Pie XII 1950 - ALLOCUTION A DES JOURNALISTES AMERICAINS


EXHORTATION APOSTOLIQUE A L'EPISCOPAT D'ITALIE SUR L'ACTION CATHOLIQUE

(25 janvier 1950) 1

Dans ce document, le Pape donne, pour l'Italie, des directives très précises sur l'organisation de l'Action Catholique.

Tout d'abord, le Saint-Père se réjouit des résultats obtenus 2.

Les heureux développements que l'Action Catholique a eus en Italie, sont pour Nous une source de satisfaction et de ré

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 247.

2 L'Action Catholique italienne se présente comme la doyenne d'âge parmi toutes ses consoeurs. Sa naissance porte la date de 1868. En effet. Pie IX approuvait, cette année-là, l'Association de la jeunesse catholique fondée à Bologne par deux jeunes gens : Fani et Aequa Demi. Elle a donc plus de quatre-vingts ans et a subi au cours de sa longue vie des variations nombreuses. De nouveaux Statuts lui ont été donnés en 1946.

Après la crise du fascisme, où l'Action Catholique — qui, pour ne pas provoquer les mesures persécutrices de Mussolini, avait dû rester en veilleuse — se réoganisa solidement, reprenant toutes ses activités en plein jour, en même temps que des laïcs reprenaient leur autorité à la tête du mouvement.

On sait que la formule actuelle de cette Action Catholique est unitaire, c'est-à-dire qu'elle groupe en un seul organisme puissant et intimement équilibré, tous ses adhérents, à quelque classe ou profession qu'ils appartiennent. — Elle compte aujourd'hui au total plus de trois millions de membres. La Présidence générale occupe à Rome un imposant immeuble Via délia Conciliazione, 1, à quelque cent mètres de la place Saint-Pierre.

L'Action Catholique est dirigée par une Commission episcopale composée de six évêques dont le président est le Cardinal PIAZZA ; et dont le secrétaire est Son Exc. Monseigneur Giovanni URBANI, archevêque titulaire de Sardi.

La Présidence générale est assurée par l'avocat Vittorino VERONESE.

L'Action  Catholique  italienne  comporte  également  des  groupements  spécialisés :

Unioni Homini di Azione Cattolica qui groupe les hommes mariés ou ceux de plus de 30 ans ; les membres en sont actuellement au nombre de 200.000.

Unioni Donne di Azione Cattolica, groupant les femmes de plus de 30 ans ; au nombre de 450.000.

confort. Par là, Notre attention se trouve toujours plus attirée vers elle et Notre désir s'accroît de voir son rendement complet et répondant bien en tout à nos espérances communes.

Une fois de plus, l'Action Catholique est définie 3, citée comme un élément permanent dans l'Eglise 4, mais dont la nécessité est aujourd'hui plus nécessaire que jamais s.

En vous en entretenant, vénérables Frères, vous qui avez la charge de surveiller avec amour ses développements, il Nous plaît de relever encore une fois comment la collaboration bien

Gioventù Maschile di Azione Cattolica : c'est cette association, groupant les jeunes gens, qui date de 1868 ; elle compte 500.000 membres. Celle-ci se subdivise depuis peu en groupes de jeunes ouvriers (Gioventu Italiana Operiara Cattolica = G. I. O. C.) ; jeunes étudiants, jeunes ruraux et groupements  sportifs.

Gioventù Feminiîe di Azione Cattolica : groupant un million de jeunes filles. Cette association fut fondée en 1918.

Federazione Universitarie Cattolica Italiana (F. U. C. I.) : réunit les étudiants universitaires.

Movimento Laureati di Azione Cattolica : celui-ci comporte les universitaires diplômés  qui  sont d'ailleurs  répartis  en  diverses  branches  professionnelles.

Assoziazione  Italiana  Maestri  Cattolica :  pour le  personnel  enseignant.

3 S. S. Pie XI a défini comme suit l'Action Catholique : « La participation du laïcat à l'apostolat hiérarchique de l'Eglise » (Discours aux Associations catholiques de Rome LE 19 avril 19-31)-

Pie XII emploie plutôt le mot de collaboration tandis que Pie XI employait le mot participation. Certains ont voulu voir dans ce fait un recul du Souverain Pontife et une sorte de condamnation de la responsabilité laïque.

Le 17 novembre 1947, Son Exc. Mgr Dubourg, archevêque de Besançon, a posé ce problème à S. S. Pie XII. Il recueillit, rapporte La Croix, de Paris (13 décembre 1947), de la bouche de Sa Sainteté d'importantes et précieuses déclarations sur le rôle de l'Action Catholique ; rôle que certains esprits chagrins eussent volontiers diminué sous prétexte que S. S. Pie XII emploie à cet égard la parole collaboration de préférence à participation du laïcat à l'apostolat hiérarchique. Mais c'est tout le contraire, s'exclame le Saint-Père, jamais l'Action Catholique n'a été plus indispensable qu'aujourd'hui. Et il faudrait bien méconnaître Nos actes et Nos paroles pour ignorer la place d'honneur que Nous lui attribuons.

