Pie XII 1950 - ALLOCUTION AU PERSONNEL DES TRANSPORTS URBAINS DE ROME


« SPONSA CHRISTI » CONCERNANT LE STATUT DES MONIALES

(21 novembre 1950) 1 (

i De nombreux problèmes ayant surgi ces derniers temps concernant la vie religieuse, le Saint-Siège chargea la S. Congrégation des Religieux de formuler des propositions d'adaptation aux nécessités nouvelles. C'est en vue de faire enquête sur la situation, qu'un Congrès des Religieux se tint à Rome du 26 novembre au 7 décembre 1950. Au préalable, une mise au point fut faite concernant la situation des Moniales.

Le Pape rappelle la place qu'ont occupée les Moniales dans l'histoire de l'Eglise :

Epouse du Christ, l'Eglise 2, dès les tout premiers débuts de son histoire, a manifesté par des actes et des témoignages multiples et confirmé par des documents éclatants, les sentiments d'estime et d'amour maternels qu'elle nourrissait à l'égard des vierges consacrées à Dieu3. ,;¦„,,¦

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 5, traduction française dans La Documentation Catholique, XLVII, c. 1679.

2 Eph., 5, 25-27 ; Apoc, 21, 2-9 ; XXII, 17 ; Hermas, Vis., 4, c. 2 (F. P. A., 1, 460) ; S. Méthode, Convivium, orat. 3, (Thaliae), c. 8 (P. G., 18, 72-75) et orat. 7, 7 (P. G., 18, 133) ; S. Ambroise, De virginibus, 1, 6, No 31 (P. L., 16, 208) ; Exhortatio virginis, c 10, No 67 (P. L., 16, 372).

3 S. Ignace, Epist, ad Palycarp, 5 CF. P. A., 1, p. 276) ; ad Smyrn, 12 (F. F. A. 1P 287) ; S. Justin, Apologin I pro christianis, 15 (P. G., 6, 349) ; S. Cyprien, De habitu virginum, 3 (P. L., 4, 455), 22 (P. L., 4, 462) ; S. Clément, De virginitate, 2, III (F. P. A., 1, 1-5) ; S. Athanase, De virginitate, 24 (P. G., 28, 279) ; S. Basile, Liber de Virginitate (P. G., 30, 670) ; S. Ambroise, De virginibus (P. L., 16, 198 et seq.) ; De oirgi-nifafe, 5 (P. L., 16, 286) ; De institut, virg., 17, 104 (P. L., 16, 345) ; S. Jérôme, Epist. 22, 2 (P. L., 22, 395) ; 22 (P. L., 22, 409) ; S. Augustin, Epist. 188, 1 (P. L., 33, «48) ; De sancta virginitate (P. L., 40, 397), praesertim 27 (P. L., 40, 410) ; S. Jean Chrysos-

Cela d'ailleurs n'a rien d'étonnant. Les vierges chrétiennes sont en effet « la plus noble partie du troupeau du Christ » 4. Poussées par la charité, repoussant comme indignes toutes les sollicitudes du monde5, écartant victorieusement le partage facile, mais très dangereux, du coeur6, non seulement elles se vouent tout entières au Christ, comme au véritable Epoux des âmes7, mais elles consacrent8 pour toujours leur vie entière ornée des pierres précieuses de toutes les vertus chrétiennes 9 au service du Christ et de l'Eglise 10.

Cette appartenance ou aliénation mystique des vierges au Christ et leur donation à l'Eglise s'accomplissaient aux premiers siècles du christianisme spontanément, plutôt par des actes que par des paroles. Dans la suite, les vierges formèrent non seulement une classe, mais un état de vie déjà défini et un Ordre approuvé par l'Eglise u. Alors la profession de virginité com

tome, De virginitate, 11 (P. C, XLVIII, 540), 34 (P. G., 48, 556) ; S. Léandre, Regula, Introducit. (P. L., LXXII, 876, B) ; Constitutiones Apostolica, 2 c. 57 (P. C, 1, 731-734).

4 S. Cyprien, De habitu virginum, 3 (P. L., 4, 455).

5 I. Cor., 7, 32-35 ; S. Thomas, Ila-IIae, q. CLXXXVI, a. 4.

6 I. Cor., 7, 32-35 ; S. Augustin, De sancta virginitate, 22 (P. L., 40, 407).

7 II. Cor., 11, 2 ; Tertullien, De oratione, c. 22 (P. L., 1, 1296) ; De virginibus ve-landis, c. 16 (P. L., 2, 960) ; De resurrectione carnis, c. 61 (P. L., 2, 932) ; De exhortatione castitatis, c. 13 (P. L., 2, 978) ; 5. Cyprien, De habitu virginum, 22 (P. L., 4, 474) ; S. Méthode, Convivium, orat. 7 (Procilias), c. 2-4 (P. C, 18, 127, 128) ; S. Athanase, Apologia ad Constantium Imp., No 33 (P. C, 25, 640) ; De virginitate, c. 2 (P. C, 28, 254) ; S. Basile, Epist. 199, c. 18 (P. G., 32, 718) ; S. Ambroise, De virginitate, 12 (P. L., 16, 286) ; De virginibus, 1, 7, No 36 (P. L., 16, 209), 1, 11, No 65, 66 (P. L., 16, 218) ; S. Jérôme, Epist. 22, No 2, 25 (P. L., 22, 89, 108) ; S. Augustin, Epist. 188, 1 (P. L., 33, 848) ; In Ioannis Evang., tr. 9, No 2 (P. L., 25, 1459) ; S. Thomas, In IV Sent., d. 38, q. I, a. 5.

8 S. Cyprien, De habitu virginis, 4 (P. L., 4, 455) ; S. Méthode, Convivium, orat. 5 (Talusa), 1, 4 (P. G., 18, 97, 101) ; S. Clément, De virginitate, I (E. P. A. 2P 1) ; S. Augustin, De sancta virginitate, 8 (P. L., 40, 400), 29 (P. t., 40, 412).

