Pie XII 1953 - 1 CONSTITUTION APOSTOLIQUE CONCERNANT LE JEUNE EUCHARISTIQUE


INSTRUCTION DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE CONCERNANT LE JEUNE EUCHARISTIQUE

(6 janvier 1953) 1


Le Saint-Office a été chargé de donner les détails pratiques concernant le jeûne eucharistique à la suite du Motu Proprio : Christus Dominus du 6 janvier 1953 2.


La Constitution Apostolique « Christus Dominus » promulguée le 6 janvier 1953, en la fête de l'Epiphanie, par le Souverain Pontife Pie XII, heureusement régnant, accorde bon nombre de facultés et permissions au sujet de l'observance du jeûne eucharistique, mais elle confirme aussi substantiellement la plupart des règles du Code de Droit Canonique3, pour les prêtres et les fidèles qui sont à même d'observer cette loi. Cependant, ils jouissent, eux aussi, de la mitigation accordée en général et par laquelle l'eau naturelle (donc sans aucune addition d'un élément quelconque) ne rompt pas le jeûne eucharistique 4. Quant aux autres concessions, au contraire, elles ne sont valides que pour les prêtres et les fidèles qui se trouvent dans les conditions particulières prévues par la Constitution ou qui participent aux messes du soir autorisées par les Ordinaires dans les limites des nouvelles facultés qui leur sont accordées.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXV, 1953, p. 47.
2 Cf. p. 15.
3 Can. CIS 808 CIS 858, § 1.
4 Const, n. 1.


Afin que les règles relatives à ces concessions soient observées partout uniformément, pour qu'on évite toute interprétation élargissant les facultés accordées, et pour empêcher tout abus en cette matière, la Sacrée Congrégation du Saint-Office, après en avoir reçu le mandat exprès du Souverain Pontife, donne les règles suivantes :


Pour les malades.

1. Les simples fidèles malades, même non alités peuvent prendre quelque chose sous forme de liquide, sauf les boissons alcoolisées, si, à cause de leur maladie, ils ne peuvent, sans réel inconvénient, rester à jeun jusqu'à la Sainte Communion ; ils peuvent aussi prendre quelque chose, comme médicament soit liquide (sauf les boissons alcoolisées) soit solide, pourvu qu'il s'agisse d'un médicament véritable, prescrit par le médecin, ou reconnu communément comme tel en tous les cas. Il faut se souvenir qu'on ne peut considérer comme médicament n'importe quel corps solide employé comme nourriture.

2. Les conditions donnant droit à cette dispense du jeûne, pour laquelle on ne prescrit aucune limite de temps avant la Sainte Communion, doivent être prudemment considérées par le confesseur, et personne ne peut s'en prévaloir sans lui avoir demandé conseil. Le confesseur pourra donner son avis soit au for interne sacramentel, soit au for interne extra-sacramentel, même une seule fois, pour toute la durée de la maladie.

3. Les prêtres malades, même non alités peuvent, sans plus, user de la dispense soit qu'ils entendent célébrer la sainte Messe, soit qu'ils entendent seulement recevoir la très Sainte Eucharistie.


Pour les prêtres qui se trouvent dans des circonstances particulières.

4. Les prêtres en bonne santé, qui célèbrent a) ou à une heure tardive (c'est-à-dire après 9 heures), b) ou après un lourd travail du saint ministère (par exemple dès les premières heures du jour, ou pendant une longue durée), c) ou après une longue route (c'est-à-dire, d'au moins deux kilomètres environ parcourue à pied, ou proportionnellement plus longue selon les moyens de locomotion employés, en tenant compte des difficultés du parcours et des conditions de santé de la personne), peuvent prendre quelque chose sous forme liquide, sauf les liquides alcoolisés.

5. Les trois cas énumérés ci-dessus, sont tels qu'ils comprennent toutes les circonstances pour lesquelles, le législateur entend concéder la susdite faculté : il faut donc exclure toute interprétation tendant à élargir la concession.

6. Les prêtres qui se trouvent dans ces conditions peuvent prendre quelque chose sous forme liquide, une ou plusieurs fois, mais seulement jusqu'à une heure avant le commencement de la sainte messe.

7. Indépendamment des autres concessions de la Constitution, tous les prêtres qui binent ou trinent peuvent prendre dans les premières messes les deux ablutions prescrites par les rubriques du missel, en n'y employant que l'eau cependant, ce qui est une application du principe général que l'eau ne rompt pas le jeûne.

