Pie XII 1953 - LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX ASSOCIATIONS CATHOLIQUES DES TRAVAILLEURS ITALIENS


ALLOCUTION AU PERSONNEL D'UN BUREAU DU TRAVAIL

(6 mai 1953) 1




Au cours de l'audience générale de ce jour, le Pape adressa un mot particulier à un groupe de fonctionnaires d'un Bureau du Travail.

Nous vous souhaitons la bienvenue, chers fils, qui appartenez au « Bureau régional du Travail et du Plein Emploi » pour le Latium et l'Ombrie.

Nous avons voulu Nous informer sur votre action multiple en faveur de Nos chers fils les travailleurs, et Nous tenons à vous exprimer Notre satisfaction pour tout ce que vous faites « en recueillant des contrats collectifs de travail, en conciliant des différends collectifs, de groupes et individuels, en plaçant des ouvriers, en distribuant des secours de chômage et en assistant les émigrants », en plus des diverses autres oeuvres bienfaisantes.

Vous avez voulu, ce matin, vous approcher du saint autel pour satisfaire le précepte pascal et, maintenant, vous êtes ici, devant Nous, purifiés et fortifiés par la présence réelle en vous de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Nous sommes dans le temps pascal et chaque prêtre prie plusieurs fois le Seigneur afin qu'il veuille infuser dans les âmes l'Esprit de sa charité : Spiritum nohis, Domine, tuse caritatis infunde. Nous aussi, ce matin, Nous avons adressé cette prière à Dieu et, — Nous tenons à vous le dire — c'étaient vous, chers fils, que Nous avions spécialement dans Notre coeur. En réalité si la grâce sanctifiante, avec la charité, revenait ou s'accroissait en vous et agissait avec une efficacité renouvelée, c'est-à-dire si c'était réellement avec l'âme de votre âme, déterminant les critères de votre pensée, motivant et soutenant les actes de votre volonté, aujourd'hui vous serait accordé le don d'une véritable résurrection spirituelle, gage de l'immortalité permanente à la ressemblance du divin Rédempteur, qui ressuscita vraiment et est soustrait pour toujours au pouvoir de la mort : mors illi ultra non dominabitur 2.

Dans Notre prière de ce matin, Nous étions réconforté par la pensée que sur l'arbre de cette charité vive et agissante apparaîtrait tout d'abord la fleur parfumée de la concorde entre vous tous : quos... satiasti... facias.. concordes, et bientôt mûriraient également les fruits d'un amour fraternel envers tous ceux qui attendent de votre organisation justice et assistance. Que ne serait pas, chers fils, votre travail quotidien silencieux, s'il était toujours réchauffé, vivifié et alimenté par le feu de l'amour ! Un tel travail ne courrait pas le risque d'être froid et sans âme, et vous apparaîtriez comme de vrais chrétiens ne se contentant pas de la stricte justice, et vous ne voudriez pas que le but de votre oeuvre ne soit que votre gain personnel.

La flamme de cette même charité maintiendra vive la ferveur de votre activité, empêchant que l'égoïsme ralentisse le rythme de votre travail et que la routine retarde la solution des affaires qui vous sont confiées. Il est nécessaire que derrière chaque nom sur lequel s'arrêteront vos yeux, l'amour chrétien vous fasse voir un besoin, peut-être même une tragédie, qui doit émouvoir votre coeur et inciter votre volonté à tout tenter afin que ne soit rien négligé de ce qui peut être fait en faveur des travailleurs et bien plus pour venir en aide à ceux qui seraient encore en chômage. Nous voudrions être certain que chacun de vous — dirigeants, employés, fonctionnaires de toute catégorie — sente que de votre travail, s'il est fait avec un esprit d'amour, pourront dépendre la tranquillité matérielle et aussi la paix morale de tant de familles.

Nous voudrions que les personnes et les dossiers ne fussent jamais considérés par vous comme des « choses minimes », dont il est permis de ne pas se soucier. Et que même, s'il y a un droit de priorité, ce droit fût particulièrement appliqué en faveur des personnes les plus humbles parce que d'ordinaire elles sont les plus exposées aux injustices et ont moins de possibilité et de capacité de se défendre.



D'après le texte italien de l'Osservatore Romano du 6 mai 1953.



Rom. VI, 9.

