Pie XII 1952 - LETTRE APOSTOLIQUE AUX CATHOLIQUES DE CHINE


LETTRE A SON EM. LE CARDINAL VAN ROEY ARCHEVÊQUE DE MALINES POUR REMERCIER LES CATHOLIQUES BELGES

DE LEUR GÉNÉROSITÉ EN FAVEUR DES SINISTRÉS D'ITALIE
(26 janvier 1.952) 1




Des inondations provoquaient en novembre 1951 des catastrophes dans les vallées du Pô et de ses affluents. Aussi des secours furent-ils organisés à travers l'Italie et dans le monde pour aider les sinistrés 2.

Les évêques belges lancèrent un appel aux fidèles. Cet appel fut largement entendu et la collecte organisée dans toutes les églises du pays, le dimanche 25 novembre 1951, a récolté environ treize millions de francs belges, ce qui permit de faire parvenir au Vatican une somme dépassant cent cinquante millions de lires.

De même, le 8 décembre, une collecte nationale de vivres et de vêtements permit d'expédier en Italie 1040 tonnes de dons en nature dont la valeur était de cinq millions de francs belges. Il fallut quatre-vingts wagons pour transporter ces dons aux sinistrés.

Aussi, les 15 décembre et 3 janvier, Mgr J.-B. Montini, Substitut à la Secrétairerie d'Etat, écrivait-il déjà les remerciements du Saint-Père pour ces dons généreux des catholiques belges. Le 4 janvier, Pie XII, Lui-même, écrivait au Cardinal de Malines une lettre où II exprimait sa reconnaissance et le 26 janvier une lettre autographe adressée à Son

Em. le Cardinal van Roey venait encore témoigner la gratitude du Souverain Pontife 3.

« La générosité de Nos fils de Belgique, à l'occasion des récentes et désastreuses inondations du Pô, s'est manifestée avec une telle ampleur et Nous a si profondément touché que Nous tenons à leur exprimer personnellement, par votre entremise, Notre paternelle gratitude. Dans un monde où s'affirme si souvent, hélas ! le triomphe de la haine et de la violence, quel spectacle plus consolant pouvait Nous être donné que celui de ces chrétiens venant spontanément, sans souci des distances ou des différences de nationalité, au secours de leurs frères frappés par le malheur ?

Par ce geste, les catholiques de Belgique Nous donnent un nouveau témoignage de la vivacité de leur foi et de leur charité. Qu'ils soient assurés de Notre reconnaissance et de celle de tous les infortunés dont Nous Nous sommes fait l'interprète et qui bénéficieront directement de leurs dons. Et veuille le Dieu tout-puissant combler de ses grâces de choix ceux qui ont, avec un empressement si exemplaire, répondu à Notre appel. A tous Nous envoyons, en gage de paternelle et profonde gratitude, une particulière Bénédiction apostolique. »




LETTRE APOSTOLIQUE A SON ÉMINENCE LE CARDINAL VAN ROEY ARCHEVÊQUE DE MALINES ÉRIGEANT LA BASILIQUE DU SACRÉ-COEUR A BRUXELLES

(28 janvier 1952) 1




Comme un asile de salut et un monument de piété, l'auguste temple que la noble nation belge a élevé en l'honneur du Sacré-Coeur de Jésus, domine la ville de Bruxelles.

A l'occasion du 75e anniversaire de la proclamation de l'indépendance de la patrie, en l'an 1905, le roi Léopold II, en présence d'une assemblée choisie d'évêques et entouré d'une foule considérable, en posa la première pierre. On en commença la construction sur la colline de Koekelberg, d'après de fort beaux plans, mais la première guerre européenne vint arrêter les travaux. Tandis que la Belgique était courbée sous l'épreuve, le Cardinal Mercier, de pieuse mémoire, alors Archevêque de Malines, au nom de ses collègues de l'Episcopat, s'engagea par voeu à achever ce temple dès que la paix serait rétablie.

Lorsque la guerre fut enfin terminée et que le monde commença à s'apaiser, une grande et mémorable cérémonie se déroula, le 29 juin 1919, à l'endroit où devait s'élever le monument au Sacré-Coeur dont les desseins miséricordieux avaient rendu la liberté à la Belgique. Des hommes zélés et capables se remirent à la tâche suivant des plans modifiés en raison des circonstances, et, en 1935, une première partie fut achevée, à la grande joie du peuple fidèle.

