Pie XII 1949 - CONGRES CATECHETIQUE DE MILAN


DISCOURS AUX DÉLÉGUÉS DU MOUVEMENT OUVRIER CHRÉTIEN DE BELGIQUE

(11 septembre 1949) 1

Un pèlerinage de 1200 délégués du M. O. C. de Belgique fut reçu en audience le 11 septembre, à Castel Gandolfo, par le Saint-Père. Celui-ci s'adressa à eux en ces termes :

Soyez les bienvenus dans la maison du Père commun de la chrétienté, chers fils et chères filles, qui représentez ici la grande famille des travailleurs chrétiens de Belgique. Vous goûtez en cet instant une des plus douces joies de votre vie. Nous le savons et Nous en voyons la preuve dans votre diligence à amasser, sou par sou, de quoi subvenir aux lourdes dépenses de votre pèlerinage et — émouvant témoignage de charité fraternelle — de quoi faire partager à de plus besogneux la faveur de cette visite à la Ville Eternelle.

Le Pape fait l'éloge de ce mouvement :

Vous venez d'un pays qui, par l'ampleur et la puissance de ses entreprises industrielles, fait l'admiration de tous. Vous-mêmes, par votre « Mouvement Ouvrier Chrétien de Belgique », vous constituez une armée solidement encadrée, éprouvée par des luttes parfois orageuses, composée de combattants enrôlés au service de Jésus-Christ dans le monde du travail ; une armée aussi, tout à la fois répartie en formations multiples bien distinctes, et fortement unifiée par sa volonté résolue, par son ambition ardente de frayer la voie, dans le champ du travail, en Belgique, à la Souveraineté du Christ.

Les syndicats sont approuvés par l'Eglise dans la mesure où leur programme s'inspire des principes chrétiens :

Votre mouvement comporte une forte organisation syndicale visant à sauvegarder, dans cette vaste sphère, les droits de l'ouvrier, à les maintenir au niveau des exigences modernes. Les syndicats ont surgi, comme une conséquence spontanée et nécessaire du capitalisme érigé en système économique. Comme tels, l'Eglise leur a donné son approbation, à la condition toutefois que, appuyés sur les lois du Christ, comme sur leur base inébranlable, ils s'efforcent de promouvoir l'ordre chrétien dans le monde ouvrier. C'est bien cela que veut votre syndicat : c'est à ce titre que Nous le bénissons.

Les Coopératives sont une réalisation heureuse de l'entraide mutuelle :

Le mot d'ordre du Syndicat pourrait se formuler par l'adage : « Aide-toi le ciel t'aidera ». C'est celui de votre Fédération nationale des Coopératives chrétiennes. Fruit magnifique de l'arbre de la docrine sociale de l'Eglise ! Quelle contribution ces Coopératives ont apporté à l'amélioration et à la sécurité de la situation économique du travailleur et de sa famille ! Voilà, certes, une oeuvre d'authentique solidarité, qui répond à la parole de l'Apôtre : (i Portez les fardeaux les uns des autres » (Gai. VI, 2). Elle aussi Nous la bénissons !

De même les Mutualités constituent une oeuvre de secours pour tous ceux qui sont frappés par les risques de la vie :

Vous avez dans vos programmes et dans vos cadres, une organisation spéciale pour venir en aide aux victimes de la maladie, en utilisant et en cultivant judicieusement ies forces physiques, souvent bien limitées, dont elles jouissent encore, leur capacité et leur volonté de travail. OEuvre excellente de vraie charité et de vrai courage chrétien que, de tout coeur, Nous bénissons !

De plus toutes ces oeuvres doivent trouver leur couronnement dans une institution qui s'attache à Véducation de la classe ouvrière :

Outre ces organisations qui tendent directement à la défense et à la sauvegarde des intérêts matériels, vous avez encore vos institutions et vos unions destinées à la formation et à l'éducation du travailleur ; institutions et unions indispensables pour assurer à la classe ouvrière la place qui lui revient dans la société. L'ouvrier, être vivant, personne humaine, a d'autres besoins d'ordre supérieur, et faute de les satisfaire, les améliorations d'ordre matériel seraient elles-mêmes, en fin de compte, rendues vaines. Voilà pourquoi Nous louons hautement vos efforts en vue de développer la culture spirituelle de l'ouvrier et Nous les bénissons !

