Pie XII 1952 - RADIOMESSAGE A L'OCCASION DE LA « JOURNÉE DE LA FAMILLE »


ALLOCUTION A DES JOURNALISTES AMÉRICAINS

(24 mars 1952)1






Une cinquantaine d'éditeurs de grands journaux américains faisant une tournée d'enquêtes en Europe, eurent l'occasion durant leur séjour à Rome de s'entendre dire par le Pape :

Vous venez d'un pays où, dit-on, l'opinion publique détient un pouvoir qui n'est pas à négliger. Cela peut être un signe de santé pour toute nation où existe une opinion éclairée ; mais le problème est d'être certain que cette opinion soit éclairée, soit formée et s'exprime à la lumière de la vérité et de la justice et, ajouterons-Nous, de la charité chrétienne. Tout ce que cette opinion doit à la presse et, spécialement de nos jours, à la radio et à la télévision, il n'est pas nécessaire qu'on vous le dise à vous, messieurs ; mais il est toujours opportun de réfléchir aux lourdes responsabilités envers la communauté, lesquelles, en conséquence, reposent sur tous les membres de la profession. En général, dans les affaires importantes, la vérité n'est pas si bien cachée qu'une recherche sincère et soigneuse ne puisse la découvrir. Et encore, même lorsqu'elle est écrite en lettres si larges et claires que quelqu'un pourrait la lire en courant, combien n'est-elle pas souvent déformée jusqu'à être méconnaissable, ou supprimée pour des motifs qui ne sont pas valables. C'est de cette pratique que naît la division parmi les citoyens, que naissent une hostilité et une rancoeur amères. L'opinion publique nourrie d'erreur et de calomnie ne peut qu'empoisonner le corps politique. Aussi est-il toujours agréable de se rencontrer avec des éditeurs et des journalistes qui cherchent sincèrement à saisir les faits, et, avec un jugement impartial, à présenter la vérité à leurs lecteurs. Le Psalmiste offre une devise à la Presse : « Laissez toujours votre vérité me guider et m'instruire, ô mon Dieu » 2. Nous sommes heureux d'implorer les bénédictions de Dieu sur vos travaux et pour tout ce qui vous touche de près et vous est cher.










ALLOCUTION A LAMBASSADEUR DU SALVADOR



(25 mars 1952) 1





Récemment, la représentation diplomatique du Salvador auprès du Saint-Siège a été élevée au rang d'ambassade. Le premier Ambassadeur nommé M. le D' Hector Escobar Serrano2, a été reçu en audience le 25 mars et Pie XII, s'adressant au nouveau diplomate, dit :

C'est avec la plus vive satisfaction que Nous avons entendu de la bouche du nouveau représentant de la République du Salvador que l'élévation de la précédente mission au rang d'ambassade a son inspiration et sa raison d'être dans la ferme volonté d'un peuple, pour ainsi dire intégralement catholique, qui désire donner un témoignage de la profonde vénération et de la filiale dévotion qu'il professe à l'égard du Siège apostolique, reconnu par lui comme l'institution particulière, oeuvre de la main du Seigneur, dont le destin est de faciliter à l'humanité entière la réalisation de ses plus hautes fins ; l'institution qui « en ces moments de trouble dans le monde — comme a dit Votre Excellence en une phrase aussi vraie qu'exacte — représente une voie lumineuse de paix et de concorde ».

Une semblable attitude est conforme à la qualité qui correspond au digne Représentant d'une Nation, portant dans son nom la plus haute évocation religieuse et, dans son histoire, l'empreinte indélébile du catholicisme le plus enraciné ; donc — si Nous voulons laisser de côté les temps semi-nébuleux du mythique Votàn ou du préhistorique Quezalcohualt — personne ne peut ignorer que votre histoire débute avec ce Pierre de Alvarado qui, en 1524, plaça ses conquêtes sous la protection de la Sainte Trinité et, en 1528, donna le nom de San Salvador à votre capitale, ni qu'elle entre dans les temps actuels avec une liste de grands personnages, Pères de la patrie, dans laquelle on ne peut omettre les noms des prêtres Delgado, Rodri-guez, Aguilar et Arce.

