Pie XII 1949 - RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES SUISSES


RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES SUISSES

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vriers et syndicats chrétiens 1. Vous étiez tous présents par votre dévouement et votre influence q;ui se sont exercés avec utilité et courage dans les domaines de l'école et de l'éducation, de la presse, de la radio et du cinéma, des sciences et des arts, où l'on compte encore beaucoup sur vous pour l'avenir.

Nous rendons grâces à la Providence, source de tous dons, pour tout ce qui a été conservé et édifié dans votre pays pour Dieu, pour le Christ, pour son Eglise, pour les valeurs spirituelles et pour la vie éternelle. Nous pensons spécialement à l'Université Catholique de Fribourg 2 et Nous vous demandons d'intensifier votre générosité pour que cette Institution se développe et demeure toujours à la hauteur des exigences de sa mission.

Le Pape donne aux catholiques suisses la consigne de faire pénétrer les principes chrétiens dans la vie publique de leur pays :

Chers Fils et Chères Filles, vous attendez certainement de Nous un mot d'ordre et des paroles d'encouragement. Les voici :

Vous n'êtes pas faibles. Soyez donc conscients de votre force, mais aussi de vos responsabilités en ce qui concerne la mise en valeur du christianisme dans la vie publique ! Nous vous avons dit, à l'occasion de la canonisation de Saint Nicolas de Flue : « La vie publique est dans une large mesure désorganisée » 3. Il appartient certainement aux prêtres d'y porter remède les premiers, mais il est tout aussi de la mission des laïques d'y travailler.

mannschajtverband (Lucerne) et VAssociation romande de la jeunesse catholique (Fribourg).

1 Les jeunes ouvriers sont réunis dans le Schweizerischer Katholischer Ge-sellenverein (Zurich) et dans la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (Genève).

11 y a de même des groupements ouvriers catholiques: Katholischer Arbeiter-vereine der Schweiz (2, Merkurstrasse, St Gallen) et des syndicats chrétiens: Christlichnationale Gewerlcschajtbund der Schweiz (15, Webergasse, St Gallen).

2 L'université catholique de Fribourg fondée en 1889 comprend les facultés de théologie, de droit, de philosophie et de sciences. Elle compte un millier d'étudiants.

3 Allocution à l'occasion de la canonisation de Saint Nicolas de Flue le 16 mai 1947 (A. A. S., 39, 1947, p. 367).

Il s'agit là de la réalisation du programme de l'Action Catholique :

Quand on parle du rôle et de l'action des laïques dans l'Eglise, c'est sur le terrain de la vie publique qu'ils doivent l'exercer et l'affirmer. Agir dans ce secteur, c'est bel et bien travailler " dans l'Eglise " car l'Eglise et la foi chrétienne doivent rayonner dans les domaines économiques, sociaux, culturels et politiques, pour les conformer tous aux lois de Dieu.

Aujourd'hui, la Suisse est en tête des peuples dans le progrès culturel et social. Elle a donc des responsabilités particulières :

A vous, catholiques Suisses, Nous vous donnons une consigne spéciale : les transformations sociales ont apporté dans vos rangs des changements presque plus considérables qu'ailleurs. Tandis qu'il y a un siècle, personne ne vous mettait en évidence, maintenant vous apparaissez partout nombreux et bien dirigés, et cela principalement dans les domaines économiques et culturels de votre pays.

Faites valoir vos valeurs spirituelles et vos droits dans la législation et dans l'application des lois, dans le mariage et dans la famille, dans l'éducation et dans l'école, comme dans l'action en faveur du monde salarié, afin qu'il ne tombe pas dans le matérialisme. Vous avez partout beaucoup à apporter pour le vrai bien de votre patrie.