L'amour chrétien ardent et agissant fera toujours en sorte que cette sollicitude pour les choses « minimes » et les personnes « humbles » soit accompagnée de la diligence et du zèle dans 1'« expédition » des diverses affaires. Toute feuille qui passe dans vos mains doit mettre sous votre regard le grave et urgent problème du pain quotidien qui tient dans l'angoisse tant d'hommes et dont la solution doit être réalisée par tout moyen licite. Que les dirigeants examinent et décident activement ; que les exécutants soient empressés et généreux ; Nous désirerions que tous soient inquiétés par la possibilité que quelque droit existant réellement puisse être en réalité violé par l'incompétence ou la négligence de ceux qui sont chargés de sa protection.

Caritas Christi urgeat vos ! Que vous stimule comme un aiguillon impérieux la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ dont Nous implorons constamment l'abondante effusion dans vos âmes, en même temps que de tout coeur Nous donnons à vous, à vos familles, à vos collègues, à vos travaux, Notre paternelle Bénédiction apostolique.










ALLOCUTION A DES FONCTIONNAIRES DE ROME

(10 mai 1953) 1




Au cours de l'audience générale du dimanche 10 mai 1.953, 'e Souverain Pontife s'est adressé particulièrement à des fonctionnaires de la ville de Rome.

Nous sommes heureux, chers fils, fonctionnaires de l'Etat et des Services Publics, que le temps et les forces Nous aient permis de vous recevoir encore cette année, après que la sainte Communion pascale a nourri et fortifié vos âmes. Nous sommes sûr que certains de vous ont éprouvé des moments de douce émotion pour avoir obtenu la réconciliation avec Dieu, et que tous, de toute façon, vous avez ressenti la paix et la joie qui accompagnent habituellement l'union plus étroite avec Lui.

Aussi, tout en souhaitant que cette sereine et profonde joie devienne permanente en vous par la présence sacramentelle ou spirituelle de Jésus, jamais interrompue dans vos âmes, Nous profitons volontiers de votre venue pour vous adresser de simples paroles d'exhortation et d'encouragement.

Déjà au mois de mai de l'an dernier, Nous avons reçu de nombreux groupes d'employés de l'Etat, auxquels Nous ouvrîmes Notre coeur, en leur donnant ces enseignements que suggérait votre condition2. Ne vous attendez donc pas aujourd'hui à entendre de nouveau tout ce qui pourrait être dit à une assemblée si choisie d'employés chrétiens. Votre foi, votre bonne volonté, dont vous avez donné un nouveau témoignage en vous approchant de la sainte Table, Nous donnent la confiance que vous apportez tout votre zèle pour agir comme vous le dictera votre conscience. Mais pour contribuer à faire de vous des hommes sans cesse plus dignes de la cause de l'intérêt commun et utiles à celle-ci, dans la société humaine, Nous voudrions vous faire noter et considérer une phrase que vous avez lue ou entendue de l'épître de l'apôtre saint Jacques, en assistant aujourd'hui à la sainte Messe : « Si quelqu'un croit être religieux et ne met pas un frein à sa propre langue..., sa religion est vaine. »

Chers fils ! Une des facultés les plus admirables de l'homme est le langage. Tandis que l'expression extérieure des sentiments et des passions, comme de la joie, de la douleur, de la colère, de la crainte, en tant que réaction purement biologique et instinctive, est également propre aux animaux, en revanche est réservée à l'homme, — dont l'intellect forme les idées ou les conceptions universelles, les jugements formels et les raisonnements — la langue intellectuelle, si bien que les paroles sont les « signes des conceptions de l'âme » 3. Mais ce don de la parole que Dieu a accordé à l'homme dans Sa bonté prévoyante pourrait devenir lui aussi un moyen pour offenser Dieu et nuire aux autres, si la raison et la foi ne pourvoyaient à en régler l'usage, comme il convient à un être raisonnable, spécialement s'il est chrétien, participant à la vie même de Dieu.

Si vous voulez donc, chers fils, être et apparaître des employés vraiment chrétiens, « freinez », c'est-à-dire maîtrisez dans l'exercice de votre devoir, votre langue ; sachez vous taire et parler en temps opportun, selon ce que vous dictera votre conscience dans les diverses circonstances.

Le Pape souligne la vertu du silence : Avant tout sachez vous taire.

