Pie XII 1949 - JUBILE DE 1950


FACULTÉS ACCORDÉES PAR LA S. PÉNITENCERIE AUX CONFESSEURS PÈLERINS DU JUBILÉ DE 1950

(17 septembre 1949) 1

I. Facultés pour tous les confesseurs :

Pouvoirs spéciaux accordés à tous les confesseurs pèlerins déjà approuvés dans leurs propres diocèses pour l'un et l'autre sexes, pouvoirs dont ils ne peuvent user que pour le for interne et en confession sacramentelle.

1° D'absoudre toute personne qui se confesse à eux de n'importe quels péchés et censures réservés par le droit, soit à l'Ordinaire, soit, de même d'une manière spéciale, au Pontife romain, à la condition que ce ne soit pas des censures publiques, en imposant des pénitences salutaires et d'autres sanctions qui doivent être imposées de droit.

Ils ne devront donc pas absoudre, sinon dans les circonstances et suivant les prescriptions du canon 2254 du Code de droit canonique 2, ceux qui sont frappés de quelque censure réservée soit au Pontife romain en personne, soit d'une façon très spéciale au Siège apostolique.

Ils n'absoudront pas non plus ceux qui ont encouru la censure dont il est question au canon 2388 § 1er J réservée au Saint-Siège, conformément à la prescription du décret Lex Sacri Coelibatus, promulgué par la Sacrée Pénitencerie apostolique, en date du 18 du mois d'avril de l'année 1936 4, en vertu de ce décret et de cette déclaration, cette censure

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 518; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVII, col. 31.

2 Cf. p. 271, note 1.

3 Cf. p. 272, note 1.

* A. A. S., 29, p. 283.

est, dans le cas spécial dont il est question, réservée de telle sorte à la Sacrée Pénitencerie, que jamais personne, sauf s'il y a danger de mort, ne peut absoudre, pas même en vertu du canon 2254 1.

2° De commuer en d'autres oeuvres pies pour un juste motif tous les voeux privés, ensemble ou séparément, même ceux faits sous serment, sauf les voeux privés réservés par le canon 1309 au Siège apostolique 2 excepté aussi les voeux dont la commutation tournerait au préjudice d'un tiers, ou détournerait moins du péché que le voeu lui-même.

3° D'accorder la dispense de la visite de quelque basilique, en la commuant en visite, si possible d'une autre église, et même aussi de diminuer le nombre des visites. Quant à ceux qu'ils auront légitimement dispensés des visites, les confesseurs ne manqueront pas de leur imposer des prières aux intentions du Souverain Pontife, prières qui peuvent être séparées des visites. Pour la commodité des malades seulement, on pourra diminuer ou restreindre ces prières.

II. Facultés pour dix confesseurs désignés :

Pouvoirs spéciaux accordés à dix confesseurs choisis par la Sacrée Pénitencerie, ou par leurs propres êvêques, pour entendre les confessions de leurs compagnons de pèlerinage, et dont ils ne pourront user qu'au for interne et dans la confession sacramentelle.

1° D'absoudre non seulement des censures et des fautes occultes, ainsi qu'il est statué au Numéro I de la première partie pour tous les confesseurs pèlerins, mais encore des censures qui sont publiques dans les endroits où ont demeuré des pénitents, ou bien là où les censures ont ete déclarées nommément comme telles, ou encore bien que la faute ait déjà été portée devant le juge du for externe ; les pénitents peuvent être absous, pourvu qu'ils soient sincèrement décidés à se soumettre humblement à ce qui sera ordonné, à l'exécuter fidèlement et à réparer le scandale. Cependant, l'absolution de cette censure n'aura pas d effet

Cf. p. 271, note I. Cf. p. 280, note I.

au for externe. Les confesseurs n'absoudront pas, toutefois, sinon dans les cas prévus au canon 2254 1, les prélats du clergé séculier pourvus de la juridiction ordinaire, ni les supérieurs majeurs d'une religion exempte, qui auraient encouru publiquement des censures réservées d'une manière spéciale au Pontife romain.

2° De dispenser ceux qui ont reçu les ordres sacrés afin seulement qu'ils puissent exercer ces ordres, des irrégularités provenant d'un délit caché, sans exclure l'irrégularité dont il est question au canon 985 4° 2.

