Pie XII 1953 - ALLOCUTION A DES JOURNALISTES AUTRICHIENS


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT A LA TREIZIÈME SEMAINE SOCIALE D'ESPAGNE

(25 avril 1953) 1




La treizième Semaine Sociale d'Espagne se tenait du 12 au 19 avril 1.953 h Cordoue.

Le dévot message de Votre Excellence au Souverain Pontife avec le rapport sur les travaux qui vont se dérouler à la treizième Semaine Sociale d'Espagne, en la ville de Cordoue, a été l'objet de Son attention particulière en raison de l'actualité du thème : « Le problème social de la campagne andalouse ».

On a voulu que les conférences que vont faire les savants professeurs en cette Semaine convergent sur un problème concret, la vie rurale de la belle région andalouse, avec le louable désir que les enseignements et solutions qu'elles exposeront puissent être profitables à l'agriculture espagnole, qui est la principale source de richesse de la nation.

Tout le monde connaît bien l'importance que représentent les problèmes de la campagne, car, ainsi que l'a dit le Saint-Père, « la garantie morale de tout le peuple dépend beaucoup de l'existence d'une classe d'agriculteurs socialement saine et aux solides convictions religieuses » 2. Sans doute les questions agricoles comportent une si grande variété, présentent tant d'aspects que cela même rend fort difficile leur solution. Ses multiples facteurs naturels et historiques, les relations juridiques et économiques, la diversité des formes de culture et de production créent une situation qui a retardé l'application des avantages sociaux qui ont été obtenus dans le secteur de l'industrie.

1 D'après le texte espagnol de l'Osservatore Romano du 25 avril 1953.

2 S. S. Pie XII aux Cultivateurs directs d'Italie, le 15 novembre 1946.




L'économie andalouse a sa principale base dans l'agriculture. Sans doute la campagne de cette région, en raison d'une série de facteurs et de circonstances, ne présente pas partout le même problème. La grande propriété foncière, la culture unique, le manque d'eau, la concentration des habitants, les difficultés des communications sont autant de phénomènes qui ne permettent pas une solution unique mais qui imposent pourtant aux hommes de bonne volonté l'obligation urgente de chercher un remède.

La question des grandes propriétés foncières, aux caractéristiques multiples et due à diverses causes, doit être traitée avec décision, mais aussi avec une modération opportune. Ces grandes étendues de terres, très souvent abandonnées, peuvent permettre parfois que, moyennant un morcellement rationnel, de nombreuses familles disposent d'une propriété privée — si constamment recommandée par la doctrine sociale de l'Eglise — et d'autres fois, grâce à un travail plus technique et intensif, consentir l'emploi d'un plus grand nombre d'ouvriers fixes et journaliers.

Les terres andalouses, riches par elles-mêmes, souffrent de la pénurie d'eau et avec elle de la perte des fruits. Etablir un système d'irrigation, dans les cas et manières où c'est possible, n'est pas toujours à la portée des propriétaires ; aussi avec l'aide de l'Etat — et il convient de louer la diligence qu'apporte à cela le gouvernement de la nation — peut-on espérer voir s'améliorer en ce sens la condition de plus d'une région.

Le sage programme de la Semaine proposera différents remèdes à ces inconvénients ainsi qu'à d'autres. Mais si l'on cherche un principe de solution générale, capable d'affronter la réalité des faits, on le trouvera surtout dans l'initiative privée, sans négliger tout ce que l'Etat peut et doit faire en la matière. Une initiative privée qui ne doit pas partir d'autre chose que d'une authentique compréhension et fraternité entre propriétaires et travailleurs, basée sur un véritable esprit chrétien plein de justice et de charité, et qui unisse avec douceur et efficacité le patron de la terre et celui qui l'arrose de sa sueur quotidienne.