Toutefois, celui qui célèbre les messes l'une après l'autre, comme au jour de Noël et de la Commémoration des Défunts, doit observer les rubriques quant aux ablutions.

8. S'il arrivait au prêtre qui doit biner de prendre par inad-
vertance les ablutions avec le vin, il ne lui sera pas défendu de
célébrer la deuxième ou la troisième messe.


Pour les fidèles qui se trouvent dans des circonstances particulières.

9. Il est permis aux fidèles eux-mêmes qui, non alités ne peuvent observer le jeûne eucharistique sans grand inconvénient, de s'approcher de la Sainte Table après avoir pris quelque chose sous forme de liquide, jusqu'à une heure avant la Sainte Communion, sauf toujours les boissons alcoolisées.

10. Les cas où le grave inconvénient requis est reconnu (toute amplification étant exclue) sont spécifiés en trois catégories :

a) le travail débilitant qui précède la Sainte Communion.
Tel est le cas des ouvriers employés dans les ateliers, aux transports, aux travaux des ports ou d'autres services publics, se relayant au travail de jour et de nuit ; ceux qui par devoir de fonction ou de charité passent la nuit à veiller (infirmiers, personnel des hôpitaux, gardiens de nuit, etc.), les femmes enceintes et les mères de famille qui, avant de pouvoir se rendre à l'église, doivent Vaquer pendant longtemps aux travaux du ménage, etc.

b) l'heure tardive à laquelle on communie. C'est le cas des fidèles près desquels le prêtre célébrant le sacrifice eucharistique
ne peut arriver qu'à une heure tardive ; des enfants pour lesquels il est trop pénible de se rendre à l'église pour communier, puis rentrer à la maison pour déjeuner avant d'aller en classe, etc.

c) la longueur de la route à parcourir pour se rendre à l'église.

Il doit s'agir d'au moins deux kilomètres de route à parcourir à pied ou proportionnellement plus longue, si on emploie quelque moyen de locomotion, en tenant compte des difficultés de la route et des conditions de santé de la personne 5.

11. Les raisons d'inconvénient grave doivent être prudemment appréciées par un confesseur soit au for interne de la confession sacramentelle, soit en dehors de la confession ; les fidèles ne peuvent, sans son conseil, faire la sainte Communion sans être à jeun. Ce conseil peut n'être donné qu'une fois pour toutes, tant que dure la cause de l'inconvénient grave.


Au sujet des Messes du soir

La Constitution accorde aux Ordinarii locorum6 la faculté d'autoriser la célébration de messes du soir dans leur territoire, quand cela est rendu nécessaire par les circonstances, nonobstant le can. CIS 821, § 1. Le bien général, en effet, requiert parfois la célébration des saints mystères dans l'après-midi : par exemple, pour les ouvriers de certaines industries qui se relayent au travail même dans les jours de fête, pour certaines catégories de travailleurs qui sont employés pendant la matinée des jours de fête (par ex. les ouvriers des ports) ; à l'occasion de réunions de caractère religieux ou social, auxquelles prennent part un grand nombre de fidèles provenant même de bourgs éloignés, etc.

12. Ces messes, cependant, ne pourront être célébrées qu'après quatre heures de l'après-midi et l'Ordinaire ne pourra les permettre que dans les fêtes suivantes, expressément énu-mérées :

a) fêtes de précepte actuellement en vigueur d'après le canon 1247 § 17 ;

5 Cf. ci-dessus, n. 4.

6 Cf. can. 198.

7 Tous les dimanches, Noël, Circoncision, Epiphanie, Ascension, Fête-Dieu, Immaculée Conception, Assomption, Saint Joseph, Saints Pierre et Paul, Toussaint.

b) fêtes de précepte supprimées, selon la liste publiée par la Sacrée Congrégation du Concile, le 28 décembre 1919 8 ;

c) les premiers vendredis du mois ;

A) les solennités célébrées avec un grand concours du peuple ;

e) un jour par semaine, outre ceux qui sont ci-dessus enumeres, quand cela est nécessaire pour des catégories déterminées de personnes.

