Pie XII 1953 - ENCYCLIQUE POUR LE HUITIÈME CENTENAIRE DE SAINT BERNARD


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? D'où cet humble moine, qui n'avait presque pas d'appuis humains à sa disposition, a-t-il pu tirer la force nécessaire pour surmonter les difficultés les plus rudes, résoudre les questions les plus compliquées, trancher les différends les plus insolubles ? On ne peut le comprendre qu en considérant la haute sainteté de vie qui brillait en lui, unie à son effort pour connaître la vérité. Surtout, il brûlait d'une ardente charité, comme nous l'avons dit, envers Dieu, envers le prochain, et cela, vous le savez, Vénérables Frères, est le précepte essentiel et comme le résumé de l'Evangile ; de là vient qu'il n'était pas seulement uni au Père céleste par un lien mystique et durable, mais qu'il ne désirait rien plus vivement que de gagner des hommes au Christ, de protéger les droits sacrés de l'Eglise, et de défendre l'intégrité de la foi catholique avec un courage indomptable.

Epist. 188 ; Migne, P. L., CLXXXH, 353-A, B.

De error Abaelardi, Praef. ; Migne, P. L., CLXXXII, 1055, io54rD..........................................................

Quoique jouissant de tant de crédit et d'estime auprès des souverains pontifes, auprès des princes et auprès des masses, il ne s'en prévalait pas, il ne recherchait pas la gloire humaine passagère et vaine ; mais toujours il rayonnait de l'humilité chrétienne, qui « accueille les autres vertus... conserve celles qu'elle a accueillies... perfectionne celles qu'elle conserve » , au point « que sans elle, elles ne paraissent même plus des vertus » . C'est pourquoi « l'honneur qui lui était offert ne troubla jamais son âme et il ne fit pas un pas pour se porter vers la gloire ; la tiare ou l'anneau ne l'attiraient pas plus que la serpe ou le sarcloir » 43. Et alors qu'il endurait tant de si grandes fatigues pour la gloire de Dieu et au profit de la cause du christianisme, il se déclarait « inutile serviteur de Dieu » « vil vermisseau » 4, « arbre stérile » 46, « pécheur, cendre » C'est la contemplation assidue des réalités célestes qui nourrissait cette humilité chrétienne et les autres vertus ; elles étaient nourries par des prières enflammées adressées à Dieu qui attiraient la faveur d'en haut sur lui, sur ses entreprises, sur ses travaux.

Son amour tout spécial pour Jésus-Christ, le divin Rédempteur, l'entraînait avec tant de véhémence, que, touché et stimulé par Lui, il a écrit des pages d'une grande élévation et d'une grande beauté, que tout le monde admire encore et qui enflamment la piété de tous ceux qui les lisent.

« Qu'est-ce qui fortifie l'esprit de celui qui pense, renforce les vertus, donne de la vigueur aux bonnes et hon-

De moribus et off. Ep. se., seu Epist. 42, 5, 17 ; Migne, P. L., CLXXXII, 821-A. lbid.

Vita Prima, 11, 2; ; Migne, P. L., CLXXXV, 283-B.

Episf., 37 ; Migne, P. L., CLXXXII, 143-B.

Epist., 215 ; Migne, P. L., CLXXXII, 370-B.

Vita Prima, V. 12 ; Migne, P. t., CLXXXV, 358-D.

In Cantica, Serai. LXXI, 5 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 1123-D.

nêtes habitudes, favorise les sentiments purs ? Tout aliment de l'âme est sec, si on n'y verse pas de cette huile ; insipide si on ne l'assaisonne pas de ce sel. Lorsque tu écris, je n'y prends pas goût si je n'y lis pas Jésus ; lorsque tu discutes, ou que tu discours, je n'y trouve aucun intérêt, si je n'y entends Jésus ; Jésus, c'est du miel pour ma bouche, une mélodie pour mes oreilles, une jubilation pour mon coeur. Mais c'est aussi un remède. L'un de vous est-il triste ? Que Jésus vienne à son coeur et de là à ses lèvres ; et voici que lorsque paraît ce nom lumineux, tout nuage disparaît, la sérénité revient. Quelqu'un tom-be-t-il dans le crime ? se précipite-t-il alors, désespéré, vers la corde qui doit lui donner la mort ? S'il invoque ce nom de vie, ne va-t-il pas aussitôt revenir à la vie ? La force de ce nom, invoqué par celui qui s'agite et tremble dans les dangers, à qui ne rend-il pas aussitôt la confiance et n'ôte-t-il pas la crainte... ? Rien mieux que ce nom ne comprime l'emportement de la colère, n'apaise l'enflure de l'orgueil, ne guérit la blessure de l'envie » 4\