Dans ce sens, le Souverain Pontife exposait, dans le discours déjà cité, adressé aux cultivateurs directs d'Italie en 1946, ce que sont les rapports entre le capital et le travail de la campagne quand on prend possession de la terre non point pour en faire l'objet de son amour, mais d'une froide exploitation, rapports si différents de ceux dans lesquels, grâce à la coopération entre propriétaires et travailleurs, les deux éléments qui collaborent à la production, s'établissent une union et une solidarité, dont « il est à désirer qu'elles arrivent à être le fondement d'un ordre économique meilleur »3. Aujourd'hui, plus que jamais, il faut tenir compte de la fonction sociale de la propriété, en vertu de laquelle « les hommes doivent viser non seulement à leur propre avantage, mais aussi au bien commun »4. Comment ne pas penser, en outre, à des réalisations concrètes qui apportent la paix aux familles préoccupées par le manque de moyens de subsistance ? Pour ce motif doivent être loués ceux qui tendent à avoir le plus grand nombre possible d'ouvriers fixes sans chercher à échapper aux charges sociales en employant des journaliers selon les circonstances ; qui se soucient de remédier dans la mesure du possible au chômage saisonnier ; qui construisent des demeures pour éviter à leurs travailleurs de vivre une grande partie du temps éloigné de leurs familles ; qui préparent leur participation aux bénéfices, et n'oublient pas qu'« il n'y a pas de préjugé plus erroné que de croire que le travailleur n'a pas besoin d'une culture sérieuse et appropriée pour accomplir durant toute l'année le travail infiniment divers de chaque saison » 5. Et ensuite comme base de tous ces avantages, le soutien de la vie religieuse car « qu'il le veuille ou non, l'homme de la campagne perçoit constamment l'action souveraine de Dieu » 6. Les principes religieux adouciront pour le travailleur la rudesse du travail, ils lui feront accomplir fidèlement ses tâches, ils l'aideront à éduquer ses enfants dans la sainte crainte de Dieu, et ainsi les familles retrouveront les vertus chrétiennes qui ont toujours été leur principal ornement.

Le Souverain Pontife ne peut manquer de manifester sa paternelle bienveillance aux organisateurs de la Semaine et à tous ceux qui y prennent part. Il se plaît à les encourager à cette oeuvre méritoire pour contribuer de la sorte à la formation d'une conscience droite qui fasse sentir et vivre avec une intensité croissante cette solidarité sociale qui provient de l'esprit du christianisme, dans lequel seul elle trouve sa pleine réalisation.

En demandant au Seigneur d'éclairer de ses lumières divines les travaux de la Semaine, Sa Sainteté envoie de tout coeur à Votre Excellence et aux participants la Bénédiction apostolique.










ALLOCUTION A DES OUVRIÈRES DE L'INDUSTRIE DU TABAC

(26 avril 1953) 1




Ce dimanche, environ deux mille jeunes filles travaillant dans l'industrie du tabac vinrent à Rome et furent reçues en audience.

Votre vive foi, votre grande dévotion à Jésus, à l'Eglise et au Vicaire du Christ sur terre vous ont conduites à Rome, chères filles, cultivatrices et travailleuses du tabac, et ouvrières du cher diocèse de Fidenza. Et pour manifester vos sentiments de piété et Nous apporter votre « message d'amour et de fidélité », vous avez demandé de vous réunir autour de Nous, poussées à la fois par le désir de recevoir la Bénédiction apostolique et d'écouter Notre parole de réconfort et d'exhortation.

Chaque matin, alors que Nous offrons à Dieu le saint sacrifice de la Messe, Nous élevons vers le Seigneur Nos ardentes prières « pour tous les fidèles chrétiens, . . . afin que ce sacrifice serve à leur salut dans la vie éternelle » 2. Mais Notre oraison se fait, pour ainsi dire, plus suppliante et intense, quand au Memento des vivants, Nous rappelons les intentions et les besoins de ceux que la divine Providence met successivement en contact plus direct avec Nous. C'est ainsi que, hier, lorsque dans l'attente de l'audience d'aujourd'hui, Nous pensions précisément à vous, chères filles, Nos yeux vinrent à se poser sur le passage de l'Evangile que l'Eglise fait lire pour la fête de saint Marc et qui Nous a suggéré les paroles que Nous allons vous dire ; cette circonstance Nous donne la confiance de n'être, en Nous adressant à vous, rien de plus qu'un instrument, dont Jésus veut se servir pour vous enseigner et vous bénir.

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano des 27 et 28 avril 1953.

2 Ordo Missse. s Luc, 10, 1-9.




L'Evangéliste 3 raconte que le Seigneur désigna soixante-douze autres disciples et les envoya devant Lui partout où Lui-même devait aller, et, après les avoir avertis que la moisson était abondante mais que les ouvriers étaient peu nombreux, Il ajouta : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups », et il conclut en les exhortant à dire à tous ceux qui les accueillaient : « le royaume de Dieu approche ».

Ainsi donc, chères filles, Nous vous choisissons, vous et toutes vos compagnes présentes ici par la pensée, et Nous vous renvoyons aux lieux de votre travail, où il est nécessaire que Jésus revienne en Maître et Sauveur.

