Pie XII 1953 - MESSAGE AUX ÉLÈVES DES ÉCOLES CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS


DÉCRET DU SAINT-OFFICE EXCOMMUNIANT LE R. P. LEONARD FEENEY S. J.

(13 février 1953) 1






Il y a quelques années un groupe d'étudiants et d'étudiantes de l'Université de Harvard se réunissaient régulièrement au Centre d'accueil Saint-Benoit, à Boston, dont l'aumônier était le R. P. Léonard Feeney S. J.

Trois professeurs laïques furent exclus du collège des Pères Jésuites par décision du recteur, parce que professant sur la thèse « Hors de l'Eglise pas de salut » des doctrines erronées.

Mais bientôt après le Père Feeney prenait fait et cause pour ces professeurs et il les intégrait dans le corps professoral de son Centre et se rebellait ainsi contre son supérieur. L'archevêque de Boston, S. Excellence Mgr Cushing, se voyait obligé de condamner le Père Feeney et de lui enlever à partir du Ie' janvier 1949 les pouvoirs d'entendre les confessions.

Une lettre du Saint-Office dénonçait l'hérésie du Père Feeney, mais celle-ci ne fut pas rendue publique au moment de sa publication en août 1949.

Aussi nous donnons ici le texte de cette lettre du Saint-Office du 8 août 1949.

Cette Suprême Sacrée Congrégation a suivi très attentivement le commencement et le cours de la sérieuse controverse, soulevée par certains associés du St. Benedict Center et du Boston Collège, concernant l'interprétation de la maxime : « Hors de l'Eglise point de salut ».

Après avoir examiné tous les documents nécessaires ou utiles sur ce sujet — entre autres le dossier envoyé par votre chancellerie, les recours et rapports où les associés du St. Benedict Center exposent leurs opinions et leurs réclamations, et en outre beaucoup d'autres documents se rapportant à cette controverse recueillis par voie officielle, — la Sacrée Congrégation a acquis la certitude que cette malheureuse question a été soulevée parce que le principe « hors de l'Eglise point de salut » n'a pas été bien compris ni examiné et que la controverse s'est envenimée par suite d'un sérieux manquement à la discipline, provenant du fait que certains membres des associations mentionnées ont refusé respect et obéissance aux autorités légitimes.

En conséquence, les Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux de notre Suprême Congrégation ont décrété en session plénière, le mercredi 27 juillet 1949, et le Souverain Pontife, en l'audience du jeudi suivant 28 juillet 1949, a daigné approuver l'envoi des explications doctrinales, de l'invitation et des exhortations suivantes :

Nous sommes obligés par la foi divine et catholique à croire toutes les choses que contient la Parole de Dieu, Ecriture ou Tradition, et que l'Eglise propose à la foi comme divinement solennelle, mais encore par son magistère ordinaire et universel2.

Or, parmi les choses que l'Eglise a toujours prêchées et ne cessera pas d'enseigner, il y a aussi cette déclaration infaillible où il est dit qu'il n'y a pas de salut hors de l'Eglise.

Cependant, ce dogme doit s'entendre dans le sens que lui attribue l'Eglise elle-même. Le Sauveur, en effet, a confié l'explication des choses contenues dans le dépôt de la foi, non pas au jugement privé, mais à l'enseignement de l'autorité ecclésiastique.

Or, en premier lieu, l'Eglise enseigne qu'en cette matière il existe un mandat très strict de Jésus-Christ, car il a chargé explicitement ses apôtres d'enseigner à toutes les nations d'observer toutes les choses qu'il avait lui-même ordonnées 3.

Le moindre de ces commandements n'est pas celui qui nous ordonne de nous incorporer par le Baptême au Corps mystique du Christ qui est l'Eglise, et de rester unis avec lui et avec son Vicaire par qui lui-même gouverne ici-bas son Eglise de façon visible.

C'est pourquoi nul ne se sauvera si, sachant que l'Eglise est d'institution divine par le Christ, il refuse malgré cela de se soumettre à elle ou se sépare de l'obédience du Pontife romain. Vicaire du Christ sur la terre.



DS 1792. Mt 28,19-20.






Non seulement notre Sauveur a-t-il ordonné que tous les peuples entrent dans l'Eglise, il a aussi décrété que c'est là un moyen de salut sans lequel nul ne peut entrer dans le royaume éternel de la gloire.

Dans son infinie miséricorde, Dieu a voulu que, puisqu'il s'agissait des moyens de salut ordonnés à la fin ultime de l'homme non par nécessité intrinsèque, mais seulement par institution divine, leurs effets salutaires puissent également être obtenus dans certaines circonstances, lorsque ces moyens sont seulement objets de « désir » ou de « souhait ». Ce point est clairement établi au Concile de Trente aussi bien à propos du sacrement de Baptême qu'à propos de la Pénitence 4.

