Pie XII 1950 - EXHORTATION « MENTI NOSTR/E AU CLERGÉ DU MONDE   .


LA SAINTETÉ DE VIE

La charité résume toute la perfection :

Selon l'enseignement du divin Maître, la periection de la vie chrétienne consiste avant tout dans la charité envers Dieu et le prochain 21, charité qui doit être ardente, empressée, active.

D'une charité de cette sorte, on peut dire vraiment qu'elle renferme toutes les vertus 22 et qu'elle est à juste titre, le « lien de la perfection » 23.

Ainsi tout homme, quel que soit son état de vie, doit diriger vers cette fin ses intentions et ses actes.

La perfection, c'est encore imiter le Christ :

Toutefois, à cette obligation, le prêtre est tenu d'une façon spéciale. Toute son activité sacerdotale, de par sa nature même

19 Pont. Rom. de ord. vresbyt.

20 Col. III. 3.

21 Matth., 22, 37-39.

22 I. Cor., 13, 4-7.

23 Col.   III,   14.

— c'est en effet pour cela que le prêtre a été appelé par Dieu comme dispensateur des mystères sacrés et marqué du sceau divin pour une oeuvre divine, — doit tendre à ceci : donner sa collaboration au Christ, Prêtre unique et éternel. D'où nécessité pour lui de suivre et d'imiter Celui qui, pendant sa vie terrestre, n'eut d'autre but que de montrer son ardent amour envers le Père et de livrer aux hommes les trésors infinis de son coeur.

Le prêtre doit dès lors suivre les enseignements du Sauveur :

Avant tout, l'âme du prêtre doit être animée du désir de s'unir intimement au divin Rédempteur afin d'accepter docilement et dans toute leur intégrité les préceptes de la doctrine chrétienne et de les appliquer généreusement dans toutes les circonstances de sa vie et que celle-ci reflète comme l'éclat de sa foi.

La foi du prêtre sera pour lui une invitation à être toujours plus parfait :

Se dirigeant à la lumière de cette vertu, il tiendra son regard fixé sur le Christ, il suivra de très près ses enseignements, ses actions et ses exemples, profondément convaincu qu'il ne doit pas se contenter d'accomplir les devoirs auxquels sont astreints les simples fidèles, mais qu'il doit tendre chaque jour plus vivement à cette perfection de vie exigée par la haute dignité sacerdotale, selon l'avertissement de l'Eglise : « Les clercs doivent mener une vie intérieure et extérieure plus sainte que les laïcs et être pour eux un bel exemple par leurs vertus et leur bonne conduite 24. »

En toutes choses, le prêtre commencera toujours par regarder le Christ pour l'imiter :

Parce qu'elle dérive du Christ, la vie sacerdotale doit totalement et toujours être dirigée vers Lui. Le Christ est le Verbe de Dieu qui ne dédaigna pas de prendre la nature humaine, qui vécut notre vie sur terre pour accomplir la volonté du Père éternel, qui répandit autour de lui le parfum du lis, qui vécut la pauvreté et « passa en faisant le bien et en guérissant toutes

** C.  1. C. can. 1Z4.

sortes d'infirmités 25 », et enfin s'offrit en victime pour le salut de ses frères.

Vous avez ainsi devant les yeux, chers fils, la synthèse de cette admirable vie : efforcez-vous de la reproduire en vous, vous souvenant de cette exhortation : « Je vous ai donné l'exemple afin que, comme je l'ai fait, vous fassiez vous aussi26. »

En méditant la vie du Christ, on trouvera l'exemple de l'humilité :

L'édifice de la perfection chrétienne commence par l'humilité : « Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur 21. »

Considérant la sublime dignité à laquelle nous avons été appelés par le Baptême et l'Ordre, et gardant conscience de notre misère spirituelle, ne cessons de méditer la divine sentence de Jésus-Christ : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire 28. »

Que le prêtre ne se fie pas à ses propres forces, qu'il ne se complaise pas sans mesure dans ses talents, qu'il ne recherche pas l'estime et la louange des hommes, qu'il n'ambitionne pas des postes élevés, mais qu'il imite le Christ venu sur terre « non pour être servi, mais pour servir2*». Qu'il se renonce lui-même selon l'enseignement de l'Evangile 30 ; qu'il ne s'attache pas trop aux choses terrestres afin de suivre plus facilement et plus promptement le divin Maître. Tout ce qu'il a, tout ce qu'il est, provient de la bonté et de la puissance divines. S'il veut donc se glorifier, qu'il se rappelle les paroles de l'Apôtre : « Quant à moi, je ne me glorifierai de rien, sinon de mes faiblesses 31. »

De même le prêtre, comme le Christ, sera obéissant :

Cet esprit d'humilité, illuminé par la foi, dispose l'âme à l'immolation de la volonté par l'obéissance exigée. Le Christ lui

25 Act., 10, 10 ; 38. 2« Jean, 3, 15.

27 Matth., 11, 29.

28 Jean XV, 5.

29 Matth., 20, 28.

30 Matth., 16, 24.

31 Cor., 12, 5.

même, dans la société qu'il a fondée, a établi une autorité légitime qui continue et perpétue la sienne. Partant, en obéissant aux supérieurs ecclésiastiques, c'est au divin Rédempteur lui-même qu'on obéit.

A une époque comme la nôtre, où le principe d'autorité est imprudemment ébranlé, il est absolument nécessaire que le prêtre, tout en restant fermement attaché aux préceptes de la foi, considère et accepte l'autorité non seulement comme le rempart de la religion et de la société, mais encore comme le fondement de sa sanctification personnelle. Tandis que les ennemis de Dieu, déployant une criminelle habileté, s'efforcent de flatter et d'exciter les désirs déréglés de certains pour les amener à se dresser contre les ordres de notre Mère la sainte Eglise, Nous désirons louer dignement et encourager paternellement cette nombreuse armée de ministres de Dieu qui, pour témoigner ouvertement leur chrétienne obéissance et conserver intacte leur propre fidélité au Christ et à l'autorité légitime établie par Lui, « ont été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus 32 », et non seulement des opprobres, mais les persécutions, les cachots et même la mort.