Puisqu'il faut prévoir que les temps futurs vous interrogeront sur ce que vous aurez fait particulièrement en ces heures difficiles pour maintenir les valeurs spirituelles et la culture chrétienne en Suisse, Nous vous donnons ce mot d'ordre spécial. Puisse cette consigne porter tous ses fruits avec la grâce de Dieu. ,

L'activité des catholiques dans la vie publique ne sera féconde que si elle est épaulée par une profonde vie religieuse :

L'exhortation que Nous venons de vous adresser, chers Fils et chères Filles, à prendre position dans la vie publique, doit se doubler d'un autre appel qui en est l'indispensable complément, l'appel à la vie intérieure. Par elle, se forme le vrai et parfait catholique, celui qui professe sa foi en pleine conscience, résolument et dans la joie, celui qui la vit, celui qui demeure uni au Christ par le lien personnel, intime, de grâce et de la charité.

Tenez en haute vénération la tradition et les coutumes catholiques là où elles sont encore en vigueur ; faites tout pour les maintenir. Mais ce n'est pas assez. Toute l'ambiance où vivent la plupart d'entre vous est étrangère, pour ne pas dire plus, à l'esprit religieux.

L'Eglise pour réagir, s'appuie sur la conviction personnelle, sur le bon exemple, sur la conduite de ses fils et de ses filles.

Il faut dans les organisations catholiques des hommes de foi :

Vous n'arriverez jamais à forcer l'attention et l'estime de l'homme de la masse par la seule organisation, si parfaite qu'elle puisse être, car dans les cadres de l'organisation, il vous sera toujours égal, si pas supérieur. Mais mettez-lui sous les yeux la personnalité du catholique, du chrétien, au regard joyeusement épanoui, qui fait rayonner en dehors la foi vivante dont son coeur déborde. Alors, oui, il pourra se faire que, à cette vue, il revienne de sa négligence religieuse, de sa torpeur vide de foi en Dieu et recouvre le sentiment de sa dignité humaine, de sa responsabilité morale.

Le matérialisme qui étend aujourd'hui ses conquêtes ne sera Icacement combattu que par des chrétiens spirituellement forts :

Le matérialisme, si contradictoire que cela semble, se ramène en tant que système doctrinal, aux activités et aux manifestations de l'esprit. Or, une force spirituelle ne peut être vaincue que par une autre plus puissante. Et celle que vous avez à opposer au matérialisme est votre foi catholique avec toute sa plénitude de vie divine. Une telle force est de taille à dominer victorieusement le matérialisme. Encore est-il que seul la possède l'homme qui pense chrétien, l'homme qui prie, l'homme qui est tout rempli de Dieu.

La vie intérieure, voilà, pour l'heure présente, le mot d'ordre. ,

Alors que tant de peuples voient leurs libertés entravées, le peuple suisse jouit encore de la pleine liberté :

Le peuple suisse est très justement fier de sa liberté civique. Elle est la garantie des droits inviolables — identiques pour tous les citoyens — sur lesquel se fondent la dignité et le bonheur de la personne humaine ainsi que la famille chrétienne.

C'est bien là votre idéal, que vous avez conservé avec ténacité malgré les vicissitudes des temps et qui vous a assuré à travers les siècles passés, tant la liberté de l'Eglise que la liberté de votre Patrie bien aimée.

Les entraves, que les complications toujours croissantes du monde moderne apportent aux libres mouvements de chacun, ont néanmoins laissé intacts vos droits essentiels ; si bien que votre idéal de liberté civique a pu se maintenir encore dans les actuelles conditions de vie.

Pour garder ses libertés, le peuple suisse doit fortifier sa foi en Dieu :

Mais un autre péril plus insidieux vous menace, en menaçant de tarir la source de toute liberté, c'est-à-dire la foi en Dieu et la docilité à ses commandements.

La Providence divine a, en effet, mis un juste équilibre entre les droits fondamentaux des citoyens et leurs devoirs dont l'observation protège ses droits eux-mêmes. C'est ainsi que le peuple suisse doit la jouissance de la liberté à sa fidélité elle-même. Si, au contraire, cette fidélité venait à manquer, toutes les splendides traditions de vos aïeux s'effondreraient avec votre idéal de liberté ; votre vie civile perdrait d'un seul coup toute sa valeur. En Dieu seul, l'homme est libre. Si vous vous éloignez de Dieu, vous tomberez immédiatement sous les tromperies des régimes totalitaires.