Quand, le matin, vous entrez dans votre bureau, vous devez être animés du même esprit que celui qui accompagne l'enseignant à l'école, le médecin au dispensaire, et aussi, dans un sens plus élevé, le prêtre à l'autel ou au confessionnal.

3 Cf. S. Thomas I 85,2, ad 3.




Vous n'avez point d'enfants à instruire, de corps à soigner, ni d'âmes à racheter, mais votre travail est également un service social de grande importance. Sur votre table, vous trouvez chaque jour un certain nombre de dossiers, affaires qui doivent être « expédiées » avec célérité et exactitude, parce que chacune d'elles attend sa solution et parce que, sous l'apparence de froids papiers, se cachent parfois de vrais drames douloureux, qui tiennent dans l'anxiété et dans l'angoisse même des familles entières.

Or, il n'est personne qui ne voie combien un manque de retenue de la langue nuirait à cette célérité et à cette exactitude. Donc, chaque fois que dans la salle de votre service, on ferait trop de discours inutiles, étrangers au travail, 1'« expédition » des affaires subirait inévitablement des retards, au détriment parfois grave de personnes intéressées.

Et si les paroles n'étaient pas seulement inutiles, mais (à Dieu ne plaise) tout à fait inconvenantes par elles-mêmes, il devrait aussi être mis avec d'autant plus d'énergie un frein à la langue. Il peut en effet, arriver qu'en se trouvant continuellement tous les jours dans la même salle de travail, on en arrive à perdre petit à petit cette réserve si nécessaire pour qui veut éviter que l'on jette le discrédit sur les personnes et les choses les plus sacrées ou délicates. Tout le monde sait qu'assez souvent devient un objet de plaisanteries et de railleries jusqu'au mystérieux ordre de la procréation, qui fait des hommes des coopérateurs de Dieu dans l'oeuvre créatrice.

Il serait plus lamentable si la parole devenait un instrument de médisance, de commérage et même de calomnie. Car alors le mal naît, s'entretient et se multiplie, sans qu'il soit possible d'en mesurer les conséquences. « Comme le charbon pour le brasier, et le bois pour le feu — note le Saint-Esprit — tel est le chicanier pour l'ardeur de sa querelle. Le bois manquant, le feu s'éteint ; le bavard absent, la dispute s'apaise 4. »

Chers fils ! Si vous voulez être des employés chrétiens, évitez de parler dans les lieux de votre travail comme vous ne voudriez pas que l'on parlât de vous, et n'abordez pas sans un sérieux motif des questions que vous ne traiteriez pas ni laisseriez traiter en présence de votre mère, de votre épouse, de votre fille.



/7 faut parler à bon escient :

Pour commander justement sa propre langue, il ne suffit pas cependant de se taire ; il faut également savoir parler, quand

et comme le veut la conscience, éclairée et guidée par la raison et par la foi.

En général, il est nécessaire que l'employé chrétien, lorsqu'il parle, soit toujours mû et accompagné par l'amour, soit qu'il converse avec ses collègues, soit qu'il ait affaire avec le public. A cet amour, s'oppose la routine ; et il a pour ennemie la lassitude qui, à son tour, provoque la nervosité. Celle-ci peut rendre discourtois et revêche ; celle-là vous fait apparaître indifférents, insensibles, à l'égard de personnes fatiguées, inquiètes et nerveuses elles-mêmes qui pourraient cependant, rien que par vos manières gentilles, et charitables, être incitées à sortir de l'état d'exaspération dans lequel elles se trouvent.

Vous serez, chers fils, ainsi que tous les chrétiens, reconnus comme des disciples de Jésus si vous savez traiter tout le monde avec amour. Oh ! si vous vous appliquiez à voir Jésus en tous ceux qui viennent à se trouver en contact avec vous ! Jésus qui se cache dans le malade, dans le pèlerin, dans le détenu, nous pouvons penser qu'il se trouve chez tout être dans le besoin, même s'il est importun ou arrogant.

Il faut aussi savoir parler quand la conscience exige que vous défendiez la vérité et la justice. Cela suppose que chacun de vous acquière sans cesse davantage le courage de ses propres idées, de ses propres convictions, de ses propres actes. Cela exige aussi que, sans malveillance envers personne, vous sachiez réagir avec fermeté chaque fois que devant vous on parle contre la religion et la morale, ou contre l'autorité légitime de l'Etat.