9 S. Cyprien, De habitu virginum, 4 (P. L., 4, 455) ; S. Clément, De virginitate, c. 2, 3 (F. P. A. 2P 2).

to Origène, In. Rom. IX, 1 (P. G., 14, 1205) ; S. Méthode, Convivium, orat. 2 (Arêtes), c. 1 (P. G., 18, 505) ; orat. 8 (Theclx), c. 17 (P. G., 18, 173) ; S. Clément, De virginitate, 21 (P. G., 28, 275) ; S. Ambroise, De virginibus, 1, 10 (P. L., 16, 216) ; Exhortatio virginitatis, 12, No 80 (P. L., 16, 375) ; S. Jérôme, Epist. 130, 14 (P. L., 22, "18) ; S. Augustin, Epist. 98, 6 (P. L., 33, 362).

H S. Ignace, ad Smyrn, 13 (F. P. A., 1, 287) ; Tertullien, De virginibus velandis, 14 (P- L., 2, 957) ; Origène, In num. Homilia II, 1 (P. G., 12, 591) ; S. Cyprien, De habitu virginum, 3 (P. L., 4, 455) ; S. Méthode, Convivium, orat. 1 (Marcel), c. 1 (P. G., XVIII,

mença à se faire publiquement et à être ainsi garantie par un lien chaque jour plus étroit12. Ensuite l'Eglise, quand elle acceptait le voeu sacré ou l'engagement de virginité, consacrait la vierge comme une personne vouée inviolablement à Dieu et à l'Eglise, par une cérémonie solennelle qui, à juste titre, est comptée parmi les plus beaux monuments de l'ancienne liturgie 13 ; l'Eglise distinguait clairement cette vierge des autres personnes qui ne se vouaient à Dieu que par des voeux ou des engagements privés I4.

La profession de la vie virginale était placée sous la garde d'une ascèse vigilante et rigoureuse ; en même temps, elle était nourrie et favorisée par tous les exercices de piété et de la pratique des vertus. La doctrine des anciens Pères, tant grecs et autres orientaux que latins, présente et place sous nos yeux une image fidèle, certes, mais très belle, de la vierge chrétienne. Dans leurs écrits, tout ce qui peut concerner la sainteté virginale et la perfection intérieure et extérieure est décrit avec le plus grand soin, un grand amour, d'une façon expressive et claire 15.

35) ; S. Clément, De virginitate, I (F. P. A., 2, p. x) ; Constitutiones Apostolicae, 2, c. 57 (P. C, 1, 731-754) ; S. Grégoire de Nysse, De vita S. Macrina: (P. C, XLVI, 98S) ; S. Jean Chrysostome, L Tim. V, 9 (P. C, LI, 323).

12 Tertullien, De oratione, c. 22 (P. L., 1, 1294) ; De virginibus velandis, c. 11 (P. L., 2, 954) ; (P. L., 2, 956) ; c. 14 (P. L., 2, 957) ; c. 15 (P. L., 2, 959) ; Clément d'Alexandrie, Stromatum, 3, 1 (P. G., 8, 1103) ; 25 (P. G., 8, 1197) ; Origène, In Levit., hom. 3, No 4 (P. C. XII, 428) ; In num., hom. 23, No 3 (P. G., 12, 748) ; In Epist, ad Rom. IX, 37 (P. G., 14, 1237) ; S. Cyprien, De habitu virginis, 4 (P. L., 4, 455) ; S. Ambroise, De institutione virg., c. 17 (P. L., 16, 345) ; S. Nicetas, De lapsu virginis, c. 5 (P. L., 16, 388) ; Conc. Illiberit. (a. 395), c. 15 (Mansi, 2, 8).

13 Pontificale Romanum « De benedictione et consecratione virginum » ; S. Ambroise, De institut, virg., c. 17 (P. L., 16, 345) ; De virginibus, 3, c. 1 (P. L., 16, 231) ; S. Nicetas, De lapsu virginis, 5 (P. L., 16, 387) ; S. Jérôme, Epist. 130, No 2 (P. L., 22, 1108) ; Sacramentarium Leonianum, 30 « ad virgines sacras », (P. L. , LV, Lv 129).

14 Tertullien, De virginibus velandis, c. 14, 15 (P. L., 2, 957) ; S. Basile, Epist. 199, c. is (P. G, XXXII, 717) ; Innocent Ier, Epist. 2, ad S. Victricium, c. 13 (P. L., 20, 478 et seq.) ; S. Gélase Ier, Epist. 14, c. 20 (A. Thiel, Epist. RR. Pontificum, Brunsberg, 1868, P- 373) J Codex Theodosianus, 9, 25, 2 ; S. Ambroise, De virginitate, c. 5, No 26 (P. L., 16, 286) ; De institut, virg., c. 17, 114 (P. L., 16, 348).

15 S. Polycarpe, Epist. 5, 3 (F. P. A., 1, 303) ; Tertullien, De virginibus velandis, (P. L., 2, 935) ; S Cyprien, De habitu virginum (P. L., 4, 451 et seq.) ; S. Méthode, Convivium, orat. 1 (Marcel), i (P. G., XVIII 35) ; S. Athanase, De virginitate, 3 et seq. (P. G., 28, 253 et seq.) ; S. Basile, Epist. 173 (P. G., 32, 648) ; Constitutiones Apostolicae, 8, c. 24 (P. G., 1, 1122) ; S. Ambroise, De virginibus, 2, 2 (P. L., 16, 220), 3, 1-4 (P. L., 16, 264) ; S. Augustin, De sancta virginitate, 31 et seq. (P. I., 40, 412 et seq.).

Jusqu'à quel point la vie angélique des vierges chrétiennes a été conforme, en cette première époque de son histoire, aux exhortations et aux descriptions des Pères de l'Eglise, et de quelles héroïques vertus elle nous paraît richement parée, nous le savons d'une part, directement et par une voie sûre, par les documents et les monuments historiques, et d'autre part, il nous est permis de le conjecturer, bien plus de le déduire, sans aucun doute, d'autres sources authentiques elles aussi16.

