Pie XII 1952 - ALLOCUTION AUX CONFERENCES DE ST-VINCENT DE PAUL


RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES DAUTRICHE

(27 avril -1952) 1






La Cathédrale Saint-Etienne de Vienne avait été gravement endommagée durant la guerre de 1939-1945. Le dimanche 27 avril 1952, elle était de nouveau livrée au culte. En ce jour après l'évangile de la messe pontificale qui y était célébrée, les fidèles purent entendre le message suivant :

De grand coeur Nous répondons à la prière de votre vénéré cardinal, qui Nous a demandé de vous adresser la parole en cette heure solennelle et de bénir l'oeuvre que votre collaboration a accomplie 2.

La reconstruction de la cathédrale de Saint-Etienne est votre oeuvre commune. Vous tous : gouvernement et peuple, ville de Vienne et Etats de la confédération, corporations et associations de tout genre ainsi que la générosité des fidèles y avez contribué. Nous avons vu l'image des destructions et ruines causées par la guerre à la cathédrale. Aujourd'hui elle est de nouveau debout, dans sa vieille forme, jusque dans les menus détails, plus solide et plus résistante que jadis.

Vous avez accompli une oeuvre vraiment énorme. Nous croyons pouvoir l'interpréter comme le signe de votre ferme volonté de tenir bon, dans l'union mutuelle des individus et de la communauté, à travers les épreuves et les angoisses de ces années, jusqu'à l'arrivée de la vraie prospérité dans la liberté et la paix. Puisse le Dieu tout-puissant vous accorder ce bonheur dans sa bonté et sa miséricorde.

La cathédrale de Saint-Etienne est le symbole de Vienne, votre ville, qui occupe une place d'honneur parmi les centres














spirituels de civilisation du monde entier. Temple chrétien de Dieu et témoin éloquent de la civilisation catholique, ce symbole à la tour élancée élève les esprits vers Dieu et les porte vers les vérités éternelles. Il vous rappelle que l'âme et la moelle de la civilisation qui vous a procuré grandeur et richesses, est le christianisme, la foi catholique. Dans la pauvreté et dans les sacrifices des années d'après-guerre vous avez été capables de relever des ruines votre cathédrale et de lui rendre sa pleine beauté. Nous voyons dans cet effort un témoignage de votre fidélité à la civilisation chrétienne et à la foi de vos pères avec toutes ses richesses et avec ses imprescriptibles exigences dans la vie et dans toutes ses manifestations.

Puisse Jésus-Christ, Dieu béni éternellement3, Chef de l'Eglise, vous accorder, dans sa puissance et son amour, que votre ville et tout votre pays soient toujours un foyer de foi pure et profonde, de vie conjugale et familiale chrétienne, de moeurs pures, de liberté ordonnée et de justice sociale. C'est sur cette terre-là que fleurit le vrai bonheur ; c'est elle qui produit des oeuvres durables de bien-être temporel et de progrès spirituel et moral.

Vienne a été éprouvée dans son passé par de lourdes angoisses et elle s'est vue menacée par des dangers mortels. Elle les a tous surmontés. L'an 1683 marque sa plus grande épreuve : la ville semblait vouée à la destruction. Mais cette année est aussi l'année de la plus grande victoire que Vienne ait jamais connue. Ce fut non seulement une victoire des armes mais encore et surtout une victoire de la foi chrétienne, fondement de pacifiques conquêtes dans le rayonnement du christianisme.

Nous songeons avec joie à la part décisive de notre Prédécesseur Innocent XI à la libération de Vienne en 1683 4. Puisse cet événement vous inspirer confiance et consolation à l'heure présente. La paternelle sollicitude et la prière du Vicaire du Christ vous appartiennent aujourd'hui comme jadis. En témoignage de ces sentiments et en gage de la toute-puissante providence divine, Nous vous donnons du fond du coeur la Bénédiction apostolique, à vous tous qui êtes réunis dans la cathédrale de Saint-Etienne : vénérables Frères, les Evêques, gouvernement et autorités civiles, chers fils et filles de la ville de Vienne et de tout le pays et le peuple d'Autriche.










ALLOCUTION AUX MEMBRES DES CONSEILS SUPÉRIEURS DES OEUVRES MISSIONNAIRES

(29 avril 1952) 1






Périodiquement se réunissent à Rome les Conseils supérieurs des OEuvres missionnaires ; au cours de la session de 1952, le Souverain Pontife accorda une audience aux participants et déclara :

Les commémorations de saint François-Xavier et de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, qui ont marqué la fin de vos Assemblées générales, Vénérables Frères et chers Fils, soulignent assez le caractère avant tout spirituel des Oeuvres Pontificales, dont vous êtes les Directeurs nationaux ou les promoteurs zélés.