Aussi bien le mot de collaboration à l'apostolat est-il plus compréhensif que celui de participation, en ce sens qu'il laisse entendre la part personnelle d'initiative et l'autonomie relative qui revient en cela au la'icat. Participation restreindrait plutôt son rôle, comme s'il ne faisait qu'exécuter l'oeuvre réservée au clergé...

Et Mgr Dubourg veut bien résumer ses impressions d'audience en ces termes : « Si le Saint-Père préfère le mot collaboration au mot participation, c'est que le mot différencie mieux l'action du laïc de celle du prêtre. Le laïc a son rôle propre, qu'il ne s'agit pas de méconnaître, ni de minimiser. La collaboration du laïc s'impose comme une nécessité » (G. M. Lalande, Conversion au réel, Montréal, 1948).

ordonnée des laïcs à l'apostolat hiérarchique — qui, dès l'âge apostolique, a toujours fait partie des traditions les plus constantes et les plus fécondes de l'Eglise — s'est révélée d'une particulière et urgente nécessité, ces derniers temps, et doit donc être promue par tous les moyens.

Le Pape précise comme suit le rôle actuel de l'Action Catholique :

L'expérience a d'ailleurs mis en évidence la nécessité pour la vie ecclésiastique, de profiter de toutes les ressources et de toutes les énergies dont elle peut disposer, et elle a déjà donné, du reste, des témoignages répétés et excellents sur la contribution précieuse apportée par les laïcs au clergé dans ses activités visant à conserver de nos jours le patrimoine spirituel transmis par les générations passées, et à répandre chez les individus et les peuples, par des méthodes adaptées aux circonstances présentes, la lumière de l'Evangile.

Le laïcat doit jouer dans l'Eglise un rôle complémentaire à celui rempli par le clergé :

C'est là une conception qui nous paraît, aujourd'hui surtout, digne de nouvelles et fécondes réflexions, s'agissant, de la part d'une élite choisie et éprouvée et généreuse, d'une fonction su

4 Le Pape insiste souvent sur cette idée, par exemple dans ce texte : Si la collaboration des laïcs à l'apostolat apparaît féconde et reconnue dès l'aube du christianisme dans la primitive prédication apostolique, si cet apostolat de coopération a pris à travers les siècles, dans l'histoire de l'Eglise, les aspects les plus variés, d'agrégation, de discipline, de modalité, de mesure selon les convenances des temps, cette forme très noble de collaboration que constitue l'Action Catholique (italienne) et qui s'est développée sous les pontificats de Pie IX, Léon XIII, Pie X et Benoît XV, a reçu du grand esprit et du grand coeur de Pie XI sa plus vigoureuse impulsion et sa constitution organique (Discours à l'Action Catholique italienne, 4 septembre 1940).

L'Action Catholique est aussi ancienne que le christianisme, et si, dans notre époque, son nom sonne particulièrement haut et nous émeut, c'est que la pérennité de son esprit a dû aviver sa flamme dans la lutte que le monde d'aujourd'hui, au nom d'une fausse science, mène contre l'Eglise, contre la doctrine du Christ et la pratique de la foi (Discours a l'Action Catholique universitaire italienne, 10 mai 1941).

5 Pie XII répète sous diverses formes l'urgente nécessité de l'Action Catholique : L'Action Catholique est... un apostolat dont le nom lui-même révèle le caractère universel, l'importance transcendante, l'urgente nécessité (Discours à des aumôniers d'Action Catholique, 15 juin 1939).

bordonnée et complémentaire de l'action du clergé, à qui appartient, plus encore que par le passé, étant donné son nombre et ses forces trop inadéquates aux besoins actuels, la mission de reconduire au Christ le monde moderne.

Pour être efficace, l'Action Catholique doit être solidement organisée sous l'autorité de la Hiérarchie :

Cette réalisation entraîne avec soi, l'étude d'un autre principe qui est d'une extrême importance pratique : celui de l'organisation. En effet, l'insertion de la collaboration des laïcs à l'apostolat hiérarchique ne peut être efficace et bienfaisante que si l'on prend bien soin d'éviter tout ce qui pourrait troubler la discipline ecclésiastique et d'en accroître, au contraire, l'ordre, la force, l'extension ; ce qui exige d'un côté, un sens très vif et respectueux de l'autorité de l'Eglise, et de l'autre une organisation rationnelle des laïques qui accourent sous les étendards de l'armée pacifique de l'Action Catholique.

Si l'Action Catholique a bien travaillé de la sorte à créer dans la conscience des fidèles la conviction et l'élan qui les ont poussés à collaborer avec leurs prêtres, elle n'a pas manqué de les organiser en Associations nationales et internationales et elle leur a tracé des programmes adaptés aux circonstances ; elle a ainsi créé dans l'unité des buts et dans l'organisation des méthodes de travail, la collaboration prévue et toujours attentive du laïcat aux lignes directives que la hiérarchie, assistée par le Saint-Esprit, donne selon les nécessités du moment aux fidèles commis à ses soins.