3° D'accorder des dispenses concernant les visites aux quatre basiliques, comme aussi de les commuer de la même manière accordée aux autres confesseurs au numéro 3.

4° De commuer en d'autres oeuvres pies, pour un juste motif, les voeux privés, ensemble ou séparément, même les voeux faits sous serment, et aussi ceux qui sont réservés au Siège apostolique. Pareillement, ils peuvent commuer le voeu de chasteté perpétuelle et parfaite, bien qu'il ait été, à l'origine émis publiquement lors de la profession religieuse, même solennelle, et qu'il soit resté valide, les autres voeux de la même profession ayant été annulés. Ils ne pourront cependant nullement dispenser ceux qui sont tenus à la loi du célibat en vertu de la réception d'un ordre sacré, même s'ils ont été réduits à l'état laïque. Les confesseurs s'abstiendront de commuer les voeux, si la commutation cause du préjudice à un tiers et si elle éloigne moins du péché que le voeu lui-même.

5° De dispenser d'un empêchement occulte de consanguinité au troisième ou au second degré collatéral, même conjoint au premier degré lorsque cet empêchement provient d'une naissance illégitime, et ce, uniquement en vue de revalider le mariage, et non en vue de le contracter ou de convalider in radice.

6° De dispenser de l'empêchement occulte de crime, neutro machinante, qu'il s'agisse soit du mariage contracté, soit de mariage à contracter ; dans le premier cas, le renouvellement secret du consentement des conjoints sera

Cf. p. 271, note I. Cf. p. 275, note I.

requis, conformément au canon 1135 1 ; dans les deux cas, le confesseur imposera une pénitence salutaire, à la fois sérieuse et prolongée.

III. Avis concernant l'usage des pouvoirs accordés aux confesseurs pèlerins :

1° Les confesseurs pèlerins pourront user en faveur de leurs compagnons de pèlerinage des pouvoirs spéciaux partout à Rome et sa banlieue, sous réserve des prescriptions des canons 908-910 2, et de l'autorisation des recteurs d'églises ; ils pourront cependant exercer validement ces pouvoirs en faveur de l'un ou l'autre pèlerin non compagnon de pèlerinage qui s'adresserait à eux pour se confesser, en se mêlant à leurs compagnons de pèlerinage.

2° De même, ils ne pourront user de ces pouvoirs qu'en faveur des pénitents qui s'adressent à eux pour se confesser avec l'intention et la volonté sincère de gagner l'indulgence du Jubilé ; cependant, si le pénitent, changeant d'avis, renonce à gagner l'indulgence du Jubilé et cesse d'accomplir les autres oeuvres ordonnées, toutes les absolutions de censure, à l'exception de celles infligées pour réincidence, comme aussi les commutations et dispenses accordées, restent valables.

3° Pareillement, ils ne pourront user de ces pouvoirs d'absoudre des péchés et censures réservés, ainsi que de dispenser des irrégularités, qu'une seule fois en faveur du même pénitent, à savoir lorsque le pénitent gagne la première fois l'indulgence jubilaire, et seulement si le pénitent n'a pas déjà été absous de ses péchés et censures par un autre confesseur ayant le pouvoir de le faire durant 1 Année Sainte, ou n'a pas déjà obtenu de lui dispense de 1 irrégularité. Quant aux autres pouvoirs — même ceux de diminuer le nombre des visites ou de les commuer conformément à la norme donnée au numéro I et 3 —, ils pourront toujours les exercer même en faveur du même pénitent.

1 Cf. p. 276, note I.

2 Les canons 908-910 indiquent en quels lieux on peut confesser les hommes et les femmes et ce qui est normalement requis pour la confession, l'emploi d un confessional.

4° Valides et inchangés demeurent les pouvoirs que tous les confesseurs pèlerins ont obtenus ou obtiendront de la Sacrée Pénitencerie ou par tout autre moyen légitime.

5° Ils ne pourront absoudre les hérétiques ou schisma-tiques qui auraient enseigné publiquement leurs erreurs, à moins que ceux-ci, après avoir abjuré leur hérésie ou leur schisme du moins devant le confesseur lui-même, ne réparent, comme il convient, le scandale causé par eux. Ils ne doivent pas non plus absoudre ceux qui se trouvent dans les circonstances dont il est question dans le décret de la Suprême Congrégation du Saint-Office en date du 1er juillet, de l'année mil neuf cent quarante-neuf, concernant le communisme 1 ; à moins qu'ils ne soient venus à résipiscence, de la manière indiquée ci-dessus.

