Pie XII 1949 - ETUDES HUMANISTES

DISCOURS AU IV\2e\0 CONGRÈS INTERNATIONAL DES MÉDECINS CATHOLIQUES

(29 septembre 1949) 1

Les médecins catholiques réunis en congrès à Rome ont été reçus en audience par le Pape qui leur donna des consignes très précises 3.

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 557.
2 A plusieurs reprises le Saint-Père a pris la parole devant des auditoire», groupant des médecins, citons:
— Discours à l'Union Italienne de Saint-Luc, 12 novembre 1944;
— Discours aux médecins-dentistes d'Italie, 25 octobre 1946;
— Discours aux Ophtalmologistes italiens, 30 septembre 1947;
— Discours aux délégués du Congrès international de chirurgie, 20 mai 1948 (cf. Documents Pontificaux 1948, p. 1%);
—; Discours aux participants à la Semaine d'Etudes sur les problèmes biologiques du cancer, 6 juin 1949 (cf. p. 211).

Pie XII exalte les beautés de la profession médicale :

Votre présence autour de Nous, chers fils et chères filles, porte avec elle une signification profonde qui Nous cause une grande joie. Le fait de représenter ici trente nations différentes, alors que les fossés creusés par les années d'avant-guerre, de guerre et d'après-guerre sont encore loin d'être comblés ; le fait de venir Nous dire les hautes pensées qui président à vos échanges de vues, dans le domaine médical ; le fait, enfin, d'exercer dans ce domaine, mieux qu'une simple profession, un véritable et excellent ministère de charité : tout cela est bien de nature à vous assurer de Notre part le plus paternel accueil. Vous attendez de Nous, avec Notre bénédiction, quelques conseils touchant vos devoirs. Nous Nous contenterons de vous communiquer de brèves réflexions sur les obligations que vous imposent les progrès de la médecine, la beauté et la grandeur de son exercice, ses rapports avec la morale naturelle et chrétienne.

Durant ces dernières années, la médecine a fait des progrès notables :

Depuis de longs siècles — et surtout à notre époque — se manifeste incessamment, le progrès de la médecine. Progrès assurément complexe et dont l'objet embrasse les branches les plus variées de la spéculation et de la pratique. Progrès dans l'étude du corps et de l'organisme, dans toutes les sciences physiques, chimiques, naturelles, dans la connaissance des remèdes, de leurs propriétés, et des manières de les utiliser ; progrès dans l'application à la thérapeutique non seulement de la physiologie, mais aussi de la psychologie, des actions et réactions réciproques du physique et du moral.

Les découvertes scientifiques permettent aux médecins de mieux protéger la santé de leurs semblables :

Soucieux de ne rien négliger de ce progrès, le médecin est continuellement à l'affût de tous les moyens de guérir ou, tout au moins, de soulager les maux et les souffrances des hommes. Chirurgien, il s'applique à rendre moins pénibles les opérations qui s'imposent ; gynécologue, il s'efforce d'atténuer les douleurs de l'enfantement, sans toutefois mettre en péril la santé de la mère ou de l'enfant, sans risquer d'altérer les sentiments de tendresse maternelle pour le nouveau-né.

Plus que tout autre, le médecin chrétien doit apporter le secours de son art et de sa science pour soulager les malades, car c'est la charité du Christ qui le meut :

Si l'esprit de simple humanité, l'amour naturel de ses semblables stimule et guide tout médecin consciencieux dans ses recherches, que ne fera pas le médecin chrétien, mû par la divine charité à se dévouer sans épargner ni les soins ni lui-même pour le bien de ceux que, avec Taison et selon la foi, il regarde comme ses frères.

Le médecin catholique doit d'ailleurs apporter sa contribution aux progrès de la médecine :

Certes, il se réjouit de grand coeur des immenses progrès déjà réalisés, des résultats jadis obtenus par ses devanciers, poursuivis aujourd'hui par ses collègues, avec lesquels il se solidarise dans la continuité d'une magnifique tradition, légitimement fier aussi de sa part de contribution, jamais pourtant il ne se considère comme satisfait : il voit toujours en avant de nouvelles étapes à parcourir, de nouvelles avances à accomplir. Il y travaille passionnément, à la fois comme médecin tout consacré à procurer le soulagement de l'humanité et de chacun des hommes ; comme savant, à qui les découvertes se succédant les unes aux autres font goûter avec ravissement « la joie de connaître » 1 ; comme croyant, comme chrétien, qui dans les splendeurs qu'il découvre, dans les nouveaux horizons qui s'élargissent devant lui, à perte de vue sait voir la grandeur et la puissance du Créateur, la bonté inépuisable du Père qui, après avoir donné à l'organisme vivant tant de ressources pour se développer, se défendre, se guérir spontanément dans la plupart des cas, lui fait encore trouver dans la nature inerte ou vivante, minérale, végétale, animale, les remèdes aux maux corporels.