Mais bientôt éclatait une nouvelle guerre, plus terrible encore que la précédente qui, de nouveau, interrompit les travaux. Après les profonds remous et les angoisses de cette conflagration mondiale, l'église fut enfin terminée et solennellement consacrée en grande pompe au mois d'octobre 1951.

Sur l'imposante masse de l'édifice, conçu en style moderne, se dressera un dôme qui permettra d'apercevoir de loin cette église majestueuse. Elle occupe d'ailleurs déjà une place à part, en raison des reliques des saints, des oeuvres d'art, des vitraux et de l'orfèvrerie dont elle est richement décorée. En outre, et ceci Nous intéresse surtout, elle est le siège principal du culte du Sacré-Coeur de Jésus en Belgique et attire de très nombreux fidèles, qui ont la coutume de s'y rendre en pèlerinage.

Pour honorer davantage ce sanctuaire, Notre Cher Fils Joseph-Ernest van Roey, Cardinal-Prêtre de la Sainte Eglise Romaine, Archevêque de Malines, se faisant l'interprète des voeux de l'Episcopat, des Autorités civiles et de tout le peuple fidèle de Belgique, Nous a demandé de lui conférer le titre et les droits de Basilique Mineure. Animé d'un ardent désir de raviver dans un monde trop indifférent le culte du Sacré-Coeur de Jésus, Nous avons décidé d'accueillir favorablement cette requête. Aussi, après avoir pris l'avis de Notre Vénérable Frère Clément Micara, Cardinal de la Sainte Eglise Romaine, Evêque de Velletri et Pro-Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, et tout bien considéré, en pleine connaissance de la cause et après mûre délibération, dans la plénitude de Notre pouvoir apostolique, élevons-Nous par la présente Lettre et de façon perpétuelle, l'église du Sacré-Coeur de Jésus, de Koekelberg, dans l'archidiocèse de Malines, à la dignité et au rang de Basilique Mineure, et lui octroyons-Nous tous les droits et privilèges que comporte ce titre. Et ce nonobstant toute disposition contraire. Ainsi avons-Nous édicté et décidé ; et Nous ordonnons que la présente Lettre reste et demeure toujours ferme, valide et efficace ; qu'elle sorte et atteigne ses effets pleins et entiers ; qu'elle favorise pleinement maintenant et à l'avenir tous ceux qu'elle concerne ou pourra concerner ; qu'on juge et qu'on définisse en conséquence ; et que soit nul et sans valeur d'ores et déjà tout acte par lequel, sciemment ou par ignorance, n'importe qui, en vertu de quelque autorité que ce soit oserait y déroger.




ALLOCUTION A L'UNION CHRÉTIENNE DES PATRONS D'ITALIE

(31 janvier 1952) 1



Lors du cinquième anniversaire de l'Union Chrétienne des Patrons d'Italie, quatre-vingts dirigeants se rencontrèrent à Rome et furent reçus en audience par Pie XII qui leur déclara :

De tout coeur Nous vous remercions, chers fils, et Nous vous félicitons. Avec non moins de modestie et de zèle, vous vous consacrez à votre oeuvre que Nous estimons d'une grande importance. Elle a été inspirée par un haut idéal bien digne de vous. Elle est jeune encore ; néanmoins, au cours de ces cinq années d'existence, elle a déjà produit d'excellents fruits et elle en promet même de meilleurs et plus abondants ; et ses promesses sont garanties plutôt que par de puissants appuis humains, par la fin même qu'elle se propose, par l'aide divine qu'elle invoque. Le zèle vous a fait entreprendre votre travail sans attendre d'être nombreux et pourvus de tous les moyens désirables ; la modestie vous a permis d'avancer prudemment d'un pas sûr, sans desseins grandioses ni minutieusement conçus, mais avec la clarté et la précision de la pensée qui vous anime.