Les courses apostoliques de saint François-Xavier se sont achevées, il y a quatre siècles cette année, sur un échec apparent : le 23 décembre 1532, épuisé à l'âge de 46 ans, il mourait seul, sur l'île de Sancian, devant la Chine impénétrable. Mais une telle mort a une valeur spirituelle, qui n'est pas près de s'épuiser, valeur du don total de la vie pour ceux qu'on aime — il n'y a pas de plus grand amour —, valeur d'exemple pour tant d'âmes d'apôtres qui l'ont suivi et le suivront dans la carrière missionnaire. Du centre de la chrétienté, le bras levé que vous avez vénéré dans l'église du Gesù, continue à appeler à lui les coeurs généreux. Jamais une prudente organisation de son travail missionnaire n'aurait eu l'effet de cette grande flamme d'amour qui l'a dévoré en quelques années, et qui brille à jamais aux rives de l'Extrême-Orient.





documents pontificaux



oeuvres missionnaires



173







Ils l'ont bien compris ces héroïques missionnaires qui demeurent là-bas sous le pressoir assistant paralysés à l'écroule-lement de leurs oeuvres, qu'un siècle d'efforts avait lentement édifiées, ou bien qui se voient chassés un à un sous les inculpations les plus mensongères, obligés d'abandonner les chrétiens qu'ils avaient baptisés, instruits, formés, à qui ils avaient donné leurs plus belles années, leur coeur, toutes leurs forces. Les voilà bannis de la terre bien-aimée, de la patrie de leur choix, de la famille spirituelle qu'ils ont fondée, nourrie, soutenue. Ils laissent leurs brebis, alors que retentit à leurs oreilles la parole de la Sainte Ecriture : « J'ai frappé le pasteur et les brebis ont été dispersées 3. » Ils partent angoissés et murmurent dans leur douleur la parole du divin Maître : « Mon âme est triste à en mourir 4 », mais ils savent ajouter avec Lui : « Père, que votre volonté soit faite et non pas la mienne 5. »

Si Dieu le veut — et Nous l'en supplions de toute l'ardeur de Notre coeur —, il peut arrêter le fléau, il peut faire que la résurrection suive de près la passion, que les sacrifices actuels portent bientôt beaucoup de fruits. Cela suppose que les prières de l'Eglise entière obtiennent cette grâce pour Nos fils souffrants ; et les forces spirituelles immenses, que vous représentez, Nous en donnent la vivante espérance.

L'Union Missionnaire du Clergé, en inspirant aux prêtres, intercesseurs par excellence entre Dieu et leurs frères, un plus ardent désir de l'extension du Règne de Dieu, contribuera à développer dans tous les fidèles l'esprit de prière et de sacrifice, sans lequel l'Eglise ne peut fleurir et s'étendre. Elle sera, comme Nous le disions récemment dans l'Encyclique « Evangelii prse-cones »e, la source d'où dérivent les eaux nourricières des oeuvres pontificales [2].

L'Oeuvre de la Propagation de la Foi fera prier le Dieu tout-puissant de susciter de nombreuses vocations missionnaires. Tout véritable chrétien devrait être en quelque sorte apôtre, et s'il est réservé à un petit nombre de partir en pays lointain, la Patronne de toutes les Missions, sainte Thérèse de l'Enfant

Jésus, nous enseigne à faire de notre vie chrétienne de tous les jours une offrande apostolique hautement méritoire et efficace.

L'Oeuvre Pontificale de saint Pierre Apôtre donnera un but précis à la générosité de ses adhérents, en les faisant collaborer à l'achèvement du travail missionnaire par la formation d'un clergé indigène instruit et saint.

Il Nous plaît de redire ici devant vous ce que Nous affirmions le 2 juin dernier dans l'Encyclique déjà citée : « Le zèle dépensé par le peuple chrétien pour la cause du salut des infidèles aboutit au merveilleux effet de raviver sa propre foi, et quand la ferveur pour les missions s'accroît, s'accroît également la piété 8. » La parabole du Bon Pasteur, que la Sainte Eglise remettait hier sur les lèvres de tous les prédicateurs de l'Evangile, exprime à merveille le sentiment qui Nous presse et qui anime aussi vos coeurs, Vénérables Frères et chers Fils, en face de l'effort gigantesque qui reste à faire pour qu'il n'y ait plus qu'un seul troupeau et qu'un seul pasteur. C'est l'ardent amour du Christ qui lui fait dire : « J'ai aussi d'autres brebis, qui ne sont pas dans ce bercail. Il faut que je les amène 9. » Oui, il le faut, Dieu le veut, c'est votre honneur et votre gloire d'y consacrer tous vos efforts, d'y employer toute votre ardeur apostolique. Que l'Encyclique « Evangelii Proecones », dont les collaborateurs de la Revue « Euntes docete » Nous offrent aujourd'hui un commentaire si soigné, soit votre guide et votre assurance. Courage, bons serviteurs de l'Eglise, et pour vous aider à demeurer et à devenir toujours davantage dignes de votre mission, Nous implorons sur vous-mêmes et sur les Oeuvres Pontificales qui vous sont confiées, l'abondance des faveurs divines, en gage desquelles Nous vous donnons de grand coeur Notre Bénédiction apostolique.



























42



43




DÉCRET DE LA SACRÉE PÉNITENCERIE CONCERNANT LES INDULGENCES

(30 avril 1952) 1


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS MARIAL DE LAFRIQUE DU SUD

(4 mai 1.952) 1








Son Eminence le Cardinal Canali, pénitencier majeur, a signé le Décret suivant :

La Sacrée Pénitencerie Apostolique, étant donné les facultés que SS. Pie XII lui a concédées, accorde avec bienveillance à tous les fidèles du monde qui réciteront pieusement l'invocation : « Seigneur, apprenez-nous à prier. »

1° une indulgence partielle de trois cents jours à gagner chaque fois qu'on la récitera avec le coeur contrit.

20 une indulgence plénière, aux conditions ordinaires, à gagner chaque mois si on la récite une fois chaque jour dévotement 2.