Il faut en dire autant, à son plan, de l'Eglise en tant que moyen général de salut. C'est pourquoi, pour qu'une personne obtienne son salut éternel, il n'est pas toujours requis qu'elle soit de fait incorporée à l'Eglise à titre de membre, mais il faut lui être uni tout au moins par désir ou souhait.

Cependant, il n'est pas toujours nécessaire que ce souhait soit explicite comme dans le cas des catéchumènes. Lorsque quelqu'un est dans une ignorance invincible, Dieu accepte un désir implicite, ainsi appelé parce qu'il est inclus dans la bonne disposition de l'âme, par laquelle l'on désire conformer sa volonté à celle de Dieu.

Ces choses sont clairement exprimées dans la Lettre dogmatique publiée par le Souverain Pontife Pie XII, le 29 juin 1943, « sur le Corps mystique de Jésus-Christ » 5. Dans cette Lettre, en effet, le Souverain Pontife distingue clairement ceux qui sont actuellement incorporés à l'Eglise comme membres et ceux qui lui sont unis par le désir seulement.

Parlant des membres qui forment ici-bas le Corps mystique, le même auguste Pontife dit : « Seuls font partie des membres de l'Eglise ceux qui ont reçu le Baptême de régénération et professent la vraie foi, qui, d'autre part, ne se sont pas pour leur malheur séparés de l'ensemble du Corps ou n'en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l'autorité légitime » 6.

Vers la fin de la même Encyclique, invitant à l'unité, avec la plus grande affection, ceux qui n'appartiennent pas au corps de l'Eglise catholique, il mentionne ceux qui « par un certain désir et souhait inconscient, se trouvent ordonnés au Corps mystique du Rédempteur »7. Il ne les exclut aucunement du salut éternel, mais il affirme par ailleurs qu'ils se trouvent dans un état « où nul ne peut être sûr de son salut éternel »8, et même qu' « ils sont privés de tant et de si grands secours et faveurs célestes, dont on ne peut jouir que dans l'Eglise catholique » 9.

Par ces paroles, le Pape condamne aussi bien ceux qui excluent du salut éternel les hommes qui ne sont unis à l'Eglise que par le désir implicite, que ceux qui affirment erronément que tous les hommes peuvent se sauver à titre égal dans toutes les religions 10.

Cependant, il ne faudrait pas croire que n'importe quelle sorte de désir d'entrer dans l'Eglise suffise pour le salut. Le désir par lequel quelqu'un adhère à l'Eglise doit être animé de charité parfaite. Un désir implicite ne peut pas non plus produire son effet si l'on ne possède pas la foi surnaturelle « car celui qui s'approche de Dieu doit croire qu'il existe et qu'il rémunère ceux qui le cherchent » Le Concile de Trente déclare12 : « La foi est le principe du salut de l'homme, le fondement et la racine de toute justification. Sans elle, il est impossible de plaire à Dieu et de compter parmi ses enfants » 13.

Il est évident, d'après ce qui précède, que les idées proposées par le périodique From the Housetops (n. 3) comme l'enseignement authentique de l'Eglise catholique, sont loin de l'être et sont très dangereuses aussi bien pour ceux qui sont dans l'Eglise que pour ceux qui vivent en dehors d'elle.

De cet exposé doctrinal découlent certaines conclusions touchant à la discipline et à la conduite que ne peuvent méconnaître ceux qui défendent avec vigueur la nécessité d'appartenir à la véritable Eglise et de se soumettre à l'autorité du

Pontife romain et des évêques « que l'Esprit-Saint a désignés pour gouverner l'Eglise » u.

C'est pourquoi il est inexplicable que le St. Benedict Center puisse prétendre être un groupe catholique et désirer être considéré comme tel et qu'en même temps il ne se conforme pas aux prescriptions des canons 1381 et 1382 du Code de droit canonique, et continue d'être une cause de discorde et de révolte contre l'autorité ecclésiastique, et de trouble pour beaucoup de consciences.

En outre, il est difficile de comprendre qu'un membre d'un Institut religieux, le P. Feeney, se présente comme « défenseur de la foi » et qu'en même temps il n'hésite pas à attaquer l'enseignement donné par les autorités légitimes et ne craigne même pas d'encourir les graves sanctions dont le menacent les sacrés canons pour les violations graves de ses devoirs de religieux, de prêtre et de simple membre de l'Eglise.

