Pie XII 1950 - LE MESSAGE AU CONGRÈS DE LA JEUNESSE OUVRIÈRE CHRÉTIENNE DE BRUXELLES


ALLOCUTION AUX ARTISTES CATHOLIQUES

(5 septembre 1950) 1

Pour la première fois, les artistes catholiques se réunirent en Congrès h Rome, en septembre ig$o. Lors d'une audience que le Pape leur accorda, à Castel Gandolfo, l'allocution suivante fut prononcée :

Pie Xli félicite les congressistes de s'être réunis :

C'est une opportune et utile initiative que vous avez prise, très chers fils, en suscitant et organisant parmi vous le premier Congrès international des artistes catholiques, dont Nous sommes heureux de saluer ici les distingués représentants.

Le Pape désire préciser le rôle pacifique que l'art peut jouer :

On a déjà tant parlé de l'art, sujet inépuisable ! Votre présente démarche Nous invite à mettre en relief — très brièvement — la part de l'art dans l'oeuvre de la Paix.

Pax Romana I

La Paix n'est pas nécessairement acquise par des contacts matériels :

Les agitations d'un monde ébranlé dans son fondement, les mésintelligences des esprits, les oppositions des intérêts, les ombrages d'un particularisme hypersensible, ont, malgré la multiplication des contacts et des rapprochements matériels, accentué les isolements, élargi et approfondi les distances morales. L'excès même du mal a mis petit à petit en plus vive lumière la nécessité d'unir dans une communauté d'action toutes les forces dispersées des nations et des peuples désireux de la paix.

1 D'après le texte français de l'Ossercafore Romano du 6 septembre 1950.

Ce n'est pas d'aujourd'hui ni d'hier que datent partout les efforts persévérants et habiles en vue de se ménager l'alliance ou la coopération des autres pays. Les événements actuels en ont souligné, non pas la vanité et l'inutilité, mais bien l'insuffisance et l'instabilité.

Mais les réunions de spécialistes, voués à une même tâche, peuvent se montrer très efficaces pour rapprocher les esprits :

Alors, on s'est mis avec une louable ardeur à promouvoir, en dépit des difficultés de toutes sortes, des unions internationales d'ordre politique, économique, social. Bien vite, on a constaté qu'il était encore besoin de quelque chose de plus intime, de plus humain, et l'union — tout au moins des unions partielles — ont commencé à se former sur le terrain technique, scientifique, culturel.

Dans cet ordre intellectuel, l'union des artistes catholiques qui célèbre actuellement son premier Congrès, tient une place des plus estimables.

Le Souverain Pontife souligne le rôle que l'art est capable de jouer, en vue de faciliter la compréhension mutuelle entre les peuples :

Cela va de soi, étant donné d'abord que l'art est, à certains égards, l'expression la plus vivante, la plus synthétique de la pensée . et du sentiment humain, la plus largement intelligible aussi, puisque, parlant directement aux sens, l'art ne connaît pas la diversité des langues, mais seulement la diversité extrêmement suggestive des tempéraments et des mentalités. De plus, par sa finesse, sa délicatesse, l'art, auditif ou visuel, pénètre dans l'intelligence et la sensibilité de l'auditeur à des profondeurs où la parole, soit écrite, soit parlée, avec sa précision analytique, insuffisamment nuancée, ne saurait atteindre.

Pour ces deux raisons, l'art aide les hommes, nonobstant toutes les différences de caractère, d'éducation, de civilisation, à se connaître, à se comprendre, du moins à se deviner mutuellement et, par suite, à mettre en commun leurs ressources respectives en vue de se compléter les uns par les autres.

Pour remplir ce rôle :

1°  l'oeuvre d'art doit être compréhensible par elle-même :

Une première condition s'impose pour que l'art puisse produire un si désirable résultat : à avoir sa valeur expressive, faute de laquelle il cesse d'être un art véritable. La remarque n'est pas superflue aujourd'hui où trop souvent, en certaines écoles, l'oeuvre d'art ne suffit pas par elle-même à traduire la pensée, à extérioriser les sentiments, à révéler l'âme de son auteur. Mais dès lors qu'elle a besoin d'être expliquée en langage verbal, elle perd sa valeur de signe pour ne servir à procurer aux sens qu'une jouissance physique, qui ne dépasse pas leur niveau, ou à l'esprit celle d'un jeu vain.

