Pie XII 1950



DOCUMENTS PONTIFICAUX

de Sa Sainteté PIE XII

1950

« Comme notre monde vivrait plus heureux, comme il vivrait plus pacifique et plus tranquille, si la parole du Vicaire du Christ, qui s'élève au-dessus du terrain où s'affrontent les intérêts opposés et les partis adverses, avait trouvé, chez les gouvernants et les gouvernés, l'écho naturel et la résonance qu'elle méritait certainement, pour le plus grand avantage de la prospérité authentique et du véritable intérêt de chacune des nations et de toute la société des peuples. »

Pie XII

Discours à l'Ambassadeur de Colombie 14 novembre 1950




DOCUMENTS PONTIFICAUX

DE SA SAINTETÉ PIE XII

1950

réunis et présentés par

R. KOTHEN

EDITIONS DE EDITIONS LABERGERIE

L'OEUVRE  SAINT-AUGUSTIN 13, rue de Tournon

SAINT-MAURICE (Suisse) PARIS


IMPRIMATUR

Mechlinije, 13 Augusti 1952 + L. SUENENS, vie. gén.

Tous droits réservés



PREFACE

DE SON EMINENCE LE CARDINAL LIENART, Evêque de Lille



Au milieu de la confusion générale des esprits, les catholiques ont le grand bonheur de pouvoir en toute sécurité s'appuyer sur la Sainte Eglise représentée ici-bas par le Vicaire du Christ, Notre Saint-Père le Pape. Quelle autre société pourrait se flatter d'avoir un Chef qui puise son inspiration, non dans des théories inventées par les hommes, mais à une source divine ? Car c'est au Sinaï que furent d'abord édictées les grandes lois qui doivent régir l'humanité. Le Fils de Dieu fait homme, Notre-Seigneur, en venant lui-même nous apporter la bonne nouvelle de l'Evangile, a achevé de nous les révéler et de les porter à leur perfection. A sa suite et avec sa grâce, les Apôtres, les Pères de l'Eglise, les Souverains Pontifes ont explicité ces pensées. Le Pape d'aujourd'hui, comme celui d'hier, applique à notre temps cette doctrine si pleine de sève et de vie. Que ses enseignements prennent la forme de définitions dogmatiques, d'encycliques, de lettres, de décisions, ils portent tous la marque divine. A Jésus qui demandait aux Douze : « Vous aussi, voulez-vous vous en aller ? », saint Pierre répondit : « A qui irions-nous, Seigneur, vous avez les paroles de la vie éternelle ? »

Le présent recueil de documents pontificaux de Sa Sainteté Pie XII est une mine précieuse dans laquelle les sociétés, aussi bien que les individus, peuvent abondamment puiser. Depuis la fin de la dernière guerre, l'afflux des pèlerins à Rome s'est grandement amplifié : délégations de tous les pays du monde pendant l'Année Sainte, groupes nationaux, mouvements d'Action Catholique, oeuvres de tous genres avides d'entendre la parole du Pape. Tous, qu'ils appartiennent aux classes les plus élevées ou aux plus humbles, sont traités avec les mêmes égards et la même sollicitude. C'est merveille d'entendre Sa Sainteté Pie XII s'adresser à chacun de ses auditeurs dans la langue qui lui est familière et traiter avec une égale maîtrise les sujets religieux, sociaux, philosophiques ou scientifiques qui les intéressent spécialement.

Ajoutons que la Radio permet maintenant au monde entier d'entendre la voix du Saint-Père. Que l'on se souvienne des messages du temps de guerre et des appels plus récents en faveur de la paix. Pourquoi faut-il qu'une certaine presse, si empressée à répandre de -fallacieuses nouvelles, passe si souvent sous silence, quand elle ne les déforme pas, les exhortations pontificales ? Recueillies aujourd'hui en un beau volume, elles seront mieux connues et demeureront pour notre enseignement et pour notre action.

Nous formulons le voeu que les catholiques, auxquels nous souhaitons ardemment que se joignent tous les adorateurs du vrai Dieu, comme nous fils d'Abraham le Père des croyants, accueillent avec respect les paroles du Pape, qu'ils les méditent et s'en inspirent. Dieu veuille que notre pauvre monde bouleversé par le manque de vie spirituelle retrouve dans la doctrine et la morale chrétiennes l'équilibre dont il a un impérieux besoin et que ne lui donnera jamais cette doctrine de mort : le matérialisme.

t Achille, Cardinal Liênart Evêque de Lille


INTRODUCTION

Le 24 décembre 194g, Pie XII, renouvelant le geste de Boniface VIII, en 1300, et celui de tant de ses Prédécesseurs, ouvrait la Porte Sainte et inaugurait ainsi l'Année Jubilaire l.