Enfin, il n'est pas prudent de tolérer que certains catholiques revendiquent pour eux-mêmes le droit de publier un périodique, dans l'intention d'y exposer des doctrines théologiques, sans la permission de l'autorité ecclésiastique compétente, que l'on appelle imprimatur et qui est prescrite par les sacrés canons.

Ceux, donc, qui s'exposent au grave danger de s'opposer à l'Eglise, doivent méditer sérieusement qu'une fois que « Rome a parlé », ils ne peuvent passer outre même pour des raisons de bonne foi. Leur lien à l'Eglise et leur devoir d'obéissance sont certainement plus stricts que pour ceux qui adhèrent à elle « seulement par un désir inconscient ». Qu'ils comprennent qu'ils sont les enfants de l'Eglise, affectueusement soutenus par elle avec le lait de la doctrine et les sacrements, et que, après avoir entendu la voix de leur Mère, ils ne peuvent donc pas être excusés d'ignorance coupable. Qu'ils comprennent que le principe suivant s'applique à eux sans restriction : « La soumission à l'Eglise catholique et au Souverain Pontife est nécessaire au salut ».

25 octobre 1952, le Père fut mandé à Rome ; il refusa de s'y rendre ; après un dernier avertissement, il fut excommunié.

Il continue à occuper le Centre Saint-Benoît et a une centaine d'adeptes qui, au milieu de leurs prières, lancent des invectives aux autorités religieuses. Ils se nomment « Esclaves du Coeur Immaculé de Marie ».

Comme le prêtre Léonard Feeney, résidant à Boston (Saint Benedict Center), lequel à cause du grave refus d'obéissance à l'Autorité ecclésiastique avait été déjà suspendu « a divinis », nonobstant les avertissements réitérés et l'instante menace d'excommunication à encourir ipso facto, n'est pas venu à résipiscence, les Eminentissimes et Révérendissimes Pères préposés à la sauvegarde de la foi et des moeurs, dans la séance plénière du mercredi 4 février 1933, l'ont déclaré excommunié avec tous les effets de droit.

Et le jeudi 12 février 1953, Sa Sainteté Pie XII, Pape par la Providence de Dieu, a approuvé, confirmé le décret des Eminentissimes Pères et ordonné qu'il fût rendu public.





Ce document était rendu public le 4 septembre 1952. Le Père Feeney, au lieu de se soumettre, se révolta davantage et commença une campagne de violence contre les autorités religieuses. Le



« Act., 20, 28.





LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT A LA PRÉSIDENTE DU CENTRE ITALIEN FÉMININ

(21 février 1953) 1






La Comtesse Amalia de Valmarana, présidente du C. I. F. ayant présenté un rapport d'activité au Saint-Siège, elle reçut la réponse suivante.

Je n'ai pas manqué de soumettre à la bienveillante attention du Saint-Père les derniers rapports sur l'activité que le Centre Italien Féminin déploie avec un rythme croissant et un zèle toujours constant et éclairé ; j'ai eu également soin de l'informer de l'intention de ce même Centre de convoquer prochainement à Rome son Congrès National pour examiner le travail accompli, pour définir le programme de celui qui reste à accomplir et pour préparer les esprits à une action commune vigoureuse, telle que les présentes contingences spirituelles et civiles de notre Pays semblent la réclamer de toutes les Femmes qui font du nom chrétien le signe irremplaçable et suprême de toute vie civile et la source intarissable d'un progrès sainement compris.

Ces consolantes nouvelles offrent donc à Sa Sainteté l'agréable occasion de manifester Sa satisfaction pour les heureux résultats obtenus jusqu'à présent. Sa paternelle attention a, en effet, daigné remarquer que le Centre Italien Féminin a d'abord été fidèle aux règles fondamentales de son Statut, qui étaient d'appeler toutes les forces féminines ouvertes à des sentiments chrétiens, aussi bien organisées qu'individuelles, à s'unir dans une entente fraternelle afin de promouvoir l'éducation et l'élévation civique de la femme ; et qu'il a su ensuite créer en quelques années un réseau d'activités utiles, aussi bien dans le domaine de l'assistance sociale que dans celui de l'organisation de colonies de vacances, dans celui des crèches, dans celui de l'aide aux adolescentes, aux différentes catégories de travailleuses, aux mères et aux familles, organisant des écoles de formation et de propagande, créant des cours d'éducation populaire et d'économie domestique, étudiant avec compétence et sérieux les multiples problèmes de la vie féminine moderne et diffusant dans ces différents secteurs une presse de circonstance ou périodique d'une grande efficacité.

