Pie XII 1950 - ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONGRÈS CATÉCHISTIQUE INTERNATIONAL


DISCOURS AUX MÉDECINS SPÉCIALISTES EN OTO-RHINO-LARYNGOLOGIE

(15 octobre 1950)1

Le XXXVIIIe Congrès de la Société italienne d'Oto-Rhino-Laryngo-logie tenant ses assises à Rome, plus de 200 médecins spécialistes furent reçus ce jour en audience dans la Salle des Suisses du Palais de Castel-Gandolfo :

Vous comprendrez facilement qu'en raison de l'accroissement constant de Nos devoirs en cette Année Sainte, Nous Nous trouvons contraint, non point sans un vif regret, de vous accueillir seulement avec de brefs souhaits de bienvenue. Nous avons déjà eu l'occasion de recevoir les représentants de plusieurs branches de la médecine, de la chirurgie, de l'assistance sanitaire, dont chacune présente un intérêt particulier. Celui de votre profession est caractéristique, car il concerne les relations entre la vie organique et le monde extérieur qui nous entoure.

Les organes auxquels vous consacrez vos soins sont d'une perfection merveilleuse, mais aussi d'une délicatesse et sensibilité extrêmes, conditions réclamées par l'importance de leur fonction.

Une partie du service de l'appareil nasal consiste à préserver tout l'organisme de l'invasion des miasmes nuisibles à la santé. Au moyen de l'odorat, il met en garde, en temps opportun, à l'approche du danger, afin que la volonté et les réflexes viennent interdire l'accès à l'ennemi menaçant. Avec ses petits canaux, avec ses sécrétions, il l'arrête au passage, il filtre les éléments pernicieux dont l'atmosphère est chargée ; il atténue l'âpreté de

à l'air trop froid ou trop sec. Sa sensibilité est en même temps une condition, mais aussi une rançon des services qu'il rend ; la plus petite lésion de ses tissus, le plus léger défaut dans la conformation de ses cartilages, la moindre altération, voire même passagère, de ses fonctions, causent parfois de vives douleurs qui, tant qu'elles ne comportent pas en elles-mêmes un danger, sont un avertissement salutaire.

La fin de l'appareil nasal ne se réduit pas cependant à une activité purement défensive ; pour une part notable, il entre en collaboration avec les autres organes qui font également l'objet de votre spécialité : avec le larynx pour son influence sur le timbre et la limpidité de la voix ; avec l'oreille, à laquelle il fournit par l'intermédiaire de la trompe d'Eustache, sans préjudice de son isolement de l'extérieur, l'air nécessaire au tympan.

Le larynx, quelle merveille ! Chacune à sa manière, les autres parties de la bouche l'enrichissent, sans doute, avec le concours des modifications qui assurent la perfection du langage articulé ; mais c'est lui qui produit les sons mêmes à l'aide de la tension ou du relâchement de ses cordes vocales, et l'exercice permet d'acquérir une précision, une agilité, une rapidité qui, chez les virtuoses, tiennent du prodige.

Mais il suffit de si peu pour l'atteindre, pour altérer, d'une manière souvent douloureuse, ses fonctions, pour l'irriter et provoquer une toux irrésistible, pour l'enflammer douloureusement ; une fatigue prolongée ou excessive peut compromettre la clarté de la voix et même la ruiner pour toujours. Dans le domaine psychique, il n'y a point d'émotion joyeuse ou triste, tendre ou violente, qui n'ait une répercussion sur la voix ; ils le savent bien, l'orateur, le chanteur, l'acteur, le professeur. Selon les cas, ils s'en servent habilement, ou bien ils en souffrent et ont recours à vos soins au moment même où la voix leur est le plus nécessaire.

L'oreille enfin. A quoi servirait la voix qui chante, la voix qui exprime la pensée, si l'oreille n'était pas là pour recueillir les sons ?

Elle en jouit sans doute, mais encore plus noblement, elle fait pour ainsi dire passer l'esprit de celui qui parle dans l'esprit de celui qui écoute. Si la Providence, dans sa bonté et sa libéralité, permet de suppléer en quelque sorte avec les autres sens au défaut de l'ouïe, il n'en reste pas moins toujours vrai, que celle-ci est le moyen normal, à tel point que c'est par son inter

médiaire que se transmet à l'esprit de l'homme la pensée même de Dieu : Fides ex auditu 2.

Or, pour pouvoir remplir efficacement son service, l'ouïe est construite d'une manière telle qu'il est impossible de ne pas y voir la main et comme le sceau du Créateur divin : du pavillon qui forme la partie extérieure et cartilagineuse de l'oreille, en passant à travers tout un mécanisme qui transmet au tympan les vibrations émises par les corps sonores, un labyrinthe admirable les conduit jusqu'à cette harpe aux mille cordes dont chacune n'est sensible qu'à un son, mais dont les accords variés produisent tous les autres sons, c'est-à-dire jusqu'à la hauteur au-delà de laquelle l'instrument se briserait, comme la chanterelle trop tendue d'un violon !

L'oreille est si délicate ! Elle est sujette à tant de cas et de désordres qui font fortement souffrir et dont la localisation rend très difficile l'examen direct et le traitement. Et quand la maladie ou l'âge viennent affaiblir progressivement, parfois jusqu'à sa complète disparition, le sens de l'ouïe, qui pourra dire la souffrance morale de ceux qui sont frappés ! d'un Beethoven qui n'entendait plus le son du piano, que ses doigts faisaient encore chanter ; d'un père ou d'une mère dont la vue de leurs enfants ne suffit pas à consoler de la solitude dans laquelle les fait vivre le silence obstiné. C'est de vous qu'ils attendent la gué-rison, ou tout au moins le soulagement ou la compensation de quelque appareil qui transforme leur vie.

Nous n'ajouterons rien d'autre, confiant comme Nous le sommes d'en avoir dit assez pour vous démontrer que votre Congrès est bien loin de Nous laisser indifférent et que Nous savons apprécier dans toute leur valeur les grands bienfaits qu'avec votre science et votre art, vous procurez à vos semblables. Aussi est-il juste que ceux-ci vous en soient profondément reconnaissants. Que la bénédiction de Dieu vous aide à mériter de plus en plus la gratitude de l'humanité par l'exercice de votre belle profession.

Rom.. X, 17.


LETTRE A L'OCCASION DU CINQUANTENAIRE DU COLLÈGE PONTIFICAL PORTUGAIS A ROME

(18 octobre 1950) 1

Cette lettre fut adressée à Monseigneur Ioachim Carreira, Recteur du Collège Pontifical Urbain Portugais :

La cinquantième année s'achève, comme Nous l'avons constaté avec plaisir, de la fondation en cette Ville sainte, par la volonté et la libéralité de Notre Prédécesseur d'immortelle mémoire Léon XIII, et sous d'heureux auspices, du Collège des clercs portugais. Nous ne pouvons passer sous silence la fécondité de ce réel événement, étant donné les vives sollicitudes et bienveillances avec lesquelles Nous poursuivons le même but. Cette demeure de vertus et d'études, située auprès du territoire du Prince des Apôtres et de l'auguste Chaire de Pierre, où les âmes des jeunes clercs, tout en se pénétrant profondément des lettres et sciences sacrées, s'embrasent de l'ardeur de la foi et de la piété romaine et s'affermissent à l'exemple de tant d'hommes héroïques et à la suave odeur des reliques des martyrs, a donné une importante moisson de prêtres, qui dans l'exercice du saint ministère, soit au Portugal même, soit dans ses territoires d'outre-mer, ont remarquablement mérité à la fois de l'Eglise catholique et de la société civile. De légitimes actions de grâces doivent donc être rendues surtout à Dieu, dont la faveur et le secours ont procuré cette récolte abondante de fruits dans ce jardin de l'Eglise, aux Evêques du Portugal ensuite, qui donnèrent avec grands zèle et préoccupations leur faveur au Collège urbain en envoyant se former à Rome des jeunes gens remar-

quables par leur intelligence, leur piété et les autres qualités de l'âme, et aussi à vous, cher Fils, qui dirigez avec sagacité leur éducation et leurs progrès. Ce cinquantenaire avec ses cérémonies fait luire l'espoir heureux que les Evêques eux-mêmes du Portugal, qui connaissent bien les nouvelles circonstances et difficultés des temps, voudront exciter leur activité et celle de leurs coopérateurs, surtout à la découverte et à la culture des vocations ecclésiastiques, et que les disciples choisis de ce collège, appréciant à sa valeur la grandeur du don de Dieu qui leur est largement octroyé, s'efforceront par une application chaque jour accrue, par la pratique toujours plus active des vertus et des études, à compenser en quelque manière le petit nombre de candidats. Ils obtiendront certes efficacement ce résultat, s'ils manifestent une volonté ferme dans la poursuite de leur but, vertueuse, pure, brûlante de charité pour Dieu et le prochain, toujours ardente et prête à entreprendre tous les travaux pour le salut éternel des âmes. L'heureux accomplissement de nos souhaits, Nous le recommandons dans une instante prière au Très Sacré-Coeur de Jésus, « dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science 2 » et auquel, dès ses origines, le Collège s'est opportunément voué : que par son secours, Il le conserve et le fasse prospérer de plus en plus à l'avenir. A ces voeux et souhaits, Nous unissons très affectueusement dans le Seigneur Notre Bénédiction apostolique, annonce des dons célestes et témoin de Notre large affection, pour vous, cher Fils, pour vos compagnons de labeur et pour tous les élèves actuels ou anciens.

2 Col.,  II, 3-


DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DES RITES AUTORISANT LA CÉLÉBRATION D'UNE MESSE DE L'ASSOMPTION LE JOUR DE LA TOUSSAINT 1950

(21 octobre 1950)

S. Em. le Cardinal Micara, évêque de Velletri, et Préfet de la S. Congrégation des Rites, signa le document suivant :

Notre Très Saint-Père le Pape Pie XII, répondant volontiers aux voeux d'un grand nombre d'Evêques, concède que le 1er novembre, jour où sera proclamée la définition de l'Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie, dans toutes les églises ou oratoires publics ou semi-publics, une messe de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie soit chantée, on ajoutera à l'oraison de la fête, l'oraison de la Toussaint sous une unique conclusion.