Dans l'Eglise latine, le célibat est imposé aux prêtres :

Le prêtre a comme champ d'activité propre tout ce qui se rapporte à la vie surnaturelle, puisqu'il pourvoit à l'accroissement de cette même vie et qu'il la communique à tout le Corps mystique du Christ. C'est pourquoi il doit renoncer à « tout ce qui est du monde » S3. Et c'est précisément parce qu'il doit être libre de tous soucis profanes et se consacrer totalement au service de Dieu, que l'Eglise a établi la loi du célibat, afin qu'il soit toujours plus manifeste à tous que le prêtre est ministre de Dieu et père des âmes.

Par cette obligation du célibat, bien loin de perdre entièrement le privilège de la paternité, le prêtre l'accroît à l'infini, car la postérité qu'il ne suscite pas à cette vie terrestre et passagère, il l'engendre à la vie céleste et éternelle.

Plus resplendit la chasteté du prêtre, plus celui-ci devient par son union avec le Christ « hostie pure, hostie sainte, hostie immaculée 34 ».

32 Act.,  V.  41.

»3 I. Cor., 7, 32-33. 34 Miss. rom. Can.

Le sacerdoce implique un état eminent de chasteté : WÈ

Pour garder dans toute son intégrité comme un trésor inestimable la pureté sacerdotale, il est nécessaire de s'en tenir fidèlement à cette exhortation du Prince des Apôtres que nous récitons chaque jour à l'Office divin : « Soyez sobres et veillez 35 ».

Oui, veillez, chers fils, puisque votre chasteté est exposée à de nombreux dangers, tant à cause de la corruption des moeurs que des sollicitations du vice si fréquentes et si perfides, et de cette excessive liberté qui s'introduit toujours plus dans les rapports entre les deux sexes et qui essaye parfois d'envahir l'exercice même du saint ministère.

« Veillez et priez36 » ; en vous souvenant que vos mains touchent les choses les plus saintes, que vous êtes consacrés à Dieu et que vous devez le servir Lui seul. L'habit même que vous portez vous avertit que vous ne devez pas vivre pour le monde, mais pour Dieu. Efforcez-vous donc avec générosité, confiants dans la protection de la Vierge Mère de Dieu, de rester chaque jour « sans souillure et sans tache, purs et chastes, comme il convient aux ministres du Christ et aux dispensateurs des mystères de Dieu 37 ».

C'esf pourquoi, dans ses rapports avec les jeunes filles et les femmes, le prêtre se montrera très réservé :

A ce propos, Nous croyons bon de vous engager spécialement à vous conduire comme il sied à des prêtres dans la direction des associations et des confréries féminines ; évitez toute familiarité ; s'il est nécessaire que vous apportiez votre collaboration, faites-le comme des ministres sacrés. Et dans la direction de ces associations, que votre participation se limite à ce qui est requis par votre ministère sacerdotal.

Il faut aussi cultiver l'esprit de pauvreté :

Mais ce n'est pas assez de renoncer aux voluptés charnelles par la chasteté, ni de soumettre spontanément votre volonté

35 I. Petr., 5, 8.

30 Marc, 14, 3S.

37 Pontif, romain, ordination des diacres.

aux supérieurs par l'obéissance, vous devez encore tenir votre coeur chaque jour plus éloigné des richesses et des biens terrestres. Nous vous exhortons vivement, chers frères, à ne pas vous prendre d'affection immodérée pour les choses de cette terre, essentiellement transitoires et périssables. Suivez l'exemple admirable des grands saints d'hier et d'aujourd'hui qui, unissant un juste détachement des biens matériels et une très grande confiance dans la Providence, à un zèle sacerdotal dévorant, ont accompli des oeuvres merveilleuses, n'ayant compté que sur Dieu qui ne refuse jamais les secours nécessaires.

Même les prêtres qui ne font pas profession de pauvreté par un voeu spécial doivent se laisser guider par l'amour de cette vertu, amour qu'ils doivent prouver par la simplicité et la modestie de leur genre de vie, l'absence de luxe dans leur demeure et par leur générosité envers les pauvres.

Qu'ils s'abstiennent surtout de se lancer dans des entreprises économiques susceptibles de les éloigner de leur saint ministère et de diminuer l'estime que les fidèles leur doivent. Ayant l'obligation de se consacrer de toutes ses forces au salut des âmes, le prêtre doit pouvoir toujours s'appliquer la parole de saint Paul : « Ce ne sont pas vos biens que je cherche, mais vous-mêmes 3S. »

le prêtre doit pratiquer toutes les vertus à un degré supérieur :

Nous aurions encore bien des choses à dire qui Nous viennent à l'esprit, s'il fallait détailler toutes les vertus par lesquelles le prêtre doit reproduire en lui-même, le plus fidèlement possible, le Modèle divin, qui est Jésus-Christ. Nous avons préféré ne souligner à votre attention que les vertus qui Nous semblent les plus nécessaires à notre époque. Pour ce qui est des autres, qu'il suffise de votis rappeler les paroles d'or de l'Imitation du Christ : « Le prêtre doit être orné de toutes les vertus et donner aux autres l'exemple d'une vie pure. Ses moeurs ne doivent pas ressembler à celles du peuple ; il doit vivre comme les anges dans le ciel ou comme les hommes parfaits sur la terre 39. »

II. Cor., 12, 14.

De Imitatione Christi, 4, 5, 13 et 14.

Cette vie de sainteté n'est praticable qu'avec l'aide de la grâce :

Personne n'ignore, chers fils, qu'il est impossible à un chrétien et particulièrement aux prêtres d'imiter dans la vie de chaque jour, les admirables exemples du divin Maître sans le secours de la grâce et sans l'utilisation de ces instruments de la grâce qu'il a mis lui-même à notre disposition, utilisation d'autant plus indispensable qu'est plus élevé le degré de perfection que nous devons atteindre, et que plus grandes sont les difficultés dérivant de notre nature encline au mal.

