Pie XII 1953 - ALLOCUTION AUX PAROISSIENS DE SAINT-MICHEL A PIETRALATA


ALLOCUTION AU PERSONNEL ENSEIGNANT

(4 juin 1953) 1






En ce jour, le Pape s'adressa à 3.500 religieuses enseignantes et maîtresses laïques des cours du soir :

Avec une satisfaction particulière, Nous vous saluons tous réunis en Notre présence, chères filles, religieuses et laïques, et chers fils, enseignant dans les secteurs de l'école maternelle et des cours du soir et dans les cours professionnels institués par la Commune de Rome, parce que Notre esprit voit également avec vous, déjà si nombreux, les trente-six mille enfants et jeunes gens que vous assistez quotidiennement. Trente-six mille ! on dirait presque une cité ; la cité de l'espérance et de l'avenir. Mais quel sera cet avenir ? Il sera celui que les enseignantes et les éducateurs voudront et sauront préparer.

Nous connaissons votre dévouement passionné pour votre noble tâche, que Nous voudrions définir à la fois religieuse et sociale. Elle s'applique — en complément de l'éducation chrétienne normale dans la famille et autant que possible en étroite union avec les parents de vos assistés — à préparer pour la Rome de demain une population à tous points de vue saine et prospère. Aussi sommes-Nous et Nous disons-Nous paternellement reconnaissant spécialement envers vous, chères filles, Nos fidèles collaboratrices pour ainsi dire.

Nous félicitons de même ceux qui, préposés à l'administration municipale, appliquent, avec de sages intentions et une oeuvre active, leur esprit à organiser le bien moral et matériel de Notre très cher peuple, pour des motifs multiples menacé de nombreux côtés, particulièrement dans les zones de la périphérie et dans la banlieue, qui occupent une si grande place dans nos





Matth., 6, 26 s.

soucis pastoraux. Elle est donc salutaire et opportune l'institution de cours du soir pour garçons et filles, de cours professionnels qui se proposent comme but l'éducation, l'assistance, et la formation professionnelle de l'enfance et de la jeunesse, spécialement de la plus nécessiteuse, et qui, après cinq années d'activité, peut maintenant présenter d'abondants fruits de progrès.

La sollicitude envers les enfants du peuple est un strict devoir de la communauté ; et il n'aurait pas raison celui qui, séduit par les idéals de futures réformes de toute la structure sociale définirait de telles mesures comme autant de palliatifs inutiles, voire nuisibles, parce qu'elles retarderaient l'avènement de la justice intégrale. Les grandes réformes que tout esprit honnête doit souhaiter et sagement favoriser, en évitant à l'édifice entier des secousses irréparables, ont besoin du temps nécessaire pour mûrir en de pacifiques et stables réalités. Mais, dans l'attente de celles-ci, comme il s'agit souvent de garçons et de filles abandonnés à eux-mêmes et par conséquent errant dans les rues ou dans les lieux hygiéniquement et même moralement malsains, il faut accourir les sauver de la meilleure manière en faisant tout ce qu'on peut et avec la plus grande urgence. Du reste ces mêmes réformes ne se réaliseraient jamais si elles étaient proposées ou même imposées à un peuple spirituellement déchu et que la communauté n'aurait pas préparé à les accueillir avec une solide éducation.

C'est donc une haute tâche que la vôtre, chères filles ; une mission nécessaire, mais également difficile et délicate. Toutefois, ayez confiance en votre oeuvre, en repoussant ce sentiment de pessimisme qui parfois s'attache à celui qui éduque, comme s'il devait être fatal que les années et les courants troubles puissent détruire toute saine formation reçue pendant les premières années. Malgré les événements adverses, l'éducation fondée sur les principes chrétiens ne manquera jamais d'apporter ses fruits bienfaisants.

Ayez en outre une conception élevée de votre oeuvre. Vous travaillez directement sur les âmes. Existe-t-il donc une tâche plus noble, plus féconde, plus agréable à Dieu ? Ceux qui auront été les maîtres des autres dans le bien — dit le Saint-Esprit — resplendiront comme les étoiles dans le firmament2.

