Pie XII 1950 - LA SAINTETÉ DU MINISTÈRE


III

DIRECTIVES PRATIQUES

Nous avons exposé jusqu'ici les vérités et les règles principales sur lesquelles s'appuient le sacerdoce catholique et les charges du ministère. Les prêtres saints se conforment certainement avec soin à ces vérités et à ces règles dans leur vie quotidienne ; au contraire, certains déserteurs et transfuges ont, hélas ! abandonné misérablement les devoirs contractés au jour de leur ordination.

Les circonstances actuelles appellent certaines précisions :

Cependant, pour que Notre paternelle exhortation soit plus efficace, Nous estimons opportun de développer plutôt certains détails ayant trait à la vie actuelle. Ceci est d'autant plus nécessaire que dans la vie moderne, certaines situations et certaines discussions se présentent d'une nouvelle manière qui requiert de Nous des remarques plus précises et des soins plus attentifs. Nous voulons donc engager paternellement tous les prêtres, et en premier lieu les evêques, à promouvoir généreusement et avec grand soin tout ce qui paraît nécessaire en nos temps, et à redresser, à corriger tout ce qui se corrompt et s'écarte du droit chemin de la vérité, de l'honnêteté et de la vertu.

Le temps présent se caractérise dans plusieurs pays par la pénurie de prêtres ; aussi, tous les prêtres diocésains et les religieux doivent unir leurs efforts pour combler les vides par leur zèle :

Après les vicissitudes longues et variées de la dernière guerre, le nombre des prêtres, vous le savez bien, dans les pays

catholiques comme dans les Missions, s'est avéré bien souvent disproportionné avec des besoins toujours croissants. Nous engageons donc tous les prêtres, qu'ils soient du clergé diocésain ou des Ordres et Congrégations religieuses, à rester unis dans les liens de la charité fraternelle et à tendre courageusement dans l'union de leurs forces et de leurs volontés, vers le but commun qui est le bien de l'Eglise, leur propre sanctification et celle du prochain. Tous, même les religieux qui vivent dans la retraite et le silence, peuvent contribuer à l'efficacité de l'apostolat sacerdotal par la prière et le sacrifice, et pour ceux qui le peuvent, par l'action. Qu'ils s'y donnent généreusement et avec ardeur.

De plus, il faudra veiller à susciter des vocations sacerdotales :

Mais il est nécessaire aussi de recruter, à l'aide de la grâce de Dieu, de nouveaux compagnons de travail. Nous appelons l'attention spécialement des Ordinaires et de tous ceux qui ont charge du troupeau chrétien à un titre quelconque, pour qu'ils plaident et développent cette cause très importante intéressant directement l'avenir de l'Eglise. Sans nul doute, la Société fondée par le Christ ne manquera jamais des prêtres nécessaires à sa mission ; il importe cependant, de veiller tous et de travailler et, nous rappelant la parole du Seigneur : « La moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux 72 », d'utiliser tous les moyens de procurer à l'Eglise des ministres les plus nombreux et les plus saints possible.

D'abord prier pour les vocations :

Le divin Rédempteur lui-même, nous indique le chemin le plus sûr pour susciter de nombreuses vocations sacerdotales : « Priez le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson 73. » Nous devons en effet le demander par une prière humble et confiante :

Ensuite, exalter la mission du prêtre :

Il n'en est pas moins nécessaire que les esprits de ceux qui sont appelés par Dieu à entrer dans le sacerdoce soient préparés

72 Luc, 10, 2. 7' Ibid.

à recevoir l'impulsion et l'action invisible de l'Esprit-Saint. A cet effet peuvent assurément être d'une aide précieuse les parents chrétiens, les curés, les confesseurs, les supérieurs de Séminaires, les prêtres et tous les fidèles qui ont souci de travailler à l'accroissement de l'Eglise et de venir au secours de ses besoins. Que les ministres de Dieu aient soin non seulement en chaire et au catéchisme, mais aussi dans les conversations privées opportunément arrangées, de dissiper les préjugés, les opinions fausses, si répandus actuellement contre l'état sacerdotal ; qu'ils en montrent la haute dignité, la beauté, l'utilité et le grand mérite. Tous les parents chrétiens, à quelque classe qu'ils appartiennent, doivent demander au ciel la grâce qu'au moins un de leurs fils soit appelé à son service. Que tous les chrétiens estiment de leur devoir de favoriser et d'aider de tout leur pouvoir ceux qui se sentent appelés au sacerdoce.

La sainteté des prêtres constituera l'attrait le plus puissant pour entraîner les vocations :

Le choix des candidats au sacerdoce que le Code de droit canonique74 confie et recommande beaucoup aux pasteurs des âmes, doit être le souci particulier de tous les prêtres qui, non seulement doivent rendre humblement et généreusement grâces à Dieu pour l'inestimable don qu'ils ont reçu, mais n'avoir rien de plus à coeur et de plus agréable que de trouver et de se préparer, en l'aidant, un successeur parmi les jeunes, qu'ils savent doués des qualités nécessaires pour une pareille tâche. Pour atteindre efficacement ce but, tout prêtre doit s'efforcer d'être et de se montrer un exemple de vie sacerdotale qui puisse devenir, pour les jeunes qu'il approche, et en qui il aura découvert les signes de l'appel divin, un idéal à imiter.

Il faut aussi examiner avec soin les candidats au sacerdoce :

Cette sélection éclairée et prudente des candidats doit se faire toujours et partout ; pas seulement parmi les jeunes qui sont déjà au Séminaire, mais aussi parmi ceux qui font leurs études dans les écoles de grammaire, et tout particulièrement parmi ceux qui prêtent leur aide aux diverses branches et


74 C. 1353-

entreprises de l'apostolat catholique. Même s'ils n'arrivent que tardivement au sacerdoce, ceux-là sont souvent armés de plus grandes et plus fortes vertus, ayant déjà subi l'épreuve, raffermi leur coeur au contact des difficultés de la vie et collaboré dans des oeuvres étroitement unies au ministère sacerdotal.

