frères, de prescrire de nouveau des prières publiques afin d'obtenir la concorde entre les peuples.

Les Evêques sont invités à faire prier et à faire expier les fidèles qui leur sont confiés :

Votre   tâche   pastorale   sera   donc   non   seulement d'exhorter les âmes qui vous sont confiées à élever vers

* Iac, 1, 17.

Dieu de ferventes prières, mais encore à s'adonner à de pieuses pratiques de pénitence et d'expiation, pour apaiser la divine Majesté offensée par tant de crimes publics et privés.

De plus, les Evêques devront rappeler au peuple chrétien les principes qui seuls, peuvent fonder la paix véritable :

Quand vous communiquerez Notre appel aux fidèles, conformément aux devoirs de votre charge, vous leur rappellerez aussi les principes qui peuvent assurer une paix juste et durable et la voie qui est à suivre pour y aboutir.

La paix, comme vous le savez bien, ne peut découler que des principes et des normes dictés par le Christ et mis en pratique avec sincérité et loyauté. Ils rappellent, en effet, les hommes et les peuples à la vérité, à la justice et la charité ; ils mettent un frein à leur cupidité ; ils obligent les sens à obéir à la raison et la raison à obéir à Dieu ; ils ordonnent à tous, même à ceux qui gouvernent les peuples, de reconnaître la liberté due à la religion, qui, en plus de son but fondamental de conduire les âmes au salut éternel, soutient et protège les bases mêmes de l'Etat.

Le Souverain Pontife dénonce une nouvelle fois les autorités civiles qui persécutent l'Eglise catholique ou qui entravent son action 5 :

De ce que Nous venons de déclarer, il est facile de concevoir, Vénérables Frères, combien sont loin de donner une paix sûre et véritable ceux qui foulent aux pieds les droits sacrés de l'Eglise catholique, qui inter-

5 La persécution continue à sévir dans tous les pays soumis au régime communiste : R. S. S., Yougoslavie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Roumanie, Albanie, Chine, Corée. Des entraves sont apportées à la vie de l'Eglise en Pologne et en Allemagne orientale.

Des propagandes corruptrices sont entretenues par les organisations communistes des Pays d'Europe occidentale et notamment en Italie (cf. Avertissement du Saint-Office, 2S juillet 1950, p. 269).

disent à ses ministres le libre exercice du culte en les condamnant même à l'exil ou à la prison, qui entravent ou suppriment les écoles et autres institutions dirigées selon les principes chrétiens, qui par l'erreur, la calomnie et la licence, détournent tous les milieux sociaux, et spécialement la jeunesse inconstante de 1 intégrité des moeurs, de l'innocence et de la vertu pour les entraîner au vice et à la corruption.

Parmi les mensonges répandus par les communistes, il faut relever l'affirmation prétendant que l'Eglise excite les peuples à la guerre :

Il est également évident que sont dans l'erreur ceux qui lancent insidieusement contre le Siège apostolique et l'Eglise catholique l'accusation de vouloir un nouveau conflit. Certes, dans les époques anciennes ou récentes, il y a toujours eu des gens qui ont tenté de soumettre les peuples par les armes. Mais, Nous, Nous n'avons jamais cessé de prêcher une paix véritable ; l'Eglise désire conquérir les peuples non point par les armes, mais par la vérité et les former à la vertu et au service de Dieu et des hommes. Car « les armes de notre combat ne sont pas charnelles, mais puissantes pour la cause de Dieu \

Quand les peuples seront imprégnés des vrais principes — qu'il faut enseigner — alors seulement on pourra espérer édifier la paix :

Tout cela, vous devrez l'enseigner avec franchise, car c'est seulement quand les principes chrétiens seront respectés et régiront la vie publique et privée, qu'on pourra espérer que les conflits s'apaiseront et que les diverses classes de la société, les peuples et les nations s'uniront dans une fraternelle concorde.

Pie XII souhaite que — grâce à ces prières et à ces actions des chrétiens — la paix soit enfin accordée au monde :

Puissent les prières qui monteront de partout obtenir de Dieu la réalisation de nos voeux ardents, c'est-à-dire qu'avec l'aide de la grâce divine, les moeurs soient rénovées chez tous par la vertu chrétienne, et que les rapports entre les peuples soient bientôt réglés de telle sorte que l'ambition injuste de dominer les autres disparaisse et que toutes les nations jouissent de la liberté qui leur est due ; qu'enfin les Etats accordent cette même liberté à la sainte religion et à leurs citoyens conformément aux exigences des droits divin et humain.

C'est dans cet espoir qu'à vous tous et à chacun, Vénérables Frères, ainsi qu'à votre clergé et à vos fidèles, et en particulier à ceux qui obéiront docilement à Notre présente exhortation, Nous accordons bien volontiers dans le Seigneur la Bénédiction apostolique, gage des grâces célestes et témoignage de Notre bienveillance.


Pie XII 1950 - LETTRE A SON EM. LE CARDINAL GERLIER, ARCHEVÊQUE DE LYON, A L'OCCASION DU CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE M. HYACINTHE DE GAILHARD-BANCEL