1 il est fait ici allusion au livre du célèbre géologue Pierre Termier (1859-1930) ayant pour titre: La joie de connaître (Ed. Desclée, Paris, 1925).


Le médecin sait que c'est l'homme tout entier qu'il a en mains : âme et corps sont indissolublement liés durant cette vie :

Le médecin ne répondrait pas pleinement à l'idéal de sa vocation si, mettant à profit les plus récents progrès de la science et de l'art médical, il ne faisait entrer en jeu, dans son rôle de praticien, que son intelligence et son habileté, s'il n'y apportait aussi — Nous allions dire surtout — son coeur d'homme, sa charitable délicatesse de chrétien. Il n'opère pas « in anima viii » ; il agit directement sur les corps, sans doute, mais sur des corps animés d une âme immortelle, spirituelle et, en vertu du lien mystérieux mais indissoluble entre le physique et le moral, il n'agit efficacement sur le corps que s'il agit en même temps sur 1 esprit.


Il doit avoir en vue la primauté de l'homme ; le médecin est d'abord au service de l'homme ; et la technique médicale, elle aussi, doit entièrement être mise au service de l'homme :

Qu'il s'occupe du corps ou du composé humain, dans son unité, le médecin chrétien aura toujours à se tenir en garde contre la fascination de la technique, contre la tentation d'appliquer son savoir et son art à d'autres fins qu'au soin des patients à lui confiés. Grâce à Dieu, il n'aura jamais à se défendre contre une autre tentation, criminelle celle-ci, de faire servir à des intérêts vulgaires, à des passions inavouables, à des attentats inhumains, les bienfaits cachés par Dieu dans le sein de la nature. Nous n'avons pas hélas ! à chercher bien loin, à remonter bien haut, pour trouver des cas concrets de ces odieux abus. Autre chose est, par exemple, la désintégration de l'atome et la production de l'énergie atomique ; autre chose est son usage destructeur échappant à tout contrôle. Autre chose est le magnifique progrès de la technique la plus moderne de l'aviation ; et autre chose l'emploi massif d'escadrilles de bombardiers, sans qu'il soit possible d'en limiter l'action à des objectifs militaires et stratégiques. Autre chose, surtout, l'investigation respectueuse, qui révèle le beauté de Dieu dans le miroir de ses oeuvres, sa puissance dans les forces de la nature ; autre chose la déification de cette nature et des forces matérielles dans la négation de leur auteur.

Tout savant, tout technicien peut abuser de ses découvertes et s'en servir pour nuire aux hommes. Mais le médecin s'interdit une pratique semblable, pour tendre, au contraire, à plier les énergies de la nature au service des hommes :

Que fait, au contraire, le médecin digne de sa vocation ? Il s'empare de ces mêmes forces, de ces propriétés naturelles pour procurer par elles la guérison, la santé, la vigueur, et souvent, ce qui est plus précieux encore, pour préserver des maladies, de la contagion ou de l'épidémie. Entre ses mains la redoutable puissance de la radioactivité est captée, gouvernée pour la cure de maux rebelles à tout autre traitement ; les propriétés des poisons les plus virulents servent à préparer des remèdes efficaces ; bien plus les germes des infections les plus dangereuses sont employés de toutes manières en sérothérapie, en vaccination.

Pour servir oraiment l'homme, il faut commencer par respecter en lui ce qu'il y a de plus noble, de plus digne : observer les règles de la morale :

La morale naturelle et chrétienne, enfin, maintient partout ses droits imprescriptibles ; c'est d'eux, et non de considérations de sensibilité, de philantropie matérialiste, naturaliste que dérivent les principes essentiels de la déontologie médicale : dignité du corps humain, prééminence de l'âme sur le corps, fraternité de tous les hommes, domaine souverain de Dieu sur là vie et sur la destinée.