Surtout, après que la paix eut été accordée aux chrétiens, à la suite des ermites et des cénobites, les vierges consacrées à Dieu prirent l'habitude de perfectionner et de fortifier leur état de vie par une profession explicite et sanctionnée des conseils de pauvreté et d'une plus stricte obéissance

Les femmes ayant fait profession de virginité qui déjà auparavant se réunissaient pour mener une vie commune, séparée autant que possible du commerce des hommes, et cela soit par amour de la solitude, soit pour se mettre à l'abri des très graves dangers qui, dans la société romaine corrompue, les menaçaient de toutes parts, suivirent assez tôt l'exemple de l'immense multitude des cénobites ; elles laissèrent en général aux hommes la vie érémitique, elles imitèrent la vie cénobitique et presque toutes s'y adonnèrent18.

L'Eglise recommandait en général aux vierges la vie commune entendue dans un sens assez large : pendant longtemps, elle ne voulut pas imposer strictement la vie monastique, pas même aux vierges consacrées, qu'elle laissa dans le monde, honorées comme il convenait, mais libres cependant. Néanmoins, le nombre de vierges consacrées par les cérémonies liturgiques habitant

18 S. Cyprien, De habitu virginum, 22 (P. L., 4, 474) ; S. Ambroise, De virginibus, 1, c. 4, 5 (P. L., 16, 203-205) ; c. io (ibid., 16, 215) ; S. Augustin, De moribus Ecclesia; catholica!, 1, c. 31, 68 ; c. 33, 70 (P. L., 32, 1339).

n S. Augustin, Epist. 211, c. 5, 6 (P. L., 33, 960), 15 (P. L., 33, 964) ; S. Cé-saire. Regula ad virgines, c. 4, 19 (P. L., LXVII, 1107, 1110), c. 11, 16 (P. L., LXVII, 1109) ; S. Léandre, Regula, 18 (P. L., LXXII, 890) ; Cuiusdam Patris, Regula ad virgines, c. 17 (P. L., LXXXVIII, 1066).

18 S. Basile, Regula fus., No 35 ; Regula brev., 108-110 (P. C, XXXI, 1004, 1156), Epist. 55 (P. C, XXXII, 402) ; S. Ambroise, De virginibus, 1, c. 10, No 59 (P. L., 16, 215), In huc. 2, nn. 8, 20, 21 (P. L., 15, 1636, 1640) ; S. Epiphane, Advers Hsreses, 3, 67 (P. C, XLII, 174), Exposit. fid. cath., 21 (P. C, XLII, 822) ; S. Jérôme, Epist. 22, 17 (P. L., 22, 404), 24, 3 (ibid., 427), 66, 13 (ibid., 646), 108, 19 (ibid., 955) 130, 19 (ibid., 1122 ; S. Augustin, De moribus Eccl. cath., 1, c. 31, 68, c. 33, 70 (P. L., 32, 1339 et seq., Aeterise peregrinatio, 23, 2, 3  (W. Heraeus, Heidelberg, 1908, p.  27).

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dans leurs maisons particulières ou menant une vie commune assez large, diminuait de plus en plus ; enfin, elles finirent par disparaître, en plusieurs endroits par décision juridique, partout en fait. Bien plus, en général, elles ne furent pas rétablies, plus récemment, elles furent même interdites 19.

En cet état de choses, l'Eglise tourna sa maternelle sollicitude spécialement vers ces vierges qui, choisissant la meilleure part20, abandonnaient complètement le monde, et embrassaient dans sa plénitude, dans les monastères, la vie chrétienne parfaite, ajoutant à la profession de la virginité, la stricte pauvreté et l'obéissance totale. Leur profession ou leur vie cénobitique fut protégée par l'Eglise extérieurement, selon la prudence, par les lois de jour en jour plus sévères de la clôture A l'intérieur, elle organisa le genre de vie de ces vierges de façon à former peu à peu, avec netteté et clarté dans sa législation et dans l'ascèse religieuse, le type de la moniale (sanctimonialis), toute consacrée, sous la rude discipline de la règle, à la vie contemplative 22.

Vers le début du moyen âge, après la complète disparition du genre de vie des vierges consacrées vivant dans le monde, les moniales, s'étant extraordinairement développées par le nombre, la ferveur, la diversité, furent seules considérées comme les héritières in solidum et les successeurs légitimes des vierges

19 Conc. Carth. III (a. 397), c. 33 (Mansi, 3, 885), Conc. Aurelian. V (a. 549, c. 19 (Mansi, 9, 133) ; Venance Fortunat, Vifa S. Radegundis, C. 12 (P. L., LXXXVIII, 502) ; Conc. Paris. V (a. 614), c. 12-13 (Mansi, 10, 542) ; c. 13 ; C. 27, q. 1 ; Conc. Aquisgr. (a. 789), c. 39 (Mansi, 17 bis. 227) ; Conc. Moguntin. (a. 888), c. 26 (Mansi, 18, 71) ; Conc. Lat. II (a. 1139), c. 26 (Mansi, 21, 5321), c. 25, C. 28, q. 2.

20 Luc, 10, 42.

21 S. Césaire, Regula ad virgines, 1 (P. L., LXVII, 1107), 23, 24, 25 (P. I., 67, 1114) ; Conc. Lat. II (a. 1139), c. 26 (Mansi, 21, 532), C. 25, C. 28, q. 2 ; Boniface VIII, De Statu regularium, c. un. 3, 16, in Vlo ; Conc. Trid. Sess. 25, « De regularibus et monialibus », C. 5 ; Pie V, Circa Pastoralis, 29 mai 1566, § 1 (Gasparri, Fontes I, C, 1, No 112) ; Decori, ier février 1570 (Gasparri, Fontes I, C, No 133) ; Benoît XIV, Salutare, 3 janvier 1742 Bull. Ben. XIV, 1, p. 106).