Enfin ayez la ferme conviction qu'il n'existe pas d'autre voie, d'autre méthode plus sûre pour que les enfants deviennent des citoyens honnêtes et travailleurs, dont la vie ne soit pas pour eux un poids insupportable ni ne constitue un danger pour la société, qu'en faisant d'eux, avant toute autre chose de fidèles adorateurs de Dieu. Infusez dans leurs coeurs la foi chrétienne, l'observation des commandements, l'estime de la vertu au-dessus de tout autre bien matériel et caduc. Et aimez-les, spécialement vous, chères filles, avec un coeur maternel, chaque jour davantage, comme s'ils étaient vos créatures, en vous rappelant que les enfants sont la prunelle des yeux de Jésus.

En exaltant tout ce que vous avez fait et ferez pour l'enfance et la jeunesse romaine et en souvenir de cette heure qui Nous est agréable, parce que passée avec vous, Nous voudrions vous dire : Les enfants de Rome, spécialement les plus pauvres, les plus déshérités, sont les plus précieux joyaux du Pape ! Protégez-les, défendez-les, employez-vous afin que leur splendeur spirituelle ne soit jamais obscurcie par les erreurs et les égarements, mais qu'ils reflètent dans toute leur vie l'honneur de l'Eglise et les glorieuses traditions catholiques de l'Urbs.

Afin que Nos voeux s'accomplissent, Nous appelons sur vous tous ici présents, qui êtes affectés aux cours du soir, inspecteurs, directeurs, enseignants et assistants religieux et laïques, employés et surveillants, et sur tous les chers enfants et jeunes gens que vous assistez, les grâces célestes, dont Nous vous donnons en gage, de grand coeur, la Bénédiction apostolique.




















ALLOCUTION AUX PAROISSIENS DE MARSCIANO

(4 juin 1953) 1






Recevant environ joo fidèles de cette paroisse du diocèse de Pérouse, le Pape dit :

Votre présence devant Nous, chers fils et chères filles, est un don des plus agréables que le Sacré-Coeur de Jésus a voulu Nous faire en cette suave fête de Son Très Saint Corps.

Pour le rendre encore plus agréable vous avez conduit à la Maison du Père commun une compagnie d'enfants innocents fleurs blanches et encore odorantes de la divine caresse de la première rencontre avec Jésus.

Soyez les bienvenus de votre terre d'Ombrie, qui en ce mois est tout un enchantement de verdure et de fleurs et où la nature séduisante semble n'être jamais lasse d'élever l'hymne de la louange vers le Créateur. Soyez les bienvenus de l'Ombrie, terre d'artistes et de saints.

Quand le vénéré Pasteur de l'archidiocèse de Pérouse répondit à l'exhortation du 10 février 1952 2, Nous avons appris que votre cité industrieuse devait tenter une expérience sur la base de la paroisse. Nous en fûmes particulièrement heureux, persuadé comme Nous le sommes que dans cette chose, comme dans toute autre, l'exemple pourrait convaincre les sceptiques, fortifier les découragés et les entraîner — Dieu le veuille — sur le même chemin, vers le même but.

Le temps écoulé depuis le début de votre travail est déjà suffisant pour démontrer que l'expérience non seulement a été possible, mais a donné et continue à donner des résultats supérieurs à toute prévision. En parlant à la paroisse de Saint-Sabas, à Rome, Nous disions que les vrais fidèles se voient au pied de l'autel, quand le prêtre distribue « le pain vivant descendu du ciel » 3.

Or, à Marsciano, comme il Nous a été rapporté, au pied de l'autel, on voit chaque mois plus d'un millier de personnes, tandis que croît sans cesse davantage le nombre des âmes, spécialement des jeunes, qui communient chaque jour.

Cela a été possible parce que à la grâce de Dieu et à la puissante intercession de Marie ont répondu le zèle ingénieux des prêtres, la généreuse collaboration des catholiques militants et la bonne volonté et la docilité de la plupart des fidèles. Il y a bien des âmes encore éloignées, et ne manquent pas ceux qui s'obstinent à être des ennemis de Dieu ; mais il y a tout un esprit et comme un visage changés ; il y a toute une ferveur de renouveau et comme une joie plus intense de vivre chrétiennement.