Il est cependant toujours nécessaire d'examiner avec soin chaque candidat au sacerdoce et de s'enquérir surtout avec quel esprit et pour quelles raisons il a formé ce projet. En particulier, quand il s'agit d'enfants, il importe d'examiner avec soin s'ils sont doués des qualités physiques et morales nécessaires et s'ils aspirent au sacerdoce uniquement pour la dignité de cet état et pour leur propre bien spirituel et celui du prochain.

Vous connaissez bien, vénérables Frères, les aptitudes intellectuelles et morales que l'Eglise exige en cette matière des jeunes qui aspirent au sacerdoce, et il est superflu de Nous attarder à exposer ces choses et leurs raisons. Nous croyons plus utile, par contre, d'attirer votre attention pour que vous examiniez avec prudence et avec soin les aptitudes physiques de ceux qui veulent recevoir les saints Ordres. Cela parce que la dernière guerre a laissé des traces et des troubles nombreux dans la génération montante. Qu'on examine donc sur ce point avec un soin particulier les candidats de cet âge, en recourant, si besoin est, au jugement d'un médecin estimé.

Si ce choix des vocations est fait avec intelligence et prudence, Nous sommes sûr que se lèveront partout des rangs serrés de séminaristes d'élite.

Les évêques ont le devoir de veiller sur la formation qu'on donne dans les Séminaires :

Si beaucoup de pasteurs sont gravement préoccupés de la diminution croissante des jeunes vocations sacerdotales, ils ne le seront pas moins au sujet de l'éducation de celles qui sont déjà entrées au Séminaire. Nous n'ignorons pas, vénérables Frères, combien ardue est cette oeuvre et combien de difficultés et lesquelles ! comporte sa réalisation ; mais vous retirerez une grande consolation de l'avoir menée à bien, puisque, comme le rappelle Notre Prédécesseur Léon XIII, « de l'application et du zèle que vous aurez mis à former des prêtres, vous retirerez les fruits les plus désirables et vous expérimenterez que votre charge episcopale en deviendra à la fois plus facile et plus féconde en \ résultats 75 ».

C'est pourquoi nous jugeons opportun de vous fixer quelques directives imposées par la nécessité plus grande que jamais de former de saints prêtres.

Les Séminaires doivent être propres, spacieux mais modestes :

Remarquons tout d'abord que les petits séminaristes ne sont que des enfants séparés du milieu naturel de leur famille. Il est donc nécessaire que la vie menée au Séminaire par ces enfants, se rapproche autant que possible de la vie normale des enfants. On donnera une grande importance à leur formation religieuse, mais en tenant compte de leurs capacités et de leur degré de développement. Et que cette éducation soit donnée dans des locaux assez amples et spacieux pour assurer leur santé physique et morale. Toutefois, même en tout cela, qu'on observe « la juste mesure et la modération », de façon que ceux qui doivent être formés au renoncement et aux vertus évangéliques, ne vivent pas « dans des maisons somptueuses, dans les douceurs et les raffinements du confort78 ».

Il faudrait former le jugement, l'esprit d'initiative et le sens des responsabilités :

On doit généralement veiller surtout à la bonne formation du caractère de chaque enfant, en développant en lui la conscience de sa responsabilité en ses actes, le jugement qu'il doit porter sur les hommes et les événements, l'esprit d'initiative. Les directeurs de Séminaires recourront donc prudemment aux réprimandes et allégeront progressivement selon l'âge des élèves, les rigueurs de la surveillance et de la discipline, de façon à acheminer lentement les jeunes à se conduire eux-mêmes et à prendre la responsabilité de leurs actes. En certaines choses, qu'ils accordent même aux élèves une juste liberté d'action, et de plus, qu'ils les habituent à la réflexion pour leur faciliter l'assimilation des principes théoriques et pratiques.

75 Lettre-encyclique Quod multum aux evêques hongrois, 22 août 1886, Acta Leonis XIII, 6, p. 158.

"6 Allocution du 25 novembre 1948, A. A. S., XXXX, 1948, p. 552. Dans son discours aux Pères capucins du 25 novembre 1948, Pie XII insiste sur la nécessité de garder aux habitations des religieux cette modestie (cf. Documents Pontificaux 1948, p. 419).

Les séminaristes devront être informés des faits et des idées de notre temps :

Que les directeurs ne craignent pas non plus de tenir les jeunes au courant des événements actuels ; car outre qu'ils leur donneront ainsi les éléments nécessaires pour se former un mûr jugement, qu'ils ne refusent pas non plus des discussions sur ces sujets afin d'entraîner les jeunes à peser les choses et les arguments.

I/ faudra leur inculquer l'amour de la vérité :

Si ces directives sont soigneusement observées, les jeunes seront formés à l'honnêteté et à la loyauté, et ils auront pour eux-mêmes et pour les autres, l'estime de la droiture et de la fermeté, en même temps que l'horreur de la duplicité et de toute sorte de mensonge. Cette droiture et cette loyauté seront une base dont on se servira tant pour mieux diriger ces jeunes gens que pour juger s'ils sont vraiment appelés par Dieu à recevoir les saints Ordres.

Un certain contact entre le candidat au sacerdoce et le peuple doit être maintenu :

Si les jeunes — surtout ceux qui sont entrés au Séminaire à un âge tendre — étaient élevés dans un milieu trop séparé du monde, ils rencontreraient certainement, à la sortie du Séminaire, des difficultés dans leurs relations, soit avec le peuple, soit avec les classes cultivées, et il s'ensuivrait souvent, soit des attitudes imprudentes devant les fidèles, soit un mépris pour l'éducation reçue. Il faut veiller à ce que les séminaristes prennent graduellement et prudemment contact avec les jugements et les goûts intimes du peuple, de peur que, jeunes prêtres entrant dans le ministère, ils ne soient désorientés : ce qui serait non seulement troublant pour eux, mais dommageable pour leur activité sacerdotale.

Les Evêques fourniront aux futurs prêtres le moyen d'avoir une sérieuse formation intellectuelle :

Outre cela, les directeurs de Séminaires doivent mettre leurs plus grands soins dans la formation intellectuelle des élèves.

Vous n'ignorez pas, vénérables Frères, les règlements et les instructions donnés à ce sujet par le Siège apostolique, et que Nous-même avons rappelés à tous lors de la première audience accordée aux élèves des Séminaires et des Collèges de Rome au début de Notre Pontificat77.