Jamais année jubilaire ne provoqua dans le monde tant d'enthousiasme et ne vit affluer à Rome tant de pèlerins venant de tous les horizons et animés d'une telle piété.

Alors que les chroniques nous rapportent qu'en 1300, 200.000 pèlerins vinrent à Rome, et que nos souvenirs plus récents nous rappellent qu'en 1925, les pèlerinages amenèrent auprès de la tombe du Prince des Apôtres le plus grand nombre de fidèles atteint jusque-là, soit 800.000 ; en cette année 1950, c'est plus de trois millions de pèlerins qu'il faut compter.

Et ceux-ci affluèrent de partout. Il en vint :

d'Italie 2.300.000

du Portugal 10.000

de France 250.000

de Scandinavie 10.000

d'Allemagne 100.000

des Réfugiés d'Europe orientale 6.000

des Etats-Unis et Canada 90.000

du Moyen-Orient 5.000

de Belgique 60.000

d'Afrique Noire 1.500

d'Angleterre 60.000

d'Australie 1.500

de Suisse 50.000

de Nouvelle-Zélande 800

d'Irlande 30.000

du Viet-Nam 300

d'Autriche 30.000

de Chine 300

d'Amérique du Sud 30.000

des Indes 300

de Hollande 25.000

du Japon

d'Espagne 2^.000


1 On trouvera p, 13 du volume Documents Pontificaux 1949 une notice sur l'Année Sainte.

Dans ce même volume, on trouvera les Documents suivants sur l'Année Sainte : Prière pour l'Année Sainte, 25 décembre 1948, p. 13 ; Allocution lors de la Promulgation de l'Année Sainte, 26 mai 1948, p. 196 ; Bulle Jubiloeum Maximum, 26 mai 1948, p. 198 ; Constitution Apostolique Fore Confidimus, 10 juillet 1948, p. 264 ; Constitution Apostolique Decessorium Nostrorum, 10 juillet 1948, p. 269 ; Constitution Apostolique Jam Promulgato Maximo, 10 juillet 1948, p. 283 ; Directives de la S. Pénitencerie concernant le Jubilé, 17 septembre 1948, p. 379 ; Facultés accordées par la S. Pénitencerie aux Confesseurs pèlerins, 17 septembre 1948, p. 388 ; Radiomessage au monde, 23 décembre 1948, p. 526.

L'Année Sainte donna lieu à de grandioses manifestations où des foules nombreuses vinrent témoigner leur foi, en se rassemblant en groupes compacts sur la Place Saint-Pierre et les rues adjacentes.

— Le jour de Pâques, le ç avril 1950, 500.000 pèlerins et romains sont massés sur la Place, pour écouter le message du Pape au monde 2.

— La canonisation de sainte Marie Goretti, le 24 juin 1950, ne put avoir lieu selon la coutume dans la Basilique, mais dut se dérouler — pour la première fois dans l'Histoire de l'Eglise — sur la Place Saint-Pierre, pour permettre aux 500.000 fidèles d'y assister 3.

— Il en fut de même le 1er novembre 1950, lors de la proclamation du Dogme de l'Assomption de la Sainte Vierge Marie, où plus de 500.000 personnes participèrent aux cérémonies 4.

*   *   *

Au cours des pèlerinages venus de partout, des audiences du Pape étaient prévues. Chaque semaine, le mercredi et le samedi, des audiences générales eurent lieu, rassemblant souvent 30 ou 40.000 fidèles dans la Basilique de Saint-Pierre.

On compte :

77 audiences générales dans la Basilique de Saint-Pierre.

5 audiences générales dans la Cour de Saint-Damase. 20 audiences générales dans la Salle des Bénédictions. 56 audiences générales improvisées dans la cour du palais de Castel-Gandolfo.

Au cours de chacune de ces audiences, le Pape prenait la parole pour exhorter la foule et il utilisait, pour ce faire, différentes langues, suivant les diverses nationalités des participants.

De plus, Pie XII accorda durant l'Année Sainte plus de 6.000 audiences privées et spéciales, où des personnalités religieuses et laïques eurent l'occasion de converser avec le Pape.