Le Pape précise quelle doit être la conception chrétienne de l'entreprise :

Quelle est donc cette pensée, quel est cet idéal qui de jour en jour se déterminent et s'éclairent plus largement ? C'est, Nous semble-t-il, la conception claire, élevée et chrétienne que vous avez de l'entreprise. Pour vous, elle est plus qu'un simple moyen de gagner sa vie et de maintenir la légitime dignité de son propre rang, l'indépendance de sa propre personne et de sa famille. Elle est plus que la collaboration technique et pratique de l'intelligence, du capital, du travail multiforme, favorables à la production et au progrès. Elle est plus qu'un facteur important de la vie économique, plus qu'une simple contribution, — bien louable déjà, — à l'exercice de la justice sociale ; et si elle n'était que cela, elle serait encore incapable d'établir et promouvoir l'ordre complet, parce que l'ordre n'est tel que s'il règne dans toute la vie et dans toutes les activités, matérielle, économique, sociale et surtout chrétienne, en dehors de laquelle l'homme demeure toujours incomplet.

Sans doute n'avez-vous pas eu la prétention — ce serait une chimère, si généreuse qu'elle fût — de réaliser d'un seul trait cet ordre ; ni même d'en tracer, d'un jet, le programme définitif. Mais votre but est nettement déterminé, et vous n'avez à ce sujet aucune hésitation. Il vous tient à coeur ; il s'est, pour ainsi dire, imposé à votre esprit, et vous avez résolu de faire de votre mieux pour l'atteindre, tout en ayant conscience de ne pouvoir le réaliser que par étapes, à la lumière de l'expérience.



Les Patrons catholiques doivent s'unir pour réaliser cet idéal:

Des résultats, vous en avez certainement déjà obtenus, ne serait-ce que celui de votre rencontre, de votre entente, de votre action commune, de votre progrès dans l'intelligence, dans l'estime, dans l'accomplissement de vos fonctions. Votre nombre est encore peu élevé, mais il compte, chacun de vous opérant dans son propre domaine, sans pour cela s'enfermer dans un isolement individualiste. Et même, poussés par le plus ardent esprit de solidarité et de conquête, vous aspirez à grossir vos rangs, en gagnant peu à peu d'autres dirigeants animés du même désir, toujours dans la sphère de leur propre entreprise, mais chacun coopérant par ailleurs avec tous les autres, en visant, moins à croître en nombre, qu'à promouvoir parmi vous la pureté et la grandeur de votre intention, la conviction efficace de votre fonction et de votre idéal.



L'Entreprise doit devenir plus humaine :

Cette fonction, cet idéal, avons-Nous dit, c'est le plein exercice, sublime et chrétien, de votre entreprise, inspiré de sentiments humains dans la plus large acception du mot. Ce sens humain, il faut qu'il pénètre, comme la goutte d'huile dans l'engrenage, tous les membres, tous les organes de l'entreprise, les dirigeants, les collaborateurs, les employés, les travailleurs de tout grade, de l'artisan et de l'ouvrier le plus qualifié jusqu'au plus modeste manoeuvre.

Si se multiplient, en s'unissant à vous, les entreprises effectivement pénétrées du véritable sens humain, si elles deviennent comme autant de grandes familles ; et, si, non contentes de leur vie privée, comme en vase clos, elles s'unissent entre elles, toutes ensemble elles tendront à former une société forte et heureuse.

Certainement ce serait une utopie si elles prétendaient le réaliser d'un seul trait. Et c'est pour cela que Nous avons loué le zèle confiant qui ose, sans plus attendre, ouvrir le chemin, et la prudence qui règle la marche en avant. Continuez donc ainsi ; sans aucun doute travaillerez-vous efficacement à assurer toujours mieux la consolidation et l'extension d'une société chrétienne vigoureuse et saine.

Le Saint-Père déplore que la société soit aujourd'hui ordonnée d'après les exigences de la technique et de l'économie et non d'après les exigences humaines et chrétiennes.

La grande misère de l'ordre social est qu'il n'est ni profondément chrétien ni réellement humain, mais uniquement technique et économique, et ne repose nullement sur ce qui devrait être sa base et le fondement solide de son unité, c'est-à-dire le caractère commun d'hommes par la nature, et de fils de Dieu par la grâce de l'adoption divine.