A ce sujet, Nous voulons avant tout qu'au moins la culture littéraire et scientifique des futurs prêtres ne le cède en rien à celle des laïcs qui suivent les mêmes études. Si l'on y veille, on aura par le fait même pourvu sérieusement à la formation des esprits et facilité en temps voulu le choix des sujets. De cette façon, les séminaristes se sentiront plus libres lorsqu'il s'agira de choisir leur état de vie et éviteront facilement la tentation, faute d'avoir la formation et la culture intellectuelle pour trouver une situation dans le monde, d'être forcés de rester dans une voie qui n'est pas faite pour eux, selon le raisonnement de l'économe infidèle : « Je ne puis bêcher ; j'ai honte de mendier 78 ».

Et s'il arrivait qu'un élève, dont on pouvait espérer un service utile pour l'Eglise, se retire du Séminaire, il n'y aurait pas tant à le regretter ; car un jeune qui a trouvé sa voie, ne pourra pas ne pas se souvenir dans la suite des bienfaits reçus au Séminaire, et ne pas joindre son action généreuse à l'action du laïcat catholique.

En particulier, ils auront besoin d'une sérieuse formation sociale, philosophique et théologique :

Parmi les sciences nombreuses exigées pour la formation intellectuelle des jeunes séminaristes — et l'étude des questions sociales a aujourd'hui une grande portée — il faut accorder la plus grande valeur aux études philosophiques et théologiques « selon la pensée du Docteur angélique 79 », jointes à la connaissance des besoins et des erreurs de notre temps. Ces études sont de la plus grande importance et utilité, soit pour le prêtre, soit pour le peuple chrétien. Les maîtres de la vie spirituelle affirment en effet, que ces études, à condition qu'elles soient menées avec une bonne méthode, sont d'une grande efficacité

77 Discours du 24 juin 1939, A. A. S., 31, 1939, pp. 245-251. On trouvera le texte français de ce discours dans les Actes de Pie Xli, t. I, p. 144.

78 Luc, 16, 3.

79 C. I. C, can. 1366 S 2.

pour garder et nourrir l'esprit de foi, pour refréner les passions, pour conduire l'âme à Dieu.

Pour le prêtre, il faut ajouter que devant être comme « le sel de la terre et la lumière du monde 80 », il doit se dépenser fortement à la défense de la foi, en prêchant l'Evangile du Christ et en réfutant les erreurs qui se répandent de tous côtés dans le peuple. Or, il ne pourra combattre efficacement ces fausses doctrines s'il ne possède pas à fond les plus solides principes de la philosophie et de la théologie catholique.

On continuera à enseigner ces disciplines en suivant la méthode traditionnelle imposée par l'Eglise :

A ce propos, il n'est pas inutile de rappeler que la méthode d'enseignement en usage dans les écoles catholiques possède une efficacité particulière, tant pour donner à l'esprit des notions claires des choses, que pour montrer la cohésion organique et parfaite des vérités confiées à l'Eglise, maîtresse des chrétiens, comme un dépôt sacré. Hélas ! il ne manque pas aujourd'hui d'esprits qui, s'éloignant des récents enseignements de l'Eglise et minimisant la clarté et la précision des concepts, se sont non seulement éloignés de la bonne méthode de nos écoles, mais ouvrent de plus la voie à des erreurs et à des opinions confuses, comme le prouve l'expérience.

Nous vous engageons donc tous vivement, vénérables Frères, pour que les études des futurs prêtres ne se perdent pas lamentablement dans les voies de la confusion et du doute, à veiller avec soin à ce que les directives données à cette fin par le Siège Apostolique, soient loyalement reçues et observées.

Mais il faut que la formation intellectuelle soit doublée d'une formation spirituelle :

Si dans l'exercice de Notre charge apostolique, Nous avons encore recommandé avec tant de sollicitude une culture intellectuelle supérieure du clergé, il n'est pas difficile de voir pourquoi. Nous n'avons rien de plus à coeur que la sérieuse formation spirituelle et morale de ces jeunes clercs ; car s'il en était autrement, même une science éminente, par orgueil ou présomption  qui  s'insinue  facilement  dans  les  âmes,  pourrait

80 Matth., 5, 13-14.

provoquer les pires dommages. Aussi, l'Eglise notre Mère veut-elle, par-dessus tout, que les jeunes gens, dans les Séminaires, ébauchent les fondements de cette sainteté qu'ensuite, dans toute leur vie, ils doivent manifester et développer.

Les séminaristes doivent être entraînés aux exercices de la vie intérieure :

Comme Nous l'avons déjà écrit pour les prêtres, Nous insistons également ici pour que les jeunes clercs aient la plus intime conviction qu'il leur faut s'efforcer de tout leur pouvoir d'acquérir ces ornements de l'âme que sont les vertus, et quand ils y sont parvenus, de les garder fermement avec le désir de les accroître.

Lorsque chaque jour, presque toujours aux mêmes heures, les jeunes gens remplissent les mêmes devoirs de piété, il est à craindre que les sentiments intérieurs de l'âme ne concordent pas avec la pratique extérieure de la religion. Et cela, chez eux, peut tourner facilement à la routine ou même devenir plus grave, lorsque ayant quitté le Séminaire, ils se trouvent emportés par l'accomplissement nécessaire de leurs devoirs.

Il ne faut donc rien négliger et apporter un soin particulier pour que, durant leur formation, les futurs clercs vivent pieusement cette vie qui est leur but, qu'ils la nourrissent d'esprit surnaturel et que cet esprit surnaturel en dirige les actes. Qu'ils accomplissent toutes choses à la lumière de la foi divine et en union avec le Christ Jésus. Qu'ils soient convaincus qu'ils ne peuvent s'abstenir de ce saint genre de vie, eux qui doivent un jour devenir prêtres et représenter le divin Maître dans l'Eglise. Rien, en effet, ne pousse tant les jeunes clercs à acquérir les vertus dignes du sacerdoce, à triompher des difficultés et à suivre les conseils qui les sauvegardent, comme ce sentiment profond de piété.