13. Les prêtres qui célèbrent la messe au cours de l'après-midi, comme les fidèles qui en de telles circonstances s'approchent de la Sainte Table, peuvent, pendant le repas, permis jusqu'à trois heures avant le commencement de la messe ou de la communion, prendre avec la modération convenable, les boissons alcoolisées dont on use habituellement pendant les repas (p. ex. vin, bière, etc.) toujours sauf les liqueurs. Avant ou après le repas ils peuvent prendre quelque chose sous forme de liquide, sauf toujours les boissons alcoolisées de quelque genre que ce soit, jusqu'à une heure avant la messe ou la communion.

14. Les prêtres ne peuvent célébrer la sainte messe le matin et le soir d'un même jour à moins qu'ils aient la permission explicite de biner ou de triner, selon le can. 857.

Les fidèles ne peuvent jamais s'approcher de la Sainte Table le matin et le soir du même jour, selon le can. 857.

15. Tous les fidèles, même s'ils n'appartiennent pas aux catégories pour lesquelles la messe du soir a été éventuellement instituée, peuvent s'approcher librement de la Sainte Table pendant la messe, ou immédiatement avant, ou tout de suite après *, pourvu qu'ils observent les règles exposées plus haut quant au jeûne eucharistique.

16. Dans les territoires où n'est pas en vigueur le jus commune mais le jus missionum, les Ordinaires peuvent permettre les messes du soir, aux mêmes conditions, même tous les jours de la semaine.



17. Les Ordinaires doivent veiller à ce que soient évités tout abus et toute irrévérence envers le Très Saint Sacrement.

18. Ils doivent veiller aussi que la nouvelle discipline soit uniformément observée par tous et faire connaître à leurs ouailles que toutes les facultés spéciales, toutes les dispenses, soit territoriales, soit personnelles, accordées jusqu'ici par le Saint-Siège sont abrogées.

19. La Constitution et la présente Instruction doivent être interprétées en s'en tenant fidèlement au texte et en évitant toute espèce d'amplification des concessions bien larges par elles-mêmes. Quant aux coutumes éventuelles, différant de la nouvelle discipline, qu'on tienne compte de la clause abrogative : « nonobstant toute disposition contraire, même digne de mention très spéciale ».

20. Que les Ordinaires et les prêtres sachent profiter de la concession bienveillante du Saint-Siège pour exhorter les fidèles à assister fréquemment à la sainte Messe et à s'approcher de la Sainte Table, qu'ils concourent par d'opportunes initiatives et surtout par la prédication, au bien spirituel, en vue duquel le Saint-Père a promulgué la Constitution.

En approuvant la présente Instruction, le Souverain Pontife a disposé qu'elle serait promulguée par la publication des Acta Apostolicse Sedis en même temps que la Constitution Apostolique Christus Dominus 10.









ALLOCUTION AUX PAROISSIENS DE SAINT-SABAS DE ROME



(il janvier 1953) 1





Recevant en audience les habitants de cette paroisse de Romeî, le Pape dit :

« Bien que le souci de toutes les Eglises 3 tienne Notre attention fixée sur le monde entier et nous oblige à veiller sur toutes les parties du troupeau du Christ, afin que ne leur manque pas le pâturage et qu'elles ne soient pas la proie des loups, Nous ne pouvons toutefois oublier que Jésus, Pasteur Suprême invisible, voulut Nous confier de manière particulière la ville de Rome. Aussi Nos soins spéciaux s'adressent à elle et personne ne s'étonnera si Nos anxiétés sont plus vives pour elle.

Rome est à double titre Notre ville ; tout groupe de romains trouve donc l'accueil le plus affectueux chaque fois qu'il a le vif désir d'approcher son concitoyen et Pasteur qui est toujours heureux de le recevoir et de le bénir avec toute l'effusion de son coeur paternel.

C'est ainsi qu'aujourd'hui Nous Nous voyons avec tant de joie au milieu d'une grande famille de l'Eglise romaine, au milieu d'une multitude de fidèles appartenant à la paroisse de Saint-Sabas, une de ces communautés romaines qui sont, chaque jour davantage, notre bonheur et notre couronne 4.

Nous vous souhaitons donc, chers fils et filles, une cordiale bienvenue. Vous avez voulu couronner et conclure devant le

Vicaire du Christ les célébrations de votre vingtième anniversaire et Nous rendons grâces à Dieu qu'il Nous ait accordé d'être près de vous pour vous dire Nos paroles d'éloge et d'exhortation.