Il y a aujourd'hui certaines personnes qui, avec une malveillance systématique, lancent des calomnies contre l'Eglise et le sacerdoce ; vous ne devez pas craindre d'élever tranquillement la voix en opposant la vérité au mensonge.

Enfin, il faut savoir parler quand le zèle vous fait découvrir à côté de vous une âme ayant besoin de votre oeuvre d'apostolat. Un encouragement, une explication, une parole d'exhortation, peut-être même parfois un reproche affectueux et discret peuvent illuminer l'esprit et secouer la volonté ; ils peuvent émouvoir un coeur qui semblait insensible et froid.










INSTRUCTION DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DES RELIGIEUX CONCERNANT L'APOSTOLAT PAR LE FILM

(11 mai 1953) 1






« C'est une nécessité de notre temps — écrivait Pie XI dans l'encyclique Vigilanti Cura du 29 juin 1936 — de veiller et de travailler à ce que le cinéma ne soit plus une école de corruption, mais qu'il se transforme au contraire en un instrument précieux d'éducation et d'élévation de l'humanité. »

Cette vigilance et ce soin — plusieurs fois recommandés par le Souverain Pontife heureusement régnant — ont été exercés parfaitement tant par la Commission pontificale pour le cinéma, organe du Saint-Siège pour l'étude des problèmes cinématographiques qui ont quelque rapport avec la foi et la morale, que par l'épiscopat catholique et le clergé séculier et régulier qui ont suivi et suivent avec un soin vigilant le grave problème du cinéma. Celui-ci, « parmi les divertissements modernes, a pris une place d'importance universelle » 2 et est devenu désormais une exigence qui touche fortement, non seulement les populations des grands centres urbains, mais encore des moindres centres ruraux.

Comme résultat concret de l'intérêt que l'épiscopat et le clergé portent aux problèmes du cinéma, il faut noter de nombreuses exhortations et directives émanées de l'autorité ecclésiastique en divers pays et la multiplication des initiatives dans le but de sauvegarder les intérêts spirituels des fidèles et d'exercer une influence moralisatrice dans le champ de l'industrie



1 D'après le texte italien du Commentarium pro Religiosis, (fase. IV. 1953, p. 254), traduction de La Documentation Catholique, T. LU ; c. 214.

2 Encyclique Vigilanti Cura.



cinématographique. A ce propos, il convient de mentionner spécialement les salles de cinéma dirigées — souvent au prix de gros sacrifices — par des prêtres ou des religieux qui ont charge d'âmes ou qui exercent leur apostolat particulier sur le plan éducatif et social. Ce genre d'apostolat assure non seulement un sain divertissement au peuple, et en particulier à la jeunesse, mais c'est souvent un instrument efficace de formation et d'élévation humaine et religieuse.

II ne manque pas toutefois d'inconvénients qui viennent surtout des réelles difficultés que rencontrent les gérants des salles catholiques du fait et de la rareté des films moralement sains et des charges financières que les dits gérants doivent supporter ; difficultés qui, si sensibles qu'elles soient, ne pourraient évidemment jamais justifier la projection dans une salle catholique de pellicules qui ne soient pas d'une moralité indiscutable.

Beaucoup de ces difficultés trouveront et trouvent leur solution dans ce mot de Pie XI dans l'Encyclique susdite : « Grâce à l'organisation de ces salles de cinéma, qui sont souvent de bons clients pour l'industrie cinématographique, on peut formuler une autre exigence, à savoir : que cette industrie même produise des films répondant pleinement à nos principes, films qui seront ensuite présentés non seulement dans les salles catholiques mais aussi dans d'autres ».

En exécution de ces directives, ont été organisées et s'organisent, dans les diverses nations, en parfaite harmonie avec les exigences de l'apostolat sur ce plan, des associations nationales catholiques de directeurs de cinéma, avec la tâche précise de représenter les intérêts moraux et matériels des salles catholiques devant l'autorité civile, d'en défendre les droits dans leurs rapports avec les autres associations, de les assister sur le plan légal, administratif et fiscal. Il n'est pas besoin de montrer — comme d'ailleurs l'autorité ecclésiastique l'a plusieurs fois souligné — combien il est convenable pour ne pas dire nécessaire, que les salles catholiques adhèrent à de semblables organisations.

L'encyclique Vigilanti Cura décide, en outre, que « les évê-ques créent dans chaque pays un bureau national permanent de révision qui puisse promouvoir la production de bons films, classer les autres, et qui fasse parvenir son jugement aux prêtres et aux fidèles ».