Toutefois, chers fils, vous ne reviendriez pas contents à vos maisons si, à l'expression de Notre satisfaction, Nous n'ajoutions pas une parole paternelle d'exhortation qui vous rende sans cesse plus fermes dans la voie où vous vous êtes engagés pour un courageux renouvellement spirituel. En construisant le monde d'aujourd'hui, certains théoriciens qui nient Dieu ou qui ne tiennent pas compte de Lui, ont conçu les hommes comme ne relevant que d'eux-mêmes, sans aucune interdépendance naturelle entre eux ; d'autres en revanche ont cherché à s'abriter dans la conception de la « masse » agglutinée, où l'individu disparaît entièrement. De ces deux formules, la première est encore préférée par certains égoïstes auxquels il semble que l'absence de toute solidarité entre les hommes puisse tourner à leur propre avantage. La seconde, au contraire, continue à séduire la multitude de ceux qui croient être abandonnés de tous : ceux-ci affirment en pratique, qu'ils préfèrent une vie pour ainsi dire d'esclaves, plutôt que de mourir de faim dans la solitude et l'abandon.

En face de ces foules si tristes parce que si anti-humaines, l'enseignement de Jésus est sans cesse plus clair et plus lumineux. Les hommes ne sont pas seulement des créatures de Dieu, mais, participant, par sa bonté infinie, de sa propre vie, ils








1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 5 et 6 juin 1953. * Cf. Documente Pontificaux 1952, p. 43.



s'appellent et sont ses propres fils. Il y a donc un Père commun dans les cieux et tous sont ou doivent être les véritables frères d'une même grande famille.

Dans votre paroisse, voulez-vous vous mettre à l'oeuvre pour faire de Marsciano un lieu où nul n'est étranger aux autres ; où, autant que possible, la joie et la douleur de chacun deviennent la joie et la douleur de tous ? Voulez-vous faire de votre petite ville comme une unique grande famille, où le prêtre est le père représentant Dieu, et où vous soyez frères ?

Alors, en premier lieu, il est nécessaire que vous cherchiez à être réellement les fils de Dieu, participant à sa vie. Loin donc la mort de l'âme, mais, au contraire, résolution absolue de conserver à tout prix la grâce sanctifiante en vous-mêmes. A tout prix, chers fils : au prix de ne plus fréquenter certains spectacles, de supprimer certaines lectures, d'abandonner certaines compagnies, de rompre certaines amitiés, au prix de mettre un plus grand frein à sa langue ; de supporter les plaisanteries et les menaces, d'immoler, si c'était nécessaire, même sa vie.

En second lieu, il faut que vous vous sentiez vraiment des frères, il ne s'agit pas d'une simple apparence ; vous êtes vraiment les fils de Dieu, donc vous êtes réellement des frères entre vous.

Or les frères ne naissent ni ne demeurent tous égaux ; certains sont forts ; certains sont faibles ; certains sont intelligents, d'autres incapables ; parfois l'un d'eux est anormal ou devient même indigne. Une certaine inégalité matérielle, intellectuelle, morale est donc inévitable dans une même famille. Mais comme rien, — ni les événements, ni l'usage du libre-arbitre, — ne pourra détruire la paternité ni la maternité, de même doit demeurer intangible et agissante, dans les limites du juste et du possible, la fraternité entre les enfants d'un même père et d'une même mère.

Appliquez cela à votre paroisse que Nous désirons voir transformée en une véritable grande famille. Prétendre à l'égalité absolue entre tous serait comme vouloir donner une fonction identique à divers membres du même organisme. Ceci posé, il est nécessaire de rendre agissante entre vous votre fraternité, car alors seulement les hommes reconnaîtront que vous êtes une paroisse renouvelée chrétiennement si vous vous aimez les uns les autres.