Et à cette charité ardente envers Jésus-Christ, Bernard joignait une piété très tendre et très douce envers Celle qui lui donna la vie, qu'il vénérait comme une Mère très aimante et qu'il honorait avec passion. Il avait une telle confiance en sa très puissante protection qu'il n'a pas hésité à écrire : « Dieu a voulu que nous n'ayons rien qui ne passât par les mains de Marie » 49. Et aussi : « Telle est sa volonté que nous ayons tout par Marie » 50.

Et il Nous plaît ici, Vénérables Frères, de proposer à la méditation de tous cette page, en comparaison de laquelle il n'existe pas de louange plus belle de la Vierge Mère de Dieu, il n'en est pas de plus vigoureuse, il n'en est pas de plus capable d'exciter notre amour envers elle, ni de plus utile pour réchauffer la piété et nous inciter à suivre les exemples de ses vertus : « On l'appelle étoile de la mer et cela s'adapte de façon très convenable à la Vierge Mère, car c'est très justement qu'on la compare à un astre : en effet, de même que l'astre émet son rayon sans se corrompre, de même c'est sans être lésée que la Vierge met au monde son Fils. Le rayon ne diminue pas la clarté de l'astre et le Fils ne diminue pas l'intégrité de la Vierge. Car elle est cette noble étoile sortie de Jacob, dont le rayon illumine le monde entier, dont la splendeur brille dans les cieux et pénètre les enfers... Elle est, dis-je, une splendide et admirable étoile placée par nécessité au-dessus de cette grande et vaste mer resplendissante de mérites, éclairante par ses exemples. O vous tous qui vous rendez compte que, loin d'avancer sur la terre ferme, vous flottez sur le fleuve de ce monde au milieu des orages et des tempêtes, ne détournez pas les yeux de la lumière éclatante de cet astre, si vous ne voulez pas être engloutis par les tempêtes. Si les vents de la tentation s'élèvent contre vous, si vous êtes poussés sur les écueils des tribulations, regardez l'étoile, invoquez Marie. Si vous êtes assaillis par les flots de l'orgueil, les flots de l'ambition, les flots de la médisance, les flots de l'envie, regardez l'étoile, appelez Marie. Si la colère, ou l'avarice, ou les tentations de la chair attaquent la nacelle de votre esprit, regardez vers Marie. Si troublés par la grandeur de votre crime, confus de la laideur de votre conscience, terrifiés par l'horreur du jugement, vous commencez à être entraînés dans les gouffres de la tristesse, dans l'abîme du désespoir, pensez à Marie. Dans les dangers, dans les angoisses, dans les perplexités, pensez à Marie, invoquez Marie. Qu'elle ne s'éloigne pas de vos lèvres, qu'elle ne s'éloigne pas de votre coeur; et pour obtenir l'appui de sa prière, ne cessez pas d'imiter l'exemple de sa vie. En la suivant, vous ne vous égarez point ; en la priant, vous ne désespérez point ; en pensant à elle, vous ne vous trompez point ; si elle vous tient, vous ne tombez pas ; si elle vous protège, vous ne craignez point ; si elle vous conduit, vous ne vous fatiguez point ; si elle est propice, vous arrivez au port51. »

Nous ne pouvons pas mieux conclure cette lettre encyclique qu'en invitant chacun par les paroles du docteur « Mellifluus » à accroître chaque jour davantage sa piété envers la vénérable Mère de Dieu et aussi à imiter ses sublimes vertus avec plus d'énergie, chacun selon son état de vie particulier. Si au cours du XIIe siècle de graves dangers menaçaient l'Eglise et la société humaine, les crises qui pèsent sur notre époque ne sont certes pas moindres. Il n'est pas rare que la foi catholique, source des suprêmes consolations pour les hommes, soit languissante dans les âmes et même que, dans certaines régions et nations, elle soit publiquement attaquée avec âpreté. Or lorsque le culte chrétien est négligé ou expulsé comme un ennemi, on voit, hélas ! les moeurs publiques et privées dévier du droit chemin et parfois même, par les failles des erreurs tomber lamentablement dans le vice.

