Pie XII 1952 - EXHORTATION AU PEUPLE DE ROME


LETTRE POUR LE SEPTIÈME CENTENAIRE DE SAINTE ROSE DE VITERBE

(25 février 1952) 1






Cette lettre a été envoyée à Son Excellence Monseigneur Adelchi Albanesi, évêque de Viterbe et Poscanella.

Cette année auront lieu, comme vous Nous l'écriviez, au siège de votre diocèse, des cérémonies solennelles en l'honneur de sainte Rose de Viterbe 2, pour le septième centenaire de son passage de l'exil de la terre à la céleste patrie. Célébrer à cette occasion la mémoire d'une vierge si noble, n'est pas réservé à ses seuls concitoyens, ni aux membres du Tiers-Ordre Franciscain, dans les rangs duquel elle milita, ni aux seules jeunes filles italiennes d'Action Catholique, dont elle est l'illustre patronne : il convient que l'Eglise entière l'honore, voyant en elle un très éclatant modèle de vertu chrétienne.

Elle brille certes et répand dans le jardin de l'Eglise une agréable odeur, cette jeune et gracieuse fleur de sainteté, à laquelle s'applique exactement la parole divine : « Rapidement parvenue à son terme, elle a fourni une longue carrière » *. Tandis qu'est présente à Notre esprit sa vie si brève, enfermée dans les limites de la jeunesse, mais déjà parvenue à la maturité de la perfection évangélique, Nous nous demandons ce qui est le plus admirable, de l'innocence de son âme, conservée intacte depuis les plus tendres années, ou de ses nobles et brillantes actions et de ses très saints combats ; tout cela montre certes un caractère digne en tout d'admiration, énergique et infatigable, mais aussi abondamment nourri et fortifié par la grâce surnaturelle. Cette invincible force d'âme resplendit de tout son éclat, quand il lui fallut aborder les brillantes fonctions, auxquelles elle était appelée, à peine franchies les limites de l'adolescence, dans un âge si jeune et non sans un appel divin : réprimer les inimitiés de ses concitoyens, réformer les moeurs, mettre en fuite l'hérésie, revendiquer dans une lutte très âpre les droits foulés aux pieds de la Sainte Eglise. Elle quitta alors la maison paternelle, dans laquelle, conduite par son amour de la solitude, elle avait commencé dans la prière et la contemplation à vivre très austèrement, elle se lança si ardemment, sous l'impulsion divine, dans le champ ouvert de l'apostolat, qu'elle devint le plus énergique des soldats du Christ et le héraut infatigable de la parole divine. C'était un spectacle certes éclatant et entièrement digne de Dieu, « qui a choisi ce qui est faible dans le monde... pour confondre les forts4 », que de contempler cette disciple de saint François, sans culture, sans secours humain, uniquement appuyée sur la force divine, exhortant par les places et les villages ses concitoyens, réfutant les erreurs, s'opposant même ouvertement et énergiquement à ceux qui semblaient posséder un pouvoir presqu'absolu. C'est en vain que les efforts pervers d'ennemis opiniâtres s'efforcent d'arrêter sa voix : attaques, embûches, exil même peuvent faire souffrir la fillette : rien ne peut la vaincre. Et il arriva heureusement que d'innombrables égarés furent ramenés dans le sentier de la vérité, que les erreurs furent écartées et qu'un salutaire renouveau des moeurs se produisit dans sa patrie, rénovation que sainte Rose confirma très souvent et si efficacement par des prodiges merveilleux accomplis avec le secours de Dieu.

En peu de temps, cette petite fleur, d'une beauté immaculée, exhala son odeur sur terre, si tôt transplantée dans les doux ombrages du Paradis. Mais son délicieux parfum fut conservé au monde ; dans sa patrie subsistent, honorées très pieusement par ses concitoyens et par les étrangers ses saintes dépouilles ; subsistent surtout profondément imprimés dans les âmes les vestiges de ses vertus, au point que quelque chose de la très



Cor., 1, 27.


sainte jeune fille semble subsister jusqu'à nos jours et presque respirer encore dans les murs de Viterbe.