Sur le plan moral un nouveau problème se pose : celui de la fécondation artificielle :

Nous avons déjà eu mainte occasion de toucher un bon nombre de points particuliers concernant la morale médicale 1. Mais voici que se pose au premier plan une question qui réclame, avec non moins d'urgence que les autres, la lumière de la doctrine morale catholique : celle de la fécondation artificielle.

1 Dans un discours précédent, le Pape a insisté sur les devoirs des chirurgiens au cours des opérations et notamment concernant l'avortement (20 mai 1948). Cf. Documents Pontificaux 1948, p. 196.


Le Pape précise les prescriptions de l'Eglise en la matière :

Nous ne pouvons laisser passer l'occasion présente d'indiquer brièvement, dans les grandes lignes, le jugement moral qui s'impose en cette matière :

1° La pratique de la fécondation artificielle n'est pas à envisager uniquement sur le plan biologique, mais il faut tenir compte de son aspect moral :

La pratique de cette fécondation artificielle, dès lors qu'il s'agit de l'homme, ne peut être considérée ni exclusivement, ni même principalement, du point de vue biologique et médical, en laissant de côté celui de la morale et du droit.

2° La pratique de la fécondation artificielle en dehors du mariage est toujours défendue :

La fécondation artificielle, hors du mariage, est à condamner purement et simplement comme immorale.

Telle est en effet la loi naturelle et la loi divine positive que la procréation d'une nouvelle vie ne peut être le fruit que du mariage. Le mariage seul sauvegarde la dignité des époux (principalement de la femme dans le cas présent), leur bien personnel. De soi, seul il pourvoit au bien et à l'éducation de l'enfant.

Par conséquent, sur la condamnation d'une fécondation artificielle hors de l'union conjugale aucune divergence d'opinions n'est possible entre catholiques. L'enfant conçu dans ces conditions serait, par le fait même, illégitime.

3° La pratique de la fécondation artificielle dans le mariage faisant appel à une tierce personne est toujours défendue :

La fécondation artificielle dans le mariage, mais produite par l'élément actif d'un tiers, est également immorale et, comme telle, à réprouver sans appel.

Seuls les époux ont un droit réciproque sur leur corps pour engendrer une vie nouvelle, droit exclusif, incessible, inaliénable. Et cela doit être, en considération aussi de l'enfant. A quiconque donne la vie à un petit être, la nature impose, en vertu même de ce lien, la charge de sa conservation et de son éducation. Mais entre l'époux légitime et l'enfant, fruit de l'élément actif d'un tiers (l'époux fût-il consentant) il n'existe aucun lien d'origine, aucun lien moral et juridique de procréation conjugale.

4° La pratique de la fécondation artificielle dans le mariage par les époux eux-mêmes demeure illégitime :

Quant à la licéité de la fécondation artificielle dans le mariage qu'il Nous suffise, pour l'instant, de rappeler ces principes de droit naturel : le simple fait que le résultat auquel on vise est atteint par cette voie, ne justifie pas l'emploi du moyen lui-même ; ni le désir, en soi très légitime chez les époux, d'avoir un enfant, ne suffit pas à prouver la légitimité du recours à la fécondation artificielle qui réaliserait ce désir.

Il serait faux de penser que la possibilité de recourir à ce moyen pourrait rendre valide le mariage entre personnes inaptes à le contracter du fait de l'impedimentum impo-tentiae.

D'autre part, il est superflu d'observer que l'élément actif ne peut jamais être procuré licitement par des actes contre nature.

Bien que l'on ne puisse a priori exclure de nouvelles méthodes, pour le seul motif de leur nouveauté, néanmoins en ce qui touche la fécondation artificielle, non seulement il y a lieu d'être extrêmement réservé, mais il faut absolument l'écarter.

Il n'y a qu'un cas où les procédés nouveaux peuvent être employés, c'est pour faciliter l'acte naturel :

En parlant ainsi, on ne proscrit, pas nécessairement l'emploi de certains procédés artificiels destinés à faciliter l'acte naturel, soit à faire atteindre sa fin à l'acte naturel normalement accompli.

Le Pape rappelle le principe tout à fait général qui doit servir de guide pour résoudre tous les cas :

Qu'on ne l'oublie pas : seule la procréation d'une nouvelle vie selon la volonté et le plan du Créateur porte avec elle, à un degré étonnant de perfection, la réalisation des buts poursuivis. Elle est à la fois conforme à la nature corporelle et spirituelle et à la dignité des époux, au développement normal et heureux de l'enfant.

