Pie XII 1950 - IV


RADIOMESSAGE AU PREMIER CONGRÈS DES HOMMES D'ACTION CATHOLIQUE DU PORTUGAL

(10 décembre 1950) 1

Cinq mille hommes réunis à Lisbonne en ce premier Congrès d'Action Catholique eurent la joie d'entendre un message radiodiffusé depuis Rome par Pie XII.

Le Pape évoque le glorieux passé du Portugal :

Lorsque Son Eminence votre très digne Président nous invita à adresser la parole à vos assises de Lisbonne, et à implorer sur vous les bénédictions du Très-Haut, une vision magnifique surgit devant Notre esprit : l'époque héroïque où le Portugal était un immense séminaire de messagers de l'Evangile et Lisbonne comme la porte d'or que franchissaient chaque année, dans le sillage du grand pionnier saint Antoine, des légions d'apôtres, pour êvangéliser le monde.

Lisbonne alors se glorifiait de voir fabriquer sur les bords du Tage les pacifiques flottes destinées à conquérir l'empire du Christ2.

Il arrivait que des commerçants, plus habitués à acheter des épices qu'à gagner des âmes, et des soldats, plus habiles au maniement de l'épée qu'à celui de la Croix, se transformaient en catéchistes : ils jetaient la première semence et invitaient ensuite les missionnaires à aller la cultiver.

Nous nous sommes aussi souvenu d'une sentence du prince de vos orateurs : « Les autres hommes ont l'obligation d'être catholiques ; les Portugais, celle d'être catholiques et apôtres 3 » ;

1 D'après le texte portugais des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 118. * Cf. Vieira, Sermoes, v. 2 (1907), p. 16. 5 Cf. Vieira, Sermoes, v. 7 (1908), p. 58.

et cela parce que le Roi divin les a choisis pour messagers de la foi et leur a donné dans les « Quinas » ses Plaies comme blason ; il les a armés comme ses soldats en leur donnant la Croix du Christ comme devise.

L'Action Catholique doit aujourd'hui et demain prolonger cette action missionnaire d'hier :

A cette vision d'un passé aujourd'hui lointain, se joignait l'espérance d'en voir reparaître l'esprit dans la croisade où militent avec ferveur les hommes de l'Action Catholique.

Chers fils ! affirmation publique et courageuse de l'Action Catholique, votre Congrès, qui touche à sa fin, est également un gage des plus réconfortantes espérances pour l'avenir.

Ces assises furent une initiative vraiment opportune pour constater le bien réalisé et en rendre grâces à Dieu ; pour passer en revue les forces sur lesquelles l'Eglise militante peut compter ; enfin pour établir, à la lumière de l'expérience, de nouveaux plans d'action et se préparer à de plus amples entreprises.

Père commun des fidèles, nous sommes présent d'esprit et de coeur au milieu de vous. Nous vous félicitons tous et chacun du bien réalisé, individuellement et collectivement, pendant les dix-sept ans d'activité de votre organisation ; et avec vous Nous élevons Notre coeur vers Dieu, principe et auteur de tout bien, afin de chanter avec vous le Te Deum de l'éternelle reconnaissance.

Ce devoir de reconnaissance accompli, Nous vous dirons que tout vous incite à ne pas vous contenter des victoires passées, mais à en tirer un stimulant pour votre zèle et un motif de progresser de plus en plus.

En effet, l'inertie pourrait avoir comme conséquence d'annuler, en peu de jours, les conquêtes de longues années. D'autant plus que l'évolution rapide de la société pose chaque jour de nouveaux problèmes. Les prévoir, les connaître et les résoudre comme il convient : tout cela exige une attention assidue.

Le Pape se réjouit du thème étudié au cours de ce Congrès :

Les responsabilités du catholique ont toujours et de tout temps été grandes, comme le prêchait l'Apôtre des Gentils aux premiers fidèles. Membres tous les uns des autres, parce que

tous membres du Corps Mystique du Christ, la loi de la charité, fondement et essence de la vie chrétienne, les oblige à se soucier du bien les uns des autres, comme la loi de la nature oblige les membres d'un même corps à s'intéresser les uns aux autres, à s'aider et à se servir mutuellement.

Cependant, aujourd'hui, la responsabilité des hommes catholiques paraît plus grande encore que jadis, étant donné l'organisation plus poussée de la société et le rôle que chacun est appelé à y jouer. Le bon et le mauvais état de la cité ne dépendent-ils pas du rôle que chacun y joue ? Autour de nous, les forces du mal sont puissamment organisées : elles travaillent sans répit. Leurs agents spécialisés savent remplir de fanatisme les âmes ardentes : ils ne les laissent pas en repos, les exposent aux dangers, les portent aux plus subtiles industries pour réaliser leurs desseins. Et vous, que ne ferez-vous pas pour la très sainte cause du bien, au service du Roi divin ? Songez à l'exemple de vos aïeux, et vous n'abandonnerez pas votre noble idéal.

Regardez le champ d'action : il est immense ; et le travail, très urgent.

Les apôtres doivent être animés par la foi chrétienne :

Avant tout, il importe de raviver et de renforcer cette conviction : les hommes catholiques, pour être des catholiques d'action, doivent être sincèrement, pratiquement catholiques, dans leur foi et dans leur conduite. Autrement, comment exercer un apostolat efficace, si les paroles restent vides d'esprit et si les oeuvres contredisent les paroles ? Le zèle apostolique est le fruit spontané d'une vie imprégnée d'esprit chrétien.

Le premier apostolat des hommes est à exercer dans la famille :

Ce zèle a naturellement son premier champ d'action dans la famille. Us méritent hautement de l'Eglise et de la société les parents qui, conscients de leurs grandes responsabilités, s'efforcent d'être les premiers éducateurs de leurs enfants, par la parole et par l'exemple, en les initiant à la doctrine chrétienne et en les portant à pratiquer la loi de Dieu dans la vie quotidienne. Les parents qui ne sentent pas cette responsabilité et ne règlent pas la vie de la famille sur les normes de l'Evangile, considéreront la religion comme une chose accessoire, qu'on abandonne facilement. Heureusement, la famille est, au Portugal, en général encore saine ; mais la propagande délétère arrive jusque là. Là aussi, il existe des germes pathologiques : si on les laisse agir, ils pourraient produire des épidémies catastrophiques.

Il faut apporter son soutien à la jeunesse :

Vient ensuite l'Action Catholique au sein de la jeunesse. Ici,

combien de problèmes demandent l'action prudente, vigilante, persévérante des hommes catholiques ! C'est d'abord le problème de l'instruction religieuse de l'enfance à organiser dans les foyers, dans les paroisses et dans les écoles, avec tous les moyens que présentent l'art et la pédagogie. Sur ce problème, Notre prédécesseur attirait déjà votre attention dans sa Lettre sur l'Action Catholique ". C'est ensuite le grave problème de la formation religieuse et morale de la jeunesse, surtout de la jeunesse étudiante qui, demain, présidera aux destinées du pays. Otez l'instruction religieuse : la formation littéraire ou scientifique même la plus parfaite sera absolument incomplète et imparfaite.