DÉCLARATION DE LA S. PÉNITENCERIE

(22 octobre 1950) 1

Le Rituel Romain, au titre du sacrement de pénitence, contient un rite pour l'absolution d'une excommunication où est prévue la cérémonie d'une flagellation symbolique. Ce rite était pratiqué au moyen âge sans doute avec une certaine fréquence à Rome où les pénitenciers apostoliques 2 avaient une délégation habituelle pour absoudre de censures réservées au Pape. Souvent, les confesseurs devaient envoyer les pénitents excommuniés à Rome pour s'y faire absoudre. La baguette était pour ainsi dire l'outillage des pénitenciers. Avec le temps, l'usage s'introduisit (comme pour la réception des Cendres) de donner le coup de baguette, toujours en usage et enrichi d'une indulgence, aux fidèles qui la demandaient avec une intention de pénitence sans y être assujettis par une censure.

La baguette qui est restée un insigne des pénitenciers apostoliques (ou pénitenciers mineurs) des basiliques patriarcales de Rome, pourrait être employée dans les mêmes conditions par le chanoine pénitencier d'une cathédrale, muni des pouvoirs d'absoudre des cas réservés à l'Evêque diocésain.

Certaines confusions s'étant fait jour sur cette question de la baguette des pénitenciers, la mise au point suivante fut publiée :

On a constaté que quelques fidèles ont considéré à tort que le coup de la « baguette » des pénitenciers des quatre Basiliques patriarcales comportait l'absolution des fautes. Il convient donc de déclarer que l'absolution des péchés n'est nullement attachée au coup de la « baguette » des pénitenciers, mais que c'est seulement l'indulgence partielle de trois cents jours pouvant être acquise une fois par jour, conformément au décret de la S. Pénitencerie Apostolique en date du 20 juillet 1942 3, et applicable durant l'Année Sainte exclusivement aux défunts.

1 D'après le texte latin de VOsservatore Romano du 22 octobre 1950.

2 Sur les Pénitenciers, on lira la note p. 270 dans Documents Pontificaux 1949. a Cf. A. A. S., XXXXIV, 1942, p. 239.


DISCOURS AUX REPRÉSENTANTS DES COMMUNES D'ITALIE

(23 octobre 1950) 1

Recevant dans la Basilique de Saint-Pierre plusieurs milliers de représentants des Communes d'Italie, le Saint-Père leur dit :

Parmi les heureux événements qui ont imprimé un caractère particulier au cours de cette Année Sainte, il faudra compter comme un des plus notables votre pèlerinage jubilaire à la Cité éternelle, Messieurs les Maires, Assesseurs et Conseillers communaux d'Italie.

La ferveur avec laquelle le peuple italien de toutes les régions et de toutes les classes a accueilli la promulgation de cette Année Sainte a dépassé en enthousiasme et en manifestations de foi les prévisions les plus optimistes et Notre attente elle-même. Sa conduite lui a mérité les hommages du monde catholique et a suscité partout une noble émulation ; émulation saintement fraternelle qui n'a pas peu contribué à l'union des nations. C'est pourquoi Nous avons une confiance fondée que les torrents de grâce qui ont vivifié toute la chrétienté n'auront pas, comme la marée, leurs alternatives de flux et de reflux, mais continueront à couler abondamment comme un fleuve royal constamment alimenté par l'eau du ciel. Leur effet bienfaisant, Nous n'en doutons pas, se prolongera avec la même efficacité très longtemps encore après que la grande cloche de Saint-Pierre aura annoncé la fin — dans la Ville — de cette Année Sainte aussi riche d'expérience et d'édification.

Entre les sentiments intimes des populations croyantes et votre présence d'aujourd'hui au centre de la Chrétienté règne une assonance spirituelle dont l'harmonie ne peut échapper a

personne. La nouvelle de votre pèlerinage à Rome a été accueillie avec joie et fierté par les citoyens italiens qui, avec un libre choix, ont confié à vos mains expertes l'administration de leurs communes.

Aussi pouvons-Nous vous dire du fond du coeur : Soyez les bienvenus, vous qui êtes investis d'un honneur et d'une charge que la confiance de vos concitoyens a posés sur vos épaules. Votre activité pour l'intérêt du bien public n'est pas assez souvent reconnue et appréciée dans toute son importance, dans toute sa gravité, dans toute la somme de sacrifices qu'elle requiert.

A présent, le monde est agité, excité par le vacarme d'une publicité qui occupe toute son attention et ne se passionne que pour les événements politiques, non pas toujours des plus importants, mais plutôt ceux qui sont destinés à frapper et sont souvent exploités pour des buts de parti. Le travail patient, ordonné, constructio qui s'accomplit jour après jour, dans le cercle modeste, mais d'intérêt vital de l'administration communale, le laisse souvent indifférent.

Ce n'est pas aux artisans de ce travail que l'opinion publique tresse des couronnes et érige des monuments. Elle accorde aux héros célèbres et parfois bruyants, le monopole de la gloire, très souvent noblement méritée, parfois usurpée ou prématurée, éphémère et sujette aux sautes de vent de la faveur et de la popularité.

Toutefois, dans la maison du Père commun de la Chrétienté, la splendeur des plus illustres représentants des nations ne relègue pas dans l'ombre la valeur de votre activité.

Personne plus que Nous ne l'apprécie, parce que personne plus que Nous ne comprend et n'évalue le pesant fardeau qui pèse sur chacun de vous. Personne plus que Nous n'estime à sa juste valeur les dons et les qualités d'ordre intellectuel et moral que le maniement et la gestion des affaires locales exigent en ceux qui en sont les organes compétents.

Et comment pourrait-il en être autrement si la nature même de vos fonctions vous met en contact permanent, direct et immédiat avec la réalité de la vie, avec ses alternatives de joies et de douleurs, de prospérité et de misère, de lumières et d'ombres ? Si vous ne fermez pas délibérément les yeux, cette vie réelle est continuellement présente à votre regard, chaque jour et à chaque heure, comme un  avertissement infatigable  et inflexible. Vous pouvez bien consumer toutes les forces de votre esprit, tendre votre volonté au maximum, affiner votre conscience, multiplier et renforcer vos prévisions d'assistance et d'ordre, vous pouvez avoir fait, comme on a coutume de le dire le possible et l'impossible ; et pourtant à la fin, vous devez avouer que ce qui reste encore à faire est souvent bien plus que ce que vous avez pu accomplir, et en écoutant avec le coeur affligé les doléances de vos administrés, vous sentez combien souvent les moyens dont vous disposez sont disproportionnés à la grandeur de vos devoirs, spécialement dans le champ de l'assistance sociale.

Nous avons confiance que les grâces de l'Année Sainte raffermiront et animeront votre esprit : ce sont des grâces de lumière vivante et de joyeuse énergie qui vous soutiendront dans l'accomplissement de toutes vos obligations. Votre pèlerinage à ce centre de la Chrétienté démontre que votre idéal ne se restreint pas à procurer le bien matériel et économique de vos concitoyens, mais que vous visez à maintenir, pour autant que cela dépend de vous, avec la santé morale de vos populations, le précieux héritage de foi et de tradition chrétiennes, avec lesquelles elles ont pu défendre de toutes les embûches de l'esprit d'incrédulité et de désordre leur vrai progrès dans la vraie et juste liberté.

Ce n'est peut-être pas là, en fait, toute l'histoire des Communes d'Italie, à laquelle votre pèlerinage vient ajouter une nouvelle page, l'une des plus belles et qui en est aujourd'hui le digne couronnement. Un couronnement, disons-Nous, puisqu'en parcourant rapidement son évolution, depuis les premières origines, il s'y reconnaît l'affranchissement progressif du système féodal devenu caduc ; puis l'affirmation pratique et la protection de la liberté et de la dignité des individus ; d'où la constitution et l'organisation de la cité, en vue de concilier le principe d'une juste égalité personnelle avec celle d'une indispensable hiérarchie des fonctions ; enfin les relations, les alliances, la formation d'Etats, en conservant dans la force de l'unité nationale une légitime et suffisante autonomie locale et provinciale ; et voici qu'aujourd'hui, un nombre aussi considérable de ces Communes d'Italie représentées par vous, en affirmant de nouveau leur existence, leur vie, leur personnalité morale, viennent dans une entente fraternelle renouveler l'expression de leur filiale confiance dans leur Eglise et dans son Vicaire.

Fermement convaincu que par la plus solide réalisation de ces hauts buts religieux et sociaux, votre pèlerinage est non seulement un heureux commencement, mais aussi une impulsion pleine de promesses à des entreprises toujours plus fermes et de plus vastes activités, Nous vous accordons de tout coeur à vous tous, Maires, Assesseurs, Conseillers communaux et Députés provinciaux d'Italie, non moins qu'aux sobres et laborieuses populations dont vous avez la garde et le soin, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AU CONSISTOIRE

(30 octobre 1950)1

Le 14 août, en la vigile de Y Assomption, un communiqué paru dans l'Osservatore Romano disait que le Saint-Père comptait définir le Xe' novembre de cette Année Sainte, le dogme de Y Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie2 ; en ce faisant, le Souverain Pontife répondait à l'attente du monde chrétien qui, depuis un siècle, envoyait des pétitions au Saint-Siège pour demander cette définition. Les deux premières pétitions parvinrent à Pie IX en 184g, venant de Son Exc. le Cardinal Sterckx, archevêque de Malines, et de l'êvêque d'Osma en Espagne. Depuis lors, le mouvement n'a fait que s'amplifier 3. On pouvait compter en 1950, 2505 pétitions émanant de la Hiérarchie, 83.000 signées par des prêtres et des religieux, et plus de 8 millions envoyées par les fidèles.