La vocation des membres de votre peuple qui professent la foi en un Dieu personnel et qui reconnaissent les dispositions divines dans l'ordonnance du monde, consiste à protéger les fondements chrétiens de votre Etat, y compris la liberté de servir le vrai Dieu. Qui donc aura l'honneur d'être à l'avant-garde de cette noble mission, sinon vous, chers Fils et chères Filles ?

Afin que vous persévériez fermement et parfaitement dans l'accomplissement de tout ce que Dieu veut (Col. IV, 12), Novis donnons de tout coeur, à Nos vénérables Frères, vos Evêques, à tous ceux qui sont ici présents, à toutes vos familles, à toute votre jeunesse, à toutes vos oeuvres, à tous les fidèles : prêtres et laïques, et à tout le peuple suisse, en gage des abondantes grâces célestes. Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX MEMBRES DE L'UNION CATHOLIQUE ITALIENNE DES PROFESSEURS DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

(6 septembre 1949) 1

Le IIe Congrès national de l'Union Catholique italienne des Professeurs de l'enseignement secondaire tenait ses assises en septembre, à Rome ; le thème des discussions était : a La formation du professeur ».

Les congressistes furent reçus en audience par le Pape qui leur dit :

Elle est particulièrement agréable à Notre coeur, chers Fils et Filles, cette rencontre avec vous, qui avez consacré votre vie à la sublime fonction de l'éducation religieuse, morale, intellectuelle des jeunes générations, lesquelles, aujourd'hui, plus que jamais, ont besoin de vérité et de bonté.

La mission de l'éducateur est exaltante :

Vous n'êtes pas seuls en Notre présence. Autour de vous, Notre esprit voit les innombrables groupes d'adolescents, tels des bourgeons qui s'ouvrent aux premières lueurs de l'aube. Prodigieuse et enchanteresse est cette pul-lulation d'une jeunesse issue d'une génération qui paraît presque condamnée à s'éteindre ; d'une jeunesse nouvelle et frémissante dans sa fraîcheur et sa vigueur, aux yeux

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano du 7 septembre 1949; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVI, c. 1285.

fixés sur l'avenir, à l'irrésistible élan vers des buts élevés, résolue à améliorer le passé, à assurer des conquêtes plus solides et d'un plus grand prix pour l'homme, pèlerin ici-bas. Les éducateurs sont les régulateurs et les responsables de ce perpétuel et impétueux courant vers la perfection humaine, dirigé et conduit par la divine Providence elle-même pour en réaliser les desseins. Il dépend d'eux en grande partie que le courant avance ou recule, accélère sa course ou languisse dans l'inertie, se hâte directement vers son embouchure, ou, au contraire, s'attarde, au moins momentanément, en vains détours, ou pis encore, en méandres marécageux et malsains.

A la suite du Maître par excellence, les éducateurs doivent se faire les collaborateurs du Christ :

En rappelant à votre conscience d'éducateurs cette dignité et cette responsabilité, Nous-même, Vicaire par une disposition divine, et de ce fait investi des mêmes charges que Celui qui sur la terre aimait à être appelé « Maître », Nous-même, Nous comptons dans le nombre de ceux qui représentent, dans des mesures diverses, la main de la Providence conduisant l'homme vers ce but suprême.

De même, ils doivent prolonger l'action de l'Eglise :

Notre Siège n'est-il pas principalement une chaire ? Notre1 première fonction n'est-elle pas le magistère ? Le divin Fondateur et Maître de l'Eglise n'a-t-il pas donné à Pierre et aux apôtres le précepte fondamental : « Enseignez, faites des disciples » ? (Matth. XXVIII, 19).

Le prêtre est par essence éducateur :

Oui, nous nous sentons et nous sommes des éducateurs d'âmes ; sublime école, qui ne passe pas au second plan dans l'Eglise, puisqu'une grande partie de la fonction sacerdotale consiste à enseigner et à éduquer.

