Pie XII 1950 - DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DU CONCILE INTERDISANT LE COMMERCE AUX CLERCS ET AUX RELIGIEUX


EXHORTATION AU PEUPLE DE ROME ET AU MONDE

(26 mars 1950) 1

Dans son Encyclique Anni Sacri , le Pape avait demandé d'organiser le dimanche de la Passion, dans le monde entier, des cérémonies de supplications. A Rome même, une foule nombreuse put écouter ce jour, au cours d'une assemblée, en la Basilique de Saint-Pierre, le Saint-Père préciser les intentions de la Sainte Eglise.

L'Année Sainte est une année de prière et de pénitence :

La dévotion spontanée et ardente avec laquelle vous êtes accourus, chers fils et filles, en cette journée de pénitence, ne pouvait mieux interpréter Nos intentions, ni réaliser d'une façon plus satisfaisante le voeu de Notre coeur, que Nous vous avions confié dès la veille de l'ouverture de la Porte Sainte, lorsque Nous vous exhortions à faire naître et à stimuler en cette Année jubilaire un fervent mouvement spirituel d'expiation 3.

En ce dimanche de la Passion, le moment est bien choisi pour attirer l'attention du monde sur la nécessité de l'expiation ;

Avec ce dimanche, l'Eglise inaugure le temps sacré de la Passion et, dans la tristesse de ses rites, elle fait revivre devant les yeux et dans les âmes des fidèles le drame du divin Expiateur des fautes humaines : Notre Seigneur Jésus-Christ.

Cette journée mondiale de pénitence répond vraiment aux besoins les plus urgents de la société dans laquelle nous vivons.

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano des 27 et 28 mars 1950.
2 Cf.   p.  ,-9.
3 On lira le texte du radiomessage du 23 décembre 1949 dans Documents Pontificaux *949< P- 526-

Tant la raison que la foi dictent à tous les hommes l'obligation d'obéir à la loi morale. Lorsque celle-ci est violée, le désordre fait son apparition :

A l'oeil éclairé par la foi, — comme au regard de tout honnête homme servi par une conscience naturelle que ne troublent ni les préjugés ni les égarements, — tandis que brille dans son invincible clarté la loi qui encourage au bien et détourne du mal, qui précède et domine tous les codes de la terre et est la même chez tous les peuples et à toutes les époques, qui est la règle de toute action humaine et la base de toute société 4, à cet oeil ne peut échapper le spectacle misérable d'un monde voué à l'écroulement par la ruine intérieure des structures fondamentales de la vie.

Le chrétien doit cultiver la vertu d'espérance, mais cela ne l'empêche pas de constater que le monde d'aujourd'hui est, par suite de son immoralité, plongé dans le chaos :

Etrangers à tout pessimisme injustifié, qui s'oppose à l'espérance chrétienne, fils même, au contraire, de notre époque, libérés des nostalgies déraisonnables des temps passés, Nous ne pouvons toutefois ne pas remarquer la marée croissante de fautes privées et publiques qui tente de submerger les âmes dans la boue et de renverser toutes les saines organisations sociales.

Notre temps a même atteint le paroxysme de l'immoralité :

Comme chaque époque a son empreinte particulière qui marque ses oeuvres, ainsi la nôtre, dans sa culpabilité même, se distingue par des témoignages tels que les siècles passés n'en virent peut-être jamais de pareils réunis ensemble.

Le XXe siècle est marqué par un progrès évident dans l'accession de tous à la culture ; or, cela précisément aggrave le mal actuel, car c'est aujourd'hui en pleine connaissance que l'homme viole la loi :

Des notes qui stigmatisent cet état, la plus importante et la plus grave est le degré de connaissance qui rend inexcusable l'outrage à la loi divine. A ce degré de lumière et de vie intellec-

4 Cf. Cicer., De Legibus, 1. 2, c. 4.

tuelles, répandues comme elles ne l'avaient jamais été auparavant, dans les diverses classes sociales, ce dont s'enorgueillit la civilisation moderne ; dans le sentiment plus vif et jaloux de sa propre dignité personnelle et de la liberté intime de l'esprit, ce dont se glorifie la conscience d'aujourd'hui, on ne devrait plus avoir à retenir de place pour la possibilité ou la présomption d'ignorance des normes qui règlent les rapports des créatures entre elles et avec le Créateur, ni par conséquent, non plus, l'excuse qui en découlerait comme circonstance atténuante. Se propageant en une quasi-universalité de décadence morale, cette dernière a contaminé même des secteurs traditionnellement sains autrefois, tels que l'étaient les campagnes et la tendre enfance.