6° De même, ils ne doivent pas absoudre ceux qui, fût-ce secrètement, se sont affiliés à une secte condamnée, maçonnique ou autre de même nature, à moins qu'après avoir abjuré cette secte, au moins devant le confesseur, lui-même, ils n'aient réparé le scandale et cessé d'apporter toute coopération active ou toute aide à leur secte ; à moins aussi qu'ils n'aient dénoncé, conformément au canon 2336 § 2 2, les prêtres et les religieux qui, à leur connaissance, seraient affiliés à la secte ; qu'ils n'aient livré tous livres, manuscrits et insignes de leur secte qui seraient encore en leur possession, ou promis sérieusement de les livrer ou de les détruire, une sérieuse pénitence étant en outre imposée, proportionnée à la gravité des fautes.

7° Qu'ils ne donnent pas l'absolution à un pénitent qui lit des livres défendus, si ce n'est après que ce pénitent aura livré les livres en sa possession à l'Ordinaire ou au confesseur, ou qu'il aura promis sérieusement de les livrer ou de les détruire.

8° Si un pénitent a encouru des censures occultes pour avoir causé à un tiers un préjudice quelconque, les confesseurs ne l'absoudront pas avant que, par la réparation du scandale et la compensation des dommages causés, il ait donné satisfaction à la partie lésée ; ou tout au moins, si cette satisfaction ne peut être donnée avant l'absolution.

1 A. A. S., XXXXI, 1949, p. 334. 1 Cf. p. 274, note 2.

qu'il n'ait promis sincèrement et sérieusement de la donner dès qu'il pourra.

9° S'il s'agit du cas, même occulte, dont il est question au canon 2342 1, les confesseurs devront interdire aux pénitents, sous peine de réincidence, de se rendre dans l'avenir à la maison religieuse ou à l'église en question.

10° Les acquéreurs non autorisés de biens de droits ecclésiastiques ne doivent être absous qu'à la condition de restituer ces biens ou d'envoyer au plus tôt à l'autorité compétente une demande d'arrangement, ou de promettre sincèrement de faire cette demande, à moins qu'il ne s agisse de territoires pour lesquels le Saint-Siège a déjà pris d'autres dispositions.

11° Les confesseurs n'oublieront pas d'imposer à chaque pénitent une pénitence sacramentelle salutaire, même s'ils peuvent conjecturer à bon droit que le pénitent gagnera l'indulgence plénière du Jubilé.

12° Il n'importe nullement pour gagner l'indulgence du Jubilé que la confession et la communion précèdent ou suivent les visites aux quatre basiliques, ou qu'elles soient intercalées dans ces visites ; la seule chose qui est nécessaire, c'est que la dernière des oeuvres prescrites, oeuvre qui peut-être aussi la communion, soit accomplie en état de grâce, conformément au canon 925 § I 2. Les confesseurs n'exempteront personne de l'obligation de la confession prescrite ; ils ne pourront pas non plus commuer la communion en d'autres oeuvres pies, à moins qu'il s'agisse de malades.

13° Ils ne commueront pas la visite des basiliques en d'autres oeuvres pies, que le pénitent serait tenu d'accomplir à un autre titre constituant pour lui une obligation proprement dite ; qu'ils sachent bien qu'ils chargeraient leur conscience s'ils exemptaient inconsidérément et sans juste motif le pénitent de ces visites.

1 II s'agit de la violation de la clôture pontificale dans un couvent de réguliers ou de moniales. Cf. p. 381, note 2. 3 Cf. p. 385, note 2.


DISCOURS A L'UNION INTERNATIONALE DES ORGANISMES FAMILIAUX

(20 septembre 1949) 1

Les problèmes qui concernent la famille, prennent, dans le monde entier, une place de plus en plus grande ; c'est ce qui a été mis en lumière par le Congrès mondial de la Famille et de la Population qui s'est tenu à Paris du 22 au 28 juin 1947, réunissant les représentants de vingt-sept nations. Ce Congrès a décidé la création de l'Union Internationale des Organismes Familiaux (U. I. O. F.). Ce groupe a pour but d'établir — en dehors de toute considération de race et d'opinion — un lien entre tous les organismes qui, dans le monde, travaillent au mieux-être de la famille.