22 C. 23, C. 28, q. 2 ; c. 8, De statu Monachorum et canonicorum regularium, 10, 3, 35 ; c 2, De statu monachorum et canonicorum regularium, 3, 10 in Clem. : Conc. Trid. Sess. 25, De regularibus et monialibus ; Clément VIII, C. Religiosae congregationes, 19 juin 1594 (Bull. Rom. ) ; Nullus omnino, 25 juill. 1599 (Fontes I. C, 1, No 187) ; C. Cum ad regularem, 19 mars 1603 (Fontes I. C, 1, 189) ; Grégoire XV, Inscrutabili, 3 février 1622 (Bull. Rom. ) ; Innocent XI, Litt. Encycl., 9 oct. 16S2 (Bizzarri, Collactanea, 2P 416) ; C. Cum ad aures (Ferraris, Biblioth., v. Eucharistia) ; Benoît XIV, C. Pastoralis cura (Bull. Ben. XIV, 2, 471).

qui les avaient précédées23. Elles furent non seulement héritières et successeurs, mais elles administrèrent fidèlement le patrimoine reçu, le firent valoir avec soin, ayant reçu cinq talents, elles en gagnèrent cinq autres24. Les monuments liturgiques, les documents canoniques, les témoignages historiques de tout genre, les écrits, les sculptures, les peintures établissent et prouvent cette origine et cette dignité, ces mérites et cette sainteté des moniales 25.

Plusieurs siècles durant et jusqu'à la fin du moyen âge — comme il ressort clairement des Décrétales et même de tout le Corpus du Droit Canonique, — les Moniales furent les seules parmi les femmes à mener avec les Moines et les Chanoines Réguliers, l'état de perfection qui déjà avait été solennellement reçu et pleinement reconnu, afin de lui donner plus parfaitement un caractère officiel.

Puis, non sans avoir surmonté de nombreuses et graves difficultés, d'abord tous les Frères, désignés sous le nom de Mendiants, d'Hospitaliers, de Rédempteurs ou par une autre appellation, et, environ trois siècles plus tard, les Clercs dits Réguliers, furent eux aussi comptés parmi les vrais religieux et réguliers, avec les Moines et les Chanoines Réguliers. Mais toutes les Moniales, tant celles qui suivaient la vie monastique ancienne ou la vie canoniale, que celles qui formaient les seconds Ordres des Frères Mendiants, en ce qui concerne le droit canonique, suivaient l'unique, noble et ancienne institution et embrassaient la même forme de vie religieuse.

Donc, jusqu'aux premières Congrégations de femmes qui naquirent au XVIe ou XVIIe siècle, étaient seulement considérées comme Moniales celles qui, en fait et en droit, professaient légitimement la vie religieuse. Bien plus, après avoir toléré et, avec le temps, accordé aux Congrégations une recon

23 Pontificale Romanum,  « De benedictione et  consecratione virginum » ;   cf.  not.  13.

24 Matth., 25, 20.

25 Honorius IV, C. Ascendit fumus, 24 sept. 1285 (Bull. Rom. , p. Rm 83) ; Conc. Trid. Sess. 25, « De regularibus et monialibus », c. i ; Pius IV, Motu Proprio De Statu, 5 avril 1560 (Bull. Rom. ) ; Pie V, C. Decori, ier févr. 1570 (Bull. Rom. ) ; Pie VI, Litt. Quod aliquantulum, ier mars 1791 (Coll. Brevium atque Instructionum SS. DD. N. PU, P. VI, 1800, P. 1P 47) ; Conc. Vat. Schema Constit. Ecclesiae, c. 15 (Coll. Lacencis, 7, appendix, 575) ; Léon XIII, Litt. Testem benevolentise,-22 janv. 1899 (Acta Leonis XIII, 19, 5) ; Litt. ad Archiep. Paris., 23 déc. 1900.

naissance d'abord de fait et ensuite de droit administratif 28, ce sont les Moniales seules, jusqu'à la promulgation du Code de Droit Canonique, qu'on admettait, en droit strict, comme véritables religieuses et régulières 21.

Si quelqu'un veut ici tourner un regard vers les secrets de la vie monastique, comment pourra-t-il nombrer et peser les trésors de perfection religieuse cachés dans les monastères ? Les fleurs et les fruits de sainteté que ces jardins fermés ont produits pour le Christ et son Eglise ; l'influence des prières, les richesses de dévouement, les biens de tout genre enfin par lesquels les Moniales, au prix de beaucoup d'efforts, ont embelli, soutenu, consolé leur Mère la Sainte Eglise ?

Le type austère et bien défini des religieuses Moniales, gravé dans les textes des lois canoniques et ascétiques, fut facilement et, quant à ses principaux traits, même fidèlement accepté par les innombrables Ordres, monastères, couvents, qui ont toujours existé dans l'Eglise, et pendant plusieurs siècles, il fut maintenu avec ténacité. Cette fidélité commune et cette constance procurèrent à l'institution sacrée des Moniales une unité qui résista toujours fortement à n'importe quelles innovations avec plus de vigueur que tous les autres Instituts de Réguliers ou de religieux de l'un et l'autre sexe. C'est un mérite que, en de justes limites, on ne doit pas hésiter à lui attribuer.

Cette unité des Moniales que nous venons de louer, n'a d'ailleurs pas été un obstacle à ce que, tant en ce qui concerne la vie ascétique que la discipline interne, des formes diverses et des variations fussent admises dès les temps anciens : admirable dans ses saints, Dieu enrichissait ainsi et embellissait l'Eglise son Epouse.

Ces variétés de Moniales paraissent résulter de la variété de même genre des Ordres et des Religions d'hommes, auxquels les Ordres de Moniales furent en quelque sorte rattachés. En effet, presque tous les moines, les Chanoines Réguliers, principalement les Mendiants, s'efforcèrent de fonder de seconds

26 C. 4 De religiosis dominis ut Epo. sint subiectae, 3, 36 ; c. un. De religiosis..., 3' 11, in Clem. ; c. un. De religiosis..., 3, 9 in Extravag. Comm.

27 s. C. Ep. et Reg. Bergom, 14 mars 1841 ; ad 16, § 3 (Lucidi, De visitatione Sacrorum liminum, 2, No 463) ; Gerunden, 9 mai 1860, ad 2 (Bizzarri, Collactanea, 2P 78, VI) ; Albien, 23 juin 1860, ad 14 (Bizzarri, p. 786, X), 16 sept. 1864 (Bizzarri, p. 744 et seq.)-Rilievi circa gli Statuti della Congr. dei Fratelli délia S. Famiglia, articles premier et 13 (Bizzarri, PP 800,35) ; Normae secundum quas S. C. Ep. et Reg. procedere solet in approbandis novis institutis votorum simplicium, 28 juin 1901, art. 32.