L'association et l'organisation des forces catholiques sont impérieuse-sement exigées aujourd'hui où, dans tous les domaines, seuls les efforts associés peuvent atteindre des résultats :

Une association de ce genre qui forme, peut-on dire, le tissu même de l'Action Catholique, répond très heureusement aux exigences du temps présent, où la solidarité et la coopération des buts et des actes ont de si fréquentes applications et semblent offrir un des aspects les plus caractéristiques et constituer une des forces les plus considérables de la vie moderne. En observant bien, on constate que les adversaires de l'Eglise se servent, eux aussi, beaucoup de l'organisation selon des méthodes nouvelles et hardies, qui devient souvent entre leurs mains l'arme la plus habile pour attirer à eux et suborner les masses populaires. Les catholiques doivent comprendre ce phénomène profond et complexe de l'histoire présente et doivent apprendre à se servir toujours mieux des avantages de la vie associée.

L'Action Catholique doit toutefois nettement se distinguer : i.   des organisations visant des intérêts temporels :

Cet effort des catholiques est certainement bien différent de l'entreprise bureaucratique ou purement utilitaire et extérieure de ceux qui aspirent uniquement à d'heureux succès dans le domaine des intérêts terrestres.

a. des organisations créées par les Etats totalitaires et qui ne peuvent subsister que par la contrainte :

Il est aussi absolument différent, dans l'esprit et dans la forme, de cette coordination de forces quasi mécaniques imposée par la violence ou la crainte, qui, éteignant toute flamme de liberté et d'initiative personnelle, rend les hommes incapables d'une véritable grandeur humaine et de progrès spirituel.

L'Action Catholique vise des buts spirituels et se fonde sur l'amour du Christ :

L'Action Catholique trouve, au contraire, la source et la raison de sa force organisatrice en Jésus-Christ et en son amour : dans le nom du Rédempteur, le plus humble associé lui-même sent sa dignité de membre du Corps mystique et travaille avec une confiance silencieuse à son développement et à ses conquêtes spirituelles.

L'Action Catholique adopte sans doute la forme des organisations humaines, mais son esprit est tout différent :

Par conséquent, si l'Action Catholique, interprétant et adoptant l'esprit d'organisation de notre temps, se présente et s'affirme comme une Association fortement et techniquement groupée, ses rangs se distinguent de ceux des autres associations par un autre esprit, d'autres formes et une autre force, animée comme elle est par un profond respect pour la personne humaine, et soucieuse toujours — comme elle doit le faire — de ses adhérents, de ses amis, et des frères, heureux de l'obéissance qui leur est demandée et de la liberté qui leur est laissée au poste assigné à chacun dans l'organisation.

Toutes les paroisses d'Italie devront posséder des sections d'Action Catholique de jeunes gens, de jeunes filles, d'hommes et de femmes :

En vue de ce nouvel accroissement espéré des forces agissantes dans l'Eglise, Nous croyons qu'il est du devoir de Notre ministère apostolique de stimuler encore une fois, avec une paternelle insistance, le clergé chargé des âmes, afin que dans toutes les paroisses, depuis les plus éloignées, dans les campagnes ou sur les montagnes, juqu'à celles des grands centres urbains, se constituent les quatre Associations fondamentales de l'Action Catholique : la jeunesse masculine et la jeunesse féminine, l'Union des hommes et l'Union des femmes.

Dans les diocèses, on veillera à créer des associations d'universitaires et d'instituteurs :

A ce désir, Nous en joindrons un autre : que ne manquent pas dans certains diocèses les Associations universitaires et les deux mouvements des diplômés et des instituteurs.

On ne pourra prétexter l'exiguïté de certaines paroisses ; en effet, l'Action Catholique n'est pas, en ordre principal, une question d'effectifs nombreux mais de zèle :

Nous ne pensons pas que la modeste proportion de territoire ou de population qui caractérise quelques diocèses et de nombreuses paroisses d'Italie, soit un motif suffisant pour excuser l'absence de ces organisations.

Dans les saintes conquêtes de l'Eglise, le nombre n'est pas l'élément déterminant ; on trouvera en revanche celui-ci dans l'ardeur de la charité et dans la conviction avec laquelle on croit à l'efficacité de la fidèle obéissance et de la grâce divine. Dans l'admirable harmonie des forces catholiques, les quelques adhérents d'une petite paroisse apporteront sans nul doute une contribution utile, quand leurs activités, quoique modestes et limitées, sont les fruits d'une préparation éclairée et fervente.

d'une filiale discipline envers la hiérarchie, d'une généreuse et profonde piété, d'un authentique esprit de sacrifice.

Les membres de l'Action Catholique doivent avant tout prêcher d'exemple :

Et, en même temps, qu'ils enrichissent de mérites le trésor de l'Eglise universelle, l'exemple de leur vie produira sur les fidèles les plus tièdes, et même sur les plus éloignés, des résultats d'une efficacité inattendue : aujourd'hui, en effet, plus que jamais, les hommes se laissent persuader, non par les paroles, mais par les exemples, concrets et évidents de ceux qui vivent en Jésus-Christ.

Les directives pontificales s'adressent à la fois aux membres du clergé et aux laïcs :

Cette exhortation, vénérables Frères, s'adresse, comme vous le voyez, principalement à Notre cher clergé que Nous voulons encourager dans l'ardue mission pastorale qu'exigent les nécessités présentes ; mais elle ne s'adresse pas moins pressante et paternelle aux laïcs mêmes que Nous désirons voir rassemblés autour de leurs pasteurs : la confiance que l'Eglise leur accorde, en les appelant aux côtés de la hiérarchie pour en soutenir et développer l'oeuvre apostolique, doit les disposer à la doctrine, à la sincérité, au dévouement envers leurs pasteurs ; elle doit accroître dans leurs âmes le respect et l'affection pour eux et elle doit les soutenir au milieu des vicissitudes de l'action, dans une modeste et persévérante énergie spirituelle, ravivée par la certitude que les promesses faites par le Christ à son Eglise auront raison des difficultés et circonstances hostiles.