Elle n'était donc qu'une conséquence de l'adhésion franche et claire du peuple du Salvador à une mission qui est fondamentale dans l'Eglise de Jésus-Christ et à l'exercice et au succès de laquelle devait demeurer inébranlablement fidèle — et de fait, il l'est demeuré — son Chef visible, bien que tous les autres — hommes et institutions — vacillent dans leurs intentions de paix ou vont jusqu'à les oublier. Cependant, il est nécessaire de reconnaître que cette entente acquiert une signification spéciale à l'heure actuelle, quand l'évolution des événements et le cours des conversations mondiales révèlent que l'on s'achemine de plus en plus vers de nouvelles discordes et de plus funestes tensions ; et elle donne en même temps à sa première intervention officielle en ce centre de la Chrétienté un profond contenu moral ; Nous en sommes reconnaissant envers Monsieur le Président de la République dont la confiance vous a envoyé auprès de Nous ; envers le cher peuple du Salvador et, tout spécialement, envers Votre Excellence qui s'est faite, avec tant de dignité, l'interprète de sentiments si élevés.

En évoquant les paroles, qui ne Nous sont pas inconnues, du Message inaugural de votre Chef d'Etat, vous avez manifesté, Excellence, votre souhait que le but des harmonieuses et fécondes relations entre l'Eglise et l'Etat dans votre pays soit fixé dans l'extension à toutes les catégories de votre bon peuple d'un haut niveau intellectuel et moral, en exprimant, en même temps, la confiance de pouvoir compter pour cette fin, sur Notre bienveillant appui. Nous vous le garantissons, avec Notre coeur de Père débordant de joie et d'espérance et en vous priant de vouloir recourir à lui largement et constamment.

Si, d'un regard rétrospectif qui embrasse ces derniers temps, Nous voulons considérer la vie de votre pays, sans pour cela détourner les yeux attentifs et vigilants des temps présents, il serait facile de prédire que, grâce à une intelligence réciproque et sereine, soutenue par la pureté des intentions et par le sincère désir de réalisation, on ne manquerait pas de trouver les occasions où pourrait se démontrer de la part de votre gouvernement une compréhension effective, à l'égard du peuple fidèle du Salvador, dans toutes ses classes, de tout ce qui a trait à la réalisation de ses plus légitimes aspirations religieuses et culturelles.

Quant à ce qui touche à l'Eglise, l'évolution de la situation constitutionnelle et législative ne s'est pas toujours réalisée dans votre patrie, comme dans d'autres nations, en accord avec les principes et les critériums que paraissaient réclamer les sentiments religieux du peuple et les exigences inéluctables d'un bien commun justement entendu.

Sous l'influence pernicieuse de certaines idées, dont la futilité est chaque jour plus évidente, se succédèrent dans votre nation, entre certaines organisations bien orientées, des reculs et des heurts dont souffre encore sensiblement de leurs effets une bonne partie de votre peuple.

Quoi qu'il en soit, Nous comprenons bien qu'il est toujours plus facile de constater l'existence de telles déficiences que de les surmonter avec sérénité et prudence en s'engageant sur une voie nouvelle et bienfaisante. Mais il est également certain que tout gouvernement disposé à tirer les enseignements opportuns des expériences du passé et à tenir compte des légitimes aspirations de l'immense majorité de la population, trouve toujours, précisément dans la rencontre de ces mêmes éléments, le moyen sûr de commencer, pour le moins, le travail de correction et d'entreprendre l'exécution du programme ardemment souhaité, dont les effets salutaires se feront aussitôt noter par des fruits permanents.

Le Salvador, Monsieur l'Ambassadeur, ne peut manquer de tenir compte de la position détachée et transcendentale que lui concèdent sa situation et ses caractéristiques géographiques. Il pourrait sembler à certains un petit pays ; mais, en revanche, tout le monde est d'accord pour lui reconnaître une notable et forte singularité dans cette sorte de ferveur de vie que dénotent la haute densité de sa population, le caractère industrieux de ses fils et la nature accidentée et variée de son sol — par cela même plus pittoresque, plus attrayant et plus riche — ; sans oublier la beauté sans pareille de ses vallées ouvertes sur la mer et du haut desquelles la vue se récrée sur un horizon illimité de verdure, plein d'enchantement et de promesses.