Ne pas omettre de promouvoir l'action sociale chrétienne :

Vient ensuite l'ensemble des problèmes qui constituent la question sociale. Elle n'a pas encore chez vous la même ampleur et la même acuité qu'ailleurs ; mais elle les aura, au fur et à mesure du développement de l'industrie. Il est impossible d'arrêter la propagande délétère. C'est ('inimicus homo, toujours prêt à semer l'ivraie dans le champ du père de famille. Qu'on omette de prévoir et de prévenir, et de préparer les remèdes efficaces pour enrayer la croissance de l'ivraie : un jour, le champ pourrait se présenter tout plein de mauvaises herbes.

oeuvres missionnaires doivent être soutenues par l'Action Catho-

Enfin, il existe le problème des missions proprement dites, dans les vastes territoires d'outre-mer. Il importe d'orienter, de

4 Cf. Pie XI, lettre apostolique à Son Em. le cardinal Cerejeira au sujet de l'Action Catholique à organiser au Portugal, 10 novembre 1933 ( Fie XI, Ed. Bonne Presse, Paris, t., 10, p. 172).

sélectionner et de cultiver les vocations missionnaires. Il importe de ranimer l'esprit missionnaire de jadis, époque où les familles s'honoraient de consacrer au moins un de leurs fils au service de l'autel et à la conquête des âmes, et où on trouvait au moins les deux pour cent du clergé portugais consacrés aux Missions.

Le Pape souhaite qu'alliant l'action à la piété, l'Action Catholique au Portugal rencontre de nombreux succès :

Chers fils ! Le champ est immense, le travail difficile et la. main-d'oeuvre peu nombreuse. Notre grand prédécesseur vous recommandait de développer la qualité de préférence à la quantité. C'était la consigne pour l'enfance. Aujourd'hui, votre mouvement a atteint sa jeunesse et Nous disons : « Redoublez: de zèle, croissez en qualité, mais croissez aussi en nombre, et ne cessez de demander au Maître de la moisson de vous envoyer de bons et nombreux collaborateurs. »

D'autres organisations religieuses ne manquent pas aujourd'hui au Portugal, qui tâchent dans la vigne du Seigneur, travaillent à la formation intérieure de leurs membres et les préparent à l'apostolat.

C'est là aujourd'hui l'obligation de tout homme catholique. De concert avec les autres mouvements et en collaboration ordonnée avec eux, comme corps spécialisé de la même armée, livrez hardiment les batailles du Seigneur.

La grâce divine ne vous fera pas défaut, non plus que l'assistance de Notre-Dame de Fatima, patronne spéciale de l'Action Catholique portugaise. Son merveilleux pèlerinage à travers le Portugal et le monde semble stimuler votre zèle et promettre les résultats les plus heureux à votre apostolat.

C'est en formant ces voeux, que Nous vous donnons la Bénédiction apostolique, à vous, à vos familles, à toutes les personnes qui vous sont chères et à toute l'Action Catholique portugaise.


ALLOCUTION AU CONSISTOIRE

(11 décembre 1950) 1

En cette fin d'Année Sainte, le Souverain Pontife réunit autour de Lui les Cardinaux en Consistoire, pour tirer les conclusions de l'Année Sainte et désigner les Légats chargés de procéder a la fermeture des portes saintes :

Tandis que tend vers sa fin avec bonheur cette Année Sainte, sainte par le grand Jubilé fixé par Nous, Nous désirons en votre présence, dans cette très illustre assemblée, rendre d'immortelles actions de grâces à Dieu, qui a voulu illuminer Notre Pontificat — non exempt, comme vous le savez, de très graves soucis — de cet éclat de la lumière chrétienne, et l'enrichir de considérables bienfaits du ciel.

De plus, Nous ne pouvons pas ne pas dire aussi Notre reconnaissance à ceux qui, dans chaque diocèse, dans chaque nation, et surtout dans cette sainte ville, par leur sagesse et leur intelligent travail, ont pourvu à tout pour le développement convenable et régulier de cette grande entreprise et pour sa disposition vers l'obtention de fruits de salut. Nous pensons qu'il ne faut pas passer sous silence l'attitude de ceux qui détiennent le pouvoir civil ou qui remplissent des charges et fonctions publiques, et qui, par un effort digne d'éloge et un empressement louable, ont veillé à la réussite rapide et heureuse de toute l'entreprise, ce qui, de l'avis général, n'était pas chose facile.

Nous désirons enfin manifester Notre très affectueuse reconnaissance à tous les fidèles chrétiens qui, répondant avec un joyeux empressement à Nos paternelles exhortations, ont entrepris le voyage de Rome ; ils vinrent en pieux pèlerins, parfois au prix de graves difficultés, vers cette ville sainte, tête de la catholicité, comme à la patrie commune de tous les chrétiens, et leurs bataillons innombrables se succédant les uns aux autres témoignèrent devant tous les assistants émerveillés leur foi très ferme dans leur ancestrale religion.

Nous avons vu des jeunes gens qui à l'agrément, à la joie, à la force de leur âge, unissaient l'ardeur d'une si ardente piété qu'ils provoquaient l'admiration de tous : des vieillards à la vénérable et blanche chevelure qui supportèrent de grand coeur les incommodités du voyage ; des gens du peuple et des grands ; des travailleurs et des patrons ; des cultivateurs et des hommes célèbres par leur science et très renommés par leurs travaux dans les arts libéraux, par leur amour du bien ; des pauvres, des magistrats, des députés et même des chefs d'Etat. Il en fut, qui ne s'épargnant aucune fatigue, vinrent à pied, renouvelant l'antique coutume des pèlerins de Rome ; il en fut qui traversèrent en bateau les immenses étendues océaniques et d'autres qui volèrent à travers les espaces célestes et atteignirent ainsi Rome rapidement. A la tête de ces foules innombrables de pèlerins, se trouvaient des prêtres, des Evêques et parfois même des Princes de l'Eglise, revêtus de la pourpre romaine, et ces chefs conduisaient ces foules et les éclairaient de leur exemple.

Ce spectacle Nous apporta, Vénérables Frères, une consolation et une joie telles que Nous ne pouvons les exprimer par des paroles. Il fut permis de voir un spectacle sublime de toute manière : de près, de loin, d'au-delà des océans, d'immenses multitudes affluèrent vers Nous par bandes, par terre, par mer et par air, non seulement pour obtenir du Dieu très miséricordieux le pardon de leurs péchés et la remise de la peine due, mais aussi pour affermir leur foi au contact de ces tombeaux du Prince des Apôtres et des saints martyrs, tombeaux qui sont témoins de la gloire et du courage indompté de l'Eglise primitive, pour y raviver leur piété et renouveler leur vie. Ouvrir à tous paternellement Nos bras, obtenir à tous par Notre Bénédiction les faveurs célestes, rendre à tous le courage par Nos paroles furent pour Nous choses très douces.

Pendant qu'escorté par ces foules enthousiastes de chrétiens qui, toutes joyeuses, levaient vers Nous leurs yeux, vers Nous leurs mains, vers Nous leurs âmes, Nous Nous avancions par la Place Saint-Pierre ou la Basilique Vaticane, une vérité que Nous connaissions déjà parfaitement resplendissait encore plus claire-

ment à Notre esprit, c'est que tous les intérêts terrestres divisent nombre de fois les esprits humains et les entraînent à des passions opposées, non sans dommage pour la concorde et la prospérité communes, mais que la religion sainte les rassemble tous par un lien et une union fraternels et qu'elle est l'unique et très sûr fondement de la loi, de la société et du bonheur humain autant qu'on peut l'atteindre sur cette terre. Plaise au Ciel que cette concorde mutuelle, cette joie sainte des âmes, cet amour de la charité et de la piété ne cessent jamais, que tous ces biens inspirent la vie non seulement de ceux qui vinrent à Rome en pieux pèlerins, mais aussi des autres, qui doivent y être salutai-rement attirés par le lumineux exemple des premiers et par leurs efforts adroits à atteindre la même fin. Si ce résultat est un jour finalement et heureusement obtenu par toute la terre, les dangers qui semblent menacer la conservation de la paix se dissiperont, Dieu aidant, Nous l'espérons fermement ; et sur la famille humaine dégoûtée de tant de discordes et trompée par les haines et les fausses promesses, brillera la paix digne de ce nom, celle qui fondée sur la justice et nourrie par la charité, est l'objet des voeux et des désirs les plus ardents de tous.