Cet ensemble constitue un excellent instrument dans les mains des apôtres :

Source de ces oeuvres si dignes d'éloges est votre noble ambition d'exercer l'apostolat, mais un apostolat sagement conçu, sérieusement organisé, dont l'objectif est la conquête des âmes et des sociétés au règne du Christ. L'ouvrier, apôtre des ouvriers ! Avec quel amour Notis bénissons vos oeuvres de zèle ! Splendide idéal, éminemment vital ! Nous leur souhaitons d'augmenter leur recrutement, de trouver plus de coopérateurs et de coopératrices. Mais Nous souhaitons surtout que ceux-ci, remplis eux-mêmes de l'esprit et de l'amour du Christ, jusqu'à en déborder, répandent autour d'eux la bonne nouvelle sur toute l'étendue de l'immense champ du travail, pour ramener au divin Pasteur des âmes, les brebis qui s'étaient fourvoyées loin de lui, pour lui en gagner beaucoup d'autres qui jusqu'à présent, ne le connaissaient pas !

Le Pape insiste pour que, d'une part, les apôtres du Mouvement Ouvrier demeurent étroitement fideles aux directives de l'Eglise et pour que, d'autre part, ils osent prendre toutes les initiatives qui sont propres au laïcat :

Puisse tout particulièrement Notre bénédiction rendre toujours plus effectif, toujours plus parfait votre « Mouvement ». Le nom même n'y invite-t-il pas expressément ?

Un mouvement n'est pas une simple construction, une organisation purement statique, si ingénieuse, si gigantesque qu'elle soit. Mouvement dit vie. La vie, c'est-à-dire la capacité de s'adapter au jour le jour à tous les devoirs, à toutes les activités que viennent suggérer le temps, le lieu, les circonstances les plus diverses. Vie qui jaillissant des profondeurs s'écoule, fraîche et abondante, par l'initiative sans cesse en éveil de chaque individu et de chaque groupe. Soyez-en persuadés : c'est cela précisément, c'est cette source intérieure qui fait votre véritable force, bien plus que le nombre de vos adhérents.

Puisse, en outre, Notre bénédiction vous obtenir — toujours, bien entendu, en union étroite avec vos évêques n établis par l'Esprit Saint pour gouverner l'Eglise de Dieu » (Act. XX, 28) — de demeurer inébranlablement membres, et membres dévoués, insignes, de cette Eglise et d'imprégner, du levain de la foi et de l'action chrétiennes, toute la vie privée et publique. Votre conduite doit être une éclatante réponse aux calomnies des adversaires, qui accusent l'Eglise de tenir jalousement en laisse des laïques, sans leur permettre aucune activité personnelle, sans leur assigner une tâche propre dans son domaine. Telle n'est point, telle n'a jamais été son attitude. Ne parlons pas ici de la croissance intérieure de la foi et de la vie surnaturelle, dans la pureté du coeur, dans l'amour de Dieu et dans la ressemblance divine, que la grâce opère dans le secret des âmes. En cela, c'est trop clair, chacun quel qu'il soit et quelle que soit sa condition, prêtre ou laïque, du plus humble au plus haut placé, jouit, sans distinction, des mêmes droits et des mêmes privilèges. Mais jetez un coup d'oeil sur l'histoire, déjà plus que séculaire de votre Belgique moderne ; si vous avez pu atteindre de si beaux résultats, améliorer, consolider, perfectionner les positions catholiques, pour le plus grand bien de votre chère Patrie, n'est-ce pas, en bonne part, le fait du rôle actif joué par les laïques catholiques ?

On pourrait dire la même chose de tant d'autres Etats. N'est-il pas aussi ridicule qu'odieux d'accuser le clergé de tenir les laïques dans une humiliante inaction ? Qu'il s agisse des questions familiales, scolaires, sociales ; qu il s agisse de science ou d'art, de littérature, ou de presse, de radio ou de cinéma ; qu'il s'agisse de campagnes politiques pour l'élection des corps législatifs ou pour la détermination de leurs pouvoirs, et de leurs attributions constitutionnelles, partout les laïques catholiques trouvent ouvert devant eux un vaste et fertile champ d'action.

Toutefois les puissantes organisations, tant celles du capital que celles du monde ouvrier, doivent veiller à ne jamais abuser de leur force et de toujours mettre celle-ci au service du bien commun :

Puisse enfin Notre bénédiction aider la classe laborieuse chrétienne de la Belgique à sortir saine et sauve du péril qui, en ce temps même, menace, un peu partout, le mouvement ouvrier. Nous voulons dire que la tentation d'abuser (Nous parlons de l'abus et nullement de l'usage légitime) d'abuser de la force d'organisation, tentation aussi redoutable et dangereuse que d'abuser de la force du capital privé. Attendre d'un tel abus l'avènement de conditions stables pour l'Etat et la société, serait, d'une part tout autant que de l'autre, vaine illusion, pour ne pas dire aveuglement et folie ; illusion et folie d'ailleurs doublement fatales au bien et à la liberté de l'ouvrier, qui se précipiterait ainsi lui-même dans l'esclavage.