En 1948, le 2e Congrès de l'Union s'est tenu à Genève ; en 1949, le 3° Congrès se tenait à Rome 2. Les membres de ce Congrès furent reçus en audience par le Pape qui rappela tout d'abord que l'Eglise s'est toujours attachée à la défense de la famille.

Aurions-Nous pu, Messieurs, ne pas accueillir avec une vive satisfaction votre désir de Nous présenter, en même temps que votre déférent hommage, le tableau de vos travaux et de votre activité au service d'une cause que Nous avons tant à coeur, celle de la famille ?

Dès Notre accession au Siège de Pierre, dans Notre Encyclique « Summi Pontificatus » Nous déclarions regarder comme un devoir impérieux de conscience, imposé par Notre

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 551.

2 Le siège de l'Union est installé 28, Place Saint-Georges, Paris IXe. On y publie un Bulletin de Liaison et d'Information.

Les travaux du Congrès de Paris (1948) ont paru en volume sous le titre: NiOeau de Vie des Familles.

Le secrétaire général de l'Union est M. Jean Delaporte.

ministère Apostolique, la ferme défense des droits propres de la famille ].

Cette déjense de la famille est diversement appréciée ; les uns en profitent pour attaquer l'Eglise en déformant ses pensées, les autres, pour la louer de son action :

Depuis plus de dix ans, le monde a entendu Nos cris d'appel, constaté Nos efforts. Si ceux-ci ont été, par certains, méconnus et Nos intentions travesties, il Nous est d'autant plus doux de recevoir de vous, en votre qualité de représentants des organismes familiaux, la preuve que vous avez su comprendre et apprécier l'oeuvre du Père commun. Soyez-en remerciés.

La famille existe à la suite d'exigences de la nature ; elle n'existe pas en vertu de décrets positifs émanant du pouvoir civil :

La dignité, les droits et les devoirs du foyer familial, établi par Dieu comme cellule vitale de la société, sont par le fait, aussi anciens que l'humanité ; ils sont indépendants du pouvoir de l'Etat (cf. Léon XIII, Enc. Rerum Novarum) ; mais, s'ils sont menacés, celui-ci doit les protéger et les défendre ; droits et devoirs également sacrés à toute époque de l'histoire et sous tous les climats ; plus sacrés encore aux heures tragiques des calamités de guerre, dont la famille est toujours la grande victime, la grande sacrifiée.

Il faut sévèrement condamner les régimes qui veulent porter atteinte à l'intégrité de la famille :

Or, précisément parce qu'elle est l'élément organique de la société, tout attentat perpétré contre elle est un attentat contre l'humanité. Dieu a mis au coeur de l'homme et de la femme, comme un instinct inné, l'amour conjugal, l'amour paternel et maternel, l'amour filial. Dès lors, prétendre arracher, paralyser ce triple amour est une proposition qui fait horreur par elle-même et qui mène fatalement à leur ruine la patrie et l'humanité.

1 A. A. S., 31, 1939, p. 434.

II est faux de prétendre que la famille ne soit plus à même de remplir les tâches qui lui incombent :

On se retranche derrière le fallacieux prétexte de l'impuissance de la famille livrée à ses propres moyens, pour la mettre sous la pleine dépendance de l'Etat et des pouvoirs publics et la faire servir à des fins qui lui sont étrangères. Déplorable désordre, dans l'illusion plus ou moins sincère d'un ordre factice, mais désordre qui conduit logiquement au chaos.

Sans doute, la famille, en tant qu'unité sociale, ne peut se suffire :

Que la famille réduite à ses seules ressources privées, sans secours et sans appui, isolée, marchant parallèlement à tant d'autres, soit dans les conditions économiques et sociales d'aujourd'hui, hors d'état de se suffire à elle-même, a fortiori, de jouer son rôle de cellule organique et vitale, cela n'est malheureusement que trop vrai. Est-ce une raison pour lui apporter un remède pire que le mal ? Que faire alors ?