En un moment où la femme, du calme sanctuaire, autrefois inviolable, des parois domestiques, est appelée à prendre une part toujours plus active aux événements et aux responsabilités de la vie publique, c'est un motif de vrai réconfort pour le Saint-Père que de voir fleurir et prospérer, à côté des mouvements plus directement reliés à l'Eglise, cette puissante organisation d'action féminine qui a déjà témoigné hautement de ses mérites et promet davantage encore, dans la défense des traditions morales et religieuses sacrées du peuple italien et dans la diffusion, dans le vaste et tumultueux domaine des intérêts publics, des principes chrétiens salutaires et féconds.

C'est pourquoi le Saint-Père daigne confirmer au Centre Italien Féminin la double mission de faire affluer vers un seul courant tous les ruisseaux des mouvements féminins qui déploient leur action dans la vie nationale et qui ne sont pas contraires au nom chrétien, et de développer chez les femmes qui en font partie le sens du bien commun telle qu'une société chrétienne doit l'entendre et le rechercher, là surtout où les moeurs démocratiques modernes demandent également à la femme d'exprimer sa valeur et de prendre sa part de responsabilité publique.

Bien qu'une bonne partie du chemin ait déjà été parcourue en quelques années, auxquelles d'ailleurs préparèrent dignement de longues années d'apprentissage de la Femme aux professions les plus variées et d'introduction à une plus vaste culture, Sa Sainteté voit toutefois que le chemin à poursuivre est encore immensément long, spécialement en ce qui concerne l'instruction et l'éducation populaires, la réforme de la mentalité là où elle demeure encore rétive à une juste considération des problèmes d'intérêt général, le bien-être économique et physique des générations nouvelles, et surtout le renforcement de la conscience chrétienne jusqu'à lui donner une vive et splendide expression au moyen d'oeuvres socialement bienfaisantes.

Union et action seront la consigne du Centre Italien Féminin ; et il ne fait aucun doute que, toujours guidé par le respect des exigences légitimes des différents groupes qui le composent, et animé d'un esprit de concorde et de conquête chrétienne, il saura conduire la Femme italienne à de magnifiques affirmations de haute valeur civique et sociale.

C'est en formulant ces voeux que l'Auguste Pontife bénit de tout coeur le Centre Italien Féminin, tous ceux et toutes celles qui lui prêtent une collaboration loyale et généreuse ainsi que les tâches qu'il poursuit avec un zèle diligent.





LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT A LA CONFÉRENCE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES CATHOLIQUES

(9 mars 1953) 1



Les grandes Associations Internationales Catholiques réunissent leur Bureau tous les ans. Cette fois cette Conférence se tenait à Rome du 8 au 12 mars 1953, sous la direction de Mademoiselle De Camillis, présidente du Comité International Catholique des Infirmières et Assistantes médico-sociales. L'objet de cette Conférence était de coordonner l'action des organisations catholiques devant certains problèmes de la vie internationale.

La prochaine session de la Conférence des Présidents des Organisations Internationales Catholiques convoquée pour la première fois à Rome, offrait au Souverain Pontife une occasion qu'il eût volontiers saisie de vous réserver un accueil paternel et de vous adresser Ses voeux les meilleurs pour le succès de vos travaux. S'il ne Lui est pas possible de vous recevoir actuellement, du moins a-t-Il voulu me charger d'être auprès de vous l'interprète de Ses sentiments.

A plusieurs titres d'ailleurs, la présente session revêt une importance particulière. Depuis un quart de siècle, la discrète réunion inaugurée à Fribourg a acquis une autorité croissante, tandis que la vie internationale prenait elle-même une ampleur et une complexité nouvelles : il convenait à la lumière des expériences de ces dernières années, de prendre une plus claire

vision de la tâche à accomplir et votre thème d'études sur les « Organisations Internationales Catholiques et la situation mondiale actuelle » répond à cette préoccupation. Le Saint-Père, au surplus, a maintes fois attiré l'attention de Ses fils sur leurs responsabilités vis-à-vis d'un monde qui prenant conscience de son unité, s'efforce de hausser les relations humaines au niveau d'une fraternelle et pacifique collaboration. « L'unification internationale fait de notables progrès, disait-Il récemment... et, par là même, se trouve confiée à l'Eglise et aux catholiques des divers pays une tâche qui réclame une attention vigilante et une sérieuse application 2. » N'est-ce pas à une telle tâche que, pour sa part, la Conférence des Présidents est heureuse de travailler ?



Il faut d'abord que les chrétiens favorisent l'entente entre tous.