2°  l'oeuvre doit être édifiante ; elle doit élever l'âme :

Autre condition pour que l'art accomplisse avec dignité et fruit sa glorieuse mission d'entente, de concorde, de paix, c'est que, par lui, les sens, loin d'appesantir l'âme et de la clouer au sol, lui servent d'ailes au contraire, pour s'élever, des petitesses et des mesquineries passagères, vers l'éternel, vers le vrai, vers le beau, vers le seul vrai bien, vers le seul centre où se fait l'union, où se réalise l'unité, vers Dieu. N'est-ce pas ici que s'applique à la lettre le splendide manifeste de l'Apôtre : Invisibilia enim ipsius a creatura mundi per ea quse facta sunt, intellecta conspiciuntur, sempertina quoque eius virtus et divinitas 2.

L'art doit être au service de l'homme pour l'entraîner plus haut :

C'est pourquoi toutes les maximes qui font déchoir l'art de son rôle sublime, le profanent et le stérilisent. « L'art pour l'art » : comme s'il pouvait être à lui-même sa propre fin, condamné à se mouvoir, à se traîner au ras des choses sensibles et matérielles ; comme si par l'art, les sens de l'homme n'obéissaient à une vocation plus haute que celle de la simple appréhension de la nature matérielle, la vocation d'éveiller dans l'esprit et dans l'âme de l'homme, grâce à la transparence de cette nature, le désir des « choses que l'oeil n'a point vues, que

8 Depuis la création du monde, les choses invisibles se découvrent aux yeux de l'intelligence par les oeuvres créées, tant la puissance éternelle de Dieu, que sa divinité (Rm 1, io).

l'oreille n'a point entendues et qui ne sont pas montées jusqu'à son coeur J. »

L'art véritable ne peut être que moralisateur :

D'un art immoral, qui fait profession d'abaisser et asservir aux passions charnelles les puissances spirituelles de l'âme, Nous ne dirons rien ici. Du reste, « art » et « immoral » : ce sont là deux mots en criante contradiction, et votre programme ignore leur jonction.

Le Pape félicite les artistes de leurs travaux et de leurs projets :

Soyez donc félicités, Messieurs, d'avoir compris la tâche qui vous incombe, et d'avoir voulu, en face d'une « culture sans espérance », considérer l'art comme « source d'une espérance nouvelle ». Faites donc sourire sur la terre, sur l'humanité, le reflet de la beauté et de la lumière divines, et vous aurez, en aidant l'homme à aimer « tout ce qu'il y a de vrai, de pur, de juste, de saint, d'aimable », contribué grandement à l'oeuvre de la paix, et Deus pacis erit vobiscum 4. Que la Vierge immaculée, miroir de la justice et de la splendeur de Dieu, Reine de la Paix et qu'on peut bien appeler Reine des arts, vous inspire et vous assiste ; qu'elle fasse descendre sur vous, dont elle est l'idéal amoureusement contemplé, les grâces de son Fils, en gage desquelles Nous vous donnons, à vous, à tout le groupe des artistes catholiques, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique s.

S Cor., 2. p.

4 Et le Dieu de la paix sera avec vous (Ph 4,8-0).

5 On lira aussi : Discours aux artistes chrétiens, 26 août 1945.


ALLOCUTION AU CORPS ENSEIGNANT

(6 septembre 1950)1

Au cours de l'audience générale du mercredi 6 septembre, le Pape s'adressa en particulier aux Professeurs et Instituteurs catholiques d'Italie réunis à Rome au nombre de 3.000 :

Soyez les bienvenus, chers fils et filles ; Nous vous saluons avec la même joie, avec la même affection avec lesquelles Nous vous avons accueillis aux audiences passées 2.

Un nouveau motif de satisfaction Nous est offert cette fois par les magnifiques développements et progrès de votre association qui, depuis 1946, a triplé le nombre de ses adhérents, méritant ainsi aujourd'hui, d'une façon encore plus grande, les éloges que Nous vous adressions alors. Vous faites preuve en réalité d'un zèle et d'une activité inlassables, non seulement à l'école même, mais encore dans toute une série d'ceuvres des plus efficaces, telles que l'école populaire, les chaires ambulantes de culture populaire, auxquelles vous donnez une évidente empreinte chrétienne et catholique.