Les Evêques d'Italie sont invités à donner une nouvelle impulsion à l'Action Catholique :

Avec ces sentiments, Nous exprimons le voeu que l'Action Catholique italienne, après les graves soucis de la guerre mondiale, reçoive de Notre impulsion, et, avec la confiance que vous ne manquerez pas, vénérables Frères, de faire vôtres, Nos espérances et de les seconder par tous les moyens en votre pouvoir, Nous vous donnons de tout coeur, à vous-mêmes, au clergé, aux dirigeants et aux membres de l'Action Catholique, ainsi qu'à tous les fidèles confiés à vos soins pastoraux, en gage d'une large assistance divine, Notre Bénédiction apostolique.


REPONSES DE LA S. PENITENCERIE A PROPOS DU JUBILE

(30 janvier 1950) 1

La question suivante a été proposée à la Sacrée Pénitencerie :

Est-ce que les femmes enceintes et les mères incapables d'effectuer le voyage parce qu'elles ont de nombreux enfants dont elles doivent s'occuper, peuvent gagner l'indulgence du Jubilé sans se rendre à Rome ?

Et la Sacrée Pénitencerie a pensé qu'il fallait répondre selon une réponse déjà donnée le 9 mars 1925 2 :

Négativement.

De même les questions suivantes ont été posées à la Sacrée Pénitencerie relativement aux ouvriers dont il est question dans la Constitution Apostolique « ]am promulgato » du 10 juillet 1949 3 :

1. S'agit-il des ouvriers qui travaillent, comme salariés, dans des entreprises et qui ne gagnent pas un salaire suffisant pour pouvoir se rendre à Rome ?

2. S'agit-il de tous les travailleurs qui, en raison de la modicité des ressources obtenues par leur travail, se trouvent dans l'impossibilité de se rendre à Rome ?

1 D'après le texte latin des A. A. S., 1950, p. 404 ; traduction française de La Documentation Catholique, XLVII, c. 785.

2 Cf. A. A. S., 17, 1925, p. 327.

3 Documents Pontificaux 1949, p. 283.


A PROPOS DU JUBILE

33

Et la Sacrée Pénitencerie a pensé qu'il fallait répondre selon le Décret déjà donné le g mars ig25 4 :

Au premier doute : affirmativement.

Au deuxième doute : réponse incluse dans le premier (et donc négativement5).

4 Cf. A. A, S., 17, 1915, p. 527.

operarii, des salariés autres que les travailleurs manuels. Aussi, sauf déclaration différente ultérieure, et quelles qu'aient pu être les interprétations plus larges données ici ou là, on retiendra que pour bénéficier du gain de l'indulgence jubilaire sans aller à Rome, il faut à la fois être travailleur manuel et ne pas posséder de ressources suffisantes pour accomplir le pèlerinage ». Dans la Constitution f am promulgato, du 10 juillet 1949, il s'agit uniquement des ouvriers entendus au sens du décret de la Sacrée Pénitencerie du 9 mars 1925, donc de ceux qui se livrent à un travail manuel (et non de tous les travailleurs) ayant des ressources insuffisantes pour accomplir le pèlerinage romain.

LETTRE A L'OCCASION DU Vile CENTENAIRE DE L'INSTITUTION DU SCAPULAIRE DES CARMES

(il février 1950)1

Une lettre fut adressée au R. P. Killian LYNCH, prieur général de l'Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel, et au R. P. Sil-vère de Sainte-Thérèse, supérieur général des Frères Déchaussés de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel, au moment où les Carmes se préparent à fêter le VIIe centenaire de l'institution du Scapulaire 2 :

Personne n'ignore à quel point l'amour envers la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu, favorisa l'éveil de la foi catholique et l'amendement des moeurs, spécialement par ces formes de dévotion par lesquelles, entre toutes, les esprits sont illuminés pai la céleste doctrine et les âmes encouragées dans la pratique de la vie chrétienne.

Dans leur nombre, il faut citer surtout la dévotion du Saint Scapulaire des Carmes qui s'est propagée parmi les fidèles pour leur plus grand bien, grâce à sa simplicité, adaptée à l'esprit de tous.

Nous avons considéré dès lors avec plaisir qu'à l'occasion du Vile centenaire de ce Scapulaire de la Vierge du Mont Carmel, les frères Carmes, Chaussés et Déchaussés3 ont pris

t D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 390.