17 faut au cours des années de formation acquérir des habitudes vertueuses :

Il faut que ceux qui se chargent de la formation morale des clercs aient en vue principalement de les faire s'attacher aux vertus que l'Eglise demande à ses prêtres. Nous en avons deja parlé ailleurs dans cette exhortation ; il n'y a pas lieu d'y revenir. Cependant, Nous ne pouvons Nous empêcher de recommander de tout Notre pouvoir qu'on forme particulièrement les aspirants au sacerdoce à toutes ces vertus qui sont comme le fondement où s'appuie toute la sainteté des prêtres.

Il faut notamment former à l'obéissance :

Il faut à tout prix que les jeunes gens arrivent à ce goût de l'obéissance, qu'ils s'habituent à soumettre franchement leur volonté à la volonté de Dieu dont les directeurs du Séminaire doivent être regardés comme les interprètes. Qu'il n'y ait donc rien dans leur manière d'agir qui soit à l'encontre de la volonté divine. De cette obéissance dont Nous parlons, que les jeunes clercs en cherchent l'exemple auprès du divin Rédempteur qui n'eut ici-bas qu'un seul but : « O Dieu (je viens) faire votre volonté 81. »

Que les jeunes gens, dans les Séminaires, apprennent dès le plus jeune âge, à obéir volontiers et filialement à leurs directeurs, pour qu'un jour ils se soumettent sans effort à la volonté de leur évêque, comme Ignace d'Antioche, cet athlète le plus invincible du Christ en donnait le précepte : « Obéissez tous à l'évêque comme Jésus-Christ à son Père 8. »

« Qui honore l'évêque est honoré par Dieu ; qui fait quelque chose à I'insu de l'évêque, sert le diable 83 ! » « Ne faites rien sans l'évêque ! gardez votre corps comme le temple de Dieu ; aimez l'union ; fuyez la discorde ; soyez les imitateurs de Jésus-Christ comme lui-même l'est de son Père 84. »

Les séminaristes doivent être entraînés à la pratique de la chasteté :

Il faut apporter un soin particulier et vigilant pour que les jeunes soldats de la milice sacrée fassent grand cas de la chasteté, l'aiment et la défendent dans leur coeur ; car, en cette vertu, se trouve, pour une grande part, ce qui leur fait embrasser ce genre de vie et y persévérer. Cette vertu, par conséquent, qui se trouve exposée à tant de dangers dans les rapports de la vie humaine, doit depuis longtemps et fermement se trouver enracinée dans l'âme des aspirants à la dignité sacerdotale. Il ne suffit donc pas d'éclairer les clercs sur la nature du célibat des

81 Hebr., 10, 7.

82 Ad. Smyrnaeos VÎII, 1 ; Migne P. G. VIII, 714, 7x5.

83 Ibid. IX, 714, 715.

84 Ad. Philadelphienses VII, 2 ; Migne P. G. V., 700.

prêtres et la chasteté qu'ils doivent observer 85; il faut de plus les instruire des périls qu'ils peuvent rencontrer pour cela. H faut exhorter également les élèves des Séminaires pour que, dès leur jeune âge, ils prennent garde à ces dangers en recourant à ces méthodes de mortification des passions que proposent les maîtres de la vie spirituelle ; car d'autant plus ferme et constant sera cet empire sur les passions, d'autant plus ferme l'âme progressera dans les autres vertus, et plus abondants seront les fruits du ministère sacerdotal. Et si quelque clerc se montre sur ce point enclin au mal, et que, après une expérience qui a duré le temps convenable, il ne se corrige pas de sa faiblesse, il faut, quoi qu'il en coûte, l'écarter du Séminaire avant sa promotion aux Ordres sacrés.

Les séminaristes doivent être très dévots envers le Très Saint Sacrement et la Sainte Vierge Marie :

Ces vertus dont Nous avons parlé et toutes les autres qui doivent à juste titre orner l'âme des prêtres, les jeunes gens qui vivent au Séminaire les acquerront facilement si, dès l'enfance, ils ont été élevés dans une tendre et sincère piété à l'égard de Jésus-Christ « vraiment, réellement et substantiellement » présent parmi nous sur cette terre, sous les espèces du Très Saint Sacrement, si ces jeunes élèves acceptent conseils et travaux dès qu'ils viennent du Christ ou ont le Christ pour objet. L'Eglise sera certes comblée d'une grande joie si, à cette piété à l'égard du Très Saint Sacrement de l'Eucharistie, ces tout jeunes hommes joignent une piété singulière envers la Bienheureuse Vierge Marie ; cette piété, disons-Nous, qui pousse l'âme à se confier toute à cette Mère de Dieu et l'engage à suivre les exemples de ses vertus, attendu que jamais, dans un prêtre dont la jeunesse a été nourrie d'un amour exceptionnel envers Jésus et Marie, il n'y aura à regretter l'absence d'une activité intelligence et adroite.

Les jeunes prêtres sortis du Séminaire doivent continuer à recevoir une formation adaptée à leur condition :

Nous ne pouvons ici Nous empêcher, vénérables Frères, de vous exhorter à prendre un soin tout particulier des tout

85 Cf. C. 1. C. can. 132.

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nouveaux prêtres. Au moment où ils quittent l'enclos du Séminaire pour remplir leurs saintes fonctions, un danger peut se présenter aux prêtres du fait qu'ils se lancent dans le champ ouvert de l'apostolat, s'ils n'ont pas été instruits avec prudence des conditions nouvelles de cette vie. C'est pourquoi il est utile que vous considériez que les bons espoirs qu'on s'est formés au sujet des nouveaux prêtres, peuvent ne pas aboutir si quelqu'un ne les fait pas avancer pas à pas dans leurs travaux, si quelqu'un n'est pas là pour veiller sur eux sagement dans leurs débuts et pour les guider comme un père.

Aussi, Nous approuvons fort bien que ces nouveaux prêtres, partout où cela peut se faire, soient placés en certaines institutions où, sous la direction d'hommes d'une expérience très étendue, ils se cultiveront dans la piété et dans les sciences sacrées, en même temps qu'ils seront initiés à leurs charges sacerdotales, chacun suivant ses dispositions naturelles. Dans ce but, Nous souhaitons que ces institutions soient ainsi établies, soit une par diocèse, soit, si les circonstances le demandent, une pour plusieurs diocèses.