Ordres qui, en respectant toujours le caractère de Moniales, paraissaient se distinguer les uns des autres comme se distinguaient les premiers Ordres. De la même façon, plusieurs Ordres de Chanoines Réguliers et plusieurs Congrégations d'hommes fondèrent plus récemment des Ordres de Moniales correspondant à leur propre Institut28.

Les variétés de Moniales dont nous venons de parler, que nous considérions soit l'histoire de l'Institution, soit ses changements internes communs, sont tout à fait dignes d'être examinées avec attention. Certainement, tout en sauvegardant la forme générale de la vie contemplative et en maintenant fermement en vigueur les normes principales et les principes de la discipline existante, elles ont apporté à l'antique institution comme une nouvelle énergie pour la sainteté 28.

Aux époques plus récentes, spécialement à la fin du XVIe siècle, de nouveaux Ordres de Moniales furent fondés et approuvés peu à peu par l'Eglise ; par exemple les Instituts de Sainte-Ursule, de Sainte-Angèle, la Congrégation des religieuses de Notre-Dame, l'Ordre de la Visitation, la Société de Notre-Dame, les Moniales de Sainte-Marie de la Charité30 et plusieurs autres nouvelles fondations, forcées ou moralement obligées d'accepter dès leur origine ou plus tard le droit commun en vigueur pour les Moniales, si elles voulaient professer une véritable vie religieuse, la seule alors reconnue pour les femmes, préparaient de diverses façons un renouvellement du droit lui-même.

Ces nouvelles formes de Moniales, même si elles professaient la vie contemplative canonique et avaient enfin accepté, non

28 S. C. Ep. et Reg. dec. Ecclesia Catholica, il août 1889, A. A. S., 23, 634.

2!> Léon XIII, C. Condita; a Christo, 8 deo 1900 (Acta Leonis XIII, 22, PP 317-327) ; Normae secundum quas S. C. Ep. et Reg. procedere solet in approbandis novis institutis votorum simplicium, 28 juin 1901.

30 Paul V, C. Inter universas, 13 juin 1612 (Règle et Constitutions de l'Union romaine de l'Ordre de Sainte-Ursule, 1936, PP 231-239) ; C. Debitum Pastoralis, 24 mars 1614 (loc. cit. , pp. PP 240-246) ; Salvatoris et Domini, 3 oct. 1616 (loc. cit. , pp. PP 246-250) ; Urbain VII, Alias felicis, 6 nov. 1626 (loc. cit., p. 273) ; Paul V, Sacri Apostolatus, 23 avril 1618 (OEuvres àe saint François de Sales, 1912, 18, p. 423) ; Paul V, Salvatoris et Domini, 7 avril 1607 (Instituto de la Compana de Nuestra Senora, t. I, Constitutiones Pontificas y Reglas apro-badas, Manresa, 1899, PP 7-14) ; Innocent X, Exponi nobis, 28 sept. 1645 (Bull. Rom. , p. Rm 403) ; Benoît XIV, In supremo, 26 sept. 1741 (Règle de saint Augustin et Constitutions pour les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur d'Angers, 1836, PP 39-41).

sans difficulté, mais avec sincérité, la clôture pontificale adaptée à leur genre de vie particulier pour se conformer aux opinions alors courantes, n'acceptèrent pas toutefois, en certains cas, la récitation de l'Office divin. Avec un zèle louable, elles-mêmes regardèrent comme des devoirs de leur profession de nombreuses oeuvres d'apostolat et de charité qui leur paraissaient convenir à leur sexe et à leur statut juridique.

Au cours des années, soit à l'exemple des Ordres nouveaux, soit du fait du développement des Congrégations et des Sociétés qui s'efforçaient d'unir à la vie de perfection la pratique féconde de la charité, de l'assistance, de l'éducation, soit enfin par suite de l'évolution commune en tout genre des choses et des idées, bien des monastères d'un grand nombre d'Ordres, qui institutionnellement suivaient uniquement la vie contemplative, admirent en bien des lieux, avec l'approbation et sous la direction prudente du Saint-Siège, les oeuvres d'apostolat31.

De là, peu à peu, insensiblement, il arriva que l'institution des Moniales dans son ensemble présentait non seulement des Ordres différents par leurs Règles et leurs Constitutions, mais encore qu'une division plus profonde s'y introduisait, à savoir, entre les monastères et les Ordres qui suivaient seulement la vie contemplative et ceux où l'on joignait à la vie contemplative des oeuvres d'apostolat canoniquement approuvées, soit en vertu d'une disposition particulière des constitutions, soit du fait des concessions du Saint-Siège obtenues dans la suite.

Aujourd'hui, les circonstances imposent aux Ordres de Moniales certaines adaptations :

A notre époque, toute l'institution des Moniales, tant dans les Ordres et monastères qui jusque-là avaient mené fidèlement la vie contemplative seulement, que chez ceux surtout qui par décision de l'Eglise unissaient harmonieusement la vie contemplative avec les oeuvres d'apostolat, se ressentit grandement de l'évolution et de la diversité des événements et des circonstances. Assurément, comme ces Ordres s'adonnent à des oeuvres similaires d'éducation et de charité qui, du fait des habitudes qui se généralisent ou de l'intervention des pouvoirs publics, s'exercent alors de telle façon qu'elles en deviennent à peine

31 Formula, 91.

compatibles ou tout à fait incompatibles avec certaines dispositions classiques de la clôture pontificale, ces règles de la clôture, tout en en maintenant le caractère général, ont dû sagement être mitigées de façon à pouvoir s'harmoniser avec les oeuvres. Ainsi semblait le réclamer l'utilité de la Sainte Eglise et des âmes, puisque si on n'avait point agi de la sorte, ces oeuvres n'auraient pu être entreprises ou du moins ne l'auraient pas été de la même façon. Et ce n'est pas seulement à l'égard des Ordres apostoliques, mais encore à l'égard des Ordres purement contemplatifs que les circonstances des temps et la grande pauvreté dont souvent ils souffraient, ont paru exiger et imposer quelquefois des aménagements ou des interprétations plus larges.