A l'occasion du premier Congrès Mariai national tenu à Durban en 1952, le Pape envoya le message suivant 2 :

Un an à peine s'est écoulé depuis que Nous Nous sommes adressé à Vous, Vénérables Frères, et à Nos chers Fils confiés à vos soins pastoraux. Notre voix apportait alors un message de joie et de félicitation pour l'établissement de la Hiérarchie catholique dans l'Union de l'Afrique du Sud, environ cent cinquante ans après la célébration de la première messe à Cape Town3. Aujourd'hui, bien que l'occasion soit différente, Nous vous saluons d'un coeur non moins plein de joie et de consolation, car, ces premiers jours de mai, vous vous êtes réunis avec un profond sentiment de gratitude et de déférence pour rendre hommage à Marie, la Mère de Dieu éternellement bénie.

Il y a quelque chose de particulièrement approprié, n'est-ce pas, en ceci que son mois suit de si près la grande fête de Pâques. Le monde chrétien tout entier frémit aux Alléluias chantés au Sauveur ressuscité. Le coeur de tout chrétien, grand ou humble, roi ou sujet, homme d'Etat ou cultivateur du sol ou travailleur des mines, se dilate dans une espérance confiante : une espérance qui adoucit la part amère de l'existence terrestre, une espérance qui défie les forces du mal dans leur lutte pour les âmes humaines et affronte la mort même, dont les terreurs


























s'évanouissent dans la lumière de la glorieuse résurrection du Christ. Car II n'a fait que précéder, ouvrant le chemin pour ceux qui Lui appartiennent et qui Le suivront4, membres du Corps dont II est la Tête.

Mais retenez les paroles de l'illustre Africain docteur de l'Eglise, saint Augustin : « Le Seigneur est ressuscité, dit-il, dans cette nature qu'il a prise de vous. Il n'aurait pu ressusciter s'il n'était pas mort ; et II n'aurait pu mourir s'il n'avait pas eu un corps de chair » 5. Or de qui reçut-Il ce corps de chair ? « Oh ! Reine des cieux, réjouis-toi — répond l'Eglise à cette question, dans la prière de louange qui revient trois fois par jour ; — oh ! Reine des cieux, réjouis-toi, parce que Celui que tu portas dans ton sein est ressuscité comme II l'avait dit. » Oui, très chers fils, dans l'amour prévoyant de Dieu, c'était le « qu'il me soit fait selon Votre parole » de Marie, qui a rendu possibles la passion et la mort et la résurrection du divin Rédempteur du monde. C'est pour cela qu'on n'ose pas séparer la Mère du Fils. Sa mort sur le Golgotha était son martyre à elle ; son triomphe est sa propre exaltation. Le témoignage de trois siècles confirme, comme le savant cardinal Newman le fait explicitement remarquer, que « les Catholiques qui ont honoré la Mère adorent encore le Fils, tandis que ceux qui maintenant ont cessé de reconnaître le Fils ont commencé par railler la Mère » 6. Avec toute l'ardeur de votre foi, soyez donc empressés à tous moments à offrir à la Vierge Mère l'hommage de votre gratitude, votre amour et votre fidélité.

La Vierge Mère ! Quelle sainte vision de pureté virginale et de douce maternité révèlent ces mots. Il n'est pas surprenant que la beauté, le charme, la sainteté de la Vierge Mère sans égale aient laissé derrière elle dans l'Eglise militante les plus doux souvenirs « comme une myrrhe de choix » 7 et une puissante influence, qui non seulement a relevé la femme de sa dégradation spéciale, mais lui a donné cet élan qui a fait d'elle une force latente, source pour la civilisation d'une vitalité renouvelée et affinée. La femme a accepté l'épreuve. Le foyer et la société civilisée ont senti le rythme stimulant d'une vie purifiée par l'amour et la sainteté de la femme. La sainteté et tout ce qu'elle comporte de courage, de maîtrise de soi, d'endurance patiente, de bonté, de modestie et de simplicité, comme cela convient harmonieusement à la femme. C'est la source de son plus grand pouvoir pour le bien ; et le cercle familial est trois fois béni là où la douce loi de la femme et des idéaux élevés désignent le chemin de la sainteté à ceux qui la respectent au-dessus de toute chose sur terre. Un résultat de ce premier Congrès Mariai dans votre cher pays sera, Nous le croyons, que les femmes de l'Union de l'Afrique du Sud prendront la haute résolution d'être de dignes dévotes de la Vierge Mère de Dieu.

Nous ne pouvons conclure sans une parole de salutation particulière aux zélés fils du vénéré évêque de Marseille Charles Eugène de Mazenod8. L'Afrique du Sud, ainsi que l'Eglise de Dieu, conserve une lourde dette envers les Oblats de Marie Immaculée pour les services qu'ils ont accomplis en un siècle de travail et d'abnégation personnelle. Nous sommes heureux de proclamer leurs mérites, et Nous prions pour que la Mère Immaculée continue à obtenir pour eux de son Fils divin toutes les grâces en abondance, qui leur permettront de poursuivre leur magnifique apostolat parmi votre peuple.

D'un coeur plein d'affection paternelle, Nous donnons à vous, vénérables Frères, à tout le clergé et à tous les fidèles participant au Congrès Mariai, la Bénédiction apostolique.






































ALLOCUTION AUX PÈLERINS VENUS A ROME POUR LA BÉATIFICATION DE ROSE VENERINI

(5 mai 1952) 1






Le dimanche 4 mai, Mère Rose Venerini était déclarée Bienheureuse ; le lendemain le Pape recevait en audience les pèlerins venus à Rome pour cette circonstance 2.