Il est donc riche dans sa vie matérielle, il l'est beaucoup plus dans sa vie spirituelle. Les forces latentes du peuple catholique du Salvador, après avoir éliminé résolument les empêchements reconnus par tous spécialement dans le domaine de l'enseignement, doivent se relever puissantes et accourir, bienfaisantes, à tous les centres vitaux de la nation, déjà préparée pour cette élévation morale, culturelle et spirituelle ; d'un tel relèvement aucune administration prudente n'a rien à redouter, mais elle a, au contraire, beaucoup à espérer.

Dans la conviction, Monsieur l'Ambassadeur, que votre mission, si heureusement commencée aujourd'hui, doit arriver, pour l'intérêt commun et dans le sens que Nous avons indiqué, à aplanir le chemin vers des résultats de plus en plus élevés, Nous envoyons à tous Nos très chers fils de votre magnifique pays, unis à Nous par le lien de la Foi, la Bénédiction apostolique.

aux évêques d'italie



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LETTRE

DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DU CONCILE AUX EVÊQUES D'ITALIE

(25 mars 1952) 1






Cette lettre, signée par Son Em. le Cardinal Bruno, préfet de la Sacrée Congrégation du Concile, insiste sur la nécessité de rappeler aux fidèles les lois de la sanctification des dimanches et fêtes.

Il est souverainement triste et douloureux de constater que même en Italie beaucoup de fidèles, sans aucune retenue et en provoquant le scandale public, transgressent le grave précepte divino-ecclésiastique, fondé sur la loi naturelle, de la sanctification du dimanche et des fêtes commandées.

Ce précepte comporte, comme il est bien connu, deux obligations. Par-dessus tout, l'observance du repos du dimanche lequel, plus encore que de contribuer à la santé physique, améliore la vie morale et spirituelle de l'individu et de la société En second lieu l'assistance à la sainte messe, ce par quoi on rend à Dieu le culte extérieur qui lui est dû 2.

Il n'y a personne qui ne voie combien, depuis quelque temps, la violation du repos dominical se répand de plus en plus, souvent même sous forme de travaux manuels accomplis publiquement, sans aucune nécessité justifiée et en période de chômage si vaste.

Il est fréquent ensuite le cas de travaux non-urgents, tolérés sinon tout bonnement commandés par qui devrait donner le bon exemple dans l'observation des dispositions législatives à ce sujet.

Tout cela, en plus du scandale, rend pratiquement difficile, sinon vraiment impossible, à beaucoup de travailleurs l'accomplissement de leurs devoirs religieux.

Enfin si l'on considère qu'il y en a beaucoup, hélas ! qui omettent d'assister à la sainte messe aux jours de fête et qui, bien plus, les profanent souvent par des manifestations et des divertissements peccamineux, apparaîtra clairement la nécessité de ne rien omettre qui pourrait être tenté pour trouver remède à un état de chose aussi déplorable, lequel non seulement est préjudiciable au salut éternel des individus et nuisible à la communauté des fidèles, mais ne peut manquer encore de provoquer sur cette terre les châtiments divins.

C'est pourquoi, la Sacrée Congrégation du Concile, par la Circulaire présente, adresse un chaleureux appel aux Excellentis-simes Ordinaires diocésains afin que, dans leur pastorale sollicitude et leur zèle éprouvé, ils s'attachent rapidement à cet objectif en adoptant les mesures opportunes et en se faisant les promoteurs d'initiatives pratiques. En particulier les curés, les prédicateurs, les confesseurs de l'un et l'autre clergé, devront instruire avec soin le peuple du grave précepte de la sanctification des dimanches et jours de fête de précepte, et insister sur son exacte observance, d'après les prescriptions du Catéchisme romain aux curés (IIIe partie, chapitre IV), les dispositions du Saint-Siège et les prescriptions des Ordinaires diocésains eux-mêmes, sans omettre de réaliser une oeuvre persuasive chez les donneurs de travail ainsi que d'exhorter les membres de l'Action Catholique et des autres pieuses Associations à donner le bon exemple et à faire de la propagande en faveur de l'observance de ce précepte.











aux catholiques de roumanie



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LETTRE APOSTOLIQUE AUX CATHOLIQUES DE ROUMANIE

(27 mars 1952)1






Au moment où le catholicisme est violemment attaqué en Roumanie 2, le Saint-Père adresse à l'épiscopat, aux prêtres et aux fidèles de ce pays la lettre que voici :