Quant à Nous, Vénérable Frère, qui n'avons rien plus à coeur que de voir les hauts faits des anciens aiguiser l'ardeur des fidèles chrétiens et les attirer fortement à une énergique profession de leur foi et à la sainteté de la vie, Nous louons beaucoup et de grand coeur l'opportun projet d'accorder à sainte Rose les honneurs séculaires, entièrement confiant que, de même que la parole et l'oeuvre de la très pure vierge furent merveilleusement utiles pour le salut aux aïeux et aux anciens, de même elles seront pour leurs tardifs descendants un rappel salutaire. Nous pensons aussi que ce n'est pas sans un particulier instinct providentiel que, récemment, Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire, Benoît XV, l'établit patronne céleste des jeunes filles italiennes de l'Action Catholique, offerte à elles comme un modèle dont la brillante lumière amènerait leur vie à son imitation. Notre époque possède certes bien des points de ressemblance avec celle de cette vierge, elle n'est pas si différente du milieu de sainte Rose. En effet, les périls pour les intérêts chrétiens ne sont pas moindres et le relâchement des moeurs n'a pas diminué, bien au contraire ; mais les émanations de doctrines meurtrières, la guerre même au catholicisme troublent bien des âmes et surtout détournent la jeunesse passionnée de l'intégrité des moeurs vers les plaisirs des vices corrupteurs. Que tous les catholiques tournent donc leurs yeux admiratif s vers cette illustre sainte, au cours des prochaines solennités séculaires et que chacun selon sa condition, s'efforce de reproduire en sa propre vie ses eminentes vertus. Que surtout, on apprenne d'elle, devant les détresses présentes, à promouvoir avec ardeur les oeuvres d'apostolat qui, aujourd'hui surtout, ne sont pas affaire du seul clergé, mais, en coopération avec lui, de tous les laïcs, car les prêtres n'ont pas accès chez tous et partout et leur travail est insuffisant pour subvenir convenablement aux besoins innombrables. Ebranlés par les exemples de sainte Rose qui, devant l'urgent besoin des âmes, se fit la servante active de la charité non dans la clôture d'un monastère, qu'elle désira longtemps en vain, mais en pleine masse du peuple, que tous les laïcs catholiques pensent soigneusement à leurs très saints devoirs de baptisés et que, munis de la force très vigoureuse de leur Confirmation, ils ne tolèrent pas qu'ait été vaine leur incorporation dans la milice chrétienne. Qu'ils sachent que les adversaires s'efforcent par tous moyens de détruire les fondements de la religion : que donc aucun chrétien ne se permette d'être oisif ; personne, inoccupé ; mais que chacun s'attache à donner aux ministres sacrés son aide empressée, chaque fois que le demande le salut des âmes.

Dès maintenant, Nous Nous réjouissons du doux espoir que l'illustre sainte obtiendra abondamment du Tout-Puissant ces résultats. Nous lui demandons instamment en une prière suppliante de continuer à protéger de son très doux patronage le peuple de Viterbe ; qu'elle regarde avec bienveillance toute la famille franciscaine qui se réjouit justement de son nom comme d'une gloire familiale ; qu'enfin elle aide les jeunes filles qui militent dans les rangs de l'Action Catholique et qui lui sont si attachées et qu'elle enflamme toutes les âmes de l'ardeur dont elle a si vivement brûlé dans la poursuite de la sainteté et la défense du catholicisme.

Entre temps, pour le succès de toutes vos entreprises et particulièrement pour l'heureuse réussite des fêtes prochaines, Nous vous donnons de grand coeur dans le Seigneur la Bénédiction apostolique, témoignage de Notre bienveillance, à Vous Vénérable Frère, au clergé et au peuple qui vous sont confiés.





RADIOMESSAGE AUX ÉLÈVES DES ÉCOLES CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS

(27 février 1952) 1




Comme de coutume au début du carême — le mercredi des cendres — le Saint-Père s'est adressé aux écoles américaines pour faire appel à leur générosité.