Mais si, pendant tous les jours de l'Année Sainte, cette Ville Sainte a pu contempler ce spectacle de fervente piété et de concorde fraternelle, il Nous fut spécialement donné de parer des honneurs des Bienheureux et des Saints une gerbe choisie d'hommes et de femmes qui l'emportaient par le mérite de toutes les vertus ; par ailleurs, dans la Basilique Saint-Pierre, étoilée de lumières innombrables, il se passa un événement qui semblait réellement plus digne du Ciel que de la terre. Lorsqu'en effet dans la dite Basilique, en Notre présence et devant de nombreux Evêques de l'Eglise occidentale et orientale et une foule de fidèles, fut célébrée solennellement une Divine Liturgie en rite byzantin, il apparut encore bien plus clairement que le Corps Mystique de Jésus-Christ brillait d'une admirable unité et que celle-ci, loin de subir un dommage de la très belle variété des cérémonies, s'embellissait de la multiplication de son éclat et de sa parure 2.

2 Le 26 novembre fut célébrée en grande pompe dans la Basilique de Saint-Pierre, avec assistance du Souverain Pontife, une messe en rite byzantin. Celle-ci fut célébrée par Son Exc. Mgr Maxime IV, Patriarche melkite d'Antioche, entouré pour la concélébration de seize évêques de rite byzantin.

Et enfin, lorsqu'en plein air et sous un brillant soleil, devant une immense foule qui, attentive, retenait sa voix, Nous avons solennellement décrété et défini le privilège de l'Assomption corporelle de la Bienheureuse Vierge Marie au Ciel, une joie si ardente s'empara des âmes que tous, dans les ovations et les acclamations, battaient des mains et sentaient plus immédiate et plus puissante l'assistance protectrice de la Divine Mère. Confiant dans cette protection, Nous espérons que les bonnes résolutions de vie plus sainte prises par les fidèles au moment de cette joie surnaturelle, non seulement seront confirmées de jour en jour, mais aussi que, suivant les traces de la Mère céleste elle-même, les fidèles les mettront en pratique dans la prière et dans leur vie. Le cours de l'Année Sainte ne doit tendre en effet à aucun résultat plus élevé, à aucun but plus noble. C'est ce but que Nous avions devant les yeux en en prenant la décision ; c'est sa réalisation que Nous avons considérée lorsque, à chaque occasion qui nous en a été donnée, Nous avons adressé la parole aux peuples accourus en foules.

Et puisqu'il doit être beaucoup espéré surtout du clergé, après avoir réprouvé par la Lettre Encyclique Humani Generis 3 et selon notre devoir les erreurs et fausses opinions qui se faisaient jour, Nous avons donné l'Exhortation Apostolique Menti Nostroe 4 et Nous avertissons de plus en plus instamment tous les ministres sacrés de la méditer et de la mettre en pratique.

Tout ce qui précède, Vénérables Frères, touche Notre âme d'une suave espérance et d'une douce consolation. Cependant, il ne Nous manque pas aussi des motifs de grave tristesse et Nous jugeons opportun de les aborder en cette auguste assemblée. Tous ceux qui le désiraient n'ont pas pu, vous le savez, venir à Rome pour professer leur foi ancestrale dans cette sorte de centre de la religion catholique et y nourrir leur piété ; et ce fut — à Notre extrême douleur comme à la leur — parce que dans quelques pays, la faculté d'entreprendre le voyage de Rome ne fut pas accordée. Nous savons cependant que ces fils très chers dans le Christ sont et furent présents de coeur et qu'ils ont accompagné et accompagnent d'un désir extrême les événements

3 Cf. Encyclique Humani Generis, du 12 août 1950, p. 295.

4 Cf. Exhortation Menti Nostrae du 23 septembre 1950, p. 394.

solennels de cette Année Sainte. Pour répondre à ce désir dans la mesure de Nos possibilités, Nous allons à l'exemple et suivant l'usage de Nos prédécesseurs étendre par Lettre apostolique le grand Jubilé qui se terminera bientôt dans la Ville Sainte, au monde catholique tout entier et pour toute l'année prochaine.

Entretemps cependant, Nous tournons Notre esprit vers les cérémonies solennelles qui ont coutume, selon l'usage, de terminer l'Année Jubilaire, les cérémonies de fermeture rituelle des portes saintes des quatre Basiliques Patriarcales. En ce qui concerne la Basilique Saint-Pierre, à l'exemple de Nos prédécesseurs, Nous y procéderons Nous-même avec l'aide de Dieu, la veille de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Pour que le rite transmis par Nos anciens puisse être effectué le même jour dans les autres Basiliques Patriarcales, Nous choisissons et nommons Légats a latere Notre Vénérable Frère Eugène Tisserand, Cardinal de la Sainte Eglise Romaine, Evêque d'Ostie et Sainte-Rufine et Vice-Doyen du Sacré Collège pour fermer en Notre nom la porte sainte de la Basilique Saint-Paul, sur la voie d'Ostie ; de même Notre Vénérable Frère Clément Micara, Cardinal de la Sainte Eglise Romaine, Evêque de Velletri, pour fermer en Notre nom la porte sainte de la Basilique du Latran ; et Notre cher Fils Alexandre Verde, Cardinal de la Sainte Eglise Romaine, Archiprêtre de la Basilique de Sainte Marie-Majeure, pour fermer en Notre nom la porte sainte de cette Basilique. Au nom du Père + et du Fils + et du Saint + Esprit. Amen.


ALLOCUTION AU CONGRÈS DES ÉDITEURS CATHOLIQUES

(10 décembre 1950) 1

Un Congrès International des Editeurs de Livres et Revues se tint à Rome en décembre 1950 ; les membres offrirent au Pape des collections de livres. Pie XII les remercia en ces termes :

Après avoir admiré le riche don d'ouvrages destinés à Notre bibliothèque privée, comme aux Bibliothèques aidées par le Saint-Siège, Nous ne pouvons manquer de vous manifester Notre vive gratitude en vous priant de transmettre l'expression de Notre reconnaissance à tous ceux qui ont contribué à ce généreux hommage.

Le Saint-Père souligne l'importance de plus en plus grande du livre au siècle de la radio et du cinéma :

Mais la vue de cette imposante collection de précieuses publications Nous a fait aussi réfléchir à la signification particulière de votre oeuvre.

Nous vivons l'époque du cinéma et de la télévision. Sans aucun doute, tous deux ont accaparé une bonne partie du temps qui appartenait avant à la parole imprimée. Il arrive cependant qu'ils donnent aux bons livres une valeur accrue. Car, tout en reconnaissant pleinement l'importance de la technique et de l'art du « film », l'influence unilatérale qu'il exerce sur l'homme, et spécialement sur la jeunesse par son action à peu près purement visuelle, porte toutefois avec elle un tel danger de décadence intellectuelle, que l'on commence déjà à la considérer comme un péril pour tout le peuple. Le bon livre n'en a donc que davantage le rôle d'éduquer le peuple à une plus grande compréhension des choses, à penser et à réfléchir.

Dès lors, la responsabilité des éditeurs se trouve accrue :

Nous vous souhaitons donc une conscience de plus en plus profonde de votre responsabilité envers l'homme, qui prend en mains votre livre et dont la plus haute valeur, son perfectionnement intellectuel et moral doit, grâce à cette lecture, se développer, progresser, sans jamais en subir un dommage. Cette conscience de votre responsabilité qui est également une responsabilité devant Dieu, Nous voudrions qu'elle fût un des fruits de votre Congrès : Congrès qui est aussi un Pèlerinage.