Pour rendre la société plus humaine, il faut créer des groupements qui organisent sainement les hommes :

Quant à vous qui êtes résolus à introduire ce facteur humain partout dans l'entreprise, parmi les divers échelons et services qui la composent dans la vie sociale et publique, au moyen de la législation et de l'éducation du peuple, vous vous appliquez à transformer la masse qui resterait amorphe, inerte, inconsciente, à la merci d'agitateurs intéressés, en une société dont les membres, distincts entre eux, constituent, chacun selon sa fonction, l'unité d'un seul corps.

Cette comparaison que vous connaissez bien vous est familière 2. Qu'elle soit toujours votre programme et comme la Charte de votre Union. En y restant fidèles, vous serez sûrs de construire sur la solide pierre qui est le Christ, sur la pierre que le Christ a donnée comme fondement à son Eglise.

Quant aux réformes de structure des entreprises, il ne faut pas les baser uniquement sur des lois :

On parle beaucoup, aujourd'hui, d'une réforme dans la structure de l'entreprise et ceux qui la soutiennent pensent avant tout à des modifications juridiques concernant ceux qui en font partie, qu'ils soient patrons ou employés incorporés dans l'entreprise en vertu du contrat de travail.

D'autant plus que ces lois ne respectent pas les normes dictées par le droit naturel :

Elles ne pouvaient pourtant échapper à Notre considération les tendances qui s'infiltrent dans de tels mouvements, qui n'appliquent point — comme cela se voit — les normes incontestables du droit naturel aux conditions changées de l'époque, mais les excluent tout simplement.

Les documents pontificaux antérieurs, faisant des mises au point sur ces réformes, avaient pour but de tranquilliser la conscience des patrons :

Aussi dans Nos discours du 7 mai 1949, à l'Union internationale des Associations Patronales Catholiques et du 3 juin 1950 au Congrès international d'Etudes Sociales, Nous sommes-Nous élevé contre ces tendances, non pas, en vérité, pour favoriser les intérêts matériels d'un groupe plutôt que d'un autre, mais pour assurer la sincérité et la tranquillité de conscience à tous ceux que concernent ces problèmes.

Une fois de plus, le Pape rappelle que l'Eglise préconise un ordre professionnel :

2 Cf. I Cor., 12, 12.




Nous ne pouvons non plus ignorer les altérations, avec lesquelles sont dénaturées les paroles de haute sagesse de Notre glorieux Prédécesseur Pie XI, en donnant le poids et l'impor-



tance d'un programme social de l'Eglise, en notre époque, à une observation tout à fait accessoire au sujet des éventuelles modifications juridiques dans les rapports entre les travailleurs, sujet du contrat, et l'autre partie contractante ; et en revanche en passant plus ou moins sous silence la principale partie de l'Encyclique Cuadragésimo anno qui contient en réalité ce programme, c'est-à-dire l'idée de l'ordre corporatif professionnel de toute l'économie.

Toute réforme doit d'abord se baser sur la saine notion de l'entreprise et non pas viser l'instauration d'un régime collectiviste vague :

Ceux qui se disposent à traiter des problèmes relatifs à la réforme de la structure de l'entreprise sans tenir compte que chaque entreprise est par son but même étroitement liée à l'ensemble de l'économie nationale, courent le risque de poser des prémisses erronées et fausses, au détriment de tout l'ordre économique et social. Aussi, dans Notre discours du 3 juin 1950, Nous appliquions-Nous à mettre en leur juste lumière la pensée et la doctrine de Notre Prédécesseur, à qui rien n'était plus étranger qu'un encouragement quelconque à poursuivre le chemin qui conduit vers les formes d'une responsabilité collective anonyme.

Il faut, au contraire, améliorer et multiplier les « rapports personnels » entre les différents collaborateurs d'une même entreprise.

Vous avancez au contraire sur la seule voie sûre, celle qui tend à animer les rapports personnels de sentiments de fraternité chrétienne, voie qui est praticable partout et qui traverse largement le plan de l'entreprise. Cette intention vous rendra ingénieux et habiles pour faire en sorte que la dignité personnelle du travailleur, bien loin de se perdre dans l'organisation générale de l'entreprise, conduise celle-ci à une plus grande efficacité, non seulement matérielle, mais aussi et surtout susceptible de lui assurer la valeur d'une véritable communauté.