Nous avons désiré Nous informer exactement sur tout ce qui a été fait en ces vingt années, et Nous exprimons Notre paternelle satisfaction à votre zélé curé, aux religieux de la Compagnie de Jésus, aux prêtres et aux vaillants laïcs, tous choisis par Dieu pour être ses instruments dans la collaboration à une culture sans cesse plus intense et efficace de cette partie choisie de sa vigne.

Certainement Jésus seul connaît tout ce qui s'est passé dans le fond des consciences au cours des années écoulées de travail paroissial ; combien de lumière est descendue dans les esprits de milliers de personnes ; combien de force a été infusée dans les volontés ; combien d'encouragements donnés, combien de larmes essuyées, combien d'enfants protégés, combien de jeunes sauvés, et, dans combien de familles, la sérénité et la paix conservées ou ramenées !

Il suffit de lire les chiffres concernant les activités de charité ou directement apostoliques des diverses associations pour demeurer consolé et ému. Nous avons appris avec une vive satisfaction que dans votre paroisse fonctionne avec zèle l'oeuvre d'assistance aux nécessiteux de tout genre, et que des prêtres et des laïcs, spécialement d'Action Catholique, se prodiguent afin que l'instruction religieuse, — propice en toute occasion et utile sous toute forme, — soit donnée aux fidèles, spécialement aux enfants. Mais Nos yeux se sont arrêtés sur un de ces chiffres, qui à lui seul aurait suffi à Nous frapper et à Nous procurer une sainte joie : 120.000 communions sont distribuées annuellement dans votre paroisse ; ce qui, comparé au nombre des habitants, donne une idée réconfortante de la fréquence à la sainte table eucharistique.

Nous vous exprimons, chers fils et filles, Notre gratitude pour tout ce que chacun de vous a accompli afin de maintenir une si grande intensité de vie et une si grande ferveur d'oeuvres. Mais Nous ne profiterions pas bien de votre présence ici, dans la maison du Père commun, si Nous n'ajoutions aux expressions de louange pour tout ce que vous avez fait, Notre exhortation à agir toujours plus activement, afin que votre paroisse puisse encore dans les années futures être comme Dieu la veut et comme la désirent ardemment les âmes droites de notre époque tourmentée. Et même, puisque déjà le vingt-cinquième anniversaire de votre paroisse n'est plus éloigné, Nous avons songé à vous adresser une demande qui a la valeur d'un pressant appel. Vous savez que Notre Exhortation du 10 février de l'an dernier a été accueillie avec ferveur par plusieurs villes d'Italie et du monde 5. D'autres suivront encore. Mais il n'est pas douteux que Rome, qui fut la première à recevoir Notre consigne ne devrait le céder à aucune dans l'ardeur du renouvellement. Chers fils et filles : voulez-vous pendant cette période qui vous sépare de votre vingt-cinquième anniversaire, tout tenter et faire tous les efforts afin que votre paroisse devienne un modèle de vie chrétienne, individuelle et collective, dans une Rome renouvelée par l'impulsion de ses Guides spirituels et par l'oeuvre unie de tous les fidèles ? Nous savons que Nos chers fils les curés sont en train de faire tout leur possible pour répondre à Notre attente ; les édifices sacrés de l'Urbs se multiplient, et Nous avons confiance que l'espace matériel accru est une prémisse et un symbole des plus vastes progrès spirituels : ut quod Ecclesioe... corporalibus proficit spatiis, spiritualibus amplificetur augmentis 6.

Voulez-vous entrer en une sainte compétition de fraternelle émulation avec les autres paroisses de la Ville ?

Alors il est nécessaire que, prêtres et militants laïcs, avec tous les fidèles, vous formiez ensemble une communauté efficiente et agissante, afin que Jésus soit la vie de toutes les âmes.



La paroisse doit constituer une communauté efficiente, faisant bloc,

écartant l'individualisme exagéré.

I. — Soyez avant tout une communauté efficiente.

5 Cf. Documents Pontificaux, 1952, p. 43. 8 Postcom. in Dedic. Eccl.




A Jérusalem, sous le regard de Marie, se réunit au Cénacle la communauté chrétienne, l'Eglise, commencée avec la prédication du Seigneur, consommée au gibet de la Croix et manifestée dans son unité et son universalité le jour de la Pentecôte. Elle demeurera le modèle, le prototype de toute communauté chrétienne, même de la paroisse. Celle-ci également est une famille dont les membres vivent et agissent en une fraternelle communion. Il convient donc d'éloigner d'elle, autant que possible, les excès de l'esprit individualiste et de mettre en évidence combien faible est l'utilité d'apports séparés, sans l'aide réciproque et la collaboration mutuelle.