Pie Xli publia le 1er mai 1.946 une Encyclique : Deiparae Virginis, qui fut envoyée aux evêques pour leur demander s'ils estimaient opportun la définition du dogme de Y Assomption : 94''/0 des evêques répondirent ; 98,2%- des evêques donnèrent une réponse affirmative ; i,8°/o émirent un doute (soit 22 evêques) sur l'opportunité de la définition.

On pouvait donc conclure que la quasi unanimité de l'Episcopat catholique répondait par l'affirmative. C'est pourquoi le Pape estima en 1930 le moment venu pour proclamer ce dogme.

1 D'après le texte des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 774.

2 L'Osservatore Romano des 14-15 août 1950 publiait en tête de sa première page l'information suivante :

« Nous sommes informés que Sa Sainteté a l'intention de tenir un Consistoire secret le 30 octobre courant pour annoncer Son intention de proclamer le mercredi suivant premier novembre, en la fête de la Toussaint, dans la Basilique patriarcale du Vatican le dogme de l'Assomption au ciel de la Bienheureuse Marie. »

3 Cf. RR. PP. W. Hentrich et R.-G. de Moos, S. ]., Petitiones de Assumptione corporis B. V. Mariae in Coelum definienda ad Sedem delatae propositae secundum ordinem hierarchicum dogmaticum, geographicum, chronoligicum ed consensum Ecclesiae manifestandum (Ed. Libreria Vaticana, 1942) ; R. P. C. Balic O. F. M., Testimonia de Assumptione B. V. Mariae ex omnibus saeculis (Rome, 1948).

Aussi, le 30 octobre 1950, le Souverain Pontife réunissait-il un Consistoire pour faire part officiellement à l'Episcopat de sa décision. Ce Consistoire rassemblait 35 cardinaux et plus de 450 évêques.

Pie XII déclare tout d'abord qu'il compte proclamer le dogme de l'Assomption le four de la Toussaint :

Vous n'êtes pas sans connaître le motif pour lequel Nous vous avons aujourd'hui convoqués à ce Sacré Consistoire. Il s'agit d'un événement qui pour Nous, comme pour vous et pour le monde catholique tout entier, sera sans nul doute cause d'une très grande joie. Le 1er novembre, fête de tous les Saints, le front radieux de leur Reine, l'auguste Mère de Dieu, resplendira d'un nouvel éclat, tandis que Nous définirons et décréterons solennellement, par l'inspiration et l'assistance divines, son Assomption corporelle au Ciel.

Le Pape s'appuie sur les écrits des siècles passés qui, en grand nombre, affirment cette croyance 4 :

Ce que, dès les temps les plus reculés, l'Eglise pieusement croit et honore, ce qu'à travers les siècles, les Saints Pères, les Docteurs et les théologiens ont élaboré en le mettant en une lumière toujours plus claire, ce qui enfin fut demandé de toutes parts et par des fidèles de toutes conditions, en d'innombrables documents, Nous Nous apprêtons à le sanctionner et à le définir : à savoir que Marie, la Vierge Mère de Dieu, a été élevée à la gloire céleste avec son âme et avec son corps.

Un laborieux travail de théologie a été élaboré en vue de préparer -cette définition :

Avant de prendre cette décision, Nous avons jugé bon, comme vous le savez, de confier la chose à des hommes de grande science, pour être étudiée et mûrement pesée. Ils ont, sur Notre ordre, rassemblé toutes les suppliques parvenues au Saint-Siège sur cette question, les examinant avec attention, afin de dégager de la façon la plus évidente ce que le Magistère Sacré et l'Eglise catholique tout entière estimait de foi sur ce point de la doctrine.

* On consultera : R. P. Joseph Duhr S. J., La glorieuse Assomption de la Mère de Dieu (Ed. Bonne Presse, Paris, 1948) ; R. P. G. Filograssi S. J., La definibilita dell'Assunzione (Ed.  Civilta Cattolica, Rome, 1950).

Par Notre ordre également, ils ont étudié avec le plus grand soin tous les témoignages, indices et vestiges de la foi commune de l'Eglise sur l'Assomption corporelle de la Bienheureuse Vierge au ciel, tant dans l'enseignement commun du Magistère Sacré que dans la Sainte Ecriture et le plus ancien culte de l'Eglise dans les documents des Pères et des théologiens, et enfin dans l'harmonie de l'ensemble des vérités révélées.

De plus, une vaste enquête a sollicité l'avis de l'Episcopat du monde sur ce dogme :

Nous avons, au surplus, adressé des lettres à tous les Evêques, leur demandant de Nous manifester non seulement leur propre opinion, mais aussi la pensée et le désir de leur clergé et de leur peuple.

En un choeur admirable, et quasi unanime, arrivèrent jusqu'à Nous les voix des pasteurs et des fidèles qui professaient la même foi et demandaient la même chose comme souverainement désirée par tous. Nous avons alors estimé qu'il n'y avait pas lieu de tarder davantage et, en conséquence, Nous avons décidé de procéder à la définition du dogme.

Grâce à ce consentement unanime, aucun doute n'était plus possible :

Comme l'Eglise catholique tout entière ne peut ni se tromper ni être trompée, puisque son divin Fondateur, qui est la Vérité même5, a dit à ses Apôtres : « Voici que je suis avec vou& jusqu'à la iin du monde6», il s'ensuit nécessairement que la vérité de l'Assomption, fermement crue par les Pasteurs et par les peuples, peut être définie par Notre autorité suprême.

De plus, l'Année Sainte amenant les foules pieuses à Rome semble être le moment choisi pour poser cet acte solennel.

Ce n'est pas non plus sans un dessein de la divine Providence que cet heureux événement coïncide avec l'Année Sainte qui va s'achever. A tous les hommes, en effet, et spécialement à ceux qui de partout, sont venus en cette Ville Sainte purifier leur âme et réformer leur vie dans l'esprit chrétien, il semble que la bienheureuse Vierge Marie, resplendissante sur son trône d'un lustre nouveau, tende ses bras maternels, les exhortant instamment à gravir avec courage les sommets de la vertu, pour

5 lean, 14, 6.

« Matth., 28, 20.

qu'au terme de l'exil terrestre, ils viennent enfin jouir, dans la patrie céleste, de la suprême béatitude.

Et ces foules innombrables de fidèles qu'avec une joie indicible Nous avons vues, au cours de ces derniers mois, envahir, non seulement la maison du Père Commun et l'immense Basilique Vaticane, mais la Place Saint-Pierre elle-même et les voies adjacentes — attestant ainsi leur foi ardente et leur fervente piété — veuille la Très Sainte Mère de Dieu les prendre sous sa vigilante protection et leur obtenir les lumières et les dons célestes qui leur permettront de tendre, avec toujours plus d'élan, à la perfection chrétienne.

Sans aucun doute, la Vierge Marie, glorifiée en cette nouvelle croyance, prendra-t-elle en pitié notre pauvre monde.

— en convertissant les pécheurs :

Nous nourrissons, outre la grande espérance que l'Auguste Mère de Dieu, couronnée d'une nouvelle gloire sur la terre, considérera avec amour et attirera puissamment à elle ceux qui languissent dans l'inertie spirituelle ou se sont laissé séduire par l'attrait du vice, ou ceux qui, ayant perdu le droit chemin de la vérité, ne reconnaîtraient pas la sublime dignité de Marie, à laquelle se rattache si étroitement le privilège de son Assomption corporelle au Ciel.

— en apportant des consolations aux éprouvés :

Veuille notre très bénigne Mère, élevée à la gloire céleste, amener à la divine lumière qui descend du ciel le monde entier, enveloppé encore en beaucoup d'endroits par les ténèbres de l'erreur, tourmenté de cruels fléaux et angoissé par de graves périls ; puisse-t-elle obtenir à l'humanité les divines consolations qui réconfortent et relèvent l'âme, même au milieu des plus vives souffrances.

— en obtenant la paix pour le monde troublé :

Qu'elle obtienne de son divin Fils que les nations et les peuples divisés entre eux, à leur commun détriment, voient enfin resplendir à nouveau la paix : celle qui repose, comme sur son plus sûr fondement, sur la tranquillité du bon ordre, sur la justice rendue aux citoyens et aux peuples, sur la sauvegarde dûment garantie à tous de leur liberté et de leur dignité.

— en protégeant l'Eglise persécutée :

Veuille la Vierge bénie défendre surtout, de son puissant patronage, l'Eglise catholique qui, en bien des régions, est peu connue, ou en butte à de fausses accusations et à des calomnies, ou enfin opprimée par d'iniques persécutions. Puisse-t-elle ramener heureusement à son unité tous ceux qui s'égarent.

Telles sont les intentions que le Pape suggère aux prières de l'Episcopat :

C'est tout cela, Vénérables Frères, que vous vous efforcerez d'obtenir de la commune Mère Céleste par de ferventes prières, vous et tout le peuple chrétien avec vous.

A ce moment, le Pape demande à l'Episcopat d'approuver sa décision .-

Mais, maintenant, bien que comme Nous l'avons dit, Nous ayons reçu sur ce très important sujet les réponses des Evêques de toutes les parties du monde, Nous désirons toutefois que vous vouliez bien Nous manifester encore votre sentiment dans-cette nombreuse et auguste assemblée.

Vous plaît-il, Vénérables Frères, que Nous proclamions et définissions solennellement, comme un dogme révélé par Dieu, l'Assomption corporelle de la Bienheureuse Vierge Marie ?

Les Evêques, en cet instant, prononcent la formule Placet et manifestent ainsi leur approbation, le Saint-Père poursuit :

Nous Nous réjouissons immensément que d'un coeur et d'une-voix unanimes, vous soyez d'accord avec ce que Nous-même pensons et désirons ; cette admirable union de sentiments des Cardinaux et des Evêques avec le Pontife Romain fait, en effet, ressortir plus clairement encore ce que la Sainte Eglise, en cette matière, croit, enseigne et désire.