Tandis que saint Jean-Baptiste de la Salle, le glorieux Patron des Educateurs catholiques fondait en France ses premières écoles pour combattre l'ignorance religieuse et profane, la divine Providence préparait mystérieusement votre Fondatrice, chères filles de la Bienheureuse Rose Venerini, pour rendre aux fillettes le même service dans les Etats de l'Eglise.

1 D'après le texte italien des A. A.

2 Rose Venerini (1656-1728) est née filles du voisinage la religion chrétienne, dans cette tâche, un groupe de femmes jeunes filles ; ce groupe devint une une centaine de maisons en Italie et une




S., XXXXIV, 1952, p. 427.

à Viterbe, et se dévoua à apprendre aux jeunes Des collaboratrices s'étant présentées pour l'aider fut créé, spécialisé dans l'éducation religieuse des Congrégation religieuse très prospère, comptant vingtaine en Amérique du Nord.




L'origine de son Institut fut modeste comme la source des grands fleuves, parce que Dieu se complaît toujours à exalter les humbles. Invitée par son Père spirituel à réunir autour d'elle des femmes, des jeunes filles et des fillettes pour réciter avec elle le chapelet, elle se mit à leur expliquer le sens des prières, puis les principaux mystères de la foi, ensuite le reste de la doctrine chrétienne, qu'elle complétait par de sages conseils spirituels. Dans cette modeste activité se dessinait le programme des « Maestre Pie ». Dès le début, la Bienheureuse Rose enseigna pour sanctifier. Tel fut toujours son but, et tel est encore le vôtre après plus de deux siècles et demi de fécond dévouement.

Votre Mère sentait profondément les besoins spirituels de l'éducation chrétienne. Eclairée par ses premières expériences et guidée par l'instinct surnaturel de la grâce divine, elle voulut que dans les écoles fussent enseignés non seulement les textes des prières, mais encore leur signification et la manière de les méditer. Or la prière ne s'enseigne pas comme une science profane. Ne peut être maîtresse d'oraison que celle dont la propre oraison est solide, dont l'oraison habituelle est fervente et simple. Mais cela suppose une piété profonde, cette véritable dévotion que le Docteur Angélique définit justement « la volonté de se donner avec empressement aux choses qui concernent le service de Dieu »3. Votre Bienheureuse Mère posséda cette vertu au plus haut degré. Il semble pour ainsi dire qu'elle ait donné sans le vouloir la définition de sa propre piété dans son exclamation familière : « Pourvu que je fasse plaisir à Dieu, tout m'est cher ». Elle vous a enseigné à mettre le bon plaisir de Dieu au-dessus de toutes vos impressions agréables ou désagréables. Formée par ses directeurs à l'école de saint Ignace de Loyola, elle a toujours recherché la plus grande gloire de Dieu, et son Père spirituel dut reconnaître ses propres enseignements dans la réflexion que fit la Bienheureuse le jour où, devant s'éloigner, il manifesta la crainte qu'elle se décourageât et négligeât l'OEuvre : « 11 en serait ainsi, dit-elle, si j'avais entrepris cela pour être agréable au Père Martinelli, et non pour l'amour et la gloire de Dieu. »

Vous n'avez certainement pas oublié les leçons de votre Mère. Imitez-la, sanctifiez-vous pour sanctifier, comme elle le fit, toutes les fillettes qui vous sont confiées, non seulement à Rome et en Italie, mais également au-delà de l'océan, dans la grande Amérique. Vous mériterez ainsi l'éloge qu'entendit la Bienheureuse des lèvres mêmes de Notre Prédécesseur Clément XI, d'heureuse mémoire, le jour où le vénéré Pontife tint à visiter personnellement la première école de Rome. Ayant demandé qu'aient lieu les leçons habituelles, comme s'il n'était pas présent, il en demeura tellement satisfait que, devant la Bienheureuse agenouillée à ses pieds, il prononça ces paroles mémorables : « Madame Rose, vous Nous aidez à remplir Notre charge ; et vous faites ce que Nous ne pouvons faire Nous-même, et avec ces écoles vous nous sanctifierez Rome. Nous vous remercions beaucoup. »



« Vous Nous aidez à remplir Notre charge. » Oui, l'Eglise est essentiellement éducatrice. Il appartient à son rôle maternel de donner à ses enfants une vie plus abondante, et comme la période de l'enfance est la plus délicate et la plus susceptible de progrès, elle s'incline avec amour sur les enfants pour nourrir leur esprit et leur âme. En effet, comme l'a magistralement enseigné Notre glorieux Prédécesseur Pie XI, « la fin propre et immédiate de l'éducation chrétienne est de coopérer avec la grâce divine dans la formation du véritable et parfait chrétien : c'est-à-dire du Christ même chez ceux qui sont régénérés par le baptême, selon l'expression vivante de l'Apôtre : « Mes petits enfants, que je porte dans mon sein jusqu'à ce que soit formé en vous le Christ... ». L'éducation chrétienne comprend donc tout l'ensemble de la vie humaine, sensible et spirituelle, intellectuelle et morale, individuelle, domestique et sociale, non point pour la diminuer en quoi que ce soit, mais pour l'élever, la régler et la perfectionner selon les exemples et la doctrine du Christ4. »

Qui pourrait donc s'étonner que votre activité ait toujours voulu se limiter à ce seul programme, d'ailleurs si noble et vaste ? Fidèles au désir de votre Fondatrice, vous n'avez jamais accepté d'autres activités en dehors de l'enseignement, mais de la sorte vous avez pu perfectionner vos méthodes et les adapter aux conditions de la vie moderne, tout en maintenant intact l'esprit qui a de tout temps animé votre action. Le respect et l'admiration dont vous êtes à juste titre comblées reviennent ainsi, comme par votre intermédiaire, à la Bienheureuse Mère qui aujourd'hui, dans la gloire des élus, se réjouit de voir prospérer entre vos mains l'oeuvre si humblement commencée par elle.