En ce qui concerne Notre Ville, c'est ce que, pour Notre cinquantième anniversaire sacerdotal, Nous avons réalisé bien volontiers lorsque Nous avons décidé l'érection de l'Institut Saint-Eugène pour les jeunes prêtres 86.

De plus, les jeunes prêtres doivent être conseillés par des aînés qui soient d'une expérience et d'une vertu éprouvées :

Nous vous exhortons, vénérables Frères, dans la mesure du possible, de ne pas envoyer des prêtres encore sans expérience au milieu des oeuvres du ministère, et de ne pas les désigner pour des lieux éloignés de la ville principale du diocèse ou des cités populeuses. Car, s'ils se trouvaient en cette situation, isolés, sans expérience, privés de maîtres prudents, leur ardeur et eux-mêmes, sans aucun doute, en souffriraient des inconvénients.

Il Nous semble très bon également, vénérables Frères, que ces nouveaux prêtres vivent avec le principal curé du lieu et ses vicaires, car ainsi il est plus facile, à la suite de leurs aînés, de les former au saint ministère et de leur donner un goût plus vif de la piété.

Le Pape souligne les avantages de la vie commune :

Nous approuvons et Nous recommandons vivement ce qui était déjà un souhait de l'Eglise 81, qu'on introduise la coutume de la vie en commun pour le clergé d'une même cure ou de plusieurs cures voisines.

Si l'usage de la vie en commun peut apporter quelques incommodités, personne ne doute cependant qu'elle procure de grands avantages. Tout d'abord elle favorise un esprit de charité et de zèle de jour en jour plus grand chez les prêtres ; ensuite, elle est un exemple pour le peuple chrétien de leur détachement volontaire de leurs intérêts et de leurs proches, et elle rend ainsi manifeste le soin religieux que prennent les prêtres de leur chasteté.

Les jeunes prêtres auront soin de parfaire leurs connaissances intellectuelles :

Mais encore, les prêtres doivent s'appliquer à l'étude comme le porte le Code de droit canonique : « Que les clercs n'interrompent pas après la réception du sacerdoce, leurs études, surtout celles des sciences sacrées 88. » Le même Code prescrit aux nouveaux prêtres, non seulement de subir un examen « annuel pendant au moins trois ans complets 89 », mais encore de tenir des réunions fréquentes durant l'année « pour promouvoir... la science et la piété 90 ».

87 Cf. C. L C. can. 134.

88 Can. 129.

89 Can. 130, i°.

90 Can. 131, 1°.

C'est pourquoi Nous rappelons à tous les pasteurs des âmes qu'entre leurs mains, en grande partie se trouve l'avenir de ces jeunes prêtres. Car la force et l'ardeur avec lesquelles ces jeunes prêtres se donnent à leur premier ministère pourront parfois s'éteindre ou certainement diminuer, à l'exemple de prêtres plus âgés, tels ceux qui ne brillent pas par l'éclat des vertus ou qui préfèrent un genre de vie de tout repos, sous prétexte de ne pas changer de vieilles routines dont ils ont pris l'habitude.

C'est pourquoi, il faut prévoir des bibliothèques à l'usage du clergé :

Mais, pour favoriser ces études, que souvent les prêtres ne peuvent poursuivre à cause de la modicité de leur avoir, il importe grandement que les Ordinaires des lieux, suivant les excellentes anciennes règles de l'Eglise, rendent à leur valeur d'auparavant, les bibliothèques de l'évêché, des collèges de chanoines ou des cures elles-mêmes.

Ces bibliothèques, bien qu'elles aient été pour la plupart pillées et ruinées, se trouvent encore plus d'une fois dotées et enrichies de parchemins et d'ouvrages, manuscrits ou imprimés, à l'occasion d'un splendide héritage, « qui sont un témoignage insigne des travaux sans fin entrepris par l'Eglise comme de l'autorité dont elle a joui, et également de la foi en Dieu et de la piété qui animait nos ancêtres, de leurs études infatigables et de leur goût d'une parfaite élégance 91 ».

Que ces bibliothèques ne soient pas le refuge dédaigné des livres, mais bien plutôt comme une construction vivante, où l'on a aménagé une salle pratique pour la lecture des ouvrages. Mais avant tout, que ces bibliothèques soient disposées pour l'usage des lecteurs contemporains, fournies d'écrits de tous genres, principalement en matière religieuse et sociale, de sorte que les professeurs, les curés et surtout les jeunes prêtres puissent y puiser un savoir satisfaisant pour répandre les vérités de l'Evangile ou réfuter les erreurs.


IV

PROBLÈMES ACTUELS

Aujourd'hui, on constate un peu partout un désir de faire du neuf, faut toutefois se garder des exagérations pernicieuses :

Enfin Nous pensons, vénérables Frères, que c'est de Notre devoir de vous adresser quelques avertissements au sujet des dangers ou difficultés plus particuliers à notre époque.

Nous sommes certains que vous avez déjà noté parmi les     prêtres, spécialement parmi ceux moins bien pourvus de science

i92j    pCf' Letll"e du Cardinal Pierre Gaspari, Secrétaire d'Etat, à l'épiscopat d'Italie, ij avril '    nchiridian Clericorum, impr. Polygl. Vat., 1937, p. 613.

doctrinale, et d'une moins grande austérité de vie par rapport à leurs confrères, une certaine avidité de nouveautés qui va se répandant d'une façon toujours plus grave et plus inquiétante. La nouveauté n'est jamais par elle-même un critère de vérité ; elle ne peut être louable que lorsqu'elle coniirme la vérité et porte à la droiture et à la vertu.