Ne vous lassez pas cependant d'implorer Dieu dans une incessante prière, pour que, par sa grâce et son inspiration, se réalise heureusement ce que Nous attendons tous ardemment, et pour que cet événement tourne à l'honneur du saint nom de Dieu, à l'avantage de la religion chrétienne, à la gloire de la Très Sainte Vierge, et qu'il soit pour tous un nouveau stimulant à la piété envers elle.


DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DES RITES

(31 octobre 1950) 1

Son Eminence le Cardinal Micara, Préfet de la S. Congrégation des Rites, a publié la veille de la Définition du Dogme de Y Assomption, le décret suivant :

C'est avec une immense joie que le peuple chrétien a accueilli la déclaration que la Bienheureuse Vierge Marie était montée au ciel avec son corps et son âme ; afin qu'un souvenir de cet heureux événement demeure dans la liturgie sacrée, la S. Congrégation des Rites a veillé à rédiger une nouvelle Messe en l'honneur de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie 2.

Le Pape Pie XII, faisant confiance au Cardinal Préfet soussigné, a bien voulu approuver ce texte et a ordonné qu'il soit inséré dans le Missel Romain au jour du 15 août, pour remplacer l'ancien texte.

De plus, Sa Sainteté a décidé que dans les litanies de la Sainte Vierge, après l'invocation « Reine conçue sans la tache originelle », on ajoute : « Reine montée au ciel. »

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 795.

2 Ce nouveau texte est publié dans les A. A. S., XXXXII, 1950, p. 793 ; ce texte a été utilisé le lendemain ier novembre 1950 par Pie XII lui-même, au cours de la messe célébrée immédiatement après la proclamation du Dogme.


CONSTITUTION APOSTOLIQUE MUNIFICENTISSIMUS DEUS DÉFINISSANT LE DOGME DE L'ASSOMPTION

(ier novembre 1950) 1

" "?!?:.

C'est au milieu d'un grand concours de peuple, que le Saint-Père définit ce jour le Dogme de l'Assomption au ciel de la Sainte Vierge Marie.

Etaient présents 38 cardinaux, 600 evêques et plus de 600.000 fidèles, sans compter les millions qui suivirent la cérémonie par la radio.

Les rites se déroulèrent sur la place Saint-Pierre, pour permettre à la foule d'y assister. A 8 h. 30, le long cortège des evêques sortant par la porte de bronze, vint s'arrêter, en traversant la place Saint-Pierre au chant des Litanies, sur les escaliers menant à la Basilique. Au milieu du cortège, Pie XII, revêtu de la chape, portant la mitre, avançait, porté sur la sedia gestatoria.

Arrivé à son trône, situé sur le parvis de la Basilique, le Pape s'assit et Son Eminence le Cardinal Eugène Tisserant, faisant fonction de doyen du Sacré-Collège, adressa au Souverain Pontife la supplique suivante :

C'est pour moi, au nom du Sacré-Collège, de tous les evêques et fidèles catholiques, un très grand honneur d'implorer instamment Votre Sainteté de prononcer, de définir, en vertu de Votre suprême jugement exempt à tout jamais d'erreur, en vertu des promesses de Jésus-Christ, que la Vierge Marie Mère de Dieu, après son exil sur la terre, a été élevée au ciel en âme et en corps. Daigne Votre Sainteté orner de l'éclat de ce nouveau joyau le front couronné de notre très douce Mère et ainsi accroître sa gloire sur la terre et ajouter à la joie des anges et

1 Daprès le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 753, traduction française dans La Documentation Catholique, XLVII, c. 1473.

des saints dans le ciel. Que cette noble Mère de Dieu elle-même daigne implorer de son divin Fils, pour nous tous, la féconde abondance des grâces célestes.

Sa Sainteté répondit :

Ce n'est pas sans dessein de la part du Dieu éternel qu'arrive cette heure solennelle. Ce que depuis longtemps déjà l'Eglise catholique souhaite et attend dans les voeux de tous, que réclame la dignité même de la noble Mère de Dieu, à savoir que, dans son corps vivant, elle triomphe en union avec son Fils dans la béatitude éternelle ; Nous sommes sur le point de le déclarer et de le définir. Nous désirons cependant ne formuler cette sentence en cette cause si importante qu'après que tous, autant que vous êtes ici présents, vous aurez prié qu'un rayon de l'Esprit-Saint vienne éclairer Notre esprit de sa surabondante lumière.

Après quoi le Pape entonna, à genoux, le Veni Creator Spiritus, demandant les lumières du Saint-Esprit avant de poser cet acte solennel. C'est alors qu'il lut la finale de la Constitution Apostolique Munificentissimus Deus, se terminant par la définition elle-même.

Voici le texte de cette Constitution, dont seuls les derniers paragraphes furent lus au cours de la cérémonie.

Pie XII constate que notre époque comprend son lot de souffrances et de joies :

Dans sa munificence, Dieu, qui peut tout, et dont le plan providentiel est fait de sagesse et d'amour, adoucit par un mystérieux dessein de sa pensée, les souffrances des peuples et des individus en y entremêlant des joies, afin que par des procédés divers et de diverses façons, toutes choses concourent au bien de ceux qui l'aiment2.

Parmi les joies présentes de l'Eglise, Pie XII signale Yefflorescence de la piété mariale :

Notre pontificat, tout comme l'époque actuelle, est accablé de multiples soucis, préoccupations et angoisses causés par les très graves calamités et les déviations de beaucoup d'hommes

2 Cf. Rom., 8, 28.

qui s'écartent de la vérité et de la vertu. Cependant, c'est pour Nous une grande consolation de voir des manifestations publiques et vivantes de la foi catholique, de voir la piété envers la Vierge Marie, Mère de Dieu, en plein essor, et croître chaque jour davantage, et offrir presque partout des présages d'une vie meilleure et plus sainte. Il arrive de la sorte que tandis que la Très Sainte Vierge remplit amoureusement ses fonctions de mère en faveur des âmes rachetées par le sang du Christ, les esprits et les coeurs des fils sont incités à contempler avec plus de soin ses privilèges.

7/ est donné à notre temps de mettre en plein relief le privilège de l'Assomption :

Dieu, en effet, qui, de toute éternité, regarde la Vierge Marie avec une toute particulière complaisance « dès que vint la plénitude des temps 3 », réalisa le dessein de sa Providence de façon que les privilèges et les prérogatives dont il l'avait comblée avec une suprême libéralité, resplendissent dans une parfaite harmonie. Que si l'Eglise a toujours reconnu cette très grande libéralité et cette parfaite harmonie des grâces, et si, au cours des siècles, elle les a chaque jour explorées plus intimement, il était cependant réservé à notre temps de mettre en plus grande lumière le privilège de l'Assomption corporelle au ciel de la Vierge Marie, Mère de Dieu.

Déjà lorsqu'en 185g, Pie IX définit le Dogme de l'Immaculée Conception de la Vierge Marie, les prémices du Dogme de l'Assomption étaient posées :

Ce privilège resplendit jadis d'un nouvel éclat lorsque Notre Prédécesseur d'immortelle mémoire, Pie IX, définit solennellement le Dogme de l'Immaculée Conception de la Mère de Dieu. Ces deux privilèges sont en effet très étroitement liés.

Tous les hommes sont soumis à la loi de la mort :

Par sa propre mort, le Christ a vaincu le péché et la mort, et celui qui est surnaturellement régénéré par le baptême triomphe

3 Gal., 4, 4.

par le même Christ du péché et de la mort. Toutefois, en vertu d'une loi générale, Dieu ne veut pas accorder aux justes le plein effet de la victoire sur la mort, sinon quand viendra la fin des temps. C'est pourquoi ,les corps même des justes sont dissous après la mort, et ne seront réunis, chacun à sa propre âme glorieuse qu'à la fin des temps.

Toutefois, la Sainte Vierge n'a pas connu la loi de la corruption du corps dans le tombeau :

Cependant, Dieu a voulu exempter de cette loi universelle la Bienheureuse Vierge Marie. Grâce à un privilège spécial, la Vierge Marie a vaincu le péché par son Immaculée Conception, et de ce fait, elle n'a pas été sujette à la loi de demeurer dans la corruption du tombeau, et elle ne dut pas non plus attendre jusqu'à la fin du monde la rédemption de son corps.

Dès que fut définie l'Immaculée Conception, le monde chrétien exprima le voeu de voir l'Assomption proclamée comme Dogme :

C'est pourquoi, lorsqu'il fut solennellement défini que la Vierge Marie, Mère de Dieu, a été préservée dès sa conception de la tache originelle, les fidèles furent remplis d'un plus grand espoir de voir définir le plus tôt possible, par le suprême magistère de l'Eglise, le Dogme de l'Assomption corporelle au ciel de la Vierge Marie.

Pie XII dresse le bilan du mouvement des pétitions en faveur de cette définition :

En fait, on vit alors, non seulement les simples fidèles, mais encore les représentants des nations et des provinces ecclésiastiques, ainsi que de nombreux Pères du Concile du Vatican, postuler instamment cette définition auprès du Siège apostolique.

Au cours des siècles, ces pétitions et ces voeux, loin de diminuer, ne firent que croître en nombre et en instance. En effet, de pieuses croisades de prières furent organisées à cette fin ; de nombreux et éminents théologiens en firent l'objet de leurs études empressées et attentives, soit en particulier, soit dans des Athénées ou Facultés ecclésiastiques, soit d'autres Instituts destinés à l'enseignement des sciences sacrées ; des Congrès mariaux nationaux ou internationaux eurent lieu, en de nombreuses parties du monde. Ces études et ces recherches mirent en meilleure lumière le fait que, dans le dépôt de la foi chrétienne confié à l'Eglise, était également contenu le Dogme de l'Assomption au ciel de la Vierge Marie ; et généralement, il en résulta des pétitions dans lesquelles on priait instamment le Saint-Siège de définir solennellement cette vérité.

