Pie XII 1952 - ALLOCUTION AUX ENFANTS DE MARIE


LETTRE DE MGR J.-B. MONTINI SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ETAT A LA MÈRE PRIEURE DU CARMEL DE LISIEUX

(22 mai 1952) 1






En cette année 1952, le Carmel de Lisieux célébrait le XXVe anniversaire de la proclamation de Sainte Thérèse comme Patronne des missions ; c'est pourquoi la Mère Prieure reçut la Lettre suivante :

Ce n'est pas sans une douce émotion que Sa Sainteté voit s'accomplir les noces d'argent du patronage missionnaire de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus. En 1927, deux ans seulement après sa canonisation, le grand Pape Pie XI, qui en avait fait l'Etoile de son Pontificat, exauçant les voeux de la catholicité entière et surtout du monde des Missions, la donnait, au même titre que Saint François-Xavier, comme l'Ange gardien spécialement commis à la protection des ouvriers de l'Evangile en terres infidèles.

Peut-être alors d'aucuns s'étonnèrent-ils qu'une humble carmélite, morte à 24 ans, dans son couvent lexovien, fût placée à la tête de l'armée missionnaire, aux côtés du vaillant Capitaine que fut, au XVIe siècle, l'intrépide apôtre des Indes et du Japon. Ce serait bien mal connaître l'économie surnaturelle de la grâce. Sans doute, les grandes et héroïques actions qu'accomplit un Saint François-Xavier, à la conquête des âmes encore assoupies dans les ténèbres et à l'ombre de la mort, ne seront-elles jamais assez applaudies et exaltées. Saint Paul, le premier, n'en a-t-il pas donné un retentissant exemple par ses entreprises apostoliques ? Mais n'estimait-il pas lui-même que tant de voyages et de travaux n'eussent pourtant servi à rien, si la di-







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vine charité n'en eût été le principe et l'accompagnement ? C'est cette haute et salutaire leçon, qu'à coup sûr, l'Eglise a voulu nous donner en nommant la vierge de Lisieux patronne des Missions. N'a-t-elle pas montré, en effet, que, pour être missionnaire, il fallait d'abord avoir l'âme missionnaire ? Cette flamme surnaturelle, elle l'a eue, elle-même, au plus haut degré, comme en font foi ses écrits ou ses mots brillants comme les éclairs qu'a recueillis son procès de béatification. Ne rapporterait-on que cette parole de l'Histoire d'une âme, qu'on aurait déjà tout dit des aspirations apostoliques de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus : « Je voudrais être missionnaire, écrivait-elle, non seulement pendant quelques années, mais je voudrais l'avoir été depuis le commencement du monde et continuer de l'être jusqu'à la consommation des siècles. » Une telle ardeur missionnaire, embrassant le monde entier et tous les âges, lui faisait donc choisir (dussent les esprits superficiels en être surpris), la profession carmélitaine, où l'holocauste qu'elle ferait d'elle-même, — holocauste silencieux et caché, — mais complet — donnerait à sa sublime vocation son efficacité la plus entière, son achèvement le plus parfait. Et, n'eût été la maladie, qui la retenait au rivage, elle se fût embarquée pour le Carmel d'Hanoï pour mieux déclarer ainsi tout ensemble ses incoercibles aspirations contemplatives et missionnaires.

Toute sa vie de moniale fut donc, on peut bien le dire, au service des Missions de même qu'elle continuera au Ciel son intercession en leur faveur, comme elle l'assure à la veille de sa mort, dans une lettre à l'un de ses frères spirituels, le R. P. Roulland, des Missions Etrangères de Paris. Le vingt-cinquième anniversaire de son patronage sera donc l'occasion, non seulement d'une Exposition missionnaire, à l'ombre du cloître où repose glorieusement sa sainte dépouille, mais aussi de conférences, de prédications, de cérémonies religieuses, illustrant les hautes raisons qui l'ont fait déclarer par l'Eglise, avec Saint François-Xavier, souveraine protectrice des Missions.