Il faut maintenir l'équilibre entre l'unité et la variété. Il faut unir tous les efforts.

Il sera par conséquent nécessaire d'arriver à l'union effective de toutes les forces militantes. Nous avons dit une autre fois que l'unicité, du fait qu'elle détruit la variété, serait, avant tout, une erreur stratégique dans l'alignement du front catholique. Aucun doute donc que doive être grand le respect pour les diverses Associations approuvées et bénies par l'Eglise, tout au moins tant qu'elles se maintiennent vivantes et vitales. Mais une grande variété abandonnée à elle-même, sans qu'elle retrouve, pour ainsi dire, l'unité au sommet, aurait des effets nuisibles dans la conduite de la lutte pacifique pour la conquête du monde au Christ.



La fraternité doit régner.

' Act. IV., 32-35.

8 Cf. Documents Pontificaux, 1952, p. 561.




Il y a en outre à créer et à entretenir un climat de véritable fraternité parmi les fidèles. Les coeurs des premiers chrétiens étaient si puissamment mus par la grâce de Dieu et par l'impulsion du Saint-Esprit, que les plus fortunés vendaient volontiers leurs biens pour secourir les autres, de sorte qu'« il n'y avait parmi eux aucun nécessiteux » 1. Récemment dans Notre Message de Noël8, Nous avons exhorté tout le monde à regarder autour de soi pour voir combien de frères ont faim et ne peuvent attendre que se mette en mouvement la lente machine des organisations charitables. Quel splendide spectacle donneraient les fidèles à un monde égoïste et sans coeur, si tous s'efforçaient de ne considérer aucun membre de la paroisse comme une sorte d'étranger ; si les peines et les joies de chacun étaient les peines et les joies de tous ; si l'on essayait de corriger cette criante inégalité des biens si contraire au sentiment chrétien.



La paroisse doit rayonner le Christ.

II. — Dans l'esprit de cette union commune, vous devez travailler inlassablement, afin que Jésus soit connu, aimé et servi par tous. N'oubliez pas que c'est là la fin de toute la vie paroissiale. Le reste n'est estimé que dans la mesure où il sert la réalisation du but que l'Eglise veut obtenir. Le terrain de sport, le théâtre, le cinéma paroissial, l'école même, s'il y en a une, — institutions toutes des plus utiles et souvent nécessaires — ne sont pas le centre de la paroisse. Le centre, c'est l'église, et dans l'église, le tabernacle et, à côté, le confessionnal, où les âmes mortes retrouvent la vie et les malades reprennent la santé.

En conséquence rien ne sert proprement au but, — que représentent les âmes à sauver et à sanctifier, — s'il ne passe par ce centre idéal : l'église, le tabernacle. Le sport, que Nous avons Nous-même recommandé souvent dans ses justes limites, est louable ; le divertissement honnête dans ses formes variées est même nécessaire. Mais tout doit être mû par une force centrifuge, pour ainsi dire, et ramené par une force centripète : et le centre s'appelle « vie des âmes », s'appelle Jésus.

Pour agir de manière réaliste et organique, il faut apprendre à reconnaître les vrais fidèles dans la paroisse. Ceux-ci ne se comptent pas précisément au cinéma paroissial, dans les cortèges et dans les processions ; pas même non plus, pour être exacts à la seule messe du dimanche. Les vrais fidèles, les vivants, se voient au pied de l'autel, quand le prêtre distribue le Pain vivant descendu du ciel.

Nous voudrions, chers fils et filles, que naisse chez vous tous et croisse chaque jour davantage comme une sainte impatience pour trouver les moyens susceptibles de ramener la lumière là où sont les ténèbres et de rendre la vie à ceux qui sont morts. Commencez par faire en sorte que « respirent » de nouveau les âmes frappées d'asphyxie parce qu'elles ne prient jamais et en aucune manière. Faites que de tous les coeurs monte aux lèvres, et des lèvres au ciel, une invocation, même brève, mais répétée tous les jours : c'est là un objectif assez simple qui mérite que soient mobilisées pour lui toutes les forces du bien. L'enfant le demandera à sa maman, à son papa ; la jeune fille réussira peut-être à convaincre son fiancé, la soeur l'obtiendra de son frère. Une paroisse dans laquelle on pense tous les jours à invoquer le Seigneur ne tardera pas à constater que la vie se réveille en elle.