« Faisant la vérité dans la charité » 3, tandis que Nous considérons les très tristes conditions dans lesquelles se trouve parmi vous, l'Eglise catholique, Nous ne pouvons moins faire que de louer l'admirable exemple de fermeté chrétienne que vous donnez, et Nous affliger des très graves périls auxquels sont exposés les droits sacrés de la religion catholique et spécialement la liberté qui lui est due. C'est pourquoi la charité paternelle que Nous nourrissons envers tous Nos frères et Nos fils dans le Christ, et particulièrement envers vous, Nous invite à vous apporter les réconforts qui sont en Notre pouvoir dans les difficultés présentes : vous adresser la parole, par le moyen de cette lettre, comme si vous étiez présents ; et vous assurer que Nous participons à vos peines et à vos souffrances et que Nous faisons monter pour vous vers Dieu, le Père des Miséricordes, Nos prières auxquelles s'unissent les supplications de tout le monde catholique.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 259.

2 Tous les évêques catholiques de Roumanie, encore vivants, sont en prison.

3 Eph., 4, 5.

4 2 Cor., 13, 8.




Mais la conscience que Nous avons de Notre charge apostolique Nous force à élever la voix pour défendre la cause de Dieu et de l'Eglise « car nous ne pouvons rien contre la vérité, mais seulement en sa faveur » 4. Nous savons bien, en vérité, combien de pénibles souffrances vous avez dû supporter jusqu'à présent ; Nous savons qu'il n'y a plus désormais parmi vous aucun évêque qui puisse gouverner librement son diocèse, diriger les prêtres, donner les directives opportunes à ses fidèles. Tous, en effet, ont été arrachés à leurs sièges et se trouvent ou en prison, ou relégués loin de leurs troupeaux. Ainsi se vérifie de façon tragique la parole de l'Ecriture : « Je frapperai le pasteur et les brebis se disperseront » 5.

Nous savons, en outre, que l'Eglise de Rite Oriental, si florissante parmi vous par le nombre de ses fidèles et par ses vertus, est considérée par la loi comme disparue et que ses édifices sacrés et instituts ont été destinés à d'autres usages, comme si cela correspondait aux désirs et aux aspirations mêmes des fidèles ; de très nombreuses maisons religieuses, masculines et féminines, ont été dispersées, et les écoles où les jeunes gens, sous la direction de ces mêmes religieux, ouvraient leur esprit à la lumière de la sagesse humaine et chrétienne, et grandissaient dans la pureté des moeurs et dans la pratique des vertus, ont été interdites comme nuisibles et dangereuses pour la nation et confiées à d'autres ; bien des prêtres en raison même de leur attachement à la foi des ancêtres et au Siège Apostolique et parce qu'ils ne consentaient en aucune manière à se relâcher de leur fermeté chrétienne, à tacher leur conscience, à trahir leur devoir, ont été ou bien déportés en de lointaines régions ou bien envoyés aux travaux forcés ou bien enfin jetés en prison, où ils mènent une vie misérable, mais glorieuse aux yeux de Dieu et des honnêtes gens.

A ceci s'ajoute le fait que, dans toute la multitude de livres, de journaux, de bulletins, aucune faculté n'est accordée aux catholiques d'utiliser la presse, pour faire entendre leur voix, afin qu'éclate la vérité et que soient mis en juste lumière et protégés, dans la mesure du possible, les droits sacrés de l'Eglise.

Il est donc facile, de cette manière, de décrire et de présenter l'Eglise catholique comme un ennemi dangereux pour la chose publique. Et cependant il est tout ce qu'il y a de plus manifeste que ceux qui sont les fidèles disciples du christianisme et s'efforcent de mettre en pratique ses enseignements, ne le cèdent à personne dans l'amour de la patrie, dans le respect des auto

rites civiles, dans l'obéissance aux lois établies, à condition que celles-ci n'imposent point des choses contraires aux lois naturelles, divines ou ecclésiastiques.

Et si, en conséquence, Vénérables Frères et chers fils, vous êtes affligés par des persécutions et des tribulations de tout genre, parce que vous voulez conserver intacte la foi catholique dans vos esprits, cela tourne à votre honneur et non point à votre honte, à votre gloire et non pas à votre infamie. Pour Nous et pour tous ceux qui peuvent connaître la vérité et faire entendre librement leur voix vous semblez renouveler les fastes de l'Eglise primitive ; aussi, Nous qui nourrissons à l'égard de votre peuple des sentiments paternels et qui entourons d'un amour tout particulier ceux « qui souffrent persécution pour la justice 6 », Nous désirons baiser les chaînes de ceux qui, injustement emprisonnés, pleurent et s'affligent pour les attaques contre la religion, pour la ruine des institutions sacrées, pour le salut éternel de leur peuple mis en péril, plus que pour leurs propres souffrances et pour leur liberté perdue.