Le Pape se réjouit de voir les éditeurs catholiques gagner leur jubilé en venant à Rome :

Votre piété et votre sentiment religieux vous ont inspiré la pensée de prendre part, ici au centre de la Chrétienté, à cet événement mondial de l'Année Sainte, à ce spectacle solennel d'une communauté de foi, de sentiment et d'amour, fondée en Dieu et qui s'élève au-dessus de toutes les étroitesses, les discordes, les mesquineries humaines, et unit tous les fils du monde catholique pour former un seul coeur et une seule âme.

Puisse ce pèlerinage jubilaire vous convaincre que la force de salut, de renouvellement, d'encouragement, de lumière de l'Evangile du Christ, ne doit pas s'éteindre. La lumière du Christ a devant elle de nouvelles élévations et de nouvelles splendeurs. Une chrétienté parvenue à une vive et profonde conscience de sa foi et de ses idéaux n'a aucune raison d'être pusillanime ou de craindre. Il lui appartient de donner à l'humanité d'aujourd'hui — et vous pouvez collaborer hautement à cette mission — beaucoup plus et d'une façon plus grande et définitive que supposent un grand nombre de gens.

Avec ces sentiments et ces souhaits, Nous vous dormons, de tout coeur, à vous, à vos familles, et à vos travaux, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX PARLEMENTAIRES ITALIENS

(13 décembre 1950) 1

Au cours de l'audience générale accordée le mercredi 13 décembre 1950, aux pèlerins de l'Année Sainte, Pie Xli adressa une allocution à un groupe de sénateurs et de députés des Chambres italiennes venus accomplir leur pèlerinage jubilaire.

Le Pape se réjouit de cette manifestation :

La visite que Nous recevons aujourd'hui d'un nombreux groupe de dirigeants des affaires publiques au Sénat et à la Chambre des Députés d'Italie, est un hommage dont Nous sommes heureux de faire ressortir l'importance particulière, surtout en les ciconstances qui l'accompagnent.

Votre visite empressée et Notre cordial accueil n'ont et ne peuvent avoir qu'une signification : de votre part, donner au Vicaire du Christ une attestation de la foi qui vous a fait participer aux grâces extraordinaires de l'Année Sainte ; de Notre part, vous dire la vive sollicitude avec laquelle Nous suivons votre grave et délicat travail et, laissez-Nous ajouter, Notre satisfaction pour le zèle dont vous faites preuve dans l'accomplissement de vos devoirs ardus et pour la conscience religieuse avec laquelle une si grande partie des deux Chambres veille aux problèmes de l'esprit et organise les oeuvres morales et sociales que réclame impérieusement l'heure tourmentée d'aujourd'hui. Votre présence et le désir qu'elle Nous exprime d'entendre Notre parole est pour Nous le clair témoignage de votre conscience religieuse.

Le rôle des parlementaires est aujourd'hui particulièrement important :

Quiconque, de nos jours, est appelé à collaborer à l'oeuvre législative, assume par cela même une charge de laquelle dépendent souvent la vie ou la mort, la satisfaction ou l'irritation, le progrès ou la décadence d'innombrables êtres humains. Dès l'instant où ils déposent leur bulletin dans l'urne, des milliers d'électeurs remettent leur sort entre vos mains. Pendant toute la durée de la législature, leur bonheur ou leur malheur, leur prospérité économique, sociale, culturelle, spirituelle, sont plus ou moins suspendus au vote affirmatif ou négatif que vous donnez aux projets de lois qui font l'objet de vos discussions et délibérations.

Pour gouverner, il faut faire appel aux forces d'En-Haut :

C'est à cause de cela, cfue, tout en étant unis par un sincère désir du bien de la nation, vous faites l'expérience, comme peu d'autres, de l'infériorité de l'homme spécialement par rapport aux devoirs de la vie publique, et vous constatez qu'il n'existe point de supériorité d'esprit, de profondeur de science, d'ampleur de culture, de possession particulière de dons, qui garantissent dans une concurrence si complexe de charges, le succès favorable nécessaire à la bonne administration de l'Etat. Vous sentez bien que celui-ci ne se gouverne pas avec les seules forces humaines, mais que la lumière de sagesse du ciel est nécessaire afin que, quoi que vous fassiez dans l'intérêt du pays, il y ait constamment en vous la vertu, la probité, l'intégrité, et que vous vous consacriez entièrement à cela, en laissant de côté toute visée personnelle.

Les parlementaires doivent avoir conscience d'être d'abord au service de la communauté nationale :

Elles peuvent s'appliquer à vous, comme à tous ceux qui se trouvent placés dans une position de supériorité et de commandement, les paroles de Jésus-Christ : Filius hominis non venit ministrari, sed ministrare2 : la supériorité est un service, le commandement n'est pas un pouvoir arbitraire, mais un acte d'obéissance aux lois éternelles de la vérité et de la justice.

* « Le Fils de l'Homme est venu, non pour être servi, mais pour servir », Matth., 20, 28.

C'est pourquoi ceux qui ont les plus hautes responsabilités doivent se confier en Dieu :

Et vous sentez aussi — comme tout le monde doit le sentir — toute la force qu'il faut recevoir de Dieu pour réagir avec fermeté dans l'exercice du devoir, contre l'égoïsme et l'orgueil, et pour toujours faire passer avant les avantages particuliers — de l'individu, du groupe, du parti — l'intérêt général, et cela en étant uniquement éclairé par la justice, par la charité et par la foi.

Aussi est-ce un devoir pour vous de tenir compte, au milieu des soucis de votre mission et de votre responsabilité, de l'avertissement du Psaume, appuyé par l'expérience universelle : « Si le Seigneur n'édifie pas la maison, les constructeurs se fatigueront en vain. — Si le Seigneur ne veille pas sur la cité, le gardien veille en vain 3. »

Ce pèlerinage est bien l'indice que les parlementaires italiens attendent du ciel l'aide divine, et Pie Xli s'en réjouit :

Et, interprétant votre pensée, Nous demandons au Seigneur que l'indulgence de ce Grand Jubilé, si abondant en fruits pour tous, et si consolant pour Nous, se manifeste pour vos personnes et pour l'Italie, en toutes sortes de grâces ; que l'assistance divine et votre sagesse rendent moins durs pour la patrie les jours inquiétants qu'elle traverse avec le monde entier ; et que ce cher peuple soit, avec tous les peuples frères, sauvé de la calamité de nouvelles guerres, pour réaliser, dans une paix féconde de travail et de progrès civil, les fins terrestres et éternelles de l'humanité rachetée par le Christ.

Avec ces sentiments, en recueillant dans Notre coeur les voeux de chacun de vous, Nous vous donnons affectueusement; ainsi qu'à vos familles et aux populations dont vous avez reçu le mandat parlementaire, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

» Ps. cxxvi, i.


RADIOMESSAGE AU MONDE

(23 décembre 1950) 1

/Z est de tradition, sous le pontificat de Pie XII, qu'à la fin de chaque année — à l'occasion de la fête de Noël — le Pape s'adresse au monde pour passer en revue les événements des mois antérieurs et formuler des directives.

Cette année, le Saint-Père rappelle les bienfaits de l'Année Sainte inaugurée le 24 décembre 1949 :

Une année est déjà passée, Vénérables Frères et fils bien-aimés, depuis la dernière veille de Noël, depuis cette journée mémorable où, au milieu de l'attente anxieuse du monde catholique, Nous avons promulgué et inauguré le grand Jubilé, qui a tracé un sillon si profond dans la vie de l'Eglise et a dépassé les plus heureuses prévisions.