Les petits enfants, Nos chers petits enfants d'Amérique, écoutent Notre voix alors que Nous parlons de chez Nous à Saint-Pierre de Rome ; et cette pensée Nous rend très heureux — heureux comme l'était le doux Sauveur quand les enfants se pressaient autour de Lui pour saisir ses paroles et recevoir de Lui une bénédiction. Leur racontait-Il des histoires ? Vous le savez, Il aimait les histoires. Commençons donc par une histoire aujourd'hui.

1 D'après le texte anglais des A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 229.




Une fois, bien loin sur une terre au-delà de la mer, vivait un homme qui aimait beaucoup les enfants, si bien qu'un grand nombre le réclamaient comme leur père. Mais le désastre s'abattit sur cette terre et un certain nombre de ses enfants se trouvèrent privés de nourriture, dans le froid et malades et beaucoup sans une maison. Aussi vinrent-ils en pleurant à leur père. « Voyez notre détresse, Père. Que pouvons-nous faire ? Vos autres enfants, plus heureux que nous dans leur sort, voudraient sûrement nous aider si seulement ils le savaient. Pouvez-vous leur parler de nous, s'il vous plaît ; parce qu'ils sont bien loin et nos cris ne peuvent les atteindre. » Et le père leur dit : « Naturellement, je parlerai à mes autres enfants. » Et il leur envoya des messagers et ces autres enfants, lorsqu'ils entendirent tout cela, répondirent : « Nous ne sommes que trop heureux d'aider nos frères et nos soeurs dans le besoin. » Ils apportèrent de la nourriture et des vêtements et des couvertures, et certains apportèrent des remèdes et d'autres apportèrent de l'argent, leur argent de poche pour les sucreries et les friandises. Tous ces dons furent réunis et envoyés aux enfants pauvres et souffrants qui, de nouveau, se reprirent à sourire, à jouer et à chanter parce qu'ils virent qu'ils auraient maintenant de la nourriture et de quoi se vêtir et être soignés s'ils venaient à tomber malades. Et le père se rendit alors près d'une petite boîte magique et, parlant par celle-ci, il dit aux enfants ayant bon coeur qui se trouvaient au loin, combien leurs frères et soeurs leur étaient reconnaissants pour leurs dons, et tout le monde fut très content.

Mais maintenant, mes chers enfants, vous avez déjà deviné la signification de cette histoire. Vous êtes ces enfants qui ont bon coeur ; et bien loin au-delà des mers, vous avez des frères et des soeurs. Vous ne les avez jamais vus, mais ils sont réellement vos frères et soeurs, enfants du seul et véritable Dieu qui est dans les cieux ; et la même Mère bénie, Notre-Dame veille sur nous tous.

Et le « il était une fois » est effectivement maintenant ; parce qu'à présent même, des milliers de ces petits frères et soeurs ont encore froid et faim et errent sans maison et sans aide. Et c'est ainsi que, de nouveau cette année, Nous venons à la Radio tout d'abord pour vous dire un sincère « merci » au nom des enfants pauvres d'Europe et de tous les autres pays auxquels vous avez envoyé vos dons, l'an dernier, et les années précédentes ; et ensuite pour vous rappeler que votre assistance est encore nécessaire. Nous savons que vous désirez venir en aide ; tout ce que vous demandez est de savoir comment. Vos bons maîtres à l'école vous diront exactement ce qui est à apporter et ce qui est à laisser.

Mais écoutez encore un mot que Nous voulons vous dire. Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi Jésus montrait une telle prédilection pour les petits enfants ? Il en donna Lui-même la raison : « Parce que le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent. » Oui, leur innocence et leur simple bonté leur donnent un droit sûr au ciel. Mais, hélas ! Ils peuvent perdre cette innocence, et lorsque les enfants sont affamés, vêtus seulement de haillons et sans une maison, il n'est que trop facile de perdre cette innocence. Et combien terriblement triste est toujours cette perte ! Vous voyez donc comment tous les secours que vous envoyez, aideront à protéger ces enfants infortunés, vos frères et soeurs, contre le péché, les garderont chers au Coeur du Christ et leur permettront de devenir de braves défenseurs de Dieu et de son Eglise et de loyaux citoyens de leur pays. C'est ce que Nous espérons et prions Dieu que vous deveniez vous aussi.