Au lieu de la charité qui est le lien de la perfection, de la concorde et de la paix, on substitue les haines, les rivalités et les discordes.

Quelque chose d'inquiet, d'anxieux et de trépidant pénètre les esprits humains ; en effet il est à craindre, si la lumière de l'Evangile peu à peu diminue et faiblit dans les âmes ou, ce qui est pire, si elle en est entièrement rejetée, que les bases mêmes de la société civile et domestique ne s'écroulent, à tel point que surviennent des temps pires encore et plus malheureux.

De même donc que le docteur de Clairvaux a demandé et obtenu le secours de la Vierge Marie, Mère de Dieu pour son époque très troublée, nous tous, avec la même ardente piété, et par notre prière supplions notre divine Mère d'obtenir de Dieu les remèdes opportuns à ces maux qui déjà grossissent ou menacent ; qu'elle nous donne, grâce à Dieu, dans sa bonté et sa puissance, de voir une paix sincère, solide et fructueuse, briller enfin pour l'Eglise, pour les peuples et pour les nations.

Que ce soient les fruits abondants et salutaires qu'apportent sous l'auspice de saint Bernard les solennités centenaires de l'anniversaire de sa pieuse mort ; que tous s'unissent à Nous dans ces prières suppliantes, tout en cherchant, par la considération et la méditation des exemples du docteur Mellifluus, à suivre ses saintes traces avec zèle et enthousiasme.

Que ces fruits salutaires vous soient obtenus par la Bénédiction apostolique, que Nous vous accordons de tout coeur, Vénérables Frères, aux troupeaux confiés à chacun d'entre vous, particulièrement à ceux qui ont adopté le mode de vie de saint Bernard.





Horn. U, super « Missus est », 17 ; Migne, P. t., CLXXXIII, 70-B, C, D, 71-A.












LETTRE A SON EXC. MGR NICOLINI ÉVÊQUE D'ASSISE A L'OCCASION DU SEPTIÈME CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINTE CLAIRE

(25 mai 1953) 1






Sainte Claire d'Assise naquit en 1194. Enthousiasmée par la prédication de saint François, à dix-huit ans en 1212 elle se retira du monde et fit profession religieuse. Bientôt elle fondait les Pauvres Claires ; Claire elle-même mourut le 11 août 1253.

Il y aura sept cents ans au mois d'août prochain que Claire « première petite plante des Pauvres Soeurs de Saint-Damien à Assise, principale émule du bienheureux François dans l'observance de la perfection évangélique » 2, par une très pieuse mort s'envola de cet exil terrestre vers les demeures célestes.

Célébrer, à cette occasion, la mémoire d'une vierge si grande convient certes à la ville d'Assise dont l'excellence née du Patriarche Séraphique est encore davantage accentuée par le nom et la vertu de Claire ; à la très nombreuse famille franciscaine, dont elle est une gloire insigne ; mais à plus de titres encore l'Eglise Catholique le désire ardemment, voyant avec allégresse en elle le plus remarquable exemple de la sainteté virginale.

Tandis que Nous repassons dans Notre esprit la vie de cette sainte habitante du ciel et que Nous Nous rappelons avec vénération ce qu'elle a accompli, soutenue par la grâce de Dieu ; ce qu'ont réalisé la société fondée par elle et les autres instituts qui en sont sortis — ils fleuriront innombrables au cours des siècles — Nous n'hésitons pas à affirmer que l'Eglise certes et la société civile aussi doivent beaucoup à cette vierge. Et en même temps, Nous ne pouvons pas ne pas admirer les desseins de la divine Providence, qui, au moment où les ennemis se jettent plus durement contre le nom chrétien, suscite dans l'Eglise de nouveaux héros et héroïnes à la hauteur des circonstances pour protéger le catholicisme.

De ce nombre se trouve, dressée bien haut, Claire, illustre par la vertu et le nom, émergeant de ces temps ténébreux, auxquels apparut bien à propos pour les éclairer et les corriger Saint François d'Assise ; et dans cette oeuvre, cette vierge donnée par Dieu comme sa compagne principale de labeur, et instrument de la miséricorde céleste, resplendit avec le Père Séraphique d'un très pur éclat.