Tout père — se/on la chair et selon l'esprit — doit aussi éduquer l'âme de ceux qui lui sont confiés :

Il ne pouvait en être autrement dans l'ordre nouveau institué par le Christ, ordre fondé tout entier sur des rapports de la paternité divine, de laquelle dérive toute autre paternité au ciel et sur la terre (cf. Eph. III, 15), et de laquelle provient, dans le Christ et pour le Christ, Notre Paternité envers toutes les âmes. Or, quiconque est père, est par là éducateur, car, ainsi que l'explique clairement le Docteur angélique, le droit primordial pédagogique ne s'appuie pas sur un titre autre que celui de la paternité (cf. S. Th. IIa IIa8, q. 102, a. I).

Les éducateurs doivent apporter leur concours à cette oeuvre divine, ecclésiastique, sacerdotale et paternelle :

Voilà pourquoi en vous exprimant Notre gratitude, au moment où Nous vous accueillons, Nous vous parlons comme à des collaborateurs directs, dans l'oeuvre qui est celle de Dieu et de l'Eglise, entreprise la plus noble peut-être, d'après le jugement unanime de la sagesse humaine elle-même représentée par Cicéron qui, d'ailleurs, regardait le monde avec des yeux païens : « Quod manus rei publicae afferre majus meliusve possumus, quam si docemus atque erudimus juventutem ? ». Quel plus grand et meilleur service pouvons-nous rendre à la République que d'instruire et d'éduquer la jeunesse ? » (De divinatione, 1, 2, ch. II). Aussi bien grande est la responsabilité que nous assumons ensemble, bien qu'à un degré différent, dans des domaines aucunement séparés : la responsabilité des âmes, de la civilisation, du perfectionnement, et du bonheur de l'homme sur la terre et dans les cieux.

L'école ne peut séparer instruction et éducation :

Si en vous parlant en ce moment à vous, professeurs de l'enseignement secondaire, Nous avons abordé un sujet plus vaste, comme est celui de l'éducation. Nous l'avons fait dans la pensée que, désormais, on peut dire qu'elle est périmée, au moins en principe, la doctrine erronée qui séparait la formation de l'intelligence de celle du coeur.

// faut toutefois réprouver les systèmes qui prétendent qu'instruction et éducation sont l'apanage de l'Etat ou de mouvements politiques :

Nous devons même regretter qu'en ces dernières années, on ait outrepassé les justes limites, en confondant enseignant et éducateur, école et vie. Considérant la puissante valeur formatrice des consciences que détient l'école, certains Etats, régimes et mouvements politiques, ont découvert là un des moyens les plus efficaces pour gagner à leur cause ces foules de partisans dont ils ont besoin pour faire triompher des conceptions de vie déterminées. Usant d'une tactique aussi astucieuse que peu sincère, et pour des buts opposés aux fins naturelles elles-mêmes de l'éducation, certains de ces mouvements, du siècle passé et du siècle présent, ont prétendu soustraire l'école à la garde des institutions qui, outre l'Etat, avaient un droit primordial de l'assumer : la famille et l'Eglise (cf. Pie Xl Enc. Divini illius magistri, 31 déc. 1929), et ont tenté ou tentent encore de s'en emparer exclusivement, en imposant un monopole qui est, entre autre, une grave violation des libertés humaines fondamentales.

Par respect pour les consciences, en vertu de sa mission divine, l'Eglise revendiquera toujours le droit de l'instruction et de l'éducation de la jeunesse qui est sienne par le baptême :

Mais le Siège de Pierre, sentinelle qui veille sur le bien des âmes et du véritable progrès, de même qu'il n'a jamais abdiqué dans le passé ce droit essentiel, exercé du reste admirablement et en tout temps, paT l'intermédiaire de ses institutions, qui furent alors les seules à se consacrer à cette tâche, de même il ne l'abdiquera pas dans l'avenir, ni dans l'espoir d'avantages terrestres, ni par crainte des persécutions. Il ne consentira jamais à ce que soient destituées de l'exercice effectif de leur droit inné ni l'Eglise qui le détient, en vertu d'un mandat divin, ni la famille qui le revendique en vertu de la justice naturelle. Les fidèles du monde entier sont témoins de la fermeté dont fait preuve le Siège apostolique dans la défense de la liberté scolaire dans tant de pays, au milieu de circonstances et parmi des populations bien différentes. Pour l'école, en même temps que pour le culte, et pour la sainteté du mariage, il n'a pas hésité à affronter toutes les difficultés et tous les périls, avec la conscience tranquille de celui qui sert une cause juste, sainte, voulue de Dieu, et avec la certitude de rendre un service inestimable à la société civile elle-même.