2 Cf. Documents Pontificaux p. 195.




C'est assez dire combien le Saint-Père, au lendemain de Son Encyclique Evangelii praecones2, qui enregistre avec fierté les progrès réalisés depuis cinq lustres par l'armée missionnaire — depuis le jour par conséquent où sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus reçut des mains du Vicaire de Jésus-Christ, son céleste

carmel de lisieux

patronage — se réjouit des perspectives qu'ouvre devant son auguste regard la prochaine célébration d'un jubilé dont II attend de si grands bénéfices pour la sanctification des missionnaires comme pour la conversion des infidèles, celle-ci ne pouvant aller d'ailleurs sans celle-là. Il invoque ardemment Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus pour qu'au cours de cette année surtout, elle fasse tomber une pluie de roses plus abondante que jamais sur les terres immenses, fermées encore ou trop peu ouvertes à la lumière de l'Evangile, sur celles en particulier, où sévit le fléau d'une persécution larvée ou sanguinaire qui ne pourra être pourtant que la semence de nombreuses et florissantes chrétientés. Enfin, comment les fidèles eux-mêmes, quels qu'ils soient, où qu'ils soient, ne tireraient-ils pas de cette célébration un très salutaire enseignement ? N'est-ce pas à leur intention que, dans Son Discours aux membres des Oeuvres Pontificales Missionnaires, le Saint-Père affirmait : « Tout véritable chrétien devrait être en quelque sorte apôtre, et s'il est réservé à un petit nombre de partir en pays lointain, la Patronne de toutes les Missions, Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, nous enseigne à faire de notre vie chrétienne de tous les jours une offrande apostolique hautement méritoire et efficace. »

Considérant donc l'ampleur et la ferveur des manifestations qui marqueront ce grand jubilé thérésien, le Souverain Pontife a daigné dans sa bienveillance à l'égard d'un sanctuaire dont il fut Lui-même jadis l'éminent Pèlerin, rehausser l'éclat des cérémonies commémoratives de faveurs spirituelles dont un Décret de la Sacrée Pénitencerie vous précisera prochainement les modalités 3.

Le Vénéré Pontife sait aussi, Ma Révérende Mère, combien votre Communauté, par ses prières et son esprit de sacrifice, s'emploie à faire grandir le culte de la Patronne des Missions jusque sur les plus lointaines plages où s'étend son bienfaisant rayonnement. Aussi vous félicite-t-Il, en formant de paternels souhaits pour que, continuant les nobles traditions d'une Prieure de bénie mémoire, vous conduisiez le cher Carmel de Lisieux dans les voies d'une sainte prospérité. C'est afin que se réalise plus sûrement un voeu qui Lui est cher, que Sa Sainteté vous envoie de grand coeur ainsi qu'à toute votre famille religieuse, l'insigne faveur de la Bénédiction apostolique.

3 Lorsque Pie XII était Cardinal Secrétaire d'Etat il fut envoyé comme légat de Pie XI au Congrès de Lisieux, le il juillet 1937, lors de la consécration de la Basilique.

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LETTRE

A LA JEUNESSE CATHOLIQUE ALLEMANDE

(23 mai 2952) 1




Tous les ans, en la fête de la Sainte Trinité, la Jeunesse Catholique Allemande organise une grande manifestation de Foi. Aussi le Saint-Père s'empresse-t-il de féliciter ces jeunes.

Vous célébrez, en la Fête de la Sainte Trinité, la Journée de la Foi devenue désormais pour vous un précieux héritage à transmettre d'une décade à la suivante, d'une génération à l'autre ; et par l'intermédiaire de votre Protecteur, Notre vénérable Frère l'Evêque de Mayence, vous Nous avez demandé de vous adresser Notre parole et la Bénédiction apostolique pour le « dimanche de la Jeunesse » de cette année.

Volontiers et de tout coeur, Nous vous accordons l'une et l'autre : avec cette fierté et cette satisfaction qu'éprouve le Vicaire du Christ à la pensée que, réunis dans des milliers d'églises, autour de la Croix et de l'autel, vous professez votre foi dans le Christ et dans l'Eglise et que, de nouveau, vous vous engagez solennellement à observer les commandements de Dieu, à vous préparer par une jeunesse sans tache et dans une joyeuse activité à votre profession, à votre famille future et au service spécial du Seigneur auquel vous voulez vous consacrer, ainsi qu'aux tâches qui vous attendent dans la vie publique comme membres de la Nation et de l'Etat.

De tout coeur Nous vous accordons Notre parole et Notre bénédiction en raison de l'intime affection qui Nous lie à tous les membres de l'Eglise de toutes les parties du monde, mais d'une manière particulière à vous les jeunes, parce que c'est vous qui, avant peu, devrez succéder comme défenseurs de la cause de Dieu dans un avenir que, sur le plan humain, on prévoit sévère et dangereux, de toute façon chargé de problèmes difficiles. Aussi Notre coeur paternel vous réserve-t-il sa compréhension, sa solidarité, sa sollicitude empressée, sa charité.