Il Nous semble encore entendre, comme un écho d'hier, les coups de marteau qui ouvrirent ce saint passage comme une entrée spirituelle pour toutes les nations, et entendre les acclamations joyeuses par lesquelles les fidèles en accueillirent l'annonce.

C'est alors que s'envola de ce seuil sacré l'Ange du Seigneur vers les quatre coins de la terre, comme pour rassembler et escorter vers la patrie commune des croyants les innombrables files des Romées, avides de se purifier dans les eaux salutaires de la pénitence, désireux d'accomplir le grand retour et d'obtenir le grand pardon.

Aujourd'hui, le même ange semble dire, comme en un jour lointain l'archange Raphaël à Tobie : Bénissez sur la terre le Seigneur et remerciez Dieu. Voici que je remonte vers Celui qui m'a envoyé. Ecrivez toutes les choses qui vous sont arrivées2.

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 49, traduction française de La Documentation Catholique, XLVIII, c. 1.

2 Tobie, 12, 20.

Le mot fin, que les lois de la vie présente imposent aux choses les plus chères et les plus saintes, aux événements les plus joyeux et les plus féconds, sera marqué aussi sur les Portes saintes du Jubilé, laissant dans les coeurs un sentiment à la fois de joie sereine et de regret nostalgique, semblable à celui qui accompagnait les trois apôtres à la descente du Thabor.

Si c'est chose digne et juste de rendre grâces en tout temps et en tout lieu au Père de qui vient tout bien parfait, avec d'autant plus d'ardeur demain, quand Nous aurons apposé le sceau sur la Porte sainte, s'élèvera de Notre coeur et de Nos lèvres l'hymne de la reconnaissance à laquelle s'uniront dans une exultation particulière, en mille accents divers, mais dans un même sentiment, les voix du monde catholique.

Le Pape dresse le tableau des faits les plus marquants de l'Année Jubilaire :

Quand Nous Nous arrêterons pour la dernière fois sur le seuil foulé par les pas de tant de pèlerins venus y chercher la purification et le pardon, Notre esprit se représentera, comme en une seule vision, toutes les merveilles de cette année vraiment incomparable, les splendeurs magnifiques des grandes cérémonies liturgiques, l'éclat invisible, mais d'autant plus beau, des âmes renouvelées et sanctifiées par les larmes du repentir au tribunal de la Pénitence, par les larmes de l'amour au pied des autels.

Notre esprit revivra les canonisations et les béatifications solennelles, témoignages vivants de ce que peut réaliser la nature humaine soutenue par la grâce divine, et des nombreuses oeuvres de bienfaisance dont l'Eglise est féconde en tous temps 3.

Nous entendrons de nouveau les irrésistibles cris de joie, les prières ferventes, les chants dont l'enthousiasme faisait vibrer les voûtes de la basilique vaticane, et celle-ci, incapable de contenir les multitudes toujours croissantes, s'élargissait au dehors, étendant (pour ainsi dire) les grands bras de sa colonnade.

Nous reverrons en esprit le jour de Pâques * et la fête du Saint Sacrement, le soir de la canonisation de sainte Maria

8 On lira dans VIntroduction du volume p. g la nomenclature des principales manifestations de cette Année Sainte.

< Homélie prononcée le jour de Pâques, 9 avril 1950, p. 108.

Goretti5, la matinée, lumineuse d'une insolite et mystérieuse splendeur, de la proclamation du dogme de l'Assomption de Marie °. Nous reverrons les grandes processions de pénitence et de propitiation qui honorèrent, à travers les rues de la Rome chrétienne, les vénérables images du Crucifix et de la Vierge. Notre esprit sera assailli par le souvenir de tant de Congrès qui ont eu comme objet les sciences sacrées ou les problèmes de l'apostolat, par les échos de Nos paroles que la voix vivante des peuples, comme celle de la presse et de la radio, répandaient dans le monde ; par les documents pontificaux adressés à une telle variété de personnes, en particulier par l'Encyclique Humani generis 7 et par Notre Exhortation au clergé 6 dont Nous attendons les fruits les plus abondants.

Pie XII se souvient avec émotion des pèlerinages nombreux et venus de tous les horizons ;

Et nous verrons repasser devant Notre souvenir, avec une profonde nostalgie, vos chers visages. De vous tout d'abord, Vénérables Frères dans l'épiscopat, qui êtes accourus à Nous en nombre si imposant et qui avez écouté Notre parole avec tant de docilité. Et puis vos visages, chers fils et filles. Jamais Nous ne pourrons oublier l'expression de vos yeux, et encore plus des mouvements de vos lèvres, qui venaient Nous confier vos peines et vos espérances intimes. Indicible émotion qui attendrissait aussi Notre coeur toutes les fois que Nous sommes descendu au milieu de Notre cher peuple chrétien.

Aucune sollicitude, aucune fatigue n'a jamais réussi à Nous soustraire à vos désirs, à Nous faire omettre Nos rencontres avec vous. Vous admettre en Notre présence, ou plutôt vous attendre et vous désirer, était pour Nous plus un besoin du coeur qu'un devoir de Notre charge pastorale. Et toutes les fois que Nous Nous attardions à vous saluer, vous appelant nation par nation, diocèse par diocèse, paroisse par paroisse, groupe par groupe, Nous voulions comme recueillir toutes vos voix, toutes les prières que vous désiriez faire passer par Nos mains pour les présenter à Jésus.

5 Discours lors de la canonisation de sainte Marie Goretti, 24 juin 1950, p. 219. • Constitution apostolique définissant le Dogme de l'Assomption, ier novembre 1950, p. 480.

7 Encyclique Humani Generis, 12 août 1950, p. 295.

t* Exhortation Menti Nostrse au clergé, 23 septembre 1950, p. 394.

Comme nous aurions alors voulu vous étreindre tous sur Notre coeur, vous faire sentir à tous comment Nous vous rendions tendresse pour tendresse, faire pénétrer en vous tous la parole de la confiance et de l'espérance. A vous spécialement, objets de la prédilection de Jésus et de la Nôtre, pauvres et malades qui, à certains jours, formiez l'ornement le plus beau de la basilique vaticane, et en qui Nous voyions toujours le plus riche, le plus précieux trésor de l'Eglise.

Ces millions de pèlerins sont venus s agenouiller sur la tombe de saint Pierre ; et de fait, les fouilles entreprises sont arrivées à ce sujet à des conclusions positives :

Si durant l'Année Sainte, la Confession de Saint-Pierre au Vatican a été témoin et centre d'aussi imposantes manifestations de l'unité des catholiques du monde entier dans la foi et dans l'amour, la gloire de ce lieu sacré a toutefois, sous un autre aspect, reçu encore un complément.

Les fouilles sous la Confession même, au moins en ce qui concerne la tombe de l'Apôtre (recherches auxquelles Nous Nous sommes intéressé depuis les premiers mois de Notre pontificat), et leur examen scientifique, ont été, dans le cours de cette année jubilaire, heureusement menés à terme. Dans le plus bref délai, une publication bien documentée portera à la connaissance du public le résultat des explorations les plus soigneuses.

Ce résultat a été très riche et très important. Mais la question essentielle est la suivante : a-t-on vraiment retrouvé la tombe de saint Pierre ?

— A une telle demande, la conclusion finale des travaux et des études répond très clairement par l'affirmative : oui, la tombe du Prince des apôtres a été retrouvée.

Une seconde question, subordonnée à la première, regarde les reliques du saint. Ont-elles ont retrouvées ?

— Au bord du sépulcre, on a retrouvé des restes d'ossements humains.

— Ont-ils appartenu à la dépouille mortelle de l'Apôtre ?

— Il n'est pas possible de le prouver avec certitude.