Et le Pape conclut :

Allez donc de l'avant et travaillez avec une persévérance confiante sous la protection divine, en gage de laquelle Nous vous donnons, de tout coeur, à vous, à tous ceux qui sont unis ou s'uniront à vous, à toutes les personnes et les choses qui vous sont chères, Notre paternelle Bénédiction apostolique.






MESSAGE A LA REINE-MÈRE ELISABETH D ANGLETERRE A L'OCCASION DU DÉCÈS DU ROI GEORGES VI

(6 février 1952) 1






Le mercredi 6 février 1952, le roi Georges VI d'Angleterre, âgé de 57 ans, mourait inopinément dans son château de Sandrigham. Le Saint-Père envoyait ce même jour un message de condoléance à la Reine Veuve :

Nous Nous hâtons d'exprimer à Votre Majesté, aux membres de la Famille royale et à la Nation tout entière, Notre profonde sympathie à l'occasion de la mort de Sa Majesté le Roi Georges VI.

1 D'après le texte anglais de l'OsserDfltore Romano, du 8 février 1952.

2 Sa Majesté la reine Elisabeth II répondit au télégramme du Saint-Père dans les termes suivants :

« Je suis profondément touchée par le bienveillant message de Votre Sainteté et je Vous prie d'être assuré que j'apprécie réellement Votre sympathie. »




Nous Nous souviendrons de lui dans Nos prières, tandis que Nous demanderons pour votre consolation dans l'épreuve, le don plénier du divin réconfort et de la force d'En-Haut2.




MESSAGE A LA REINE ELISABETH II DANGLETERRE A L'OCCASION DE SON ACCESSION AU TRÔNE

(g février 1952) 1




Le 8 février, la princesse Elisabeth, fille aînée du roi Georges VI, était proclamée reine du Royaume-Uni et chef du Commonwealth, sous le nom d'Elisabeth II2. A cette occasion le Pape envoya le télégramme suivant :

Nous avons le plaisir de communiquer à Votre Majesté, à l'occasion de Votre Succession, que Nous l'assurons de Nos prières et formulons Nos bons souhaits personnels, en vue des lourdes responsabilités de la souveraineté, et cela pour de longues années et pour la prospérité de vos peuples.


EXHORTATION AU PEUPLE DE ROME

(10 février 1952) 1




En la vigile de la fête de l'apparition de Notre-Dame à Lourdes, le Pape, par l'intermédiaire des ondes, envoya le message suivant au peuple de Rome pour l'inviter à prendre part à un courant de dévotion mariale 2.

C'est du fond de Notre coeur, chers fils et chères filles de Rome, que vous est adressée cette paternelle exhortation ; de Notre coeur inquiet de voir d'une part se prolonger sans éclaircies notables une situation pleine de dangers, et d'autre part, se répandre à l'excès une torpeur qui empêche un grand nombre d'entreprendre ce retour vers Jésus-Christ, vers l'Eglise, vers la vie chrétienne, souvent indiqué par Nous comme le remède propre à résoudre la crise générale qui agite le monde. Mais la réconfortante assurance que Nous avons de vous trouver compréhensifs et prêts à l'action, Nous a poussé à vous ouvrir Notre âme. C'est un cri d'alarme que vous entendrez aujourd'hui des lèvres de votre Père et Pasteur, de Nous qui ne saurions demeurer muet et inactif devant un monde inconsciemment en marche, sur des voies qui mènent à l'abîme les âmes et les corps, les bons et les méchants, les civilisations et les peuples. Le sentiment de Notre responsabilité devant Dieu Nous impose de tout tenter, de tout entreprendre pour que soit épargnée au genre humain une si immense catastrophe.



1 D'après le texte anglais de l'Osservatore Romano, des il et 12 février 1952.

2 Elisabeth, Alexandra, Mary est née à Londres le 20 avril 1926. Durant la guerre de 1939-1945, elle s'engagea à 17 ans dans l'armée auxiliaire féminine et conduisit des camions militaires.

Le 20 novembre 1947, elle épousa un officier de marine : Philippe de Grèce, neveu de Lord Mountbatten. Celui-ci a pris le nom de Duc d'Edimbourg. La reine, au moment de son accession, a deux enfants : le prince Charles, né le 14 novembre 1948, et la princesse Anne, née le 15 août 1950.