De plus, on utilise les ressources nouvelles acquises par les découvertes pour corrompre :

Une série de publications éhontées et criminelles préparent pour les vices et les délits les moyens les plus infâmes de séduction et d'égarement. Voilant l'ignominie et la laideur du mal sous le clinquant de l'esthétique, de l'art, de la grâce éphémère et trompeuse, du faux courage ; ou bien satisfaisant sans retenue l'avidité de sensations violentes et de nouvelles expériences de débauche ; l'exaltation de l'inconduite en est arrivée jusqu'à se produire ouvertement en public et à s'introduire dans le rythme de la vie économique et sociale du peuple, transformant en objet de fructueuse industrie les plaies les plus douloureuses, les faiblesses les plus misérables de l'humanité.

On tente de prouver, par de nouveaux systèmes, que la morale traditionnelle est dépassée :

Parfois, on ose même chercher une justification théorique aux plus basses manifestations de cette déchéance morale, en se réclamant d'un humanisme de mauvais aloi ou d'un sentiment de compassion qui excuse la faute pour tromper et dévoyer plus facilement les âmes.

Faux humanisme et compassion antichrétienne, qui finissent par bouleverser la hiérarchie des valeurs morales et par atténuer à un tel point le sentiment du péché qu'ils le présentent comme une expansion normale des facultés de l'homme et presque comme un enrichissement de la propre personnalité.

C'est un crime de lèse-société que de donner asile au crime sous prétexte de sentiment humanitaire ou de tolérance civile, de faiblesse humaine naturelle, en laissant tout aller ou, pire, en s'employant à exciter sciemment les passions, à écarter tout frein exigé par un respect élémentaire de la moralité publique ou de la bienséance publique, à présenter sous les aspects les plus séduisants la rupture du lien conjugal, la rébellion aux autorités publiques, le suicide ou la suppression de la vie d'autrui.

Le Pape reconnaît que nos contemporains sont plus sollicités qu'en d'autres temps à se laisser entraîner au mal ; néanmoins, ils jouissent de tous les secours naturels et surnaturels pour résister :

Sans aucun doute, Nous reconnaissons d'un coeur plein de tendre compassion la fragilité de la nature humaine, particulièrement dans les conditions historiques présentes ; Nous reconnaissons que la misère, l'abandon, la promiscuité de personnes habitant dans de sombres taudis sont une des graves causes de l'immoralité ; mais l'homme possède toujours une volonté libre et maîtresse de ses actes, et il peut toujours obtenir l'aide surnaturelle de la grâce que Dieu ne refuse jamais à celui qui l'invoque avec confiance.

Pie XII décrit l'emprise du péché sur le monde actuel :

Et maintenant, si votre vue et votre esprit le supportent, mesurez, avec l'humilité de celui qui doit peut-être s'en reconnaître en partie responsable, le nombre, la gravité, la fréquence des péchés dans le monde. OEuvre propre de l'homme, le péché infecte la terre et souille comme une tache immonde l'oeuvre de Dieu. Pensez aux innombrables fautes privées et publiques, dissimulées et évidentes ; aux péchés contre Dieu et son Eglise ; contre soi-même dans l'âme et dans le corps ; contre le prochain, particulièrement contre les créatures les plus humbles et sans défense ; aux péchés enfin contre la famille et la société humaine. Certains sont tellement inouïs et effarants qu'il a fallu de nouveaux mots pour les désigner. Pesez leur gravité : la gravité de ceux commis par simple légèreté et de ceux sciemment prémédités et froidement perpétrés, de ceux qui ruinent une seule vie ou qui, au contraire, se multiplient en chaînes d'iniquités jusqu'à marquer d'infamies des siècles entiers.

En face de ce flot de malice et de méchanceté, il faut — par la foi — voir l'amour infini de Dieu :

A la lumière pénétrante de la foi, confrontez cet immense amas de bassesses et de vilenies avec l'éclatante sainteté de Dieu, avec la noblesse de la fin pour laquelle l'homme a été créé, avec les idéaux chrétiens pour lesquels le Rédempteur a souffert et est mort ; et puis, dites si la justice divine peut encore tolérer une telle déformation de son image et de ses desseins, un tel abus de ses dons, un tel mépris de sa volonté, et surtout une telle dérision pour le sang innocent de son Fils.