De nombreux Congrès eurent lieu à Rome durant cette même année ; presque chaque fois, le Souverain Pontife prononça un discours à l'adresse des participants de ceux-ci. Voici les principaux :

février 1950        Congrès des Journalistes catholiques 5. juin 1950 Congrès international des Etudes Sociales '.

2 Homélie prononcée le jour de Pâques, 9 avril 1950, p. 108.

3 Discours au peuple après la canonisation de sainte Marie Goretti, 24 juin 1950, p. 219.

4 Allocution au Consistoire du 30 octobre 1950, p. 474, et autres documents sur l'Assomption, à partir de la page 479.

5 Discours aux Journalistes Catholiques, 18 février 1950, p. 46.

• Discours au Congrès international des Etudes sociales, 3 juin 1950, p. 195.

Congrès Missionnaire international1. Congrès international des Pharmaciens catholiques 8.

Congrès des Congrégations mariales 9. Congrès de l'Union catholique internationale du Service Social10. Congrès des Artistes catholiques Congrès des Infirmières 12. Congrès des OEuvres de Charité ls. Congrès thomiste 14.

Congrès international des aumôniers de prison 15.

Congrès catéchistique international Congrès mariologique 17. Congrès des religieux 18. Congrès des éditeurs catholiques 19.

Et il y en eut bien d'autres...

De même furent organisées des expositions :

exposition d'art sacré contemporain, d'art religieux en pays de mission, d'art religieux oriental, des activités catholiques, de la charité.

A la veille de la fermeture de la Porte Sainte, Pie XII pouvait résumer comme suit les fruits spirituels de cette Année Sainte :

Ce grand Jubilé a tracé un sillon profond dans la vie de l'Eglise et a dépassé les plus heureuses prévisions ;

Tant de pèlerins sont venus y chercher la purification et le pardon ;

août 1950





septembre


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septembre


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septembre


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octobre 1950


octobre 1950


décembre


1950


décembre


1950


7 Lettre a Son Em. le Cardinal Fumasoni Biondi, 9 août 1950, p. 2S9.

s Allocution au premier Congrès international des pharmaciens catholiques, 2 septembre *950, p. 344.

* Lettre à l'occasion du Congrès des Congrégations mariales, 2 septembre 1950, p. 352. 10 Lettre à Mademoiselle Baers, secrétaire de l'O.C.I.S.S., 25 juillet 1950, p. 266. u Allocution aux Artistes catholiques, 5 septembre 1950, p. 359.

12 Allocution aux Infirmières, 6 septembre 1950, p. 365.

13 Lettre à Son Em. le Cardinal Piazza, 7 septembre 1950, p. 366.

14 Allocution au troisième Congrès thomiste, 17 septembre 1950, p. 377.

15 Lettre à Son Em. le Cardinal Possati, 27 septembre 1950, p. 443.

16 Allocution au Congrès catéchistique international, 14 octobre 1950, p. 457.

17 Discours prononcé après la définition du Dogme de l'Assomption, le 2 novembre ï95o, p. 502.

18 Discours aux religieux, 8 décembre 1950, p. 584.

19 Allocution aux Editeurs catholiques, 12 décembre 1950, p. 610.

Les âmes ont été renouvelées et sanctifiées par les larmes du repentir au tribunal de la pénitence, par les larmes de l'amour au pied des autels ;

Comme un arbre dans le jardin du père de famille, l'Année Sainte a splendidement fleuri, et si les fleurs voient en son déclin leurs pétales joncher le sol, c'est pour laisser maintenant croître et mûrir ses fruits 20.

Cette année vit également se dérouler les cérémonies de huit canonisations et de huit béatifications. En voici la nomenclature :


CANONISATIONS

23 avril 1950 Emilie de Rodât (France), t 1852 21.

7 mai 1950 Antoine-Marie Claret (Espagne), t 1870 2Î.

I Bartolomeo Capitanio (Italie), t 1936 23.

18 mai 1950       j Vincenza Gerosa (Italie), t 184723-

26 mai 1950 Jeanne de France (France), t 1545 24.

11 juin 1950 Vincent Strambi (Italie), t 1824 25.

25 juin 1950 Maria Goretti (Italie), t 1902 26.

9 juillet 1950 Marie-Anne de Paredes (Equateur), t 1645


BÉATIFICATIONS

22 janvier 1950 5 février 1950

19 février 1950 5 mars 1950

19 mars 1950 1 octobre 1950

15 octobre 1950

12 novembre 1950

Vincenzo Palloti (Italie), t 1830. Maria Torres Acosta (Espagne), t 1887. Maria Lopez y Vicuna (Espagne), t 1890. Domenico Savio (Italie), t 1837. Paola Elisa Cerioli (Espagne), t 1865. Marie de Mathias (Italie), t 1866. Anne-Marie de Javouhey (France), + 1851. Marguerite Bourgeois (France), t 1700.