Les jugements prononcés par les bureaux nationaux de révision doivent être une directive pour tous, et les fidèles doivent s'y tenir, tant pour éviter des occasions de péché et de scandale que pour prendre position contre les films immoraux amenant, de cette façon, les firmes cinématographiques à améliorer leur production.

Or, quand on pense au nombre d'instituts religieux qui se donnent comme but propre, sanctionné par leurs Constitutions approuvées par le Saint-Siège, l'apostolat dans le secteur cinématographique, non seulement au moyen de la projection et de la distribution des films moralement sains, mais encore au moyen de leur production, on relèvera facilement quelle part les religieux ont, de jure et de facto, dans l'apostolat exercé dans l'univers catholique sur le plan cinématographique.

Si ensuite, on considère l'oeuvre que déploient les religieux et les religieuses adonnés à l'enseignement, à l'assistance, à l'éducation et à la rééducation, ainsi qu'à toutes les autres formes de l'apostolat, il apparaîtra évident qu'ils sont, toujours en nombre croissant, bien que sous une forme indirecte, placés en contact avec le monde du cinéma.

En plus des paroisses confiées à des religieux, le problème de l'apostolat, au moyen du cinéma, se présente encore pour les associations que les Instituts religieux d'hommes et de femmes organisent et dirigent pour la jeunesse dans tous les pays.

Les données de fait ne sont pas différentes : il apparaît vraiment à cette Congrégation des religieux qu'une part assez élevée des salles de cinéma catholique existant dans les différentes nations est gérée par des personnes qui dépendent de ce Sacré Dicastère. En Italie, par exemple, sur la base d'informations précises, sur 4.000 salles de cinéma dépendantes de l'autorité ecclésiastique ou contrôlées par celle-ci, plus de la moitié appartiennent à des religieux ou à des religieuses (les salles commerciales sont près de 8000).

Dans le but, par conséquent, de pourvoir d'une manière plus adéquate aux nécessités complexes et urgentes de ce secteur de l'apostolat religieux, convaincue de la grande portée éducative du cinéma, comme aide apostolique positive (de formation chrétienne et humaine) et négative (de préservation), cette Congrégation des religieux a jugé opportun par la présente instruction adressée aux Révérendissimes Supérieurs généraux et Révéren-dissimes Supérieures Générales des Instituts religieux qui, directement ou indirectement pratiquent cet apostolat, d'établir dans la sphère de sa compétence, ce qui suit :

1. Puisque l'exploitation publique des salles de cinéma constitue une activité commerciale aux sens du Code de droit canonique (can. 142, 592, 2.380) et du Décret De vetita clericis et religiosis negotiatione et mercurata du 22 mars 19503, les religieux qui ont l'intention d'ouvrir une salle doivent demander la permission (nihil obstat) au Saint-Siège (Sacrée Congrégation des Religieux), nécessaire pour écarter l'empêchement canonique mis par le droit même sous la menace de peines canoniques.

2. On considère comme exploitation publique aux sens de la présente instruction l'exploitation — par des religieux ou par d'autres (can. 142) — d'une salle de cinéma, où se rencontrent à la fois et la destination publique des spectacles et le déploiement d'une activité lucrative quelconque.

3. N'est requise aucune permission du Saint-Siège (can. 7) (Sacrée Congrégation des Religieux en ce cas), lorsqu'il s'agit d'une exploitation privée de la salle, ou bien quand les représentations cinématographiques ne sont pas destinées au public ou que l'accès à la salle est à titre gratuit.

4. La Sacrée Congrégation des Religieux pour la délivrance du nihil obstat, prendra, suivant les cas, l'avis de la Commission pontificale pour le cinéma, organe du Saint-Siège, pour l'étude des problèmes du cinéma dans leur rapport avec la foi et la morale.

5. Ecarté l'empêchement canonique, dont il est question au numéro 1, l'Institut religieux acquiert la capacité d'exercer cette activité, et l'activité exercée est, en conséquence, légitime.

6. Pour décider ensuite de l'opportunité de l'ouverture de la salle au public, compte tenu des circonstances de lieu, de personne et de milieu, devront se rencontrer le nihil obstat de l'Ordinaire du lieu où la salle doit s'ouvrir et celui du Supérieur majeur religieux.