Là où la législation reconnaît ces droits de l'Eglise, il faut que les catholiques usent efficacement de ceux-ci pour former la jeunesse :

Enfin dans les pays où la liberté de l'école est garantie, par de justes lois, c'est aux membres de l'enseignement qu'il appartient de s'en servir effectivement en exigeant leur application concrète.

aujourd'hui, de nouveaux problèmes surgissent dans le domaine de l'enseignement :

Chers Fils et Filles, conscients de vos responsabilités, mais réconfortés par la pensée de votre solidarité dans l'oeuvre même de l'Eglise, vous attendez sans doute de Nous quelques précisions concernant l'enseignement dans les temps modernes.

Tout d'abord, les professeurs doivent être soigneusement préparés afin de bien accomplir leur rôle :

A votre regard confiant tourné vers la Chaire de Pierre, correspond la ferme espérance que Nous mettons dans votre préparation professionnelle, de vous spécialement, qui faites partie d'une nation qui a toujours cultivé la science et l'art pédagogiques avec profondeur et amour.

Il faut faire la part de la tradition et la part du progrès pédagogique :

Aussi, en même temps que Nous vous exhortons à demeurer fidèles, malgré les préoccupations absorbantes de l'heure actuelle, aux normes qui sont le fruit de conquêtes séculaires de la sagesse humaine, Nous vous mettons en garde contre un attachement aveugle au passé, susceptible d'annihiler toute l'efficacité de votre oeuvre.

Les méthodes traditionnelles ont en leur javeur l'expérience passée ; il faut que les méthodes nouvelles soient à leur tour éprouvées avant qu'elles ne soient généralisées :

Mais si c'est une excellente règle que d'apprécier grandement les systèmes et les méthodes confirmées par l'expérience, il faut passer au crible, avec le plus grand soin, avant de les accepter, les théories et les usages des écoles modernes de pédagogie.

De plus, il faut que les méthodes nouvelles soient réellement adaptées aux nécessités de l'Italie :

En effet, les bons résultats obtenus dans certains pays, étant donné le caractère de leurs populations respectives, et le degré de leur culture, différents des vôtres, ne constituent pas toujours une garantie suffisante que ces doctrines peuvent s'appliquer indistinctement partout.

/7 faut de plus se garder des expériences pédagogiques :

L'école ne peut se comparer à un laboratoire de chimie, où le risque de gaspiller des substances plus ou moins coûteuses est compensé par la probabilité de la découverte ; à l'école, il s'agit pour chaque âme de son salut ou de sa perte. Les innovations, par conséquent, que l'on jugera opportunes, regarderont plutôt le choix des moyens et des méthodes pédagogiques secondaires, en maintenant fermes la fin et les moyens essentiels ; lesquels restent toujours les mêmes, comme est toujours identique la fin dernière de l'éducation, son objet, son principal auteur et inspirateur qui est Dieu, notre Seigneur.

Le Pape précise comme suit le rôle des professeurs :

Ces principes posés, regardez cependant d un oeil assuré votre temps et l'heure actuelle, pour en examiner les besoins nouveaux et étudier les remèdes appropriés ; confiants, fixez votre regard vers l'avenir que vous façonnerez de vos propres mains, dans les âmes de vos disciples, et faites le chrétien, imprégné d'un esprit de justice toujours plus élevé, s'inspirant d'une charité toujours plus vaste et ouvert à une culture toujours plus profonde et plus harmonieuse. Dans l'exercice quotidien de votre fonction, vous serez ainsi toujours pères d'âmes, plutôt que propagateurs de connaissances stériles. Oui, mais des pères qui possèdent la vie dans la pleine vigueur, savent susciter autour d'eux d'autres vies semblables à la leur. De là, le complet dévouement que vous demande l'école, laquelle unie à la famille dont beaucoup d'entre vous sont des chefs, formera tout votre monde et absorbera sans crainte de regrets, toute votre énergie. Un monde ainsi fait — où religion, famille, et culture constituent l'atmosphère quotidienne — est plus que suffisant pour remplir la vie et payer de retour les renoncements qui en arrivent jusqu'à l'immolation totale de soi-même.