Considérez avant tout combien est grande la moisson, c'est-à-dire combien est vaste le champ de travail pour votre apostolat. Nous entendons particulièrement faire allusion à vos usines, où, selon la parabole de l'Evangile 4, l'oeuvre de l'ennemi a fait croître l'ivraie au milieu du bon grain.

Nous estimons superflu de répéter ici ce que Nous avons déjà affirmé, à chaque occasion, au sujet du droit du travailleur à un juste salaire, au respect de sa dignité, à une habitation salubre où il puisse mener une vie de famille chrétienne et heureuse, de même que Nous avons aussi exprimé la légitimité d'« attribuer aux ouvriers une juste part de responsabilité dans la constitution et dans le développement de l'économie nationale » 5. Celui qui travaille ne doit pas se sentir étranger dans le lieu de son propre travail ; il est co-producteur, sujet de l'entreprise et non pas simplement objet. Nous suivons donc avec un vif intérêt votre oeuvre pour améliorer vos conditions de travail et pour attirer l'attention des autorités et des chefs d'entreprises sur les inconvénients auxquels vous pouvez être exposées.

Mais ces revendications légitimes ne justifient pas, ni ne peuvent en aucune manière expliquer, le ravage effectué dans les âmes, parmi les travailleurs et les travailleuses des usines et autres lieux de travail, où il n'est pas rare de rencontrer des âmes aveuglées par une propagande parfois sournoise, parfois effrontée, engendrant la haine et la révolte.

Il est grand, chères filles, le champ de votre apostolat ! Tandis que d'un oeil attentif vous veillez à vos machines et aux autres instruments du travail, n'oubliez pas que vous avez à côté de vous une foule d'âmes immortelles, rachetées elles aussi par le sang de Jésus, mais qui se sont éloignées de Lui quand elles furent misérablement amenées à désespérer de trouver dans le doux Maître divin le réconfort et le salut.

Matth., 13, 36 et s.

Discours du 7 mai 1949 ; cf. Documents Pontificaux, 1949, p. 155.



Que votre exemple rende visibles et attirantes votre foi et votre vie chrétienne ; faites en sorte que, votre sérénité, même au milieu des angoisses, votre paix, votre pureté, fassent renaître dans tant de coeurs la nostalgie de la lumière et de l'amour.

Certes — c'est là Notre seconde parole — cette oeuvre d'apostolat est souvent ardue. « Je vous envoie, disait le Rédempteur divin comme des agneaux au milieu des loups. » Tout le monde sait, en effet, dans quel climat de froideur spirituelle vous êtes souvent contraintes de vivre, et quelles railleries vous devez parfois supporter à cause de votre foi et de votre action. Occupés au même travail, à côté des mêmes machines, pour gagner le même pain quotidien, les ouvriers devraient se sentir unis comme des frères ; en revanche ils demeurent souvent divisés par des barrières presque insurmontables.

Chères filles ! Vous devez non seulement demeurer fermes et fortes, sans vous laisser intimider, mais être en même temps pleines d'inépuisable douceur envers ces pauvres âmes égarées, en attendant patiemment le jour et l'heure du repentir.

Que soit pour vous un réconfort l'espérance d'une éclaircie prometteuse dans le ciel nuageux de notre monde.

Sans doute d'autres tempêtes pourront encore se déchaîner ; mais qui n'entrevoit, à travers les nuées déjà déchirées deci delà, le soleil d'une nouvelle journée plus lumineuse et sereine, prêt à resplendir avec ses rayons ?

Retentira-t^elle donc en vain la plainte de millions d'âmes, qui « implorent un changement de direction et regardent l'Eglise du Christ comme la seule capable de tenir efficacement le gouvernail » 6 ?

Revenez, chères filles, à vos lieux de travail, et dites : « Le royaume de Dieu approche ! ». C'est Notre troisième parole.

Ingéniez-vous à faire comprendre aux compagnons de votre travail combien de tranquillité et de joie inonderaient leurs âmes, si elles se décidaient finalement à se soumettre de nouveau à la si douce domination du Christ ; faites voir la paix harmonieuse qui égaierait leurs foyers, si Jésus y régnait en souverain. Expliquez du mieux que vous pourrez l'avantage qui en résulterait pour les structures mêmes du monde, si ceux qui veulent les refaire différentes et meilleures, travaillaient avec Jésus, en Jésus et pour Jésus.










LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU BUREAU INTERNATIONAL DE L'ENFANCE

(27 avril 1953) 1






Du 5 au 9 mai 1933 se tint à Constance le quatrième Congrès du Bureau International Catholique de l'Enfance. Son président, M. Raoul Delgrange reçut de la Secrétairerie d'Etat la lettre que voici :

A la veille du quatrième Congrès du Bureau International Catholique de l'Enfance, vous avez exprimé le désir que le Saint-Père daigne envoyer un témoignage de sa paternelle confiance.