Aussi jugeons-Nous opportun de passer à la considération d'autres vertus sublimes et consolantes qui font apparaître plus nettement encore toute l'élévation que doit avoir la sainteté sacerdotale et toute l'efficacité des secours accordés par Jésus-Christ pour que nous puissions accomplir en nous les desseins de la divine miséricorde.

C'esf d'abord en s'unissant au sacrifice du Christ que le prêtre pourra en retirer les fruits de salut :

De même que toute la vie du Sauveur fut ordonnée à son propre sacrifice, ainsi toute la vie du prêtre, qui doit reproduire en soi l'image du Christ, doit être avec lui, par lui et en lui un sacrifice agréable à Dieu.

En effet, le sacrifice que le divin Rédempteur offrit sur la croix, au Calvaire, ne fut pas seulement l'immolation de son Corps. Chef de l'humanité, il s'offrit Lui-même comme Victime d'expiation, et « en remettant son esprit entre les mains du Père, il se remet lui-même à Dieu comme homme pour lui confier tous les hommes 40 ».

La Sainte Messe constitue le moyen idéal pour s'unir au Christ :

La même chose se produit dans le sacrifice eucharistique qui est le renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix : le Christ s'offre lui-même au Père éternel pour sa gloire et pour notre salut. Lorsque, Prêtre et Hostie, il agit comme Chef de l'Eglise, il offre et immole non seulement lui-même, mais aussi tous les fidèles et, en un certain sens, tous les hommes 41.

40 S. Athanase, De Incarnatione, n. 12 ; Migne, P. G. XXVI, 1003 et seq.

41 S. Augustin, De Civ. Dei, I. X. VI ; Migne P. L. XLI, 284.

Si cela vaut pour tous les fidèles, cela vaut d'autant plus pour tous les prêtres qui sont les ministres du divin Rédempteur, surtout pour célébrer le sacrifice eucharistique. Lorsque, tenant la place du Christ, dans le sacrifice eucharistique, les prêtres consacrent le pain et le vin qui deviennent le Corps et le Sang du Christ, ils peuvent puiser à la source même de la vie surnaturelle les inépuisables trésors du salut et toutes les grâces dont ils ont besoin pour eux-mêmes et de plus pour l'accomplissement de leur mission.

Uni si étroitement aux divins mystères, le prêtre ne peut pas ne pas avoir faim et soif de justice 1,2 ; devant s'offrir et s'immoler lui-même avec le Christ, il ne peut pas ne pas sentir le besoin d'adapter sa vie à sa haute dignité et d'orienter toute sa conduite vers le sacrifice. Aussi bien ne se bornera-t-il pas à célébrer la sainte Messe, mais il la vivra intimement. Ainsi pourra-t-il y puiser la force surnaturelle qui le transformera complètement et le fera participer à la vie de sacrifice du divin Rédempteur.

C'est pourquoi le prêtre sera victime avec le Christ :

Saint Paul pose comme principe fondamental de la perfection chrétienne le précepte : « Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ 43. » S'il s'applique à tous les chrétiens, ce précepte vaut tout particulièrement pour les prêtres. Se revêtir du Christ, c'est non seulement régler sa pensée sur sa doctrine, mais aussi commencer une vie nouvelle qui, pour connaître les splendeurs du Thabor, devra se conformer d'abord aux souffrances et aux angoisses de notre Rédempteur au Calvaire. Cette exigence comporte un travail long et pénible qui transforme notre âme en l'état de victime pour qu'elle participe intimement au sacrifice du Christ. Ce travail ardu et assidu ne consiste pas en velléités, il ne se limite pas à des désirs et à des promesses ; il doit être un exercice de religion qui rapporte tout à la gloire de Dieu ; il doit être un exercice de pénitence qui refrène et dirige les mouvements de l'âme ; il doit être enfin une volonté d'effort et de lutte qui exploite toutes nos possibilités d'arriver à la perfection.

Le prêtre s'efforcera donc de reproduire dans son âme ce qui se produit sur l'autel du sacrifice. Comme Jésus-Christ s'immole

"2 Matth., 5, 6. « Rom., 13, 14.

44 S. Pierre Chrysologue, Serm. CVIIÏ, Migne P. L. 500, 501.

lui-même, ainsi son ministre doit s'immoler avec lui ; comme Jésus expie les péchés des hommes, ainsi le prêtre, suivant les voies ardues de l'ascèse chrétienne, doit arriver à sa propre purification et à celle des autres. C'est l'avertissement de saint Pierre Chrysologue : « Soyez le sacrifice et le prêtre de Dieu ; ne perdez pas ce que vous a donné l'autorité de Dieu. Revêtez la robe de la sainteté ; ceignez la ceinture de la chasteté ; que le Christ soit le voile de votre tête ; que la croix soit la défense de votre front ; mettez sur votre poitrine le sacrement de la science divine ; brûlez continuellement le parfum de la prière ; saisissez le glaive de l'Esprit ; faites de votre coeur un autel et offrez avec confiance votre corps en victime à Dieu... Offrez votre foi pour le châtiment de la perfidie ; immolez votre jeûne pour que cesse la voracité ; offrez en sacrifice la chasteté pour que meure la luxure ; élevez sur l'autel la piété pour que soit renversée l'impiété ; invitez la miséricorde pour que soit détruite l'avarice ; et pour que disparaisse la folie, il faut toujours immoler la sainteté : ainsi, libre de toute atteinte du péché, ton corps sera ton hostie 44. »

II faut mourir avec le Christ aux choses de la terre :