Elevez vers le Ciel vos yeux, votre esprit et votre confiance ; rappelez-vous, Vénérables Frères et chers Fils, que là-haut vous attend une récompense, c'est-à-dire la lumière et la béatitude éternelle ; sachez que tous les catholiques, en même temps que Nous, le Père commun, adressent, en tous les points de la terre, de ferventes supplications à Dieu pour qu'il veuille bien accorder aux âmes, aux peuples, à toutes les nations, la paix, cette paix qui assure les droits sacrosaints de la religion, qui défend la dignité et la liberté de conscience de chacun, qui unit amicalement entre eux tous les peuples, sans aucune distinction. C'est là la paix que Nous désirons et que, depuis si longtemps, Nous recommandons par la parole, par les exhortations et par les oeuvres ; et non pas celle qui réduit l'Eglise à l'esclavage, car Nous savons bien que la religion étant opprimée ou supprimée, les fondements mêmes de la société vacillent et que les citoyens ne peuvent arriver à une prospérité et une félicité réelles.

Déjà dans les annales de votre patrie resplendissent de magnifiques exemples de foi, de constance et de fermeté chrétienne. En effet, en des temps fort lointains, comme il est rapporté, « se trouvaient à Dourestre, à Axiopoli et à Tomi, des martyrs qui répandirent leur sang pour le nom du Christ. Et bien que l'on ne connaisse rien d'autre de leur vie à l'exception du martyre qu'ils ont subi, celui-ci étant hors de tout doute, parle toutefois d'une façon assez éloquente »1. Vous êtes en quelque sorte, les fils de ces martyrs et, par conséquent, « mes bien-aimés frères, soyez fermes, inébranlables ; dévouez-vous toujours de plus en plus aux oeuvres du Seigneur, convaincus que votre travail dans le Seigneur ne saurait être vain » 8.

Mais votre terre, qui fut empourprée par le sang des martyrs, fut aussi arrosée par les sueurs de ses apôtres. Parmi ces derniers qui, sans épargner leurs fatigues, apportèrent jusqu'à vous la foi chrétienne et le culte de la sagesse humaine et divine, se détache dans une lumière particulière, saint Nicetas, évêque de Remesiana qui, entre la fin du IVe et le début du Ve siècle fut l'apôtre infatigable de ce peuple ; c'est grâce à lui que vos ancêtres apprirent à « faire résonner le nom du Christ avec un coeur romain et à vivre saintement dans la tranquillité et la paix9». Non seulement, il civilisa vos ancêtres par les enseignements de l'Evangile et la pratique des vertus chrétiennes, mais il laissa, en outre, aux générations suivantes un témoignage de ses remarquables enseignements puisqu'il « composa dans un style clair et élégant » des écrits de réelle importance 10.

Que si, au cours des siècles, à cause de très douloureuses circonstances, il fut parfois presque impossible à votre peuple de communiquer avec le Siège Apostolique, la foi catholique cependant ne s'est jamais éteinte parmi vous ; bien au contraire, dès que ce fut possible elle se mit à refleurir, comme une réponse fidèle à l'appel des temps anciens. A vous, aujourd'hui, Vénérables Frères et chers fils, d'écouter cette même voix, d'imiter ces mêmes exemples. Sans doute, les difficultés, les obstacles, les périls ne vous manqueront pas ; mais ils ne manquèrent pas non plus à vos ancêtres qui les surmontèrent avec courage.

Continuez donc, comme vous le faites, à supporter avec une force d'âme inflexible les persécutions, les souffrances, les an-

7 a. a. S., 1937, p. 421.

8 I Cor., 15, 58.

9 S. Paulin de Noie, Carmen XVIII, Migne P. L., 61, 488-489. 0 Cf. Gennados, De Viris Mus, C. 22 ; Migne, P. L., 58, 1073.



goisses ; continuez à supporter l'exil, la prison et la perte de tous vos biens plutôt que de trahir votre foi, de rompre ou de relâcher le lien très étroit qui vous unit avec le Siège du Prince des Apôtres. Et soyez sûrs que jamais ne vous manquera le secours de l'assistance divine, imploré par de suppliantes prières.