Heureux Nous-même de votre joie filiale et implorant pour vous l'abondance des grâces divines, Nous donnons de tout coeur, à vous, à vos écoles, à vos élèves et à leurs familles, à tout votre Institut si méritant, Notre paternelle Bénédiction apostolique.










LETTRE

SON ÉMINENCE LE CARDINAL TEDESCHINI LE NOMMANT LÉGAT AU CONGRÈS EUCHARISTIQUE INTERNATIONAL DE BARCELONE

(10 mai 1952) 1






Dans la très antique ville de Barcelone, circonscrite par la mer et d'agréables collines, prospère et florissante par son étendue, par le nombre de ses habitants et son activité industrielle, tout est prêt pour que le Congrès qui se réunira à la fin de ce mois, de toutes les nations, fasse resplendir au loin un magnifique spectacle de foi et de piété envers la Très Sainte Eucharistie. Depuis longtemps, en effet, les ministres sacrés, suivant l'exemple de leurs Evêques industrieux, ne cessent pas de préparer et d'enflammer les âmes des fidèles, par des exhortations appropriées et des cérémonies religieuses, à décerner aux jours prévus les plus grands honneurs à l'Auguste Sacrement et à y recevoir les fruits de salut les plus salutaires. C'est bien à propos que ce premier Congrès eucharistique universel tenu après la guerre si dévastatrice qui secoua d'immenses régions de la terre soit célébré parmi la noble et généreuse nation espagnole. Qui ignore, en effet, combien est vivace en elle ce zèle presque héréditaire de la foi catholique, auquel on vit toujours unis le salut et la grandeur de l'Espagne ? Dans quel recoin même le plus retiré de la terre ne connaît-on pas et ne voit-on pas avec évidence son eminente piété envers l'Eglise Romaine et le Saint-Siège, souvent et brillamment prouvée au cours de tant de siècles par toutes sortes de témoignages : littérature,



* A. A. S., a. XXI, 1929, p. 758.



libéralité, défense infatigable et continuelle du catholicisme ? C'est pourquoi ce n'est pas en vain que la voix de la très fidèle Espagne retentit par toute la terre, pour attirer de partout des armées de fidèles à participer brillamment au Congrès Eucharistique de Barcelone. Le prochain Congrès traitera de manière bien opportune de la paix chrétienne ; car, comme il ressort des études faites et des rapports préparés, le sujet est d'une évidente gravité et d'une très actuelle utilité. En effet, bien que sept années aient déjà passé depuis la fin de la guerre, la paix si désirable, celle des esprits et des âmes, la paix familiale et civile, la paix entre tous les peuples et nations est toujours objet d'attente. Et pour plusieurs Etats même la paix n'a pas encore été juridiquement conclue par des traités ; d'autre part, surtout dans les pays d'Orient, subsistent non éteints de petits foyers menaçants et des brandons enflammés ; dans toutes les régions, les luttes entre classes de citoyens et factions s'exaspèrent par l'iniquité de gens malhonnêtes, au point que les fils de la même patrie semblent ennemis entre eux ; dans la vie familiale aussi, les liens du sang se sont relâchés, l'autorité des parents a été oubliée, la foi conjugale elle-même a été impunément violée et l'union et la concorde de la famille en est trop souvent brisée et anéantie. Aucune paix véritable ne peut certes subsister entre les hommes sans s'appuyer sur les enseignements, les commandements et les exemples du Christ. De ceux-ci naissent en effet spontanément l'honneur et la dignité de la personne humaine, la noblesse du devoir d'obéissance, le pouvoir de l'autorité civile, un lien très étroit entre les membres du genre humain, la sainteté du mariage et de la famille chrétienne. Or, qu'y a-t-il de plus efficace pour réaliser l'entente des individus et des peuples que le triomphe de l'Eucharistie dans les âmes et dans les nations ? Ne sera-t-il pas permis d'en espérer, comme notre mère l'Eglise le demande avec piété et confiance dans la célébration des mêmes mystères que Dieu « accorde avec abondance les dons d'unité et de paix qui sont mystiquement signifiés sous les présents offerts 2 » ? Quant à Nous, qui n'avons jamais eu et n'avons toujours rien de plus à coeur que la réconciliation des hommes et des nations et le règlement pacifique universel des conflits qui peuvent surgir, Nous approuvons et louons justement les projets et travaux entrepris dans ce but et les renforçons en même temps de Notre autorité et en quelque manière de Notre présence. Quant à vous, Notre Vénérable Frère, qui, orné de la pourpre romaine, remplissez de très brillantes fonctions auprès de ce Siège apostolique, Nous vous choisissons et déclarons par ces Lettres Notre Légat a latere, comme Nous l'avons déjà annoncé, de sorte que, tenant Notre place, vous présidiez par Notre autorité le Congrès Eucharistique universel qui va se tenir très prochainement à Barcelone. Nous avons la ferme confiance que cette célébration reproduira la splendeur du dernier Congrès Eucharistique international tenu dans la capitale de l'Espagne et qui fut si loué par notre Bienheureux Prédécesseur Pie X, en ces termes : « Il fut manifeste que l'Espagne catholique, en présence d'hommes éminents du monde entier, a voulu montrer qu'elle ne le cédait à personne dans l'amour pour Jésus-Christ et dans le culte de la religion, tout entière orientée vers l'Eucharistie : on le vit magnifiquement lorsque des hommes si nombreux, de tout milieu, avec un tel élan de leurs âmes, donnèrent publiquement de si magnifiques témoignages de piété 3. » Animé de cette agréable confiance, en présage du secours divin et en gage de Notre particulière affection, Nous vous accordons de grand coeur dans le Seigneur la Bénédiction apostolique, à vous, Notre Vénérable Frère, à l'Evê-que zélé de Barcelone, aux autres Evêques, et à leur clergé et familles religieuses, aux associations d'Action Catholique, aux distingués hommes d'Etat et au peuple espagnol tout entier qui Nous est si cher.