Il est alors indispensable de supprimer toute inimitié et de faire régner au milieu de vous tous la paix. Une diversité d'opinion (quand un bien commun supérieur ne réclame pas le renoncement) oui ; désapprobation de certaines actions, avertissements et quand c'est nécessaire, châtiments, oui encore ; mais la haine jamais. Même le méchant qui se trouve justement en prison est votre frère, et le visitant, vous visiterez Jésus.

De toute façon, il faudra que vous vous aimiez toujours mutuellement, en souhaitant et procurant aux autres également par le sacrifice personnel tout le bien possible. Et là, par la pensée, Nous voyons devant Nos yeux les pauvres qui n'ont pas de pain ; les malades qui n'ont pas de remèdes ou qui manquent du réconfort d'une bonne parole chrétienne ; les découragés, qui ont vu s'écrouler au cours des années quelque chose qu'il semble impossible de reconstruire désormais. Nous pensons, en ce moment aux enfants orphelins, aux vieillards déclinants, aux veuves affligées. Nous pensons enfin à ceux à qui rien ne manque de ce qui concerne la vie terrestre, mais qui sont morts dans l'âme et ont ainsi, dans leurs maisons, la plus terrible des misères. Aucune larme ne doit vous laisser indifférents ; de même tout rayon de lumière qui entre dans une famille doit éclairer par son reflet également les autres.

Voilà, chers fils et filles, l'enseignement que Nous avons voulu vous donner ; voici l'engagement que Nous avons désiré vous proposer. Offrez à Marie, notre si tendre Mère, vos coeurs. Elle en fera un seul coeur, modelé sur Son Coeur maternel et sur le Coeur divin de Jésus.

Avec ce souhait, Nous donnons à vous tous et à tous ceux qui vous sont chers la Bénédiction apostolique. Nous voulons également bénir particulièrement les patronages naissants, masculins et féminins, où votre jeunesse trouvera refuge et salut. Puis vous retournerez à vos demeures avec la certitude que si Marsciano devient sans cesse meilleur, la vie de vous tous sera plus prospère et heureuse et plus abondantes seront les faveurs célestes que le Seigneur répandra sur votre peuple.


PRODUCTEURS AGRICOLES



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ALLOCUTION AU SIXIÈME CONGRÈS DES PRODUCTEURS AGRICOLES

(10 juin 1953) 1






Recevant en audience les membres de ce Congrès, le Saint-Père dit :

La sixième Assemblée Générale de la Fédération Internationale des Producteurs Agricoles, qui se tient actuellement à Rome, Nous donne l'occasion de saluer en vous, Messieurs, un de ces grands organismes nés depuis le dernier conflit mondial en vue de donner aux relations économiques internationales une orientation conforme aux réalités d'aujourd'hui.

Les activités qu'elle a déjà déployées portent sur de vastes domaines. Se tenant au courant du travail des diverses associations qui la constituent, elle fournit d'abord à ses membres une information intérieure, afin que chacun d'eux profite des études, de l'expérience et des initiatives des autres. Suivant également l'évolution des institutions intergouvernementales, elle s'efforce de coordonner, pour les leur présenter, les points de vue des organisations d'exploitants agricoles du monde entier. Elle émet des recommandations et publie des études portant sur l'organisation des marchés mondiaux et la place qu'y tient l'agriculture. Elle s'intéresse au développement des pays insuffisamment développés, aux mouvements de migration et aux réformes agraires. Un Comité Européen pour la Reconstruction Economique collabore activement à une meilleure intégration de l'économie européenne. Les problèmes de la Coopération agricole tiennent enfin une part importante dans ses préoccupations et ont donné lieu à des études et des initiatives fructueuses. Ce simple coup d'oeil sur les questions qui relèvent de son programme, montre suffisamment l'importance de la Fédération Internationale des Producteurs Agricoles. Elle groupe désormais bon nombre des grandes associations nationales d'une trentaine de pays, et son influence croît d'année en année. Un travail considérable a été fourni et des résultats sérieux obtenus.