C'est très volontiers que Sa Sainteté acquiesce à votre demande ; elle apprécie, en effet, le bon travail réalisé depuis quelques années par l'organisme que vous présidez et se félicite en particulier du choix de l'important sujet qui retiendra cette année l'attention de votre assemblée.

« Enfance et famille » : que de fois, au cours de ces dernières années, l'Eglise n'eut-elle pas l'occasion de prendre la défense de l'une et de l'autre ! Et il sera facile aux rapporteurs du Congrès de se référer, entre autres, aux enseignements lumineux et toujours actuels de Pie XI dans l'encyclique Divini illius Magistri, non moins qu'aux importants discours prononcés sur ces questions par Sa Sainteté elle-même.

Défenseur de la personne humaine contre toutes les entreprises de « dépersonnalisation » du monde contemporain, le Souverain Pontife s'est en effet penché avec une spéciale sollicitude sur le cas des enfants, car leur personnalité en éveil et encore fragile est plus exposée qu'aucune autre aux formes










Exhortation du zo février 1952 ; cf. Documents Pontificaux, 1952, p. 43.



modernes de ce « scandale » que Jésus stigmatisa avec tant de véhémence. Ainsi, en plusieurs circonstances, le Saint-Père a réaffirmé ce droit premier — et trop souvent bafoué — de l'enfant, qui est son droit même à la vie, fût-ce au prix des plus héroïques sacrifices. Il a rappelé avec force les normes d'une véritable éducation de la conscience contre les prétentions de quiconque voudrait affranchir l'enfant de l'autorité de la loi morale et de ses légitimes interprètes, ou, à l'inverse, l'asservir sous la pression contraignante d'un pouvoir totalitaire. Enfin n'a-t-il pas souvent déploré les obstacles opposés ici ou là au droit plus sacré du jeune catholique, celui de reconnaître les vérités salvatrices de sa religion et d'être mis contrètement en mesure d'y donner pleine et libre adhésion ?

Et, puisque votre Congrès étudie plus spécialement les problèmes de l'enfance dans leurs relations avec la famille, Sa Sainteté ne saurait trop insister sur les si graves responsabilités des familles chrétiennes envers leurs enfants, ce « talent qui leur a été confié par Dieu et qui ne doit pas être utilisé dans leur propre intérêt ni dans le seul intérêt terrestre de l'Etat, mais qui devra, au jour du jugement, être restitué à Dieu avec le fruit qu'il aura dû produire »2. Or, de nos jours, cette responsabilité est souvent d'un exercice plus délicat. Des conditions de vie plus difficiles ont desserré les liens de l'intimité familiale et favorisé dans la jeunesse un désir d'émancipation plus généralisé ; par ailleurs, l'enfant est l'objet de l'attention plus vigilante des services médicaux, des éducateurs spécialisés, des pouvoirs publics. Mais ces multiples circonstances, loin de diminuer le rôle propre de la famille, exigeraient plutôt des parents une connaissance plus approfondie de leur tâche d'éducateurs, alors que, hélas, c'est le contraire qui se vérifie trop souvent.

Votre organisme, se plaçant du point de vue de l'enfance qui est le sien, pourra, je n'en doute pas, étudier avec profit ce que doit être la collaboration des diverses institutions qui concourent aujourd'hui avec la famille au bien physique et moral de l'enfant.

Aussi Sa Sainteté forme-t-elle les meilleurs voeux pour le succès de vos travaux et vous envoie de tout coeur, ainsi qu'aux membres du Bureau et à tous les participants du Congrès, une paternelle Bénédiction apostolique.










CONSTITUTION APOSTOLIQUE ÉRIGEANT L'ÉVÊCHÉ DE COPENHAGUE

(29 avril 1953) 1



La Constitution danoise de 1849 proclama la pleine liberté religieuse au Danemark ; cependant ïaugmentation du nombre des fidèles fut lente et due surtout aux immigrants étrangers ; il y avait environ 5000 catholiques vers 1910 ; d'assez nombreux réfugiés catholiques ont augmenté ce nombre depuis 1944, et les conversions furent plus nombreuses ; c'est pourquoi le Vicariat apostolique de Copenhague devient un Evêché2.