20 Radiomessage

21 Homélie lors

22 Homélie lors

23 Homélie lors Gerosa, 18 mai 1050,

24 Homélie lors

25 Homélie lors 2« Homélie lors 27 Homélie lors

1950, p. 237.

au monde, 23 décembre 1950, p. 615. de la canonisation de sainte Marie-Emilie de Rodât, 23 avril 1950, p. 121. de la canonisation de saint Antoine-Marie Claret, 7 mai 1950, p. 149. de la canonisation de saint Bartolomeo Capitaneo et de sainte Vincenza p. 174.

de la canonisation de sainte Jeanne de France, 28 mai 1950, p. 186.

de la canonisation de saint Vincent Strambi, 11 juin 1950, p. 208.

de la canonisation de sainte Maria Goretti, 25 juin 1950, p. 223.

de la canonisation de sainte Marie-Anne de Jésus de Paredes, 9 juillet

Durant l'année 1950 furent publiés plusieurs documents doctrinaux, notamment la Constitution apostolique Munificentissimus Deus (ier novembre 1950)28, définissant le Dogme de l'Assomption, dont voici la formule finale énonçant cette définition :

Après avoir adressé à Dieu d'incessantes et suppliantes prières, et invoqué les lumières de l'Esprit de vérité, pour la gloire du Dieu Tout-Puissant, qui prodigua sa particulière bienveillance à la Vierge Marie, pour l'honneur de son Fils, Roi Immortel des siècles et Vainqueur de la mort et du péché, pour accroître la gloire de son auguste Mère et pour la joie et l'exultation de l'Eglise tout entière, par l'autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux Apôtres Pierre et Paul et par la Nôtre, Nous proclamons, déclarons et définissons que c'est un Dogme divinement révélé que Marie, l'Immaculée Mère de Dieu, toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste.

Dans l'Encyclique Humani Generis (12 août 1950) 29, il y a de nombreuses mises au point concernant les grandes questions discutées actuellement.

Et tout d'abord, Pie XII précise l'autorité même des Encycliques :

A ce qui est enseigné par le magistère ordinaire, s'applique aussi la parole : « Qui vous écoute, m'écoute » 30, et la plupart du temps ce qui est exposé dans les Encycliques appartient déjà, d'autre part, à la doctrine catholique. Si les Papes portent expressément dans leurs actes un jugement sur une matière qui était jusque là controversée, tout le monde comprend que cette matière, dans la pensée et la volonté des Souverains Pontifes, n'est plus désormais à considérer comme question libre entre théologiens.

De même plus loin, le Pape déclare :

Il faut écouter le Magistère de l'Eglise avec le respect qui lui est dû, même en matière de philosophie. Car, il lui revient de par l'institution divine, non seulement de garder et d'interpréter le dépôt des vérités divinement révélées, mais de veiller

28 Constitution Apostolique définissant le dogme de l'Assomption, le ier novembre 1950, p. 480.

29 Encyclique Humani Generis, 12 août 1950, p. 295.

30 Luc X, 16.

encore sur les sciences philosophiques, afin que les dogmes catholiques ne souffrent aucune atteinte des fausses doctrines.

Dans ce document sont précisés :

— La part de la raison humaine et de la révélation divine dans la recherche de la vérité naturelle et surnaturelle,

— le rôle du magistère vivant de l'Eglise dans la définition des dogmes,

— les règles d'une saine exégèse de l'Ecriture,

— la place de la philosophie scolastique dans la vie de l'Eglise. Par contre, sont condamnés :

L'évolutionisme absolu ; le polygénisme ; Y existentialisme athée ; le relativisme dogmatique ; l'irénisme imprudent.

Au cours de 1950, trois autres Encycliques furent encore publiées :

— L'Encyclique Anni Sacri, du 12 mars 1.950 31 ; l'Encyclique Summi Mcereris, du 19 juillet 195032, et enfin l'Encyclique Mirabile Illud, du 6 décembre 1950 33.

Toutes trois invitent les fidèles à prier et à agir en vue de promouvoir la paix, une fois de plus menacée dans le monde.