Cette année, le mot d'ordre de votre Journée de la Foi déclare : « Le salut de notre peuple, c'est le Seigneur ». Cette parole exprime bien, avant tout, une vive action de grâces à Dieu Tout-Puissant. Lorsque vous songez, en effet, à l'écroulement qui, voici sept ans, menaçait de vous engloutir inexorablement, responsables et non responsables, coupables et innocents, et que vous voyez aujourd'hui, en revanche, votre Patrie et votre peuple vivre encore et se raffermir, vous devez alors reconnaître ouvertement : « C'est par la miséricorde de Dieu que nous ne sommes pas détruits 2. » C'est Dieu qui vous a sauvés. Que de vos coeurs, de vos lèvres s'élèvent, en cette heure, la louange, et l'adoration vers Lui, protecteur puissant dans le besoin.

Mais que cette parole soit également pour vous un engagement pour le présent et pour l'avenir.

Malgré votre jeunesse, vous avez déjà fait l'expérience que certains systèmes qui se font l'illusion de conduire, sans Dieu ou contre Dieu, au bien-être, à la félicité et à la puissance, ne deviennent rien d'autre qu'un fléau pour leur propre peuple et pour les autres, avant de finir dans une ruine sans pareille. Pour que le bien-être et la puissance deviennent une bénédiction et non point une malédiction pour les peuples, ils doivent être fondés sur Dieu, sur la reconnaissance sans condition de sa souveraineté et sur l'accomplissement de sa volonté.

Vous êtes si heureux dans la pleine possession de la vérité divine et de tout le patrimoine que nous avons reçu dans Jésus-Christ, dans sa rédemption et dans son Eglise. Ce patrimoine, c'est-à-dire votre Foi catholique vous engage.

Elle vous engage avant tout à vos propres yeux. Avancez devant Dieu, vivez selon votre Foi, et pas seulement dans les rituelles et solennelles célébrations religieuses. La séparation entre la religion et la vie, — comme si Dieu n'existait nullement pour la réalité de l'être, pour la profession, pour l'économie, pour les institutions publiques, — cette séparation est, malheureusement, un des signes de la décadence de la culture chré-












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tienne ; elle est la cause comme également l'effet de la laïcisation de l'homme tout entier. Vous devez vous prémunir contre cette décadence. Soyez donc des chrétiens, toujours et partout fiers de l'être devant Dieu, les jours ouvrables comme les jours fériés, à l'usine comme à l'église, dans le divertissement et dans le sport comme dans l'austère travail, dans la vie extérieure agitée comme dans l'intimité de la maison et de la famille.

Vivre ainsi sous le regard de Dieu prend l'homme tout entier. Malheureusement il existe un désir frénétique de plaisir et de luxe ; ¦ vous vous y opposerez et vous vous imposerez à vous-mêmes une limite là où la simplicité chrétienne et la gravité de l'heure marquent la frontière de ce qui est permis. Il y a en outre la décadence angoissante de la moralité publique. Quand l'Etat pose avec ses lois des barrières contre les propos obscènes, contre les illustrations et les représentations cinématographiques et théâtrales, il accomplit son devoir élémentaire. Mais c'est vous-mêmes qui devez être, contre la marée de l'immoralité, la plus forte digue, avec votre volonté résolue et ferme de ne contribuer en rien à fouler aux pieds la loi de Dieu et la dignité humaine ; avec votre volonté résolue et ferme d'obtenir ce qui, en n'oubliant ni Dieu ni ses droits, ennoblit, purifie et sanctifie.

Le mot d'ordre de notre époque est vraiment celui de ne pas faiblir, de ne pas céder, mais de demeurer fermes, fidèles à la loi de Dieu et aux bonnes moeurs, dans les meilleurs comme dans les plus difficiles moments vécus par l'Eglise. Seule une jeunesse qui pense et agit de la sorte pourra réaliser une vie conjugale et familiale heureuse et digne de l'homme ; seule une telle jeunesse pourra oser monter à l'autel de Dieu et se consacrer sans réserve au service du Seigneur. On ne gagne pas le Ciel par la lâcheté, mais par le courage et par l'abnégation.

Mais la Foi catholique vous engage également envers les autres, envers tous ceux qui, sortis de vos rangs, se sont perdus dans l'erreur. Vous ne devez point vous accorder de repos tant que vous ne les aurez pas reconquis. Elle vous engage encore envers ceux qui n'ont pas eu votre chance d'avoir la véritable Foi dès le berceau, mais qui la cherchent cependant et la désirent ardemment. L'aide la plus précieuse que vous puissiez leur offrir, une aide sans laquelle tous les autres moyens et toutes les autres tentatives faites pour les convertir manquent d'efficacité, c'est la prière et l'exemple d'une conduite intègre et vraiment catholique.