Nous vous disons maintenant adieu. Souvenez-vous de prier Dieu pour le Saint-Père à Rome, qui vous donne à présent, avec toute l'affection de Son coeur, une Bénédiction spéciale pour vous et vos chers parents et vos dévoués maîtres d'école.





ALLOCUTION AUX MEMBRES DU QUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DES CULTIVATEURS ITALIENS

(29 février 1.932) 1








Le Saint-Père recevant les cultivateurs italiens leur rappela les progrès réalisés concernant le sort des paysans, grâce à leur puissante organisation.

Le souvenir toujours présent dans Notre mémoire et dans Notre coeur de l'audience du 15 novembre 1946 ne rend que plus vive encore la joie que Nous éprouvons à vous accueillir aujourd'hui, chers fils de la « Confédération Nationale des Cultivateurs ». Certains d'entre vous prirent part à cette rencontre et écoutèrent Notre parole. Dans quel état se trouvait alors la patrie italienne ! Villes en ruines, qu'il fallait relever pour assurer un logement à de nombreuses familles sans toit ! Campagnes dont le sol avait été dévasté, rendues incapables de pourvoir par votre travail aux besoins du peuple ! Aux désastres matériels visibles s'ajoutaient des problèmes multiples et inextricables. Vous avez su en grande partie les résoudre : ces années ont été dures, mais couronnées d'heureux succès.

Comme toujours, en temps de calamités, toutes les classes de la société, toutes les branches de l'activité économique, tournaient leurs regards, et tendaient leurs bras vers l'Etat, en invoquant aide et protection. L'agriculture surtout courait le danger de demeurer en arrière ; il lui était plus difficile, dans la clameur générale, de faire entendre sa voix, elle qui cependant est pour ainsi dire la mère qui nourrit tout le pays. Particuliè-

rement critique était la condition des petits et moyens producteurs, et des travailleurs ruraux des diverses catégories qui, au cours de l'histoire, se sont formées en Italie. Connaissant la faiblesse et l'insuffisance des efforts séparés, vous avez, à ce moment, et pour venir en aide à un véritable besoin, créé votre organisation et vous êtes venus filialement Nous la présenter, en demandant et recevant pour elle et pour vous-mêmes, en même temps que Nos encouragements, et conseils, Notre Bénédiction.

Quel chemin parcouru en ces cinq ans et demi ! avec quel résultat, mais aussi avec quelle peine, dès le début ! Le relèvement après la catastrophe était dur pour tous. Il présentait pour vous une difficulté spéciale, parce qu'un grand nombre de ceux que votre organisation cherchait, dans leur propre intérêt, à faire adhérer à votre mouvement, ne paraissaient pas bien comprendre sa nature, le but auquel il visait, ni les avantages qu'il est capable de procurer.

L'homme de la campagne, plus réfléchi que l'homme de la ville, ne se laisse pas facilement transporter par de soudains enthousiasmes, ni endoctriner par de séduisantes paroles ; il considère mûrement son véritable intérêt et celui des siens. De belles qualités certainement ; mais toute médaille a son revers. Le paysan est quelque peu lent à se résoudre ; il veut se rendre compte de toute chose par lui-même et, entièrement attentif à ce qui est dans son entourage immédiat, il est moins porté à élargir son champ de vision, à pousser son regard au-delà de son milieu ; il est tenté de trop prendre soin de ses propres besoins et pas assez des intérêts communs et universels, de ne pas voir que si les choses vont mal pour les autres, elles ne tarderont pas à aller mal également pour lui. Dans de telles conditions, vous ne pouviez vous attendre à croître rapidement en nombre et en valeur. Toutefois, vous y êtes arrivés et plus vite qu'on ne pouvait le prévoir. Aujourd'hui, votre Confédération est forte, et c'est à elle, en bonne partie, que l'on doit une sensible amélioration de la terre que vous cultivez. Nous vous souhaitons de nouveaux et incessants progrès et, dans ce but, Nous voudrions vous adresser, pour votre chemin à venir, trois conseils paternels.