Le thème fondamental de votre Congrès actuel met bien en lumière le rôle de l'enseignement comme éducateur du peuple ; rôle dont la nature essentielle peut se résumer ainsi : éducation des enfants confiés à vos soins de manière à en faire des chrétiens craignant Dieu et vivant intensément leur foi ; alors se formera, comme de lui-même, un peuple constitué d'hommes

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano du 8 septembre 1950.

2 Allocution au corps enseignant, 4 novembre 1945.

Discours aux instituteurs catholiques italiens, 8 septembre 1946.

Lettre au président de l'Association italienne des instituteurs catholiques, 7 juin 1949 (cf. Documents Pontificaux 1949, p. 215).

Allocution aux membres de l'Union catholique italienne des profesesurs de l'enseignement secondaire, 4 septembre 1949 (cf. Documents Pontificaux 1949, p. 358).

« dont chacun, à sa propre place, et à sa manière personnelle est une personne consciente de ses responsabilités »

Le jeune homme normal, nous voulons dire l'écolier moyen a rarement besoin d'une éducation individuelle particulièrement adaptée. Regardez la plante jeune et saine qui, dans le pré ou sur la montagne, absorbe d'elle-même du terrain et de l'air, en vertu de son principe vital, les éléments dont elle a besoin pour son développement. Ce n'est point d'une façon diverse que l'enfant, l'adolescent, prend de tout ce qui l'entoure, dans la famille, dans l'église, dans l'école ; de tout ce qu'il voit, entend, lit, expérimente, avec un don prodigieux d'observation et de réceptivité, les éléments avec lesquels il forme son caractère, son tempérament, ses inclinations personnelles.

Chers fils et filles ! Avez-vous bien considéré quel champ d'action enviable vous est attribué, le magnifique ministère dont vous êtes investis quand, pendant cinq ans, huit ans, en intime contact avec les mêmes jeunes gens, vous leur transmettez en une large mesure de précieuses et utiles connaissances ; quand, en même temps, presque sans vous en rendre compte, vous leur donnez l'exemple d'une vie chrétienne, toute tournée vers Dieu et solidement enracinée dans la foi ?

Une institution comme l'école agit à la manière d'une force de la nature, lentement et d'une façon presque imperceptible, mais constamment et avec un résultat sûr, pour le bien ou pour le mal, — chez vous, pour le bien.

Aussi, Nous vous bénissons, vous et votre sainte activité ; Nous bénissons votre lutte contre la « conjuration des mauvaises moeurs » ; Nous en suivons jour après jour les heureux développements ; Nous la soutenons avec Notre incessante prière.

En témoignage de Notre confiance, en gage de l'amour et de la grâce de l'Ami divin des enfants, Nous vous donnons, à vous et à vos élèves, ainsi qu'à tous ceux qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

3 Cf. Radiomessage de Noël 1944.


ALLOCUTION AUX INFIRMIÈRES

(6 septembre 1950) 1

Lors de l'audience générale accordée aux pèlerins dans la Basilique de Saint-Pierre, le Saint-Père eut une adresse spéciale pour les infirmières et assistantes sociales venues de trente nations différentes :

Votre ministère d'insigne charité corporelle et spirituelle, très chères filles, est particulièrement digne de Notre dilection.

Il est d'une inappréciable valeur, en ces temps surtout, où trompé, séduit plus ou moins inconsciemment par un matérialisme, parfois ouvertement affiché, plus souvent habilement déguisé, le monde marche à travers la vie d'ici-bas, les yeux et le coeur fixés à terre, sans un regard en haut, sans idéal et sans joie. Béni soit votre dévouement, qui dans les corps affaiblis par la maladie, défigurés par les plaies, paralysés par l'infirmité, voit le temple vivant de l'Esprit-Saint ; qui dans les coeurs mornes et découragés fait briller la douce espérance de la guérison, s'il plaît à Dieu, ou l'espérance, plus douce encore, de la prochaine délivrance et de la vie éternellement bienheureuse. A vous donc, à tous ceux qui sont l'objet de votre aimante sollicitude, Nous donnons avec toute l'affection de Notre Coeur paternel la Bénédiction apostolique.