Si, maintenant, Nous vous exhortons à développer en vous, avec la grâce divine, les vertus religieuses du catholique, Nous le faisons parce que Nous sommes fermement convaincu que les véritables membres de l'Eglise sont aussi par cela même les véritables membres de la société humaine. Nous estimons opportun de vous dire cela, à vous, à la Jeunesse catholique d'Allemagne, précisément en cette époque. Un lourd héritage du passé, un présent péniblement conquis, un avenir plein d'inconnu caractérisent les conditions de votre Patrie.

C'est un double péril qui menace actuellement la jeunesse. Les uns, égoïstes, qui ne se soucient que d'eux-mêmes, se soustraient le plus possible aux devoirs envers la Patrie, indifférents à tout ce qui concerne la vie publique, uniquement soucieux de se procurer, par n'importe quel moyen, leur propre avantage. Les autres réclament et s'agitent pour des solutions rapides, pour une reprise prodigieuse du jour au lendemain. La Jeunesse catholique ne peut être ni avec les uns ni avec les autres.

Certes, un grand nombre de jeunes Allemands peuvent éprouver de l'amertume en considérant leur Patrie d'aujourd'hui. Une Patrie dévastée, perdue ; des paroles usées et abusées sur les questions nationales ; la vie quotidienne absorbée par les soucis matériels ; les dimanches et jours de fête menacés par une vague de plaisirs sensuels : est-ce cela, la Patrie ? Mais le chrétien voit davantage et voit plus profondément. Il voit également ce qui, avec l'aide divine, est resté à la Patrie et au peuple, ou leur fut rendu après la catastrophe ; et il voit ce qui est en train d'opérer silencieusement dans l'esprit de millions et millions de personnes pour le bien de tous, c'est-à-dire une saine conception de la famille et la ferme volonté de conserver l'existencr de l'Etat et de garder un ordre juridique et de paix nationale et internationale. C'est précisément là le côté bienfaisant de votre malheur : le fait que vous ayez pu, après l'exaltation nationaliste, ouvrir les yeux sur ces deux bases indispensables à la vie de tout peuple. En effet un peuple ne peut conserver sa grandeur nationale sans ces valeurs : et le passé le démontre ; mais avec elles il peut consolider sa dignité nationale : et c'est démontré par le présent. L'Allemagne a l'avantage d'une amère expérience par rapport aux peuples qui seraient tentés d'exagérer le sentiment national. Puisse-t-elle ne jamais plus l'oublier.

Jeunesse catholique d'Allemagne ! Aujourd'hui moins que jamais il n'y a de place ni de temps pour les luttes de classes,

pour l'égoïsme de groupes économiques et sociaux, pour ceux; qui demandent seulement et ne donnent rien. C'est dans l'autodiscipline des citoyens que repose la force de l'Etat, spécialement démocratique, s'il est vraiment tel et tel veut demeurer.

Soyez donc fidèles à la voix et à la volonté du Créateur, et mettez-vous à la disposition de l'Etat pour fonder un ordre durable du droit et de la paix, à l'intérieur et à l'extérieur.

Nous vous consacrons, vous, Jeunesse catholique d'Allemagne, tout votre être, âme et corps, votre présent et votre avenir, votre volonté et vos intentions, vos luttes, espérances et victoires, votre fidélité à la sainte Foi et votre progrès en elle jusqu'à la maturité du parfait chrétien 3, Nous consacrons tout cela à Marie, votre Reine et votre Mère, pour qu'elle vous prenne sous sa puissante protection et soit votre avocate auprès de Dieu. Nous prions pour que vous soyez tous comblés de la science comme de la grâce, de la charité et des vertus de Jésus-Christ « qui est par-dessus toutes choses Dieu béni dans les siècles » 4.

En gage de tout cela, avec une paternelle bienveillance, Nous donnons la Bénédiction apostolique à vos aumôniers, à vos dirigeants, à vous tous ainsi qu'à toute la jeunesse de votre Nation.










DÉCRET DU SAINT-OFFICE CONDAMNANT LES OEUVRES DANDRÉ GIDE

(24 mai 1952) 1






Dans la réunion plénière du mercredi 2 avril 1952 de la Suprême Congrégation du Saint-Office, les Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux préposés à la défense de la foi et des moeurs, sur l'avis des Révérendissimes Consulteurs, ont condamné les oeuvres complètes d'André Gide 2 et ont ordonné leur inscription au catalogue des livres prohibés.