Un tel contraste entre ce monde de péché et la sainteté de Dieu exige que les chrétiens, par la pénitence, tentent de réparer le mal et de rapprocher le monde de Dieu :

Vicaire de Jésus-Christ qui a versé son sang jusqu'à la dernière goutte pour réconcilier les hommes avec le Père Céleste, Chef visible de cette Eglise qui est son Corps mystique pour le salut et la sanctification des âmes, Nous vous exhortons à des sentiments et à des actes de pénitence, afin que s'accomplisse par vous et par tous Nos fils et filles dispersés dans le monde entier le premier pas vers une effective réhabilitation morale de l'humanité. Avec toute l'ardeur de Notre coeur paternel, Nous vous demandons le sincère regret de vos fautes passées, la véritable détestation du péché, le ferme propos de vous corriger. Nous vous conjurons de vous assurer le pardon divin moyennant le sacrement de la confession et le testament d'amour de notre divin Rédempteur ; Nous vous supplions enfin d'alléger le poids des peines temporelles dues pour vos fautes, au moyen des multiples oeuvres de satisfaction : prières, aumônes, jeûnes, mortifications dont l'Année Sainte vous offre une facile et opportune invitation. Par ce chemin, l'âme retourne dans les bras du Père Céleste, renaît à la grâce sanctifiante, se rétablit dans l'ordre et dans l'amour, se réconcilie avec la justice divine ; c'est le grand retour de l'humanité rebelle aux lois de Dieu et de l'Eglise, que Nous avons souhaité avec une attente pleine de confiance et d'espérance et dont Nous voulons hâter l'avènement par Nos désirs, par les gémissements de Notre coeur, par Nos prières, par Nos sacrifices, par une large dispensation de l'inépuisable trésor spirituel de l'Eglise, confié à Nos soins.

C'est d'ailleurs dans cet esprit et ces pratiques de pénitence qu'on trouvera la vraie joie :

Ne craignez pas pour la joie sereine de votre vie, comme si l'appel à la pénitence devait étendre un voile de sombre tristesse. Le renoncement à soi en est si éloigné qu'au contraire, il est la condition indispensable pour connaître la joie intime destinée par Dieu à ceux qui le servent ici-bas. Et Nous, rempli d'une anxieuse sollicitude dont brûle Notre coeur pour votre amendement, Nous n'hésitons pas à vous exhorter avec l'Apôtre saint Paul : Soyez toujours joyeux dans le Seigneur. Gaudete in Domino semper ; iterum dico gaudete !5

Il faudra toujours prévoir dans le monde une somme importante de souffrance :

Dans cet esprit, Nous avons souvent élevé la voix en faveur de ceux qui sont indigents et opprimés par d'iniques conditions économiques, misérablement privés même des choses les plus nécessaires à la vie, et Nous avons souhaité et encouragé une justice plus effective. Mais dans la vision chrétienne d'une société où la richesse serait mieux distribuée, il y a toujours place cependant pour le renoncement, la privation, la souffrance, partage inévitable mais fécond ici-bas. Et la jouissance la plus intense que puisse goûter ou désirer un coeur humain sera et devra toujours être dépassée par l'espérance de la future et parfaite félicité : Spe gaudentes.6

Les régimes matérialistes qui prétendent écarter définitivement toute misère trompent le peuple :

Essayez, au contraire, la conception matérialiste du monde, selon laquelle on rêve d'un bien-être parfait, réalisé sur terre, comme but et fin adéquate de la vie, et vous verrez l'aspiration pour la justice devenir souvent un égoïsme aveugle et l'aisance obtenue une course vers l'hédonisme.

Or, c'est justement l'hédonisme, c'est-à-dire la recherche de toutes les jouissances terrestres, l'effort exaspéré pour conquérir ici-bas et à tout prix une entière félicité, la fuite de la souffrance

5 Phil., 4, 4. « Rom., 12, 12.

comme du dernier des malheurs, l'affranchissement de tout devoir pénible, c'est tout cela qui rend la vie triste et presque insupportable, parce qu'elle crée autour de l'esprit un vide mortel. Il n'y a pas d'autre cause à la multiplication actuelle des gestes insensés de rébellion contre la vie et son auteur, parce que dans une prétention antichrétienne, on veut en exclure toute sorte de souffrances.

La vie apporte nécessairement avec elle son lot de pénitences :

Savoir supporter la vie ! C'est la première pénitence de tout chrétien, la première condition et le premier moyen de sainteté et de sanctification. Avec cette résignation docile qui est le propre de celui qui croit en un Dieu juste et bon et en Jésus-Christ, maître et guide des coeurs, embrassez avec courage la croix quotidienne, souvent bien dure. En la portant avec Jésus, son poids devient léger.

Mais aujourd'hui, les chrétiens doivent encore faire pénitence pour effacer le mal commis par d'autres :

Mais les conditions singulièrement graves de l'heure présente incitent les chrétiens, comme déjà dans le passé, mais aujourd'hui surtout, à achever en eux ce qui manque à la passion du Christ non seulement par désir de réparer toujours mieux le mal et pour donner un signe plus certain et une preuve plus sûre de la sincérité de leur retour, mais aussi pour concourir au salut de tous les rachetés.