Si Nous avons choisi pour vous confier cette anxiété de Notre coeur la fête que l'on célèbre demain, la fête de la Vierge de Lourdes, c'est qu'elle commémore les prodigieuses apparitions qui, il y a quelque cent ans, furent, en un siècle de déchaînement rationaliste et d'affaiblissement religieux, la miséricordieuse réponse de Dieu et de sa céleste Mère à la rébellion des hommes, le rappel irrésistible au surnaturel, le premier pas vers une progressive rénovation religieuse. Quel coeur chrétien, si tiède et si oublieux soit-il, pourrait résister à la voix de Marie ? Non pas, certes, le coeur des Romains, de vous qui avez reçu en héritage — transmis au cours de longs siècles en même temps que la foi des Martyrs — l'amour filial envers Marie, invoquée dans ses saintes Images sous les titres aimants et d'une lapidaire éloquence : Salus populi Romani, Portus Romans Securitatis, et plus récemment « Mère du divin Amour » : tous titres qui sont les monuments d'une constante piété mariale, ou, pour parler plus juste, les suaves échos d'une longue histoire d'interventions authentiques de la Vierge dans les calamités publiques qui ébranlèrent ces vieux murs de Rome toujours gardée sauve par Sa puissance. Vous n'ignorez pas combien plus étendus et plus graves que les pestes et les cataclysmes terrestres sont les dangers qui ne cessent de peser sur la génération présente, encore que la persistance de leur menace ait commencé à rendre les peuples presque insensibles et apathiques. Ne serait-ce pas là le plus funeste symptôme de la crise interminable, mais non pas apaisée pour autant, qui fait trembler les esprits clairvoyants ? Recourant donc une fois encore à la bonté de Dieu et à la miséricorde de Marie, il faut que chaque fidèle, que chaque homme de bonne volonté examine à nouveau, avec une résolution digne des plus grands moments de l'histoire humaine, ce qu'il peut et doit personnellement faire, quelle contribution apporter à l'oeuvre salvifique de Dieu pour secourir un monde qui s'achemine, comme c'est le cas aujourd'hui, vers sa ruine.



A l'origine : la tiédeur religieuse d'un trop grand nombre.

Devant la persistance d'une situation qui, Nous n'hésitons pas à le dire, peut à chaque instant provoquer une explosion et dont il faut rechercher l'origine dans la tiédeur religieuse d'un si grand nombre, dans l'abaissement du niveau moral de la vie publique et privée, dans l'entreprise systématique d'intoxication des âmes simples auxquelles on verse le poison après avoir, pour ainsi dire, anesthésié en elles le sens de la véritable liberté, les bons ne peuvent s'immobiliser dans les sentiers accoutumés, spectateurs passifs d'un avenir terrifiant.

L'Année Sainte qui, parmi vous tout d'abord, puis sur la terre entière, a produit une si prodigieuse efflorescence de vie chrétienne, ne saurait être considérée comme un météore brillant mais éphémère, ni même comme une tâche momentanée désormais accomplie, mais bien comme un premier pas, plein de promesses, vers cette restauration intégrale de l'esprit évangé-lique qui, outre qu'elle arrachera des millions d'âmes à la ruine éternelle, est seule à pouvoir assurer la cohabitation pacifique et la féconde collaboration des peuples.



Un monde à refaire depuis ses fondations.

Il est temps, chers fils ! Il est temps d'accomplir les autres pas décisifs ! Il est temps de secouer la funeste léthargie ! Il est temps que tous les bons, tous les hommes soucieux des destinées du monde, se reconnaissent et serrent leurs rangs ! Il est temps de répéter avec l'Apôtre : Hora est jam nos de somno surgere 3. C'est l'heure de nous éveiller du sommeil, car voici que s'approche notre salut !

C'est tout un monde qu'il faut refaire depuis les fondations ; de sauvage, il faut le rendre humain, d'humain le rendre divin, c'est-à-dire selon le coeur de Dieu. Des millions d'hommes réclament une orientation nouvelle, tournent leurs regards vers une telle entreprise dans le respect de la liberté humaine ; ils implorent sa direction non seulement par des paroles non équivoques, mais plus encore par les larmes qu'ils ont déjà versées, par les blessures dont ils souffrent toujours, montrant du doigt les gigantesques cimetières dont la haine organisée et armée a recouvert les continents.