Peut-elle se flatter toutefois d'avoir déjà atteint des objectifs importants ? Bien peu sans doute, étant donné la complexité des problèmes à résoudre et l'ampleur des réformes souhaitées. Les quelques années d'existence de votre Fédération suffiraient à enseigner, s'il en était besoin, la lenteur avec laquelle cheminent les idées les plus fécondes, quand elles se heurtent à des intérêts contraires. L'expérience l'a maintes fois prouvé : pour faire prévaloir des solutions rationnelles, la seule raison ne suffit pas. Il y faut une grande énergie et un grand dévouement. Celui qui représente les intérêts des autres, celui qui travaille pour eux, doit être dominé par la volonté de servir. Il doit croire au bien-fondé de son action et se donner sans calcul à une grande oeuvre.

Qu'il Nous suffise d'évoquer à nouveau le noble but de votre Fédération : servir ceux qui tirent de la terre leurs moyens de vivre. Défendre les intérêts d'une partie importante de l'humanité, de cette partie de l'humanité qui fournit aux autres le soutien essentiel de la vie, n'est-ce pas une cause digne d'un dévouement désintéressé ? L'Eglise a toujours déploré — en parfait accord d'ailleurs avec votre organisation et avec les hommes de bonne volonté — la situation actuelle anormale : d'une part, la production agricole menace d'être limitée par son manque de rentabilité, tandis que, d'autre part, on constate chez des peuples entiers la sous-alimentation et la disette la plus aiguë. Le remède, il faut le chercher dans la direction d'une stimulation nouvelle et d'une stabilisation rationnelle des relations économiques des peuples, et cela ne vaut pas seulement dans le domaine de l'agriculture. Mais on peut aussi, en restant dans l'esprit de la doctrine sociale de l'Eglise, dénoncer une erreur essentielle du développement économique depuis l'apparition de l'industrialisme moderne : le secteur agricole est devenu, de façon tout à fait anormale, une simple annexe du secteur industriel et surtout du marché. Un certain nombre d'économies nationales n'ont pas réussi à développer harmonieusement les possibilités de production que la nature leur a données. Nous ne pouvions omettre d'attirer votre attention sur cette question qui est une des bases de toutes les relations internationales. Ceci supposé, une fédération internationale comme la vôtre peut normalement exercer une influence de portée mondiale, contribuer à une meilleure organisation des marchés, à une intensification du commerce, à une élévation du niveau de vie de la grande famille des cultivateurs.

Tel est le but que vous vous proposez, Messieurs, tel est aussi le voeu que Nous formons, en vous encourageant à le poursuivre avec constance et fermeté. Et pour attirer sur vous-mêmes, sur vos travaux, vos familles et vos associations, la toute-puissante intervention de Dieu, Nous vous donnons' de grand coeur Notre Bénédiction apostolique.










ALLOCUTION AU PREMIER CONGRÈS LATIN D'OPHTALMOLOGIE

(12 juin 1953) 1




Le Pape adressa aux Congressistes les paroles suivantes :

Répondant au vif désir qui Nous a été exprimé, Nous sommes heureux, Messieurs, d'accueillir les membres du premier Congrès Latin d'Ophtalmologie, qui se tient actuellement à Rome. La naissance de nouveaux Organismes internationaux de recherche scientifique Nous réjouit toujours, car Nous aimons saluer et encourager la collaboration pacifique et bienfaisante de tous ceux qui se dévouent à la science et au service des hommes.

Nous voyons aujourd'hui devant Nous un groupe important d'éminents spécialistes venus non seulement des pays latins d'Europe, mais aussi de plusieurs autres des vastes régions de l'Amérique, qui aiment à s'appeler latines. Cette communauté de culture vous conviait à Rome de préférence, foyer toujours vivant d'une civilisation deux fois millénaire. Nous formons les voeux les plus sincères pour le plein succès de vos travaux, auxquels Nous portons le plus grand intérêt.