Née à Assise de noble race, et parée par la nature même de qualités encore plus nobles, à peine eut-elle entendu dans son adolescence les nouveaux messagers de paix et de pénitence chrétienne amenés par le héraut séraphique, qu'elle prit feu pour cette forme évangélique de vie proposée par François et décida immédiatement de la reproduire en elle. Et de cette résolution, ni son âge fragile, ni l'opposition de ses parents, ni le genre très dur de vie à affronter ne purent la détourner ; bien plus à l'appel du bienheureux Père François, elle abandonna une nuit en secret la maison paternelle, se réfugia à Sainte Marie de la Portioncule et là, disant adieu de tout coeur aux vanités du siècle, elle revêtit une rude et misérable tunique, établit la pauvreté pour compagne de toute sa vie future, et se donna entièrement à Dieu.

Ce premier combat heureusement surmonté, pour qu'il lui soit permis de se livrer à la contemplation des choses surnaturelles, elle est reçue dans les murs étroits de Saint Damien, et là « cachée avec le Christ en Dieu 3 », pendant quarante-deux ans elle n'eut rien pour plus agréable, elle s'efforça de ne rien atteindre de plus que de reproduire en elle le plus parfaitement possible la règle de François et d'y conformer les autres de toutes ses forces.

Cependant la lumière très éclatante dont rayonnait cette retraite solitaire et si pauvre ne put longtemps rester cachée ; car



1 D'après le texte latin des A. A. S., t. XXXXV, 1953, p. 395.

2 Spéculum perfectionis, c. 108.



Col., ni, 3.



en grand nombre en effet, tant des grandes familles que des classes populaires, y accourent en foule, des vierges touchées par la réputation de sainteté de Claire, qui préfèrent aux plaisirs du monde le chaste amour du Divin Epoux, désireuses de se livrer à sa direction. C'est pourquoi « au sein de ces murailles, colombe blanche faisant son nid, elle engendra un collège de vierges du Christ... et jeta le fondement de l'Ordre des pauvres dames » ".Dès lors la famille de saint François, grandissant comme un arbre vigoureux nourri et fécondé par la rosée de la grâce divine, se partage en deux branches, dont l'une tend surtout à l'activité de la vie apostolique, l'autre au contraire comprend les vierges consacrées à Dieu, qui dans l'enceinte du cloître saint vaquent surtout à la contemplation des choses du ciel et expient dans la prière et la pénitence leurs fautes et celles des autres.

Avec quelle application Claire s'est préparée par l'exercice des vertus les plus parfaites à servir les conseils de la divine miséricorde, c'est chose très facile à concevoir en esprit, mais par contre très difficile à décrire. A la vérité, de toutes ses forces « elle s'appliquait à ressembler au Crucifié par une très parfaite pauvreté » 5, et bien qu'ornée de la fleur de l'innocence totale, elle exténuait son corps virginal par des jeûnes volontaires et le crucifiait par de durs cilices. En se représentant assidûment les souffrances du Divin Rédempteur, et en rendant amour pour son amour, elle versait des larmes abondantes. Elle se portait en outre avec une véhémente ardeur vers le sacrement de l'Eucharistie, et elle le regarda non seulement comme le soutien et la joie de sa vie, mais comme la tête et la protection de son Institut. Mais c'était surtout la divine charité qui conduisait et poussait son âme et dans l'ardeur dont elle brûlait pour Dieu, elle embrassait tous les hommes, et particulièrement les filles qui lui étaient confiées. Elle traitait son corps avec âpreté et dureté, et ne lui accordait ni soulagement, ni repos ; même dans les dernières années de sa vie, tourmentée par la violence des maladies, elle était poursuivie par les angoisses, les misères et les infirmités des autres ; elle rayonnait d'une exquise douceur d'âme et d'une tendre pitié ; et tout le monde sait, alors que ses concitoyens se trouvaient dans un grave péril — après avoir adressé à Dieu de suppliantes prières et apporté même virilement son aide — quelle éminente animatrice de concorde, quel étendard de paix elle fut, et plus d'une fois, victorieuse toujours, elle repoussa les ennemis.