Nous voulons ici rappeler particulièrement aux prêtres ce que Nous avons proposé à la méditation de tous les fidèles dans l'Encyclique Mediator Dei : « Assurément le Christ est Prêtre pour nous, non pour lui, car II présente au Père éternel des prières et des sentiments religieux au nom du genre humain tout entier ; de même il est Victime, mais pour nous, puisqu'il se met lui-même à la place de l'homme coupable. Le mot de l'Apôtre : « Ayez en vous les sentiments qui étaient dans le Christ Jésus », demande donc de tous les chrétiens qu'ils reproduisent, autant qu'il est humainement possible, les sentiments dont était animé le divin Rédempteur lorsqu'il offrait le sacrifice de lui-même, c'est-à-dire qu'ils reproduisent son humble soumission d'esprit, qu'ils adorent, honorent, louent et remercient la souveraine majesté de Dieu. Il demande encore d'eux-mêmes qu'ils prennent en quelque sorte la condition de victime, qu'ils se soumettent complètement aux préceptes de l'Evangile, qu'ils s'adonnent spontanément et volontiers à la pénitence, et que chacun déteste et expie ses fautes. Il demande enfin que tous, avec le Christ, nous mourions mystiquement sur la croix, de manière à pouvoir faire nôtre la pensée de saint Paul : « Je suis crucifié avec le Christ45. »

Le sang du Christ nous inondera de ses grâces :

Prêtres et fils bien-aimés, nous avons dans nos mains un grand trésor, la perle la plus précieuse, à savoir les richesses inépuisables du Sang de Jésus-Christ ; puisons le plus largement dans ce trésor pour être, par le sacrifice total de nous-mêmes au Père avec Jésus-Christ, les vrais médiateurs de justice « en ce qui regarde le culte de Dieu46 », et pour mériter que nos prières soient agréées et obtiennent des grâces surabondantes pour toute l'Eglise et pour toutes les âmes. Lorsque nous serons intimement unis au Christ par son sacrifice et par le nôtre, et que nous unirons nos voix au choeur des habitants de la Jérusalem céleste, illi canentes iungimur almse Sionis aemuli47 ; alors seulement, revêtus de la force du Sauveur, nous pourrons descendre avec confiance des sommets de la sainteté où nous serons parvenus pour porter à tous les hommes la vie et la lumière surnaturelles de Dieu par le ministère sacerdotal.

De même, la récitation de l'Office divin est source de dons célestes :

La sainteté parfaite exige également une communication continuelle avec Dieu. Afin que ce contact intime que l'âme sacerdotale doit établir avec Dieu ne soit jamais interrompu dans la succession des jours et des heures, l'Eglise a imposé aux prêtres l'obligation de réciter les Heures canoniales ou l'Office divin. De cette façon, elle a fidèlement observé le précepte du divin Rédempteur disant : « Il faut toujours prier sans jamais se lasser 48 ». De fait, l'Eglise, de même qu'elle ne cesse jamais de prier, désire ardemment aussi que ses enfants n'arrêtent jamais leurs supplications ; elle répète l'exhortation de saint Paul : « Par lui (Jésus), offrons incessamment à Dieu une hostie de louange, c'est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son

« Gal., 2, io ; A. A. S., 39, 1947, 552, 553. 4» Hebr., 5, 1.

47 Brev. Rom., Hymn. Pro Dedic. Eccî. «8 Luc, 18, 1.

nom 49. » Aux prêtres, l'Eglise a confié cette charge particulière de consacrer à Dieu, d'une certaine manière, le cours du temps et tous les événements en priant également au nom du peuple.

En remplissant cette obligation de réciter l'Office, le prêtre continue à faire au cours des siècles ce que le Christ a fait, lui qui, « durant sa vie mortelle, multipliait prières et supplications... Offrant avec force cris et larmes, il a été exaucé pour sa piété 50 ». Cette prière est, à un titre particulier, la « voix du Christ » qui « prie pour nous comme notre Prêtre ; qui prie en nous comme notre Chef 51 ». Pareillement, l'Office divin est toujours la « voix de l'Eglise » qui exprime les voeux et les désirs de tous les fidèles qui, étant associés à la foi et à la prière du prêtre, louent Jésus-Christ et par lui rendent grâces au Père éternel et obtiennent de lui chaque jour et à chaque heure les secours nécessaires. C'est pourquoi se renouvelle chaque jour, d'une certaine manière, par les prêtres, ce que Moïse fit autrefois quand, au sommet de la montagne, levant les bras au ciel, il s'entretenait avec le Seigneur, lui demandant avec instance sa miséricorde en faveur de son peuple qui peinait douloureusement dans la vallée au-dessous de lui.

L'Office canonial est aussi un moyen souverainement efficace pour arriver à la sainteté. De fait, dans l'Office, il ne s'agit pas seulement de réciter des formules ou des cantiques composés d'après les règles de l'art ; il ne s'agit pas seulement de règles particulières ou de rubriques à observer ou uniquement de cérémonies extérieures du culte divin ; mais il s'agit principalement de l'élévation de notre esprit et de notre âme vers Dieu afin de nous unir aux esprits bienheureux louant éternellement le Seigneur 52. .»

Pie XII précise comment il faut prier durant la lecture du Bréviaire :

Méditez attentivement et régulièrement ces vérités fécondes que l'Esprit-Saint révèle par les sentences des Saintes Ecritures et que les écrits des Pères et des Docteurs commentent. Pendant que vos lèvres répètent les paroles divines qui ont été commu

49 Hebr., 13, 15.

50 Hebr., 5, 7.

51 S. Augustin, Enarr. in Psalm. LXXXV, n. I, Migne P. L., 37, 1081.

52 Cf. Lettre-encyclique Mediator Dei, A. A. S. XXXIX, 1947, p. 574.

niquées par l'Esprit-Saint qui les inspirait, efforcez-vous de ne rien perdre d'un tel trésor. Afin que votre âme fasse fidèlement écho à la voix de Dieu, éloignez avec soin et assidûment tout ce qui peut distraire votre esprit ; rassemblez vos pensées par le recueillement afin de pouvoir vous appliquer avec plus de facilité et de fruit à la contemplation des choses éternelles.

Dans Notre Encyclique Mediator Dei, Nous avons abondamment et suffisamment expliqué pourquoi l'Eglise, pendant le cours de l'année liturgique, rappelle à notre souvenir et présente devant nos yeux, dans un ordre bien choisi, tous les mystères de Jésus-Christ, nous fait célébrer les jours de fêtes de la Sainte Vierge Marie et des saints du ciel. Ces enseignements doctrinaux que Nous avons donnés à tous les chrétiens parce que très utiles à tous, doivent être — cela convient — médités spécialement par vous, qui, par le sacrifice eucharistique et par l'Office divin, comme on l'appelle, jouez le rôle principal dans le cours du cycle liturgique.

plus, les prêtres seront fidèles à leur méditation quotidienne :

Pour nous pousser chaque jour avec plus d'ardeur à atteindre la sainteté, l'Eglise nous recommande avec instance, outre la célébration de la messe et la récitation de l'Office divin, d'autres exercices de piété. Il Nous plaît d'en parler ici et de proposer quelques pensées à votre réflexion.