La force de l'organisation, si puissante qu'on veuille la supposer, n'est pas d'elle-même, et prise en soi, un élément d'ordre : l'histoire récente et actuelle en fournit constamment la preuve tragique : quiconque a des yeux pour voir s en peut aisément convaincre. Aujourd'hui comme hier, dans l'avenir comme dans le passé, une situation ferme et solide ne peut s'édifier que sur des bases jetées par la nature — en réalité par le Créateur — comme fondements de la seule véritable stabilité.

On sait que la doctrine sociale de l'Eglise préconise, pour empêcher les abus de force, de créer une structure économique autonome basée sur Vorganisation professionnelle :

Voilà pourquoi, Nous ne Nous lassons pas de recommander instamment l'élaboration d'un statut de droit public - 375 - de la vie économique, de toute la vie sociale en général, selon l'organisation professionnelle l.

Ainsi qu'une diffusion plus large de la propriété privée :

Voilà pourquoi Nous ne Nous lassons pas non plus de recommander la diffusion progressive de la propriété privée, des moyennes et petites entreprises.

Le Pape a pleine confiance que le Mouvement Ouvrier Chrétien de Belgique évitera les excès dénoncés et connaîtra dans l'avenir une saine prospérité :

Le sens des réalités, qui est un des traits du caractère belge, le sentiment chrétien profondément ancré dans le coeur de votre peuple, chers fils et chères filles, écarteront de vous, Nous en avons la ferme confiance, un si grave danger, si jamais il devait tenter de vous assaillir. Non, vous êtes de ceux qui édifient avec le Seigneur la maison et la Cité (cfr. Ps. CXXV1), en vue du bien commun, avec la justice et la charité envers tous, dans l'esprit et selon la loi de Jésus-Christ.

C'est dans cette encourageante pensée que Nous donnons à vous tous ici présents et au Mouvement Ouvrier Chrétien de Belgique, avec une paternelle bienveillance et dans l'effusion de Notre coeur. Notre Bénédiction apostolique.

1 On trouvera souvent le même thème développé par Pie XII, notamment dans son Allocution aux membres de l'Union Internationale des Associations Patronales Catholiques du 7 mai 1949, p. 155. De même: Radiomessage aux catholiques allemands, 4 septembre 1949, p. 346.

LETTRE DE MGR MONTINI Substitut à la Secrétairerie d'État A M. FERDINAND STORCHI

Président de l'Association catholique des Travailleurs italiens (15 septembre 1949) 1

Le Conseil national des « Associazioni Cristiane Laooratori Italiam n (A. CL. I.) se réunissant à Rome pour fixer son programme, le Saint-Père fit parvenir la lettre suivante à son président :

L Auguste Pontife a été informé que dans les jours prochains se réunira à Rome le Conseil national des A. C. L. I. pour traiter et discuter le programme d'action pour l'année prochaine et en premier lieu l'important problème des nouveaux membres.

Puisque de récents événements dans le champ des organisations de travail ont déterminé dans certains milieux des perplexités et incertitudes au sujet des fonctions des A. C. L. 1. et de leurs rapports avec les autres associations similaires comme si l'existence et la fonction en était aujourd'hui superflue, Sa Sainteté toujours si paternellement sensible aux obsédantes questions des classes laborieuses, désire faire parvenir par, mon intermédiaire, au dit Conseil national, Sa parole que vous attendez pour vous éclairer et vous reconforter.

Elle est bien connue de Sa Sainteté, la précieuse contribution que les A. C. L. I. fécondes « cellules de l'apostolat chrétien moderne » (discours du 11 mars 1945) ont apportée à la cause de l'Evangile et à une nouvelle floraison de la piété et de la foi dans le douloureux après-guerre, comme

1 D'après le texte italien de YOsserVatore Romano du 17 septembre 1949.

aussi à la formation d'une conscience ouvrière chrétienne, à l'affermissement des justes aspirations des travailleurs, à la défense énergique et dans l'ordre de tous leurs intérêts, au secours de leurs multiples nécessités et à la création même des syndicats libres, distincts d'elles. Une telle contribution est déjà par elle-même garantie d'une activité ultérieure sérieuse et efficace, et promesse sûre de nouveaux et plus flatteurs succès pour l'avenir.