Or, à cet égard, il est un premier devoir qui concerne tous les chrétiens : c'est celui de concourir à créer l'atmosphère de compréhension mutuelle et de respect réciproque sans laquelle aucune action internationale ne peut avoir d'assise profonde ni d'avenir durable. A cet effort indispensable, les catholiques, observait le Saint-Père, sont « extraordinairement aptes » en raison même de leur foi. « Il n'existe aucun groupe humain, remarquait-Il, qui présente des conditions aussi favorables, en ampleur et en profondeur, pour l'entente internationale » 3. Aussi est-ce à juste titre que votre conférence se préoccupe d'alerter la conscience chrétienne sur ces problèmes internationaux ; mais que cette éducation se poursuive toutefois dans l'esprit de liberté que prônait déjà le Souverain Pontife lors du Congrès Mondial pour l'Apostolat des Laïcs. « Ne vous inquiétez pas, disait-Il, de demander à quelle organisation ils appartiennent » ces apôtres ; « admirez plutôt et reconnaissez de bon coeur le bien qu'ils font » 4.



Il faut collaborer aux organisations officielles.

Il ne saurait être question pourtant de déprécier l'organisation. Au contraire l'Eglise, qui sait en marquer les justes limites, en reconnaît volontiers le bien-fondé, et elle apprécie en particulier que des catholiques soient activement présents au sein des Organisations officielles. Dans les divers domaines, économique, politique, culturel ou social, ils y apportent le loyal concours de leur compétence professionnelle et de leur dévouement. Qu'ils se souviennent cependant « qu'aucune organisation du monde ne saurait être viable, si elle ne s'harmonise... avec l'ordre normal et organique qui régit les rapports particuliers des hommes et des divers peuples » 5, et qu'ils se tournent avec confiance vers l'Eglise, gardienne du droit naturel en même temps que dépositaire de la Révélation, afin d'assurer leur pensée personnelle sur les fermes principes énoncés par le Saint-Père comme base morale de toute sainte organisation de la vie internationale 6.

Il est nécessaire que les catholiques mènent une action concentrée, pour redresser au besoin les erreurs qui se glissent dans les programmes officiels.

Cette présence des catholiques dans les Organismes officiels, pour normale et opportune qu'elle soit, n'épuise pas leurs devoirs et, comme fils de l'Eglise, ils auront aussi à coeur d'accroître la vitalité des Organisations Internationales Catholiques. Au moment où se révèlent à l'échelle mondiale des risques de nouvel étatisme et certains dangers d'éclectisme philosophique, malgré la noblesse des intentions et la valeur de certaines réalisations, il appartient aux Organisations Internationales Catholiques d'affirmer hautement et de faire, si possible, prévaloir les positions chrétiennes. Plusieurs de ces Organisations entretiennent d'ailleurs déjà avec les plus hautes Instances internationales des relations de travail permanentes et cordiales ; et, si le Saint-Siège, comme vous le savez, s'est intéressé de près aux questions posées par leur développement récent, c'est qu'il souhaite qu'une action coordonnée, efficace et persévérante de ces Organisations apporte, dans les divers secteurs de la vie internationale, le probant témoignage de l'intérêt des catholiques pour cette grande cause humaine si conforme à l'idéal chrétien.

Tel est le rôle des Organisations Internationales Catholiques.

Dire l'opportunité de cette action et la place qu'y doivent tenir les Organisations Internationales Catholiques, c'est attester par là même l'importance de la Conférence que vous présidez. Depuis quelques années, celle-ci constitue l'organe permanent des Organisations Catholiques ; loin de se substituer à leur légitime autonomie d'action, elle ne veut que les servir en leur offrant un terrain de rencontre propre à favoriser la coordination des travaux et des initiatives. Mais qui s'étonnerait qu'à remplir cette tâche et sans sortir de son rôle propre, la Conférence soit devenue l'un des vivants carrefours où se croisent et s'amplifient les activités catholiques dans le champ international ? Qui s'étonnerait que les nécessités de l'action aient entraîné peu à peu la réorganisation de ces divers organes constitutifs, resserrés par leurs liens, et accru la fréquence de leurs réunions ? Aujourd'hui encore, c'est à juste titre que les membres de la Conférence s'efforcent de rendre celle-ci toujours plus apte à remplir la tâche qui lui est assignée. Le Saint-Siège, qui a suivi cette évolution, l'apprécie et l'encourage, et je suis heureux de me faire l'interprète de la paternelle gratitude du Souverain Pontife pour tant d'actifs dévouements qui se sont déployés et se déploient encore au sein de la Conférence.