Parmi les branches de la science médicale, l'ophtalmologie est une des plus délicates et des plus complexes à cause même de son objet, l'oeil humain. De tout temps le merveilleux fonctionnement de cet organe a excité l'admiration ; mais la science médicale empirique des anciens demeurait généralement impuissante devant les infirmités de l'oeil. C'est pourquoi l'on s'adressait avec plus de confiance aux dieux qu'aux hommes pour obtenir la guérison : dans l'antique temple d'Esculape à Epidaure, les inscriptions concernant les yeux étaient innombrables. D'après les Livres Saints de l'Ancien Testament et du Nouveau, la



guérison des yeux malades passait pour tout à fait extraordinaire. Dans le livre de Tobie, la guérison du vieil aveugle tient une place importante et fait l'objet d'un récit fort pittoresque. De même peut-on lire dans les Evangiles plusieurs détails précis concernant l'attitude de Notre-Seigneur envers les malades privés de la lumière.



Le Pape précise ainsi le rôle médical joué par le Christ.

Les gestes de Notre-Seigneur ne relevaient évidemment pas de la médecine, et s'il jugea bon de déployer une certaine mise en scène, c'était sans doute pour témoigner son affection envers les malades et souligner ainsi son rôle de médecin des âmes. On peut en effet remarquer chez lui l'habitude constante de faire passer des réalités matérielles aux réalités spirituelles, de la lumière du corps à la lumière de l'âme. Cela ne veut pas dire qu'il se désintéressait des maladies du corps ; bien des fois au contraire les Evangélistes ont noté qu'il était ému de compassion devant les souffrances et que ses interventions miraculeuses avaient pour point de départ une misère à soulager.

t Le Pape décrit les troubles de la vue.

Nous faisions allusion, il y a un instant, à la délicatesse et à la complexité de votre science. Si les organes des sens supposent en général un groupement particulièrement dense de tissus spécialisés, de vaisseaux et de nerfs, l'oeil est sans doute le plus riche de tous, et d'autre part sa mobilité dans l'orbite complique extraordinairement ses relations avec le reste de l'organisme. Le nombre de conditions requises simultanément pour le bon exercice de la vue multiplie les risques de perturbation et par conséquent les maux auxquels l'ophtalmologie doit s'efforcer de remédier.

Ce sont, semble-t-il, les défauts d'accommodation, de réfraction, de convergence, qui motivent les recours les plus fréquents à l'oculiste. Grâce à Dieu, les progrès des méthodes d'observation et le perfectionnement des instruments d'optique permettent un examen toujours plus complet et plus exact de la vue et fournissent des remèdes toujours plus adéquats. Mais là ne s'arrête p.as, il s'en faut, la spécialité de l'ophtalmologiste. Même si l'appareil dioptrique de l'oeil fonctionne normalement, l'état des enveloppes externes peut à lui seul causer un mal profond. Ici prennent place toutes les affections de la conjonctive et de la cornée. Si les tissus intérieurs sont atteints, on se trouve devant les diverses formes d'uvéite, généralement graves et difficiles à traiter. L'hypertension oculaire constitue le glaucome aigu ou chronique, qui nécessite souvent l'intervention chirurgicale, les déchirures et les décollements de la rétine demandent presque toujours des opérations, où la dextérité et l'ingéniosité des chirurgiens modernes s'exercent avec succès. De la chirurgie également relève l'extraction fréquemment nécessaire d'un cristallin devenu opaque. Le système lacrymal lui-même, qui pourrait sembler accessoire, est au contraire absolument nécessaire, et son mauvais état demande parfois des interventions délicates.

Devant tant de maux divers, qui risquent d'atteindre l'oeil humain, on ne peut qu'admirer le fonctionnement extraordinaire de cet organe si complexe, de cet instrument d'analyse incomparable, dont l'Auteur de la lumière a doué sa créature.

Plus la science se développe, plus nombreux sont les problèmes qui se posent au spécialiste, et il suffit de parcourir un ouvrage récent d'ophtalmologie pour constater la multitude de questions discutées, d'hypothèses et de solutions provisoires. C'est pourquoi l'on ne saurait trop se féliciter de Congrès comme le vôtre, Messieurs, qui peuvent mettre en commun le résultat de recherches méthodiques encore inédites, et favoriser, par la rencontre de praticiens renommés, l'acquisition de progrès, dont l'humanité entière pourra bénéficier.