Il se trouve donc que tous ceux qui ont à coeur l'élévation et le bien-être non seulement matériel mais moral et religieux des masses travailleuses en Italie, voient dans les A. C. L. I. dans les circonstances présentes, l'instrument le mieux adapté à l'obtention de si hautes fins, en approfondissent le programme et appliquent à son heureuse réalisation tout l'effort dont ils sont capables.

Ainsi reste sanctionnée l'indiscutable opportunité du maintien et de la mission des A. C. L. I. et déterminé le secteur de leur activité.

Si, d'un côté, les Associations d'Action Catholique tendent surtout à la formation de leurs membres en étroite union avec la hiérarchie de l'Eglise et d'autre part, les syndicats visent à la défense des intérêts économiques et professionnels des classes laborieuses, les A. C. L. I. peuvent revendiquer pour elles le grand et dur devoir de regrouper en nombre aussi grand que possible toutes les catégories de travailleurs pour raviver et renforcer en eux la conviction que « dans l'application de la doctrine du Christianisme selon l'enseignement de l'Eglise est le fondement et la condition d'une réorganisation sociale dans laquelle soient assurées, selon la justice, la reconnaissance des droits et la satisfaction des exigences matérielles et spirituelles des travailleurs » (Statut, art. 1).

Dans l'exercice de leur fonction d'organisation, d éducation, d'assistance, remplie comme une adhésion manifeste aux principes chrétiens, les A. CL. 1. rencontreront encore dans l'avenir des difficultés qui chercheront à arrêter leur progrès. Mais avec l'aide de la grâce divine, elles sauront les affronter avec courage si elles proviennent des ennemis des âmes, avec charité fraternelle et esprit de cordiale entente et compréhension si elles s'élèvent du terrain même du commun travail.

Que les A. C. L. I. continuent donc, avec l'appui unanime et généreux du clergé et du laïcat catholique, à développer leur multiforme et bienfaisante action sur un terrain toujours plus étendu. Puissent-elles par une heureuse combinaison d'assistance et de prévoyance satisfaire aux besoins religieux, moraux et matériels des travailleurs d'Italie, en sorte que ceux-ci se persuadent à la lumière des faits que l'Eglise, à l'exemple de son divin Fondateur, ne cherche et ne veut rien d'autre que la juste défense de leurs droits et intérêts.

Avec ces espérances et ces voeux dans l'âme, le Saint-Père souhaite un heureux résultat aux travaux du prochain Conseil national, tandis que, de tout coeur, Il accorde à ses participants et aux travailleurs qu'ils représentent le réconfort de la salutaire Bénédiction apostolique demandée.


DIRECTIVES DE LA S. PÉNITENCERIE CONCERNANT LE JUBILÉ DE 1950

(17 septembre 1949) 1

Les précisions suivantes ont été données à la suite de la Constitution apostolique du 10 juillet 1949 :

Par la Constitution apostolique Decessorum Nostrorum 2 en date du 10 du mois de juillet, de très larges pouvoirs ont été accordés aux pénitenciers mineurs et aux autres confesseurs de la ville de Rome et de la banlieue, en vue de faciliter le gain de l'indulgence jubilaire.

Il importe cependant que ces pouvoirs soient exercés avec la plus grande prudence, afin que le but que s'est proposé la Sainte Mère l'Eglise en promulguant l'année jubilaire se traduise par des effets salutaires et des fruits abondants.

C'est pourquoi Notre Très Saint-Père Pie XII Pape par un dessein de la divine Providence, a prescrit que les règlements déjà établis à ce sujet, de façon très sage, par l'autorité de ses Prédécesseurs, mis en harmonie avec les prescriptions récentes et la discipline actuelle, fussent religieusement maintenus dans la teneur qu'ils ont ci-dessous, et observés avec soin par chacun, aussi bien par les Ordinaires que par les confesseurs et recteurs d'églises.

I. — Que les pénitenciers et les autres confesseurs sachent tout d'abord et qu'ils soient convaincus, qu'ils ne peuvent se servir de ces pouvoirs extraordinaires qu'à l'égard des pénitents qui viennent à confesse avec l'intention et la

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 513; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVII, col. 25.