En particulier, la loi de la clôture exige des atténuations :

Aujourd'hui, à titre d'exemple, le sentiment public qu'on appelle social supporterait difficilement une interprétation trop stricte du canon 601, même lorsqu'il s'agit des Moniales contemplatives 32. Aussi le Saint-Siège se montre-t-il de plus en plus disposé à pourvoir paternellement à bien des besoins et des nécessités qui autrefois ne paraissaient pas assez graves, d'après l'estimation commune, pour justifier une violation ou une exemption de la clôture pontificale. Du reste, l'inviolabilité et le respect du domicile, qui n'était pas sans doute l'unique raison de la clôture pontificale, mais qui, variant avec les circonstances des époques, s'ajoutait aux autres motifs de l'imposer et de la régler, est aujourd'hui plus respectée et assurée qu'autrefois.

Il faudra distinguer avec soin ce qui, dans la Règle des Moniales, est essentiel — et donc immuable — et ce qui est accidentel — et donc susceptible de changements :

En résumé, après avoir exposé l'origine de la sainte institution des Moniales, Nous estimons utile, à présent, d'en bien distinguer les éléments propres et nécessaires qui affectent directement la vie contemplative des Moniales comme leur fin première et principale. A côté de ces traits originels et essentiels

32 Le canon 601 interdit à une moniale professe de sortir du monastère sans la permission du Saint-Siège, sauf en cas de très grave maladie ou d'un danger très urgent.

qui dessinent clairement, en droit, la forme canonique des Moniales, s'en ajoutent d'autres d'une assez grande importance qui, sans être indispensables, la complètent cependant, puisqu'ils répondent assez exactement à la fin générale des Moniales et concourent à l'assurer. Certains traits, au contraire, se trouvent dans l'institution des Moniales, qui ne sont pas nécessaires à cette fin et ne la complètent pas, mais ne sont qu'extrinsèques et historiques ; c'est-à-dire qui proviennent, à coup sûr, des circonstances du temps passé ; et celles-ci ont bien changé. Si ces éléments ne servent plus ou s'ils peuvent empêcher un plus grand bien, on ne voit aucune raison spéciale de les maintenir.

Aussi, tout en maintenant entièrement les éléments originels et essentiels de la vénérable institution des Moniales, Nous avons décidé, à l'égard des autres éléments qu'on estime externes et adventices, de leur apporter avec sagesse et prudence des ajustements aux circonstances actuelles, qui pourront donner à cette institution non seulement un plus grand éclat, mais encore une efficacité plus complète.

Certaines adaptations sont exigées par les conditions économiques d'aujourd'hui :

Nous sommes entraînés et même contraints à apporter ces ajustements raisonnables à l'institution des Moniales, par les renseignements que Nous recevons de toutes les parties du monde, et qui Nous font connaître avec certitude la grande détresse dans laquelle se trouvent souvent, pour ne pas dire toujours, les Moniales. Oui, il y a de nombreux monastères qui, hélas ! meurent presque de faim, de misère, de privation ; il y en a beaucoup d'autres qui, par suite de difficultés matérielles, mènent une vie pénible et la plupart du temps impossible à supporter. Il y a en outre des monastères qui, sans vivre dans le besoin, cependant, du fait qu'ils sont séparés et isolés de tout autre monastère, souvent dépérissent. De plus, les lois trop strictes de la clôture amènent souvent de grandes difficultés. Enfin, les nécessités de l'Eglise et des âmes croissent toujours et réclament le concours de tous pour y porter une aide urgente et multiple ; il semble que le moment soit venu de concilier la vie monastique, en général même chez les Moniales consacrées à la contemplation, avec une participation mesurée à l'apostolat.

Notre jugement sur ce point a été bien souvent confirmé par les témoignages des Ordinaires des lieux et des Supérieurs religieux, qui Nous sont parvenus de plusieurs pays avec une parfaite unanimité.

Il faut toutefois en premier lieu veiller à ce que la vie contemplative demeure la fin principale de la vie monastique :

Parmi les décisions qui sont indiquées ci-après dans les statuts généraux des Moniales, il est bon d'en expliquer quelques-unes, afin que Nous énoncions les règles et les principes qui permettront de comprendre facilement, sûrement et correctement, chacune de ces prescriptions. Et tout d'abord, en ce qui concerne la vie contemplative des Moniales, ceci qui a toujours été en vigueur, suivant l'esprit de l'Eglise, doit être maintenu ferme et intact : tous les monastères de Moniales doivent toujours et partout professer régulièrement la vie contemplative comme leur première et principale fin. C'est pourquoi, il faut que les travaux et ministères auxquels les Moniales peuvent et doivent se livrer, soient de telle nature et disposés et réglés de telle façon pour le lieu, le temps, la mesure et la manière, que la vie vraiment et sincèrement contemplative de toute la communauté, comme de chacune des Moniales, soit non seulement sauvegardée, mais encore constamment nourrie et fortifiée.

Les Moniales devront à nouveau prononcer des voeux solennels :

Des prescriptions et concessions ont été données autrefois, sous la pression des circonstances, pour quelques régions, d'après lesquelles les voeux solennels étaient commués en voeux simples 33. Elles comportent certainement l'octroi d'une dispense « odieuse »34  et  d'autant  plus   « odieuse »   que  ce  privilège

83 Les voeux sont solennels quand l'Eglise leur reconnaît ce caractère, sinon ils sont simples (canon 1308 g 2). En particulier :

i° les voeux solennels établissent entre l'Ordre et le religieux des liens réciproques et indissolubles ;

2 o les religieux sont tenus à la récitation privée de l'Office divin, s'ils n'ont pas pris part à sa récitation publique ;

3° la profession solennelle rend invalides les actes contraires aux voeux et susceptibles de nullité ;

le profès de voeux solennels est incapable de posséder et d'acquérir (cf. R. P. Creu-sen S. J., Religieux et Religieuses, p. 178, Ed. Desclée, Bruges, 1940). 34 Odiosus en latin veut dire « à éviter ».