1 D'après le texte de VOsservatore Romano du 8 septembre 1950.


LETTRE DE MONSEIGNEUR MONTINI SUBSTITUT A LA SECRETAIRERIE D'ÉTAT A S. E. LE CARDINAL ADÉODAT-JEAN PIAZZA A L'OCCASION DES JOURNÉES D'ÉTUDE

SUR LA CHARITÉ ,

(7 septembre 1950) 1 \

La Commission Pontificale d'Assistance avait organisé à Rome, du 13 au iq septembre, un Congrès international d'études sur la charité. La lettre suivante fut adressée par la Secrétairerie d'Etat à Son Em. le Cardinal Piazza, préfet de la Sacrée Congrégation Consistoriale.        . ;,

Parmi les heureux événements de la présente Année Sainte, si consolants pour l'âme du Souverain Pontife, accablée de soucis et inquiétudes si considérables, tient une place remarquable le Congrès International, qui doit se tenir prochainement à Rome, au cours duquel seront discutés sous votre patronage les problèmes les plus graves et les plus urgents, se rapportant à la charité évangélique et aux voies et moyens innombrables, par lesquels elle doit subvenir aux besoins actuels de la communauté humaine.

Le Très Saint-Père, examinant avec soin la liste des questions à traiter offerte avec empressement, a immédiatement remarqué et l'à-propos du choix des matières à explorer et l'abondance de science et d'expérience dont étaient doués les maîtres-appelés à les traiter. C'est pourquoi II conçoit déjà le joyeux espoir que le prochain Congrès produira la moisson de fruits surnaturels qui réponde pleinement à l'importance et aux efforts de l'entreprise.

Et certes — comme le savent bien les futurs congressistes — l'objet proposé à approfondir de nouveau au Congrès est « le lien de la fraternité, le fondement de la paix, la force pour atteindre à l'unité et la solidité de cette unité 2 ». Cet objet doit être aujourd'hui surtout désiré, cultivé, défendu avec le plus grand soin, puisque bien des hommes sont agités par tant de déchirements, de luttes et de haines.

Que les futurs participants au prochain Congrès continuent à travailler ensemble avec zèle, conjuguant leurs forces réunies et la main dans la main, afin d'écarter ces maux et de soulager les préjudices considérables de ces misères, conséquences douloureuses des ravages de la guerre, au moyen des inventions variées de la charité chrétienne, en union avec tous ceux qui les aident en ce travail et avec les chrétiens généreux.

Entre-temps, Sa Sainteté invoque pour eux de la libéralité de Dieu des fruits abondants, en même temps qu'Elle accorde de grand coeur à chacun des membres présents au Congrès, et d'abord à vous, la Bénédiction apostolique 3.

2 S. Cyprien, De bono patientiae, 256, 15.

3 En conclusion du Congrès, les voeux suivants furent formulés : 10 que l'esprit de charité devienne de plus en plus efficace ; 2 o que la charité reste la devise de toute activité d'assistance ; 30 qUe la charité soit une impulsion vers la justice sociale ; 40 que les organisations charitables adaptent leur structure technique aux nécessités ; 5 o que les organisations dépassent les frontières territoriales.


LETTRE PROCLAMANT SAINTE FRANÇOISE-XAVIER CABRINI

PATRONNE DES ÉMIGRANTS '

(8 septembre 1950) 1

Nous savons que déjà précédemment, mais surtout à notre époque grandement troublée et malheureuse, un très grand nombre d'hommes cherchant à fuir l'acharnement et les embûches d'ennemis injustes, s'arrachent à leurs foyers an-cestraux pour émigrer par delà les mers. Et si parfois ils parviennent de cette manière à améliorer leur condition, ils sont, hélas ! souvent exposés à un assez grave péril spirituel ; bien plus, quelques-uns, perdant leur héritage de Foi, oublient entièrement les saints principes de leurs ancêtres. Mais il fut une femme, lumière brillante de vertu et d'honneur, Françoise-Xavier Cabrini, qui consacra une épuisante activité à soulager les émigrants dans leur corps et dans leur âme2. Elle établit en de nombreux endroits d'Amérique Septentrionale, Centrale et Australe des crèches pour les enfants des expatriés, elle ouvrit pour eux des écoles, fonda des internats pour orphelins mineurs. Mêlée à toute cette humanité qui avait établi sa demeure à l'étranger, elle visitait souvent ceux qui étaient accablés dans leur santé, consolait les détenus, disposait par des paroles persuasives les condamnés à mort à expier leurs