2 Cf. p. 269.

volonté sincère de gagner l'indulgence du Jubilé ; cependant, si le pénitent, changeant d'avis, renonce à gagner l'indulgence du Jubilé et néglige les autres oeuvres ordonnées, toutes les absolutions de censures, à l'exception de celles infligées pour réincidence, comme aussi les commutations et dispenses accordées, demeurent valables.

Les simples confesseurs ne peuvent user de ces pouvoirs que dans la confession sacramentelle, tandis que les pénitenciers peuvent en user même au for interne, extrasacramentel, à la condition qu'il ne s'agisse pas de pouvoirs particuliers pour lesquels la confession sacramentelle est formellement valable.

Cependant, les curés de Rome et de la banlieue qui, en vertu de la Constitution Decessorum Nostrorum, sont comptés durant l'Année Sainte parmi les pénitenciers, ont le pouvoir particulier de dispenser des visites jubilaires, d'en diminuer le nombre ou de les commuer, conformément à la règle formulée au numéro 10 de la Constitution précitée, non seulement lorsqu'il s'agit de pénitents, mais encore de chacun des fidèles ou de chacune des familles de leur paroisse.

II. — De même que le pouvoir d'absoudre des péchés

et des censures ecclésiastiques, ainsi que de dispenser de l'irrégularité, est limité et circonscrit de telle sorte que pendant la célébration de l'année jubilaire on ne puisse en user qu'une seule fois en faveur du même pénitent, à savoir lorsque ce pénitent gagne pour la première fois l'indulgence du Jubilé (cf. Const. Decessorum Nostrorum, n. XIV), de même alors seulement ; lorsque le pénitent n'aura pas été absous de ces péchés et de ces censures par un autre confesseur ayant le pouvoir de le faire pour la durée de l'Année Sainte, ou dispensé de l'irrégularité, il est absolument nécessaire que les pénitenciers et les confesseurs, s'ils veulent s'acquitter comme il convient de leurs fonctions, s'informent auprès de tout pénitent lié par ces péchés, censures et irrégularité :

1) S'il a ou non déjà gagné l'indulgence jubilaire ;

2) Au cas où il ne l'aurait pas gagnée, s'il a été absous au cours de l'Année Sainte des péchés ou des censures réservées, ou s'il a été dispensé de l'irrégularité.


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III. — Les confesseurs étudieront d'avance, de manière à en garder le souvenir précis, le tableau des péchés, censures, peines et empêchements dont l'absolution ou la dispense ne sont pas comprises dans les pouvoirs à eux concédés. Si l'un de ces cas se présente, ils devront se souvenir que l'unique moyen de pourvoir aux besoins du pénitent sera d'observer religieusement les prescriptions des canons 2254, 2290 et 1045, § 3 l.

IV. — Qu'ils n'oublient pas d'imposer au pénitent une pénitence sacramentelle salutaire, même s'ils ne peuvent conjecturer à bon droit que le pénitent gagnera l'indulgence du Jubilé.

V. — Si un pénitent a encouru des censures occultes pour avoir causé à un tiers un préjudice quelconque, ils ne l'absoudront pas avant que, par la réparation de scandale et la compensation des dommages, il n'ait donné satisfaction à la partie lésée ; tout au moins, si le pénitent ne peut donner avant l'absolution cette satisfaction requise, il

1 Canon 2254: absolution en cas urgent des censures latae sententiae réservées.

Canon 2290, § I. « Dans les cas occultes et plus urgents, lorsque l'observation de la peine vindicative latae sententiae entraînerait pour le coupable révélation publique de sa faute et déshonneur accompagné de scandale, tout confesseur peut, au for sacramentel, suspendre l'obligation de se soumettre à la peine, mais en enjoignant au pénitent de recourir — dans le délai minimum d'un mois, par lettre, et par l'intermédiaire du confesseur, si c'est possible sans grave inconvénient, le nom d'ailleurs demeurant secret — à la Sacré Pénitencerie ou à l'évêque ayant les pouvoirs nécessaires et de se conformer aux ordres reçus ».

§ 2. « Et si, en quelque cas extraordinaire, pareil recours est impossible, le confesseur peut accorder lui-même la dispense en se conformant aux prescriptions du canon 2254 » .

Canon 1045, § 3. « Dans les mêmes circonstances (empêchement de mariage à régler à l'article de la mort), le pouvoir de dispenser de certains empêchements est accordé à tous ceux que vise le canon 1044 (c'est-à-dire le curé, un prêtre assistant au mariage même sans délégation, le confesseur, mais pour celui-ci, seulement pour le for interne, dans l'acte de la confession sacramentelle), uniquement pour les cas occultes où le recours à l'Ordinaire du lieu ne serait pas possible, ou ne serait possible qu'en exposant à la violation du secret ».