Etant donné le rôle éminemment social joué par lés éducateurs, ceux-ci ont droit à une rétribution par l'Etat, en proportion des services rendus à la communauté :

Cependant, la société et dans le concret l'Etat, pour qui vous prodiguez votre vie — souvenez-vous du majus meliusve cité tout à l'heure — n'en est pas moins obligé envers vous à une reconnaissance publique proportionnée et à une récompense qui procure absolument aux membres de l'enseignement des conditions économiques leur permettant de se consacrer entièrement à l'école. Dieu n'agit pas autrement ; lui, le juste rémunérateur de nos oeuvres, il promet une récompense spéciale, dans le passage bien connu de Daniel, aux éducateurs d'âmes : « Qui ad justitiam erudiunt multos, fulgebunt quasi stellae in perpetuas aeternitates » (Dan. XII, 3). Ceux qui en conduisent beaucoup à la justice seront comme des étoiles éternellement et toujours.

L'éducateur devra surtout former ses élèves par l'exemple de sa propre vie :

Educateur qui tire son inspiration de sa paternité, dont la fin est d'engendrer des êtres semblables à lui-même, le maître formera des élèves par l'exemple de sa vie, autant que par ses préceptes. Dans le cas contraire, il ne serait, suivant l'expression de saint Augustin « qu'un trafiquant • de paroles » (cf. Confess. LIV. chap. II — Migne P. L., tome XXXII, Col 693), et non un modeleur d'âmes : les enseignements moraux eux-mêmes ne font qu'effleurer à peine les esprits, s'ils ne sont pas confirmés par les actes. L'exposé des matières scolaires elles-mêmes n'est pas pleinement assimilé par les jeunes gens, s'il ne jaillit pas des lèvres de celui qui enseigne comme une expression vivante, personnelle : ni le latin, ni le grec, ni l'histoire, et encore moins la philosophie ne seront accueillis avec un vrai profit par les étudiants, s'ils sont présentés sans enthousiasme, comme des choses étrangères à la vie et à l'intérêt de celui qui enseigne.

L'éducateur doit former des jeunes chrétiens convaincus et prêts réaliser l'enseignement reçu tant dans leur vie personnelle que ans leur vie sociale :

Educateurs d'aujourd'hui, qui puisez dans le passé des directives sûres, quel idéal d'homme devez-vous préparer pour l'avenir ? 11 est personnifié fondamentalement dans le parfait chrétien. Et en disant parfait chrétien, Nous entendons parler du chrétien d'aujourd'hui, homme de son temps, qui connaît et utilise tous les progrès apportés par la science et par la technique, citoyen non étranger à la vie qui se développe aujourd'hui sur terre. Le monde n'aura pas à se repentir si, un nombre croissant de tels chrétiens s'engage dans tous les domaines de la vie publique et privée. C'est en grande partie votre tâche à vous, membres de l'enseignement, de préparer cette bienfaisante immixtion, en incitant les esprits de vos élèves à découvrir les inépuisables énergies du christianisme dans l'oeuvre d'amélioration et de renouvellement des peuples. N'épargnez donc aucune fatigue pour éveiller, en temps voulu, leur conscience morale, de manière qu'avec l'évolution des années, 1'« honnête homme » ne surgisse pas presque par hasard, comme si c'était l'ultime aventure d'une vie qui a subi, plusieurs naufrages.