Le jeudi suivant, 3 avril 1952, Notre Saint-Père le Pape, Pie XII, dans l'audience accordée à Son Em. Révérendissime l'Assesseur du Saint-Office, a approuvé la décision des Eminentissimes Pères qui lui était soumise, l'a confirmée et a ordonné sa publication.


























office catholique du cinéma



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LETTRE DE MGR J.-B. MONTINI SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A M. L'ABBÉ BERNARD, PRÉSIDENT DE L'OFFICE CATHOLIQUE INTERNATIONAL

DU CINEMA

(25 mai 1952) 1






Du 22 au 25 mai 1952 se tenaient à Madrid des Journées d'Etudes organisées par l'O.C.I.C. sur l'éducation par le Cinéma. Montrant son intérêt pour ces assises, le Saint-Siège fit parvenir la lettre suivante au Président :

Les Journées d'Etudes Internationales sur l'Education Cinématographique, qui feront suite à la réunion annuelle du Conseil Général de l'O.C.I.C. à Madrid, offrent, par leur sujet même un incontestable intérêt et méritent de retenir l'attention des éducateurs chrétiens. Aussi suis-je heureux de me faire auprès de vous l'interprète des paternels encouragements que le Saint-Père adresse aux organisateurs et aux participants de ces prochaines Journées.

La technique et l'art du Cinéma ont, depuis quelques décades, connu des développements si rapides, l'influence qu'il exerce de fait sur la jeunesse est si considérable, que l'éducateur chrétien ne peut aujourd'hui éluder le problème ainsi porté à sa conscience professionnelle. Et, s'il l'aborde, ne doit-il pas tendre à se faire une alliée d'une « force si puissante et universelle » qui, bien orientée, « peut servir très efficacement aux fins supérieures de perfectionnement social et individuel » 2 ? C'est dans cet esprit que les membres des Journées de Madrid auront à coeur de prendre une claire conscience de la situation créée dans les divers pays par le progrès du Cinéma, d'en mesurer les répercussions, fâcheuses ou favorables, sur la formation de l'intelligence, du caractère, de la sensibilité des jeunes spectateurs, d'apprécier enfin les possibilités éducatives et instructives de cet art nouveau qui, depuis longtemps, a cessé d'être une simple attraction secondaire. Tâche d'information objective, mais aussi de prudente réflexion et de résolution pratique.

Pour guider vos travaux et garder votre jugement des enthousiasmes précipités comme des réserves timorées, les avertissements et les directives du Souverain Pontife et de son Vénéré Prédécesseur ne vous manqueront pas ; à plusieurs reprises déjà, Ils ont abordé le sujet qui retient aujourd'hui votre attention. Et, de façon plus générale, les récents discours de Sa Sainteté sur les obligations de la conscience chrétienne et sa formation face aux problèmes de l'heure éclaireront utilement vos débats 3 car, s'il est vrai que les procédés d'éducation et d'instruction évoluent au rythme des découvertes scientifiques, les règles morales qui président à leur usage doivent se référer aux principes immuables que le Saint-Père a jugé opportun de rappeler avec fermeté.

D'ailleurs, l'attention particulière que porte le Saint-Siège aux problèmes du Cinéma, dont l'influence s'avère si puissante sur la conscience humaine, s'est récemment manifestée comme vous le savez, par la constitution de la Commission Pontificale pour la Cinématographie, établie dans la Cité même du Vatican et chargée d'assurer la fidèle exécution des directives pontificales en ce domaine.

De tout coeur, le Souverain Pontife souhaite que les futures Journées de Madrid trouvent une large audience dans les milieux qualifiés et, en gage des grâces qu'il appelle sur leurs travaux, Il vous accorde bien volontiers, ainsi qu'à vos collaborateurs, une paternelle Bénédiction apostolique 4.



3 Cf. pp. 92 et 132.

4 Parmi les Documents récents traitant de la question du cinéma, on lira :

— Discours aux Curés de Rome, 10 mars 1948. Cf. Documents Pontificaux 1948, p. 116.

— Allocution à l'Union Catholique du Théâtre, 19 septembre 1950. Cf. Documents Pon eaux 1950, p. 383.

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DÉCLARATION CONCERNANT LES RÉFUGIÉS

(27 mai 1952) 1




Recevant en audience M. G. F. van Heuven Goedhart, Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, le Pape lui a remis le texte que voici :

Parmi les nombreux problèmes, pénibles et affligeants, créés par la guerre, il y en a un qui, malgré les efforts organisés accomplis ces dernières années pour le résoudre, demeure une source de grave préoccupation. C'est celui des réfugiés, de nos semblables qui, sous la pression d'événements politiques, ont été contraints à abandonner leurs maisons et leurs pays et à chercher l'hospitalité et l'existence à l'étranger.