L'Eglise nous exhorte par-dessus tout à la méditation qui porte l'esprit vers les réalités surnaturelles, l'appelle à penser aux choses célestes, dirige tout droit vers Dieu notre âme qui le désire ardemment. Cette méditation des choses saintes nous prépare de la meilleure façon à célébrer le sacrifice eucharistique et à faire notre action de grâces après la messe ; en outre, elle nous dispose à comprendre et à goûter les suaves beautés de la liturgie. La méditation nous porte à contempler les vérités éternelles ainsi que les admirables exemples et préceptes de l'Evangile.

Or, il est tout à fait nécessaire que les prêtres imitent personnellement et avec le plus grand soin ces exemples évan-géliques et les vertus du divin Rédempteur. Mais de même que la nourriture corporelle n'alimente pas la vie du corps, ne la soutient pas, ne la développe pas si elle n'est digérée et transformée  et  convertie  en notre  propre  substance,  de  même le prêtre ne peut acquérir la maîtrise de soi et de ses sens, ni purifier son âme, ni tendre comme il le faut à la vertu, ni enfin remplir fidèlement, activement et avec fruit les devoirs du ministère sacré, sinon en méditant et en contemplant les mystères du divin Rédempteur, Modèle suprême et absolu de la perfection et source intarissable de sainteté, et en vivant sa vie.

Pour lutter contre les emprises du naturalisme, les prêtres doivent développer en eux de solides habitudes de prière :

Qu'on ne sépare pas de la méditation et contemplation des choses célestes les prières vocales : que ne fassent pas défaut les autres prières privées qui, dans la situation particulière à chacun, aideront efficacement à réaliser l'union de l'âme avec Dieu. On doit cependant faire attention à ceci : la piété et un véritable et ardent esprit de prière valent davantage que des prières multipliées. Cet ardent esprit de prière est, plus que jamais, particulièrement nécessaire de nos jours où le « naturalisme », comme on l'appelle, a envahi les esprits et les âmes des hommes et où la vertu est exposée à des dangers de tout genre, dangers qui se présentent parfois aussi à ceux qui exercent le ministère sacré. Qu'est-ce qui pourra mieux vous aider à vous prémunir contre ces embûches, qu'est-ce qui pourra mieux élever l'âme vers les choses célestes, vous imposer de vivre dans l'union avec Dieu que la prière assidue et la demande du secours divin ? ^;

Le Pape invite tous les prêtres à développer en eux la dévotion envers la Sainte Vierge : (¦¦

Mais comme les prêtres peuvent être appelés à un titre tout particulier les enfants de la Vierge Marie, ils ne pourront faire moins que de nourrir à son égard une très ardente dévotion, de l'invoquer avec confiance, d'implorer fréquemment sa protection tutélaire et puissante. Donc, chaque jour, comme l'Eglise le recommande 53, les prêtres s'appliqueront à réciter le rosaire de Marie, le chapelet ; cette récitation nous faisant méditer aussi les mystères du divin Rédempteur, nous sommes conduits à « Jésus par Marie ».

53 Cf. C. J. C, can. 125, 20.

jje même, il convient que chaque jour le prêtre fasse une visite au Saint-Sacrement :

Avant de terminer sa journée de travail, le prêtre se rendra au pied du tabernacle et il demeurera là au moins pendant quelque temps pour adorer Jésus dans le sacrement de son amour, pour réparer l'ingratitude de tant d'hommes envers ce sacrement, pour s'enflammer chaque jour davantage d'amour envers Dieu, et pour demeurer, d'une certaine manière, durant les heures de repos de la nuit — la nuit fait penser au silence de la mort — présent dans le Coeur de Jésus.

Il faut faire chaque jour son examen de conscience :

Que le prêtre n'omette pas de faire chaque jour son examen de conscience et de faire la censure de son âme et de sa conduite. Cet examen est sans aucun doute très efficace, soit pour se rendre compte de la marche de sa vie spirituelle durant la journée, soit pour écarter les obstacles qui empêchent ou retardent les progrès dans la vertu, soit enfin pour poursuivre avec plus d'ardeur toutes les choses qui rendent plus fructueux les travaux du ministère sacerdotal et pour implorer du Père céleste la miséricorde pour tant d'actes accomplis d'une manière répréhensible.

Il faut fréquemment avoir recours au sacrement de pénitence :

Cette miséricorde et ce pardon des péchés nous sont accordés d'une manière spéciale par le sacrement de Pénitence, chef-d'oeuvre de la bonté de Dieu, pour donner de la force à notre fragilité. Qu'il n'arrive jamais, chers fils, que le ministre de cette salutaire réconciliation s'abstienne lui-même de ce sacrement. L'Eglise a établi comme vous le savez, sur ce sujet, la prescription suivante : « Les Ordinaires des lieux veilleront à ce que tous les clercs lavent fréquemment dans le sacrement de Pénitence les souillures de leur conscience54. » Bien que ministres de Jésus-Christ, nous sommes cependant misérables : comment pourrons-nous donc monter à l'autel et célébrer les saints mystères si nous ne nous préoccupons pas de souvent expier et de nous purifier ? La confession fréquente « augmente la vraie

54 C. J. C, can. 125, 1 -'.

connaissance de soi, favorise l'humilité chrétienne, tend à déraciner les mauvaises habitudes, combat la négligence spirituelle et la tiédeur, purifie la conscience, fortifie la volonté, se prête à la direction spirituelle et par l'effet propre du sacrement augmente la grâce 55 ».