Le Pape donne trois consignes :

1. Il faut grouper la jeunesse rurale :

Conformément à l'antique dicton : Audentes fortuna juvat, comme chantait Virgile2 — « Aide-toi et le Ciel t'aidera », comme dit la confiance chrétienne — appliquez-vous à étendre de plus en plus votre organisation et surtout à conquérir la jeunesse rurale. Montrez à l'égard de ces jeunes une affectueuse sollicitude ; formez-les et préparez-les, au moyen de cours spéciaux, à leurs devoirs de cultivateurs ; exercez-les à de plus larges et hautes vues spirituelles et sociales ; alors ils prendront à coeur votre organisation.



2. Il faut s'occuper des familles paysannes :

En second lieu, n'oubliez pas que la solide base de l'économie et du bien-être des membres de votre Confédération est la famille. C'est là la source de votre force physique et morale, le secret de votre influence et de votre importance dans l'Etat et dans la politique. Votre organisation et la famille vont de pair : la décadence de l'une entraînerait avec elle celle de l'autre. Pour sauver la famille, apportez également votre attention au prolétariat rural : ce dernier devra disparaître.



3. Il faut se soumettre à Dieu :

Enfin, pensez à Dieu, aimez Dieu ! Personne ne peut rien sans Lui ; personne ne doit L'oublier et moins que tout autre l'agriculteur. Il constate chaque jour son impuissance à « faire la pluie et le beau temps » ; les plus merveilleux progrès de la technique ne servent eux-mêmes à rien, si Dieu, dans sa grâce et sa miséricorde ne donne la croissance et la bonne réussite 3. Qu'il le veuille ou non, l'homme perçoit continuellement l'action souveraine de Dieu. Il doit reconnaître que le Seigneur, dans sa bonté, « fait se lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et pleuvoir sur les justes et les injustes » 4. Hélas ! combien d'ingrats n'en tirent-ils avantage que pour attendre, pour exiger ces bienfaits comme dus, sans
















songer en aucune manière, à l'obligation de la prière et de la reconnaissance.

Vous, chers fils, non seulement vous pensez à cette obligation mais vous avez tenu à donner à son accomplissement un éolat particulier par des manifestations publiques et par l'institution d'une « Journée d'action de grâces ». Dieu répondra, Nous n'en doutons point, à votre ferveur et à vos prières par de nouvelles faveurs, en gage desquelles Nous vous donnons de tout coeur à vous, à vos familles, à tous les membres de la Confédération, Notre paternelle Bénédiction apostolique.










ALLOCUTION AUX CURÉS DE ROME ET AUX PRÉDICATEURS DES STATIONS DE CARÊME

(8 mars 1952) 1








Recevant en audience, le samedi matin 8 mars, les curés de Rome et les prédicateurs des stations de Carême, le Souverain Pontife leur a adressé une allocution dont nous donnons ici le texte :

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 221.

2 Cf. p. 43.




Avec une joie toujours renouvelée, Nous voyons dans le temps du Carême venir à Nous Nos chers fils, les curés et les prédicateurs de Carême de Rome, conduits par Notre Vénérable Frère, le très cher Cardinal Vicaire, désireux qu'ils sont de recevoir de Nous, avec quelques conseils paternels, une bénédiction toute spéciale pour leurs travaux apostoliques. Cette année, dans Notre exhortation du 10 février aux fidèles de Rome 2, Nous avons déjà manifesté Nos désirs les plus ardents, Nous avons lancé un cri de réveil pour la restauration de la vie chrétienne, et Nous savons que Nos paroles ont trouvé l'accueil le plus large, le plus empressé et le plus fervent dans le coeur du peuple romain. Combien d'âmes généreuses n'attendaient que d'être appelées à une oeuvre aussi sainte, ne désiraient rien d'autre que de se voir désigner leur champ de travail ! Il vous appartient, chers fils, de propager et de prolonger l'écho de Notre voix dans vos paroisses. Nous n'ignorons pas que vous le faites avec beaucoup de zèle et Nous vous en remercions cordialement. Aussi Nous bornerons-Nous ce matin à vous entretenir brièvement au sujet de deux questions spéciales que Nous avons particulièrement à coeur pour le bien de ce diocèse.