Il sera d'autant plus facile d'obtenir cette renaissance si, avec la « respiration », se fait plus fréquente la « nutrition » des âmes. Plus d'un néglige d'observer même le précepte de l'Eglise qui prescrit la Communion au moins une fois l'an ; il y en a, surtout parmi les hommes, qui se contentent d'une nutrition annuelle, à peine suffisante à les maintenir en vie. Voici donc un autre objectif à atteindre en unissant toutes les bonnes énergies disponibles : qu'un grand nombre d'âmes s'approchent avec une plus grande fréquence de la table eucharistique.



Il faut former des militants.

Chers fils et filles, Nous désirons vous indiquer en tant que communauté agissante un dernier but. Au cours de ces années qui vous séparent de votre vingt-cinquième anniversaire, vous devez aussi chercher à résoudre de la meilleure manière le problème des militants catholiques, âmes de choix, se consacrant à la collaboration dans l'apostolat de la hiérarchie.



Il faut beaucoup de militants.

C'est d'abord un problème de nombre ; ils sont encore trop peu ceux qui militent dans vos rangs, inscrits aux diverses associations. Notre époque est de lutte ; mais il semble que tant de bons chrétiens veulent se tenir à l'écart, comme de simples civils, sans s'enrôler dans une des troupes qui combattent sur l'ensemble du front du bien. Il conviendra de rallier toutes les âmes de bonne volonté : qu'on leur montre la beauté de l'entreprise et également la certitude de la victoire. Nous pensons en ce moment spécialement aux chers jeunes, qui trop souvent demeurent inertes, parce que personne ne fait briller devant leurs yeux l'idéal d'un combat pour la défense et pour la conquête.



Il faut des militants de première qualité.

C'est en second lieu un problème de qualité. Ce serait une erreur de se contenter du médiocre ; on n'a pas encore appris à proposer à nos militants les buts qui, peut-être, les feraient frémir d'enthousiasme. On doit exiger d'eux tout ou au moins beaucoup, dans la certitude que souvent on donne plus volontiers tout qu'une partie, on donne plus facilement beaucoup que peu.

Enfin avec le souhait que, grâce à l'aide divine, vous puissiez constamment imiter les sublimes exemples et les vertus domestiques de la Sainte Famille, dont la fête est célébrée aujourd'hui, Nous vous donnons de tout coeur la Bénédiction apostolique. »










ALLOCUTION AU CONSISTOIRE



(12 janvier 1953) 1



Le 18 février 1946 Pie XII tenait le premier Consistoire de son Pontificat en vue de la création de 32 nouveaux cardinaux2. Cette fois c'est le deuxième Consistoire tenu dans ce même but, où 24 cardinaux sont créés. Voici le discours qui fut prononcé à cette occasion :

Depuis le jour, où, voici sept ans, Nous avions, en nommant de nouveaux cardinaux, comblé les vides de votre Sacré Collège, celui-ci a, vous le savez, subi des pertes nombreuses et graves ; et Nous désirons avant tout rappeler avec tristesse le souvenir de ces hommes éminents dont avec vous Nous déplorons aujourd'hui l'absence.

Ce qui Nous a poussé à vous donner de nouveaux collègues, ce n'est pas seulement le dessein de ramener à sa plénitude l'effectif diminué du Sénat de l'Eglise ; c'est aussi le désir de récompenser dignement une élite de prélats qui, soit dans les Missions Pontificales, soit dans le gouvernement des diocèses qui leur étaient confiés, soit dans la Curie Romaine, se sont distingués à Nos yeux par leur conduite active et prudente et ont notablement contribué au rayonnement du nom chrétien.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXV, 1953, p. 65.