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devra promettre sincèrement et sérieusement de la donner dès qu'il pourra.

VI. — Les pénitenciers qui peuvent absoudre des censures même publiques, doivent tenir pour certain ce qui suit.

Ceux qui ont été frappés nommément de censure, ou sont considérés publiquement comme tels, ne peuvent profiter du bienfait du Jubilé aussi longtemps qu'ils n'auront pas satisfait, comme de droit, au for externe. Cependant, si au for interne, ils ont déposé sincèrement toute contumace et se sont montrés disposés comme il convient, ils peuvent, tout scandale étant écarté, être absous au for sacramentel, uniquement en vue de gagner le Jubilé, avec l'obligation de se soumettre le plus tôt possible, au for externe, conformément aux prescriptions du droit.

VII. — En ce qui concerne le péché réservé par le canon 894 1 les pénitenciers et les autres confesseurs n'en donneront pas l'absolution, à moins que le pénitent n'ait rétracté formellement sa fausse dénonciation, réparé dans la limite de ses forces les dommages qui en ont résulté et accepté en outre la sérieuse et longue pénitence qui a été imposée.

VIII. — S'il s'agit du cas, même occulte, dont il est question au canon 2342 2, les pénitenciers défendront, sous peine de réincidence, qu'à l'avenir le pénitent ait accès dans la maison religieuse et dans l'église en question. Demeurent fermes les peines mentionnées au numéro 2 du même canon.

1 Canon 894. « L'unique péché réservé ran'one sui au Saint-Siège est la fausse dénonciation par laquelle un prêtre innocent est accusé auprès des juges ecclésiastiques du crime de sollicitation ».

2 Canon 2342. « Encourent ipso facto l'excommunication simplement réservée au Saint-Siège...; 2° les femmes qui violent la clôture des réguliers ainsi que les supérieurs et tous les autres, quels qu'ils soient, qui introduisent ou admettent des femmes, quel qu'en soit l'âge, dans la clôture; en outre, les religieux qui les auront introduites ou admises seront destitués de leur charge, s'ils en ont une, et privés de voix active et passive ».

IX. — Les religieux qui ont quitté leur Institut en « apostats » ne seront absous de l'excommunication édictée par le canon 2385 tant qu'ils ne seront pas rentrés dans leur Ordre \ Cependant, si ces religieux sont fermement décidés à retourner dans leur Institut, on les absoudra au for interne, après leur avoir fixé un délai convenable pour accomplir cette démarche et sous peine de réincidence, s'ils ne sont pas rentrés dans le délai fixé. Mais ils devront être avertis que, aussi longtemps, qu'ils demeureront hors d'une maison de leur Institut, iis seront exclus de tous actes légaux ecclésiastiques, privés de tous les privilèges de leur Institut, soumis à l'Ordinaire du lieu de leur habitation, et passibles, même après leur rentrée, des autres peines portées au canon 2385. Quant au religieux fugitif 2, lors même qu'en vertu des constitutions de son Institut, il aurait encouru l'excommunication, on pourra, s'il est bien disposé, l'absoudre au for interne, mais après lui avoir imposé l'obligation de rentrer au plus tôt, et ce de la même manière et sous la même peine de réincidence que pour les apostats de la vie religieuse ; en outre, s'il est dans les ordres sacrés, il sera tenu observer la suspense portée par le canon 2386.

X. — Lorsqu'il s'agit de commutation de voeux, il faut entendre plus largement les choses, de manière que les pénitenciers et les confesseurs s'en rapportant à leur propre prudence, puissent commuer des voeux en oeuvres même de moindre mérite.

1 Canon 2385. «... Le religieux qui quitte son Institut en apostat encourt de droit l'excommunication (dont l'absolution est) réservée à son supérieur majeur, ou si l'Institut est laïque ou non exempt, réservée à l'Ordinaire du lieu de sa résidence: il est exclu des actes légaux ecclésiastiques (voir can. 2256, 2°), dépouillé des privilèges qu'il tenait de l'Institut; et s'il rentre, il est à jamais privé de voix active et passive et, de plus, les supérieurs doivent lui infliger, selon la teneur des Constitutions, d'autres peines proportionnées à sa faute ».