2 On lira plus loin, p. 455, l'allocution aux Tertiaires carmélitains, le 11 octobre 1950.

3 Le Carmel est une chaîne de montagnes située dans le nord de la Palestine, en face de Saint-Jean d'Acre. C'est là que vécut le prophète Elie (I. Rois, XVIII). De nombreuses grottes percées dans la montagne ont servi d'abri pour des solitaires. Certains de ceux-ci se groupèrent pour former l'Ordre des Carmes au Xlle siècle. Cet Ordre se réclamait du patronage du prophète Elie et de la Vierge Marie modèle des contemplatifs. En 1291, les Carmes sont massacrés en Orient par les musulmans et quelques-uns des rescapés s'installent en Europe( Italie, France, Angeterre, etc.). Simon Stock est nommé Supérieur général et réforme l'Ordre qui se  rangera désormais parmi les  Ordres  mendiants.  Au  cours  de

l'initiative de célébrer avec le plus grand zèle de saintes solennités en l'honneur de la Sainte Vierge. En mémoire de Votre Amour envers la Vénérable Mère de Dieu et de Notre inscription depuis l'enfance dans la Confrérie du S. Scapulaire, Nous recommandons volontiers ces projets pieux et leur souhaitons une abondance de bienfaits de la part de Dieu.

Ce n'est pas là, en effet, une affaire de peu d'importance, mais il s'agit de la vie éternelle, de l'obtention de la vie éternelle de par la promesse de la Bienheureuse Vierge : c'est donc un enjeu de la plus suprême importance et au sujet duquel il convient d'agir avec prudence.

Le Saint Scapulaire, en tant qu'habit mariai est, en effet, le signe et le gage de la protection de Marie ; mais que ceux qui sont revêtus de ce vêtement ne croient pas qu'ils acquerront le salut éternel dans la paresse et la négligence spirituelle, sur l'avis de l'Apôtre : « Faites votre salut avec crainte et tremblement 4. » Que tous les Carmes donc — engagés soit dans les cloîtres du premier ou second Ordre 5, soit dans le Tiers Ordre régulier ou séculier, soit dans les confréries, et joints ainsi par un lien spécial d'amour à une famille de la Bienheureuse Mère — considèrent comme un miroir d'humilité et de chasteté le mémorial de la Vierge ; qu'ils regardent comme un abrégé de modestie et de simplicité la nature même de l'habit ; qu'ils comprennent surtout grâce à ce vêtement dont ils sont munis jour et nuit, la signification des prières par lesquelles ils implorent l'aide divine, comme un éloquent symbole ; qu'ils réalisent enfin

l'histoire, plusieurs mouvements de réforme de l'Ordre se firent jour. Aujourd'hui, il reste deux branches de l'Ordre :

i° Les Carmes Chaussés ou Grands Carmes comptant actuellement 1700 religieux. Le Supérieur général, le R. P. Kilîian Lynch, demeure à Rome, Via Sforza Pallavicini, 10.

2° Les Carmes Déchaussés au nombre de 3.200 sont surtout répartis en France, en Belgique et en Italie. Le Supérieur général, le R. P. Silvère de Sainte Thérèse, réside à Rome, Corso d'Italia 35.

4 Phil. II, 12.

5 Le premier Ordre des Carmes comporte les deux branches citées dans la note 3. Le deuxième Ordre réunit les Carmélites, c'est-à-dire la branche féminine, datant du

XVe siècle et réformée par sainte Thérèse d'Avila en 1562.

Il y a actuellement 63S monastères de Carmélites comptant plus de 10.000 moniales.

A côté de cette branche féminine il y a de nombreuses congrégations de femmes se rattachant au Carmel sous forme de Tiers Ordre régulier.

Enfin, depuis le XVe siècle, des laïcs se groupent en fraternités dans le Tiers Ordre séculier du Carmel (cf. Manuel du Tiers Ordre séculier de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel, Ed. du Carmel, Petit-Castelet près de Tarascon).

cette consécration au Saint Coeur Immaculé de la Vierge Marie que Nous avons récemment recommandée avec insistance. La pieuse Mère n'aura en effet de cesse que ses fils expiant en purgatoire les fautes commises n'atteignent la Patrie éternelle grâce à son intercession auprès de Dieu, suivant ce qu'on appelle le privilège du samedi6.

En gage de cette protection et de cette aide divine, ainsi que de Notre charité toute spéciale, Nous vous accordons, dans le Seigneur, très chers Fils, la Bénédiction apostolique, ainsi qu'à tout l'Ordre des Carmes.

6 Le Privilège du Samedi est précisé comme suit par un décret du Saint-Office du 20 janvier 1613 :

A condition d'être en état de grâce, d'avoir durant sa vie porté le scapulaire, d'avoir observé la chasteté suivant son état, d'avoir récité le petit Office de la Sainte Vierge (ou d'avoir remplacé cette récitation par l'observance des jeûnes prescrits par l'Eglise et de faire abstinence les mercredi et samedi), le défunt recevra une assistance particulière par l'intercession de la Vierge le samedi, jour qui lui est consacré.


LETTRE AU R. P. EPHREM BLANDEAU SUPERIEUR GENERAL DE L'ORDRE HOSPITALIER

DE SAINT JEAN DE DIEU à l'occasion du IVe centenaire de la mort de Saint Jean de Dieu

(15 février 1950) 1

Le 8 mars 1550 mourait à Grenade Saint Jean de Dieu 2. S'associant aux fêtes du IVe centenaire de cet événement, le Pape écrivit la lettre suivante :

Il y a quatre siècles, votre Fondateur, se sentant déjà sur le point de mourir, poussé par son ardente charité, se leva de son lit, se mit à genoux, et, serrant sur son coeur haletant l'image du divin Sauveur crucifié, dans cette attitude, s'envola au ciel, dans la plus sereine des morts.