Nous avons confiance que ces encouragements, ces témoignages de Notre très ardent amour, viendront à votre connaissance, que tous vous y puiserez une force salutaire et un surnaturel réconfort, et qu'ainsi vous continuerez à donner de lumineux exemples de votre indomptable courage habituel. Il est facile de le voir : c'est de la cause de Dieu, de l'Eglise et des âmes qu'il s'agit ici ; il ne faut donc jamais perdre courage, ne jamais négliger ou omettre ce que la conscience chrétienne commande, ce que les préceptes divins ordonnent ; mais avec une parfaite constance et un zèle infatigable, il faut le respecter en tout temps, le mettre en pratique selon ses forces. Vous serez assistés dans cette tâche par la très efficace protection et le puissant patronage des Saints qui sont la gloire de votre patrie ; et en premier lieu la très Sainte Vierge Marie que vous honorez avec une si ardente piété et qui obtiendra de son Fils pour ses enfants si gravement menacés, les secours divins dont ils ont tant besoin ; vous serez assistés enfin par Nos prières et celles de tout l'univers catholique, qui, dans une sainte émulation, imploreront du Père des miséricordes ce qui est l'objet de Nos voeux, des vôtres, de ceux de tous les honnêtes gens : la libre et pleine faculté de professer, en privé comme en public, votre religion et d'en conserver intacts les institutions, les règles et les préceptes.

Afin de vous obtenir ces célestes grâces, et pour vous témoigner Notre paternelle bienveillance, Nous vous accordons à tous avec amour dans le Seigneur, Vénérables Frères et chers fils, la Bénédiction apostolique.










ALLOCUTION AUX DIRIGEANTS DES ORGANISATIONS ITALIENNES DE TOURISME



(30 mars 1952) 1





Les Dirigeants des Organisations italiennes de Tourisme furent présentés au Pape, en ce jour, et Pie XII en profita pour préciser les points suivants :

Soyez les bienvenus, chers fils ; votre hommage, vos dons, votre présence surtout, Nous sont des plus agréables. Au cours des années passées, et particulièrement durant l'Année Sainte, les innombrables groupes de croyants qui se sont succédé auprès de Nous, Nous ont fait toucher du doigt la vérité de l'adage : « Tous les chemins mènent à Rome ». Les pèlerinages n'ont pas cessé de porter à la Ville Eternelle les fidèles de toutes Nations, de toutes conditions de vie ; les Congrès ont réuni ici les représentants des sciences, des arts, des lettres, de toutes les formes d'activité sociale, économique, industrielle, politique ; les bouleversements du monde ont fait converger vers le centre et vers la demeure du Père commun des flots d'exilés, de réfugiés, d'errants.



La technique des voyages se modifie :

Certes, l'allure, le mode et l'organisation des voyages étaient bien divers. Toutefois, c'était toujours la pratique effective du tourisme, joyeux ou triste, agréable ou pénible, selon la diversité des caractères, des buts, des dispositions religieuses. Depuis le début de notre siècle, les moyens de locomotion dans l'ordre matériel, l'évolution du monde dans l'ordre culturel ont restreint et comme aboli les distances, et accru les contacts entre les éléments les plus hétérogènes. Malgré le développement multiforme des voyages et des rencontres, vous avez cru qu'il y avait encore place pour le tourisme lui-même, et à ce titre, indépendamment des conditions et des fins particulières, vous vous êtes unis et vous voici assemblés.



Pour quels motifs voyage-t-on ?

Alors que souvent la notion de tourisme se réduit à celle d'un voyage d'agrément, vous avez voulu l'entendre d'une manière bien plus large. Et c'est en ce sens plus large que Nous Nous proposons de vous adresser ici quelques mots, parce qu'ainsi on peut mieux apprécier la valeur et les efforts du tourisme, valeur, du reste bien différente, selon la fin qu'on se propose, selon les moyens mis en oeuvre.