chronique sociale de france



185












LETTRE A M. JOSEPH FOLLIET DIRECTEUR DE LA CHRONIQUE SOCIALE DE FRANCE

(14 mai 1952)1




A l'occasion du soixantième anniversaire de la « Chronique Sociale de France » — revue de doctrine et d'action fondée en 1892 à Lyon par Victor Berne et Marius Gonin, organe des Semaines Sociales de France — la Lettre autographe suivante a été adressée à M. Joseph Folliet, directeur de la revue :

Nous apprenons avec plaisir que vous vous apprêtez à célébrer solennellement, sous le haut patronage du Cardinal-Archevêque de Lyon, le soixantième anniversaire de la Chronique Sociale de France et Nous saisissons volontiers l'occasion de ces fêtes jubilaires pour adresser d'un coeur paternel à tous les responsables de cette revue catholique, Nos félicitations et Nos encouragements.

En 1891, la « grande Charte de l'activité sociale chrétienne », que fut l'Encyclique Rerum Novarum, s'achevait sur un pressant appel : « Que chacun se mette sans délai à la part qui lui incombe, de peur qu'en différant le remède, on ne rende incurable un mal déjà si grave. » Or, dès l'année suivante, faisant écho aux paroles pontificales, deux jeunes catholiques lyonnais, Victor Berne et Marius Gonin, lançaient avec confiance une feuille, encore modeste, dont ils fixaient l'orientation en un commun article intitulé : « Vive le Pape ! » Après soixante ans de labeur, souvent difficile et ingrat, la Chronique Sociale de France s'honore d'être demeurée fidèle à ses origines : aujourd'hui comme hier, et selon les consignes mêmes de Marius

Gonin, cet humble et infatigable artisan du catholicisme social, « elle s'attache à faire connaître et à propager l'enseignement traditionnel et les directives de la Papauté, touchant la personne, la famille, la profession, l'Etat, les relations internationales ».

Qui s'étonnerait au surplus qu'un tel programme d'action ait rassemblé, dès les débuts, une élite de collaborateurs trop peu nombreux alors, mais dont plusieurs ont grandement servi l'Eglise : tels un Albert de Mun, un Léon Harmel, un Giuseppe Toniolo, et, par la suite, un Georges Goyau et un Eugène Duthoit ? Qui s'étonnerait qu'il ait fait fleurir autour de la revue des initiatives aussi heureuses que l'institution des Semaines Sociales de France ou la création des premiers Secrétariats Sociaux ? Il Nous plaît surtout de souligner, en cet anniversaire, l'admirable fécondité de la prompte obéissance de vos fondateurs aux consignes de Notre illustre Prédécesseur.

Héritière de ces traditions, votre revue poursuit aujourd'hui sa tâche, que les circonstances actuelles rendent plus utile que jamais. Contre la séduction de tendances erronées ou téméraires, de quelque esprit qu'elles se réclament, la Chronique Sociale de France entend toujours se prémunir par une exacte fidélité au magistère de l'Eglise, et elle sait que cette docilité filiale n'exclut ni une saine liberté de la réflexion, ni l'étude objective des conditions sociales de la vie moderne. Telle est votre ligne de conduite. Et c'est pourquoi, reprenant volontiers à votre intention les paroles que Nous adressions, il y a onze ans, à tous Nos fils pour commémorer le cinquantenaire de l'Encyclique Rerum Novarum, Nous ne saurions mieux faire que « de vous exhorter à poursuivre et développer l'oeuvre que vos frères et vos soeurs de la génération précédente ont fondée d'un coeur si courageux... Gardez la noble flamme de fraternel esprit social qu'il y a un demi-siècle la torche lumineuse et rayonnante de Léon XIII a rallumée dans les coeurs de vos pères... Nourrissez-la, cette flamme, avivez-la, élevez-la, dilatez-la !2 ».

Dans l'espoir de cette nouvelle croissance, Nous souhaitons à votre revue — et aux institutions sociales qui travaillent en étroite union avec elle — l'appui compréhensif et généreux des catholiques de France, et, en gage de l'assistance divine, Nous vous accordons, ainsi qu'à tous ceux, prêtres et laïcs, qui partagent vos labeurs, Notre paternelle Bénédiction apostolique.








ALLOCUTION A UN GROUPE D'EMPLOYÉS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

DE ROME

(18 mai 1952) 1




En ce dimanche, plus de 2000 fonctionnaires du Ministère de la Défense Nationale de Rome, après avoir accompli leur devoir pascal, au cours des semaines précédentes, furent reçus en audience par le Pape.