Pie XII invite les médecins catholiques à pratiquer leurs devoirs et, par leur exemple, à entraîner les autres à respecter fidèlement les exigences de la morale :

Votre esprit sincèrement religieux, et votre présente démarche, chers fils et chères filles, sont un gage de votre indéfectible fidélité à tous vos devoirs de médecins catholiques, un gage aussi de votre volonté à contribuer, par votre exemple et votre influence, à promouvoir parmi vos collègues et vos disciples, parmi vos clients et leurs familles, les principes qui vous inspirent vous-mêmes. C'est dans cette confiance, que, avec toute l'effusion paternelle de Notre coeur, Nous vous donnons, à vous, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.



INSTRUCTION DE LA S. CONGRÉGATION DES SACREMENTS concernant les oratoires domestiques

les autels portatifs, la célébration de la messe sans servant et la garde de la Sainte Eucharistie dans les chapelles privées
(1 octobre 1949) 1

1. Combien il convient à la sainteté du Sacrifice non-sanglant de la Loi nouvelle de n'être célébré qu'en un lieu honorable et digne, le soin diligent toujours employé par 1 Eglise catholique en témoigne suffisamment.

Sans doute, il est avéré que, durant les trois premiers siècles de notre ère et durant les persécutions, les saints Mystères furent célébrés même dans les maisons privées : et bien que, même après l'acquisition de la liberté et la construction des premières basiliques chrétiennes, la Messe ait continué à être célébrée hors des églises, assez fréquemment et suivant la nécessité, cependant, dans ie cours des siècles, furent désignés pour cette célébration comme endroit authentique, les églises ou les oratoires publics retirés de l'usage profane par la consécration ou la bénédiction et réservés au culte divin seul.

Cette discipline est sanctionnée par le Code de Droit Canon aux Nos 820-823, 1188-1196.

2. Cette habitude étant stabilisée, les induits concédés par le Siège Apostolique au cours des âges, de célébrer la Messe dans des chapelles privées ou sur un autel portatif, avec la faculté de satisfaire au précepte d'assistance au Sacrifice, doivent être considérés comme des exceptions de la loi susdite, introduites pour une juste cause et soumises à stricte interprétation.

3. L'Eglise a assuré la conservation de la Sainte Eucharistie par une discipline semblable. Bien que dans les premiers temps et même après l'établissement de la paix, l'Hostie ait été gardée dans les maisons privées et emportée en voyage pour la commodité des fidèles, il a été établi, au cours des siècles, qu'Elle sera exclusivement conservée dans les Eglises et les oratoires publics. C'est seulement par un privilège spécial, en faveur de certains fidèles illustres par leurs mérites tout à fait particuliers envers l'Eglise que le Siège Apostolique accepta parfois au cours des temps, que les Saintes Espèces soient gardées même dans leurs chapelles privées, sous les conditions opportunément définies, et selon des règles appropriées à leur sainteté : ce qui est paru également dans le Code de Droit Canon (canon 1265-1275).

4. D'après un antique usage établi par plusieurs siècles, il est reçu qu'un ministre assiste à la Messe, même privée afin de servir et de répondre au prêtre célébrant à l'autel.

Exception faite de quelques cas extraordinaires (cfr. infra III, n0 2), tout prêtre a besoin d'une faculté apostolique pour célébrer la messe sans servant. Le seul juge de l'idonéité du motif allégué pour demander cette faculté est le Siège Apostolique qui doit donc être avisé en mentionnant les circonstances adjointes à chaque cas particulier.

5. Il a été constaté que des excès et des abus graves s'étaient introduits dans la demande et l'usage des facultés ci-dessus mentionnées. C'est pourquoi la S. Congrégation à qui est confiée toute la discipline de ces Induits a estimé qiu'afin de réprimer ces difficultés et désavantages et de les éviter à l'avenir (dont infra I, 4) il convenait de rappeler exactement toute la discipline des Induits susdits et de fournir les remèdes aptes que l'on trouvera ci-après afin que tout soit exposé par ordre.

Pour la confection de ce document, il a certes été tenu compte de la Lettre Encyclique Mediator Dei du Pape Pie XII, glorieusement régnant, du 20 novembre 1947, traitant de la Sainte Liturgie 1 qui enseigne qu'il faut entourer la tête et le centre de la religion chrétienne : le Saint Mystère de l'Eucharistie » 1 d'un culte approprié et d'un respect convenable et rappelle heureusement les règles liturgiques et les prescriptions canoniques.