Levain parmi vos frères.

s Rom., 13, 2.




Comment pourrions-Nous, Nous que malgré Notre indignité, Dieu a constitué flambeau dans les ténèbres, sel de la terre, Pasteur du troupeau chrétien, comment pourrions-Nous refuser cette mission salvatrice ? De même qu'en un jour déjà lointain Nous acceptâmes, parce qu'il plaisait à Dieu, la lourde croix du Pontificat, de même aujourd'hui assumons-Nous la tâche ardue d'être, autant que Nous le permettent Nos faibles forces, le héraut d'un monde meilleur voulu de Dieu ; et c'est à vous qu'en premier lieu Nous désirons en remettre l'étendard, à vous, chers fils de Rome, qui, étant plus proches de Nous et plus particulièrement confiés à Nos soins, êtes par là constitués vous-mêmes flambeau sur le candélabre, levain parmi vos frères, cité sur la montagne, à vous dont les autres attendent à bon droit un plus grand courage et une promptitude plus généreuse. Sachant y reconnaître un appel de Dieu et une digne raison de vivre, accueillez avec un noble élan de dévouement la sainte consigne que vous confie aujourd'hui votre Pasteur et Père : donner le signal d'un réveil vigoureux de pensée et d'action, d'un réveil qui engage tout le monde sans nulle défection — clergé et peuple, autorités, familles et groupements divers, chaque âme chrétienne en particulier — sur le front du renouveau général de la vie chrétienne, sur la ligne de défense des valeurs morales pour la réalisation de la justice sociale, pour la reconstruction de l'ordre chrétien, en sorte que le visage même de la Ville, centre de l'Eglise depuis les temps apostoliques, paraisse d'ici peu resplendissant de sainteté et de beauté.

L'Heure de l'action.

Que la ville sur laquelle chaque âge a imprimé les marques de glorieuses réalisations, devenues ensuite l'héritage des nations, reçoive de ce siècle, des hommes qui la peuplent aujourd'hui, l'auréole promotrice du salut commun en un temps où des forces opposées se disputent le monde. Voilà ce qu'espèrent d'elle les peuples chrétiens ; et ce qu'ils attendent surtout, c'est l'action !

Ce n'est pas le moment de discuter, de chercher de nouveaux principes, d'assigner de nouveaux buts et objectifs. Les uns et les autres sont déjà connus et assurés dans leur substance, parce qu'enseignés par le Christ lui-même, mis en lumière par l'élaboration séculaire de l'Eglise, adaptés aux circonstances immédiates par les derniers Souverains Pontifes ; ils n'attendent qu'une chose : leur réalisation concrète.

A qui servirait-il de scruter les voies de Dieu et de l'esprit si en pratique, on choisit les voies de la perdition et qu'on plie docilement le dos à l'aiguillon de la chair ? Quel profit de savoir et de dire que Dieu est le Père et que les hommes sont frères, si de sa part on craint toute intervention dans la vie privée et publique ? A quoi bon discuter de la justice, de la charité, de la paix, si déjà la volonté est décidée à fuir l'immolation, le coeur déterminé à s'enfermer dans une solitude glaciale, si personne n'ose prendre l'initiative de briser les barrières de la haine qui divise, pour courir au-devant d'une sincère entente ? Tout cela ne ferait que rendre plus coupables les fils de la lumière, auxquels il sera moins pardonné, s'ils ont moins aimé. Ce n'est pas avec cette inconséquence et cette inertie que l'Eglise changea à ses débuts la face du monde, qu'elle s'étendit rapidement et continua à travers les siècles son oeuvre bienfaisante qui lui valut l'admiration et la confiance des peuples.

Qu'il soit bien clair, chers fils, qu'à la racine des maux actuels et de leurs funestes conséquences, il n'y a pas, comme avant la venue du Christ ou dans les régions encore païennes, l'invincible ignorance des destinées éternelles de l'homme et des voies maîtresses pour les atteindre, mais bien la léthargie de l'esprit, l'anémie de la volonté, la froideur des coeurs. Les hommes atteints de cette contagion tentent, pour se justifier, de s'entourer des antiques ténèbres et cherchent un alibi dans de nouvelles et anciennes erreurs. C'est donc sur leurs volontés qu'il faut agir.

placer devant la situation concrète.