Le motif de se mettre en route est parfois l'ordre de Dieu, expressément signifié et librement accepté ; c'est parfois la disposition mystérieuse de la Providence, accueillie de grand coeur ou par nécessité ; c'est l'impulsion personnelle et spontanée ou bien l'obéissance à une inspiration intérieure plus ou moins impérieuse. Il serait intéressant d'en suivre l'histoire depuis le lointain passé jusqu'au présent immédiat.



Il y a aussi des migrations massives :

De ces périples, le dessein, divin ou humain, est lui aussi tellement divers ! Les grandes migrations ont peuplé le monde ; les dispersions et les exodes, en terre d'exil ou en terre d'asile, ont rapproché et fondu les éléments de la société humaine.



On voyage pour des motifs religieux, scientifiques ou artistiques :

Parmi les « mangeurs d'espace », les uns, missionnaires ou explorateurs, étaient mus par un irrésistible esprit de conquête : conquête des âmes, pour les rendre héritières du royaume de Dieu ; conquête des nations, pour étendre ce royaume jusqu'aux extrémités de la terre. Est-il nécessaire de rappeler les voyages héroïques de S. Paul et de S. François Xavier ? Ceux de Christophe Colomb, de Vasco de Gama, de Champlain, brûlants du désir de porter aux peuples non encore illuminés par les clartés de l'Evangile, les bienfaits de la civilisation chrétienne ? D'autres avides de découvertes pour le progrès de la science ou pour le bien de l'humanité, partent explorer les contrées glacées des pôles (on pense au grand explorateur et savant de notre époque, Fridtjof Nansen), affronter les cimes inviolées des plus hautes montagnes, pénétrer les mystères des forêts vierges, rompre le silence des déserts. Et qui ne connaît les voyages de Pétrarque, lequel, nullo quidem negotio... sed visendi tantum studio et juvenili quodam ardore, parcourt la France, l'Allemagne, les rives du Rhin, monte sur le Mont-Ventoux 2, mais toutefois le coeur tourné toujours vers l'Italie à laquelle il envoie de Montgenèvre ce salut tendre et ému : Salve, cara Deo tellus sanctissima, salve...3.



Il faut citer les pèlerins de tous les temps :

Des sentiments de foi et de piété ont conduit dès les premiers temps de l'Eglise, et ne cessent de conduire encore les pénitents, les contemplatifs, les simples fidèles vers la terre consacrée par la vie et la passion du Christ, vers la Rome éternelle, centre de la Catholicité, vers les tombes des Apôtres, des martyrs et des saints, vers les lieux favorisés par la visite et la prédilection de Jésus et de sa très sainte Mère.

Aujourd'hui, hélas ! il y a des vagabonds forcés qu'on nomme les personnes déplacées :

Mais pourrions-Nous omettre de jeter un regard de particulière affection vers le « tourisme » forcé de ceux qui, fugitifs ou expulsés de leurs terres, sont appelés par un douloureux euphémisme « displaced persons », personnes déplacées ? Comme elles sont loin de voyager et de séjourner par plaisir ! Et toutefois, il faut les prendre elles aussi en considération, si l'on veut avoir du tourisme l'idée vraie, large et pleine, dont Nous avons parlé.



Cependant le tourisme a ses caractères communs :

Car, enfin, si différents que soient les motifs déterminants, les buts poursuivis, les moyens de voyager, les conditions de



2 Famil., 1, 5 ; IV, l.

3 Epist. metr., 3, 24.



séjour, les dispositions d'esprit, il faut bien rassembler quelques notes communes, qui qualifient proprement le tourisme et justifient votre intention de représenter ici, quelle qu'en soit la forme, le tourisme chrétien.



i° On quitte ses habitudes :

Voici donc les traits communs : quitter pour un temps, plus ou moins long, sa propre demeure, ses occupations quotidiennes, ses relations, pour s'en aller, sinon à l'aventure, du moins au devant d'une quantité d'événements imprévus ; se soumettre, joyeusement ou à regret, aux désagréments petits ou grands dont il est bien difficile que soit exempt le tourisme, même le mieux ordonné ; prendre contact avec des usages, des traditions, des convictions ou des préjugés complètement étrangers, ou même opposés à la mentalité ordinaire. Qui ne voit, pour inégales qu'en soient les proportions, la part d'avantages et la part d'incommodités que comporte le tourisme ?