A. S., 39, 1947, p. 521
1 Ibidem, p. 547.



I. — DE LA DEMANDE D'INDULT D'ORATOIRE PRIVE ET DE SES EXTENSIONS.

1. D'après les dispositions juridiques énoncées dans le Code, comme nous l'avons dit, l'édifice propre de la célébration de la Messe est l'église ou l'oratoire public ou semi-public. Abstraction faite des chapelles privées des cimetières (cfr. can. 1190), il est besoin d'un privilège ou d'un Induit pour pouvoir célébrer le Saint-Sacrifice dans un oratoire domestique et pour que les assistants satisfassent au précepte d'assister à la Messe. Cet Induit est concédé par le Siège Apostolique. On en exclut seulement le cas extraordinaire dans lequel, exceptionnellement pour une cause juste et raisonnable, l'Ordinaire du Lieu, ou s'il s'agit d'une maison religieuse exempte, le Supérieur majeur peut donner la permission de célébrer hors d'une église ou d'un oratoire sur une pierre sacrée et en un lieu décent, mais jamais dans une chambre (can. 822, 1249) 2.

2 Cette faculté de l'Ordinaire doit être interprétée strictement suivant la réponse de la Commission du Code, le 16 octobre 1919 (A. A. S., 11, p. 478, ad 12).


2. Avant le Concile de Trente, les Evêques permettaient de célébrer la Messe dans les oratoires privés pour la facilité, soit des clercs, soit des laïcs. Plusieurs ordres réguliers jouissaient de la même faculté pour leurs membres. Mais comme l'exercice de ce droit avait amené à une trop grande abondance d'induits et qu'il y avait en abondance de graves abus, ce Saint Concile (Sess. XII : des règles à observer et à éviter dans la célébration de la Messe) enleva ce pouvoir aux Evêques et aux Ordres réguliers, à part certains cas peu nombreux, et le réserve au seul Pontife romain.

Mais on n'arriva pas à empêcher complètement les inconvénients supprimés qui provenaient 1 surtout de l'action exagérée de ce privilège à l'égard des laïcs. Aussi Benoît XIV, qui avait été secrétaire de la S. Congrégation du Concile, qui alors dirigeait ces règles, ne craignit-il pas d'écrire : « qu'on ne saurait dire combien de soin et de diligence il faut employer pour maintenir ce droit dans de justes règles » 2.

3. De là, provinrent les nombreuses formules de cet Induit, adaptées aux diverses époques qui cherchaient à veiller à la dignité due aux Mystères divins ; des précautions sont ordonnées d'abord en ce qui concerne la décence du lieu destiné à l'établissement de la chapelle, ensuite à l'établissement des motifs q ni incitent le Pontife Romain à accorder la faveur ; enfin, aux autres conditions qui règlent l'ordonnance convenable d'une chapelle privée ; en veillant surtout à ce qu'une trop grande indulgence dans ces induits n'amène, vu le manque de prêtres, un dommage spirituel public chez les fidèles en ce qui se rapporte à l'observance du précepte d'assistance au Saint-Sacrifice.

4. A notre époque encore des inconvénients graves et nombreux se sont introduits çà et là en beaucoup de pays, vu^ l'augmentation exagérée du nombre de chapelles privées et la négligence des conditions adjointes aux induits apostoliques qui ouvrent une large voie à des abus insupportables.

Des abus de cette sorte, en ce qui concerne les oratoires privés de laïcs, ont coutume de provenir :

a) de leur trop grand nombre qui parfois, vu l'émulation provoquée entre les fidèles par la concession d'un induit, menace encore d'augmenter et de dépasser toute limite ;

b) de la trop grande facilité d'obtenir un tel induit à notre époque, vu les prières multiples et instantes de fidèles, recommandées et appuyées sans frein par les Ordinaires des lieux ;

c) du manque de prêtres pour célébrer la Messe dans les églises et les oratoires publics les dimanches et jours de précepte, avec dommage spirituel pour les fidèles si des prêtres vont célébrer la Messe dans des oratoires privés ;

1 Cf. Benoit XIV, Lettre encyclique Magno cum, 2 juin 1751 (Code Jur. Can. Fontes, vol. II, PP 318 et seq.).
2 Ibidem, § 12.