Comment donc ne pas espérer de féconds résultats de votre prochaine rencontre romaine ? Quelque trente Organisations y prendront part, représentant les diverses branches d'activité des catholiques dans ces domaines, et il faut souhaiter au surplus que des relations étroites et fructueuses unissent la Conférence au Comité Permanent des Congrès Internationaux pour l'Apostolat des Laïcs. Aussi est-ce de tout coeur qu'en gage de Sa bienveillance, Sa Sainteté envoie à tous les participants de la Session, à vous-même et à vos collaborateurs, la faveur d'une très paternelle Bénédiction apostolique.







LETTRE A DOM KAELIN ABBÉ PRIMAT DE L'ORDRE BÉNÉDICTIN POUR LE NEUVIÈME CENTENAIRE DE SAINT PROCOPE

(12 mars 1953) 1






Saint Procope, fondateur du Monastère de Sazava en Bohême mourut 1053. Pour le IXe centenaire, Pie XII envoya la lettre suivante :

En ce neuvième centenaire du moment où — selon la tradition — saint Procope, fondateur du Monastère de Sazava en Bohême, s'envola vers les cieux par une très sainte mort, il convient particulièrement que tous ceux qui s'en glorifient, ses concitoyens et ses frères les plus fidèles dans la foi, soit qu'ils vivent au pays soit qu'ils soient à l'étranger, méditent intensément ses magnifiques exemples de vertu et se les proposent en modèle. Ils ont beaucoup contribué en effet, lui et le groupe de moines bénédictins fondé par lui, tant à la large propagation de la religion catholique parmi ce peuple qu'au progrès — autant qu'il était alors possible — du patriotisme et des lettres. Suivant les traces du saint patriarche Benoît, il prit pour lui et les siens comme marque et signe distinctif la devise : « Prie et travaille ». C'est pourquoi non seulement il s'adonnait à la prière avec une très grande application, non seulement il expiait par les oeuvres de pénitence plus les faiblesses des autres que les siennes, non seulement il s'appliquait selon ses forces à ramener tous ceux qu'il pouvait aux préceptes de Jésus-Christ et à une vie vertueuse, mais conformément aux règles de son ordre, il s'adonnait même aux travaux d'artisan et de cultivateur, pour procurer à lui et aux siens le pain quotidien et pour donner à manger et aide aux indigents. Pénétré de la charité du Christ, il aida grandement les autres dans leurs besoins de corps et d'âme, parfois même par des merveilles opérées par le secours de Dieu.

Mais, si les temps où il vécut furent très difficiles, les nôtres ne sont pas moins embarrassés de graves périls et Nous désirons que tous, ceux surtout qui voient avec larmes et pleurs l'Eglise catholique si entravée et persécutée prient avec très grande ferveur ce céleste Patron et lui demandent instamment que la religion chrétienne puisse refleurir de jour en jour en liberté chez les siens, qu'elle puisse jouir de ses droits imprescriptibles et réaliser ses entreprises et ses oeuvres pour le commun profit général.

Que d'instantes prières soient répandues pour tous ceux — et notamment les religieux Bénédictins — qui ou sont jetés dans les fers, ou sont détenus dans les camps de prisonniers ou ont été déportés loin de leur domicile ; et surtout pour les Pontifes sacrés qui, précisément, pour avoir voulu obéir intrépidement à leur très saint devoir ont souffert et souffrent tant de douleurs et d'extrémités. Parmi ceux-ci, Nous désirons évoquer particulièrement Notre Vénérable Frère, Notre très cher Joseph Beran, archevêque de Prague, qui en un très noble exemple de foi et de fermeté s'est efforcé de répondre de toutes ses forces à sa charge pastorale.

Les consolations célestes et les secours divins, que saint Procope, gloire de l'Ordre bénédictin et de sa patrie, les leur obtienne à tous ; que tels soient, comme Nous le souhaitons grandement et le demandons en d'humbles prières, les fruits féconds et salutaires qu'apportera heureusement, par la grâce de Dieu, cette commémoration séculaire.

En gage de ces faveurs et en témoignage de Notre bienveillance, Nous vous accordons la Bénédiction apostolique très affectueusement dans le Seigneur, à vous, chers fils et à tous ceux qui, soit dans la patrie, soit dans leur lieu d'exil prieront leur très glorieux concitoyen pendant ces heureuses solennités.





ALLOCUTION AU COLLÈGE DE L'EUROPE DE BRUGES

(15 mars 1953) 1






Ce Collège, fondé à Bruges pour préparer des chefs à l'Europe unie, fut reçu en audience par le Pape qui prononça l'allocution suivante :

Vous savez, Messieurs, comme Nous accueillons toujours volontiers les représentants du savoir et ceux-là surtout qui, justement préoccupés des intérêts supérieurs de l'humanité, consacrent leurs efforts à la construction d'un monde meilleur et d'une paix durable. C'est pourquoi l'hommage que Nous rendent aujourd'hui les Professeurs et les Etudiants du Collège d'Europe Nous cause un vif plaisir et Nous voudrions vous dire tout l'intérêt que Nous accordons à vos travaux.