De même le Pape, dans ces documents, ne cesse de déplorer les persécutions qui sévissent dans tous les pays soumis à l'influence communiste.

Dans l'Exhortation apostolique Menti Nostrae, du 23 septembre 195°> Pie XII formule des instructions précises sur les exigences actuelles de la vie sacerdotale

* *   *

Une nouvelle source de Documents Pontificaux est aujourd'hui à la disposition des lecteurs de langue française ; en effet, depuis le 16 décembre 1949, une édition hebdomadaire en français de l'Osservatore Romano est publiée à Paris, et elle contient les principaux discours du Pape avec des informations sur la vie de l'Eglise.

* *   *

Pour traduire certains textes et rédiger certaines notes, nous avons fait appel à des spécialistes. Qu'ils veuillent bien trouver ici l'expression de notre gratitude pour la précieuse collaboration qu'ils ont apportée à la rédaction de ce volume et des volumes antérieurs.

si Encyclique Anni Sacri, iz mars 1050, p. 79.

32 Encyclique Summi mcereris, 19 juillet 195c, p. 259.

33 Encyclique Mirabile Illud, 6 décembre 1950, p. 574.

3* Exhortation Menti Nostras, 23 septembre 1950, p. 394.


ALLOCUTION AUX GUIDES ITALIENNES

(5 janvier 1950) 1

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 7 et 8 janvier 1950.



Les Guides Italiennes venues à Rome pour gagner l'indulgence du Jubilé, entendirent le Souverain Pontife leur dire :

Votre présence, ici, aux premiers jours de l'Année Sainte, comme représentantes d'une organisation de jeunesse dont les aspirations élevées, les sentiments nobles et généreux, le désir d'action qui rayonne d'une joie sereine, emplissent Notre coeur paternel d'une grande satisfaction et des plus flatteuses espérances, est l'affirmation solennelle de l'adhésion d'une jeunesse pure et hardie à ces valeurs éternelles, sans lesquelles tout effort humain, tout héroïsme perd son sens le plus profond et ses buts les plus hauts.

A la grandeur et à la sincérité de votre attachement à un but aussi humainement noble et chrétiennement élevé, correspond la chaleur affectueuse de Notre accueil pour vous toutes et pour chacune d'entre vous.

En des temps difficiles, tourmentés par les misères et les douleurs de la guerre, le grain de votre mouvement — qui en d'autres points de la chrétienté avait déjà heureusement fructifié — fut jeté dans la terre de Rome.

C'est sous Nos yeux, pour ainsi dire, qu'avec courage, vous avez semé ce grain. Lorsque dans Rome occupée, toute cérémonie publique était interdite, c'est sous Nos yeux que vous avez prononcé votre première « promesse » dans l'asile sacré du cimetière de Priscilla. L'esprit des catacombes et la conscience du temps présent, de l'aujourd'hui, se sont fondus dans vos jeunes coeurs en une union indissoluble autant que fructueuse, sous le regard de la Mère de Dieu et la protection de saint Georges, le saint chevalier.

Le grain que vous avez alors semé, mûrit aujourd'hui lentement, mais sûrement, en de joyeuses gerbes.

Des Alpes neigeuses à la Sicile ensoleillée, votre association a gagné sans cesse, en largeur et en profondeur. En soixante-treize diocèses d'Italie, aujourd'hui fleurit et fructifie la semence à laquelle Nous avons donné Notre bénédiction, en 1944 lors de la fête de l'Immaculée Conception.

Et voici qu'aujourd'hui, avec une joie profonde, Nous vous saluons réunies devant Nous : spectacle enchanteur d'une formation juvénile sur laquelle l'oeil maternel de l'Eglise peut se poser avec une douce satisfaction et une grande espérance.

Malheureusement l'écrasante multiplicité de Nos devoirs durant l'Année Sainte imposent à Notre rencontre avec vous, des limites de temps qui Nous sont, à Nous-même, très pénibles.

Une exhortation paternelle et une prière fervente mettront donc fin à ce bref quart d'heure, au cours duquel Notre salut de bienvenue se confond presque avec celui de Notre congé.

Faites en sorte que les nobles buts, la résolution quotidienne, la promesse de fidélité au service de Dieu, de l'Eglise, de la patrie, du prochain, que le décalogue de votre association qui a trouvé dans le décalogue de Dieu sa force intime et sa plus noble consécration, ne deviennent jamais pour vous de vaines formules. Faites en sorte que chaque jour, à toute heure, ils soient toujours une vraie, une vive, une pure, une purifiante réalité.