1 D'après le texte latin des A.A. S., XXXXII, 1950, p. 455.

2 Marie-Françoise-Xavier Cabrini est née en Italie, dans le diocèse de Lodi, le 15 juillet 1850. Après avoir été institutrice et garde-malade, elle fonda, en 1880, l'Institut des Soeurs missionnaires du Sacré-Coeur qui groupe actuellement 3.500 religieuses ; dès 1889 Léon XIII l'appelait « la mère des émigrants italiens aux Etats-Unis ». En effet, elle traversa vingt-sept fois l'Atlantique. Elle mourut le 22 décembre 1917 à Chicago. Sa cause fut introduite en 1931 et Pie XI la béatifia le 13 novembre 1938 ; elle fut canonisée le 7 juillet 1946.

crimes et à subir le supplice avec des sentiments chrétiens. Se risquant plusieurs fois en mer, elle contint par ses prières des tempêtes furieuses et releva et affermit alors le courage des émigrants ; elle-même supporta avec douceur et foi les difficultés parfois graves qui barraient sa route. Cette noble enfant de l'Eglise fut de la sorte pendant sa vie et est après sa mort, dans le ruissellement de la gloire des saints, le secours de ces malheureux, par cette charité qui, selon les termes de saint Augustin, « s'abaisse vers les uns, se dresse devant les autres, caressante aux uns, sévère aux autres, ennemie de personne, mère pour tous » 3. C'est donc à bon droit que sainte Françoise-Xavier Cabrini a reçu le nom de « Mère des Emigrants » et qu'elle est ordinairement invoquée sous ce puissant vocable. Aussi l'Institut des Religieuses Missionnaires du Sacré-Coeur, fondé par elle et tous les émigrants, par l'intermédiaire de Nos Vénérables Frères les Archevêques et Evêques des Etats-Unis d'Amérique du Nord et du Canada, Nous ont supplié de daigner proclamer sainte Françoise-Xavier Cabrini céleste Patronne auprès de Dieu de tous les émigrants. Quant à Nous, persuadé qu'il est très important de veiller au salut de ceux qui quittent leur pays pour s'établir sous d'autres cieux, Nous avons décidé de répondre de grand coeur à de telles demandes. C'est pourquoi, de l'avis de la Sacrée Congrégation des Rites, après avoir pesé attentivement toute l'importance de la décision, de Notre pleine connaissance et mûre délibération et de la plénitude de Notre pouvoir apostolique, Nous constituons et déclarons en vertu de la présente lettre et à perpétuité sainte Françoise-Xavier Cabrini, Vierge, Patronne céleste auprès de Dieu de tous les émigrants, avec tous les honneurs et privilèges liturgiques qui appartiennent régulièrement aux Patrons principaux des groupements. Nonobstant toutes dispositions contraires. Nous le proclamons et en décidons ainsi, décrétant que la présente lettre demeure et subsiste toujours ferme, valide et efficace, sorte et obtienne ses effets pleins et entiers, qu'elle donne très pleinement ses faveurs à ceux qu'elle concerne ou pourra concerner ; qu'il doit en être ainsi exactement jugé et déterminé, qu'est nulle dès maintenant et devient sans valeur toute décision contraire qui serait attentée en cette matière, par qui que ce soit et de quelque autorité, sciemment ou par ignorance.

cateth, ruâ., XV.


ALLOCUTION AUX PÈLERINS IRLANDAIS

(8 septembre 1950)1

Ce jour, dans la Salle des Suisses à Castel-Gandolfo, le Pape recevait des membres des Associations irlandaises des Chevaliers de Saint-Colomban et de la Légion de Marie.

Le Pape commença par adresser à l'assistance quelques mots en langue gaélique :

Que Dieu et Marie vous bénissent2, fils très chers de l'Irlande, et qu'ils fassent que vous gardiez toujours en vos coeurs l'amour de la Sainte Eglise romaine 3.

S'adressant d'abord aux Chevaliers de Saint-Colomb an, le Saint-Père. déclara :

Chevaliers de Saint-Colomban 4. Comme ce nom de Colom-ban résonne clairement tout au long de quatorze siècles, ainsi qu'un écho des cloches de Bangor, qui envoya cette figure héroïque d'érudit et d'apôtre sur son chemin pour préparer les voies à la civilisation chrétienne dans une Europe à demi-barbare. La France, l'Allemagne et l'Italie devaient voir la science et la culture chrétiennes s'éveiller à une nouvelle vie dans de nombreux lieux, grâce à l'éloquence prenante de ce saint moine irlandais 5.

r D'après le texte anglais de VOsservatore Romano du 10 septembre 1950.