2 Cf. A. A. S., 38, 1946, p. 101.




Il Nous eût été agréable — Nous tenons à le déclarer ici — d'élever à la même dignité d'autres encore qui Nous assistent de si près par leurs conseils et leur laborieuse activité ou qui, travaillant loin de Nous, brillent par leurs vertus et leurs mérites. Mais après y avoir mûrement réfléchi, Nous n'avons pas jugé opportun de modifier, dans les circonstances présentes, le nombre des cardinaux, tel que l'a fixé Notre prédécesseur d'heureuse mémoire Sixte-Quint par la Lettre Apostolique Postquam



verus, du 3 décembre 1586, nombre sanctionné à nouveau par le Code de Droit Canonique 3. Nous désirons néanmoins signifier dans cette solennelle assemblée Notre estime et Notre bienveillance à ceux auxquels — bien qu'ils en fussent dignes — Nous n'avons pu conférer un si grand honneur.

Il est une autre chose que Nous ne pouvons passer sous silence : c'est que Notre intention avait été de faire entrer dans votre Sacré Collège les deux prélats très distingués préposés aux deux sections de la Secrétairerie d'Etat4, et leurs noms étaient les deux premiers inscrits dans la liste que Nous avions préparée. Mais ces deux prélats, par un insigne témoignage de vertu, Nous supplièrent si instamment de leur permettre de décliner cette haute charge que Nous crûmes devoir accéder à leurs prières et à leurs voeux répétés. Ce faisant Nous avons voulu cependant récompenser en quelque manière leur vertu et Nous les avons élevés, comme vous le savez, à un poste d'honneur qui répondît de façon plus adéquate au domaine de leur laborieuse activité 5.

Ce qui Nous a guidé dans le choix des nouveaux cardinaux, c'est le souci que votre Sacré Collège fût, autant que possible, une vivante image de l'Eglise entière, dont il est appelé le Sénat : L'Eglise catholique en effet — dont le Siège Apostolique a été constitué la tête par la Providence divine — n'est étrangère à aucune nation, à aucun peuple ; elle appartient à tous et les embrasse tous dans la même charité et la même sollicitude. Bien plus — et ceci Nous semble digne d'être profondément considéré et médité — alors que la famille des nations et la communauté des citoyens sont, à notre époque, divisées par des querelles et par des discordes et parfois même mises gravement en danger, il n'en va pas de même de la société fondée par le Divin Rédempteur pour le salut de tous : elle est une de par sa nature et, telle une mère très aimante, elle considère tous et chacun comme des fils, quels que soient leur race et leur pays. Ce caractère singulier de supranationalité, votre Sacré Collège l'a aussi en partage comme vous le voyez ; encore que les cardinaux soient, selon les circonstances, choisis tantôt dans tels diocèses et tels peuples, tantôt dans tels autres. Il n'est pas en effet de siège particulier auquel cette haute dignité soit liée ou doive revenir nécessairement ; en outre — Nous en avons la certitude — ceux qui la reçoivent ont avant tout en vue, dans l'exercice de cette charge honorifique, l'Eglise universelle.

Et maintenant, Vénérables Frères, au milieu de la joie que Nous éprouvons à vous voir ici devant Nous, Nous ne pouvons Nous empêcher de tourner avec tristesse Notre esprit vers Notre Vénérable Frère l'Archevêque de Zagreb, auquel il n'a pas été donné, à cause des conditions dans lesquelles il se trouve, de pouvoir, avec libre faculté de retour, venir à Rome et se rendre auprès du Père Commun6. Bien qu'absent, Nous l'embrassons avec un amour paternel et Nous désirons vivement que tout le monde sache qu'en décidant de le revêtir de l'éclat de la pourpre romaine, Notre unique but a été de récompenser dignement ses éminents mérites, comme aussi de témoigner à sa nation tout entière Notre grande bienveillance ; et notamment Nous avons voulu apporter éloge et consolation à Nos chers fils et filles de Yougoslavie qui, en ces temps si difficiles, professent avec un courage résolu leur foi catholique. Il est en particulier bien loin de la vérité de dire que Nous ayons décrété de faire entrer ce prélat dans votre Sacré Collège pour offenser par une provocation les dirigeants de la Yougoslavie. Et ce choix ne voulait pas davantage être une réponse au langage très violent par lequel on Nous dénigre ainsi que le Siège Apostolique ; langage très violent, disons-Nous, que d'ailleurs, Nous pardonnons de tout coeur et voulons oublier.

Mais Notre conscience ne pouvait Nous autoriser à reconnaître et admettre le fondement des accusations portées contre l'Archevêque de Zagreb : accusations qui, comme vous le savez, allèrent jusqu'à le faire condamner à une peine très grave.