s'oppose à une prérogative principale des Moniales ; car les voeux solennels qui entraînent une consécration à Dieu plus complète et plus étroite que les autres voeux publics, représentent la marque canoniquement indispensable et principale pour les Ordres. C'est pourquoi, comme il est établi par une longue expérience faite en divers pays, que les voeux solennels, soit des Réguliers, soit des Moniales, bien qu'ignorés par le droit civil, peuvent facilement et sans embarras être observés et que la sécurité des autres biens de la communauté peut être convenablement assurée par d'autres moyens, même si la personnalité juridique, comme cela arrive ici ou là, est refusée aux Ordres et aux monastères, la législation et l'action du Saint-Siège s'accordent, depuis déjà de nombreuses années 35, à restreindre ces exceptions « odieuses » dont Nous venons de parler et, autant que possible, à les supprimer. Et, en effet, les Moniales ne doivent pas être privées de l'honneur, du mérite et de la joie d'émettre des voeux solennels qui leur sont propres.

Les Moniales contemplatives demeurent soumises à la législation concernant la clôture pontificale, que désormais on dénommera « majeure » :

Pour assurer une meilleure garde du voeu solennel de chasteté et de la vie contemplative, et pour maintenir le jardin fermé des Moniales à l'abri de tous les assauts du monde, qu'aucune ruse, aucun attentat ne puisse le violer, nul contact séculier ou profane le troubler, mais qu'il demeure le vrai cloître des âmes 36, dans lequel les Moniales puissent servir Dieu plus librement 31', l'Eglise, dans sa sollicitude sage et vigilante, établit une clôture plus sévère, comme une institution spéciale des Moniales, la régla avec soin et la munit pour toujours de graves sanctions pontificales. Cette vénérable clôture des Moniales qui, du fait de l'autorité suprême d'où elle émane et des sanctions qui la protègent intérieurement et extérieurement, s'appelle pontificale ; non  seulement  Notre  présente  Constitution,  eu  égard  aux

35 Pie VII, Breve ad ep. Tornac., 24 juin 1810 (Bizzarri, Collectanea, 2P 738) ; Sacra Poenit., 22 janv. 1881 (Bizzarri, îoc. cit., p. 445) ; 5. C. De Relig., 22 mai 1910 (A. A. S., 11, 1919, p. 240) ; S. C. De relig., 23 juin 1923 (A. A. S., 15, 1923, p. 357) ; S. C. De relig., 6 févr. 1924 (A. A. S., 16, 1924, PP 96-101).

36 Hugo de Folieto, De claustro animée (P. L., CLXXVI, 1017).

37 Innocent IV, ad Moniales S. Dominici de Im., 11 mai 1252 (Bull. Ord. Preed., 1, 1/ p. 206).

diverses circonstances des monastères qui, jusqu'à maintenant, y sont soumis, la confirme délibérément et solennellement, mais encore l'étend avec prudence à ces monastères qui, jusqu'ici, en vertu de dispenses légitimes, n'y sont pas obligés.

Les monastères qui professent la vie uniquement contemplative, et qui n'admettent pas dans l'enceinte de la maison religieuse des oeuvres stables d'éducation, de charité, de récollection, ou d'autres du même genre, conserveront ou institueront la clôture pontificale dont il est question aux canons 600-602 du Code, et qu'on appellera majeure 38.

Quant aux Moniales qui exercent un apostolat extérieur, il est prévu une nouvelle forme de clôture pontificale, dite « mineure » :

Pour ces monastères qui, soit par leur règle, soit en vertu des légitimes décisions du Saint-Siège, unissent à la vie contemplative, dans les locaux mêmes du monastère, l'exercice de certains ministères qui s'harmonisent avec elle, la clôture pontificale, tout en gardant ce qui lui est nécessaire et essentiel, est tempérée pour les choses qui ne peuvent que difficilement et à peine être observées. Pour les autres choses qui ne semblent pas tellement indispensables pour la clôture pontificale du Code (can. 599, 604, § 2), elle est convenablement complétée. Cette clôture pontificale tempérée et ajustée aux nécessités actuelles, pour la distinguer de l'ancienne plus sévère, sera appelée mineure ; elle pourra être accordée même aux monastères qui, tout en pratiquant la vie uniquement contemplative, n'ont pas cependant les voeux solennels ou manquent de certaines conditions qui sont requises avec raison par la jurisprudence ou le style usité de la Curie pour la clôture pontificale majeure. Une définition précise de tous ces éléments de la clôture pontificale mineure sera donnée ci-dessous dans les statuts généraux et dans les instructions que la S. Congrégation des religieux fournira en vertu de Notre autorité et en Notre nom.

17 est désirable que les monastères se groupent en « Fédérations » :

A l'égard de l'autonomie des monastères de Moniales ou de leur liberté mutuelle, Nous jugeons utile de redire ici et d'appli

3ft La clôture pontificale suppose que personne ne puisse être admis à l'intérieur de cette clôture sans la permission du Saint-Siège (sauf exceptions prévues par le Droit Canon) ; de même elle défend strictement à toute moniale après la profession d'en sortir, sans un induit spécial, excepté le cas de danger grave et imminent.

quer aux Moniales ce que Nous avons dit à dessein au sujet des Moines dans l'Homélie prononcée le 18 septembre 1947, dans la basilique patriarcale de Saint-Paul hors les murs, au terme du XIVe centenaire de la mort de saint Benoît de Nurcia 39. Les circonstances ayant changé, beaucoup de choses conseillent et même souvent demandent une association des monastères de Moniales, afin de faciliter et d'adapter la distribution des charges, la translation temporaire, utile et souvent nécessaire, des religieuses d'un monastère à un autre pour différentes causes, l'aide économique, la coordination des travaux, la protection de la commune observance, et d'autres choses du même genre. Tout cela peut se faire et être obtenu sans dérogation à l'autonomie nécessaire, ni sans dommage quelconque pour la sévérité de la clôture, ni pour le recueillement, ni pour la discipline rigoureuse de la vie monastique. Nous en avons des preuves certaines et sérieuses dans la riche expérience des Congrégations monastiques d'hommes autant que dans les nombreux exemples d'union et de fédérations entre les Moniales qui ont déjà été approuvées. D'ailleurs, l'érection des fédérations et l'approbation des statuts, qui doivent les régir, demeureront réservées au Saint-Siège.