Pour une telle fin, que tous les chrétiens, pénitents et innocents, fraternisant dans l'intention et dans l'oeuvre d'une expiation de salut s'unissent au Pasteur suprême des âmes, leur unique Sauveur Jésus-Christ, l'Agneau du sacrifice, qui efface les péchés du monde. Il est là, sur nos autels, où II renouvelle à chaque heure le sacrifice du Golgotha. Avec lui et en vertu de sa grâce, que se mobilise en cette sainte journée l'armée des âmes qui expient dans l'immense Eglise de Dieu. Les souffrances acceptées avec une résignation chrétienne et volontaire ou librement et généreusement choisies, rendront un visage chrétien à l'huma-

7 Cf. Col., 1, 24.

nité déchue et seront dans les balances de la justice un contrepoids de salut pour les crimes des hommes.

Le Saint-Père termine par une supplication au Christ afin qu'il sauve le monde :

Oui, ô Jésus crucifié, qui avez divinisé la nature humaine en la prenant vous-même ; qui après avoir prêché la justice, la charité, la bonté, après avoir fait du riche et du puissant la force du pauvre et du faible, avec votre passion et votre mort donné la santé et le salut au genre humain, tournez votre regard plein d'amour vers ce peuple, qui, uni aux fidèles du monde entier, se prosterne à vos pieds dans un esprit de pénitence et invoque votre pardon, également pour tant de malheureux qui délibérément voudraient vous découronner et vous profaner dans l'orgueil mesquin de leur intelligence et la stérile volupté de leur chair. O Seigneur, sauvez-nous, pour que nous ne périssions point. Calmez les ondes dans l'abîme agité de notre esprit, soyez notre compagnon dans la vie et, dans la mort, notre juge miséricordieux. Que les flammes de nos châtiments mérités cèdent la place à une nouvelle et large effusion de votre miséricorde sur l'humanité rachetée. Eteignez les haines ; allumez l'amour ; dissipez du souffle puissant de votre esprit les pensées et les désirs de domination, de destruction et de guerres. Accordez le pain aux petits, un foyer aux sans-toit, le travail aux chômeurs, la concorde aux nations, la paix au monde, et à tous la récompense de la béatitude éternelle.


LETTRE A LA R. M. JEANNE DE L'INCARNATION SUPÉRIEURE GÉNÉRALE DES RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, A L'OCCASION DE L'INAUGURATION DE LEUR NOUVELLE MAISON ROMAINE

(3 avril 1950) 1

Le 18 avril, en présence de la Supérieure générale des Religieuses de Y Assomption, S. Exc. Mgr Traglia, vice-gérant général de Rome, a consacré l'église de la nouvelle maison romaine des Petites Soeurs de l'Assomption. A l'occasion du salut qui fut chanté dans la soirée par S. Em. le Cardinal Micara, celui-ci donna lecture de la lettre suivante :

Trop anciens et profonds sont les liens qui Nous attachent à la méritante Congrégation de l'Assomption -, pour que Nous n'éprouvions point un sentiment de paternelle fierté en considérant les progrès incessants qu'avec la grâce de Dieu réalise votre excellente famille religieuse, et notamment la glorieuse étape qu'accomplit votre chère Maison romaine, dont l'extension lui fait trouver un nouveau siège, digne d'elle et de ses nombreuses protégées et clientes, dans l'un des plus agréables sites de la Ville Eternelle. Mais le coeur de vos couvents et pensionnats, n'est-ce pas d'abord et surtout le temple, où réside l'Hôte du Tabernacle, en qui vous et vos enfants puisez les grâces de lumière, de force, d'amour, de sanctification et d'apostolat ?

Vous avez donc voulu à bon droit que la chapelle fût le joyau de votre nouvelle Maison et reçût dès le principe les

t D'après le texte français de VOsservatore Romano du 22 avril 1950. 2 Le Pape fait allusion au ministère du confessionnal qu'il exerça, dès le lendemain de son ordination, en la chapelle de l'Assomption du Corso d'Italia.

honneurs de la bénédiction liturgique. Est-il besoin de vous dire que Nous aimerons Nous rendre en esprit, par la prière et l'action de grâces, à cette touchante cérémonie du 18 avril prochain ? La liturgie, en ce temps béni des fêtes pascales, ne respire que joie, pureté et renouveau. Il Nous semblera donc voir le candide sillage des Religieuses de l'Assomption, avec leurs légions d'enfants, pénétrant à la suite de l'Agneau dans ce nouveau temple, aux lignes basilicales d'une Sainte Agnès hors-les-murs ou d'une Sainte Cécile du Transtévère, et ce Nous sera une joie de contempler cette paisible et lumineuse conquête du Divin Ressuscité, qui, pour être un événement surtout familial, n'en méritera cependant pas moins de compter parmi les grâces de l'Année Sainte. Comment n'évoquerions-Nous pas Nous-même, à cette occasion, tout un passé, déjà lointain certes, mais si présent à Notre mémoire, où se confondent presque l'essor romain de notre Institut et les prémices de Notre ministère sacerdotal ?