Que l'action, à laquelle Nous convions aujourd'hui pasteurs et fidèles, reflète celle de Dieu : qu'elle soit éclairante et unifiante, généreuse et aimante. A cette fin, vous plaçant devant la situation concrète de votre ville, qui est aussi la Nôtre, faites en sorte que les besoins soient bien identifiés, les buts bien clairs, les forces disponibles bien dénombrées, de façon que les ressources initiales actuelles ne soient pas négligées faute de les connaître, ni employées de manière désordonnée, ni gaspillées en activités secondaires. Qu'on invite les âmes de bonne volonté ; qu'elles s'offrent elles-mêmes spontanément. Que leur foi soit la fidélité inconditionnée à la personne de Jésus-Christ et à ses enseignements. Que leur oblation soit humble et obéissante ; que leur oeuvre s'insère comme un élément actif dans le vaste courant que Dieu animera et conduira par le moyen de ses ministres.



Plan de Travail.

Dans ce but, Nous invitons Notre Vénérable Frère le Cardinal Vicaire, à assumer, pour le diocèse de Rome, la baute direction de cette action de régénération et de salut. Nous sommes certain qu'ils ne manqueront ni en nombre, ni en qualité, les coeurs généreux qui accourront à Notre appel et réaliseront Notre souhait. Des âmes ardentes attendent anxieusement d'être convoquées ; qu'on assigne à leur frémissante impatience le vaste champ à défricher. D'autres sommeillent : il faudra les réveiller ; les tièdes, il faudra les encourager ; les désorientées, il faudra les guider. Toutes ces âmes requièrent un sage encadrement, un emploi judicieux, un rythme de travail correspondant à l'urgente nécessité de défense, de conquête, de construction positive. C'est ainsi que Rome retrouvera sa mission séculaire de maîtresse spirituelle des nations, non seulement comme elle le fut et l'est, par la Chaire de vérité que Dieu établit en son centre, mais aussi par l'exemple de son peuple redevenu fervent dans la foi, exemplaire dans les moeurs, unanime dans l'accomplissement de ses devoirs religieux et civils, et s'il plaît à Dieu, prospère et heureux. Nous souhaitons volontiers que le puissant réveil auquel Nous vous exhortons aujourd'hui, suscité et poursuivi avec ténacité selon le programme tracé — et que d'autres pourront illustrer plus en détails — soit promptement imité par les diocèses proches et lointains, afin que Nos yeux puissent voir revenir au Christ, non seulement les villes, mais les nations, les continents, l'humanité entière.



Ultime appel.

Mettez donc la main à la charrue : laissez-vous inspirer par Dieu — qui le veut —, attirer par la noblesse de l'entreprise, stimuler par son urgence ; que la crainte fondée du redoutable avenir qui résulterait d'une coupable inertie, triomphe de toute hésitation et confirme toute volonté.

Votre soutien sera dans les prières des humbles et des petits, auxquels vont vos soins les plus tendres, dans les douleurs acceptées et offertes pour ceux qui souffrent. Vos efforts seront fécondés par les exemples et l'intercession des Martyrs et des Saints qui rendirent sacré le sol de Rome. L'heureux succès pour lequel Nous prions ardemment, sera béni et multiplié par la Vierge très sainte : car si en tout temps elle fut prête à étendre sa main protectrice sur les Romains, ses enfants, Nous ne doutons pas que maintenant aussi, elle voudra faire sentir sa protection maternelle sur ces fils qui montrèrent tant d'affectueuse piété lors de sa récente glorification, et dont le puissant hosanna résonne encore dans le ciel de Rome.

Que vous soit enfin un réconfort et un soutien la Bénédiction apostolique que, dans l'effusion de Notre coeur, Nous vous accordons, à vous tous qui Nous écoutez, à vos familles, à vos oeuvres et à cette ville éternelle dont la foi, dès les temps de l'Apôtre, est annoncée dans le monde entier 4, et dont la grandeur chrétienne, phare de vérité, d'amour et de paix, se perpétue à travers les siècles 5.




Pie XII 1952 - LETTRE APOSTOLIQUE AUX CATHOLIQUES DE CHINE