1 D'après le texte latin des A. A. S„ t. XXXXV, 1053, p. 537.
2 Le titre de cet Evêché est Hafnia.


Nous avons été informé de l'état florissant de l'Eglise du Danemark qui étend grandement ses frontières. Cette nouvelle Nous procure certes joie et consolation au milieu des graves inquiétudes que Nous causent les combats suscités de toute part contre la sainte Eglise. Désirant donc encourager, vers de nouveaux progrès de la religion, les prêtres qui se sont appliqués tout entiers avec intelligence et grand courage à étendre le christianisme au Danemark et voulant en même temps leur rendre le témoignage d'une louange méritée, Nous avons l'intention d'élever le Vicariat apostolique du Danemark au rang de diocèse. C'est pourquoi, ratifiant l'avis de la Sacrée Congrégation de la Propagande en la matière et entrant dans les vues de ceux qui jugent avoir quelque droit sur la question, après la très attentive considération qui convenait en la matière, et donc en pleine connaissance de l'acte que Nous allons poser ; en vertu de Notre suprême pouvoir apostolique, Nous décidons ce qui suit : Nous élevons le Vicariat apostolique du Danemark à la dignité de diocèse, du nom de Copenhague, et Nous le soumettons directement à Notre autorité et à celle du Siège apostolique.


Encyclique Casti Connubii.
3 En latin Sanctus Anscharius.


L'Evêque de ce diocèse aura son siège et son domicile dans la ville de Copenhague ; pour le placement de la chaire, on pourra commodément utiliser le temple de Saint-Oscar3 qui était jusqu'ici considéré comme l'église propre du Vicaire apostolique. A ce diocèse ainsi constitué, eu égard à sa nouvelle dignité, et à ses Chefs selon le temps, Nous attachons tous les droits, privilèges, charges et obligations qui honorent et lient les autres Eglises de même dignité et les autres Evêques du monde. L'Evêque de Copenhague aura la charge de constituer le Collège des Chanoines ; cependant aussi longtemps qu'il en sera empêché par les circonstances, Nous permettons qu'en leur lieu des Consulteurs diocésains soient choisis pour aider l'Evêque de leur activité et de leurs avis. Parce qu'enfin à la stabilité du diocèse importe grandement l'éducation des enfants que Dieu aura appelés au ministère sacerdotal, Nous ordonnons qu'un Séminaire soit fondé au plus tôt. En ce qui concerne ce qu'on appelle la mense épiscopale, elle sera constituée soit des revenus s'il en est, du Vicariat du Danemark, soit des ressources qui surviendront à la Curie ; soit enfin des subsides de la Sacrée Congrégation de la Propagande ou des fidèles. L'exécution des décisions contenues dans cette lettre sera assurée par Notre vénérable Frère Jean-Théodore Suhr, jusqu'ici Vicaire apostolique du Danemark et Evêque titulaire de Balecio, nommé aujourd'hui même Evêque de Copenhague. Nous lui accordons par conséquent de grand coeur les pouvoirs nécessaires à cette fin, pouvoirs qu'il pourra subdéléguer à tout dignitaire ecclésiastique. Et lorsque toute l'affaire sera réglée, le même Vénérable Frère, que Nous venons de citer, veillera à ce que des documents en soient établis, dont il fera transmettre des exemplaires dignes de foi à la Sacrée Congrégation de la Propagande. Nous voulons que cette Lettre soit et demeure efficace dès maintenant et à l'avenir de manière à ce que ses décisions soient religieusement observées par ceux qu'elles concernent et qu'elles obtiennent ainsi leur effet. A l'efficacité de cette Lettre, aucune prescription de quelque nature que ce soit ne pourra s'opposer, car par la présente, Nous dérogeons à toutes. C'est pourquoi, si quelqu'un, de quelque autorité, sciemment ou non, agissait contrairement à ce que Nous avons édicté, Nous voulons que son acte soit tenu pour nul et sans valeur. Qu'il ne soit donc licite à personne de déchirer ou d'enfreindre ce témoignage de Notre volonté ; bien plus les exemplaires et extraits de cette Lettre, soit imprimés soit manuscrits, portant le sceau d'un dignitaire ecclésiastique et en même temps la signature d'un notaire, recevront la même créance que cet original, s'il était montré. Et si en général quelqu'un méprisait ou de quelque manière refusait Notre décret, qu'il sache qu'il subira les peines de droit statuées contre ceux qui n'auront pas obéi aux ordres des Souverains Pontifes 4.









ALLOCUTION A DES OUVRIERS ITALIENS

(ier mai 1953) 1






En ce premier mai, le Pape accueillit environ 3.500 ouvriers de chantiers des environs de Frosinone et de Bologne.