Dans cette pieuse campagne, les fidèles se montrèrent admirablement unis à leurs evêques, lesquels adressèrent en nombre vraiment imposant des pétitions de ce genre à cette Chaire de Saint-Pierre.

Aussi, au moment de Notre élévation au trône du Souverain Pontife, plusieurs milliers de ces suppliques avaient été présentées au Siège apostolique de toutes les régions de la terre et par des personnes de toutes les classes sociales : par Nos chers Fils les cardinaux du Sacré-Collège, par Nos vénérables Frères les archevêques et evêques, par les diocèses et les paroisses.

-¦f

De son côté, le Pape prescrivit la poursuite d'études nouvelles en vue de faire la lumière sur ce mystère :

En conséquence, tandis que Nous adressions à Dieu de ferventes prières afin d'obtenir pour Notre âme la lumière du Saint-Esprit en vue de la décision à prendre en une si grave affaire, Nous édictâmes des règles spéciales, pour que fussent entreprises dans un effort commun, des études plus rigoureuses sur cette question et pour que, pendant ce temps, fussent rassemblées et examinées avec soin toutes les pétitions concernant l'Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie4.

L'Episcopat fut consulté : !

Mais comme il s'agissait d'une chose particulièrement grave et importante, Nous jugeâmes opportun de demander directement et officiellement à tous les vénérables Frères dans l'épiscopat de bien vouloir Nous exprimer ouvertement chacun son sentiment à ce sujet.

C'est pourquoi, le 1er mai de l'année 1946, Nous leur adressâmes la lettre Deiparae Virginis Mariae, dans laquelle se trouvait ce qui suit :  « Est-ce que vous, vénérable Frère, dans votre

4 Petitiones de Assumptione corpora; B. Virginis Mariae in coelum definienda ad Sedem delatae, deux volumes, Typis Polyglottis Vaticanis, 1942.

grande sagesse et prudence, vous pensez que l'Assomption corporelle de la Bienheureuse Vierge puisse être proposée et définie comme Dogme de foi et est-ce que vous, votre clergé et vos fidèles, vous désirez cela ? »

Les réponses quasi unanimes des Evêques et le consentement universel des fidèles constituaient par eux-mêmes, la preuve que le Dogme pouvait être défini :

Et ceux que « l'Esprit-Saint a établis évêques pour gouverner l'Eglise de Dieu 5 » donnèrent à l'une et à l'autre question une réponse presque unanimement affirmative. Ce « singulier accord des évêques et des fidèles catholiques6 », qui estiment que l'Assomption corporelle au ciel de la Mère de Dieu peut être définie comme un Dogme de foi, comme il nous offre l'accord de l'enseignement du magistère ordinaire de l'Eglise et de la foi concordante du peuple chrétien — que le même magistère soutient et dirige — manifeste donc par lui-même et d'une façon tout à fait certaine, et exempte de toute erreur, que ce privilège est une vérité révélée par Dieu et contenue dans le dépôt divin, confié par le Christ à son Epouse, pour qu'elle le garde fidèlement et le fasse connaître d'une façon infaillible1, le magistère de l'Eglise, non point certes par des moyens purement humains, mais avec l'assistance de l'Esprit de vérité 8 et à cause de cela sans commettre absolument aucune erreur, remplit la mission qui lui a été confiée de conserver à travers tous les siècles, dans leur pureté et leur intégrité, les vérités révélées ; c'est pourquoi il les transmet, sans altération, sans y rien ajouter, sans y rien supprimer. « En effet, comme l'enseigne le Concile du Vatican, le Saint-Esprit ne fut pas promis aux successeurs de Saint-Pierre pour que, Lui révélant, ils enseignent une doctrine nouvelle, mais pour que, avec son assistance, ils gardent religieusement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c'est-à-dire le dépôt de la foi '.

5 Act., 20, 28.

6 Bulle Ineffabilis Deus, Acta PU IX, p. i ; vol. I, p. 615.

7 Cf. Concile du Vatican, De Vide Catholica, c. IV.

8 Jean, 14, 26.

9 Concile du Vatican, Const. De Ecclesia Christi, c. IV.

L'histoire apporte, dans le même sens, son témoignage : "j

Des témoignages, des indices, des traces multiples de cette foi commune de l'Eglise ont apparu au cours des siècles, depuis l'antiquité, et cette même foi s'est manifestée dans une lumière plus vive de jour en jour. ^,

La croyance générale des fidèles fut toujours qu'après cette vie, le corps de la Vierge échappa à la corruption et fut associé à la gloire du Christ au ciel :

En effet, sous la direction et la conduite de leurs pasteurs, les fidèles ont appris par la Sainte Ecriture que la Vierge Marie a mené au cours de son pèlerinage ici-bas, une vie de soucis, d'angoisses et de souffrances ; ils ont su, de plus, que s'est réalisée la prédiction du saint vieillard : qu'un glaive acéré lui transperça le coeur au pied de la croix de son divin Fils, notre Rédempteur. Les fidèles ont également admis sans peine que l'admirable Mère de Dieu, à l'imitation de son Fils unique, quitta cette vie. Mais cela ne les a aucunement empêchés de croire et de professer ouvertement que son corps si saint ne fut jamais soumis à la corruption du tombeau et que cet auguste tabernacle du Verbe divin ne fût pas réduit en pourriture et en

<o De Fide Catholica, c. III.

Il y avait ainsi une base suffisante pour déclarer que l'Assomption est une vérité révélée :

C'est pourquoi, de l'accord universel, du magistère ordinaire de l'Eglise, on tire un argument certain et solide servant à établir que l'Assomption corporelle au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie — laquelle, en ce qui concerne la « glorification » céleste elle-même du corps virginal de la Mère de Dieu, ne pouvait être connue par les forces naturelles d'aucune faculté de l'âme humaine — est une vérité révélée par Dieu, et par conséquent elle doit être crue fermement et fidèlement par tous les enfants de l'Eglise. Car, ainsi que l'affirme le même Concile du Vatican, « on doit croire de foi divine et catholique toutes les choses contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise, et que l'Eglise propose à notre foi par son magistère ordinaire ou universel, comme des vérités révélées par Dieu ,0. »

poussière. Bien plus, éclairés par la grâce divine, et poussés par leur piété envers Celle qui est la Mère de Dieu et aussi notre très douce Mère, ils ont contemplé dans une lumière chaque jour plus vive l'admirable harmonie et concordance des privilèges que Dieu, dans son infinie Providence, a accordés à cette sainte associée de notre Rédempteur, privilèges si élevés que nulle autre créature, en dehors de Marie, sauf la nature humaine de Jésus-Christ, n'atteignit jamais pareil sommet.

La piété des fidèles, l'art religieux sont là pour témoigner de cette croyance en l'Assomption :

Cette même croyance est clairement attestée par d'innombrables églises consacrées à Dieu en l'honneur de la Vierge Marie dans son Assomption ; elle l'est aussi par les images sacrées exposées dans les églises à la vénération des fidèles et représentant aux yeux de tous ce singulier triomphe de la Bienheureuse Vierge. En outre, des villes, des diocèses, des régions furent placés sous la protection et le patronage spéciaux de la Vierge, Mère de Dieu, élevée au ciel. Pareillement, des Instituts religieux approuvés par l'Eglise furent créés, qui portent le nom de ce privilège de Marie. On ne doit pas non plus passer sous silence que dans le rosaire mariai, dont le Siège apostolique recommande tant la récitation, est proposé à la méditation un mystère ayant trait, comme chacun sait, à l'Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge.

La liturgie à son tour apporte le même témoignage :

Mais cette foi des pasteurs de l'Eglise et des fidèles s'est manifestée d'une façon universelle et plus éclatante lorsque, depuis les temps anciens, en Orient, comme en Occident, furent célébrées des solennités liturgiques en l'honneur de l'Assomption. Les Pères et Docteurs de l'Eglise, en effet, n'ont jamais manqué de puiser là un lumineux argument, attendu que la liturgie sacrée, ainsi que tous le savent, « étant aussi une profession des vérités célestes, soumises au magistère suprême de l'Eglise, elle peut fournir des preuves et des témoignages de grande valeur pour décider de quelque point particulier de la doctrine chrétienne 11 ».

11 Lettre-Encyclique Mediator Dei, A. A. S., 39, 1047, p. 541.

Dans les livres liturgiques où l'on trouve la fête, soit de la Dormition, soit de l'Assomption de Sainte Marie, il y a des expressions en quelque sorte concordantes pour attester que lorsque la Sainte Vierge, Mère de Dieu, quitta cet exil pour les demeures éternelles, il arriva pour son corps sacré, par une disposition de la divine Providence, ce qui était en harmonie avec sa dignité de Mère du Verbe incarné, et avec les autres privilèges qui lui avaient été accordés. Ces expressions, pour en donner un remarquable exemple, se lisent dans le Sacramentaire, que Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, Adrien I, envoya à l'empereur Charlemagne. Il y est dit, en effet : « Vénérable est pour nous, Seigneur, la fête de ce jour, en lequel la Sainte Mère de Dieu subit la mort temporelle, mais cependant ne put être humiliée par les liens de la mort, elle qui engendra de sa chair, ton Fils, Notre-Seigneur 12. »

Ce qu'indique dans sa sobriété verbale habituelle la liturgie romaine, est exprimé avec plus de détails et de clarté dans les autres livres de l'ancienne liturgie, tant orientale qu'occidentale. Le Sacramentaire Gallican, pour apporter un seul exemple, qualifie ce privilège de Marie d'« inexplicable mystère, d'autant plus admirable qu'il est exceptionnel parmi les hommes, par l'Assomption de la Vierge ». Et, dans la liturgie byzantine, l'Assomption corporelle de la Vierge Marie est reliée plus d'une fois, non seulement à la dignité de Mère de Dieu, mais encore à ses autres privilèges, à un titre particulier à sa maternité virginale, faveur qu'elle doit à un singulier dessein de la divine Providence : « Dieu, le Roi de l'univers, t'a accordé des choses qui dépassent la nature, car, de même qu'il te garda vierge lorsque tu enfantas, de même il préserva ton corps de la corruption du tombeau et le glorifia par une divine translation » (Menaci totius anni).