Nous avons eu récemment la consolation de recevoir quelques milliers d'employés de Ministères, venus Nous demander la Bénédiction apostolique après avoir satisfait au précepte pascals. Et voici qu'aujourd'hui cette vaste salle est de nouveau remplie d'employés appartenant à un autre Ministère, et qui Nous demandent également une parole d'exhortation et d'encouragement. A vous aussi, chers fils, Nous souhaitons donc, avec une paternelle affection, la bienvenue, heureux de rencontrer des âmes qui savent et veulent contribuer — dans la mesure où cela dépend d'elles — à renouveler et transformer de plus en plus, spirituellement, le visage de Rome, Ville Eternelle, centre et phare de civilisation humaine et chrétienne. En ce temps pascal la liturgie sacrée a offert à notre méditation les récits évangéliques des apparitions du Sauveur ressuscité aux Apôtres et aux disciples, et Nous sommes resté frappé par le salut affectueux et répété qu'il leur adressait : Pax vobis. Que la paix soit avec vous !

Pie XII rappelle les efforts qu'il a faits en faveur de la paix.

A l'imitation du Rédempteur divin, Nous-même, depuis que le Seigneur a voulu Nous élever, bien qu'indigne, au Suprême

Pontificat, Nous n'avons rien omis pour défendre la paix, pour avertir les dirigeants et les peuples des périls de la guerre, pour en circonscrire et modérer les désastreuses conséquences. Dans un véritable esprit de sincérité Nous pouvons Nous demander : Quid est quod ultra debuimus facere, et non fecimus ? Que devions-Nous faire de plus que Nous n'ayons pas fait3 ?

Le mois dernier encore, au cours d'une audience aux déléguées participant au Congrès de l'Union Mondiale des Organisations Catholiques Féminines4, Nous avons élevé la voix en faveur de la paix et confié aux femmes — épouses et mères qui ont tant souffert lors de la dernière conflagration — la tâche de messagères et d'ouvrières de paix dans ce monde si tourmenté, sinon par une véritable volonté de guerre, tout au moins par un tel ensemble de différends, de soupçons, de fins et actions opposées dans le domaine économique et politique, que la tension — à un moment déterminé — pourrait finir par rendre inévitable le conflit.



Mais chacun doit commencer par faire rayonner la paix autour de lui.

C'est pour cela qu'aujourd'hui, en vous adressant au nom de Jésus la parole de souhait Pax vobis, Nous n'entendons pas faire directement allusion à la paix du monde, mais plutôt à celle que chacun de vous doit avoir en soi, doit réaliser dans la famille et dans le lieu du travail. Il n'est pas possible autrement d'instaurer un monde pacifique ; et d'ailleurs à quoi servirait-il de vivre dans celui-ci si l'on avait la tempête dans le coeur ? A quoi servirait-il de demeurer dans une ville sans factions ni luttes, si ensuite votre famille était elle-même le théâtre de heurts continuels entre mari et femme, entre parents et enfants, entre frères et soeurs ?

Que la paix soit avec vous ! C'est-à-dire qu'il y ait en vous la tranquillité de l'ordre. Or il y a l'ordre quand toute chose est à sa place. En revanche quand les choses — toutes ou quelques-unes — sont hors de leur place, il y a bien le désordre, qui est toujours le principal obstacle à l'avènement de la paix.



1 D'après Je texte italien de VOsseroatore Romano, des la et 20 mai



3 Cf. Is., 5, 4.

4 Cf. p. 132.

188



documents pontificaux



defense nationale de rome



189







En tout premier lieu. Dieu doit partout être à sa place.

Mais, maintenant, réfléchissez, chers fils : Dieu est toujours et partout à sa place. Il est à sa place non seulement dans les églises, mais également dans les coeurs, dans les esprits, dans les familles, dans les lieux de travail, dans les rues et dans les places, dans les partis et dans les syndicats, dans les communes et dans les parlements. Il a tout tiré du néant, tout vient de Lui ; tout donc Lui appartient, absolument, sans limites de temps, de lieu, de circonstances. Aussi quand un homme ou un certain nombre d'hommes, faisant mauvais usage du libre arbitre, considèrent ou traitent Dieu comme un étranger dans un domaine quelconque de la vie privée ou publique, voilà le désordre, voilà la condition préalable pour y détruire la paix.

Plus qu'autrefois, Dieu règne sur les coeurs d'un grand nombre de laïcs.

Chers fils ! A Notre regard n'échappe certainement point la merveilleuse vision de véritables phalanges d'âmes, spécialement de jeunes, bien conscientes d'avoir été faites par Dieu et de Lui appartenir. Ames joyeusement et saintement fières d'être dominées par Lui, de se donner entièrement à Lui ; âmes devenues Son tabernacle vivant, des instruments vivants dont II peut se servir pour travailler parmi les hommes. Peut-être l'Eglise n'eut-elle jamais comme aujourd'hui, dans les rangs du laïcat, un tel nombre d'âmes qui, jour après jour, se nourrissant de Jésus, se transforment peu à peu en Lui. Et Nous n'ignorons pas que tant et tant d'esprits généreux travaillent et luttent, avec ténacité, bien que sans bruit, pour le triomphe de Jésus dans le monde, pour la primauté de Dieu en toutes choses, pour changer d'humain en divin le monde même dans toutes ses structures.