Cela laisse cependant intacte la réalité historique de la tombe. La gigantesque coupole développe sa courbe exactement sur le sépulcre du premier évêque de Rome, du premier Pape ; sépulcre originairement très modeste, mais sur lequel la vénération des siècles postérieurs a élevé, par une merveilleuse succession de travaux, le plus grand temple de la chrétienté.

Il faut que les fruits de l'Année Sainte mûrissent maintenant sur toute la surface de la terre :

Mais maintenant, les millions d'hommes, accourus des quatre points cardinaux au centre de la catholicité, pour prendre part à cet événement mondial de l'Année Sainte, pour gagner le Jubilé, pour se retremper en un bain de purification et de sanctification, pour puiser avec joie, le plus près possible de la source, aux eaux du salut9, se contenteront-ils de retourner dans leurs patries comme des privilégiés parmi les centaines de millions qui n'ont pas pu jouir d'une telle faveur ? De leur redire les belles choses dont ils ont été les témoins ? De se reposer, dans ces souvenirs, des tristes réalités ordinaires, oubliées pour quelque temps ? Non, ils doivent maintenant se persuader de la mission qui leur revient, à la fois honorable et pleine de responsabilités, de se faire près de leurs fidèles, par la parole et par l'exemple, messagers et propagateurs de l'esprit dont leur coeur déborde.

Comme un arbre dans le jardin du père de famille, l'Année Sainte a splendidement fleuri, et si ses fleurs voient en son déclin leurs pétales joncher le sol, c'est pour laisser maintenant croître et mûrir ses fruits. Car il faut qu'ils croissent et mûrissent. Le monde en a faim et soif, tandis que ses conditions de vie, matérielles et spirituelles, sont bien loin de lui donner les légitimes satisfactions qu'il attend. Les besoins et les soucis quotidiens occupent et épuisent toutes les énergies de tant de coeurs, qui ne trouvent plus le temps, ni la facilité, ni le goût d'accorder aux choses de l'âme ce minimum qui constitue un devoir essentiel pour tout chrétien.

Même là où, par un labeur assidu, le clergé séculier et régulier, secondé par la fervente collaboration des laïcs, fait prospérer la vie religieuse, le nombre des chrétiens spirituellement sous-alimentés, alanguis ou vacillants dans leur foi, est encore tel que la sollicitude maternelle de l'Eglise ne peut s'en désintéresser.

Arracher ces fils de l'Eglise à leur état de léthargie commode, mais dangereux, est le devoir urgent qui s'impose actuellement à l'apostolat catholique.

9 Cf.  Is., 12, 3.

II est plus nécessaire que jamais d'inviter tous les chrétiens à exercer l'apostolat autour d'eux ; malheureusement, dans un grand nombre de pays, des entraves de toutes sortes empêchent l'Eglise d'avoir l'influence qu'elle devrait normalement avoir :

Tout observateur attentif, qui sait considérer et apprécier les circonstances présentes dans leur réalité concrète, demeure nécessairement frappé à la vue des graves obstacles qui s'opposent à l'apostolat de l'Eglise. Comme la coulée de lave incandescente qui, mètre par mètre, descend le long de la pente du volcan, ainsi la vague dévastatrice de l'esprit du siècle avance menaçante et se propage dans tous les domaines de la vie, dans toutes les classes de la société 10.

Sa marche et son rythme, non moins que ses effets, varient selon les divers pays, depuis la méconnaissance plus ou moins consciente de l'influence sociale de l'Eglise, jusqu'à la défiance systématique qui, dans certaines formes de gouvernement, prend le caractère d'hostilité ouverte et de vraie persécution.

Il est du devoir de tous les chrétiens de montrer que le croyant sincère est en même temps fidèle serviteur du bien commun :

Nous avons pleine confiance que Nos chers fils et filles auront la clairvoyance et le courage nécessaires pour affronter et remplir résolument les obligations qui découlent d'un tel état de choses. Sans amertume, mais aussi sans faiblesse, ils s'emploieront à dissiper par les faits, les préjugés et les soupçons de nombreux égarés, accessibles encore à une exposition sereine et objective ; ils leur feront comprendre que loin d'y avoir la plus petite incompatibilité entre la fidélité à l'Eglise et le dévouement aux intérêts et au bien-être du peuple et de l'Etat, les deux ordres de devoirs, que le vrai chrétien doit avoir toujours présents à l'esprit, sont intimement unis dans la plus parfaite harmonie.

Il faut déplorer les divisions et les conflits qui séparent les catholiques des autres confessions chrétiennes :

De propos délibéré, Nous passons sous silence en cette occasion certains dissentiments qui, en des temps récents, se sont

10 Durant le mois de décembre 1950 le volcan Etna cracha précisément des torrents-de lave, menaçant d'engloutir plusieurs villages de Sicile.

manifestés entre catholiques et membres d'autres sociétés religieuses, et qui, en partie, se sont peu à peu opportunément infiltrés dans le domaine des discussions politiques. Nous voulons espérer qu'en dehors de telles polémiques, non moins déplaisantes que nocives, se trouveront dans tous les milieux non catholiques des hommes et des femmes de bonne volonté qui, justement inquiets des dangers dont est à présent menacé l'héritage sacré de la foi chrétienne, nourriront dans leur coeur d'autres pensées que celles de désunion et de discorde entre frères n.

Une fois de plus, le Pape déplore la condition faite aux catholiques dans les pays soumis au joug soviétique :

Si quelqu'un a tenté de perdre de vue cette nécessité et ce devoir, il n'aurait qu'à regarder — autant du moins que c'est possible — ce qui arrive chez certains peuples, enfermés comme dans une muraille de fer ; il n'aurait qu'à observer à quelles conditions ils sont réduits dans leur vie spirituelle et religieuse.

Il verrait alors des millions de frères et de soeurs catholiques, liés par de saintes et antiques traditions de fidélité au Christ et d'union avec ce Siège apostolique ; il verrait des populations, dont les fastes héroïques pour la conservation et la défense de la foi sont écrits en caractères indélébiles dans les annales de l'Eglise ; il les verrait, disons-Nous, souvent privés de leurs droits civils et même de leur liberté et de leur sûreté personnelles, et coupés de toute communication vivante, sûre et inviolable, avec le Centre de la chrétienté, même pour les choses les plus intimes de leur conscience, tandis que sur eux pèse l'angoisse de se sentir seuls et quelquefois de se croire comme abandonnés !

Sous la coupole de Michel-Ange où résonnaient les voix des pèlerins de tous les pays libres, chantant dans les langues les

11 Au cours de l'année 1950 des discussions s'élevèrent dans les milieux des églises séparées, critiquant l'Eglise catholique, dans tous les pays soumis au régime communiste, des évêques orthodoxes, en particulier le patriarche Alexis de Moscou, attaquant la Papauté, l'accusant d'être une puissance d'argent, réactionnaire, ennemie du bien du peuple (cf. Documents Pontificaux 1948, p. 447), toutes les églises protestantes ont violemment attaqué le Pape définisssant — d'après eux indûment — le Dogme de l'Assomption de la Sainte Vierge Marie (cf. Irenikon, 23, 1950, p. 422). Aux Etats-Unis une campagne protestante empêcha le Président Truman de nommer un successeur à M. Myron Taylor comme représentant personnel du Président auprès du Saint-Siège, de telle sorte que les Etats-Unis n'ont plus ¦de représentant au Vatican.

plus diverses avec les mêmes paroles de foi, avec les mêmes cantiques de joie, leur place était vide. Quel vide, et combien douloureux au coeur du Père commun, au coeur de tous les fidèles unis dans une même croyance, dans un même amour ! Mais eux, les grands absents, n'en étaient que plus présents lorsque, dans ces foules innombrables, conscientes de leur foi catholique, semblaient battre un seul coeur, vivre une seule âme, qui en faisaient la mystérieuse, mais efficace unité.