Il est en outre presqu'incroyable combien cette femme, qui s'était totalement dépouillée des choses de la terre fut comblée des dons de la sagesse du ciel. Vers elle affluait en effet non seulement la foule désireuse de l'écouter, mais des Evêques, des Cardinaux et même des Souverains Pontifes recouraient à ses avis. Le Père Séraphique lui-même, dans des circonstances très difficiles pour son Ordre, prit l'habitude de consulter Claire ; ce qui arriva notamment lorsqu'était débattue la question pendante, si lui-même ordonnerait aux premiers compagnons de son Ordre seulement la contemplation des choses du ciel, ou en même temps les saintes oeuvres de l'apostolat ; pour connaître alors avec plus de certitude la volonté divine, il se rendit auprès de Claire, et se rangea à sa réponse comme à un oracle.

Parce qu'elle était comblée du secours de tant de vertus, elle fut pleinement digne de la préférence de François qui voyait en elle un puissant secours pour l'observance de sa règle religieuse et le progrès de son Institut ; et la suite des événements confirma plus d'une fois cette confiance.

Le parfum de cette fleur de beauté sans tache se répandit largement sur la terre et les vierges Clarisses, comme de très beaux rejetons toujours renaissants des vertus de leur Mère législatrice, en ont conservé jusqu'à notre époque la très suave odeur. Leurs travaux, les exemples et les préceptes de Claire se sont répandus si utilement au cours des siècles comme un fleuve d'eau vive arrosant le champ de l'Eglise, pour le salut du peuple de Dieu, qu'aujourd'hui encore apparaissent comme totalement exactes les paroles de Notre prédécesseur Alexandre IV à son sujet : « Elle fut le flambeau élevé de sainteté brillant fortement dans le tabernacle de Dieu ; vers son éclatante lumière, un grand nombre de femmes accoururent et accourent, allumant leur lampe à sa lumière. Dans le champ de la foi, c'est elle qui a planté et cultivé la vigne de la pauvreté, dont sont recueillis des fruits riches et onctueux de salut... Elle fut la Princesse des pauvres, la Duchesse des humbles, la Maîtresse des continents et l'Abbesse des pénitents » 6. Personne ne s'étonnera donc



* Légende de sainte Claire, n. lo. 3 Ibid. n. 14.



Lettre apostolique Clara Claris,



qu'après un si long intervalle de temps depuis la mort de Claire, l'admiration et la piété des catholiques envers elle, loin de se refroidir, s'enflamme d'une nouvelle ardeur. Ce que montrent assez les solennités religieuses et civiles qui se préparent en de nombreux endroits, mais surtout dans la ville que de son vivant elle ennoblit de sa présence, de la lumière de sa sainteté et de la gloire de ses miracles.

Tout cela, Nous le louons et l'approuvons avec joie, très confiant qu'il en rejaillira de notables fruits de salut pour le profit tant des individus que de la société. Nombreux à la vérité sont de cette vierge les exemples à imiter dans les circonstances actuelles, qui ne diffèrent pas totalement de celles où se trouva Claire. Ce ne sont pas de moindres périls, comme tout le monde le sait, qui pèsent sur les intérêts religieux, et le recul de la moralité n'est certes pas moindre : la charité se refroidissant en effet misérablement, les dissensions, les haines et un appétit effréné des biens périssables troublent bien des âmes, et tendent à renverser les fondements de l'ordre domestique et public. Que vers cette grande sainte, au cours des solennités séculaires, regardent avec vénération tous les catholiques, et qu'ils reçoivent d'elle un stimulant de généreuse vertu. Que d'elle ils apprennent surtout à détacher leur âme des choses de la terre estimées à leur juste valeur, à dompter leurs passions par un châtiment volontaire, à entourer leur prochain de charité fraternelle ; que ce siècle de mollesse sente combien il importe et quelle joie il y a à suivre le Christ humble et à embrasser courageusement sa croix. Si ces effets se réalisent, on peut espérer ce renouveau chrétien des moeurs et ce juste rétablissement de la vie publique, qui sont désirés depuis longtemps par tous les hommes de bien.