Mais à l'opposé Dieu est exclu d'autres coeurs.

Mais il est vrai aussi — et cela Nous afflige profondément — que chez d'autres on travaille et on lutte pour proscrire Jésus des âmes, des familles, des écoles, des lieux de travail, des parlements. On veut enlever Dieu de sa place, et ainsi — parfois peut-être sans s'en rendre compte — on provoque le désordre, on tue la paix. Nous savons que même d'innocents enfants demeurent victimes de cet assassinat sans effusion de sang, mais épouvantable ; Dieu étant détruit dans leurs coeurs, ils se trouvent transformés en de petits démons déchaînés contre Dieu même et contre son Eglise. Celui qui accomplit ce crime peut-il prétendre qu'il veut la paix ? Et quel morceau de pain pourrait être donné en échange d'un si grand ravage ? Nous savons des familles où l'on ne respire que la haine. Qui a tué chez elles l'amour, qui a enlevé Dieu de ces coeurs, peut-il donc être appelé un ami de la paix ? Et quel salaire pourrait être estimé suffisant pour y rendre la vie supportable ?



Chacun a donc à faire son examen de conscience à ce sujet.

Chers fils ! Que la paix soit surtout dans le coeur de chacun de vous. Et alors ayez soin que dans votre âme règne l'ordre et que Dieu n'en soit pas absent.

Voici un mois environ, vous vous êtes réconciliés avec Lui et vous L'avez accueilli en vous, en recevant la sainte Communion pascale. Mais à présent, Nous vous demandons : est-Il encore dans votre âme ? Ou est-Il déjà redevenu un étranger, au moins pour quelques-uns d'entre vous, parce qu'il n'y a plus de place pour Lui dans leur esprit, dans leur coeur, dans leur volonté ? Si l'un de vous n'avait plus Dieu, il serait en proie au désordre et n'aurait pas la paix. Et quand bien même il demeurerait seul, que cesserait autour de lui la rumeur de la ville et qu'il s'immobiliserait dans le calme du silence nocturne, il sentirait en lui le vide et une inquiétude pour ainsi dire désespérée. Peut-être la nourriture ne manque-t-elle point, ni les vêtements, ni les remèdes ; mais il manque tant : il manque Dieu et avec Lui manque la paix, parce que le coeur humain, fait pour Dieu, ne trouve pas de sérénité tant qu'il ne repose pas en Lui.



Il faut restaurer la paix dans les familles.

En second lieu, que la paix soit avec vos familles. On dit — et pas toujours à tort — que la cause de luttes et de discordes dans quelques familles est le manque de ce qui est nécessaire à la vie. Nous avons souvent et hautement proclamé que l'on ne peut parler d'ordre chrétien, tant que n'auront pas été accomplis tous les efforts afin que tous aient la possibilité de mener une vie digne d'êtres humains. Mais il est également vrai que dans plus d'un cas la raison est tout autre. Il y a des familles auxquelles rien ne fait défaut de ce qui devrait rendre heureux

les hommes ; et cependant elles ont le tourment et l'agitation dans le foyer : époux désunis, trahisons de la fidélité conjugale, enfants sans respect et rebelles, litiges, rancoeurs ; en un mot, désordre. Quelque chose n'est pas à sa place. Regardez bien : il manque Dieu. Dieu est étranger dans ces maisons. On ne prie pas ; on ne parle ni agit sous son regard ; on se passe de Lui en tout ; on se dresse même contre Lui et contre ses commandements. Dans d'autres familles, en revanche, même d'humble condition, on voit une si grande sérénité, une si grande paix. Et cependant il y a une nichée d'enfants ; le père est un modeste employé, mais, souverain incontesté, Dieu règne au milieu d'eux. Et voici des mères qui font des miracles pour que rien ne manque à personne ; voici des pères honnêtes et affectueux ; des enfants qui semblent des joyaux de bonté. Du fond de Notre coeur paternel, Nous vous souhaitons cette paix. Faites que le coeur de Jésus règne dans vos foyers en Seigneur absolu. Il essuiera vos larmes ! Il sanctifiera vos joies ; Il fécondera votre travail ; Il bénira votre vie ; Il sera près de vous à l'heure du dernier soupir.



Il faut que la paix règne dans les milieux de travail.

Enfin que la paix soit dans vos lieux de travail. Essayez d'y faire entrer Dieu ; essayez de penser, de parler, d'agir en sa présence, avec Lui, qui non seulement surveille, mais suggère et pour ainsi dire guide vos mouvements. Dans les bureaux où Dieu est à sa place, la conversation malsaine n'entre pas facilement, on ne jette pas la boue sur les choses les plus saintes, on ne reste pas oisif au grave détriment du bien public. Faites que Dieu soit au milieu de vous ; il n'y aura pas à craindre que les dossiers des affaires qui vous sont confiées demeurent inutilement et longuement sur votre table, dans l'attente d'être menées à bonne fin.

Si, en revanche, Dieu était traité en étranger, peut-être en intrus ou même en ennemi, il y aurait le désordre dans votre travail. Et alors le travail n'ennoblit pas, mais dégrade. Le travail fait avec Dieu et pour Dieu est une oeuvre humaine qui se transforme en oeuvre divine. Il est une prière.

Avec ces sentiments, Nous vous donnons de grand coeur, ainsi qu'à vos familles, à vos collègues de bureau, à tous ceux qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.










Pie XII 1952 - ALLOCUTION AUX CONFERENCES DE ST-VINCENT DE PAUL