Cependant, le fait que le Siège apostolique, héritier de la mission confiée au Prince des apôtres de confirmer les frères dans la foi13 rendit, en vertu de son autorité, de plus en plus solennelle cette fête, a porté l'esprit des fidèles à considérer chaque jour davantage la grandeur du mystère qui était commémoré. C'est pourquoi la fête de l'Assomption, du rang honorable qu'elle obtint dès le commencement parmi les autres fêtes

12 Sacramentorum  Gregorianum.

13 Cf. Luc, 22, 32.

mariales, fut élevée au rang des fêtes les plus solennelles de tout le cycle liturgique. Et Notre prédécesseur, saint Serge I, prescrivant la litanie ou procession stationale pour les quatre fêtes mariales, énumère ensemble les fêtes de la Nativité, de l'Annonciation, de la Purification et de la Dormition de la Vierge Marie u. Plus tard, saint Léon IV eut à coeur de faire célébrer encore avec plus de solennité la fête déjà établie sous le titre d'Assomption de la Bienheureuse Mère de Dieu ; à cet effet, il en institua la vigile, puis il prescrivit des prières pour son octave ; et lui-même, heureux de profiter de cette occasion, entouré d'une immense foule, tint à participer à la célébration des solennités,5. Enfin, on déduit très clairement l'obligation, remontant à une date ancienne, de jeûner la veille de cette solennité, des déclarations de Notre prédécesseur saint Nicolas Ier, au sujet des principaux jeûnes « que la Sainte Eglise romaine reçut en tradition et qu'elle observe encore 16 ».

Les Pères et les Docteurs de l'Eglise ont prêché le mystère de l'Assomption :

Vu que la liturgie catholique n'engendre pas la foi catholique, mais plutôt en est la conséquence, et que, comme les fruits d'un arbre, en proviennent les rites du culte sacré, les Saints Pères et les grands Docteurs, à cause de cela même, n'y puisèrent pas cette doctrine comme d'une source première dans les homélies et discours qu'ils adressaient au peuple ; mais ils en parlaient plutôt comme d'une chose déjà connue des fidèles et par eux acceptée. Ils l'ont mise en plus grande lumière. Ils en ont exposé le fait et le sens par des raisons plus profondes, mettant surtout en un jour plus lumineux ce que les livres liturgiques très souvent touchaient brièvement et succinctement : à savoir que cette fête rappelait non seulement qu'il n'y eut aucune corruption du corps inanimé de la Bienheureuse Vierge Marie, mais encore son triomphe remporté sur la mort et sa « glorification » céleste, à l'exemple de son Fils unique Jésus-Christ.

C'est pourquoi saint Jean Damascène, qui demeure parmi tant d'autres, le héraut par excellence de cette vérité dans la tradition, lorsqu'il compare l'Assomption corporelle de l'auguste

14 Liber Pontificalis.

15 Ibidem.

16 Responsa Nicolai Papas 1 ad consulta Bulgarorum.

1" S. fean Damascène, Encomium in Dormitionem Dei Genitricis semperque Virginis Mariae, hom. II, 14 ; cf. etiam ibid., n. 3.

18 S. Germain de Const., In sanctae Dei Genitricis Dormitionem, sermon I.

19 Encomium in Dormitionem Sanctissimae Dominae nostrae Deiparae semperque Virginis Mariae. Attribué à saint Modeste de Jérusalem, n. 14.

Mère de Dieu avec tous les autres dons et privilèges, proclame avec une puissante éloquence : « Il fallait que Celle qui avait conservé sans tache sa virginité dans l'enfantement, conservât son corps sans corruption même après la mort. Il fallait que Celle qui avait porté le Créateur comme enfant dans son sein, demeurât dans les divins tabernacles. Il fallait que l'Epouse que le Père s'était unie habitât le séjour du ciel. Il fallait que Celle qui avait vu son Fils sur la croix et avait échappé au glaive de douleur en le mettant au monde, l'avait reçu en son sein, le contemplât encore siégeant avec son Père. Il fallait que la Mère de Dieu possédât tout ce qui appartient à son Fils et qu'elle fût honorée par toute créature comme la Mère de Dieu et sa servante 17 ».

Cette voix de saint Jean Damascène répond fidèlement à celle des autres qui soutiennent la même doctrine. Car on trouve des déclarations non moins claires et exactes dans tous ces discours que les Pères de la même époque ou de la précédente ont tenus généralement à l'occasion de cette fête. C'est pourquoi, pour en venir à d'autres exemples, saint Germain de Constantinople estimait que l'incorruption du corps de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et son élévation au ciel, non seulement convenaient à sa maternité divine, mais encore à la sainteté particulière de son corps virginal : « Tu apparais, comme il est écrit, en splendeur ; et ton corps virginal est entièrement saint, entièrement chaste, entièrement la demeure de Dieu ; de sorte que, de ce fait, il est ensuite exempt de tomber en poussière ; transformé dans son humanité en une sublime vie d'incorruptibilité, vivant lui-même et très glorieux, intact, et participant de la vie parfaite 18 ». Un autre écrivain des plus anciens déclare : « A titre donc de très glorieuse Mère du Christ, le Sauveur notre Dieu, Auteur de la vie et de l'immortalité, elle est vivifiée, dans une incorruptibilité éternelle de son corps, par Celui-là même qui l'a ressuscitée du tombeau et l'a élevée jusqu'à lui, comme lui seul la connaît19 ».

Les auteurs scolastiques mirent en lumière le même mystère :

Comme cette fête liturgique se célébrait chaque jour en plus de lieux et avec une piété plus considérable, les pasteurs de l'Eglise et les orateurs sacrés, d'un nombre toujours croissant, estimèrent qu'il était de leur devoir d'exposer clairement et ouvertement le mystère que rappelle cette fête et de déclarer qu'il est très lié avec les autres vérités révélées.

Parmi les théologiens scolastiques, il n'en manqua pas qui, voulant approfondir les vérités divinement révélées et désirant offrir cet accord parfait qui se trouve entre la raison théologique et la foi catholique, pensèrent qu'il fallait reconnaître que ce privilège de l'Assomption de la Vierge Marie s'accorde d'une façon admirable avec les vérités divines que nous livrent les Saintes Lettres.

En partant de là par voie de raisonnement, ils ont présenté des arguments variés qui éclairent ce privilège mariai, et le premier, pour ainsi dire, de ces arguments, déclaraient-ils, est le fait que Jésus-Christ, à cause de sa piété à l'égard de sa Mère, a voulu l'élever au ciel. Et la force de ces arguments s'appuyait sur l'incomparable dignité de sa maternité divine et de toutes les grâces qui en découlent, à savoir : sa sainteté insigne qui surpasse la sainteté de tous les hommes et des anges : l'intime union de la Mère avec son Fils, et ce sentiment d'amour privilégié dont le Fils honorait sa très digne Mère.

Souvent ainsi, des théologiens et des orateurs sacrés se présentent qui, suivant les traces des Saints Pères20, pour illustrer leur foi en l'Assomption, usant d'une certaine liberté, rapportent des événements et des paroles qu'ils empruntent aux Saintes Lettres.

Pour Nous en tenir à quelques citations qui sont sur ce sujet le plus souvent employées, il y a des orateurs qui citent la parole du psalmiste : « Lève-toi, Seigneur, au lieu de ton repos, toi et l'arche de ta majesté21 ; et ils envisagent 1'« Arche d'alliance » faite de bois incorruptible et placée dans le temple de Dieu, comme une image du corps très pur de la Vierge Marie, gardé exempt de toute corruption du sépulcre et élevé à

20 Cf. S. Jean Damascène, Encomium in Dormitionem Dei Genitricis semperque Virginis Marias, hom. II, z, ii ; Encomium in Dormitionem. Attribué à saint Modeste de Jérusalem.

21 Ps. CXXXI, 8.

une telle gloire dans le ciel. De la même façon, en traitant de cette question, ils décrivent la Reine entrant triomphalement dans la cour des cieux et siégeant à la droite du divin Rédempteur 22 ; ainsi ils présentent l'Epouse du Cantique « qui monte du désert comme une colonne de fumée exhalant la myrrhe et l'encens » pour ceindre la couronne 23. Ils proposent ce qui précède comme des images de cette Reine du ciel, cette Epouse céleste qui, en union avec son Epoux divin, est élevée à la cour des cieux.

Et de plus, les Docteurs scolastiques, non seulement dans les diverses figures de l'Ancien Testament, mais aussi dans cette Femme revêtue de soleil que contempla l'Apôtre Jean dans l'île de Patmos 24, ont vu l'indication de l'Assomption de la Vierge Mère de Dieu. De même, des passages du Nouveau Testament, ils ont proposé avec un soin particulier à leur considération ces mots : « Salut pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes25, alors qu'ils voyaient dans le mystère de l'Assomption le complément de cette surabondante grâce accordée à la Bienheureuse Vierge, et cette bénédiction unique en opposition avec la malédiction d'Eve.

C'est pourquoi, au début de la théologie scolastique, cet homme très pieux, Amédée, évêque de Lausanne, affirme que la chair de la Vierge Marie est restée sans corruption — car on ne peut croire que son corps ait vu la corruption — puisqu'il a, en effet, été uni de nouveau à son âme et conjointement avec elle, dans la cour céleste, couronné de la gloire d'En-Haut. « Elle était, en effet, pleine de grâce et bénie entre les femmes26. » Seule, elle a mérité de concevoir le vrai Dieu de vrai Dieu, que vierge elle a mis au monde, que vierge, elle a allaité, le pressant sur son sein, et qu'elle a servi en toute chose d'une sainte obéissance 27.