C'est la raison pour laquelle il faut grouper les familles en des associations qui défendront efficacement les intérêts familiaux :

Ce que depuis longtemps cherchent à promouvoir les hommes de justice et de coeur ; ce que Nos Prédécesseurs et Nous-même ne cessons de recommander sans relâche et à quoi Nous travaillons selon toute l'étendue de Nos moyens ; ce que vous-mêmes, Messieurs, vous efforcez de réaliser progressivement grâce à l'union des organismes familiaux.

Le programme de ces associations familiales est précisé comme suit :

1° Suppléer à l'insuffisance de la famille :

Le programme de cette action tendant à consolider la famille, à élever son potentiel, à l'intégrer dans le mécanisme vivant du monde, peut se ramener à quelques chefs précis ; suppléer à l'insuffisance de la famille, en lui procurant ce qui lui manque pour exercer sa fonction domestique et sociale,...

2° Unir les familles :

unir entre elles les familles en un front solide, conscient de sa force,...

3° Représenter les familles devant les pouvoirs publics :

permettre à la famille de faire entendre sa voix dans les affaires de chaque pays, comme de toute la société, de telle sorte qu'elle n'ait jamais à souffrir de leur part, mais au contraire à en bénéficier le plus possible.

Toute la vie sociale serait transformée si on attribuait à la famille la place à laquelle elle a droit :

Comme les chemins que suivent l'économie et la politique elle-même seraient différents si ce principe fondamental devenait le guide commun de tous les hommes consacrés à la vie publique !

// faut donc remettre en valeur les principes moraux qui sont à la base de la vie familiale :

Ainsi donc ce qui importe avant tout, c'est que la famille, — sa nature, sa fin et sa vie, — soient envisagés sous leur véritable aspect, qui est celui de Dieu, de sa loi religieuse et morale.

La famille moderne est blessée :

N'est-ce pas une pitié de voir à quelles solutions des problèmes les plus délicats descend une mentalité matérialiste : désagrégation de la famille par l'indiscipline des moeurs érigée en liberté indiscutable ; épuisement de la famille par l'eugénisme sous toutes ses formes introduit dans la législation; asservissement matériel ou moral de la famille où, dans l'éducation de leurs enfants, les parents sont réduits peu à peu à la condition de condamnés déchus de la puissance paternelle !

La santé peut être rendue à la famille en respectant son autonomie en Vorientant dans la voie indiquée par la morale naturelle :

La conception de la famille envisagée du point de vue de Dieu, fera nécessairement revenir à l'unique principe de solution honnête ; user de tous les moyens pour mettre la famille en état de se suffire à elle-même et de porter sa contribution au bien commun.

Des mesures sont prises pour porter secours à la famille :

1° On crée des institutions de prévoyance familiale :

Les mesures d'assistance à la famille vous sont bien connues : qu'elles soient d'institution publique ou d'initiative privée, elles revêtent des formes très variées. Après la première guerre mondiale, la prévoyance familiale est devenue un secteur des organismes officiels de la santé publique.

2° On préconise le payement d'un salaire familial :

Les Papes, dans leurs Messages sociaux, se sont employés fermement en faveur du salaire familial ou social, qui permet à la famille de pourvoir à l'entretien des enfants au fur et à mesure qu'ils grandissent.

3° On construit des logements familiaux :

Ce qu'il fallait alors et ce qui a été tenté avec un égal courage ici ou là, c'est une politique de grande envergure, qui vide les immeubles où s encasernent les locataires, et qui crée l'habitation familiale. Aujourd'hui, après la seconde guerre mondiale, cette exigence est passée certainement au premier plan.

4° On devra développer les institutions d'éducation familiale :

Ajoutons aussi la formation d'un sens plus aigu de la responsabilité dans la fondation du foyer, le développement d'une vie de famille plus saine dans une demeure choyée, aussi bienfaisante pour l'esprit que pour le coeur. Nous n'avons pas manqué non plus de mentionner les organismes conçus pour mieux préparer aux charges et aux devoirs du mariage. De quel concours pourraient être la presse, la radio, le cinéma, et combien grave est leur responsabilité à l'égard de la famille ! Le cinéma ne devrait-il pas, au lieu de s'avilir dans les intrigues de divorce et de séparation, se mettre au service de l'unité du mariage, de la fidélité conjugale, de la santé de la famille et du bonheur du foyer ? Le peuple éprouve le besoin d'une conception meilleure et plus haute de la vie domestique. Le succès inattendu de certains films récents en est la preuve suffisante.