Il est recommandé de se confier à un directeur de conscience :

A ce sujet, il Nous semble opportun de vous faire, chers fils, une autre recommandation : en entrant dans la vie spirituelle et en y marchant, n'ayez pas une trop grande confiance en vous-mêmes, mais avec humilité et simplicité recevez le conseil et demandez l'aide à ceux qui, avec une sage discrétion, peuvent vous conduire, vous annoncer à l'avance les dangers qui vous menacent, vous indiquer de même les remèdes appropriés et dans toutes les difficultés intérieures et extérieures, vous conduire avec droiture et opportunité, et vous diriger vers une perfection chaque jour plus accomplie à laquelle vous invitent et vous appellent les exemples des saints et les enseignements autorisés des maîtres de l'ascèse chrétienne. En effet, sans ces directeurs prudents de conscience, il est très difficile de répondre comme on le doit aux impulsions de l'Esprit-Saint et de la grâce divine.

Enfin, les prêtres pratiqueront régulièrement les exercices spirituels :

Enfin, Nous désirons recommander à tous la pratique des exercices spirituels ou retraites. Quand, durant quelques jours, nous nous séparons de l'entourage familier, de nos occupations habituelles, de notre coutumière façon de vivre et que nous rentrons dans la solitude et le silence, il nous est alors certainement plus facile de prêter attentivement l'oreille aux enseignements divins qui pénètrent plus profondément nos âmes. Certains exercices spirituels, en nous appelant à remplir les devoirs de notre ministère avec plus de perfection et à contempler les mystères si émouvants de Jésus-Christ, affermissent notre volonté de telle manière que « nous puissions servir le Christ dans la sainteté et la justice toute notre vie durant58 »-

55 Lettre-encyclique Mystici Corporis, A. A. S., XXXy, 1943, p. 235.

56 Luc, I. 74-75.


II

LA SAINTETÉ DU MINISTÈRE

Le prêtre est chargé de dispenser les mystères divins :

Au Calvaire a été transpercé le côté du divin Rédempteur, côté d'où a coulé son Sang très saint qui se répand comme un torrent débordant à travers les siècles pour purifier les consciences des hommes, expier leurs péchés et leur distribuer les trésors du salut.

A l'exécution d'un si sublime office sont destinés les prêtres. Ils ont, en effet, la charge, non seulement de ménager et de communiquer la vie et la grâce du Christ aux membres de son Corps mystique, mais aussi de veiller au développement du même Corps mystique, car ils doivent sans cesse donner à l'Eglise de nouveaux enfants, les éduquer, les instruire, les guider. Ils sont les « dispensateurs des mystères de Dieu57 » ; ils doivent pour autant servir Jésus-Christ avec une parfaite charité et consacrer toutes leurs forces au salut de leurs frères. Ils sont les apôtres de la lumière : ils doivent pour autant éclairer le monde de la doctrine de l'Evangile et être eux-mêmes bien affermis dans la foi chrétienne pour pouvoir la communiquer aux autres et suivre les exemples et les enseignements du divin Maître, afin de pouvoir ramener à Lui toutes les âmes. Ils sont les apôtres de la grâce et du pardon : ils doivent donc se consacrer entièrement à procurer le salut des hommes et les attirer à l'autel de Dieu pour qu'ils puissent s'y nourrir du Pain de la vie céleste. Ils sont les apôtres de la charité : ils doivent donc promouvoir les oeuvres et les institutions de charité, d'autant plus urgentes aujourd'hui que les besoins des pauvres ont grandi démesurément.

C'esf pourquoi le prêtre organisera l'apostolat sous toutes ses formes :

Le Prêtre devra en outre s'employer à faire comprendre aux fidèles la vraie doctrine de la « communion des saints », à la leur faire saisir et expérimenter ; qu'ils la développent intensément   par   ces   organisations   qui   s'appellent   1'« Apostolat liturgique » et 1'« Apostolat de la Prière ». Pareillement, on favorisera toutes les formes et méthodes d'apostolat qui aujourd'hui, du fait des besoins particuliers du peuple chrétien prennent tant d'importance et une telle gravité. Il faudra donc veiller avec le plus de zèle possible à ce que l'enseignement du catéchisme soit donné à tous, à ce que « l'Action Catholique » et l'Action missionnaire soient largement propagées et encouragées ; et de même faire en sorte que, grâce à la collaboration des laïcs, bien instruits et bien formés, se développent chaque jour toutes les oeuvres qui se rapportent à la bonne organisation des affaires sociales, comme le demande notre temps.

Mais toute forme d'apostolat sera exercée en union avec le Christ :

Que le prêtre se souvienne cependant que son ministère si important sera d'autant plus fécond qu'il sera lui-même plus étroitement uni au Christ et qu'il sera guidé dans l'action par l'esprit du Christ. Alors, son action sacerdotale ne se réduira pas à une activité purement naturelle qui fatigue le corps et l'esprit et l'expose, lui prêtre, à des déviations du droit chemin, nuisibles, tant à lui qu'à l'Eglise ; mais son travail et ses constants efforts seront soutenus par la grâce que Dieu refuse aux orgueilleux, mais qu'il accorde volontiers et largement à ceux qui, travaillant humblement dans « la vigne du Seigneur », ne se cherchent pas eux-mêmes ni leur propre bénéfice 58, mais uniquement la gloire de Dieu et le salut des âmes. Fidèle aux leçons de l'Evangile, que le prêtre ne mette donc pas sa confiance, comme Nous l'avons déjà dit, en lui-même, et dans ses propres forces, mais qu'il la place dans l'aide du Seigneur, selon ces paroles : « Celui qui plante n'est rien, ni celui qui arrose, mais Celui qui fait croître, Dieu 59 ».