7. On rappelle que, sur la base des principes canoniques, les règles données par les Excellentissimes Ordinaires diocésains pour le secteur de l'apostolat du cinéma, pour tout ce qui touche la foi, la morale ou l'ordre public, lient les religieux, même exempts, qui gèrent des salles de cinéma ouvertes au public.

8. Le titulaire de la licence pour une salle gérée par des religieux ne peut être seulement que le Supérieur de la maison

A. A. S., vol. XLII, 1950, p. 330 ; cf. Documents Pontificaux 1950, p. 95.

à laquelle la salle est annexée ou dont elle dépend, le curé religieux, ou leur délégué ; jamais un laïc.

9. On ne permet pas, sinon à titre de rarissime exception, justifiée comme il convient, la cession temporaire ou définitive de la gestion d'une salle (religieuse) à des personnes privées. Le nihil obstat dont il est question au numéro 1 ne comporte jamais cette autorisation.

10. Les gérants sont obligés, en conscience, de veiller attentivement, durant les spectacles, à prévenir dangers et inconvénients de quelque nature qu'ils soient.

11. L'établissement du programme des spectacles est exclusivement du ressort du titulaire de la licence, qui en est toujours responsable même s'il emploie des aides laïques.

12. Les films à projeter pourront être choisis seulement parmi ceux qui sont déclarés pour tous par le bureau national permanent de révision et exceptionnellement parmi ceux jugés pour adultes, avec les corrections opportunes, selon les critères fixés par l'Ordinaire.

13. On ne pourra admettre en aucun cas la projection de films jugés par le bureau compétent national de révision : pour adultes avec réserves, à déconseiller, à proscrire.

14. Qu'on évite l'exposition de placards publicitaires ou de grandes affiches sur les façades ou près de l'entrée de l'église.

Concernant la situation particulière qui existe aujourd'hui en Italie, cette Sacrée Congrégation des Religieux précise et établit ce qui suit :

i° Est exploitation publique de salle de cinéma et partant activité commerciale au sens canonique du mot, non seulement ce que les religieux par eux-mêmes ou par d'autres (can. 142) déploient sur la base de la licence industrielle, mais encore celle dite licence paroissiale.

20 Le titre de licence paroissiale — en Italie et pour les effets civils — indique la permission que doit accorder l'autorité civile, sur la base de laquelle les salles catholiques existant dans les paroisses, et aussi dans les patronages, collèges, associations, Instituts, etc., dépendantes d'une façon quelconque de l'autorité ecclésiastique ou contrôlées par elle, peuvent légitimement être ouvertes au public.

30 La Sacrée Congrégation des Religieux pourra, seulement comme une rarissime exception, pleinement justifiée, et contrôlée dans chaque cas, délivrer le nihil obstat pour la licence industrielle. En effet, il serait bien difficile de constater, en ces cas, une cause justificative suffisante.

4° Le but apostolique est clair dans la licence paroissiale, alors que pour la licence industrielle, le motif d'apostolat est souvent compromis par l'intérêt économique. Or, le gain ne peut être pris en considération comme motif justificatif, même si les entrées sont dévolues à de bonnes oeuvres. On doit d'autre part éviter absolument toute forme de concurrence commerciale entre Instituts religieux et exploitants de cinémas industriels.

5° Le bureau national permanent de révision pour l'Italie est le Centro cattolico cinematografico.

6° L'Association nationale qui représente en Italie et protège les intérêts des salles de cinéma, sous la dépendance ou le contrôle de l'autorité ecclésiastique est l'Associazione Cattolica Esercenti Cinema (A. C. E. C).




ALLOCUTION A DES JOURNALISTES

(12 mai 1953) 1






Les membres de l'Association de la Presse Etrangère, résidant à Rome, furent reçus en audience par Pie XII, qui leur dit :

Nous Nous réjouissons, Messieurs, de pouvoir finalement vous recevoir en cette Maison, vous qui représentez plus de trente Etats, et d'exaucer ainsi un souhait, que les correspondants de la Presse étrangère à Rome Nous avaient exprimé déjà au commencement de Notre Pontificat. Ils désiraient alors venir vers Nous à l'occasion du neuvième Congrès de leur Association. Les événements tragiques de la deuxième guerre mondiale firent échouer ce plan. Votre présence ici Nous est d'autant plus agréable après un intervalle de presque quatorze ans, pendant lesquels, si la face de la terre ne s'est pas, hélas !, renouvelée dans le sens du texte connu de l'Ecriture, elle s'est du moins considérablement modifiée.