L'époque où nous vivons souffre d'une sérieuse déviation. On doit déplorer que plusieurs systèmes philosophiques naissent et disparaissent sans nullement améliorer la conduite des hommes ; on voit des oeuvres qui déforment étonnamment l'art et qui cependant ont la prétention de s'appeler chrétiennes ; en beaucoup de pays, les méthodes d'administration aboutissent plus à favoriser les intérêts personnels des citoyens qu'à procurer la prospérité commune de tous ; les organisations de la vie économique et sociale ou relatives à ces matières offrent plus de danger pour les honnêtes gens que pour les citoyens habiles à ruser. Il s'ensuit naturellement qu'il ne manque pas de nos jours de prêtres qui subissent de quelque façon l'influence de ce mal contagieux ; qui se pénètrent d'opinions et qui adoptent un genre de vie, même en ce qui concerne le vêtement et le soin du corps, également étrangers à leur dignité et aussi à leurs devoirs de prêtre ; qui se laissent guider par cet engouement pour les nouveautés, tant dans la prédication au peuple chrétien que dans la réfutation des erreurs des adversaires ; qui, en agissant ainsi, non seulement affaiblissent leur esprit de foi, mais, leur bonne réputation étant détruite, diminuent l'efficacité du ministère sacré.

Il est du devoir des Evêques d'orienter la pastorale dans des voies qui gardent le juste milieu, en autorisant selon les besoins de nouvelles initiatives, en refrénant les activités déplacées :

Nous attirons très spécialement votre vigilance, vénérables Frères, sur ces choses. Nous ne doutons nullement qu'en face de cet attachement excessif à l'égard du passé et de ce désir immodéré du futur ou du nouveau, qui se manifestent chez plusieurs prêtres, vous saurez user de cette prudence qui doit être sage et vigilante lorsqu'elle courra des risques dans des voies nouvelles, cherchant ce qu'il faut permettre en fait d'élan et d'activité ou bien de lutte pour que seule la vérité soit victorieuse. Nous sommes loin de prétendre que les travaux apostoliques ne doivent pas être en rapport avec la vie de notre époque et que les oeuvres que l'on organise aujourd'hui ne doivent pas répondre aux besoins de notre temps.

Toutefois, les prêtres se conformeront en tout aux décisions de la Hiérarchie :

Mais comme il est nécessaire que l'activité sacerdotale, bien que réalisée dans l'Eglise, soit organisée par la hiérarchie légitime, on ne doit pas inaugurer de nouvelles formes d'apostolat si ce n'est avec l'agrément de l'évêque. Que les Ordinaires d'une même région ou d'une même nation se consultent opportunément et s'entendent sur ces questions dans le dessein de pourvoir aux besoins particuliers de leurs régions et d'étudier les méthodes les plus aptes et les plus appropriées à l'apostolat religieux. Si toutes les choses sont mises dans l'ordre voulu, il est impossible que l'action sacerdotale soit sans efficacité. Que tous les prêtres se persuadent de ce qui suit, à savoir qu'il faut obéir à la volonté de Dieu plutôt qu'à celle des hommes et qu'il faut régler et fournir l'activité de l'apostolat, non selon ses opinions personnelles, mais d'après les lois ou les normes de la hiérarchie. Il se trompe de toute façon le prêtre qui croit pouvoir, par l'emploi d'activités insolites et extravagantes, cacher la pauvreté de son âme et coopérer efficacement à la diffusion du règne du Christ.

En particulier, devant les problèmes sociaux actuels, le prêtre doit prendre une attitude dépourvue de toute compromission avec l'erreur :

Nous pensons que les prêtres doivent avoir une façon d'agir semblable à cette droiture dont Nous avons parlé, quand il s'agit des doctrines sociales telles qu'elles sont proposées de nos jours.

Face au communisme :

Il y a aujourd'hui des prêtres qui se montrent non seulement timides, mais aussi inquiets et incertains en face des machinations de ceux qu'on appelle communistes et qui se proposent principalement d'arracher la foi chrétienne à ceux-là même auxquels ils promettent le bonheur temporel. Mais le Siège Apostolique, par de récents documents relatifs à ce sujet, a indiqué clairement la voie à suivre par tous : personne ne doit la quitter s'il ne veut pas manquer à son devoir 92.

Face au capitalisme :

D'autre part, ne sont pas rares les prêtres qui se montrent timides et incertains en ce qui concerne ce système économique qui a tiré son nom de l'accumulation excessive des biens privés. Plus d'une fois, l'Eglise en a dénoncé les conséquences gravement pernicieuses. En effet, elle a indiqué non seulement les abus des grandes richesses et même du droit de propriété qu'un pareil régime économique engendre et protège, mais elle a aussi enseigné que la richesse et la possession doivent être des instruments de la production, des biens pour l'avantage de la société tout entière, et aussi pour la sauvegarde et le développement de la liberté et de la dignité de la personne humaine °3.

Les prêtres ont l'obligation de connaître et d'enseigner la doctrine sociale de l'Eglise :

Les dommages causés par les deux systèmes économiques doivent convaincre tout le monde, mais spécialement les prêtres, de l'obligation d'adhérer et de rester fidèles à la doctrine sociale que l'Eglise indique, de la faire connaître aux autres et de la leur faire mettre en pratique selon leurs moyens. Seule, en effet, cette doctrine peut porter remède aux maux qui se sont largement étendus et accrus ; cette doctrine unit et met dans un accord parfait toutes les exigences de la justice et les devoirs de la charité : elle commande d'établir un ordre social* qui, loin d'opprimer les individus et de les isoler les uns des autres par la préoccupation excessive des intérêts de chacun, réunit tous les hommes dans des relations réciproques de bonne harmonie et par les liens d'une amitié fraternelle.

Les prêtres devront aller au secours des pauvres :

Que les prêtres marchant sur les traces du divin Maître, viennent selon leur pouvoir au secours des pauvres et des travailleurs et de tous ceux qui se trouvent dans la gêne et la misère. Parmi ces derniers, tout le monde le sait, il faut aussi compter beaucoup de gens de la classe moyenne et de membres du clergé.


92 Sur le communisme on lira le décret du Saint-Office du 1er juillet 1949 (cf. Documents Pontificaux 194g, p. 249).

93 Fréquemment les Papes ont dénoncé les abus du capitalisme. Citons ce texte de Pie XII, dans son radiomessage du ier septembre 1944 : Le capitalisme se fonde sur des


Ils ne doivent pas pour cela négliger les riches :

Néanmoins, que les prêtres ne négligent pas ceux qui, tout en possédant les biens de la fortune en suffisance, sont des indigents quant à leur âme. Aussi faut-il les appeler à renouveler complètement leur vie, en se souvenant de l'exemple de Zachée qui a dit : « Je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j'ai fait tort à quelqu'un, je lui rends le quadruple 94 ».