A tous ces confesseurs qui, injustement chargés de chaînes visibles ou invisibles, souffrent injure pour le nom de Jésus en cette fin de l'Année Sainte, Nous envoyons Notre salut ému, reconnaissant et paternel. Puisse-t-il arriver jusqu'à eux, franchir les murs de leurs prisons, les fils barbelés des camps de concentration et de travaux forcés, là-bas, dans ces lointaines régions, impénétrables aux regards de l'humanité libre, sur lesquelles est étendu un voile de silence, qui n'arrivera cependant pas à empêcher le jugement final de Dieu ni le verdict impartial de l'histoire 13.

Au nom très doux de Jésus, Nous les exhortons à supporter généreusement leurs souffrances et leurs humiliations, par lesquelles ils apportent une contribution d'inestimable valeur à la grande croisade de prière et de pénitence qui va commencer avec l'extension de l'Année Sainte à tout l'univers catholique.

12 Actes, 5, 41.

Et que leurs prières et les nôtres embrassent, dans une même effusion de charité, selon l'exemple du Christ, des apôtres et des vrais disciples du Rédempteur, ceux mêmes qui se trouvent encore aujourd'hui dans les rangs des persécuteurs.

De quoi demain sera-t-il fait ?

On constate aujourd'hui un malaise social profond, à la suite des conflits d'intérêts économiques :

Si Nous tournons maintenant Notre regard vers l'avenir, le premier problème urgent qui se présente est la paix intérieure de chaque peuple. Malheureusement, la lutte pour la vie, le souci du travail et du pain divisent en camps adverses des hommes qui habitent cependant la même terre et sont fils d'une même patrie.

Les prolétaires en particulier veulent être considérés comme des personnes jouissant des droits politiques et économiques normaux à tout être humain :

De part et d'autre, ils maintiennent l'exigence, en soi légitime, d'être considérés et traités non comme des objets, mais comme des sujets de la vie sociale, spécialement dans l'Etat et dans l'économie nationale 14.

Il faut créer un état social, où tous doivent pouvoir disposer pour leur honnête existence, des fruits de leur travail :

C'est pourquoi, bien souvent, et avec toujours plus d'insistance, Nous avons signalé la lutte contre le chômage et l'effort vers une sécurité sociale bien comprise comme une condition indispensable pour unir tous les membres d'un peuple, supérieurs et inférieurs, en un seul corps 15.

La paix sociale ne sera pas obtenue, à la suite de ces conflits, ni par l'usage de la force :

Or, oserait-il se flatter de servir la cause de la paix intérieure, celui qui aujourd'hui verrait égoïstement dans les groupes qui s'opposent à ses propres intérêts la source de toutes les difficultés et l'obstacle à la guérison et au progrès ?

Oseraient-elles se flatter de servir la cause de la paix intérieure, ces organisations qui, pour la défense des intérêts de leurs membres, ne recourraient plus aux règles du droit et du bien commun, mais s'appuieraient sur la force du nombre organisé et sur la faiblesse des autres, qui ne sont pas au même point organisés ou qui tendent toujours à subordonner l'usage de la force aux règles du droit et du bien commun ?

La paix sociale sera obtenue, quand au-delà des intérêts particuliers, on voudra promouvoir le bien commun :

Les peuples ne peuvent donc attendre la paix intérieure que d'hommes, gouvernants et gouvernés, chefs ou subordonnés qui, dans la défense de leurs intérêts particuliers et de leurs propres opinions, ne s'obstinent pas et ne se rapetissent pas dans leurs vues, mais savent élargir leurs horizons et élever leurs ambitions jusqu'au bien de tous. Si, en de nombreux pays, on se plaint d'un manque déplorable de participation des jeunes générations à la vie publique, la cause n'en est peut-être chez elles que le fait de n'avoir eu que trop peu ou trop rarement sous les yeux l'exemple éclatant et entraînant d'hommes semblables à ceux que Nous venons de décrire.

Le malaise social a d'ailleurs une source plus profonde ; celle-ci est d'ordre spirituel :

Sous l'apparence d'incontestables difficultés politiques et économiques se cache donc une misère spirituelle et morale plus grave : le grand nombre d'esprits étroits et de coeurs mesquins, d'égoïstes et d'« arrivistes », de ceux qui suivent le plus en vogue, qui se laissent impressionner — soit illusion, soit pusillanimité — par le spectacle des grandes masses, par les clameurs des opinions, par l'ivresse de l'excitation. D'eux-mêmes, ils n'oseraient faire un pas, comme ce serait le devoir de chrétiens éveillés, pour avancer, guidés par l'esprit de Dieu, fermement, à la lumière des principes éternels, avec une imperturbable confiance dans sa divine Providence. Voici la vraie, l'intime misère des peuples.

L'évolution sociale actuelle se déroulant dans ce climat de faiblesse morale, mène le monde aux catastrophes :

Comme les termites dans les maisons, cette misère les dévore intérieurement, et avant d'apparaître au dehors, elle rend les peuples inférieurs à leur mission. C'est ainsi qu'avec une vitesse accélérée par la guerre, mais par l'effet d'une longue

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évolution, les fondements du. régime industriel capitaliste ont subi des changements essentiels. Des populations, assujetties depuis des siècles, s'ouvrent le chemin vers l'indépendance ; d'autres, jusqu'ici privilégiées, s'efforcent, par des moyens anciens et nouveaux, de conserver leur condition. L'aspiration toujours plus profonde et plus générale vers la sécurité sociale n'est que l'écho de l'état d'une humanité dans laquelle, en chaque peuple, bien des choses qui étaient ou semblaient traditionnellement solides, sont devenues chancelantes et incertaines.

Ef cependant, il suffirait que tous les individus retrouvent le sens de la solidarité foncière, pour apporter au monde le remède efficace à leurs maux :

Pourquoi donc cette communauté d'incertitudes et de dangers, créée par les circonstances, n'engendre-t-elle pas en chacun des peuples la solidarité entre les hommes ? Les soucis de l'employeur ne sont-ils pas sous cet aspect les mêmes que ceux des ouvriers ? Est-ce que dans chaque peuple, la production industrielle n'est pas plus que jamais liée à la production agricole par suite de l'influence réciproque de leur finalité ? Et vous, vous qui demeurez insensibles aux angoisses du réfugié, errant et sans toit, ne devriez-vous pas vous sentir solidaires de lui, dont le sort misérable d'aujourd'hui pourrait être le vôtre demain ?

Pourquoi la solidarité de tant d'hommes qui se trouvent en danger et privés de tranquillité ne devrait-elle pas devenir pour tous la voie sûre d'où peut venir le salut ? Pourquoi cet esprit de solidarité ne devrait-il pas être comme le soutien de l'ordre social naturel dans ses trois formes essentielles : famille, propriété, Etat, pour les ramener à une collaboration organique, adaptée aux conditions présentes ? Aux conditions présentes qui, malgré toutes les difficultés, sont cependant un don de Dieu pour raffermir notre esprit chrétien ?

Nos contemporains qui ne sont pas mus par l'espérance chrétienne sombrent dans le désespoir et la révolte ; ils sont ainsi un danger pour la paix sociale et internationale :

Les hommes privés de ce sens chrétien, les uns déçus par le passé, d'autres fanatiquement tendus vers une idole de l'avenir, les uns et les autres mécontents du présent, voilà un grave péril pour la paix intérieure des peuples, et en même temps pour leur paix extérieure.