Si Nous plaidons leur cause, c'est pour renouveler l'expression de l'intérêt immuable que Nous avons toujours eu pour leur triste sort et pour confirmer l'appui constant du Saint-Siège à l'oeuvre louable qui est réalisée par les organisations internationales pour alléger leur pitoyable condition. A ce sujet, Nous recommandons chaudement la récente initiative du Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, qui a pour objectif la constitution d'un fonds destiné à pourvoir aux essentielles nécessités humaines de nombreux réfugiés qui, en raison de leur extrême pauvreté, ne sont pas en mesure de subvenir à leurs propres besoins dans l'attente de leur établissement.

Notre vive sollicitude pour ces membres tristement affligés de la famille humaine Nous incite à exhorter les autorités gouvernementales, ainsi que les associations de service social et de charité, à coopérer de tout coeur au soutien de cette si louable initiative et à répondre avec générosité à cet appel si opportun. En faisant cela, Nous sommes certain de toucher les sentiments de tous ceux qui, parce qu'ils aiment profondément les valeurs chrétiennes et la liberté, pour lesquelles en grande partie souffrent ces réfugiés, ne peuvent demeurer insensibles à l'adversité présente de ces derniers ni être indifférents à leur sort futur.


ALLOCUTION AU CONGRÈS DES INDUSTRIES AGRICOLES

(29 mai 1952) 1






Les participants au IXe Congrès International des Industries Agricoles, venus à Rome, entendirent Pie XII, au cours de l'audience, leur dire :

C'est avec grand intérêt, Messieurs, que Nous suivons le développement de la collaboration dans le domaine scientifique et technique, telle qu'elle est promue par la Commission Internationale des Industries Agricoles. Nous espérons beaucoup de ces relations d'entraide qui multiplient les liens d'homme à homme et de nation à nation pour le bien de l'humanité. L'interdépendance toujours plus étroite et toujours plus sentie de tous les groupes humains les uns par rapport aux autres impose d'ailleurs et favorise à la fois l'échange des connaissances et des ressources matérielles. Alors que la majeure partie des hommes ne mange pas à sa faim et que de vastes régions sont toujours soumises à des famines périodiques, il ne peut être question de garder égoïstement pour soi des avantages, qui priveraient des peuples entiers d'un soulagement auquel ils ont bon droit. C'est pourquoi Nous Nous tournons avec joie vers votre activité bienfaisante, dédiée à l'amélioration des conditions de la recherche scientifique et de ses applications pratiques dans les industries agricoles.

1 D'après le texte français de VOsservatore Romano, du 30 mai 1952.




Quels beaux résultats n'a pas en effet enregistrés la science au service de ces industries ! Depuis le premier Congrès International de Chimie appliquée, tenu à Paris en 1894, et ceux qui donnèrent naissance à votre Commission Internationale, quels progrès n'ont pas faits, par exemple, l'étude du sol et des

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moyens à employer pour le préserver et l'enrichir, la connaissance des lois de nutrition des végétaux, la fabrication et l'utilisation des engrais, la génétique fondée, par l'abbé Gregor Mendel, sur la théorie chromosomique de l'hérédité et point de départ de nombreuses améliorations dans la culture et dans l'élevage, la microbiologie, qui a révélé tout un monde d'infiniment petits extrêmement actifs ? En ce qui concerne l'alimentation, la reproduction, l'amélioration des races animales, des essais patients et méthodiques ont été couronnés de succès. Il Nous faudrait parler aussi de tant de techniques spéciales qui relèvent de votre Commission. Partout de nouvelles connaissances scientifiques, de nouvelles sources d'énergie, de nouvelles machines, ont permis de transformer complètement et de rendre beaucoup plus efficaces les méthodes de production.

C'est encore trop peu, Nous disent vos rapports ; il faut constamment augmenter la quantité des matières premières disponibles, transformer celles-ci en vue de les conserver, d'en améliorer les qualités alimentaires, d'en permettre le transport, si l'on veut répondre aux besoins de la consommation, notamment chez les peuples les plus déshérités. Il s'agit d'une nécessité tellement fondamentale, qu'elle constitue en quelque sorte une obligation morale. De ce fait, vos recherches et vos congrès revêtent une importance toute spéciale et retiennent à juste titre Notre bienveillante attention. Nous souhaitons vivement que vous rencontriez un appui efficace dans vos efforts pour intensifier les rapports de la science et de la technique, afin de favoriser le bien-être de l'humanité sur le point essentiel de l'alimentation. Les services constitués par la Commission Internationale des Industries Agricoles, celui en particulier concernant la bibliographie et les publications, sont un titre indéniable à l'encouragement.