5° On fonde des oeuvres en faveur de l'enfance, de la jeunesse et des mères de famille :

Nous voulons également signaler les secours à l'enfance, l'assistance à la jeunesse, les maisons d'accueil et de repos pour les mères, l'organisation si bienfaisante des secours immédiats aux familles surchargées, lorsque par exemple la mère de famille se voit dans l'impossibilité de tenir elle-même sa maison : l'immense champ de travail ouvert aux organisations de prévoyance publique, mais avant tout, la charité privée.

6° On vote des lois en faveur des familles nombreuses :

Il convient naturellement de rapporter que des égards plus attentifs sont dus aux familles chargées d'enfants : dégrèvements d'impôts, subsides, allocations, considérés non comme un don purement gratuit, mais plutôt comme une indemnité très modeste due au service social de première valeur que rend la famille, surtout la famille nombreuse.

Le Pape souhaite que toutes les familles s'unissent pour hâter l heure où le foyer sera de nouveau placé au centre de la vie sociale :

Très opportunément vous affirmez, dans vos statuts, votre volonté de « renforcer les liens de solidarité entre toutes les familles du monde », condition très favorable à l'accomplissement de leurs fonctions de cellules vitales de la société. Combien de forces morales précieuses viendraient ainsi se rallier pour lutter contre la guerre au service de la paix !

Pie XII demande que l'esprit chrétien imprègne le mouvement familial afin d'apporter son concours à la restauration de la paix sociale, de la paix internationale :

Que toutes les familles du monde s'unissent pour s'entr'aider, pour contenir et maîtriser les forces mauvaises par leur vigueur saine et féconde, c'est fort bien. Un pas encore reste à franchir : établir l'esprit familial chrétien a l'échelon national, international, mondial ! Pas plus qu une famille particulière n'est le simple rassemblement de ses membres sous un même toit, pas plus la société ne doit être la simple somme des familles qui la constituent. Elle doit vivre de l'esprit familial fondé sur la communauté d'origine et de fin. Quand, entre les branches d'une même famille, les circonstances de la vie font apparaître des inégalités, on s'aide mutuellement. Ainsi devrait-il en être entre membres de la grande famille des nations. Idéal élevé sans doute ! Mais pourquoi ne pas se mettre aussitôt à y travailler, si lointaine que sa réalisation puisse paraître ? 11 n'est pas jusqu'aux questions angoissantes de l'économie continentale et mondiale qui, envisagées de ce point de vue, n'en éprouveraient une détente sensible et une aide bienfaisante.

L'oeuvre qui reste à accomplir est donc immense, elle ne s'accomplira que par des progrès successifs. Votre zèle s'applique à intensifier et à accélérer ces progrès.

Sur vos si louables efforts Nous appelons de tout coeur, Messieurs, les plus abondantes bénédictions du Père éternel de tous les hommes.

LETTRE DE MGR MONTINI Substitut à la Secrétairerie d'État A S. EXC. MGR ADRIANO BERNAREGGI Evêque de Bergame et Président des Semaines sociales d'Italie (23 septembre 1949) 1

A V occasion de la XXIII" Semaine sociale des Catholiques Italiens, tenant leur session à Bologne du 24 au 29 septembre 1949, le Saint-Siège envoya la lettre suivante à son Président :

La vingt-troisième Semaine sociale des catholiques italiens se prépare avec une ardeur croissante et groupe un nombre de participants toujours plus grand. Elle aura pour siège, cette année, la ville de Bologne dont le glorieux passé —¦ surtout dans le domaine des sciences juridiques — contribuera à son heureux succès.

Le thème « la sécurité sociale » si vaste et si complexe, à cause des multiples et importants aspects qu'il offre aussitôt au regard, se trouve délimité par les titres des différentes leçons. Dans ceux-ci transparaît en effet, la volonté d'exprimer, grâce aux prochaines sessions d'études, quels sont les principes et les moyens pour obtenir selon les enseignements de l'Eglise un équilibre social sain et durable.

Il est certainement ardu et extrêmement délicat, ce sujet qui a toujours attiré l'attention vigilante et maternelle de l'Eglise à cause des rapports intimes qui le rattachent à la vie morale et religieuse.