Les jeunes ainsi formés pourront recevoir avec fruit une instruc-on scientifique :

Sur ce fondement, formez des hommes de science et de technique. Us n'inspireront pas de la crainte aux hommes, ainsi qu'il advient aujourd'hui, parce que la science a suscité — en même temps que l'admiration — une sorte de terreur d'elle-même parmi les peuples, et introduit de formidables problèmes politiques, sociaux, internationaux ; contre-coup, sans doute, du détachement voulu de la science des choses de la religion. Certains du moins parmi les savants eux-mêmes, souffrent de la disproportion créée par la technique, entre les forces naturelles démesurément accrues à la disposition des hommes et la petitesse et la faiblesse dans lesquelles sont restées leurs âmes (cf. H. Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, 1933, p. 334-335).

J7 faut veiller à donner une formation sociale et en particulier en donnant le sens du travail :

Formez des hommes forts qui soient à même de répandre autour d'eux le bien et de diriger les autres à la lumière de principes bien nets, Nos temps veulent que les esprits des élèves soient orientés vers un sens de justice plus effective, en les débarrassant de leur tendance innée à se considérer comme une caste privilégiée et à craindre et esquiver la vie de travail. Qu'ils se sentent et qu'ils soient des travailleurs aujourd'hui même dans l'accomplissement constant des devoirs scolaires, comme ils devront l'être demain, dans les postes directeurs de la société. Il est bien vrai que, chez les peuples éprouvés par le fléau du chômage, les difficultés proviennent non pas tant du manque de bonne volonté que du manque de travail ; cependant, il n'est toujours pas moins indispensable que les maîtres inculquent l'esprit de travail à leurs disciples. Que ces derniers s'habituent donc au sévère travail de l'intelligence et qu'ils apprennent à supporter la dureté et la nécessité du travail afin de jouir des droits de la vie, associée au même titre que les travailleurs manuels.

De même il faut élargir les horizons des élèves :

Il est temps d'élargir leurs vues sur un monde moins entravé par des factions s'enviant réciproquement, par des nationalismes outranciers, aspirant à l'hégémonie, qui ont tant fait souffrir les générations présentes. Que la nouvelle génération s'épanouisse au souffle de la catholicité et éprouve le charme de la charité universelle, qui embrasse tous les peuples dans l'unique Seigneur.

Les élèves doivent recevoir de leurs maîtres le sens exact de la responsabilité, de leur liberté et de l'usage qu'ils doivent faire de leur raison :

Donnez-leur aussi la conscience de leur propre responsabilité, et partant du précieux trésor de la liberté ; formez également leur esprit à la saine critique, mais en même temps, inspirez le sens de l'humilité chrétienne, de la juste sujétion aux lois et des devoirs de la solidarité.

L'Eglise a besoin de générations fortes et courageuses. C'est au personnel enseignant à les préparer :

Et encouragez-les. Dites-leur que l'Eglise et la société espèrent beaucoup d'eux ; qu'il y a beaucoup à faire, que beaucoup de nobles entreprises les attendent.

Religieux, honnêtes, cultivés, ouverts et laborieux : ainsi voudrions-Nous que sortent des écoles les élèves que les familles et la société vous confient ; bien mieux, que Dieu lui-même vous confie, car, avant d'être à la famille et à la société, les âmes sont à Dieu, au Christ et à l'Eglise, par droit d'origine et de prééminence. Ayez courage et confiance. Quelque grande que soit l'entreprise et ardue la fin, rien ne manque à l'éducateur chrétien pour réaliser son oeuvre. Vous disposez de moyens humains suffisants, mais surtout vous êtes riches des secours surnaturels fournis par la grâce, aux flots féconds de laquelle vous pouvez puiser abondamment par les sacrements et par la prière.

Afin que s'accomplissent ces voeux qui nous sont communs, que descende sur vous et sur vos élèves, comme gage des divines faveurs. Notre paternelle Bénédiction apostolique l.