Vous aurez pu dans votre neuvième Congrès constater une fois de plus qu'une meilleure connaissance de la nature met à la disposition des travailleurs scientifiques et des techniciens des moyens toujours plus abondants de servir leur prochain. La loi de l'effort, imposée par Dieu à l'humanité, pour qu'elle s'élève vers Lui et domine de plus en plus la matière, produit encore en ceux qui s'y conforment des fruits d'ordre spirituel et les aident à comprendre en toutes choses le plan mystérieux, mais très sage, de la divine Providence. Elle leur permet de mieux voir l'étroite solidarité qui unit tous les hommes et les fait dépendre les uns des autres, au point que la vie matérielle de chacun est un peu l'oeuvre de tous. Puisse la conscience de cette solidarité s'étendre et s'approfondir ; puisse chaque jour davantage la coordination des études, la diffusion de la documentation, la valeur professionnelle des chercheurs, le désintéressement généreux des individus et des groupes, multiplier les échanges, faire part à tous des connaissances utiles, des expériences et des ressources. Vous y aurez, Messieurs, contribué pour votre noble part, et Nous prions Dieu de vous aider à y contribuer toujours davantage. Et dans cette intention, Nous vous donnons de grand coeur, à vous-mêmes et à vos familles, Notre Bénédiction apostolique.



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RADIOMESSAGE AU CONGRÈS EUCHARISTIQUE INTERNATIONAL DE BARCELONE

(ier juin 1952) 1






Reprenant la tradition interrompue par la guerre, le jour de la Pentecôte eut lieu à Barcelone 2 le XXXVe Congrès Eucharistique International. La voix de Pie XII s'y fit entendre :

Bénis et loués soient à jamais le Saint-Sacrement de l'Autel et l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge, conçue sans la tache du péché originel dès le premier instant de son existence naturelle.

Vénérables Frères et chers fils, représentants de tout le monde catholique, qui clôturez, en ce moment, à Barcelone, les grandioses journées du trente-cinquième Congrès Eucharistique International.

Qui aurait pu penser quand, en ce tiède printemps de 1938, Nous adressions Notre parole, dans cette Budapest aussi belle qu'infortunée, au trente-quatrième Congrès Eucharistique International, que pour le suivant Nous aurions à faire entendre Notre voix de ce Siège Apostolique et après une si longue et si douloureuse parenthèse ? L'horizon était chargé et les déclarations que l'on y entendait faisaient déjà comprendre combien le monde serait heureux s'il voulait suivre les exhortations du Successeur de Pierre en faveur de la paix.

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXXIV, 1952 p 478

2 On lira, p. 18I, la Lettre à S. Em. le Cardinal Tedeschini, légat à ce Congrès.




Mais sa voix ne fut pas écoutée ; l'ouragan s'est déchaîné avec fracas et ravage ; et aujourd'hui, de nouveau, le cri d'angoisse qui s'échappe de toutes les bouches est le même qu'alors : la paix !

Que souvent on parle de paix et de manières combien différentes ! Pour certains, ce n'est rien de plus qu'une formalité extérieure, faite de paroles, imposée par une tactique occasionnelle et constamment contredite par leurs gestes et leurs actes, si contraires à tout ce qu'ils disent. Pour nous autres, il n'en est pas ainsi ; pour nous il n'existe qu'une paix réelle et possible, la paix de Celui dont le nom est Princeps pacis 3 et dont le règne ne consiste pas en jouissances terrestres, mais dans le triomphe de la justice et de la paix : Non est enim re-gnum Dei esca et potus, sed iustitia et pax4 ; une paix qui découle comme un devoir inéluctable de la fraternité et de l'amour qui jaillit du plus profond de notre être chrétien et qui est la condition indispensable pour d'autres biens plus grands et d'un ordre supérieur.

Nous vous parlons de loin, mais il Nous semble que Nous vous voyons et que Notre esprit se réjouit à contempler votre Assemblée, parce que, autour de l'Eucharistie, tout parle de paix : l'agape fraternelle, le baiser préalable et jusqu'au symbole même des nombreux grains de blé. La paix est unité ; mais où aller la chercher, sinon dans ce sacrement totius ecclesiasticse unitatis 5 ? Elle est le fruit de la charité ; et alors où donc la rencontrer, sinon dans ce sacramentum caritatis, quasi figura-tivum et effectivum6 ? Et si, comme Nous le savons bien, les ennemis de la paix sont l'orgueil, l'envie et, en général, les passions désordonnées, quel meilleur remède pourrions-nous désirer que cette médecine céleste, qui fait croître la grâce et les vertus, qui nous préserve du péché, complète notre vie spirituelle 7 et par laquelle, la charité se développant dans l'âme, les passions sont refrénées 8.