2 Ces paroles constituent le salut que les Irlandais  échangent entre  eux.

3 Ces derniers mots reproduisent le souhait formulé par saint Patrick dans sa Confessio.

t Les chevaliers de Saint-Colomban (Knights of St. Coîumbanus) constituent une association d'hommes réunie en vue de promouvoir les principes catholiques dans la vie publique.

5 S. Colomban, moine irlandais, vint en Gaule vers 575 et fonda l'abbaye de Luxeuili et d'autres monastères dans les environs. Il vint mourir, en 615, à Bobbio en Italie, où il avait jeté les bases  d'un nouveau monastère.

Saint Colomban ne vint jamais à Rome, mais Rome était venue à lui, comme pour tout véritable Irlandais, et réclamait la fidélité de son esprit et de son coeur. Bien plus, quand la barque de Pierre se trouvait assaillie par la tempête croissante de l'hérésie, et que les flots s'abattaient sur le plat-bord, ce fut la voix hardie, courageuse et combattive de Colomban qui s'éleva au milieu de la tempête, — et il s'ensuivit alors un grand calme et la paix 6.

Aussi combien est-il profondément juste que, dans la basilique historique, coeur de la foi qu'il aimait et qu'il prêchait, près de l'emplacement de la tombe de saint Pierre, la mémoire de votre et Notre saint Colomban soit vénérée 1. La chapelle qui porte son nom demeurera comme un digne monument de votre munificence, Messieurs les Chevaliers, et Nous sommes heureux que Nous soit offerte cette occasion de Vous remercier ; mais au monde qui viendra prier là, elle dira l'histoire d'un peuple qui, après un laps de quatorze siècles, peut encore répéter les fières paroles que saint Colomban écrivit avec déférence au Pape Boniface IV : « Nous qui vivons sur la marge du monde, nous sommes tous disciples de Pierre et de Paul. Telle que nous l'avons reçue de vous, successeur des Apôtres, nous avons conservé la foi catholique intacte et sans tache » 8.

Tandis qu'aux Membres de la Légion de Marie, le Pape disait :

Vous vivez cette foi sous la direction d'une hiérarchie dévouée. Elle est l'inspiration de l'oeuvre splendide accomplie par la Légion de Marie, dont Nous saluons ici les délégations avec Nos profondes félicitations et Nos encouragements 9.

6 A la suite d'une condamnation prononcée par le Pape Vigile (vers 550) contre les erreurs contenues dans les oeuvres de Théodore, Ibas et Théodoret, la chrétienté se divisa ; certains disaient que le Pape s'arrogeait des pouvoirs qu'il n'avait pas, tandis que d'autres s'inclinaient devant la décision pontificale. Par son attitude prise en face du Pape Boni-face IV en 613, saint Colomban ramena la paix dans l'Eglise.

7 Les chevaliers de Saint-Colomban ont fait don d'un autel dédié au célèbre moine et qui est placé dans la crypte de la basilique de Saint-Pierre.

8 Cf. S. Columbam Abb. Ep. V ad Bonifacium IV, Migne P. L., vol. 80, col. 275.

9 La Légion de Marie a été fondée à Dublin le 7 septembre 1921 dans le but de grouper des apôtres se dévouant à visiter les malades pauvres. Bientôt le mouvement devait s'étendre aux autres pays anglo-saxons et au delà, jusque dans les territoires d'Extrême-Orient. De même le but de l'oeuvre s'élargissait pour englober toutes les oeuvres de piété, de charité et d'apostolat.

Le centre de l'oeuvre est situé à Dublin, De Montfort House, North Brunswick Street.

Enfin aux syndicalistes irlandais, le Souverain Pontife parla dans les termes suivants :

Et comme les Trade-Unions irlandais 10 s'efforcent d'appliquer les principes de cette foi dans le domaine important et vital des problèmes sociaux, et qu'ils les acceptent comme bases dans leurs délibérations et dans l'élaboration de leurs contrats, Nous sommes particulièrement heureux de souhaiter aussi la bienvenue à leurs distingués dirigeants. Que les Lettres Encycliques de Nos prédécesseurs et Nos propres adresses et messages leur indiquent le sentier qui conduit à la paix entre le travail et le patronat : une paix fondée sur la justice et la charité et une collaboration fraternelle.

En conclusion, le Pape félicite tous ces groupements d'apostolat :

Dites à vos Légionnaires, dites aux membres de vos Trade-Unions combien le Saint-Père est profondément intéressé au succès de leurs activités pour le plus grand bien de l'Irlande et la gloire de son Dieu. A eux et à tous ceux que vous chérissez, chez vous, dans la chère Irlande et au-delà des mers, Nous donnons la Bénédiction apostolique. Recevez-la comme un gage des plus hautes bénédictions du Ciel, comme un témoignage de Notre affection paternelle sans bornes.

10 Les Irish Trade-Unions (syndicats ouvriers irlandais) ont été créés en 1945 ; jusqu'alors les ouvriers irlandais étaient affiliés aux Trade-Unions britanniques.


ALLOCUTION AUX MEMBRES DE LA CONFÉRENCE DU CENTRE EUROPÉEN DU TABAC

(14 septembre 1950) 1

La cinquième conférence Internationale du Centre Européen du Tabac ayant lieu à Rome, les membres furent reçus en audience par le Pape à Castel-Gandolfo, qui déclara :

Vous avez tenu, Messieurs, à venir, vous aussi — appliqués à l'étude des problèmes concernant la culture, l'industrie et le commerce du tabac — Nous présenter votre hommage à l'occasion de votre Congrès européen. Certains s'étonneront de Nous voir accéder à votre désir, estimant que l'Eglise n'a rien à voir en cette matière. Admettons-le, non sans réserve ; il reste que vous représentez une activité, dans le développement de laquelle tous, des plus humbles aux plus haut placés, sont unis entre eux par le lien de la profession.

Le Souverain Pontife loue les professions où la collaboration s'établit entre tous les agents :

Il n'en faudrait pas davantage pour mériter Notre intérêt. Combien plus facilement se résoudraient les problèmes sociaux si chacun des collaborateurs d'une même industrie, d'une même profession, s'y adonnait de tout coeur, en pleine conscience, dans l'amour du travail bien fait ! Si, entre eux tous, régnait la chaude cordialité d'une seconde famille ; si le plus jeune apprenti, comme le plus haut chef, sentait au coeur la saine fierté d'être plus qu'un salarié, un coopérateur vivant, utile, apprécié de toute la société ?

Concernant le problème particulier du tabac, l'Eglise a le droit d'intervenir en deux domaines :

Tout en concédant que l'Eglise n'a pas d'autorité directe dans la question du tabac, Nous avons fait allusion à quelque réserve. Avions-nous donc en vue un aspect particulier, où elle aurait son mot à dire, un aspect d'ordre moral, évidemment ? Précisément, il est double.

Il faut, en conscience, lors de la manipulation du tabac, éliminer, autant que possible, les éléments toxiques :

En premier lieu, il vous regarde : les intoxications et autres accidents, qui trop souvent affectent la santé générale ou les organes des fumeurs, doivent être réduits au minimum, et c'est pour tous ceux qui ont part à la manipulation, un devoir de conscience ; il faut donc que chacun dans sa sphère apporte à sa tâche toute la compétence et tous les soins désirables. Ne voit-on pas les Etats se préoccuper de ce point, lorsqu'en certains pays ils réservent aux premiers lauréats de Polytechnique les postes d'ingénieurs des tabacs ? Vous avez trop le souci de votre devoir pour que Nous y insistions devant vous.

Chacun doit user du tabac avec modération et en tenant compte de nombreux facteurs qui doivent entrer en jeu, afin de faire de cet usage un acte sainement moral.

Nous parlions d'un autre aspect moral de la question du tabac où la sollicitude de l'Eglise a lieu de se montrer. Celui-ci est d'une portée générale : Nous voulons dire le devoir commun à tous de veiller à régler l'usage du tabac de telle manière, qu'il s'accorde avec la santé physique et morale, avec les possibilités économiques, avec les obligations sociales des individus et des peuples.

Le Pape, pour terminer, bénit les présents :

Votre demande d'être reçus en cette Audience spéciale est une preuve que telle est aussi votre pensée, et c'est pourquoi, bien volontiers, Nous vous donnons à tous, à ceux qui vous sont chers, avec toute l'effusion de Notre coeur, la Bénédiction apostolique.