Pie XII insiste sur la nécessité pour les Moniales de travailler :

Pour le travail manuel ou intellectuel, tous ceux, hommes ou femmes sans exception, qui se livrent à la vie contemplative, y sont obligés non seulement par la loi naturelle 40, mais encore par un devoir de pénitence et de satisfaction 41. Le travail, en outre, est généralement le moyen par lequel l'âme est gardée des dangers et s'élève vers les hauteurs ; par lequel, comme il le faut, nous apportons notre collaboration à la divine Providence, tant dans l'ordre naturel que dans l'ordre qui surpasse la nature ; par quoi on exerce les oeuvres de charité. Le travail, enfin, est la règle de la loi principale de la vie religieuse, même depuis ses origines, comme il est dit : « Prie et travaille. » Certainement, la discipline de la vie religieuse a reposé toujours en grande partie sur le précepte du travail, son organisation et son accomplissement 42.

A. A. S., 39, 1947, pp. 454-455.

40 Gen., 2, 15 ; III, 19 ; Job, 5, 7 ; Thes., 3, 10.

41 Gen., 2, 19.

*! A. A. S., loc. cit., p. 453.

Le travail des Moniales, vu sous l'angle de l'éternité, doit être tel que d'abord celle qui l'entreprend le fasse dans une sainte intention, en pensant souvent à la présence de Dieu ; qu'elle l'accepte par obéissance et qu'elle y joigne volontairement sa mortification personnelle. Le travail ainsi accompli sera un exercice constant de toutes les vertus et un gage de la suave et efficace union de la vie contemplative avec la vie active, à l'exemple de la famille de Nazareth 4a.

Si l'on juge le travail monastique, par rapport à sa nature ou à sa discipline, d'après les règles, les Constitutions et les coutumes traditionnelles de chaque Ordre, il doit être proportionné aux forces des Moniales et même ainsi organisé et accompli que, suivant le temps et les circonstances, il puisse fournir aux Moniales l'entretien nécessaire et se montrer utile à l'Eglise, à la société humaine et aux pauvres

Les Moniales doivent s'associer à la vie apostolique de l'Eglise :

La perfection de la vie chrétienne reposant spécialement sur la charité 45, et la charité, par laquelle nous devons aimer uniquement le Seigneur par-dessus toutes choses et tous les autres en Lui-même, étant vraiment une et la même, notre Mère l'Eglise exige de toutes les Moniales qui professent canoniquement la vie contemplative, en même temps que l'amour parfait de Dieu, la charité parfaite envers le prochain ; et en vertu de cette charité et de leur état, les religieux et les religieuses doivent se sentir tout dévoués à L'Eglise et aux nécessités de tous les pauvres.

Par conséquent, toutes\les Moniales doivent bien savoir que leur vocation est pleinement et complètement apostolique, sans limites de lieux, de temps qu des choses, qu'elle s'étend partout et toujours à tout ce qui regarde, d'une façon ou d'une autre, l'honneur de leur Epoux oui le salut des âmes. Cette vocation universellement apostolique dVs Moniales n'empêche aucunement les monastères de recommancer à Dieu par leurs prières les besoins de toute l'Eglise et de,chacun des hommes.

43 Matth., 13, 15 ; Marc, 6, 3. V

« Ephes., 4, 28. \     \

46 Jean IV, 16 ; Colos., 3, 16 ; S. Thomas, Ha-l'ae, q. CLXXXIV, a. 1.

\

L'apostolat général de toutes les Moniales, par lequel elles doivent être jalouses de l'honneur de leur Epoux divin 46 et promouvoir le bien de toute l'Eglise et de tous les fidèles, utilise principalement ces trois moyens :

i° L'exemple de la perfection chrétienne, par leur vie qui, même sans paroles, entraîne les fidèles profondément et constamment vers le Christ et vers la perfection chrétienne et, comme un étendard, encourage et attire les bons soldats du Christ47 au bon combat et à la victoire 48.

La prière, en l'offrant à Dieu, soit publiquement au nom de l'Eglise, solennellement sept fois par jour aux heures canoniques, soit en privé sous toutes ses formes, avec persévérance.

Le zèle pour se dévouer, en ajoutant aux mortifications qui naissent de la vie commune et de la fidèle observance de la règle, d'autres exercices d'abnégation personnelle prescrits par la règle ou embrassés tout à fait volontairement afin de compléter ainsi généreusement « ce qui manque aux souffrances du Christ Jésus, pour son corps qui est l'Eglise » 49.

/ Pie XII estime, qu'étant données les considérations énumérées plus haut, il convient de formuler des règles nouvelles fixant la législation concernant les Moniales.

Après avoir rappelé les faits historiques de l'Institution des Moniales et décrit avec soin dans quelles limites elle peut s'ajuster aux nécessités actuelles de la vie, Nous pensons maintenant à donner des règles générales selon lesquelles cette accommodation doit se réalise.. La S. Congrégation des Religieux appliquera la Constitution et les statuts généraux en ce qui concerne les Fédérations de monastères déjà faites ou qui sont à faire et pour chaque monastère. S'appuyant sur Notre autorité, elle pourra, par le moyen d'instructions, déclarations, réponses et autres documents du même genre, achever tout ce qui se rapporte à l'application exacte et efficace de la Constitution et à l'obéissance prompte et fidèle aux statuts généraux.

46 Off. S. Teresix Virg., 15 octobre ; Pie XII, Lettre-Encyclique Mystici Corporis, A. A. S., 35, 1943, pp. 241-245.

47 II. Tim., 4, 3.

48 II. Tim., 4, 8.

49 Col., 1, 24.


Pie XII 1950 - ALLOCUTION AU PERSONNEL DES TRANSPORTS URBAINS DE ROME