Que cette chapelle dédiée à Notre-Dame de l'Assomption, soit donc à la fois le gage de votre indéfectible et délicat attachement au Successeur de Pierre et de Notre très spéciale bienveillance à l'endroit d'une Maison qui Nous reste chère, et dont Nous ne saurions trop apprécier les singuliers mérites dans le champ sacré de la formation religieuse proprement dite et de l'éducation chrétienne de la jeunesse. Nous ne doutons pas non plus que votre vénérée Fondatrice, Mère Marie-Eugénie de Jésus, en qui l'amour de Rome et du Pape brilla d'un si vif éclat, ne pose avec une toute particulière complaisance son maternel regard protecteur sur cette nouvelle Maison et sur le Temple qui en est le principal ornement.

Et Nous voulons, Nous aussi, attirer les meilleures faveurs célestes sur votre Institut, et notamment sur son nouvel établissement romain, en envoyant de tout coeur, ainsi qu'à toutes les Religieuses, élèves, anciennes élèves, amis et bienfaiteurs de l'Assomption, avec Nos fervents souhaits d'heureuses et saintes Pâques, la Bénédiction apostolique 3.

3 Les Petites Soeurs de l'Assomption ont été fondées par le R. P. Etienne Pernet des

Augustins de l'Assomption (1824-1899) et la Mère Marie-Eugénie (1S24-1883). Elles furent fondées en 1865. On compte actuellement 120 maisons et près de 2.000 religieuses. La maison-mère est à Paris, 57, rue Violet (cf. Gaétan Bernoville, Le Père Pernet, fondateur des Petites Soeurs de l'Assomption, Ed. Grasset, Paris, 1946 ; Geneviève Duhamelet, Les Petites Soeurs de l'Assomption, Ed. Grasset, Paris, 1932).


HOMÉLIE PRONONCÉE LE JOUR DE PÂQUES

(9 avril 1950) 1

Le jour de la Résurrection, le Pape célébra en la Basilique de Saint-Pierre la Messe Pontificale, au cours de laquelle il prononça l'homélie suivante :

Nous apprêtant à commémorer et à vénérer aujourd'hui le divin Rédempteur qui ressuscite victorieux de la mort, les paroles pleines de sagesse de l'Apôtre des nations qui écrivait du Christ Nous viennent à l'esprit : « Il fut livré à la mort pour nos péchés et il ressuscita pour notre justification 2. » C'est lui, en effet, par ses souffrances librement acceptées et par son sang précieux versé jusqu'à la mort, qui a expié nos péchés et nous a rachetés de l'esclavage du démon, pour nous redonner à la liberté des enfants de Dieu.

Il est sorti triomphant du Sépulcre. Par ce fait, non seulement il a alimenté et fortifié la foi des apôtres et la nôtre, non seulement, il nous a invités à son exemple à monter au ciel en sa compagnie, mais il nous a révélé par l'éclat de son corps glorieux quelque chose du bonheur éternel à atteindre, mais il a répandu aussi la plénitude des charismes divins et confié à l'Eglise fondée par lui la tâche de nourrir de la grâce céleste et de conduire à la vie nouvelle tous les hommes qui obéissent de bon gré à tous ses commandements. A ce sujet, le Docteur Angélique observe avec une clarté pénétrante : « Du point de vue de l'efficacité, qui vient de la force de Dieu, aussi bien la Passion que la Résurrection du Christ sont causes de justification... Mais du point de vue de « l'exemplarité », la Passion et la mort du Christ sont causes du pardon de la faute et c'est par elles que

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 279.

2 Rom., 4, 25.

nous sommes morts au péché. La résurrection du Christ, elle, est cause de la vie nouvelle, qui nous vient par le moyen de la grâce, c'est-à-dire par le moyen de la justice 3. »

Dans les jours passés, et spécialement pendant la Semaine Sainte, nous avons tous rappelé d'une manière particulière les douleurs et les angoisses de Jésus-Christ et excité nos âmes d'une façon particulière à se purifier de leurs fautes et à détruire les péchés qui provoquèrent la divine Rédemption. Aujourd'hui, dans la lumière et dans la joie pascales, par la célébration même des divins mystères, nous sommes très suavement incités à une restauration et à un renouvellement de vie.