Toutefois l'ophtalmologiste doit être aussi expert en médecine générale.

La spécialité qui vous occupe requiert non seulement une connaissance très approfondie de l'organe et des conditions de la vue, mais elle est si vaste et ses connexions avec la médecine générale si nombreuses et si étroites qu'il faut en quelque sorte être médecin deux fois pour devenir un excellent ophtalmologiste.

Dans l'oeil en effet le réseau vasculaire est si riche, les tissus si variés, que les affections des principaux organes s'y répercutent facilement et y suscitent des accidents souvent graves. Les maladies fonctionnelles du foie et du rein, les invasions microbiennes, héréditaires ou acquises, les infections bacillaires,






créent des troubles de la vue, qu'il faut savoir rattacher à leur vraie cause. Les anomalies de la circulation sanguine, les lésions du système nerveux général ou local sont autant de causes possibles d'un désordre ophtalmique. Il semble vraiment qu'on ne puisse fixer de limites aux relations qui existent entre l'oeil et l'ensemble de l'organisme. Et tel est le vaste domaine de vos recherches, le champ de vos activités cliniques, médicales et chirurgicales.



L'oeil exprime encore l'âme.

Tout se reflète dans l'oeil : non seulement le monde visible, mais aussi les passions de l'âme. Un observateur, même superficiel, y découvre l'expression des sentiments les plus variés . colère, peur, haine, affection, joie, confiance, sérénité. Le jeu des divers muscles du visage se trouve en quelque sorte concentré et résumé dans l'oeil comme dans un miroir.



La technique se perfectionne sans cesse.

Mais le regard du spécialiste va plus loin. Il lui suffit parfois de la seule inspection extérieure pour déceler les maux, dont Nous parlions à l'instant : affection du foie, du coeur, des reins, de l'appareil digestif. Il dispose d'ailleurs d'instruments, qui lui permettent d'observer avec une précision extraordinaire l'intérieur même de l'oeil. Depuis la découverte de Helmholtz, géniale dans sa simplicité, des lampes spéciales sont venues éclairer les régions les plus difficilement accessibles à l'examen, et il ne se passe pas d'années que la technique ne fournisse, soit pour l'observation, soit pour la médication, soit pour la chirurgie, des secours nouveaux. Il arrive même que certaines opérations plus spectaculaires défraient la chronique des journaux, par exemple la chérotoplastie avec greffe de la cornée transparente sur des yeux aveugles ou presque.



Il y a de réelles paraboles de l'oeil.

Le langage populaire de tous les pays a créé un grand nombre de métaphores tirées du sens de la vue. Peut-être un oculiste en comprend-il plus aisément la profondeur, et Nous voudrions pour finir vous proposer cette pensée tirée de l'Evangile : « Si ton oeil est sain, tout ton corps sera éclairé ; mais si ton oeil est gâté tout ton corps sera dans les ténèbres » 2. De même qu'on ne peut recevoir correctement la lumière d'ici-bas, quand toutes les conditions posées par le Créateur ne sont pas réalisées, à plus forte raison la lumière d'en haut, qui éclaire tout homme venant en ce monde3, suppose-t-elle, pour être perçue, non pas un oeil sain, mais un coeur pur, une intention droite. Tel est l'oeil dont parle Notre-Seigneur dans la sentence, que nous venons de citer. Elle formule en d'autres termes la sixième des huit béatitudes évangéliques : « Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu » 4. Ils verront Dieu dès ici-bas dans le miroir de leur conscience, si la vue de leur âme n'est troublée par aucun égoïsme, par aucune passion désordonnée. Quel homme pourrait se vanter de n'opposer aucune opacité, aucune résistance à la lumière d'en haut ? Nous avons tous besoin de répéter à Notre-Seigneur, comme l'aveugle qui se tenait au bord de la route : « Seigneur, faites que je voie » 5. Faites que je voie toujours plus clairement votre toute-puissance, votre immense sagesse, votre très sainte volonté. Tel est le souhait que Nous formons pour vous tous, Messieurs, et pour implorer du Maître des lumières son abondante réalisation, Nous vous donnons, à vous-mêmes et à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.