Vous le savez, à cette époque, seuls avaient été jetés les fondements de votre Ordre, et le petit groupe des religieux survivants, après le départ d'un tel Père, semblait avoir perdu courage.

Il en va autrement des oeuvres des hommes qui souvent, en face des obstacles, chancellent et s'abattent misérablement, et des oeuvres de Dieu qui, fondées par son inspiration, et soutenues par son tout-puissant secours, surmontent les difficultés de tout genre et prennent de nouveaux développements.

Cette loi de l'histoire générale de l'Eglise se trouve clairement démontrée même par les annales de votre Ordre.

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 294.

2 Saint Jean de Dieu est né le 8 mars 1495 près d'Evora, au Portugal. Après une jeunesse mouvementée, guerroyant dans diverses armées, il se voua au service des malades et posa les fondements de l'Hôpital de Grenade. Il y mourut en 1550. (On lira : G. Huner-mann, Le Mendiant de Grenade, Ed. Salvator, Mulhouse, 1950.)

En effet, aujourd'hui l'Institut religieux fondé par Jean de Dieu, nourri par la divine charité, a connu d'heureux accroissements, a passé les frontières de nombreux pays et s'est largement répandu pour le soulagement des pauvres et des malades 3.

Il est donc juste qu'en ce jour, où vous célébrez cet événement quatre fois centenaire, vous rendiez grâce à Dieu pour tant de bienfaits reçus ; il est juste que vous évoquiez pieusement les grands exemples de votre fondateur, afin de vous exciter à reproduire en vous-mêmes son ardente charité et à développer les oeuvres de bienfaisance dont il a été l'initiateur. Il n'est pas besoin de vous rappeler les grands obstacles et les nombreuses difficultés qu'il trouva dans son caractère même pour l'acquisition et l'exercice des vertus chrétiennes. Il dut, lui aussi, les acquérir par l'effort quotidien et une lutte acharnée. Ce n'est que de la sorte, avec le secours de la grâce divine, et les efforts continuels de sa volonté, faisant des progrès toujours de plus en plus rapides, qu'il parvint au sommet de la plus haute sainteté. Ainsi transformé, il devint l'admiration générale, comme l'ange des malades et des pauvres.

Vous savez aussi avec quelle délicate bonté il déploya toutes ses énergies au soulagement des misères, des infirmités et des souffrances de tout genre. Car, sous l'influence de la charité divine, il ne se contentait pas de soigner les maladies corporelles, de donner dans la mesure où il le pouvait, du pain aux affamés ou des vêtements aux déguenillés, un asile aux vieillards et aux sans-abri, mais il éclairait et consolait leurs âmes, et il consolait leurs coeurs par l'espérance du bonheur éternel qu'ils pouvaient mériter. Tout cela, il vous l'a laissé comme un héritage sacré.

Efforcez-vous donc, d'abord, comme vous le faites certainement, de vous enrichir de ces vertus chrétiennes qui ont brillé dans votre fondateur, et ainsi vous pourrez — et vous en êtes certainement convaincus — aider aussi les autres et guérir non seulement les corps, mais aussi les âmes.

Tels sont les voeux, fils bien-aimés, qu'à l'occasion de ces fêtes centenaires, Nous faisons pour vous, et que Nous recommandons à Dieu dans Nos prières pour qu'il les exauce. Et Nous

8 L'Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu, fondé en 1537, compte aujourd'hui 17 provinces, 5 vice-provinces, et un total de 186 maisons (hôpitaux, cliniques, maisons de santé, léproseries, asiles pour enfants, vieillards, orphelinats, refuges, etc.). Il groupe 1930 religieux. Le Supérieur général réside à Rome, Via di Porte Quattro Capi 39.

IVe CENTENAIRE DE S. JEAN DE DIEU

39

sommes persuadé que vous ne pouvez passer avec de meilleurs sentiments cette Année Sainte que Nous avons ouverte, qu'en imitant, chaque jour avec plus d'énergie, les illustres exemples de votre père, Jean de Dieu.

Avec l'espoir de vous obtenir les célestes faveurs, et en signe de particulière bienveillance, Nous vous accordons dans l'effusion de Notre coeur, à vous, cher fils, à tout votre Institut religieux, à tous ceux qui, dans vos hôpitaux et vos hospices, sont confiés à vos soins, la Bénédiction apostolique 4.

4 On trouvera, p. 392, la lettre du 23 septembre 1950 instituant Son Em. le Cardinal ¦erejeira, patriarche de Lisbonne, légat aux fêtes du centenaire.