C'est à cette condition que l'apostolat sera vraiment « chrétien » :

Quand l'apostolat est ainsi ordonné et inspiré, il est impossible que le prêtre n'attire pas vivement à lui, par une force divine, toutes les âmes. S'il reproduit en lui et dans ses moeurs, comme la vivante image du Christ, tous ceux qui se tournent

58 I. Cor., 10, 33.

59 I. Cor., 3, 7.

vers lui comme vers un maître reconnaîtront, sous l'effet d'une intime persuasion, que les paroles qu'il dit ne sont pas les siennes, mais celles de Dieu, et qu'il agit non par sa propre force, mais par la force de Dieu. « Que celui qui parle, dise les paroles de Dieu ; que celui qui exerce un ministère l'exerce par la force reçue de Dieu60». Bien plus, dans son effort vers la sainteté, et dans l'exercice scrupuleux de son ministère, le prêtre doit s'efforcer de tenir le rôle et de représenter la personne du Christ si parfaitement qu'il puisse, en toute modestie, reprendre les paroles de l'Apôtre des nations : « Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ61 ».

L'activité sacerdotale doit demeurer parfaitement équilibrée : — elle ne peut être excessive, et par là s'exercer au détriment de la sanctification personnelle du prêtre :

Pour ces raisons, tout en louant légitimement ceux qui, dans les années qui ont suivi cette longue et terrible guerre et sous l'impulsion de l'amour de Dieu et du prochain, ainsi que sous la direction et en suivant l'exemple de leurs évêques, ont consacré toutes leurs forces au soulagement de tant de misères matérielles et morales, Nous ne pouvons omettre d'exprimer Notre préoccupation et Notre anxiété à ceux qui, à cause des circonstances particulières et du temps, se sont trop souvent engouffrés dans le tourbillon de l'activité extérieure jusqu'à négliger le premier devoir du prêtre qui est le devoir de sa propre sanctification. Nous avons déjà dit, en un document public 6Z, qu'ils doivent être ramenés dans une voie plus droite, ceux qui présument que l'on peut sauver le monde par ce que l'on a justement appelé « l'hérésie de l'action » : l'action qui n'a pas son fondement dans l'aide de la grâce et qui ne se sert pas constamment des moyens nécessaires à l'acquisition de la sainteté qui nous ont été donnés par le Christ.

60 I. Petr., 4, ii. «1 I. Cor., 4, 16.

62 Cf. A. A. S., 36, 1944, p. 239, Lettre Cum proxime exeat. Dans sa lettre du 36 juin 1944 au R. P. Norbert De Boynes, vicaire général de la Société de Jésus et aumônier général de l'Apostolat de la Prière, Pie XII dénonçait les ravages opérés par le naturalisme et par « l'hérésie de l'action » qui en est la conséquence dans la vie spirituelle.

— elle ne peut être négligée en professant un certain mépris pour l'action extérieure :

Mais de la même façon, Nous avons également jugé utile de pousser aux oeuvres du ministère ceux qui, trop désintéressés des affaires extérieures, et doutant presque de l'efficacité du secours divin, ne s'emploient pas selon leurs possibilités à faire pénétrer l'esprit chrétien dans la vie quotidienne, en employant toutes les formes d'action qui conviennent à notre époque "3.

Le prêtre doit se donner entièrement aux âmes :

Nous vous engageons tous vivement à vous consacrer selon vos forces, avec empressement, étroitement unis au Rédempteur par qui nous pouvons tout M, au salut de ceux que la Providence a confiés à vos soins. Avec quelle ardeur, Nous désirons, chers fils, que vous rivalisiez avec ces saints qui, au temps passé, ont démontré magnifiquement par leurs grandes oeuvres, la puissance en ce monde de la grâce divine ! Que chacun de vous, en toute humilité et vérité, puisse toujours s'attribuer — vos fidèles en seront témoins — la parole de l'Apôtre des nations : « Pour moi, je dépenserai très volontiers, et me dépenserai moi-même tout entier pour vos âmes "5. » Eclairez les esprits, dirigez les consciences, réconfortez et soutenez les âmes, qui se débattent dans le doute ou gémissent dans la souffrance. A ces formes principales d'apostolat, joignez toutes les autres qu'exigent les besoins de notre temps. Mais qu'il apparaisse toujours à tous que le prêtre, en toutes ses activités, ne cherche rien

63 Cf. Allocution du 12 septembre 1947. Pie XII disait dans un discours à l'Union internationale des Ligues des femmes catholiques, le 12 septembre 1947 (A. A. S., 39, 1947' p. 480) : Sous couleur de défendre l'Eglise contre le risque de se fourvoyer dans la sphère du « temporel », un mot d'ordre lancé il y a quelques dizaines d'années continue à s'accréditer dans le monde : « retour au pur spirituel ». Et l'on entend par là la confiner étroitement sur le terrain de l'enseignement strictement dogmatique, l'offrande du Saint Sacrifice, l'administration des sacrements, lui interdire toute incursion, tout droit de regard même, sur le domaine de la vie publique, toute intervention dans l'ordre civil ou social.

... Le mot d'ordre doit être tout au rebours : pour la foi, pour le Christ, dans toute la mesure du possible, présence partout où sont en cause les intérêts vitaux, où sont en délibération les lois qui regardent le culte de Dieu, le mariage, la famille, l'école, l'ordre social, partout où se forge, par l'éducation, l'âme du peuple.

«4 Phil., 4, 13.

«6 Act., 10, 38. 6" lean IV, 37.

d'autre que le bien des âmes et n'a pas autre chose en vue que le Christ à qui il doit consacrer ses forces et tout lui-même.

Ici encore, il faut suivre l'exemple du Christ :

De même que pour vous stimuler à réaliser votre sanctification personnelle, Nous vous avons exhortés à reproduire dans votre conduite, la vivante image du Christ, ainsi maintenant, pour procurer et développer l'efficacité sanctifiante de votre ministère, Nous vous engageons encore instamment à suivre les traces du Rédempteur. Rempli du Saint-Esprit, « il passa faisant le bien et guérissant tous ceux qui étaient asservis par le diable, car Dieu était avec Lui » 66. Fortifiés par le même Esprit, et sous son impulsion, vous pourrez exercer un ministère qui, nourri et enflammé par la charité chrétienne, sera riche en force divine et s'efforcera de communiquer cette force aux autres.