Le Saint-Père précise le rôle du Collège de l'Europe.

Lorsqu'après la dernière guerre, les dirigeants de certains pays se décidèrent à mettre sur pied des institutions internationales chargées d'organiser la paix, l'expérience cruelle du demi-siècle passé pesait sur leurs discussions et ne cessait de leur rappeler qu'il ne suffit pas d'une idée généreuse pour s'assurer des chances valables de réussite. La réalisation pratique de l'unité européenne en particulier, dont tous pressentaient l'urgence et vers laquelle instinctivement on s'orientait, se heurtait à deux obstacles majeurs, l'un inhérent à la structure de l'Etat, l'autre psychologique et moral. Le premier comporte une série de problèmes économiques, sociaux, militaires et politiques. Les membres qui désirent s'associer se trouvent à des niveaux différents tant sur le plan des ressources naturelles et du déve-

loppement industriel que sur celui des réalisations sociales : ils ne pourront engager une vie commune qu'après avoir assuré les moyens de maintenir l'équilibre de l'ensemble. Mais, bien plus pressante encore, s'affirme l'exigence de ce qu'on appelle l'esprit européen, la conscience de l'unité interne, fondée non point sur la satisfaction de nécessités économiques, mais sur la perception de valeurs spirituelles communes, perception assez nette pour justifier et maintenir vivace la volonté ferme de vivre unis.

C'est pour étudier ce double problème que fut établi le Collège d'Europe, et la seule considération du but poursuivi suffit à mettre en lumière la signification réelle de vos activités. Préparer les hommes qui seront capables d'affronter ces questions au sein des divers organismes responsables, de proposer des solutions viables malgré les divergences parfois énormes de tendances et de points de vue, capables surtout de remonter aux sources de l'esprit européen, d'en devenir les protagonistes qualifiés, ce n'est pas une tâche aisée. Nous sommes heureux qu'il se soit trouvé des hommes pour oser l'entreprendre et la poursuivre avec la patiente espérance qui en assure les débuts. Comme Nous ne pouvons en détailler les aspects multiples, Nous voudrions en souligner au moins un, parce qu'il rejoint Nos préoccupations dominantes et les soucis quotidiens de Notre mission de Pasteur d'âmes. Nous venons à l'instant de parler de l'esprit européen. Nul doute qu'il doive constituer un objectif capital, sans lequel rien de solide ne pourra se construire. Qu'il Nous soit permis d'insister sur les conditions de son avènement.



conditions de l'avènement de l'esprit européen sont les suivantes : Il faut consentir à faire certains sacrifices.

On reconnaît sans peine que des concessions sérieuses seront exigées de tous les partenaires d'une Europe unie. Transfert d'industries, réadaptation de la main-d'oeuvre, fluctuations et difficultés locales dans tel ou tel secteur de la production ; voilà quelques-unes des éventualités auxquelles devront faire face les gouvernements et les peuples. Ces malaises peuvent être passagers, mais aussi durables ; il n'est pas certain qu'ils seront toujours compensés à brève échéance par des avantages économiques, tout comme, déjà à l'intérieur d'un pays, les régions plus pauvres ne jouissent d'un niveau de vie égal que grâce à l'apport des régions plus fortunées. Il faudra donc faire admettre des renoncements, peut-être permanents, par l'opinion publique de chaque nation, lui en expliquer la nécessité, lui inspirer le désir de rester malgré cela unie aux autres, de continuer à les aider.



2° Il faut combattre l'égoïsme.

On devine la réaction naturelle des égoïsmes, le repli sur soi quasi instinctif, arme dangereuse aux mains des opposants et de tous ceux dont les fins équivoques s'accommodent bien des querelles d'autrui. Il faut donc, dès le départ, s'en persuader : la perspective de profits matériels ne garantira pas la volonté de sacrifices indispensables à la réussite. Tôt ou tard, elle se révélera illusoire et trompeuse. On alléguera alors les intérêts de la défense commune : sans doute la peur suscite facilement une réaction violente, mais, d'habitude, assez brève et dépourvue de force constructive, non susceptible de canaliser et de coordonner des énergies diverses au service d'une même fin.



3° Il faut faire appel aux valeurs spirituelles.