d) de l'endroit privé assigné à la chapelle et qui ne correspond pas aux règles canoniques et liturgiques, dénué du mobilier convenable, de la propreté et de la dignité décentes, tandis que souvent les autres chambres de la maison brillent par leur luxe et leur magnificence ;

e) du nombre anormal d'offices divins et de fonctions sacrées qui s'y déroulent, à tel point que s'évanouit toute distinction entre les églises et oratoires publics d'une part, et les chapelles d'autre part ;

f) de la trop grande étendue de ces induits qui mentionnent très souvent, à part les personnes à qui ils ont été adressés, leurs enfants, les membres de leur famille sans aucune limite, leurs serviteurs et hôtes et parfois tous les assistants, avec extension à tous les jours de l'année sans exception et à toutes les hypothèses ;

g) de la perpétuité de l'induit qui le plus souvent est imploré pour toute la vie du demandeur et de ses enfants, d'où il arrive parfois que le privilège se transmette à des personnes qui en sont peu dignes ou totalement indignes.

5. En vue de supprimer ces inconvénients et d'empêcher qu'ils ne renaissent, la Sacrée Congrégation a décidé de faire connaître ci-dessous aux ordinaires les règles à observer avec soin en ce qui concernent et les demandes et leur usage convenable surtout en ce qui concerne les laïcs.

6. Les Evêques des lieux doivent rappeler aux fidèles qui demandent l'induit que l'église publique est le lieu naturel et stable des offices divins. Il convient que le peuple chrétien s'y réunisse pour rendre à Dieu le culte public et social, surtout en assistant à la célébration de la Messe.

Certaines circonstances peuvent cependant se présenter, appuyées par des motifs convenables (cfr. n° 8) où l'on peut raisonnablement penser qu'il convient que certains fidèles, qui par ailleurs excellents par la probité des moeurs et la profession déclarée de la religion, soient honorés de l'induit d'une chapelle privée pour leur consolation spirituelle, même si ces personnes sont légitimement dispensées de l'assistance à la Messe : par exemple, pour maladie ou éloignement de l'église. Alors les Ordinaires peuvent, après avoir demandé l'avis du curé du lieu, s'ils le jugent opportun, accueillir la demande et l'envoyer avec recommandation au Saint-Siège.

La recommandation doit être faite personnellement par l'Evêque, ou si le siège est vacant, par le Prélat qui le remplace en sa charge.

Il faut veiller avec soin que les fidèles qui se distinguent par l'autorité, les ressources ou les charges publiques qu'ils remplissent et qui méritent d'obtenir une chapelle privée, se rendent à l'église au moins aux fêtes de commandement les plus solennelles, pour donner l'exemple au peuple.

On pourra user d'une plus grande latitude envers les prêtres affligés d'une mauvaise santé ou incertaine et qui demandent la faculté de célébrer à domicile.

7. Avant que l'Evêque n'accueille la demande, il doit d'abord examiner si on dispose d'un prêtre pour célébrer la Messe dans l'oratoire privé les dimanches et jours de précepte, sans que ce soit au détriment des fidèles. Dans ce domaine qu'il remarque avec soin qu'il est interdit à un prêtre de célébrer dans cet oratoire s'il a déjà célébré ailleurs ou s'il compte le faire ; et si dans ce lieu (village ou ville) où se trouve érigé un oratoire privé, un curé, ou s'il y en a plusieurs, l'un d'entre eux ou un autre prêtre se trouvant là, doit dire la Messe une seconde fois pour le bien des fidèles ; le prêtre qui célébrera dans la chapelle domestique doit être appelé d'ailleurs.

De même, les oratoires domestiques érigés canonique-ment, jouissant de la faculté d'avoir plusieurs messes par un induit accordé pour un temps, recevront la rénovation de celui-ci plus difficilement auprès de la S. Congrégation, lors de l'expiration.