Dès à présent Nous sommes raffermis dans la douce espérance que la noble Claire obtiendra ces fruits avec abondance du Dieu Tout-Puissant. Nous lui demandons en une instante prière de protéger de son très puissant patronage l'Eglise catholique, et de regarder toujours avec bienveillance le peuple d'Assise qui lui est si attaché. Qu'elle assiste enfin toute la famille franciscaine et particulièrement les religieuses Clarisses, et que surtout elle fasse en sorte que par elles prenne de plus en plus vigueur ce salutaire esprit franciscain, qui, ayant relevé autrefois la société troublée et presqu'en ruine et l'ayant ramenée à des moeurs meilleures, pourra sans aucun doute remédier opportunément aussi aux maux immenses de notre temps et en réparer heureusement les dommages.

Appuyé sur cet espoir, à Vous, Vénérable Frère, à toute la descendance de saint François et de sainte Claire et à tout le peuple d'Assise, Nous accordons avec effusion, céleste présage de grâces, la Bénédiction apostolique.


ADORATION NOCTURNE



257











ALLOCUTION A L'ARCHICONFRÉRIE DE LADORATION NOCTURNE

(31 mai 1953) 1






Au cours de l'audience générale de ce dimanche, Pie XII s'est adressé spécialement aux membres de l'archiconfrérie de l'adoration nocturne du Saint Sacrement.

Comme il Nous est doux d'accéder à la demande de la « Vénérable Archiconfrérie de l'Adoration nocturne du Saint Sacrement » et de 1'« Association des Prêtres Adorateurs », qui ont désiré, en préparation à leur assemblée générale, se réunir autour de Nous, soucieuses d'accroître chez elles et autour d'elles, l'amour de l'Eucharistie, centre de vie et de sanctification.

Dans l'encyclique Mediator Dei sur la Liturgie sacrée, Nous rappelions l'enseignement de la Tradition et des Conciles au sujet de l'adoration de l'Eucharistie et Nous louions les diverses formes de ce culte, en inscrivant parmi les plus belles et les plus salutaires l'adoration publique du Très Saint Sacrement, pratiquée spécialement par des associations de prêtres, par des congrégations religieuses et par des confréries de laïcs. Et dans l'exhortation à tout le clergé, Menti Nostrse, sur la sainteté de la vie sacerdotale, Nous achevions notre revue des vertus sacerdotales par les mots suivants : « Ces vertus sacerdotales et toutes les autres pourront facilement être acquises par les jeunes gens dans les Séminaires, si dès le premier âge, ils ont appris et cultivé une sincère et tendre dévotion envers Jésus « véritablement, réellement et substantiellement » présent parmi nous et demeurant sur la terre, et s'ils font de Lui, de son Sacrement, le mobile et la fin de toutes leurs actions, de leurs aspirations et de leurs sacrifices ».

De même que le Saint Sacrifice de la Messe religieusement offert par le prêtre avec la participation intime des fidèles, en union avec toute l'Eglise, est et demeure le grand acte du culte divin, pareillement le culte eucharistique est célébré partout où l'Homme-Dieu présent dans le Sacrement est adoré, sous des formes multiples en dehors du Sacrifice. Sans aucun doute, le bon Pasteur a-t-il voulu être un vrai pain, comme le chante le Docteur Angélique dans ses admirables poésies si élevées et si denses. Il ne Lui suffit pas d'être adoré ; Il veut être également notre nourriture : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme..., vous n'aurez pas en vous la vie » 2. Son amour sans limites a posé cette condition à notre fidélité : « Vous n'aurez pas de part avec moi » pour employer les paroles du Seigneur Lui-même3, « si vous ne vous nourrissez pas de ma chair ». Mais l'âme, qui a compris l'amour de son divin Maître, ne se contente pas des rares moments où le Pain des Anges repose sur ses lèvres ; elle a besoin de voir encore et d'adorer à son aise le Tout-Puissant Seigneur, qui sous l'humble image du pain, se met à son service ; elle a besoin de contempler inlassablement ce mince voile qui, à la fois, lui cache et lui révèle l'amour de son Sauveur ; elle a besoin de demeurer longuement devant l'Hostie consacrée et de prendre à la vue de l'humilité de Dieu l'attitude du plus humble et du plus profond respect,

Quelle leçon plus sublime que cette présence réelle de l'Homme-Dieu sous la forme d'un frêle morceau de pain ? Le pain est la nourriture de tous ; il est fait uniquement pour servir, pour alimenter la vie. C'est ainsi qu'est le prêtre selon le coeur du Christ ; il ne pose aucune condition pour son service, il est toujours bienfaisant et se donne entièrement.