La direction et les responsabilités de l'avenir appartiendront à la jeunesse d'aujourd'hui.

Vivez le jour présent dans la continuelle, l'ininterrompue présence de Dieu.

C'est seulement de cette manière que vous contribuerez à faire surgir pour l'Eglise, pour la patrie, pour vos frères et soeurs, pour vous-mêmes, un avenir dans lequel le démon de la haine et des discordes, de l'impureté et du mensonge devra s'effacer devant l'ange de la vérité et de la paix.

C'est pourquoi, en cet instant, chères filles, monte, de Notre coeur pour vous et pour votre association, toute jeune pousse d'une juvénile ardeur en terre italienne, la prière du

Psalmiste : Deus exercituum..., respice de coelo et vide, et visita vitem istam. Et protege eam, quam plantavit dextera tua, et surculum quem roborasti tibi2. « Dieu des armées..., regarde du haut du ciel et vois, considère cette vigne ! Protège ce que ta droite a planté et le fils que tu t'es choisi. »

Sur ce voeu et avec ce réconfortant espoir, Nous vous donnons de tout coeur à vous toutes ici présentes, à toutes vos dirigeantes, à tous les membres de votre association, ainsi qu'à vos familles et à toutes les personnes qui vous sont chères, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

2 Ps. LXXIX, 15.


DISCOURS AU PATRICIAT ET A LA NOBLESSE DE ROME

(12 janvier 1950) 1

Tous les ans, au début de l'année, les représentants des familles anoblies par le Saint-Siège viennent présenter leurs voeux au Pape. Celui-ci adresse, en cette circonstance, un discours à Y assemblée 2 :

Le Souverain Pontife rappelle ici les fonctions exercées autrefois par la noblesse romaine :

Si conformément à l'exemple de Nos prédécesseurs, Nous avons l'habitude de vous accueillir, chers fils et filles, au début de la nouvelle année pour recevoir vos voeux et vous offrir les Nôtres, Nous n'obéissons point, dans Notre esprit, à des considérations ou inclinations mondaines, mais à des motifs d'honneur et de fidélité. Nous saluons en vous les descendants et les représentants de familles qui se signalèrent, dans le passé, au service du Saint-Siège et du Vicaire du Christ et demeurèrent fidèles au Pontificat romain, même lorsque celui-ci était exposé aux outrages et aux persécutions.

Aujourd'hui, l'aristocratie ne joue plus le même rôle social, toute= fois, on lui doit le respect pour la mission éminente remplie dans le passé :

Sans doute, avec le temps, l'ordre social a-t-il pu évoluer et son centre se déplacer ; les charges publiques, qui autrefois

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano du 13 janvier 1950.

2 On trouvera dans les volumes précédents des Documents Pontificaux les allocutions prononcées par le Pape au cours des années antérieures : le 26 décembre 1941, le 11 janvier 1943, le 19 janvier 1944, le 11 juillet 1944, le 14 janvier 1945, le 16 janvier 1946, le 8 janvier 1947, le 14 janvier 1948 (cf. Documents Pontificaux, p. 24), le 15 janvier 1949 (cf. Documents Pontificaux, p. 28).

étaient réservées à votre classe, peuvent maintenant être attribuées et exercées sur une base d'égalité ; toutefois, même l'homme moderne, s'il veut être loyal et juste, ne peut refuser sa compréhension et son respect à un tel témoignage de souvenir reconnaissant, qui doit d'ailleurs servir de stimulant pour l'avenir.

L'année jubilaire 1950 doit inaugurer une ère nouvelle dans l'histoire du monde :

Vous vous trouvez aujourd'hui réunis autour de Nous, à l'aurore de l'année qui marque la séparation entre les deux moitiés du XXe siècle, année jubilaire, inaugurée par l'ouverture de la Porte Sainte.

Considérée en elle-même, la cérémonie religieuse des trois coups de marteau frappés au centre de la Porte a une valeur symbolique ; c'est le symbole de l'ouverture du grand Pardon. Comment donc expliquer la vive impression qu'elle a suscitée non seulement sur les pieux fils de l'Eglise, qui sont en mesure d'en pénétrer la signification profonde, mais aussi chez de nombreux autres, qui lui sont étrangers et que l'on croirait sensibles seulement à ce qui se touche, se mesure et se traduit en chiffres ? Ne doit-on point y voir, peut-être, comme le pressentiment et l'attente d'un nouveau demi-siècle moins chargé d'amertume et de désillusions ? Le symptôme d'un besoin de purification et de réparation, une soif de réconciliation et de paix entre les hommes que la guerre et les luttes sociales ont tellement désunis ? Comment pourrions-nous donc ne pas voir, avec l'humble confiance chrétienne, le doigt de Dieu dans un début aussi salutaire du grand Jubilé ?