L'une concerne son développement extérieur, l'autre sa vitalité intérieure ; toutes deux sont d'une importance capitale pour rendre toujours plus saine et florissante la vie religieuse et ecclésiastique de Rome.



I. Les moyens extérieurs pour favoriser la vie chrétienne.

Son développement extérieur. Avons-Nous donc besoin de vous en exposer longuement la nécessité et l'urgence — si grandes comme l'a expliqué avec tant de clarté, voici quatre jours seulement, le très zélé Cardinal Vicaire — à vous qui ne connaissez que trop, par votre propre expérience quotidienne, les difficultés et les soucis du ministère pastoral à notre époque ?

Nous voici à la moitié du XXe siècle. Si Nous remontons par la pensée à son début, à Notre esprit se présente l'oeuvre salutaire organisée par Notre Prédécesseur, le Bienheureux Pie X : la nouvelle et plus opportune répartition des anciennes paroisses romaines, la fondation de nouvelles paroisses et l'édification de nouvelles églises. Nous fûmes, Nous-même, témoin de ces efforts et des résultats obtenus ; l'oeuvre entreprise par ce saint Pontife a été continuée avec résolution par ses successeurs et elle est encore poursuivie aujourd'hui avec une extension de plus en plus vaste et un emploi sans cesse plus grand de moyens.



La situation du diocèse de Rome.

Toutefois, il suffit de jeter un coup d'oeil sur l'état concret du ministère des âmes pour être obligé de reconnaître qu'il ne correspond pas encore entièrement aux nécessités présentes. En effet, que trouvons-nous ? Au début du siècle, le diocèse de Rome était divisé en 58 paroisses ; 16 de celles-ci furent supprimées dans la nouvelle circonscription et 5 furent transférées dans d'autres églises. Aujourd'hui, le diocèse de Rome compte 127 paroisses et 3 dessertes qui dépendent du Vicariat et auxquelles on peut ajouter 5 autres qui doivent être prochainement inaugurées et 4 qui seront prêtes dans le courant de l'année.

Que Dieu en soit remercié ! Et, après Lui, Notre reconnaissance va à tous ceux, Prélats, prêtres et laïcs, encore en vie ou déjà en possession de la récompense éternelle, qui ont collaboré à une oeuvre si grandiose. Les chiffres que Nous venons de citer sont un témoignage de l'imposante somme de prévoyance et d'énergie, de sagesse dans la conception et de persévérance dans l'exécution, de calcul médité et de zèle ardent pour la gloire de Dieu et le bien des âmes, que ces travaux de fondation et de construction ont réclamée.



Il reste beaucoup à faire.

Ce qui a été accompli est, sans doute aucun, magnifique. Néanmoins avec toute la satisfaction et toute la gratitude pour tout ce qui a été fait, Nous avons le devoir de penser à ce qui reste à faire. Beaucoup de temps s'est écoulé et la Ville de Rome s'est accrue, comme territoire et comme nombre d'habitants, avec une telle rapidité que l'organisation ecclésiastique n'a pu progresser d'un pas égal. On considère, non sans raison, comme déjà surchargées les paroisses avec 10 ou 12 mille âmes : que devra-t-on donc dire de celles qui en ont 30 mille et même davantage ? Dans de telles conditions, l'activité de la paroisse demeure comme submergée dans la mer d'une multitude innombrable.

Si, au moins, le nombre de prêtres correspondait mieux, dans de telles paroisses géantes, à celui des fidèles ! En revanche, à ce point de vue, la disproportion entre les uns et les autres apparaît encore plus impressionnante. Quand, par exemple, cinq ou six prêtres du clergé paroissial doivent supporter la charge de 30 à 40 mille fidèles, comment pourraient-ils suffire à une telle masse de travail ?



Il faut multiplier les paroisses à Rome.

Un pareil état de chose Nous pousse à accélérer et augmenter dans la plus grande mesure possible, la fondation de nouvelles paroisses et l'érection de nouvelles églises. Entre temps, il serait désirable d'instituer, dans le cadre des paroisses les plus vastes et les plus peuplées, des postes provisoires, où des prêtres de Rome, séculiers ou réguliers, n'appartenant pas au clergé paroissial, pourraient, même s'ils sont affectés à d'autres charges, consacrer une partie de leur temps, spécialement les dimanches et les jours de fêtes, à une coopération plus efficace dans le travail pastoral, au moins tant que durera l'extrême besoin actuel. Nous sommes heureux d'ajouter que






déjà de nombreux officiers de la Curie Romaine se sont déclarés prêts à une collaboration si méritante.