2° On peut vraiment pratiquer une ascèse du tourisme :

Tous ces désagréments sont, en fait, autant d'occasions d'apprendre et d'exercer ce qu'on a appelé « l'ascétisme du tourisme ». Ils ont pour effet de susciter chez le touriste une réaction, aussi étrangère à une résignation triste et passive qu'à l'impatiente rébellion du corps et de l'esprit. Une telle réaction procure à l'organisme, au tempérament, au caractère, une saine résistance, physique et morale, qui, tout en mettant en mesure d'affronter sereinement les ennuis et les légères souffrances du tourisme, prépare à supporter avec force et courage les futures et inévitables épreuves de la vie.

Le touriste s'habitue aux rigueurs et aux variations de la température, aux mésaventures d'un campement de fortune, à l'excessive frugalité, aux bizarres caprices de la cuisine. Son caractère s'améliore et s'adoucit dans le frottement avec d'autres caractères pas toujours agréables.



3° On enrichit son expérience :

Un autre avantage plus notable que procure le tourisme : c'est raffinement des sens, l'élargissement de l'esprit, l'enrichissement de l'expérience. On voit, on entend, on observe. Beaucoup de choses qui, dans la nature, dans l'art, dans les usages régionaux ou dans les traditions locales, pouvaient au début paraître étranges, pour ne pas dire irritantes ou ridicules, n'apparaissent plus que différentes, souvent même bien compréhensibles et parfois fort sages. On en apprécie la valeur et l'intérêt et l'on arrive à juger les personnes avec toujours plus de justice, et, en général, avec plus d'indulgence et de bonté, vertus qui sont le fruit d'une meilleure compréhension réciproque. Il en résulte ainsi en pratique une heureuse compréhension non seulement entre individus, mais aussi entre nations, entre classes, entre partis. Non que l'on cède sur les principes : le bien est toujours le bien, le mal est toujours le mal, la vérité conserve toujours ses droits en face de l'erreur ; mais on acquiert l'habitude de discerner la part de bien et de vrai dans les autres, les germes d'erreur en soi-même.



4° On se rapproche des autres :

En voyageant, en observant, le touriste apprend à mieux connaître ceux que, de loin, il ignorait ou méconnaissait, et, à son retour, il en répand autour de lui une plus juste estime et une appréciation plus favorable. En retour, il a fait de son côté, peut-être à son insu, juger et apprécier — Dieu veuille que ce soit toujours en bonne part ! — son pays, sa civilisation, la vraie religion. Il est, comme on l'a dit justement, un ambassadeur moral. Grande et belle mission ; mais aussi quelle grave responsabilité !



5° On élève son âme :

4 Psichari était le petit-fils d'Ernest Renan.




Le tourisme, ordinairement, élève encore plus haut ceux qui savent le pratiquer comme il faut. Dans la nature, dans l'art, dans les moeurs, dans tous les climats, ils s'habituent à voir, comme en transparence — derrière les choses, les hommes, les institutions — Dieu, leur Créateur, leur Père, leur Souverain législateur. Ils voient comment le monde s'agite et comment Dieu le conduit. Qui n'a présent à la mémoire le « Voyage du Centurion » par lequel le grand écrivain Psichari, petit-fils du trop célèbre apostat4, arriva à la lumière, à la foi, à une noble vie

couronnée par une sainte mort ? Et combien se fait sentir aujourd'hui toujours davantage l'effet des grandes et épiques explorations d'un Charles de Foucauld ! Sans doute ce furent là des « touristes » exceptionnels, qui brillent comme des étoiles dans le firmament pour guider sur la terre les pas des plus modestes voyageurs.



Pie XII formule pour ses auditeurs les souhaits que voici :

Sans prétendre rivaliser avec eux, faites votre profit de leur exemple et de leur expérience ; avancez sans cesse dans la voie qui conduit à une plus grande justice, à une plus vive lumière, à un plus intense amour, et que soit votre étoile Celle dont vous implorez avec la sainte liturgie : Ut, videntes Jesum, sem-per collsetemur. Que cette douce Mère céleste daigne faire descendre sur vous les plus abondantes grâces de son divin Fils, en gage desquelles Nous accordons, dans l'effusion de Notre coeur, à vous, à tous les touristes chrétiens, pèlerins de l'éternité, à tous ceux qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.










Pie XII 1952 - RADIOMESSAGE A L'OCCASION DE LA « JOURNÉE DE LA FAMILLE »