2 Canon 2386. « Le religieux fugitif est ipso facto destitué de sa charge, s il en occupe une, dans son Institut et, s'il est dans les ordres sacrés, il encourt la suspense réservée à son supérieur majeur. Une fois rentré, il sera puni conformément aux Constitutions : si ces dernières n'ont rien prévu à ce sujet, le supérieur majeur lui infligera des peines proportionnées à la gravité de la faute ».

XI. — Quiconque aura lu des livres prohibés, ceux surtout que le canon 2318 § I interdit sous peine d'excommunication, ne sera absous que s'il a remis avant l'absolution les livres dont il est détenteur soit à l'Ordinaire, soit au confesseur, soit à une autre personne ayant le droit de les garder ; ou tout au moins, s'il a promis sérieusement de les détruire ou de les remettre aussitôt qu'il le pourra

XII. — En ce qui concerne le pouvoir de commuer les visites sacrées ou de les supprimer, il faut observer les règles suivantes :

1) Lorsque les pénitenciers ou les autres confesseurs commueront, pour un juste motif, la visite d'une basilique en la visite d'une autre église, ces visites jubilaires devront être faites conformément aux prescriptions édictées pour les visites aux basiliques.

2) Lorsque quelqu'un a obtenu la dispense de visiter l'une ou l'autre basilique, sans que l'obligation lui ait été imposée, par commutation, de visiter une autre église, il devra effectuer les quatre visites sacrées prescrites, visites qui devront être faites dans les basiliques restantes. La dispense, en effet, de visiter une basilique n'équivaut pas en soi à la diminution du nombre des visites sacrées.

3) Si quelqu'un demande, outre la dispense de visiter une basilique, qui devrait l'être, une diminution aussi du nombre des visites sacrées, les pénitenciers et les autres confesseurs devront prescrire autant de prières à réciter que de visites en moins à effectuer ; quant à ces prières, elles devront être semblables à celles qui sont prescrites pour les visites sacrées.

4) Par ailleurs, il n'est pas nécessaire que les visiteurs entrent dans les basiliques ou en sortent par la Porte Sainte ; bien plus, si les basiliques sont fermées ou si, pour une cause quelconque, il n'est pas possible d'y entrer, il suffira

1 Canon 2318, § I. «Encourent ipso facto l'excommunication spécialement réservée au Saint-Siège, lorsqu'il s'agit d'ouvrages publiés, les éditeurs de livres d'apostats, d'hérétiques et de schismatiques qui soutiennent l'apostasie, l'hérésie, le schisme ; ceux qui prennent la défense de livres frappés d'une condamnation nominale formulée dans une lettre apostolique, comme aussi ceux qui sciemment et sans autorisation régulière, les lisent ou les conservent ».

de réciter les prières prescrites à leurs portes ou sur les marches qui y conduisent. Mais il faut que la visite soit faite pieusement et avec dévotion, c'est-à-dire avec l'intention d'honorer Dieu ; ces sentiments devront se manifester de quelque façon par le respect extérieur.

5) Les prières vocales, qui sont prescrites peuvent être récitées en alternant les voix. En ce qui concerne les muets, il y est pourvu au canon 936 \

XIII. — Etant donné que la visite aux quatre basiliques n'est pas un exercice prescrit par lui-même, mais seulement imposé à ceux qui veulent gagner librement l'indulgence du Jubilé, cette obligation des visites ne sera pas, chaque fois que les confesseurs privilégiés devront pour une cause juste en dispenser totalement ou partiellement les pénitents, commuée en d'autres oeuvres que le pénitent est tenu d'accomplir à un autre titre lui créant une obligation proprement dite.

XIV. — La confession et la communion requises pour gagner l'indulgence jubilaire peuvent être faites avant, pendant ou après les visites aux quatre basiliques. La seule chose qui importe et qui est nécessaire, c'est que la dernière parmi les oeuvres prescrites — et ce peut être la communion — soit accomplie en état de grâce conformément 2 au canon 925 § I.

Si quelqu'un donc, après s'être confessé, mais avant d'avoir achevé la dernière oeuvre prescrite, venait à commettre une faute mortelle, il lui faudrait renouveler sa confession, s'il avait encore à s'approcher de la sainte Table : hors de ce cas, il lui suffira de se réconcilier avec Dieu par un acte de contrition parfaite.

1 Canon 936. « Les muets peuvent gagner les indulgences attachées à la récitation des prières publiques s'ils élèvent leur esprit et leur coeur vers Dieu en union avec les autres fidèles priant dans le même lieu, et s'il s'agit de prières privées, il suffit qu'ils les récitent mentalement ou qu'ils les expriment par signes ou encore qu'ils se bornent à les lire des yeux ».