8. Ensuite l'Evêque doit avec soin examiner les motifs apportés pour la demande d'un indult :

a) La première cause doit être le mérite exceptionnel acquis par le demandeur envers l'Eglise ou la religion. Ce mérite sera exposé clairement dans la demande ; par exemple, s'il a fait une donation importante de biens ou d'immeubles, s'il a édifié à ses frais une église, un séminaire, une école catholique ou une oeuvre pie pour les malades, vieillards, enfants etc.. ; s'il a fondé ou doté un bénéfice ecclésiastique, ou autre chose semblable ; s'il a rendu des services spéciaux et importants à l'Eglise et au Saint-Siège apostolique, comme si quelque magistrat public avait été l'auteur principal de lois visant au bien de la religion.

b) Les autres motifs qu'on a coutume de fournir, par exemple : maladie corporelle, éloignement de l'église et dès lors difficulté de l'atteindre à pied, surtout à la campagne, et autres causes semblables, doivent le plus souvent être accompagnés, pour obtenir l'induit, d'une libéralité ou d'une générosité particulière envers une oeuvre pieuse désignée par l'Ordinaire d'après les ressources du demandeur.

c) Il faut repousser comme insuffisant le seul motif suivant lequel les ancêtres du demandeur jouissaient de cet induit, ou que les demandeurs ont acheté une maison ou une villa dotée d'un oratoire parfois remarquable avec le mobilier prescrit ; au lieu qu'ils se recommandent par une vie chrétienne honorable.

9. Les Evêques peuvent se montrer plus cléments s'il s'agit d'édifier un oratoire privé à la campagne, en un lieu éloigné de toute église, surtout s'il paraît convenir en outre au bien spirituel des demandeurs, à celui des paysans attachés au domaine et aux fidèles résidant aux environs qui, sinon seraient dans l'impossibilité morale d'accomplir le précepte en assistant à la Messe et à l'instruction catéchis-tique, vu la difficulté d'atteindre l'église.

Mais, avant d'accueillir la demande, d'ériger un oratoire privé à la campagne, les Evêques doivent insister pour que les demandeurs érigent en leurs domaines un oratoire non-privé mais public, suivant les règles du droit et que tout le monde puisse y entrer pour assister aux offices divins (can. 1191).

10. Que les Evêques s'abstiennent de demander trop d'extensions ; qu'il suffise de nommer comme bénéficiaires le père et la mère de famille, mais non les enfants pour lesquels suffit la permission de satisfaire au précepte dans l'oratoire.

Que ce pouvoir s'étende aux personnes liées par la consanguinité et l'affinité dans la ligne et suivant le degré selon lequel la consanguinité et l'affinité constituent un empêchement dirimant au mariage (can. 1076 § 1-2 ; 1077 § 1) également aux habitants de la maison sans que l'on demande sans solide raison qu'il s'étende même aux non-habitants. En ce qui concerne les serviteurs, on peut demander —, que l'oratoire soit à la campagne ou non, — l'extension du pouvoir à tous les serviteurs de la maison.

Que les Evêques s'abstiennent surtout de demander l'extension à tous les assistants : celle-ci ne doit être concédée que pour un motif tout à fait grave et extraordinaire. 11 faut veiller donc à ce que l'oratoire privé ne prenne pas l'aspect d'une église ouverte à tous.

11. A l'exclusion de tous les offices divins et fonctions sacrées, une seule messe privée peut-être célébrée dans l'Oratoire privé selon la règle du canon 1195, § 1 ; on peut y distribuer la Sainte Communion à moins que l'Induit ne spécifie le contraire. On peut tolérer plus facilement que l'Ordinaire permette prudemment et avec mesure d'exercer une autre fonction exceptionnellement, pour une seule fois et pour un juste motif (can. 776 § 1, n. 2 ; 908, 910, 1109 § 2) que celle qui a été concédée par l'induit du Saint-Siège.

12. Les Ordinaires doivent aussi procéder prudemment dans la demande des extensions aux jours solennels, surtout aux grande solennités, Pâques étant toujours exclu 1.

1 Il faut considérer comme de grande solennité d'après le droit actuel : les jours de Noël, Epiphanie, Pâques, Ascension, Pentecôte, Saint-Joseph (19 mars), Assomption, Immaculée Conception, SS. Apôtres Pierre et Paul, Toussaint.
Pour la France, on compte quatre jours de grande solennité : Noël, Pâques, Pentecôte et Assomption.


13. Si d'après le jugement prudent de l'Evêque, un prêtre séculier ou religieux, célébrant dans un oratoire privé, est nécessaire en un dimanche, ou jour de précepte, pour célébrer dans une église ou un oratoire public ou semi-public, pour qu'un grand nombre de fidèles ne soient pas privés de la messe, l'Evêque doit interdire la messe dans la chapelle privée sans que quelqu'un ne puisse opposer quoi que ce soit à cette défense (cfr. n° 7). Il convient que l'Ordinaire prévienne le bénéficiaire de ce cas de nécessité, au moment de la promulgation, pour prévenir les différends qui naîtraient ensuite d'une défense de célébrer dans l'oratoire.