Et en outre, Nous ne pouvions décevoir l'espérance et l'attente du monde catholique et d'un bon nombre de non-catholiques, qui ont appris avec une vive satisfaction la nouvelle de l'élévation à la dignité de la Pourpre Romaine d'un Pasteur qui est un exemple de zèle apostolique et de force chrétienne. Du reste, le cardinalat est une dignité purement ecclésiastique ;



* Le Cardinal Louis Stepinac, archevêque de Zagreb depuis 1937, fut persécuté sous le gouvernement du Maréchal Tito et condamné, en 1946, à 16 ans de prison.

mais les gouvernants et leurs peuples n'en ont pas moins coutume de manifester la plus grande joie lorsqu'un de leurs concitoyens est appelé à faire partie de votre Collège.

Il est un autre fait qui remplit Notre âme de tristesse. Voici peu de jours Notre Vénérable Frère Etienne Wyszynski, archevêque de Gniezno et Varsovie, a fait savoir par un très bref message qu'il ne pouvait venir dans la Ville Eternelle, ainsi qu'il l'aurait désiré 7. Les motifs de cet empêchement ne Nous sont pas encore connus. Mais il est très certain — et Nous tenons à ce que tout le monde le sache — qu'en décidant de l'élever à la dignité de la Pourpre Romaine, Nous n'avons pas voulu seulement récompenser dignement cet Archevêque, qui s'est acquis tant de mérites au service de l'Eglise, mais Nous avons aussi voulu témoigner Nos sentiments paternels et affectueux à la très noble nation polonaise, qui, dans les fastes de l'histoire chrétienne, a écrit, même durant des périodes particulièrement difficiles, des pages bien dignes d'éloge et de gloire.

Enfin Nous devons évoquer devant vous un Prélat très regretté, le Patriarche de Venise, qui, après l'annonce officielle de sa prochaine élévation à la même dignité que vous, a quitté cette vie mortelle 8. Il a ainsi reçu la récompense de son labeur apostolique, non pas de Nous ici-bas, mais, Nous l'espérons, de Dieu même dans la béatitude céleste.

Et Nous allons maintenant compléter le nombre des membres du Sacré Collège, en lui agrégeant vingt-quatre prélats d'élite, que Nous estimons, en raison de leurs mérites insignes et de leurs vertus, dignes d'un si grand honneur et d'une si haute charge.

Ce sont :

Celso Costantini, archevêque titulaire de Théodosiopolis en Arcadie, et Secrétaire de la Sacrée Congrégation de la Propagande.

Augusto Alvaro Da Silva, archevêque de Saint-Sauveur au Brésil ;

Gaétan Cicognani, archevêque titulaire d'Ancyre et Nonce apostolique en Espagne ;

Ange-Joseph Roncalli, archevêque titulaire de Mésembrie et Nonce apostolique en France ;

Valère Valeri, archevêque titulaire d'Ephèse et Assesseur de la Sacrée Congrégation pour l'Eglise Orientale ;

Pierre Ciriaci, archevêque titulaire de Tarse et Nonce apostolique au Portugal ;

François Borgongini-Duca, archevêque titulaire d'Héraclée d'Europe et Nonce apostolique en Italie ;

Maurice Feltin, archevêque de Paris ;

Marcel Mimmi, archevêque de Naples ;

Charles-Marie de la Torre, archevêque de Quito ;

Louis Stepinac, archevêque de Zagreb ;

Georges François-Xavier Grente, archevêque-évêque du Mans ;

Joseph Siri, archevêque de Gênes ; Jean D'Alton, archevêque d'Armagh ;

Jacques François Me Intyre, archevêque de Los Angeles en Californie ;

Jacques Lercaro, archevêque de Bologne ;

Etienne Wyszynski, archevêque de Gniezno et Varsovie ;

Benjamin de Arriba y Castro, archevêque de Tarragone ;

Fernand Quiroga y Palacios, archevêque de Saint-Jacques de Compostelle ;

Paul Emile Léger, archevêque de Montréal ;

Chrysanthe Luque, archevêque de Bogota en Colombie ;

Valérien Gracias, archevêque de Bombay ;

Joseph Wendel, archevêque de Munich et Freisingen ;

Alfred Ottaviani, assesseur de la Congrégation du Saint-Office.










Pie XII 1953 - 1 CONSTITUTION APOSTOLIQUE CONCERNANT LE JEUNE EUCHARISTIQUE