Pie XII poursuit en espagnol

A ce que Nous venons de dire, Messieurs, dans cette langue française que Nous employons généralement aux audiences de caractère international, Nous désirons ajouter quelques brèves paroles en sonore et vigoureux castillan.

Nous y sommes incité, en premier lieu par le fait que vous représentez la partie principale, quant au nombre, dans le monde dit latin, vous les ophtalmologistes de langue espagnole ; mais Nous y sommes également incité par la qualité de votre représentation, car il n'y a personne qui ne sache que l'ophtalmologie compte parmi vous des noms de premier plan, auxquels rend justice l'appréciation universelle.

Si Nous pouvions Nous exprimer ainsi, Nous dirions que vous savez parfaitement « avec quels bons yeux » le Pape considère tout ce grand bloc de nations qui prie en castillan et qui veut sans cesse se distinguer par son adhésion à notre Sainte Mère l'Eglise, par son amour pour le Vicaire du Christ. Dans Notre coeur de Père la juste correspondance à ces sentiments si filiaux et sincères ne fait jamais défaut. Et lorsque, comme en la circonstance présente, elle peut se manifester de manière spéciale en comprenant votre compétence scientifique et professionnelle, vous savez avec combien de plaisir votre Père, le Vicaire du Christ, profite de l'occasion pour le faire.

Que le Seigneur vous bénisse dans vos travaux, dans vos familles, dans vos désirs et dans tout ce que, en ce moment, vous portez dans votre pensée et dans votre coeur.



Et le Pape termine en portugais :

Un mot aussi dans la langue de Camoëns et de Vieira, pour ceux d'entre vous qui la parlent, et qui sont venus soit des terres bénies de Santa-Cruz, soit du « jardin d'Europe planté sur le bord de la mer ».

Vous n'avez pas besoin que Nous vous disions combien Nous est agréable votre présence ici, dans la Maison paternelle, au milieu de cet illustre Congrès, dont la science, selon la phrase de l'Ecriture, rend célèbres ceux qui la possèdent et procure aux hommes la santé pour qu'ils voient et admirent mieux les merveilles du Créateur 8.

Nous élevons vers le Ciel les meilleurs voeux, afin qu'il vous éclaire toujours dans vos recherches et vos travaux scientifiques et pour qu'il bénisse avec vous vos collaborateurs et amis, vos familles, et tous ceux qu'en ce moment vous avez présents à l'esprit.










ALLOCUTION AUX MEMBRES DU QUATRIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE CHIRURGIE

(14 juin 1953)1




L'International Collège of Surgeons ayant tenu un Congrès à Rome, un groupe de participants fut reçu en audience.

En une époque où l'industrie et les arts mécaniques peuvent enregistrer un progrès qui appelle l'attention du monde, il Nous est vraiment agréable de noter que la science de la médecine et en particulier la chirurgie est loin de rester en arrière. C'est à cette science que toute l'humanité est redevable de ce qui est précieux au-delà du confort et de l'avantage matériel, et Nous sommes sûr que le Congrès auquel vous avez participé marquera encore un nouveau pas en avant.

C'est une noble profession que la vôtre ; votre responsabilité envers la société est grave, comme est grave aussi votre responsabilité envers Dieu, le Créateur et Maître suprême de la vie qui est entre vos mains. L'esprit d'un dévouement prompt et altruiste aux intérêts des autres est une caractéristique de votre profession ; il est important que vous et les autres vous ne perdiez jamais de vue le fait que les intérêts éternels passent avant ceux de ce temps éphémère et que les principes fondamentaux de la morale et de la religion doivent sans cesse guider et régler l'exercice de la médecine.

Nous sommes heureux de vous féliciter et de vous offrir Nos voeux cordiaux pour votre succès. Nous élèverons une fervente prière pour que Dieu, le Médecin divin, vous récompense de votre charité et que Sa loi éclaire le chemin sur lequel vous avancez.








• Eccli. xxxvm.




Pie XII 1953 - ALLOCUTION AUX PAROISSIENS DE SAINT-MICHEL A PIETRALATA