Que votre zèle apostolique soit vivifié par cet amour divin qui supporte tout d'un coeur serein, qui ne se laisse pas vaincre par les obstacles et qui embrasse tout le monde, pauvres et riches, amis et ennemis, croyants et incroyants. Ce labeur et ces quotidiennes souffrances, les exigent de vous les âmes pour le salut desquelles Notre Sauveur a enduré patiemment, jusqu'à la mort la plus cruelle, douleurs et supplices par lesquels II nous remit dans l'amitié de Dieu. Cette amitié, vous le savez, est le seul et le plus grand des biens. Ne vous laissez donc pas prendre d'un désir immodéré du succès, ne vous laissez pas abattre si, après un travail consciencieux, vous ne recueillez pas les fruits désirés, car «l'un sème, l'autre récolte67».

Dans son apostolat, le prêtre, avant tout, devra être bon :

Que votre zèle apostolique brille en outre d'une immense bonté. S'il est parfois tout à fait nécessaire — et c'est un devoir pour tous — de combattre l'erreur et de repousser le vice, le coeur du prêtre doit cependant toujours rester ouvert à la compassion. Il faut combattre l'erreur de toutes ses forces, mais aimer le frère qui erre et le conduire avec une charité inlassable au salut. Quel bien n'ont pas fait, quelles oeuvres admirables n'ont pas accomplies les saints avec leur douceur, même en des circonstances et dans des milieux faussés par le mensonge et dégradés par le vice !

Certainement, il trahirait son ministère, celui qui, pour plaire aux hommes, flatterait leurs mauvaises inclinations ou favoriserait leur manière erronée de penser et d'agir, au préjudice de la doctrine chrétienne et de l'intégrité des moeurs. Cependant, une fois sauvegardés et défendus les enseignements de l'Evangile, lorsque les hommes qui sont tombés misérablement sont animés du désir sincère de revenir sur la bonne voie, le prêtre doit se souvenir de la réponse du Seigneur au Prince des Apôtres qui lui demandait combien de fois il devait pardonner à son frère : « Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à septante fois sept fois 68. »

Il sera encore désintéressé :

L'objet de votre zèle ce ne sont pas les biens terrestres et passagers, mais les biens éternels. Le but principal des prêtres qui aspirent comme ils le doivent, à la sainteté, doit être celui-ci : travailler uniquement pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Combien de prêtres, même dans les graves difficultés actuelles, ont gardé devant les yeux les exemples et les avis de l'Apôtre des nations qui, se contentant de peu, et ne cherchant que les choses absolument nécessaires, affirmait : « Ayant de quoi manger et de quoi nous couvrir, contentons-nous de cela 6°. »

A cause de ce désintéressement et de ce détachement des choses terrestres, unis à la confiance en la divine Providence, et qui Nous semblent dignes de la plus grande louange, le ministère sacerdotal a donné des fruits abondants pour le bien spirituel et même social de l'Eglise.

Pour être efficace, l'apostolat exige d'être éclairé :

Enfin ce zèle doit être éclairé par les lumières de la sagesse et de la science et enflammé par l'ardeur de la charité. Quiconque se fixe comme but sa propre sanctification et celle des autres doit être muni d'une solide doctrine où entrent non seulement la théologie, mais aussi les sciences et découvertes

«8 Matth., 17, 22. «8 Tim., 6, 8

modernes, afin d'être capable, avec toutes ces qualités de l'esprit, en bon père de famille, de tirer « de son trésor du neuf et du vieux 70 » et de rendre son ministère toujours plus apprécié par tous et plus fécond. Avant tout, que votre activité s'inspire toujours fidèlement des prescriptions du Siège apostolique et des règles fixées par les évêques. Qu'il n'arrive jamais, chers fils, que demeurent mortes ou que ne répondent pas aux besoins des fidèles, par suite d'une mauvaise direction, toutes ces formes d'apostolat qui sont aujourd'hui si opportunes, spécialement dans les pays où le clergé n'est pas suffisamment nombreux.

Le prêtre devra être ainsi un entraîneur :

Que chaque jour s'accroisse votre zèle laborieux, qu'il soutienne l'Eglise de Dieu, qu'il serve d'exemple aux fidèles et qu'il dresse de puissants remparts contre lesquels se brisent les assauts des ennemis de Dieu.

Le Pape loue les prêtres qui acceptent d'être les conseillers et les appuis de leurs confrères :

Nous voulons aussi que Notre exhortation paternelle s'adresse d'une façon particulière aux prêtres qui, avec humilité et ardente charité, veillent à la sanctification de leurs confrères au titre de conseillers, de confesseurs ou de directeurs spirituels. Le bien incalculable qu'ils font à l'Eglise demeure le plus souvent caché, mais il éclatera au grand jour dans la gloire du royaume de Dieu.

Nous qui, il y a peu d'années, et à Notre grande joie, avons accordé les honneurs suprêmes des autels au prêtre de Turin, Joseph Cafasso 71 — qui, en des temps très difficiles fut le guide spirituel, sage et saint à la fois, de très nombreux prêtres qu'il fit progresser dans la vertu et dont il rendit merveilleusement

7<> Matth., 13, 52.

71 Joseph Caffasso a été canonisé le 22 juin 1947- Au cours de l'homélie que Fie XII Prononça ce jour, il est dit : La mission spéciale dont l'avait chargé un décret de la divine Providence, c'était d'instruire et de consolider le clergé dans l'intégrité de la doctrine chrétienne et de l'élever au plus haut degré, non sans que cela produisît les fruits les plus riches de perfection sacerdotale (cf. A. A. S., 39, 1947, p. 250).

Lire de même l'allocution du Pape aux pèlerins, le lendemain de cette canonisation, lc 23 juin 1947 (A. A. S., 39, 1947, p. 391).

fécond le saint ministère, — Nous avons pleine confiance que, par son puissant patronage, notre divin Rédempteur suscitera de nombreux prêtres d'une égale sainteté qui sauront se conduire eux-mêmes et diriger leurs confrères à une telle perfection de vie que les fidèles, admirant leurs exemples, seront portés eux-mêmes à les imiter volontiers.


Pie XII 1950 - EXHORTATION « MENTI NOSTR/E AU CLERGÉ DU MONDE   .