LETTRE A SON EXC. MGR CESAR BOCCOLERI, ARCHEVEQUE DE MODENE A L'OCCASION DU Ile CENTENAIRE DE LA MORT DE MURATORI

(15 février 1950) 1

L'abbé Antoine Muratori (i6?2-iy5o) naquit à Vignola-Mondenese et fut ordonné prêtre à Milan en 1695. Le Cardinal Frédéric Borromée lui confia la charge de préfet de la bibliothèque ambrosienne, fondée depuis peu. Il devint ensuite archiviste du duc de Modène et curé de l'église de Santa Maria délia Pamposa. Il renonça à tous les honneurs pour se vouer entièrement à sa charge de curé et à ses travaux scientifiques. A l'occasion du IIe centenaire de sa mort, le Pape a écrit la lettre suivante qui énumère les mérites de ce savant :

Deux siècles se sont écoulés depuis que Louis-Antoine Muratori a quitté cette vie mortelle pour l'éternelle : c'est non seulement Vignola, sa petite bourgade, non seulement Modène et toute l'Italie, c'est non seulement tout ce qui révère l'éclat de la science humaine unie à la splendeur de la vertu, qui désire célébrer le souvenir d'un si grand homme ; mais à un titre plus grand encore, c'est l'Eglise Catholique qui le souhaite vivement, elle qui voit avec une joie très vive un de ses prêtres les plus méritants élevé d'un consentement unanime à un tel sommet de gloire. Il a consacré toute sa vie, jusqu'à l'extrême vieillesse, à scruter la vérité par un labeur infatigable, sachant très bien que toute parcelle de vérité atteinte par une soigneuse recherche, est comme une trace de l'intelligence divine.

L'histoire surtout, «maîtresse de vie et messagère du passé2», a trouvé en lui un travailleur si appliqué, si pénétrant et si exact

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 296.

2 Cic, De Orat. II, 9.

qu'il apparaît en toute vérité avoir introduit dans cette science rigoureuse une nouvelle méthode adaptée plus sévèrement aux lois de la critique. Un très grand nombre d'écrits de l'antiquité qui reposaient dans les divers dépôts de l'Italie, soit entièrement ignorés et négligés, soit connus seulement d'une manière sommaire, ont été par lui transcrits très soigneusement, annotés avec un pénétrant jugement, convenablement classés et édités. En mettant au jour au prix d'un dur travail ses grandes oeuvres imprimées qui ont pour titre : Rerum Italicarum scriptores, Antiquitates Italicse medii sevi, Novus thesaurus veterum inscrip-tionum et Trattato délie antiquità Extensi, « il accumula pour éclairer les événements et les vicissitudes de l'Italie une telle quantité de documents que personne n'en livra davantage » 3. Et à cette source de monuments littéraires, il puisa lui-même les eaux abondantes qui alimentèrent et animèrent ses Annales d'Italie en langue vulgaire, oeuvre certes digne de grande louange. Et dans la construction de ces édifices si considérables, il se proposa et, pour autant que le peuvent l'esprit et le jugement humain, il suivit fidèlement les règles proposées en la matière par le plus grand des orateurs romains, c'est-à-dire que « la première loi de l'histoire est de ne rien dire de faux, ensuite d'oser dire tout ce qui est vrai, sans la moindre partialité favorable ou hostile en écrivant » 4. Et en effet, la nature lui avait donné un caractère rigoureux : les très hautes études qu'il aimait et dont il était occupé nuit et jour le rendirent encore plus rigoureux, et comme il avait son âme toujours accueillante à la vérité qui pourrait luire, il la tenait aussi toujours fermée aux erreurs, supercheries et partialités. Un caractère ainsi réglé a certes pu se tromper et s'abuser ; mais il eut en tous cas une horreur totale de l'altération de la vérité connue. Pour le même motif, il évitait le style emphatique qui passait alors en usage, ainsi que les grands mots, afféteries de langage, mots démesurés trop à la mode ; et il se forma un style ou manière d'écrire presque dépouillé, mais serré, fort et limpide. Il s'ensuivit aisément que sa réputation se répandit largement en Italie et ensuite à travers l'Europe et grandit de jour en jour, et que les hommes les plus savants de diverses nations furent en correspondance épistolaire avec lui ; ces lettres envoyées par lui et

Léon XIII, lettre Saepenumero considerantes, A. L., vol. III, p. 269. Cic, De Orat. II, 15.

traitant de multiples questions très souvent fort importantes, ont déjà paru en quatorze volumes.

La méthode d'écrire l'histoire introduite par Louis-Antoine Muratori a servi de modèle à nombre d'écrivains de son époque ; et ils exhumèrent des dépôts d'archives de nombreux autres documents, qu'ils discutèrent savamment. Et si, par la suite, à cause des bouleversements politiques survenus, on se relâcha beaucoup de ces genres de travaux, les auteurs qui s'y appliquèrent quand ils recommencèrent à fleurir au XIXe siècle, semblèrent comme rejoindre les méthodes muratoriennes et en être la renaissance.