Les Romains devront donner en 1950, le spectacle d'une piété et d'une charité exemplaires :

La puissance de bénédiction que l'Année Sainte est appelée à répandre sur l'humanité, dépendra en grande partie de la plus large coopération des catholiques, surtout par la prière et l'expiation. Mais à ce sujet, les fidèles de Rome ont certainement des responsabilités et des devoirs spéciaux : leur manière de se comporter, les moeurs de leur vie seront cette année plus particulièrement exposées aux regards de l'Eglise universelle, représentée par la multitude des pèlerins qui, de toutes les parties du monde, afflueront à la Cité. Les occasions ne vous manqueront pas, chers fils et filles, de précéder les autres et de les entraîner à votre suite par le bon exemple : exemple de ferveur dans la prière, de simplicité chrétienne dans le train de vie, de renoncement aux agréments et aux plaisirs, de véritable esprit de pénitence, d'hospitalité cordiale, de zèle dans les bonnes oeuvres, en faveur des humbles, des affligés et des pauvres, enfin de fermeté intrépide dans la défense de la cause de Dieu.

L'aristocratie romaine pourra par des contacts bienfaisants avec les autorités sociales des autres pays favoriser la compréhension mutuelle entre les peuples.

En outre, le milieu auquel vous appartenez vous met plus facilement et plus fréquemment en contact avec des personnages importants d'autres pays. Ayez à coeur, en ces circonstances, de vous employer au rapprochement et à la paix entre les hommes et entre les nations. Puisse la face de la terre, à la fin de l'Année Sainte, resplendir plus sereine dans la tranquillité et dans une concorde fraternelle.

Avec ce souhait, Nous vous donnons de tout coeur, à vous et à vos familles, particulièrement à ceux qui sont loin et aux malades, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


DECLARATION DE LA SACRÉE PENITENCERIE APOSTOLIQUE CONCERNANT L'ACQUISITION DU JUBILE

(21 janvier 1950) 1

La Sacrée Pénitencerie Apostolique, à qui revient la charge de veiller sur la parfaite observance des dispositions pontificales indispensables pour gagner le Jubilé, tient à dissiper toute équivoque et confusion qui pourraient naître à la suite de graves inexactitudes ou omissions de journaux, revues et publications destinés aux pèlerins.

Elle déclare donc :

i° Les oeuvres prescrites pour l'acquisition du Jubilé sont au nombre de quatre : a) confession, 2) communion, 3) une visite (même à des jours différents) aux quatre basiliques patriarcales, 4) prières. Les prières à réciter à chaque visite sont : trois Pater, Ave et Gloria aux intentions du Souverain Pontife, et une fois le Credo. Ces oeuvres peuvent être accomplies dans n'importe quel ordre.

20 L'indulgence jubilaire peut s'acquérir plusieurs fois durant l'Année Sainte, soit pour soi-même, soit en suffrage pour les âmes du purgatoire. Mais chaque fois que l'on désire gagner l'Indulgence jubilaire, il est nécessaire d'accomplir les oeuvres prescrites au n° 1.

3° On ne peut commencer l'acquisition d'un autre Jubilé avant d'avoir fini d'accomplir les oeuvres prescrites pour le Jubilé précédent2.

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano du 22 janvier 1950.

2 Pour plus de détails on se rapportera : t° à la Bulle Jubilaeum Maximum du 26 mai 1949 dans Documents Pontificaux 1949, p. 19S ; 2 o aux Constitutions apostoliques : Fore Confidimus, Decessorum Nostrorum, Jam Promulgato Maximo, 10 juillet 1949 (id. P- 264) ; 3° aux Directives de la S. Pénitencerie concernant le Jubilé, 17 septembre 1949 (M. p. 388).