Les mots Nous manquent presque, chers fils, pour vous exprimer la profonde émotion de Notre âme et la joie de Notre coeur paternel en face du merveilleux spectacle que vous offrez à Notre regard.

Marie, la Vierge très Sainte, toujours si pleine de maternelles tendresses envers Nous, a voulu Nous faire un don des plus agréables pour ce premier jour du mois qui lui est consacré, en Nous réjouissant par votre présence, très chers travailleurs venus à Rome de tant de régions d'Italie.

Nous vous donnons Notre affectueux salut de bienvenue à vous tous qui, isolément ou par petits groupes, avez voulu profiter de l'occasion pour vous réunir autour de Nous et recevoir Notre Bénédiction. Mais Notre premier salut va aux deux mille ouvriers provenant pour la plupart de la forte et chrétienne terre de Frosinone.

Quand Nous apprîmes qu'un vaste programme de travaux avait été prévu au profit des zones sous-développées du sud de l'Italie, Nous en fûmes grandement heureux, non seulement parce que commençait ainsi une oeuvre concrète et hardie pour la renaissance de ces régions au moyen de bonifications, d'améliorations des terres, de barrages de montagne, d'acqueducs et de routes, mais aussi à cause des plus grandes possibilités d'emploi qui devaient en résulter, ramenant, avec le travail, la tranquillité et le bien-être dans vos familles.

Dieu seul connaît Nos angoisses, Notre tristesse presque mortelle, à la pensée que tant de Nos fils chômeurs sont privés de ce qui serait nécessaire pour leur entretien convenable.

Nous désirons adresser un autre salut particulier aux quinze cents ouvriers venus de Reggio d'Emilie. Sur cette terre qui Nous est spécialement chère — qui eut tant de martyrs du sang et du silence, et où certes ne manquent pas les ombres épaisses — brille aujourd'hui une lumière de vie chrétienne renaissante grâce à l'action de prêtres et de fidèles courageux et unis dans l'effort Ils cultivent avec une ardente volonté cette portion de la vigne du Seigneur si menacée par le gel de l'indifférence et par les épines de la contradiction, mais où l'on voit déjà germer de nouveaux et vigoureux bourgeons, dont aucune intempérie contraire ne pourra arrêter le développement prometteur.

Nous savons que votre vénéré pasteur a répondu, lui aussi, généreusement à Notre Exhortation pour le renouveau si souhaitable du monde ; aussi de grand coeur lui exprimons-Nous Notre gratitude, ainsi qu'à tous ceux qui collaborent avec lui dans cette oeuvre de régénération et de salut. Et ce n'est pas avec une moindre satisfaction que Nous saluons la reprise des Officine Reggiane, source de travail et de bien-être pour votre industrieuse cité.



Le Pape souligne le sens chrétien à donner à la Fête du Travail.

Le monde célèbre aujourd'hui, premier mai, la « Fête du Travail ». Qui pourrait mieux que le vrai chrétien donner à celle-ci un sens profond ? Pour lui, c'est un jour où il vénère et adore d'autant plus intensément l'Homme-Dieu, Notre-Sei-gneur Jésus-Christ, qui, pour être notre modèle, pour notre consolation et notre sanctification, passa la plus grande partie de sa vie dans l'exercice d'un métier manuel, comme un simple ouvrier 2 ; c'est le jour de la reconnaissance envers Dieu de tous ceux auxquels il est donné, par le moyen du travail, d'assurer à eux-mêmes et à leurs familles une vie tranquille et paisible ; c'est le jour où s'affirme la volonté de vaincre la lutte et la haine de classe par la force provenant de la justice sociale, de l'estime réciproque et de la charité fraternelle inspirée par l'amour du Christ ; c'est le jour enfin où l'humanité croyante promet de créer par le travail de son esprit et de ses mains une










D'après le texte italien des A. A. S. XXXXV, 1953, p.



culture à la gloire de Dieu, culture qui, loin d'éloigner l'homme de Dieu, le rapproche de Lui toujours davantage.



Il faut dénoncer le fléau du chômage.

Mais la « Fête du Travail » ne doit pas faire perdre de vue le problème du travail lui-même. Trop nombreux sont encore ceux que frappe le fléau du chômage, et nombreux sont aussi ceux qui malgré un emploi momentané, en subissent la constante appréhension. Et on ne peut oublier — il y en a tant, en particulier parmi les manoeuvres — ceux qui souffrent de leur état de demi-emploi : état qui, du fait du nombre limité ou de la diminution des heures de travail, n'assure pas à l'ouvrier un salaire suffisant pour la satisfaction de ses besoins fondamentaux et de ceux de sa famille. Bien volontiers Nous reconnaissons les multiples mesures prises en ces derniers temps au profit des ouvriers ; mais combien il reste encore à faire ! Et Nous voudrions vous dire, chers fils, jusqu'à quel point Nous prenons part à vos angoisses et à celles de vos familles !