Quand vous foulez le sol de l'Etat de la Cité du Vatican, vous n'entrez pas seulement sur le territoire d'une autre souveraineté ; toute l'atmosphère spirituelle, que vous respirez ici, se veut différente de celle des centres de la vie politique. Beaucoup de membres de votre profession, habitués à penser selon les seules catégories politiques, ont déjà éprouvé probablement de la peine à la comprendre, lorsque, transférés à Rome, ils ont dû exercer aussi dans le monde du Vatican leur rôle d'information.



Rôle politique de l'Eglise.

Le Saint-Siège est l'autorité suprême de l'Eglise catholique, et donc d'une société religieuse, dont les buts sont situés dans le surnaturel et dans l'au-delà. Bien sûr, l'Eglise vit dans le monde. Ses fils et ses filles, soit 400 millions de catholiques, appartiennent chacun à un peuple et à un Etat déterminés : c'est toujours une des tâches essentielles du Saint-Siège de veiller à ce que, dans le monde entier, régnent entre l'Eglise et l'Etat des relations normales et si possible amicales, afin que les catholiques puissent vivre tranquillement et pacifiquement leur foi, et que l'Eglise puisse en même temps fournir à l'Etat l'appui solide qu'elle constitue partout où elle peut librement déployer ses forces.

Les événements politiques influent par conséquent aussi sur l'Eglise et le Saint-Siège, mais seulement par contre-coup, dans la mesure où, souvent d'une manière soudaine et radicale, ils altèrent la situation de l'Eglise dans un pays. Une puissance politique cependant, c'est-à-dire une puissance qui poursuit des buts politiques avec des moyens politiques, l'Eglise ne veut pas l'être et elle ne l'est pas. Elle est une puissance religieuse et morale, dont la compétence s'étend aussi loin que le domaine religieux et moral, et celui-ci à son tour embrasse l'activité libre et responsable de l'homme considéré en lui-même ou dans la société.

Vis-à-vis des puissances politiques, l'Eglise reste neutre, ou mieux encore, puisque ce terme est trop passif et trop ambigu, impartiale et indépendante. Le Saint-Siège ne se laisse prendre en remorque par aucune puissance ou groupe de puissances politiques, même si on affirme mille fois le contraire. Il peut être parfois conduit, par le fait des circonstances, à suivre sur une certaine distance une route parallèle à celle d'une puissance politique. Mais en ce qui concerne le point de départ et le but de leur chemin, l'Eglise et le Saint-Siège suivent uniquement leur loi propre, la mission qu'ils ont héritée de leur divin Fondateur et qui consiste à conquérir à Dieu tous les hommes sans distinction et à les Lui amener, quelles que soient leur nationalité et leur appartenance politique.

Assurément, la mission de l'Eglise lui donne, ainsi qu'à son gouvernement suprême, des valeurs, des normes, des buts communs, que les oppositions et les luttes terrestres ne détruiront ni ne compromettront, des réserves de forces spirituelles et morales, nourries de la forte sève de la foi religieuse, et dont la vigueur et la fonction universelle sont reconnues, sinon de tous, du moins de beaucoup d'hommes. Toujours, elles sont prêtes à intervenir, désintéressées et bienfaisantes, là où le requiert le bien de l'humanité. Voilà l'atmosphère qui caractérise cette demeure et cette Cité.

Ne vous laissez pas égarer par l'aspect humain, que vous pouvez rencontrer dans l'Eglise. La loi fondamentale, que Nous avons brièvement exposée, détermine les actes, qui engagent le gouvernement suprême de l'Eglise ; une tradition constamment mise à l'épreuve et dotée d'une riche expérience lui montre le chemin et lui enseigne à garder envers tous son impartialité et son indépendance, même au milieu de la plus violente agitation des événements politiques.



Les tâches du journaliste.

A vous-mêmes, Messieurs, Nous adressons Nos plus vifs souhaits pour l'exercice de votre profession magnifique, mais difficile et lourde de responsabilités.