Mais si Muratori brille surtout par la science historique, son esprit ouvert et souple ne se désintéressa de presque aucune science divine ou humaine, il n'en ignora presque aucune, et il s'appliqua à toutes avec très grand soin. C'est ainsi qu'il publia et avec honneur des livres sur des matières théologiques, philosophiques, morales, juridiques et même physiques, et comme il avait une âme sacerdotale remarquable et brûlante d'une vive piété, il traita aussi de liturgie et du culte divin à faire progresser et régler. Cependant, bien que doué d'une science peu commune, il émit parfois dans les sciences sacrées quelques opinions qui semblèrent, il est vrai, peu exactes. Mais comme il était très attaché à ce Siège apostolique, il témoigna plus d'une fois qu'il recevrait le front penché et avec simplicité d'esprit tout ce que le Vicaire de Jésus-Christ pourrait déclarer en la matière. Car, écrit-il lui-même, « Les juges sûrs de la doctrine catholique sont les Pontifes Romains » 5, et par conséquent, « il faut croire au Pontife Romain, quand il décide d'un dogme » 6. Il déclara en outre hautement et nettement que s'il apprenait que quelque proposition de ses écrits méritât la censure en vertu de l'autorité du Souverain Pontife, il la corrigerait en toute humilité d'esprit et résolument1. Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, Benoît XIV, rappelant « le nom de Louis-Antoine Muratori encore en vie, auteur de nombreux livres unanimement applaudis » 8, après avoir repris quelques-unes de ses opinions, ajoute ce qui

5 De ingeniorum moderatione, L. 1. c. XII. « Ibidem, 1. I, c. XVIII.

7 Cf. Epistolario di L. A. Muratori, édité par les soins de Matteo Campori, col. XII, 6017, p. 5549.

8 Lettre Dum praeterito mense, du 31. juillet 1748.

suit : « Combien de propositions nous ont été soumises par les envieux et les accusateurs ! Nous nous sommes jusqu'ici abstenu de les condamner, et nous nous en abstiendrons »9. Ce très savant Pontife savait bien en effet qu'il avait été un prêtre très digne, et qu'il n'avait jamais voulu manquer à l'intégrité de la foi catholique et de la morale, et c'est pourquoi il l'honorait d'une grande estime, et même l'aimait d'une affection paternelle 10.

Bien que Louis-Antoine Muratori ait écrit de nombreux et importants ouvrages en latin, il en publia cependant un nombre assez grand et de tous genres en langue italienne. Il agit ainsi pour diffuser plus facilement et plus largement la saine érudition et pour recommander à tous une bonne formation et une saine piété.

Il nous plaît en outre, non seulement de célébrer avec vous les louanges de ce très grand historien, mais de parler aussi d'une chose qui resplendit non moins lumineusement de son âme. C'est qu'il fut un ministre sacré d'une très grande intégrité de moeurs, d'une piété remarquable et d'un zèle apostolique si ardent que malgré les nombreux et si grands travaux qui le tiraillaient, il prenait le plus grand soin du troupeau qui lui était confié. D'humble extraction, formé aux sciences humaines et sacrées par l'aide de la libéralité chrétienne, mais ensuite élevé à un tel sommet de gloire, il n'eut rien plus à coeur, rien de plus doux que de communiquer sa science au peuple, de soulager leur misère et d'adoucir leurs peines. Dans le petit territoire confié à ses soins, sa paroisse, il fonda une association de charité pour subvenir, selon ses moyens, aux besoins des indigents ; et il institua encore une autre sodalité pour promouvoir les exercices spirituels parmi le clergé, tant il savait leur grande utilité pour la saine et salutaire formation des âmes sacerdotales. Il restaura en partie les édifices paroissiaux, reconstruisit les autres de fond en comble et les dota de mobilier sacré. Il fut assidu à enseigner au peuple et à expliquer les commandements chrétiens, et il veilla avec soin à l'éducation chrétienne surtout des enfants et des adolescents. Chaque fois qu'un membre de son troupeau était gravement malade, il était

9 Ibidem.

10 Cf. lettre Dilecto Filio Ludovico Antonio Muratori, du 25 septembre 1748 : « Il fatto il seguento ».

à son chevet comme un ange consolateur, et non seulement il restaurait son âme par les rites sacrés de la grâce, mais il l'élevait aussi avec grande suavité à l'espérance de posséder la céleste patrie. Et c'était une chose certes digne d'admiration que de voir un homme si célèbre par l'Italie et l'Europe et tiré en tous sens par de si nombreux et si importants travaux, s'acquitter activement et soigneusement des humbles fonctions sacerdotales et en obtenir des consolations plus grandes que de ses études historiques si aimées. Il est donc tout à fait opportun de rappeler son souvenir par de justes louanges, surtout chez vous ; tous en effet verront combien le génie humain, joint à une ferme volonté et à la vertu, peut contribuer à la recherche minutieuse de la vérité et à la remise en mémoire des gloires patriales ; les ministres sacrés verront combien il importe d'unir l'étude des beaux-arts et des sciences à la sainteté de la vie.

C'est pourquoi cette commémoraison bi-centenaire sera, nous l'espérons, non une fête vaine, mais par la mise en lumière des très éclatants mérites de Louis-Antoine Muratori, elle animera les volontés de tous à des résolutions de choix, qui les rendront capables d'honorer et glorifier la religion et la patrie.

Voilà ce que nous voulions vous dire, à vous et aux vôtres, en réponse à votre lettre très aimante, et en présage des faveurs divines et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous accordons de tout coeur, à vous, Vénérable Frère, et à tout le troupeau confié à vos soins, la Bénédiction apostolique.

pp" '

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 195.

2 II est interdit aux fidèles de se présenter à ce prêtre pour lui demander d'administrer sacrements, sauf dans le cas de péril de mort.


Pie XII 1950 - ALLOCUTION A DES JOURNALISTES AMERICAINS