Dans leur apostolat social, les prêtres insisteront sur les principes qui doivent guider l'action, laissant aux laïcs le soin de promouvoir cette dernière :

Quand il s'agit de discussion sur une matière sociale, les prêtres ne doivent jamais oublier le but vers lequel doit tendre leur mission : à savoir, avec zèle, sans hésitation aucune, qu'ils exposent les vrais principes doctrinaux qui concernent le droit de propriété, la richesse, la justice, la charité ; leur exemple montrera comment ces mêmes principes doivent être appliqués de la façon la plus convenable.

Que les laïcs se préoccupent de l'application effective de ces principes doctrinaux à la vie sociale. S'il ne s'en trouve pas de capables pour cela, le prêtre les instruira et les formera le plus convenablement qu'il sera possible.

Dans un certain nombre de pays, il faut essayer de porter secours au clergé pauvre 95 :

Nous estimons  opportun  de  parler ici  de la  misérable situation matérielle dans laquelle vivent, en cet après-guerre, un

conceptions erronées et s'arroge un droit illimité sur la propriété en dehors de toute subordination au bien commun ; l'Eglise l'a toujours réprouvé comme contraire au droit naturel. »4 Luc, 19, 8.

95 Le clergé est réduit à l'extrême misère dans les Etats soumis à des gouvernements 3 tendance communiste ; il en est de même dans certaines régions d'Allemagne, d'Italie et de France ; il faudrait y ajouter aussi un grand nombre de pays de missions.

nombre considérable de prêtres, spécialement dans les pays qui ont eu à subir les plus graves dommages, soit à cause de la guerre elle-même, soit à cause de la situation politique. Cet état de choses Nous cause une angoisse profonde, et Nous mettons tout en oeuvre, selon nos moyens, pour soulager les malheurs, les peines et l'extrême indigence de beaucoup de prêtres.

En vue de trouver une solution à l'inégalité de certaines situations, le Saint-Siège a autorisé le transfert de certains biens entre paroisses :

Vous savez très bien, vénérables Frères, comment — dans les pays où les besoins paraissent être plus grands, — par l'entremise de la Sacrée Congrégation du Concile, Nous avons accordé des pouvoirs extraordinaires aux evêques et édicté des lois particulières en vue d'éliminer équitablement les inégalités plus graves dans la situation économique des prêtres d'un même diocèse. Nous savons qu'en certains endroits, de nombreux prêtres, vraiment dignes d'éloges, ont répondu à l'appel de leurs pasteurs ; ailleurs, des difficultés ont surgi qui ont empêché les directives ou les règles données d'avoir toute leur efficacité. Nous vous exhortons cependant à persévérer, guidés par l'amour paternel, dans la voie où vous êtes engagés, car il est inadmissible que le pain quotidien manque aux ouvriers envoyés dans la vigne du Seigneur. En cette matière, ne soyez pas gênés pour nous communiquer de temps en temps les résultats qu'auront obtenus vos efforts.

Dans la plupart des pays, on a organisé des associations de secours mutuels pour subvenir aux prêtres dans le besoin :

Nous louons vivement, vénérables Frères, toutes les décisions que vous prendrez d'un commun accord pour assurer aux prêtres le nécessaire pour la vie de chaque jour, non seulement pour le présent, mais aussi pour l'avenir, moyennant certaines organisations opportunes de prévoyance — elles existent déjà dans la société civile et Nous les approuvons — qui pourvoient aux besoins des prêtres principalement dans le cas de maladie, quand la santé décline, quand survient la vieillesse. Par là, vous libérerez les prêtres de la sollicitude relative à leur subsistance et à leur situation matérielle dans le futur.

Il est louable que les prêtres fortunés viennent au secours des prêtres moins fortunés :

A ce propos, il Nous plaît d'exprimer Notre gratitude aux prêtres qui, sans faire attention aux inconvénients que cela pourrait leur causer, sont venus et viennent en aide à leurs confrères qui avaient besoin de secours, spécialement à ceux qui étaient malades ou à l'âge de la vieillesse. En agissant ainsi, ces prêtres donnent une preuve éclatante de cette charité mutuelle que le Christ a présentée à ses disciples comme le signe caractéristique auquel tout le monde les reconnaîtrait : « C'est à ceci que tous vous reconnaîtront pour mes disciples, à votre mutuelle charité 9". » Nous souhaitons aussi que ces liens de charité fraternelle se resserrent chaque jour davantage entre les prêtres de toutes les nations, afin qu'il soit toujours plus manifeste que les prêtres, ministres d'un même Dieu, Père de tous, sont animés dans leurs rapports mutuels du même esprit de charité, quel que soit le pays où ils demeurent.

Dé même, les fidèles doivent apporter leur part pour aider le clergé pauvre :

Mais vous comprenez sans aucun doute, qu'il vous est impossible de remédier parfaitement aux difficultés de cette situation si les fidèles ne sont pas intimement convaincus qu'ils ont l'obligation de venir en aide au clergé, chacun pour sa part, et si on ne prend pas tous les moyens opportuns pour arriver à ce résultat.

En conséquence, faites comprendre aux fidèles confiés à vos soins l'obligation qui leur incombe de secourir leurs prêtres qui se trouveraient dans le besoin. Elle garde toujours sa valeur, la sentence du divin Rédempteur : « L'ouvrier a droit à son salaire 97. » Comment peut-on demander aux prêtres d'accomplir avec empressement les devoirs de leur ministère si ces prêtres n'ont pas à leur disposition les choses nécessaires à la vie ? Du reste, les fidèles qui négligent leur devoir sur ce point frayent la voie, même s'ils ne le veulent pas, aux ennemis de l'Eglise qui, en plusieurs pays, pourront ainsi plus facilement affamer

98 Jean, 13, 35. 07 Luc, 10, 7.

»8 I. Tim., 4, 14.

le clergé pour pouvoir le séparer ou le détacher de l'autorité légitime.