Ce qui vaut au plus haut point pour le prêtre s'applique également à tout chrétien, car la charité est le commandement universel, qui renferme en soi toute la loi du Sauveur. Rappel-lez-vous l'émouvante parabole du Bon Samaritain, dans laquelle Jésus a dépeint son Coeur et Nous l'a donné comme exemple : « Va et fais toi aussi la même chose»4. Trouvez le temps, les forces, l'argent nécessaires pour secourir de la meilleure manière possible n'importe lequel des hommes vos frères. Soyez



Jean, 6, 54. Jean, 13, 8. Luc, 10, 37.

pour lui utiles et bons comme le pain et, en même temps, humbles, car autrement, votre charité ne pénétrerait pas jusqu'au fond de son coeur, de ce coeur qu'il faut gagner à Dieu, ouvrir à l'action de la grâce.

Quiconque demeure souvent et longuement devant l'Hostie comprend la leçon du pain eucharistique et éprouve le besoin impérieux de la mettre en pratique, de s'oublier complètement soi-même, de se donner aux autres sans limites. C'est précisément à cela que tout le monde reconnaîtra que vous êtes les disciples du Christ 5, de vrais adorateurs en esprit et en vérité, qui glorifient le Père en imitant le Fils.

Nous n'avons dit qu'une parole de la charité qui provient du Sacrement d'amour, parce qu'elle est le commandement du Seigneur, mais la sainte Eucharistie est pour ses adorateurs une source inépuisable de lumière et de force. Ceux qui, spécialement dans les heures silencieuses de la nuit, s'unissent à l'adoration des Anges et rendent à l'Agneau qui fut immolé 8 les actions de grâces qui Lui sont dues, puisent abondamment, pour eux-mêmes et pour toute l'Eglise, les eaux à la source du Sauveur7. Afin que le nombre des Adorateurs nocturnes augmente constamment ; afin que le divin Maître présent et caché dans le Très Saint Sacrement se laisse émouvoir par leurs supplications persévérantes et se montre sensible à leurs hommages, Nous donnons de tout coeur, à vous, chers fils, ici présents, et aux membres de vos Associations qui n'ont pas pu se joindre à vous, Notre paternelle Bénédiction apostolique.










DÉCRET DU SAINT-OFFICE CONCERNANT LA MESSE DU SOIR A BORD DES NAVIRES

(31 mai 1953) 1






On a demandé à cette Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office :

x. Les Ordinaires des lieux peuvent-ils, conformément au n. VI de la Constitution Apostolique Christus Dominas 2, permettre la célébration de la messe du soir en faveur des chrétiens qui travaillent sur des navires durant les voyages en mer ;

et dans le cas d'une réponse affirmative :

2. Quel est l'Ordinaire compétent ?

Les Eminentissimes et Révérendissimes Pères de cette Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office, ayant mûrement réfléchi, ont décidé, durant la Congrégation plénière du mercredi 25 mars 1953, de répondre :

Au 1. Affirmativement.

Au 2. L'Ordinaire compétent pour accorder la faculté dont il s'agit, est l'Ordinaire dont dépend le port où le navire séjourne habituellement.

Notre Saint-Père le Pape Pie XII, dans l'audience accordée, le 5 mai 1953, à l'Eminentissime Cardinal Pro-Secrétaire du Saint-Office, a approuvé le Décret des Eminentissimes Pères et a ordonné sa publication.











D'après le texte latin des A. A. S., XXXXV, 1953, p. 426. Cf. p. 15.












ALLOCUTION AUX PAROISSIENS DE SAINT-MICHEL A PIETRALATA

(4 juin 1953) 1






En ce jour de la Tète-Dieu, 1600 habitants de ce faubourg de Rome vinrent rendre visite au Saint-Père qui leur déclara :

Personne ne s'étonne, chers fils et chères filles, que le Vicaire du Christ accueille avec une affection particulière les fidèles de Rome, sa Ville natale, son diocèse et le centre de la Chrétienté.