Parmi les saints écrivains qui, à cette époque, se sont servis des textes et de diverses similitudes ou analogies des Saintes Ecritures pour illustrer ou confirmer la doctrine de l'Assomption,

22 Ps. XLIV, io, 14-16.

23 Cant., 3, 6 ; cf. IV, 8 ; VI, 9.

24 Apoc, 12, 1 et seq., IV.

25 Luc, 1, 23.

26 Luc,   I,   28.

2" Amédée de Lausanne, De Beatee Virginis obitu, Assumptione in Coelum, exaltatione Filii dexteram.

objet d'une pieuse croyance, le Docteur évangélique saint Antoine de Padoue occupe une place à part. C'est lui, en effet, qui, le jour de l'Assomption, expliquait ces paroles du Prophète Isaïe : « Je glorifierai le lieu où reposent mes pieds 28 », affirma d'une façon certaine que le divin Rédempteur a orné de la plus haute gloire sa Mère très chère, dont il avait pris sa chair d'homme. « Par là, vous savez clairement, dit-il, que la Bienheureuse Vierge dans son corps, où fut le lieu où reposèrent les pieds du Seigneur, a été élevée (au ciel). » C'est pourquoi le Psalmiste sacré écrit : « Lève-toi, Seigneur, au lieu de ton repos, toi, et l'arche de ta majesté. » De la même façon, comme il l'affirme lui-même, que Jésus-Christ est ressuscité en triomphant de la mort, et monté à la droite de son Père, ainsi pareillement « est ressuscitée aussi l'Arche de sa sanctification lorsqu'en ce jour, la Vierge Mère a été élevée dans la demeure céleste 28 ».

Au moyen âge, alors que la théologie scolastique était dans tout son éclat, saint Albert le Grand, après avoir réuni, pour en établir la preuve, divers arguments fondés sur les Saintes Lettres, les textes de la tradition ancienne et enfin la liturgie et le raisonnement théologique, comme on dit, conclut ainsi : « Pour toutes ces raisons, et ces témoignages qui font autorité, il est clair que la Bienheureuse Mère de Dieu a été élevée en âme et en corps au-dessus des choeurs des anges. Et nous croyons que cela est vrai de toutes façons 30 ». Dans le sermon qu'il prononça le saint jour de l'Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie, en expliquant ces paroles de l'Ange la saluant : « Ave, gratia plena »..., le Docteur universel, comparant à Eve la Très Sainte Vierge, soutient clairement et expressément qu'elle fut exempte de la quadruple malédiction qui frappa Eve 31.

Le Docteur angélique, à la suite de son remarquable Maître, bien qu'il n'ait jamais traité expressément la question, chaque fois cependant qu'incidemment il y touche, maintient cons

2S Is. T.X, 13.

20 S. Antoine de Padoue, Sermones dominicales et in solemnitatibus : In Assumptione S- Mariée Virginis sermo.

30 S. Albert le Grand, Mariale, sive quaestiones super Evang. « Missus est », q. CXXXII.

31 S. Albert le Grand, Sermones de Sanctis sermon XV: In Annuntiatione B. Mariae ; tf- également Mariale, q. CXXXII.

tamment en union avec l'Eglise catholique que le corps de Marie a été élevé au ciel avec son âme 32.

Le Docteur séraphique, entre beaucoup d'autres, se déclare dans le même sens. Pour lui, il est tout à fait certain que Dieu, de la même façon qu'il a gardé Marie, la Très Sainte, exempte de la violation de son intégrité virginale et de sa pureté virginale, soit quand elle a conçu, soit quand elle enfanta, ainsi Dieu n'a pas permis en aucune façon que son corps fût réduit à la corruption ou réduit en cendres33. En interprétant ces paroles de la Sainte Ecriture et les appliquant en un certain sens accomodatice à la Bienheureuse Vierge : Quae est ista, quae ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super dilectum suum. « Quelle est celle-ci qui monte du désert, pleine de délices, appuyée sur son bien-aimé34 ? », il raisonne ainsi : « De là encore, il résulte qu'elle s'y trouve en corps... Car, en effet, sa béatitude ne serait pas consommée si elle ne s'y trouvait pas en personne, mais c'est l'union (du corps et de l'âme) qui la constitue; il est évident qu'en tant que suivant cette union, c'est-à-dire en son corps et en son âme, elle s'y trouve : sans quoi, elle n'aurait pas la jouissance béatifique achevée 35. »

A une époque plus tardive de la théologie scolastique, soit au XVe siècle, saint Bernardin de Sienne, reprenant d'une manière générale, et étudiant de nouveau avec soin tout ce que les théologiens du Moyen Age avaient déclaré et discuté sur cette question, ne se contenta pas de rapporter les principales considérations que les docteurs du temps passé avaient proposées, mais il en ajouta de nouvelles. A savoir la ressemblance de la divine Mère et de son divin Fils pour ce qui touche à la noblesse et à la dignité de l'âme et du corps — à cause de cette ressemblance, nous ne pouvons pas même penser que la Reine du Ciel soit séparée du Roi du Ciel — demande que Marie « ne puisse se trouver que là où est le Christ36 », et, d'autre part, il est conforme à la raison et convenable que de

32 Cf. Summa Theol., Illa p., q. XXVII, a. i, c ; ibid., q. LXXXIII, a. 5 ad 6 ; Expositio salutationis angelicam ; in symb. Apostolorum expositio, art. 3, sol. 3 ; D. 43, q. I, art. 3, sol. 1 et 2.

33 Cf. S. Bonaventure, De Nativitate B. Mariée Virginis, sermon V.

34 Cant., 8, 5.

35 S. Bonaventure, De Assumptione B. Mariae Virginis, sermon I.

3fl S. Bernardin de Sienne, in Assumptione Beatae Mariae Virginis, sermon II.

même que pour l'homme, ainsi le corps et l'âme de la femme arrivent à la gloire éternelle dans le ciel ; et, enfin, puisque l'Eglise n'a jamais recherché les restes de la Bienheureuse Vierge et ne les a jamais proposés au culte du peuple. Il y a là un argument qu'on peut offrir, « comme une preuve sensible 37 ».

Des théologiens plus récents, à leur tour, insistèrent sur cette même croyance :

En des temps plus récents, ces déclarations des Saints Pères et Docteurs que nous avons rapportées furent d'un usage commun. Embrassant cette unanimité des chrétiens dans la tradition des siècles antérieurs, saint Robert Bellarmin s'écrie : « Et qui pourrait croire, je vous prie, que l'arche de la sainteté, la demeure du Verbe, le temple de l'Esprit-Saint se soit écroulé ? Mon âme répugne franchement même à penser que cette chair virginale qui a engendré Dieu, lui a donné le jour, l'a allaité, l'a porté, ou soit tombée en cendres ou ait été livrée à la pâture des vers 38. »

De la même façon, saint François de Sales, après avoir soutenu qu'on ne peut mettre en doute que Jésus-Christ a accompli à la perfection le commandement divin qui prescrit aux fils d'honorer leurs parents, se pose cette question : « Qui est l'enfant qui ne ressuscitast sa bonne mère s'il pouvoit et ne la mist en paradis après qu'elle seroit décédée39 ? » Et saint Alphonse écrit : « Jésus n'a pas voulu que le corps de Marie se corrompît après sa mort, car c'eût été un objet de honte pour lui si sa chair virginale était tombée en pourriture, cette chair dont lui-même avait pris la sienne 40. »

Mais comme ce mystère, objet de la célébration de cette fête, se trouvait déjà mis en lumière, il ne manqua pas de Docteurs qui, plutôt que de se servir des arguments théologiques qui démontrent qu'il convient absolument et qu'il est logique de croire à l'Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie en son corps, tournaient leur esprit et leur coeur à la foi de l'Eglise, Epouse mystique du Christ qui n'a ni tache

37 S. Bernardin, loc. cit.

3S S. Robert Bellarmin, Contiones habitae Lovanii, discours XL, De Assumptione B. Viridis Maris.

M OEuvres de S. Vrançois de Sales, sermon autographe pour la fête de l'Assomption. 40 5. AIphonse-M. de Liguori, Le glorie di Maria, part. II, dise. I.

ni ride 41, et que l'Apôtre appelle « la colonne et la base de la vérité42 » ; appuyés sur cette foi commune, ils pensaient que l'opinion contraire était téméraire pour ne pas dire hérétique. Du moins, saint Pierre Canisius, comme tant d'autres, après avoir déclaré que le mot même d'Assomption signifie « glorification » non seulement de l'âme, mais encore du corps, et que l'Eglise, déjà au cours de nombreux siècles, vénère et célèbre avec solennité ce mystère mariai de l'Assomption, remarque ce qui suit : « Ce sentiment prévaut déjà depuis des siècles ; il est ancré au coeur des pieux fidèles et confié ainsi à toute l'Eglise. Par conséquent, on ne doit pas supporter d'entendre ceux qui nient que le corps de Marie a été élevé dans le ciel, mais on doit les siffler, à l'occasion, comme des gens trop entêtés, et par ailleurs téméraires, et comme des gens imbus d'un esprit plus hérétique que catholique 43 ».

A la même époque, le Docteur excellent qui professait cette règle en marialogie que « les mystères de grâce opérés par Dieu dans la Vierge ne doivent pas se mesurer aux règles ordinaires, mais à la toute-puissance divine, étant supposée la convenance de ce dont il s'agit et que cela ne soit pas en contradiction avec les Saintes Ecritures ou inconciliable avec le texte sacré 44 », en ce qui concerne le mystère de l'Assomption, fort de la foi commune de l'Eglise tout entière, il pouvait conclure que ce mystère doit être cru avec la même fermeté d'âme que l'Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, et déjà il affirmait que ces vérités pouvaient être définies.