Pouvons-Nous toucher brièvement deux difficultés de votre métier ? La première ressort déjà du principe immuable, qui régit la presse : rendre les derniers événements accessibles au public le plus large et cela de la manière la plus rapide et la plus régulière. Maintenant, les progrès de la technique ont réduit au minimum la distance entre le fait et sa publication et, dans ce minimum de temps, vous devez transmettre un compte rendu fidèle, qui présente clairement et sous une forme expressive tous les éléments essentiels. Vraiment, c'est une exigence presque exorbitante. Vos prédécesseurs, qui vivaient avant la radio, le télégraphe et le téléphone, avaient une tâche bien plus facile que vous aujourd'hui.

La deuxième difficulté est beaucoup plus sérieuse. La qualité principale du journaliste reste toujours un amour incorruptible de la vérité. Cependant combien de tentations essaient de vous en écarter : tentations venant des intérêts de parti et peut-être de la presse elle-même pour le compte de laquelle vous travaillez. Comme il peut être difficile d'y résister et de respecter les limites que la véracité interdit absolument de franchir ! Sans oublier non plus que la « conspiration du silence » peut aussi offenser gravement la vérité et la justice. Ensuite, tentations de la part de l'opinion publique, ou plus exactement des opinions du public, que le journaliste ne peut suivre sans réserves, lui qui précisément doit les ajuster à la vérité et au droit, et donc les purifier et les guider.

Vous savez par votre propre expérience quotidienne comme il est souvent malaisé d'assurer à la pure vérité, dans le champ de l'opinion publique, ne fût-ce qu'une partie de cette considération sur laquelle peuvent fréquemment compter le mensonge et les demi-vérités, quand elles étonnent et séduisent. Jean de La Fontaine n'a-t-il pas exprimé une observation semblable dans les vers bien connus : « L'homme est de glace aux vérités ; il est de feu pour les mensonges » 2 ? Comparaison qui renferme plus qu'une parcelle de vrai. Mais s'il existe en ce bas monde un tempus belli : temps pour la guerre, et un tempus pacis : temps pour la paix, un tempus loquendi : temps pour parler, et un tempus tacendi : temps pour se taire, il n'y a pas de tempus veri : temps pour la vérité, et tempus falsi, temps pour l'erreur. Quand il s'agit des relations entre les nations et les Etats, l'éducation de l'opinion publique à regarder les choses comme elles sont, à considérer la vérité sans passion, dans le calme et la dignité, est une des conditions essentielles à l'aplanissement des oppositions, au rapprochement et à la paix.

Chacun de vous entend servir son pays. Mais servez-le avec la persuasion que ses bonnes relations avec les autres Etats, la compréhension de leur caractère et le respect de leurs droits appartiennent aussi au bonum commune de son propre peuple, et qu'ils préparent et consolident la paix plus efficacement que beaucoup d'autres moyens. La guerre et l'après-guerre — malgré leurs horreurs et leurs misères — ont eu cela de bon qu'elles ont rendu les hommes beaucoup plus sensibles à ce fait.

Nous avons parlé de la paix. L'après-guerre a fait grand usage de ce mot ; elle en a aussi mésusé. Nous croyons pouvoir Nous rendre ce témoignage que, dans Nos messages, Nous avons donné à la paix, telle que le monde en a réellement besoin, un sens net et réaliste. Pour l'instant, Nous ne pouvons qu'exprimer l'espoir — s'il Nous est possible de hasarder ce mot — de voir s'établir entre les puissances un dialogue ouvert et loyal. Sans assurer encore la paix, c'en est au moins la première et irremplaçable condition, à défaut de laquelle on ne saurait faire un pas vers elle.

Daigne le Seigneur, qui donne et aime la paix — auctor pacis et amator — comme dit l'Eglise, vous concéder à tous la lumière, l'énergie et la constance, pour devenir chaque jour de plus vaillants hérauts de la vérité, des défenseurs intrépides du droit, de sages pionniers d'une vraie paix. Voilà ce que Nous vous souhaitons à vous tous et à vos collègues, pour l'heure présente où l'humanité oscille entre la crainte et l'attente anxieuse ; et tandis que Nous invoquons la protection du Très Haut sur les peuples et les nations que vous représentez, Nous implorons les bénédictions du Seigneur sur vous, sur ceux qui vous sont chers et sur toutes les personnes qui vous sont attachées d'esprit et de coeur.










Pie XII 1953 - LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX ASSOCIATIONS CATHOLIQUES DES TRAVAILLEURS ITALIENS