Si toutefois l'Italie souffre douloureusement du chômage, ce fléau et déjà son redoutable spectre ne sont pas un mal qui frappe seulement l'Italie ; il atteint aussi, plus ou moins, tous les peuples de l'Europe. Et il apparaît clairement aussi à tout observateur serein que le manque de travail, aujourd'hui du moins, ne dépend pas seulement de la mauvaise volonté ou de l'abus de pouvoir de ceux qui pourraient en procurer. Ceci est d'autant plus vrai que certaines conditions essentielles qui, pendant plus de cent ans, avaient été favorables au développement économique de l'Europe se sont aujourd'hui complètement transformées.



L'Eglise ne cesse de se préoccuper des problèmes sociaux.

L'Eglise certes, comme elle le fit toujours, restera aujourd'hui encore du côté du travailleur, quand il souffre par suite d'un contrat de travail injuste ou que les conventions collectives de travail ne sont pas observées, ou quand, sans léser les droits d'autrui, sa condition juridique, économique et sociale peut être améliorée. A l'heure actuelle toutefois le problème du travail est devenu une question plus vaste encore, dans laquelle l'Europe est solidaire.

Les problèmes du travail sont aujourd'hui posés à l'échelle européenne.

Les efforts actuels pour donner à l'Europe son unité — quel qu'en soit le moyen, pourvu qu'il se révèle efficace — entraînent également l'instauration de nouvelles conditions pour son développement économique ; ce n'est qu'ainsi qu'il y a espoir de résoudre le problème du travail.



La solution n'est pas à trouver dans le socialisme.

Il est dans l'erreur, quiconque croit servir les intérêts du travailleur par les vieilles méthodes de la lutte des classes ; et il se trompe bien davantage, celui qui se croit au surplus en droit de justifier ses efforts en ce sens comme étant l'unique moyen d'exercer encore une influence religieuse sur le monde du travail.



Ni d'ailleurs dans le libéralisme.

L'avantage d'une économie européenne ne consiste certes pas seulement dans l'existence d'un espace unifié et étendu où le mécanisme du marché, comme on l'appelle, réglerait la production et la consommation.
Il faut édifier un ordre social où la famille est à sa juste place.


Il importe plus encore que, dans le cadre de la concurrence, on ait en vue, outre la construction de l'économie européenne, l'établissement d'une vie vraiment sociale, le sain développement de la famille, d'une génération à l'autre, et que ce soit sous cet angle et dans cette perspective qu'on fasse valoir les critères naturels d'une organisation de la production dans l'espace et dans le temps et d'une consommation rationnelle.

C'est la seule manière de permettre aux peuples où abondent les familles nombreuses, comme l'Italie, d'apporter à l'économie européenne l'importante contribution de leur richesse en main-d'oeuvre et de leur potentiel de consommation.



Il faut rester serein.

Avant de vous quitter, chers fils, Nous voulons vous dire une autre parole que Nous avons dans le coeur. Nous la prenons



dans l'Evangile que Nous avons lu dans la sainte messe d'aujourd'hui. Après la dernière Cène, Jésus dit à ses apôtres, et Nous vous le répétons, à vous tous qui êtes ici présents : « que votre coeur ne se trouble pas : Non turbetur cor vestrum » 8.

Quand vous êtes inquiets pour vous-mêmes, quand vous songez au sort des vôtres, quand naît en vous l'appréhension pour ce qui pourrait arriver dans le monde, que votre coeur ne se trouble pas : non turbetur cor vestrum ! Il semble sans doute que la volonté de quelques puissants de ce monde règle le sort des hommes et dirige les choses et les événements ; et, au contraire, tout est dans les mains de Dieu, sans que rien puisse être soustrait à sa forte et paternelle Providence. Certes les temps que le monde traverse ne sont pas de nature à laisser en repos ceux qui, faute d'une foi vive, mettent toute leur confiance dans les personnes et les calculs humains. Il n'en va pas ainsi de vous, chers fils ; sans doute devrez-vous agir avec ardeur et courage et parfois serez-vous contraints de lutter pour défendre votre droit à la vie et au travail. Mais cela ne troublera pas la sérénité de votre âme, parce que vous placerez toujours, même dans les peines et les inquiétudes quotidiennes, votre confiance dans le Père qui est dans les Cieux.












LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX ASSOCIATIONS CATHOLIQUES DES TRAVAILLEURS ITALIENS

(6 mai 1953)1






Les Associations de Travailleurs catholiques italiens (A. C. L. L), ayant créé des centres d'instruction professionnelle (E. N. A. ), le Saint-Siège a tenu à féliciter ceux qui avaient pris cette initiative.

Combien vive et agissante est la sollicitude des A. C. L. I. en faveur des classes ouvrières, nous l'avons démontré une nouvelle fois au Saint-Père par la relation des activités de cet organisme national des A. C. L. I. pour l'instruction professionnelle (E. N. A. ) qui a été institué pour contribuer au développement et à l'amélioration de l'instruction professionnelle et culturelle des travailleurs. Le Souverain Pontife reconnaît toute l'importance de ce nouvel organisme qui, par son entière adaptation aux nécessités actuelles et par les hautes fins sociales dont il s'inspire, se range dignement parmi les autres activités que les A. C. L. I. développent avec un rythme croissant et un zèle éclairé et constant.

Dans la joie de voir se tourner vers lui la confiance des travailleurs, Sa Sainteté désire à cette occasion manifester sa vive satisfaction pour les heureux résultats obtenus jusqu'ici.

Sa paternelle attention a daigné remarquer comment cet organisme fidèle à son programme a su, en peu d'années, donner vie à un vaste réseau d'activités prévoyantes qui permettent maintenant aux classes ouvrières d'accéder à de meilleures conditions de vie et de travail, et qui secondent d'autre part les



Jean, 14, i.



organismes d'initiative des autorités gouvernementales en faveur des travailleurs mêmes.

Particulièrement heureuse est apparue au Saint-Père l'action des E. N. A. I. P. vouée à la formation de ceux à qui incombent la direction et l'administration des cours de formation professionnelle que l'autorité compétente et prévoyante impose et favorise pour la qualification de la main-d'oeuvre et aussi pour remédier aux conséquences du chômage. Il va de soi que la direction de pareils cours exige un sens profond des responsabilités morales et un certain poids de connaissances techniques pour l'obtention desquelles une préparation adaptée est absolument nécessaire.

Le Souverain Pontife voit avec grande satisfaction que les catholiques et leurs institutions se consacrent avec une louable sollicitude à ces activités spéciales, d'ailleurs prévues par les articles de la loi et répondant ainsi aux besoins actuels des travailleurs. Mais, Sa Sainteté se rend bien compte qu'on arriverait à un résultat encore meilleur, si les forces catholiques travaillant dans ce sens développaient leur action suivant un plan de coordination, afin d'entreprendre dans ce même champ une action commune et plus vigoureuse réclamée d'urgence par les besoins actuels de la nation. A cet égard l'È. N. A. I. P. dispose désormais pour ce genre d'action d'un équipement adapté et d'une expérience d'autant plus précieuse. Cet organisme, semble posséder, en outre, le nécessaire requis pour opérer, avec une sûre garantie de succès, une telle fusion.

Fort de ces quelques considérations, Sa Sainteté exprime le voeu que pour autant que cela regarde les cours de qualification ainsi que les chantiers-écoles autorisés par les lois, l'E. N. A. I. P. travaille à cette union de coordination des initiatives privées qui surgissent chez les catholiques : un tel organisme qui jusqu'ici s'est déjà affirmé par de si grandes et belles preuves pourra ainsi développer encore plus ses multiples activités ; et en même temps que les susdites initiatives des catholiques soient organisées pour que chacune puisse recevoir toute l'assistance possible, guide et aide dans un champ ou en plus des valeurs morales et religieuses, il faut aussi apporter un gage de compétence et de spécialisation.

Le Souverain Pontife invite donc la présidence centrale des A. C. L. I. à conclure les accords nécessaires avec les autres organismes qui par leur but et leur action peuvent donner l'assurance de se joindre avec fruit à l'instruction professionnelle des différentes catégories de travailleurs.

Sa Sainteté a confiance dans le souffle de fraternelle union qui doit aujourd'hui animer tous les catholiques pour élever un solide rempart contre la force du mal, et Elle ne doute pas que l'E. N. A. I. P. correspondra de façon remarquable, comme par le passé, à ses fins élevées et saura raviver en tous, la confiance dans les principes sociaux chrétiens que les A. C. L. I. désirent propager dans le monde des travailleurs.










Pie XII 1953 - ALLOCUTION A DES JOURNALISTES AUTRICHIENS