De même, il ne peut déplaire à personne que Notre coeur paternel, à l'imitation du Coeur sacré de Jésus, ait des marques de bienveillance particulière envers les plus humbles et les plus nécessiteux de Nos fils, envers les pauvres et les affligés de toute sorte.

Vous pouvez donc imaginer avec combien de ferveur Nous vous souhaitons la bienvenue, très chers fils de Pietralata, une des plus humbles paroisses de Rome, une de celles qui Nous sont les plus chères.

Votre excellent et zélé curé sait toute la sollicitude avec laquelle Nous avons cherché à être toujours présent au milieu de vous par Notre oeuvre, pour l'aide matérielle et spirituelle donnée à chacun de vous et à vos familles.

Certes, le Pape est le père des âmes ; aussi Notre première sollicitude devait et doit être de ne pas vous laisser manquer de tout ce qui est utile à vos esprits et à vos coeurs ; Nous avons voulu que vous ayez, à côté de vos modestes habitations, la Maison de Dieu. Aujourd'hui le hameau Rocchi, le hameau Quintiliani, le hameau Feliciani ont leur petite église, et Nous sommes heureux d'avoir contribué à faire surgir également l'Atelier-école de la paroisse, où les garçons sont suivis du point de vue moral et sont préparés à un métier qui demain leur permettra de gagner honnêtement leur pain.

Cependant cela ne Nous a pas fait oublier vos nécessités matérielles présentes ; et par conséquent, tout en profitant de chaque occasion propice pour rappeler à qui de droit le devoir de pourvoir, dans la mesure du possible, d'une manière organique et complète à votre installation, Nous Nous sommes employé à ne pas être absent partout où peuvent parvenir Notre secours et Notre réconfort. Malheureusement là encore la possibilité n'est pas égale à l'ardent désir que Nous aurions d'essuyer toute larme, de consoler chaque malade, de soulager toute souffrance. Aussi supplions-Nous notre Père qui est aux deux, afin qu'il daigne répandre sur tous l'abondance de son aide, et Nous conjurons tous les fils de Dieu sur la terre afin qu'ils ne négligent rien de tout ce qui est possible pour donner satisfaction aux besoins de leurs frères.

Mais vous, chers fils et chères filles, vous ne voudriez pas retourner à vos maisons sans une pensée d'exhortation de Notre part ; elle nous est suggérée par le Graduel que Nous avons récité à la messe d'aujourd'hui, fête du Corpus Domini : « Les yeux de tous vous regardent, ô Seigneur, pleins d'espérance, et vous leur donnez la nourriture au moment voulu ».

Vous semble-t-il, chers fils et filles, que cette prière exprime une réalité ou devons-nous seulement la considérer comme un souhait ou un but à atteindre ? C'est-à-dire vous semble-t-il que tous se tournent aujourd'hui, pleins d'espérance, vers le Seigneur, afin qu'il leur donne la nourriture ? Ou n'est-il pas vrai, plutôt, que tant d'yeux sont en fait, tournés ailleurs ; que tant d'oreilles sont attentives à écouter d'autres discours ; que tant de pas s'avancent dans des directions opposées à celle qui conduit à Jésus ? Combien d'hommes, combien de chrétiens, autrefois proches de l'Eglise, oublient maintenant d'implorer la Providence divine et d'avoir confiance en Elle !

Et cependant l'Evangile2 raconte que lorsque les yeux des foules se tournaient vers Jésus, lorsqu'elles le suivaient en grand nombre, oubliant tout besoin matériel, Il eut recours au miracle et donna la nourriture nécessaire à près de cinq mille personnes. Afin donc que le nécessaire ne manque à aucun de vous, utilisez





Jean, 6, 6.



tous les moyens humains ; mais regardez de nouveau, pleins de confiance, vers Jésus. Dites-Lui : « O Seigneur, toi qui vêts les lis des champs et qui nourris les oiseaux du ciel3, tu ne nous abandonneras certainement pas, nous les créatures humaines, faites à ton image et participant de ta propre vie ».

Avec le souhait que cette vie divine soit abondante dans vos
âmes, Nous vous donnons de tout coeur la Bénédiction apos-
tolique. r

Pie XII 1953 - ENCYCLIQUE POUR LE HUITIÈME CENTENAIRE DE SAINT BERNARD