Il l'attire particulièrement de nos jours où se manifeste

1 D'après le texte italien de VOsseroatore Romano du 25 septembre 1949.

partout plus vivement, à cause de récentes et douloureuses expériences, le besoin de rétablir et de réorganiser sur des bases plus solides les rapports entre les citoyens et la société civile.

Le Saint-Père auquel je me suis hâté de soumettre le programme de la Semaine, nourrit la confiance — et la valeur des rapporteurs lui en donne jusqu'à présent l'assurance — que dans la prochaine réunion de Bologne les catholiques italiens sauront s'acquitter dignement de leur devoir et satisfaire en même temps les espérances communes.

Ils ne se contenteront pas de mettre à nouveau en lumière les principes évangéliques d'une juste répartition des biens économiques et de réaffirmer les droits innés de la personne humaine, et le devoir qu'a l'autorité publique de les respecter et de les protéger. Mais ils indiqueront aussi, en se référant aux lumineux exemples du passé, les formes concrètes et les aperçus qui se prêtent le mieux aujourd'hui au développement de la vie commune pacifique et prospère des individus et des familles.

Enfin, ils n'oublieront pas que le Souverain Pontife, comme 11 s'est plu lui-même à le déclarer dans son discours du 11 courant 1 aux pèlerins du Mouvement Ouvrier Chrétien de Belgique, ne cesse de recommander instamment à chaque occasion, pour que soit garantie plus efficacement une telle vie commune, « l'élaboration d'un statut de droit public de la vie économique, de toute la vie sociale en général, selon l'organisation professionnelle ».

En formant les voeux les plus ardents pour l'heureux succès de cette Semaine Sociale, Sa Sainteté prie instamment le Très-Haut de combler de ses lumières chacun de ceux qui y prendront part — maîtres et auditeurs — et leur envoie du fond du coeur, et en premier lieu à Votre Excellence Révé-rendissime, la généreuse et réconfortante Bénédiction apostolique demandée.

1 Discours aux délégués du Mouvement Ouvrier Chrétien de Belgique, le Il septembre 1949, cf. p. 370.


ALLOCUTION AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS DES ÉTUDES HUMANISTES

(25 septembre 1949) 1

Le 24 septembre s est ouvert à Rome un Congrès International d'Etudes Humanistes qui avait à son ordre du jour : « Humanisme et science politique ». Lors de l'audience accordée aux congressistes par le Souverain Pontife, celui-ci déclara : *

De grand coeur, Nous répondons, Messieurs, par un chaleureux salut de bienvenue à votre délicat hommage.

Il y a dans ce salut plus qu'une simple marque de bienveillance générale et de gratitude pour votre démarche. Vos réunions, en effet, ont éveillé en Notre esprit un vif intérêt. S'il est vrai, comme on l'a dit justement, que les idées — bonnes ou mauvaises — mènent le monde, on en doit conclure à l'importance d'échanges de vues entre philosophes, pour projeter un rayon de lumière sur tant de questions actuelles, dont bien des gens, les plus incompétents surtout, parlent avec assurance et décision. Ce ne serait que négligeable, si cela n'avait pour résultat d'égarer les esprits et d y semer la confusion, particulièrement dans cette belle jeunesse intellectuelle appelée à guider demain la génération qui monte.

Le Saint-Père précise la notion même d'humanisme :

« Humanisme et science politique », tel est le sujet de vos travaux. L'humanisme est maintenant à l'ordre du jour. Sans doute est-il malaisé de dégager et de reconnaître à travers son évolution historique, une idée claire de sa nature. Toutefois, — bien que l'humanisme ait longtemps prétendu s'op-

poser formellement au moyen-âge, qui l'a précédé, — il n en est pas moins certain que tout ce qu'il comporte de vrai, de bon, de grand et d'éternel appartient à l'univers spirituel du plus grand génie du moyen-âge, Saint Thomas d'Aquin. Dans ses traits généraux, le concept de l'homme et du monde, tel qu'il apparaît dans la perspective chrétienne et catholique, reste pour l'essentiel identique à lui-même : tel chez saint Augustin, que chez saint Thomas ou chez Dante ; tel encore dans la philosophie contemporaine. L'obscurité de quelques questions philosophiques et théologiques, qui ont été éclaircies et résolues graduellement au cours des siècles, n'ôte rien à la réalité de ce fait.