On peut résumer les arguments en faveur âe la définition comme suit :

Tous ces arguments et considérations des Saints Pères et des théologiens s'appuient sur les Saintes Lettres comme sur leur premier fondement. Celles-ci nous proposent, comme sous nos yeux, l'auguste Mère de Dieu dans l'union la plus étroite avec son divin Fils et partageant toujours son sort. C'est pourquoi il est impossible de considérer Celle qui a conçu le Christ, l'a mis

--- ..;

41 Cf. Ephes., 5, 27.

42 I. Tim., 3, 15.

43 S. Pierre Canisius, De Maria Virgine.

44 Cf. Suarez P., In tertiam partem D. Thomae, q. XXVIII, art. 2, D. 3, seq. 5. N. 31.

au monde, nourri de son lait, porté dans ses bras et serré sur son sein, séparée de lui, après cette vie terrestre, sinon dans son âme, du moins dans son corps. Puisque notre Rédempteur est le Fils de Marie, il ne pouvait certainement pas, lui qui fut l'observateur de la loi divine le plus parfait, ne pas honorer, avec son Père éternel, sa Mère très aimée. Or, il pouvait la parer d'un si grand honneur qu'il la garderait exempte de la corruption du tombeau. Il faut donc croire que c'est ce qu'il a fait en réalité.

Il faut surtout se souvenir que, depuis le IIe siècle, les Saints Pères proposent la Vierge Marie comme une Eve nouvelle en face du nouvel Adam et, si elle lui est soumise, elle lui est étroitement unie dans cette lutte contre l'ennemi infernal, lutte qui devait, ainsi que l'annonçait le protévangile 45, aboutir à une complète victoire sur le péché et la mort, qui sont toujours liés l'un à l'autre dans les écrits de l'Apôtre des Nations 4e. C'est pourquoi, de même que la glorieuse Résurrection du Christ fut la partie essentielle de cette victoire et comme son suprême trophée, ainsi le combat commun de la Bienheureuse Vierge et de son Fils devait se terminer par la « glorification » de son corps virginal ; car, comme le dit ce même Apôtre, « lorsque ce corps mortel aura revêtu l'immortalité, alors s'accomplira la parole qui est écrite : la mort a été engloutie dans sa victoire 47 ».

C'est pourquoi l'auguste Mère de Dieu, unie de toute éternité à Jésus-Christ, d'une manière mystérieuse, par « un même et unique décret48 » de prédestination, immaculée dans sa conception, Vierge très pure dans sa divine Maternité, généreuse associée du Divin Rédempteur qui remporta un complet triomphe du péché et de ses suites, a enfin obtenu comme suprême couronnement de ses privilèges d'être gardée intacte de la corruption du sépulcre, en sorte que, comme son Fils, déjà auparavant, après sa victoire sur la mort, elle fut élevée dans son corps et dans son âme, à la gloire suprême du ciel où Reine, elle resplendirait à la droite de son fils, Roi immortel des siècles 40 ».

« Gen., 3, 15.

« Cf. Rom., V et VI ; I. Cor., 15, 2i-z6, 54-57.

« I. Cor., 15, 54.

48 Bulle Ineffabilis Deus, doc. cit., p. 599.

« Cf. I. Tim., 1, 17.

C'est pourquoi le Souverain Pontife estime le moment venu de proclamer le Dogme :

Alors, puisque l'Eglise universelle, en laquelle vit l'Esprit de vérité, cet Esprit qui la dirige infailliblement pour parfaire la connaissance des vérités révélées, a manifesté de multiples façons sa foi au cours des siècles, et puisque les evêques du monde entier, d'un sentiment presque unanime, demandent que soit définie, comme dogme de foi divine et catholique, la vérité de l'Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie — vérité qui s'appuie sur les Saintes Lettres et ancrée profondément dans l'âme des fidèles, approuvée depuis la plus haute antiquité par le culte de l'Eglise, en parfait accord avec les autres vérités révélées, démontrée et expliquée par l'étude, la science et la sagesse des théologiens, — nous pensons que le moment, fixé par le dessein de Dieu dans sa Providence, est maintenant arrivé où nous devons déclarer solennellement cet insigne privilège de la Vierge Marie.

Le Pape signale les raisons particulières de prononcer cette définition en ce moment50 ;

Nous, qui avons confié Notre pontificat au patronage particulier de la Très Sainte Vierge, vers qui Nous Nous réfugions en tant de vicissitudes des plus tristes réalités, Nous qui avons consacré à son Coeur Irnmaculé le genre humain tout entier en une cérémonie publique, et qui avons éprouvé souvent sa très puissante assistance, Nous avons une entière confiance que cette proclamation et définition solennelle de son Assomption apportera un profit non négligeable à la société humaine, car elle tournera à la gloire de la Très Sainte Trinité à laquelle la Vierge Mère de Dieu est unie par des liens tout particuliers. Il faut, en effet, espérer que tous les fidèles seront portés à une piété plus grande envers leur céleste Mère ; que les âmes de tous ceux qui se glorifient du nom

50 C'est le passage suivant qui a été lu par le Saint-Père au cours de la cérémonie publique.

de chrétiens, seront poussées au désir de participer à l'unité du Corps mystique de Jésus-Christ et d'augmenter leur amour envers Celle qui, à l'égard de tous les membres de cet auguste corps, garde un coeur maternel. Et il faut également espérer que ceux qui méditent les glorieux exemples de Marie se persuaderont de plus en plus de quelle grande valeur est la vie humaine si elle est entièrement vouée à l'accomplissement de la volonté du Père céleste et au bien à procurer au prochain ; que, alors que les inventions du « matérialisme » et la corruption des moeurs qui en découle menacent de submerger l'existence de la vertu et, en excitant les guerres, de perdre les vies humaines, sera manifesté le plus clairement possible, en pleine lumière, aux yeux de tous, à quel but sublime sont destinés notre âme et notre, corps ; et enfin que la foi de l'Assomption céleste de Marie dans son corps rendra plus ferme notre foi en notre propre résurrection, et la rendra plus active.

Ce Nous est une très grande joie que cet événement solennel arrive, par un dessein de la Providence de Dieu, alors que l'Année Sainte suit son cours, car ainsi nous pouvons, pendant la célébration du très grand Jubilé, orner le front de la Vierge Mère de Dieu de ce brillant joyau et laisser un souvenir plus durable que l'airain de Notre piété très ardente envers la Mère de Dieu.

Le moment est donc venu pour Pie XII de prononcer — ex cathedra — revêtu de son magistère suprême et infaillible, les mots qui définissent le Dogme de l'Assomption de la Mère de Dieu :

C'est pourquoi, après avoir adressé à Dieu d'incessantes et suppliantes prières, et invoqué les lumières de l'Esprit de vérité, pour la gloire du Dieu Tout-Puissant, qui prodigua sa particulière bienveillance à la Vierge Marie, pour l'honneur de son Fils, Roi immortel des siècles et vainqueur de la mort et du péché, pour accroître la gloire de son auguste Mère et pour la joie et l'exultation de l'Eglise tout entière, par l'autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et par la Nôtre, Nous proclamons, déclarons et définissons que c'est un dogme divinement révélé que Marie, l'Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste 51.

Désormais sera hérétique celui qui niera ce Dogme :

C'est pourquoi, si quelqu'un — ce qu'à Dieu ne plaise — osait volontairement nier ou mettre en doute ce que Nous avons défini, qu'il sache qu'il a fait complètement défection dans la foi divine et catholique.

Le Pape ordonne que la publicité nécessaire soit faite, afin que toute l'Eglise ait connaissance du Dogme :

Et pour que Notre définition de l'Assomption au ciel de la Vierge Marie dans son corps parvienne à la connaissance de l'Eglise universelle, Nous voulons que Nos lettres apostoliques présentes demeurent pour en perpétuer la mémoire, ordonnant que les copies qui en seront faites, ou même les exemplaires qui en seront imprimés, contresignés de la main d'un notaire public, et munis du sceau d'une personne constituée en dignité ecclésiastique, obtiennent foi absolument auprès de tous, comme le feraient les présentes Lettres elles-mêmes si elles étaient exhibées ou montrées.

Qu'il ne soit permis à qui que ce soit de détruire ou d'attaquer ou contredire, par une audacieuse témérité, cet écrit de Notre déclaration, décision et définition. Si quelqu'un avait la présomption d'y attenter, qu'il sache qu'il encourrait l'indignation du Dieu Tout-Puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, l'année du très saint Jubilé mil neuf cent cinquante, le premier novembre, en la fete de tous les Saints, de Notre pontificat la douzième année.

51 Ici prend fin le texte lu par le Pape au cours de la cérémonie publique.

Une immense ovation suivit cette définition, soulignant l'adhésion du peuple chrétien à ces paroles prononcées par le Vicaire de Jésus-Christ, parlant ex-cathedra, dans la plénitude de son Magistère sacré et infaillible.

S. Em. le Cardinal Tisserant remercia Sa Sainteté et demanda que l'acte officiel de la définition soit rédigé et signé, afin de garder de celle-ci un document durable.

« Noms Vous rendons d'immortelles actions de grâces, Vère très heureux de ce que répondant aux voeux de l'univers catholique, par cette sentence définitive que Vous rendez, Vous avez coopéré tellement à raviver la piété à l'égard de la Vierge Mère de Dieu, à promouvoir un accroissement de la religion et à ajouter à l'éclat de cette Année Sainte. Nous Vous demandons donc humblement que Vous ordonniez la publication des Lettres apostoliques portant cette définition. »

Ces formalités étant exécutées, le Pape entonna le Te Deum Laudamus, suivi de l'oraison de la nouvelle Messe de l'Assomption de la Sainte Vierge Marie.

Pie XII adressa ensuite à la foule un discours 52.

&2 Cf. discours, p. 502.


Pie XII 1950 - ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONGRÈS CATÉCHISTIQUE INTERNATIONAL