LETTRE A SON EM. LE CARDINAL GRIFFIN LÉGAT PONTIFICAL, POUR LA CÉLÉBRATION DU PREMIER CENTENAIRE DU RÉTABLISSEMENT DE LA HIÉRARCHIE CATHOLIQUE EN ANGLETERRE

(16 septembre 1950) 1

L'année actuelle commémore le centenaire de l'heureux rétablissement de la hiérarchie catholique en Angleterre et dans le pays de Galles : souhaité depuis déjà longtemps, il fut effectué par Notre Prédécesseur d'immortelle mémoire Pie IX, par Lettre Apostolique 2. Si vous tenez beaucoup à cette célébration, il ne Nous plaît certes pas moins de repasser dans notre esprit les effets bons, heureux, salutaires qui ont été conséquence de cet événement. Nous voulons dire une plus grande estime chez vous pour le nom Catholique, l'érection de nombreux temples entièrement neufs et la restauration d'autres dans leur ancienne gloire, l'ouverture par vous en de nombreux lieux d'établissements d'enseignement littéraire et d'instituts d'éducation et leur fréquentation par une jeunesse toujours plus nombreuse, l'accroissement en nombre et en vertu des ministres de l'autel, la vigueur enfin toujours accrue des bataillons de fidèles et leur union chaque jour plus étroite à leurs Pasteurs.

Tout cela prouve lumineusement avec quel bonheur le Cardinal Jean-Henri Newman, lumière et gloire exceptionnelle de votre nation, comparait l'époque qui suivrait le rétablissement de la hiérarchie catholique à une vraie renaissance.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 806.

2 Lettre Apostolique Universalis Ecclesia; du 24 septembre 1850.

Mais les résultats obtenus depuis un siècle par l'ardeur de vos prédécesseurs et la vôtre, doivent vous être volonté d'en atteindre, avec l'aide de Dieu, de toujours plus profonds.

Il faut en effet que vous qui vous glorifiez à bon droit de compter parmi les enfants de la Sainte Eglise et de contribuer très grandement au bien commun de l'Etat, vous l'emportiez sur tous, pour ces motifs, par l'éclat des vertus chrétiennes. Et il faut particulièrement adresser vos supplications à l'Eternelle Divinité pour l'accroissement toujours plus grand de l'Eglise catholique dans votre pays.

Que vos très nombreux compatriotes — de « l'île nourricière de Saints », comme elle a été justement appelée — qui ont dès les temps reculés confessé et défendu très brillamment la foi et l'unité catholique, soient vos modèles et vos animateurs, et que ceux des vôtres qui jouissent déjà de la récompense de leurs travaux dans le séjour du bonheur céleste, vous prêtent leur particulière assistance et réclament de Dieu, pour vous, les secours surnaturels, surtout en cette heureuse circonstance.

Quant à Nous, qui aimons d'une particulière affection paternelle toute la nation anglaise, Nous répétons avec une ardente confiance la divine supplication de Jésus-Christ : « Père Saint, garde-les en ton nom, ceux que Tu m'as donnés, pour qu'ils soient un comme Nous... Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité... Or, Je ne prie pas seulement pour ceux-ci, mais aussi pour ceux qui croiront en Moi à cause de leur parole, afin que tous soient un...3 »

Entre-temps, pour une plus grande splendeur des solennités du centenaire, Nous vous choisissons et nommons, Notre cher Fils, notre Légat a latere, pour présider en Notre nom les réunions qui se tiendront et les cérémonies sacrées et les rendre plus éclatantes par la majesté de la pourpre romaine.

En gage des grâces du Ciel et en témoignage de Notre bienveillance, Nous vous accordons très affectueusement dans le Seigneur la Bénédiction apostolique, à vous, Notre Cher Fils, et aux autres Evêques d'Angleterre et du pays de Galles, ainsi qu'au clergé et au peuple qui vous sont confiés 4.

3 Jean, 17, 11, 17, 20, 21.

4 On trouvera des détails sur ce centenaire dans le Radiomessage au Congrès du ier octobre 1950, p. 446.


Pie XII 1950 - LE MESSAGE AU CONGRÈS DE LA JEUNESSE OUVRIÈRE CHRÉTIENNE DE BRUXELLES