Nous sommes le Corps mystique de Jésus : là où est arrivée la gloire du Chef, là aussi est invitée à s'élever l'espérance du Corps. « Comme le Christ est ressuscité de la mort... ainsi vivons, nous aussi, d'une vie nouvelle 4. » Et comme « le Christ ressuscité de la mort ne meurt plus, la mort n'a plus sur lui d'empire 5 », ainsi devons-nous, attirés par son exemple et nourris de sa grâce, non seulement nous dépouiller « du vieil homme, corrompu par les convoitises trompeuses 6 » ; mais aussi « nous renouveler dans notre esprit et dans nos pensées pour revêtir l'homme nouveau créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables 7 ».

Ces merveilleuses maximes et exhortations de l'Apôtre des gentils semblent plus que jamais opportunes dans la solennité pascale de l'Année Sainte, quand les fidèles du monde entier — les trésors spirituels de l'Eglise leur étant ouverts — sont appelés non seulement à l'expiation de leurs propres péchés et à une forme plus parfaite de vie, mais à s'employer, chacun selon ses propres forces, à ce que tous les autres, après s'être purifiés de leurs fautes et dépouillés des erreurs et des préjugés, s'approchent avec un coeur bien disposé de Celui qui est la voie, la vérité, la vie 8.

Que tous sachent bien qu'il ne peut y avoir de tranquillité sereine pour les esprits ni pour les peuples, ni pour les nations,

3 Sum. Theol. III, q LVI, a. z ad quartum.

i Rom., 6, 4.

5 Ibid., 6, o.

« Eph., 4, 22.

' Ibid., 4, 24.

s Cf. loh., 14, 6.

sinon à condition que tout soit établi dans l'ordre qui naît des préceptes de l'Evangile et qui est confirmé et fortifié par la grâce divine.

Que tous réfléchissent à ce que le Christ a dit aux Apôtres : « Je vous laisse le paix, je vous donne ma paix ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne 9. » Nous savons par une triste expérience, combien de discordes, de meurtres et de guerres eurent pour cause le fait que les hommes abandonnèrent la route magistrale que le divin Rédempteur indiqua par la splendeur de sa lumière et consacra par son sang.

C'est à cette route qu'il faut revenir en privé et en public, et ne pas oublier que la paix stable ne pourra gouverner les Etats si elle n'inspire d'abord et ne guide l'esprit de chacun. Pour cela, il est nécessaire de les soumettre à la raison, et la raison à Dieu et à la loi divine. De ce point de vue, l'enseignement du grand orateur romain, bien qu'il soit païen, est excellent : « A ces perturbations que la sottise introduit dans la vie et excite comme des furies, nous devons résister de toutes nos forces et par tous les moyens, si nous voulons parcourir dans la tranquillité le peu de temps qui est concédé à notre vie 10. »

Mais la « guérison de ces maux ne réside que dans la vertu 11 ».

Que brille donc dans les esprits, que fleurisse dans la vie familiale, que triomphe au milieu de la société civile cette vertu chrétienne dont seule il est permis d'espérer le renouvellement des moeurs et la restauration juste et ordonnée du bien-être des nations, qui sont dans les désirs de tous.

Le Christ, comme vous le savez, ne se limite pas, à la manière des sages de ce monde, à enseigner la vertu, mais pour nous engager à la conquérir laborieusement, il nous instruit par son exemple, stimule notre volonté et la fortifie par sa grâce céleste. En outre, il nous attire et nous stimule en nous indiquant le but et la récompense que constitue le bonheur éternel.

Si tous se décidaient à le suivre, ils auraient part à l'intime sérénité qui est la perfection de la joie 12, même s'ils devaient

9 Toh., 14, 27-

10 Cicéron, Tusc. III, c. II.

11 Ibid. IV, c. XV.

12 Cf. Sum. Theol, I-II, q LXX, a. 3.

subir des peines, des persécutions et l'injustice humaine ; en fait, il leur arriverait ce qui est déjà arrivé en d'autres temps aux apôtres qui « s'en allèrent joyeux de devant le Sanhédrin, heureux d'avoir été jugés dignes de subir des souffrances pour le nom de Jésus 13 ».

De plus, si tous jouissaient réellement de cette vraie paix intime qui se base sur la loi divine et trouve son aliment éternel dans la grâce divine, alors, une fois éteintes les haines, calmées les passions, distribuées les richesses selon un critère plus équitable de justice et de charité, pourrait finalement avec une certitude infaillible et une assurance sereine se lever pour les classes sociales, les peuples et les nations, ce que saint Augustin a appelé « la concorde organisée » u.