ALLOCUTION A DES JOURNALISTES AMERICAINS

(23 janvier 1950) 1

Des directeurs et des rédacteurs de journaux des Etats-Unis voyageant en Europe, pour étudier les résultats de l'aide américaine fournie à l'Europe, furent reçus en audience par le Pape qui déclara :

Cette audience ne sera pas, peut-être, mise dans la liste de la catégorie stricte des audiences de l'Année Sainte. Et pourtant, tout en vous souhaitant très cordialement la bienvenue dans Notre Etat de la Cité du Vatican, Nous ne pouvons Nous empêcher de penser que vous pouvez apporter une contribution au succès d'un but que nos désirs fixent à cette Année Sainte.

lin des buts de l'Année Sainte doit être de faire triompher dans le monde, la Vérité :

Cette année, Nous l'espérons et prions ardemment pour cela, marquera un grand retour vers Dieu par le Christ ; et ce retour, s'il s'accomplit, est en passe de se faire sur le sentier de la vérité.

Or, il faut baser la vie sociale sur de vrais principes :

Si, un jour, tous reconnaissent que l'homme pris individuellement est dans sa véritable nature l'image de Dieu, doué de droits innés qu'aucun pouvoir purement humain ne peut violer 2, si donc on reconnaît que l'Etat dans sa véritable nature a

1 D'après le texte anglais de VOsseroatore Romano des 23 et 24 janvier 1950, traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVII, c. 193.

2 Le 10 décembre 1948, l'Assemblée générale des Nations Unies réunie à Paris adoptait la  Déclaration   des  Droits   de  l'Homme,   dont  l'article   1   faisait   précisément  silence  sur

été divinement institué pour protéger et défendre ses citoyens et non pour les asservir, et si le monde entier s'unit dans une profession ouverte de l'inéluctable vérité de sa dépendance à l'égard de Dieu, l'universel Créateur, alors l'humanité aura fait de grands pas définitifs pour revenir à Dieu, et, par le fait même, ramené la prospérité, la paix et la sécurité.

C'est principalement par la presse, que le peuple peut apprendre la vérité :

Pouvez-vous hâter cette noble entreprise ? Assurément, oui ! Parce que la vérité a besoin d'une voix et que la voix la plus puissante qui puisse atteindre le grand public est, encore aujourd'hui, celle de la presse.

Les journalistes ont la possibilité de falsifier les faits :

Qui ne sait qu'un journaliste peut délibérément falsifier des faits, ou, en les détachant de leur ensemble, peut en altérer la véritable signification, ou peut étouffer la vérité qui réclame son droit d'être entendue ? Et le résultat net est que les masses sont égarées, qu'une tragédie humaine s'en suit, que les conflits civils et même les guerres éclatent simplement parce qu'un membre indigne de votre profession, pour une raison ou pour une autre, n'a pas été fidèle à sa grave responsabilité envers la vérité 3.

Il est donc de toute première importance que les journalistes se fassent les diffuseurs fidèles de la vérité :

Oui, cette responsabilité devant Dieu et les hommes est grave, c'est certain. Jamais auparavant, Nous osons le dire, elle n'a été si impérieuse qu'aujourd'hui, depuis que les com-

1 origine divine des droits de l'homme. Cet article proclamait : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

Dans son Encyclique Summi Pontificiis du 20 octobre 1939, Pie XII écrivait déjà : il ne faut pas oublier l'essentielle insuffisance et fragilité de toute règle de vie sociale qui reposerait sur un fondement exclusivement humain, s'inspirerait de motifs exclusivement terrestres, et placerait sa force dans la sanction d'une autorité simplement externe.

munications sont devenues si faciles et si étendues, et que l'influence du simple citoyen pèse de plus en plus dans le gouvernement des nations. Cette influence en proportion de son poids impose une obligation de prendre personnellement connaissance de l'authenticité des faits ; et ce devoir confère le droit d'être instruit de la vérité. Votre voyage à travers l'Europe est une enquête sur la vérité au sujet de certaines transactions internationales, parce que vous estimez que cette vérité est d'une haute importance pour votre pays et, ajoutons-le, pour le reste du monde.

Le Pape félicite ceux qui accomplissent honnêtement leurs devoirs de journaliste :

Nous sommes donc heureux de profiter de cette occasion de complimenter votre profession pour tous les avantages nombreux et sans prix qu'elle a apportés à la grande famille humaine et d'encourager tous et chacun de ses membres dans l'intention résolue de servir avec une loyauté indéfectible la cause de la vérité dans la charité. Aucune société qui repose sur 1'hypocrisje et du mensonge n'est en sûreté.

Comme Nous prions pour que les bienfaits de la paix et de la sécurité descendent sur le monde, Nous vous assurons, Messieurs, de Nos bons souhaits les plus sincères pour vous-mêmes, pour ceux qui vous sont proches et chers, et pour votre pays au grand coeur.


Pie XII 1950