2 Canon 925, § 1. « Pour être capable de gagner des indulgences pour soi-même, il faut être baptisé, non excommunié, en état de grâce, au moins lorsqu on achève les oeuvres prescrites, et être sujet de celui qui accorde ces indulgences».

XV. — La suspense des pouvoirs spéciaux, décrétée et publiée par la Constitution Fore confidimus du 10 juillet de la présente année 1 ne concerne nullement la Ville et la banlieue, attendu qu'il importe souverainement de ne pas restreindre ou faire cesser, pendant l'Année Sainte, l'abondance et les secours de ministres sacrés en faveur des pénitents qu'il faut retirer de la fange du péché pour les ramener à la grâce divine. Quiconque donc est légitimement muni à Rome de ces pouvoirs, les exercera librement pendant la durée de l'Année Sainte à Rome et dans la banlieue, dans les limites de la concession qui lui a été faite et du temps qui lui a été fixé. En ce qui concerne la suspension des indulgences, ordonnées par la Constitution Fore Confidimus, attendu que depuis longtemps déjà le Siège apostolique a décrété que certaines indulgences ne tombent pas sous le coup de la suspension en usage pendant l'Année Sainte, Notre Très Saint-Père le Pape ne révoque pas ces induits ou privilèges, bien qu'il n'en fasse pas mention dans la Constitution précitée, à la condition qu'il apparaisse manifestement que ces privilèges sont authentiques, et qu'ils ont été accordés, et à perpétuité, en conformité 2 des canons 70, 71 et 60 § 2.

XVI. — Les confesseurs extra urbem qui, à l'occasion du Jubilé, ont été pourvus de pouvoirs extraordinaires par la Constitution Jam Promulgato (10 juillet 1949), ne pourront se servir de ces pouvoirs que dans la mesure où ils peuvent s'appliquer à eux-mêmes 3.

1 Cf. p. 264.

3 Canon 70. «Un privilège, sauf preuve contraire, est censé perpétuel».

Canon 71. « Les privilèges contenus dans le présent Code se révoquent par des lois générales; en ce qui concerne les autres privilèges, on s'en tiendra aux prescriptions du canon 60 ».

Canon 60, § 1. « Un rescrit révoqué par un acte spécial du supérieur demeuré valable jusqu'à ce que la dite révocation ait été notifiée à celui qui a obtenu le rescrit ».

§ 2. « Une loi contraire ne révoque aucun rescrit à moins qu'elle même n en dispose autrement ou qu'elle soit portée par le supérieur de celui de qui émane le rescrit ».

8 Cf. p. 283.

Le présent règlement adapté à la discipline actuelle, a été publié sur l'ordre de S. S. Pie XII, Pape par un dessein de la divine Providence, pour servir à tous de constante et sûre interprétation soit des pouvoirs en vigueur, soit des oeuvre à accomplir, en vue de gagner l'indulgence du Jubilé au cours de la prochaine Année Sainte 1.

1 La S. Pénitencerie a fait publier également dans la presse les précisions suivantes concernant les Indulgences du Jubilé :

« C'est à la Sacrée Pénitencerie Apostolique qu'incombe le soin de veiller à la pleine observance des dispositions pontificales requises pour le gain du Jubilé. Dans le but d'éviter les confusions causées par certaines inexactitudes ou omissions de différents journaux, revues et publications destinées aux pèlerins, elle tient à donner les précisions suivantes :

1. Les exercices prescrits pour gagner le Jubilé sont au nombre de quatre : la confession, la communion, une visite (même à des jours différents), aux quatre basiliques patriarcales; des prières. Les prières à réciter à chaque visite sont: trois Pater, Ave et Gloria, puis un Pater, Ave et Gloria à l'intention du Souverain Pontife, et enfin un Credo.

Ces exercices peuvent être accomplis suivant l'ordre qu'on voudra.

2. Durant l'Année Sainte, l'indulgence jubilaire peut s'acquérir plusieurs fois, soit pour soi-même, soit en faveur des âmes du purgatoire.

Chaque fois qu'on voudra gagner l'indulgence jubilaire, il sera nécessaire d'accomplir les exercices prescrits au numéro I.

3. On ne peut commencer les exercices en vue de gagner un second Jubilé, avant d'avoir fini d'accomplir les exercices en vue du Jubilé précédent » .


Pie XII 1949 - CONGRES CATECHETIQUE DE MILAN