Telle est la fervente prière que Nous adressons au divin Rédempteur dont Nous célébrons aujourd'hui le triomphe sur la mort, tandis que Nous ne cessons de répéter à Vous, Vénérables Frères et Fils Bien-aimés, les inoubliables paroles de l'Apôtre, plus que jamais adaptées à la célébration d'aujourd'hui : « Soyez dans la joie, rendez-vous parfaits, consolez-vous, ayez un même sentiment, soyez en paix, et le Dieu d'amour et de paix sera avec vous l5. »

13 Act., 5, 4i.

n De Civitate Dei, 1. XIX, c. XIII. 15 II. Cor., 13, 2.


DISCOURS AUX UNIVERSITAIRES FRANÇAIS

(10 avril 1950) 1

Plus de 3.000 étudiants de France, conduits par un groupe important de professeurs d'Université, furent reçus en audience par Pie Xli, qui profita de la circonstance pour prononcer le discours suivant :

« Les multiples et pressants devoirs inhérents au déroulement de l'Année Sainte Nous obligent à mesurer soigneusement l'emploi de Notre temps, pour ne Nous refuser à personne, et souvent ils ne Nous laissent, à Notre vif regret, d'autre ressource que de joindre ensemble des groupes divers dans une audience collective. Parfois, cependant, le regret est compensé par d'heureux avantages, et c'est bien le cas aujourd'hui, où Nous avons le plaisir de voir en vous comme une large et imposante synthèse de toute l'activité éducative et scientifique de France : enseignement officiel, enseignement libre, enseignement à tous les degrés, depuis les plus modestes écoles populaires jusqu'aux facultés des grandes Universités, étudiants faisant affectueusement couronne à leurs maîtres.

Le Pape fait l'éloge de la science française :

A vous Notre premier salut, professeurs et étudiants des Universités de France. Depuis les jours lointains du moyen âge, où la renommée de l'Université de Paris, « Père des sciences » i franchissait les frontières, la rendait fameuse au delà des Alpes, jusqu'au temps présent, l'histoire du développement et du progrès

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 395.

2 L'Université de Paris, succédant à l'Ecole episcopale de Notre-Dame, reçut son statut du Saint-Siège en 1215 et elle prend sa physionomie propre en 1222 (cf. Augustin Fliche, Christine Thouzellier et Yvonne Azais, La Chrétienté romaine, p. 349, dans le tome X de l'Histoire de l'Eglise, Ed. Bloud, 1950).

des Instituts universitaires de votre patrie offre le vivant miroir d'un ample et profond mouvement de transformation, aujourd'hui encore en plein cours. Que l'on juge comme on voudra les étapes successives de votre évolution, ses lumières et ses ombres, ses effets bienfaisants ou sujets à caution, un fait est certain : nulle part au monde, la puissante impulsion, les vraies valeurs et les découvertes géniales que la vie des Universités et la science française ont fournies au patrimoine culturel commun de l'Europe et de l'humanité, ne sauraient être appréciées autant qu'ici, au centre et au coeur de la chrétienté, ici où les lettres de fondation de vos plus vénérables Universités furent écrites, scellées et dotées de riches privilèges par Nos Prédécesseurs sur la Chaire de Saint Pierre.

La science doit toujours respecter la vérité divine :

Dans votre présence personnelle ici même, dans le magnifique hommage de trois cent cinquante ouvrages de savants et hommes de lettres, Nous voyons l'affirmation, — honorable pour vous, pour Nous, intimement consolante — du multiple et indissoluble accord de votre poursuite du savoir humain et du progrès scientifique avec le profond respect pour la vérité divine, dont l'enseignement, la défense, la conservation, l'interprétation sont confiés à l'Eglise du Christ.

S'il y a parfois conflit entre la science et la foi, celui-ci n'est qu'apparent et des investigations ultérieures montrent qu'il existe un accord réel entre les deux domaines :

C'est que, entre les résultats certains des investigations scientifiques et les données de la foi, il n'y a et il ne peut y avoir aucune opposition irréductible. Quant aux divergences éventuelles, il faut les mettre au compte d'erreurs auxquelles facilement sont sujets les jugements humains, mais jamais elles ne sont attribuables à un contraste objectif et inconciliable entre la science et la foi.

L'ennemie de la science est non la foi, mais l'incrédulité.

Non, Messieurs, de la part de la foi, les droits de la raison et le progrès du savoir n'ont aucune menace à redouter. Leur ennemi, ce n'est pas Dieu ; ce sont tous ceux qui, d'une façon

8 ou d'une autre, ont renié ou écarté Dieu, pour mettre à sa place une idole. Et qui oserait nier que notre temps glisse dangereusement sur la pente qui mène au culte de fausses divinités, dont le service est incompatible avec la liberté morale et la dignité du savant ?