14. C'est à l'Evêque seul de désigner le prêtre qui célébrera la Messe dans l'oratoire privé, qu'il soit séculier même d'un autre diocèse pourvu qu'il soit approuvé par 60n Ordinaire, ou religieux avec la permission en règle de son supérieur ; qu'il ne repousse pas le prêtre de l'un ou l'autre clergé, approuvé comme ci-dessus, présenté par le bénéficiaire, à moins que sa prudence ne l'estime peu apte ; le bénéficiaire doit se soumettre au jugement de l'Evêque, sans aucun recours possible.

15. En ce qui concerne le lieu dans lequel est érigé l'oratoire, que l'Ordinaire exige l'exécution stricte des clauses adjointes à l'induit apostolique ; dans n'importe quel cas, il doit faire une visite du lieu, par lui-même ou par un autre ecclésiastique, avant qu'il permette qu'on y célèbre la Messe, s'il trouve que le lieu est décent et convenable pour la célébration des Mystères, doté du mobilier apte suivant les prescriptions liturgiques.

Il convient que les Ordinaires sachent qu'est interdit l'usage d une armoire fermée contenant l'autel qui, pour la célébration de la Messe se trouve dans un renfoncement, balcon, bibliothèque etc. dans des pièces qui sont utilisées aussi à des fins profanes ou domestiques.

Cet usage n'est, au contraire, pas à repousser, tout le reste concourant à la convenance du lieu dans lequel l'armoire est placée, s'il s'agit de la Messe célébrée à domicile par des prêtres âgés ou malades et munis de l'induit de l'autel portatif (cfr. 1 1, n. 9).

16. En ce qui concerne le temps durant lequel doit valoir l'induit de l'oratoire, c'est à la S. Congrégation qu il appartient de le fixer d'après la nature de la cause alléguée.

17. Les Ordinaires des lieux ne doivent pas manquer d'exhorter les bénéficiaires d'une chapelle privée de réunir toute la famille journellement dans l'oratoire, peut-être avec les serviteurs, pour réciter le soir, le chapelet en l'honneur de la Très Sainte Vierge et réciter d'autres prières du soir ; cela sera un excellent exemple pour tous les membres de la famille et servira à promouvoir la véritable piété envers Dieu et l'organisation chrétienne de la vie, de sorte que la foi des parents et leurs moeurs exemplaires se transmettent intactes à leurs enfants et neveux et ne cessent jamais d exister.

18. Ces mêmes Ordinaires dresseront par écrit la liste complète des oratoires privés existant dans le diocèse et la conserveront avec soin dans les archives de la Curie avec les additions et compléments nécessaires après s'être procures les exemplaires des titres d'érection. S'ils découvrent des oratoires non pourvus d'un titre canonique, il faut qu'ils les suppriment comme opposés au droit et retirent la permission d'y célébrer la Messe : que l'affaire soit également rapportée à la S. Congrégation.

S'ils ont été érigés légitimement, à l'occasion de la visite du diocèse, qu'ils examinent attentivement si tout le mobilier répond aux règles liturgiques et s'ils découvrent quelque chose de peu convenable ou honorable, qui s'oppose à la sainteté et au respect dû aux Saints Mystères, qu'ils veillent à le faire déplacer.

Il faut encore bien plus rechercher si des inconvénients ou des abus ne se sont pas produits et veiller à les supprimer complètement, en suspendant entretemps, dans les deux cas, la faculté d'y célébrer et en ne la rendant pas avant que les abus n'aient disparu, étant assuré qu'ils ne se manifesteront plus à nouveau ; la chose sera dénoncée entretemps à la S. Congrégation. Le recours contre cette décision de l'Ordinaire auprès du Saint-Siège ne sera que dévolutif. L'Ordinaire revendiquera hautement auprès des bénéficiaires le droit qui lui revient de visiter ces oratoires chaque fois qu'il le juge opportun.

19. A la fin de l'année 1950, les Ordinaires enverront à la S. Congrégation la liste complète des oratoires privés existant dans le diocèse après avoir reconnu les titres canoniques d'érection.


Pie XII 1949 - ETUDES HUMANISTES