1 Cf. Allocution au corps enseignant, 4 novembre 1945;

Discours aux instituteurs catholiques italiens, 8 septembre 1946;

Lettre proclamant Saint Joseph Calasance, patron de toutes les écoles catholiques, 13 août 1948 (Documents Pontificaux 1948, p. 276);

Allocution aux instituteurs catholiques d'Italie, Il septembre 1948 (ibid., p. 311);

Radiomessage au Congrès interaméricain d'éducation catholique à La Paz, 6 octobre 1948 (ibid., p. 367).

LETTRE DE MGR MONTINI Substitut à la Secrétairerie d'État AU IIIe CONGRÈS CATÉCHÉTIQUE DE MILAN

(7 septembre 1949) 1

Un Congrès catéchétique diocésain ayant lieu à Milan du 1 au 4 octobre 1949, le Saint-Père fit envoyer, par la Secrétairerie d'Etat, la lettre suivante à S. Em. le Cardinal Ildefonse Schuster, archevêque de Milan :

Le Souverain Pontife attribue au zèle de Votre Emi-nence Révérendissime, tout entier consacré à promouvoir le bien de son troupeau très aimé, l'initiative du IIIe Congrès catéchétique diocésain qui se tiendra prochainement durant les premiers jours d'octobre.

L'espoir confiant de Votre Eminence d'obtenir des résultats féconds repose sur des faits qui en garantissent la bonne réussite : le sérieux des intentions formulées par les organisateurs, les prêtres et les catéchistes qui y prendront la parole ; la préparation soignée et le culte jaloux des traditions catéchétiques qui remontent à Saint Charles Borromée et qui constituent une légitime ambition et une source abondante de la vie religieuse dans votre archi-diocèse.

Le Saint-Père tourne Ses regards avec grand intérêt et apporte Ses vifs encouragements à ceux qui se soucient et s'efforcent de procurer au peuple l'accès à la foi et d'éveiller la conscience et la rendent sensible et la protègent contre la corruption des moeurs tant publiques que privées. En effet, toute la vie du juste doit s'épanouir a


CONGRES CATECHETIQUE DE MILAN

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la lumière de la foi et celle-ci se précise quand on écoute la vérité révélée.

Aucun ministère sacré ne peut logiquement passer avant l'obligation de proposer aux fidèles l'enseignement du dogme et de la loi morale de l'Eglise.

Il faut souligner l'importance et l'urgence d'une telle mission. Il y a encore d'autres questions importantes et complexes pour savoir comment il faut présenter cet enseignement indispensable et délicat : la pédagogie caté-chistique est aujourd'hui en honneur et en plein développement, elle peut profiter des progrès des diverses sciences qui concernent l'enseignement et de l'expérience d'un apostolat sage et zélé.

Mais il faut veiller à ce que cet aperçu des vastes aspects du problème catéchistique serve non pas à enseigner, comme on doit le faire pour les disciplines profanes, mais à instruire. Après avoir médité, étudié et prié, en exposant la pensée, sans doute d'une manière ordonnée et claire, mais encore forte et chaude comme émanant d'une profonde conviction et comme si elle avait été élaborée dans une communion intime avec l'Esprit de vérité et de grâce, l'expression du maître doit se revêtir de la vertu propre d'une doctrine surnatureliement comprise et vécue. Alors seulement « vivante est la parole de Dieu, énergique et bien plus tranchante qu'aucun glaive à deux tranchants, et pénétrant jusqu'au point de division de l'âme et de l'esprit, des articulations et de la moelle, et capable de juger les sentiments et les pensées du coeur » (Hebr. IV, 12).

Sa Sainteté par conséquent espère que le Congrès catéchétique, en plus des informations qu'il fournira sur la part qu'on peut retirer des progrès actuels pédagogiques et didactiques, aiguisera le sens de la grandeur spirituelle et de la responsabilité, joyeuse et terrible, en un temps comme celui-ci où l'Eglise appelle à ces fonctions maternelles tous les siens pour former le Christ dans les coeurs et promouvoir ainsi une efflorescence nouvelle de la grâce.

Avec le présage d'une riche moisson destinée à alléger le travail pastoral de Votre Eminence, le Vicaire du Christ bénit le Congrès prévu, tous ceux qui y prendront part et spécialement les promoteurs et les rapporteurs.


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