Juste récompense de son catholicisme intègre, vigoureux, profond et apostolique, l'Espagne a eu l'éminent honneur de donner l'hospitalité à cette grande Assemblée, qui ajoutera à ses fastes religieux une page qu'il faudra compter parmi les plus brillantes de sa féconde histoire ; et, au nom de la vieille Mère



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Espagne, le rôle de faire les honneurs est revenu à la splendide et prospère Barcelone, dont Nous voudrions en ce moment ne rappeler ni la beauté du site, ni l'hospitalité classique, ni l'esprit toujours ouvert aux grandes initiatives, mais plutôt la tradition eucharistique qui se résume en trois noms : le « Saint de l'Eucharistie » que fut saint Raymond Nonnat ; une apôtre de la communion quotidienne, dès le XIIIe siècle, sainte Marie de Cervello ; et une âme qui s'éleva à tous les sommets de la mystique en ne se nourrissant parfois que de l'Eucharistie, saint Joseph Oriol.

L'Espagne et Barcelone, ou, disons mieux, le trente-cinquième Congrès Eucharistique International passera au Livre d'Or des grands événements eucharistiques pour sa préparation et son organisation parfaites, pour l'ampleur et l'heureux choix de ses thèmes d'étude, pour la splendeur et la richesse des expositions et concours qui en ont fait l'ornement, pour l'imposante participation présente, pour le sentiment catholique qui l'a inspiré, spécialement en évoquant les frères persécutés, et pour le contenu social, si conforme à Nos désirs, qu'on a voulu lui donner. Cependant, Nous désirons beaucoup plus : Nous voulons le proposer comme exemple au monde entier, afin qu'en vous voyant — tant de nations, tant de races, tant de rites — cor unum et anima una il puisse comprendre où est la source de la véritable paix individuelle, familiale, sociale et internationale ; Nous attendons que vous-mêmes, enflammés de cet esprit, vous partiez de là comme des torches allumées qui propageront à travers tout l'univers un feu si sacré ; Nous avons confiance que tant de prières, tant de sacrifices et tant de résolutions ne seront pas inutiles ; et réunissant toutes vos voix, tous les battements de vos coeurs, toutes les anxiétés de vos âmes, Nous voulons condenser tout cela en un cri de paix qui puisse être entendu dans le monde entier.

« O Jésus très aimant, caché sous les voiles légers du sacrement ; coeur divin perpétuellement immolé pour la paix du monde, écoutez enfin les ardentes prières de votre Eglise, qui, par la bouche de votre indigne Vicaire, vous demande pour le monde le feu de la charité, afin que s'allument dans celle-ci l'union et la concorde et que, à leur chaleur, fleurisse, sur notre terre aride et désolée, le blanc lis de la paix.

Que l'onction de votre grâce — baume caché, suave remède — guérisse dans les âmes les blessures causées par la haine, afin que tous se sentent frères, fils d'un même Père, qui se nourrissent à une même table de l'aliment céleste !

Que vos paroles de paix, que l'amour qui déborde toujours de votre coeur inspirent les dirigeants des nations, afin qu'ils sachent conduire les peuples que vous leur avez confiés sur les chemins de l'authentique fraternité, base indispensable de toute félicité et de tout progrès ! »

Qu'elle nous l'obtienne, la « Moreneta », la Vierge Noire de Montserrat, Patronne du Congrès et Mère de la Catalogne, elle qu'il Nous semble voir d'ici dans son nid d'aigles, tournant ses yeux maternels vers vous et vous bénissant avec tout son amour ; que le réalisent saint Pascal Baylon et tous vos Saints et Anges protecteurs ; tandis que Nous, débordant de joie d'avoir pu voir en une époque marquée de tant de calamités un spectacle aussi beau que celui que vous avez offert, Nous vous bénissons tous : Notre si digne Légat ; Nos frères en l'Epis-copat, avec leur clergé et leur peuple ; toutes les autorités présentes ; tous ceux qui ont collaboré généreusement à la préparation et à l'organisation du Congrès ; tous ceux qui, à cet acte final d'une Assemblée aussi solennelle, et hors de celle-ci, écoutent Notre voix ; la « Ciudad Condal », l'Espagne et le monde entier, dont les aspirations pacifiques trouvent toujours une complète correspondance dans Notre coeur de Père.





Act. IV, 32.



diocèse de novare



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Pie XII 1952 - ALLOCUTION AUX ENFANTS DE MARIE