On devra découvrir des vocations.

Cette extrême nécessité concerne directement le clergé de Rome. Nous voudrions cependant espérer que d'autres diocèses plus favorisés pourront venir en aide, par exemple sous une forme qui a déjà donné ailleurs de bonnes preuves, c'est-à-dire d'une sorte de parrainage, dans le sens que des diocèses déterminés adoptent telle ou telle paroisse de Rome de manière à lui procurer le nombre de prêtres dont elle a besoin.

Mais, chers fils, Nous avons surtout confiance que le spectacle de votre dévouement et de votre esprit de sacrifice — qui chez les curés des bourgades arrive bien souvent à l'héroïsme — l'exemple de votre vie saintement sacerdotale suscitent un plus grand nombre de vocations dans le diocèse même de Rome. Nous ne pourrons jamais assez louer le zèle de tous ceux qui se donnent avec amour à cette Oeuvre des oeuvres. Mais le rôle principal ne revient-il donc pas aux curés, par droit et par devoir ? Il est par conséquent juste que, du moment où leur a été confiée une paroisse, ils examinent devant Dieu, au fond de leur conscience, s'ils ont fait et font tout leur possible, s'ils ne pourraient peut-être même faire encore davantage, pour découvrir chez les enfants le germe de la vocation, pour en préparer et soigner le développement, pour convaincre les familles de leur devoir en ce domaine, pour obtenir de leurs paroissiens tous les meilleurs concours y compris les aides économiques nécessaires.



II. La sanctification des fidèles.

Le renouvellement du diocèse par la multiplication des paroisses, la construction d'églises, la formation du clergé, était la première question que Nous désirions traiter devant vous. Mais à quoi servirait d'avoir un nombre suffisant de paroisses, d'églises, de prêtres, si la vie chrétienne des paroissiens n'en recevait pas un accroissement proportionné en plénitude et en vigueur ? C'est elle qui est le but ; le reste est un moyen indispensable et puissant, mais qui deviendrait vain, s'il n'était pas ordonné au but lui-même, à la sanctification des fidèles.

Sans doute, spécialement depuis cinquante ans, un grand travail a été accompli dans le domaine spirituel. Mais, si de grands résultats ont été obtenus pour répondre dans le passé aux nécessités du moment, ces dernières n'ont pas cessé de croître avec une rapidité toujours plus grande. Il faudrait que les fidèles, et particulièrement les jeunes, trouvent partout dans la paroisse, dans les associations, dans les organisations catholiques existantes, la satisfaction de leurs légitimes aspirations ; autrement, ils iront la chercher ailleurs, là où leur vie chrétienne, le salut même de leur âme, seraient exposés aux plus graves dangers. Ainsi, pour citer un exemple, Nous avons approuvé que soit donnée, même à la jeunesse féminine, dans ses propres organisations, la possibilité d'une saine activité sportive. Sinon, qui sait où seraient peut-être tentées d'aller certaines jeunes filles ? On n'ose pas le dire, mais on ne le comprend que trop.

Pas plus que la paroisse et l'église, l'association, quelque nom qu'elle porte, n'est une fin en soi ; son but est le bien spirituel des membres qui la composent. C'est clair, dira peut-être quelqu'un ; mais quand les fidèles sont en contact à tout bout de champ avec des opinions et des usages opposés aux principes chrétiens les plus élémentaires, il est opportun de leur rappeler ceux-ci et d'observer si leurs fils demeurent fermes devant ces habitudes de vie reprehensibles, ou si au contraire, il y a malheureusement des défections. C'est l'avertissement que l'Apôtre Paul adressait aux communautés chrétiennes naissantes de Rome : « Ne vous modelez pas sur le siècle présent, mais transformez-vous par le renouvellement de votre esprit » 3, c'est-à-dire selon la volonté de Dieu et à l'image du Christ.