Un pays ambitieux sera tenté de déclarer la guerre à une nation qu'il voit minée par les dissensions :

Nous n'entendons pas ici faire allusion à l'agresseur qui vient du dehors, orgueilleux de sa force, dédaigneux de tout droit et de toute charité. Celui-ci trouve, cependant, dans les crises des peuples, dans leur manque de cohésion spirituelle et morale, une arme très puissante et comme ses troupes auxiliaires à l'intérieur même du pays.

Il faut, au contraire, que les Etats viennent au secours des nations qui se débattent dans les difficultés sociales :

Il faut donc que les peuples ne se laissent pas entraîner par des motifs de prestige ou des idées vieillies à créer des difficultés politiques et économiques au renforcement intérieur des autres peuples, méconnaissant ou négligeant le danger commun à tous.

Ce n'est pas principalement sur la communauté d'intérêts matériels que les Etats doivent trouver le motif de leurs alliances, mais bien dans leur communauté de croyance et d'idéal :

Il faut qu'ils comprennent que leurs alliés naturels et les plus fidèles sont là où la pensée chrétienne, ou au moins la foi en Dieu, ont encore leur valeur même dans les affaires publiques, qu'ils n'adoptent pas pour unique base un intérêt national ou politique supposé, négligeant ou ne prenant pas en considération les profondes différences qui existent dans la conception fondamentale du monde et de la vie.

Ce qui Nous dicte ces avertissements, c'est la vue de l'équivoque et de l'irrésolution dans le front des amis sincères de la paix en face d'un péril aussi grave. Et parce que Nous avons à coeur le bien de toutes les nations, Nous estimons que l'étroite union de tous les peuples, maîtres de leur destin, unis par des sentiments de confiance réciproque et d'aide mutuelle, est le seul moyen de défendre la paix, ou la meilleure garantie pour son rétablissement.

Or, aujourd'hui l'humanité se divise de plus en plus en deux blocs menaçant d'entraîner l'entiéreté du globe terrestre dans un conflit gigantesque :

Malheureusement cependant, en ces dernières semaines, la ligne de rupture qui, dans le monde extérieur, divise en blocs opposés l'entière communauté internationale, s'est faite toujours plus profonde, mettant en danger la paix du monde. Jamais l'histoire humaine n'a connu plus gigantesque discorde, dont les dimensions se mesurent à l'étendue même de la terre. Un conflit serait aujourd'hui lamentable. Les armes provoqueraient une telle extermination que la terre en deviendrait comme « informe et vide » 16, solitude et chaos évoquant, non le désert des origines, mais celui de la fin. Toutes les nations y seraient entraînées et le conflit se répercuterait et se multiplierait parmi les citoyens d'un même pays, mettant en extrême péril toutes les institutions civiles et les valeurs spirituelles du moment, étant donné que le dissentiment met désormais en question tous les problèmes les plus ardus, débattus séparément en d'autres temps.

Il est urgent de tout tenter pour restaurer la coopération entre toutes les nations :

L'horrible danger qui menace exige impérieusement, en raison de sa gravité, que l'on utilise toute circonstance favorable pour donner lieu à la sagesse et à la justice de triompher sous le signe de la concorde et de la paix. Qu'on en profite pour revenir à des sentiments de bonté et de pitié envers tous les peuples qui aspirent sincèrement et uniquement à la paix et à une vie tranquille. Que règne de nouveau, dans les organismes internationaux, la confiance mutuelle, laquelle présuppose la sincérité des intentions et la loyauté dans les discussions. Qu'on ouvre les barrières, que l'on brise les réseaux de barbelés, que l'on donne à chaque peuple un libre regard sur la vie de tous les autres, que l'on supprime la séparation qui existe, au grand dommage de la paix, entre certains pays et le reste du monde ".

17 Le Pape dénonce dans ce paragraphe les procédés politiques utilisés par le gouvernement soviétique :

— obstruction systématique au cours des débats de l'Organisation des Nations Unies,

L'Eglise voudrait que tous les peuples, sans exception, s'entendent et collaborent fraternellement :

Combien l'Eglise désirerait concourir à aplanir les voies, en vue du contact entre les peuples ! Pour elle, Orient et Occident ne représentent pas des principes opposés, mais participent à un commun héritage, auquel ils ont l'un et l'autre puissamment contribué, et sont encore appelés à contribuer à l'avenir. En vertu de sa mission divine, elle est pour tous les peuples une mère, elle est pour tous ceux qui cherchent la paix un secours fidèle et un guide sage.

Ef cependant la propagande communiste présente l'Eglise comme mue par des desseins belliqueux :

Et pourtant — suprême injure ! — de certaines régions bien connues, on Nous accuse de vouloir la guerre et de collaborer dans ce but avec les puissances « impérialistes », qui — affirme-t-on — espèrent plus de la force d'instruments de guerre homicide que de la mise en pratique du droit.

Que pouvons-Nous répondre à un outrage aussi violent, sinon : « Scrutez les douze années agitées de Notre pontificat, recherchez toutes les paroles sorties de Nos lèvres, toutes les phrases sorties de Notre plume : vous n'y trouverez que des exhortations à la paix. »

Rappelez-vous spécialement le fatal mois d'août 1939 ; au moment où les craintes d'un sanglant conflit mondial se faisaient plus poignantes, des bords du lac d'Albano, Nous avons élevé la voix, conjurant, au nom de Dieu, gouvernants et peuples, de résoudre leurs dissentiments par une entende commune et loyale. Rien n'est perdu avec la paix — Nous exclamions-Nous, — tout peut être perdu avec la guerre 18 !

Essayez de considérer tout cela avec un esprit serein et honnête et vous devrez reconnaître que, s'il y a encore en ce monde, déchiré par des intérêts opposés, un port sûr où la colombe de la paix puisse se poser tranquillement, c'est ici, en ce territoire consacré par le sang de l'Apôtre et des martyrs, où le Vicaire

— propagande utilisant le mensonge,

— fermeture hermétique des frontières (rideau de fer) interdisant l'accès aux étrangers des pays communistes.

du Christ ne connaît pas de devoir plus saint ni de mission plus chère que d'être infatigablement le défenseur de la paix.

C'est ainsi que Nous avons fait dans le passé. C'est ainsi que Nous ferons à l'avenir, tant qu'il plaira au divin Fondateur de l'Eglise de laisser sur Nos faibles épaules la dignité et la charge de Pasteur suprême.

Pour préserver la paix, il est indispensable de faire appel à la prière, afin que Dieu accorde au monde cette paix, que les hommes ne peuvent bâtir :

La route qui conduit à la vraie paix est longue, rude, encombrée de ronces et d'épines, mais la grande majorité des hommes supporterait volontiers tous les sacrifices, à condition d'être préservée de la catastrophe d'une nouvelle guerre. Toutefois, si grande est l'entreprise, et si faibles les moyens purement humains, que nos regards se tournent en haut et que nos mains s'élèvent suppliantes vers la majesté de Celui qui, de la splendeur de sa divinité, s'est abaissé jusqu'à nous et est devenu comme « un de nous ».

La puissance du Seigneur, qui incline les coeurs des chefs dans la direction qu'il veut, comme des fleuves dont il règle le cours 19, peut apaiser la tempête qui secoue la barque où se trouvent terrifiés non seulement les compagnons de Pierre, mais l'humanité entière. Mais pour les fils de l'Eglise, c'est un devoir sacré de supplier, par leurs prières et par leurs sacrifices, le Seigneur du monde, Jésus-Christ béni dans les siècles 20, de commander aux vents et à la mer, et d'accorder au genre humain le grand calme 21 de la vraie paix.

C'est dans ces sentiments que Nous accordons de tout coeur à vous, chers fils et filles, et à tous ceux qui, dans le vaste monde, écoutent Notre voix, la Bénédiction apostolique.


Pie XII 1950 - IV