L'Eglise professe une idée précise sur l'homme :

Sans tenir compte d'opinions éphémères, qui se sont fait jour aux divers âges, l'Eglise a affirmé la valeur de ce qui est humain et conforme à la nature : sans hésiter, elle a cherché à le développer et à le mettre en lumière. Elle n'admet pas que devant Dieu l'homme ne soit que corruption et péché 1.

Au contraire, à ses yeux, le péché originel n'a pa» affecté intimement ses aptitudes et ses forces, et il a laissé même essentiellement intactes la lumière naturelle de son intelligence et sa liberté. L'homme doué de cette nature, est sans doute blessé et affaibli par le lourd héritage d'une nature déchue et privée de ses dons surnaturels et prêter-naturels, il lui faut faire effort, observer la loi naturelle, — et cela avec le secours tout-puissant de la grâce de Jésus-Christ, — pour vivre comme l'exigent l'honneur de Dieu et sa propre dignité d'homme.

De plus, l'Eglise enseigne une doctrine sociale dont le fondement est le respect des droits de l'homme :

La loi naturelle ! voilà le fondement sur lequel repose la doctrine sociale de l'Eglise. C'est précisément sa conception chrétienne du monde qui a inspiré et soutenu l'Eglise dans l'édification de cette doctrine sur un tel fon-

1 On sait que les théologiens protestants professent la corruption totale de l'homme par le péché originel.


ETUDES HUMANISTES

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dément. Qu'elle combatte pour conquérir ou défendre sa propre liberté, c'est encore pour la vraie liberté, pour les droits primordiaux de l'homme qu'elle le fait. A ses yeux, ces droits essentiels sont tellement inviolables que, contre eux, aucune raison d'Etat, aucun prétexte de bien commun ne saurait prévaloir. Ils sont protégés par une barrière infranchissable. En deçà, le bien commun peut légiférer à sa guise. Au-delà, non, il ne peut toucher à ces droits, car ils sont ce qu'il y a de plus précieux dans le bien commun. Si l'on respectait ce principe, que de catastrophes tragiques et de dangers menaçants seraient enrayés ! A lui seul il pourrait renouveler la physionomie sociale et politique de la terre. Mais qui aura donc ce respect inconditionnel des droits de l'homme, sinon celui qui a conscience d'agir sous le regard d un Dieu personnel ?

La nature humaine ne peut toutefois être sauvée que par l'apport de la grâce :

La nature humaine saine, si elle s'ouvre à tout l'apport de la foi chrétienne, peut beaucoup. Elle peut sauver l'homme de l'étreinte de la « technocratie » et du matérialisme.

Les vrais humanistes se doivent d'orienter l'éducation vers la vraie fin de l'homme : celle qui est voulue par Dieu :

Nous avons songé, Messieurs, à proposer ces pensées à vos réflexions. Nous souhaitons qu'elles puissent orienter vos recherches et votre enseignement de philosophes dans une direction analogue. Non, le destin de l'homme n'est pas dans le Geworfensein, dans le délaissement 1. L'homme est créature de Dieu : il vit constamment sous la conduite et la

Le Pape fait allusion ici au verbe « werven » (jeter) et vise l'opinion de ceux qui considèrent l'homme comme jeté au hasard dans l'univers, où il serait le jouet d'influences aveugles et fatales, toutes étrangères à lui, ce qui déterminerait un abandon ou ce délaissement » de l'individu dans un isolement absolu. —¦ Emmanuel Mounier décrit comme suit la c; déréliction » de Heidegger : <c Je suis comme jeté et abandonné par mon néant, sans regard ni réponse, dans un canton perdu de l'univers » (Introduction aux Existentialiames, Ed. Denoël, Paris, 1947. p. 35).

vigilance de sa Providence paternelle. Travaillons donc à rallumer dans la nouvelle génération la confiance en Dieu, en elle-même, en l'avenir, pour rendre possible l'avènement d'un ordre de choses plus tolérable et plus heureux.

Puisse Dieu, principe et fin de toutes choses, alpha et oméga, bénir vos efforts et leur donner une bienfaisante fécondité !



Pie XII 1949 - JUBILE DE 1950