Le Saint-Père pose quelques questions :

En venant alors à considérer quelques notes essentielles de la vie chrétienne, Nous demandons : nos fidèles prient-ils suffisamment ? Leur assiduité à la prière et aux sacrements est-elle suffisante pour les maintenir constamment en état de grâce, au milieu du tourbillon de la vie dans les grandes villes modernes ? Leur vénération envers l'auguste Sacrifice de l'autel est-elle si grande qu'ils sont prêts à s'imposer quelques privations pour

y assister régulièrement ? D'une façon spéciale, profitent-ils de toutes les occasions qui leur sont offertes pour assister à la Messe avant de se lancer en foule dans les sorties de ski et de sport ? Leur morale conjugale est-elle vraiment irrépréhensible et leur vie de famille exemplairement chrétienne ? Admettent-ils sans distinction dans leurs demeures des personnes qui vivent dans une situation moralement irrégulière, favorisant par là, surtout dans les jeunes générations, une dangereuse insensibilité et indifférence dans la distinction entre le bien et le mal ? La pureté de la jeunesse est-elle si solide qu'elle les empêche de glisser vers l'abîme ? Les enfants, de même que les adultes, fréquentent-ils l'enseignement religieux4 ? Il y a près de cinq ans (Discours du 7 septembre 1947), Nous exhortions les Hommes d'Action Catholique italienne à opposer un front solide à la corruption envahissante dans la vie économique et sociale. Comment ce front fait-il sentir, à Rome, sa fermeté et sa force ? Qu'est-ce qu'il a fait pour atténuer l'intolérable contraste entre un luxe immodéré et une pauvreté, parfois honteuse, et toujours navrante ?



Aller de l'avant de toutes ses forces.

Nous pourrions continuer longuement sur ce sujet. Mais vous savez, chers fils, combien est difficile le ministère pastoral, alors qu'il s'agit de réagir contre la décadence de la vie religieuse et de lui faire remonter une pente abrupte. Sans aucun doute, on ne peut réussir d'un jour à l'autre. Mais, il faut se mettre tout de suite au travail et aller de l'avant avec toutes ses forces.

Ce dont l'Eglise a un besoin urgent, c'est de fidèles et de groupes de fidèles de toutes conditions, qui, libres de l'esclavage du respect humain, conforment toute leur vie et leurs activités aux commandements de Dieu et à la loi du Christ. Or, cette conformité n'est ordinairement possible qu'à ceux qui dès leur jeune âge se sont habitués, par amour pour Lui, à l'abnégation et au sacrifice.

Nous avons rappelé plus haut l'avertissement de saint Paul. A travers toutes ses lettres se manifestent la lutte contre le péché, un effort constant pour affranchir ses chrétiens de l'esclavage des préjugés et des usages corrompus du monde qui les entoure. En les lisant, nous sentons combien dure était une lutte de ce genre. Parcourez en esprit l'histoire de l'Eglise des premiers siècles : ce n'est que le développement de ce prélude. Elle brisa la puissance du paganisme qui opprimait les âmes, non point par des triomphes fulgurants, mais bien dans les larmes et le sang, dans les supplications implorant la force et la grâce divines, avec la patience sous les coups des ennemis, dans un effort pénible, mais tenace et confiant.



Eglise, ferment de l'humanité.

Or, l'histoire continue ; il vous revient d'en écrire les prochaines pages. Aujourd'hui, comme dans le passé, l'Eglise est le ferment de l'humanité. Son oeuvre ne permet ni commodes condescendances, ni repos, ni trêve, mais exige une impulsion toujours puissante pour correspondre aux volontés du Christ et à leur réalisation dans la vie des fidèles. Que le Seigneur daigne vous soutenir dans vos difficultés, vous accordant une foi vigoureuse, un courage inébranlable, un sens absolu de l'immolation. Pour Notre part, en son nom et dans l'effusion de Notre coeur, Nous donnons à vous tous, à vos collaborateurs, à vos paroissiens et auditeurs, Notre paternelle Bénédiction apostolique.




















Pie XII 1952 - EXHORTATION AU PEUPLE DE ROME