Il faut, grâce aux études, acquérir un ascendant intellectuel qui permette d'orienter la vie du monde :

Votre présence ici affirme en même temps votre conscience de l'héritage spirituel que la Rome chrétienne a transmis au monde entier. Retournez dans votre belle patrie avec cette conviction enracinée au fond de vos esprits et de vos coeurs. Demeurez-y fidèles dans vos chaires, comme sur le terrain de vos recherches. Qu'elle passe comme un fluide communicatif de votre âme à celle de votre jeunesse universitaire, tout attentive à recueillir votre enseignement. Maîtres et disciples, soyez les uns et les autres, la noble élite, l'avant-garde intellectuelle de la France, d'une France vers laquelle l'Europe, l'humanité, la chrétienté puissent fixer les yeux avec une nouvelle espérance, une confiance toujours grandissante.

Ceux qui se vouent à l'enseignement dans des institutions catholiques ont une tâche très noble :

Un second salut, et non moins cordial, à vous, représentants ici réunis, de l'enseignement catholique en France, à vous, directeurs, maîtres et élèves.

Ouvrir, dilater, éclairer, orner progressivement l'esprit de l'enfant et de l'adolescent qui s'éveille à la vie ; guider la jeunesse curieuse, ardente, saintement ambitieuse de découvrir la vérité, empressée à en cueillir les fruits sur toutes les branches du savoir ! Est-il une tâche plus belle, plus étendue, plus variée dans sa merveilleuse unité ? Car enfin, à tous les âges, dans tous les domaines de l'étude, une seule chose est en vue : l'acquisition, la possession de la lumière toujours plus pleine, toujours plus pure, pour l'aimer et pour la goûter, pour la défendre et pour la propager, pour la donner à tous, à chacun selon sa capacité, pour en multiplier et répandre partout les bienfaits.

Nous vous félicitons donc, vous, maîtres de l'enseignement catholique, dont la mission est bien lourde, dont la tâche semblerait parfois ingrate, si vous n'y étiez soutenus par votre idéal. Autrement, sans idéal, sans l'idéal le plus haut, qui donc aurait le courage, qui donc aurait le droit de sacrifier — en apparence — les recherches et les créations d'une vie intellectuelle qu'il sent en lui riche et exubérante, les conquêtes brillantes d'une vie apostolique qui frémit en lui, avide de se dépenser au service de l'Eglise et des âmes, les joies d'une vie de famille durant les heures peut-être très courtes de loisir au foyer souvent très modeste, mais assuré du lendemain ? Qui aurait le courage, qui aurait le droit de sacrifier tout cela pour se consacrer sans répit et sans réserve à instruire les enfants des autres, à l'âge étourdi où le profit et le progrès n'apparaissent guère, ou ne commencent à se laisser deviner qu'au moment de passer à la classe suivante ? Et de chacun l'on se demande : Quis putas, puer iste erit 13 (Que sera donc cet enfant) ? Si fréquentes sont les déceptions, si nombreux et si amers les déchets ! Mais, grâces à Dieu, tandis que votre poitrine s'épuise à parler, vos yeux à déchiffrer et corriger les devoirs, votre cceur monte vers Dieu, vers le Christ, à qui vous voulez donner ces enfants qu'il vous a confiés. Bon nombre vous devront, même s'ils vous oublient, la vigueur et la clarté de leur vie chrétienne, et la plupart des défaillants sentiront, à l'heure dernière, se réveiller les convictions et les sentiments de leur enfance. Le poète païen l'avait dit : Quo semel est imbuta recens, servabit odorem testa diu *. Mais comme cela est bien plus vrai de la jeunesse chrétienne !

Avec l'espoir et la confiance que, par la grâce de l'Esprit-Saint, sous la protection de la Reine Immaculée, Trône de la Sagesse, vous vous transformerez chaque jour de plus en plus en « lampes brillantes et ardentes » 5. Nous vous donnons à tous, à vos familles, à vos collègues, à vos disciples, Notre Bénédiction apostolique.

Luc,  I, 66.

Horat., Epist., 1, 2, 69. Cf. Joh., 5, 35.

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 437, traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVII, c. 577.

2 A. A. S., XXXX, pp. 399-402.

S Cf. Documents Pontificaux 194S, p. 336. On trouvera un commentaire de la Constitution Apostolique du 27 septembre 1948 dans P. Emvin Busutill S. T., Commentarium in Constitutionem Apostolicam Bis Saeculari, édité en 1949 par le Secrétariat central des Congrégations mariales, 5, Borgo S. Spirito à Rome.


Pie XII 1950 - DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DU CONCILE INTERDISANT LE COMMERCE AUX CLERCS ET AUX RELIGIEUX