Enfin, les pouvoirs publics doivent — des deniers publics — prélever ce qui est nécessaire à l'entretien du clergé :

Les pouvoirs publics, selon les conditions des divers pays, sont également dans l'obligation de pourvoir aux besoins du clergé : la société civile ne tire-t-elle pas d'incalculables bienfaits spirituels et moraux du ministère sacerdotal ?

Pie XII, en conclusion, résume la mission rédemptrice du prêtre :

Enfin, avant de terminer cette exhortation, Nous ne pouvons Nous abstenir de réitérer ici, mais en abrégé, les avis ou encouragements que, chaque jour, vous devez avoir devant les yeux, car il faut les regarder comme vos normes ou directives principales dans votre conduite et votre activité. Puisque Nous sommes prêtres du Christ, il faut que Nous travaillions de toutes nos forces à ce que la Rédemption opérée par le Christ obtienne la plus efficace application dans toutes les âmes. Considérez attentivement les besoins si graves de notre époque. Il faut faire effort pour ramener aux préceptes du christianisme les frères qui sont ou égarés par l'erreur, ou aveuglés par les passions ; pour éclairer les peuples avec la lumière de la doctrine chrétienne, pour les guider conformément aux lois établies par le Christ, pour leur former une conscience profondément pénétrée de leurs obligations chrétiennes, enfin, pour les stimuler tous à lutter avec courage dans les combats pour le triomphe de la vérité et de la justice.

Nous aurons atteint le but proposé seulement quand nous serons parvenus à un degré de sainteté tel que nous fassions passer dans les autres la vie et les vertus que nous aurons fait dériver du Christ en nous.

Nous adressons à chaque prêtre l'exhortation même de l'apôtre saint Paul : « Garde-toi de négliger la grâce qui est en toi que les presbytres t'ont conférée par l'imposition des mains 98. »

« Donne-leur toi-même en tout l'exemple des bonnes oeuvres, enseignant avec pureté, dignité, parole saine, irrépréhensible, en

sorte que l'adversaire ait la confusion de ne rien trouver à redire contre nous    »

Chers Fils, faites le plus grand cas de la grâce du ministère que vous avez reçu ; vivez en sorte que cette grâce prospère en vous et produise les fruits les plus abondants qui contribueront grandement au bien de l'Eglise et à la conversion de ses ennemis.

Pour que Notre exhortation paternelle réalise heureusement ce qui est son but, derechef Nous vous exhortons en empruntant ces paroles qui paraissent, particulièrement au cours de cette Année Sainte, si opportunes : « Renouvelez-vous au plus intime de votre esprit et revêtez-vous de l'homme nouveau créé dans l'image de Dieu dans la justice et la sainteté véritables 10°. » « Soyez les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés et marchez dans la charité à l'exemple du Christ qui nous a aimés et s'est livré lui-même pour nous, comme une oblation et un sacrifice d'agréable odeur101. » « Remplissez-vous de l'Esprit-Saint. Entretenez-vous les uns les autres de psaumes, d'hymnes et de cantiques spirituels, chantant et psalmodiant du fond du coeur en l'honneur du Seigneur 102 » ; « veillant avec une persévérance continuelle et en priant pour tous les saints103».

Que les prêtres fassent une retraite spéciale, en cette fin d'Année Sainte :

Méditant ces pressantes invitations de l'Apôtre des nations, Nous jugeons opportun de vous suggérer de vous adonner, durant cette Année Sainte, en plus de ce qui est régulièrement établi, aux exercices spirituels d'une retraite extraordinaire, de telle sorte que, poussés par la ferveur de la piété que vous aurez puisée, vous soyez plus aptes pour appeler les autres âmes à bénéficier des trésors de l'indulgence divine.

Le Pape se tourne en terminant vers la Sainte Vierge Marie :

Mais comme vous le savez vous-mêmes par expérience, combien il est difficile de marcher sur le chemin ardu de la

S9 Tite, 1, 7-8.

100 Eph., 4, 23-24.

101 Eph., 5, 1-2.

102 Eph., 5, is-io. 108 Eph., 6, 18.

sainteté et de vous bien acquitter des charges qui vous sont confiées, avec confiance levez vos regards, vos pensées et vos sentiments vers Celle qui, étant la Mère du Prêtre éternel, est, à cause de cela, la Mère très aimante du clergé catholique. Vous connaissez parfaitement la bonté de cette Mère à votre égard, et très souvent, en beaucoup d'endroits, prêchant sur la miséricorde du Coeur Immaculé de Marie, vous avez réveillé d'une façon merveilleuse la foi et la piété du peuple chrétien.

Si la Vierge Mère de Dieu aime toutes les âmes d'un ardent amour, elle a cependant une prédilection toute particulière pour les prêtres qui sont l'image vivante de Jésus-Christ. Lorsque vous considérerez, pour la plus grande consolation de votre âme, et cet amour spécial de Marie et sa particulière protection en faveur de vous tous, alors vous sentirez que vos efforts pour acquérir la sainteté et pour accomplir les charges de votre ministère sacerdotal se feront plus facilement. De tout Notre pouvoir, Nous voulons confier tous les prêtres du monde entier à la Mère de Dieu, médiatrice des grâces célestes, afin que par son intercession Dieu fasse descendre sur ces prêtres une abondante effusion de son Esprit-Saint, qui les poussera tous à la sainteté et renouvellera spirituellement dans ses moeurs le genre humain.

Le Souverain Pontife bénit particulièrement les prêtres persécutés :

Espérant la réalisation de ces voeux et souhaits salutaires, par l'entremise du patronage de Marie, la Vierge immaculée. Nous implorons de Dieu qu'il donne des grâces divines abondantes à tous, mais spécialement aux evêques et aux prêtres qui sont persécutés, emprisonnés, exilés, parce qu'ils défendent courageusement les droits et les libertés de l'Eglise. Nous leur exprimons Notre affection spéciale et Nous les exhortons paternellement à continuer à donner encore cet exemple eminent de courage sacerdotal et de vertu.

Comme gage des dons célestes et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous accordons de grand coeur à tous et à chacun de vous, vénérables Frères, ainsi qu'à tous vos prêtres, la Bénédiction apostolique.


Pie XII 1950 - LA SAINTETÉ DU MINISTÈRE