Si l'on cherche des garanties solides pour la collaboration entre pays, comme d'ailleurs pour toute collaboration humaine, dans le domaine privé ou public, dans les cercles restreints comme sur le plan international, seules des valeurs d'ordre spirituel se révéleront efficaces, seules elles permettront de triompher des vicissitudes que les circonstances fortuites ou, plus souvent, la malignité des hommes ne tardent pas à faire éclore.



4° Il faut créer une réelle amitié entre les peuples.

Entre les nations comme entre les personnes, rien ne dure sans une véritable amitié.

Un sentiment d'une telle qualité, faut-il le dire, ne se crée pas en quelques années ni par des moyens artificiels. Mais grâce à Dieu, ce sentiment existe déjà, un peu alangui ici ou là, trop inconscient de lui-même, trop peu au fait de ses propres ressources et de sa puissance incomparable. Nous n'en voulons comme preuve, que le splendide témoignage de générosité, qui tout récemment encore, a suscité l'affluence des secours aux victimes des inondations. Il faut saluer avec joie ce signe d'un vrai désintéressement, d'une vraie compréhension mutuelle, d'une volonté efficace de collaboration pour la défense non point de profits mercantiles, mais d'authentiques valeurs humaines. Il vous revient, comme spécialistes des questions européennes, de scruter les causes et les ressorts psychologiques de ces attitudes. Il ne Nous échappe pas que, si l'Empire Romain a posé les premiers fondements juridiques et culturels de l'Europe en diffusant la civilisation gréco-latine, le christianisme a modelé l'âme profonde des peuples, il a dégagé en eux, en dépit de leurs différences les plus marquées, les traits distinctifs de la personne libre, sujet absolu de droit et responsable devant Dieu non seulement de sa destinée individuelle, mais aussi du sort de la société où elle est engagée.

Dans cette conviction s'enracinent le respect d'autrui, le sens de sa dignité inaliénable et de l'aide réciproque que l'on se doit pour sauvegarder et promouvoir ces biens que toutes les richesses de la terre ne sauraient payer. Ces sentiments, encore trop confus à présent, il importe de les aviver, de les éclairer sous toutes les incidences, de les diffuser dans la masse, de leur permettre de se traduire en gestes analogues à ceux que Nous admirions tantôt.



5° 11 faut mettre en relief les motifs que les peuples ont de vivre ensemble.

La volonté de vivre ensemble qui cimentera l'Europe de demain se gardera de la défaillance à la vue des dangers externes qui la menacent ; mais au lieu de se laisser pousser vers le but, un peu contre son gré, ne vaut-il pas mieux que chacun y soit attiré par un élément positif ?



— motifs économiques et politiques.

Des éléments de ce genre, on les retrouve déjà dans le domaine économique et politique. L'Europe unie se propose de garantir l'existence de chacun de ses membres et celle du tout qu'ils constituent, de favoriser la prospérité économique, de sorte que sa puissance politique puisse être en mesure de se faire respecter, comme il convient, dans le concert des puissances mondiales. Voilà certes un but positif appréciable des efforts présents vers une Europe unie.

motifs spirituels.

Ce que Nous avons déjà souligné en d'autres circonstances, Nous croyons pouvoir le répéter encore devant vous, parce que c'est une conviction que l'expérience affermit en Nous, non seulement d'année en année, mais, pour ainsi dire, de mois en mois : au-delà de ce but économique et politique, l'Europe unie doit se donner pour mission l'affirmation et la défense des valeurs spirituelles qui, autrefois, constituaient le fondement et le soutien de son existence, qu'elle avait jadis la vocation de transmettre aux autres peuples, et qu'elle doit rechercher aujourd'hui, par un effort pénible, pour se sauver elle-même : Nous voulons dire la foi chrétienne authentique comme base de la civilisation et de la culture qui est la sienne, mais aussi celle de toutes les autres. Nous le disons bien clairement, parce que Nous craignons que l'Europe, sans cela, ne possède pas la force interne pour conserver, devant des adversaires plus puissants, non seulement l'intégrité de ses idéals, mais aussi son indépendance terrestre et matérielle.

Ce n'est pas sans motif que le Collège d'Europe a choisi pour siège une ville riche de passé, et Nous sommes heureux de le souligner, de passé chrétien. Que la paix de ses eaux tranquilles soit le symbole de celle que vous travaillez à assurer, en rendant aux hommes d'aujourd'hui la conscience de leurs affinités, en les aidant à consentir les nécessaires renoncements, grâce à l'attirance d'une vocation qui leur promet encore d'inestimables conquêtes.

Que le Seigneur daigne protéger vos personnes, vos familles et vos efforts, sur le chemin du bien.





Pie XII 1953 - MESSAGE AUX ÉLÈVES DES ÉCOLES CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS