Pie XII 1954 - DISCOURS AUX JURISTES CATHOLIQUES ITALIENS


PRIÈRE DU PAPE MALADE

(8 décembre 1954) [10]


L'Année Mariale se clôturant ce jour, Pie XII, terrassé par la maladie, se joignit aux cérémonies qui avaient lieu en la Basilique de Sainte-Marie Majeure, en envoyant le message que voici :

Voyant par la pensée le monde catholique tout entier, prosterné aujourd'hui comme une seule famille aux pieds de la Vierge Immaculée, Nous sommes reconnaissant au Seigneur d'avoir voulu, comme preuve d'amour, Notre douleur et Notre sacrifice pour couronner ces innombrables prières et ces oeuvres montées jusqu'à Lui en cette Année de grâces.

Et Nous sommes heureux, souffrant dans Nos membres, et le sacrifice au fond du coeur, de clôturer l'Année Mariale, en répétant avec tous Nos fils disséminés sur la terre :

Ave Maria, gratia plena : Dominus tecum : benedicta tu in mulieribus et benedictus fructus ventris tui, Jésus.

Sancta Maria, Mater Dei, ora pro nobis peccatoribus nunc et in hora mortis nostrse. Amen.

D'après le texte italien des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 721.





MESSAGE LORS DE L'INAUGURATION A ROME DE LA DOMUS MARI/E

(8 décembre 1954) [11]


Le Pape avait eu l'intention d'envoyer un radiomessage lors de l'inauguration de la maison de la Jeunesse Féminine Italienne de l'Action Catholique ; la maladie l'en empêcha, aussi le texte suivant fut distribué :

Que Notre paternel salut vous parvienne, chères filles, en ce jour de fête qui voit le meilleur succès couronner vos efforts inlassables et votre concorde tenace. La « Domus Mariae », avec son église, son parc, ses salles et ses terrains de jeu, doit aussi sa naissance et son développement à la touchante émulation de vos sections, qui ont réuni, lire après lire, les sommes d'argent, des fragments d'or et d'argent, des objets chers et même des touffes de laine, offerts par les grandes et par les petites à la Maison de la Sainte Vierge. Et tandis que s'achève cette Année Mariale de bénédictions et de grâces, tandis que de toute la terre s'élèvent des chants de gloire et de joie à la Reine de l'Univers, il Nous semble pour ainsi dire voir Marie qui pose un regard particulièrement affectueux sur vous qui avez voulu tant faire en son honneur.

Dieu sait combien Nous aurions désiré être aujourd'hui parmi vous pour Nous rendre compte personnellement de l'efficience de ce si précieux instrument de travail, répondant si bien à l'expansion et aux exigences accrues des mouvements de jeunesse. Malheureusement, le Pape lui-même ne peut suivre toutes les impulsions de son coeur, et alors Nous avons voulu que ne vous manquent pas, au moins, le souhait et l'encouragement de Notre parole.

En premier lieu, Nous voulons dire à toutes que le Pape est content de vous. Nous pensons en ce moment avec tendresse aux plus petites, aux préférées de Jésus, boutons de fleurs qui ne sont pas encore ouverts, pour lesquels l'Eglise tremble avec une anxiété maternelle. Nous pensons aux aspirantes, aux toutes jeunes, fleurs ouvertes à la lumière et au soleil ; aux « adhérentes effectives », fortes d'une jeunesse lumineuse. Quand Nous tournons Notre pensée vers la jeunesse féminine de l'Action Catholique, il Nous semble découvrir comme une immense étendue de prairies en fleurs. Et alors jaillit un sentiment spontané de gratitude envers le Seigneur qui orne son Eglise avec tant de magnificence et lui donne l'enchantement d'un parfum ineffable ; mais Nous sommes également reconnaissant envers vous, chères filles, car Nous n'ignorons pas toute la générosité et toute la constance dont vous devez vous munir et le martyre silencieux que vous avez souvent à souffrir pour conserver votre fraîcheur, votre candeur, au milieu de tant de flatteries, de tant d'embûches, de tant de périls.

Car, dans le monde, tout n'est pas un jardin et tout n'est pas un parfum de fleurs. Si on le considère attentivement, on voit même dans de vastes contrées comme un déchaînement de tempêtes et l'on demeure pour ainsi dire atterré devant les dévastations causées par le débordement de véritables fleuves de boue. Vous le savez bien vous-mêmes, chères filles, obligées comme vous l'êtes de parcourir les rues, de travailler dans des usines, de fréquenter des écoles, de vous approcher de kiosques à journaux, de chercher des distractions avec la crainte d'être assaillies par quelque démon déchaîné qui n'épargne aucun coup et qui ne recule pas devant les moyens d'attaque les plus louches

Il y a donc là pour vous une admirable mission de sérénité et de purification. Soyez comme une phalange d'anges : des âmes de plein vent, capables de donner au monde le spectacle d'une jeunesse franche, mais sans tache. Vous montrerez ainsi que le problème de la pureté n'est pas impossible ni même difficile à résoudre lorsqu'il est posé et orienté à la lumière des principes chrétiens. Ce spectacle deviendra plus beau, le témoignage sera plus efficace, si vous construisez sur ce fondement inébranlable l'édifice de votre vie spirituelle en tendant vers les plus hautes cimes de la perfection chrétienne. Vous arriverez à cela si, dociles aux moindres signes de Dieu, vous vous confiez entièrement à Jésus, en lui donnant le pouvoir absolu sur vos esprits, vos coeurs, vos sentiments. Et vous n'aurez pas pour cela à renoncer à la vie ou à la saine joie de vivre. Dans votre Domus, à côté d'une splendide église, n'y a-t-il donc pas également une salle de projections cinématographiques, n'y a-t-il pas des cours, n'y aura-t-il pas bientôt des terrains de sport et un théâtre moderne en plein air ? Avec cette candeur, avec cette ferveur de vie divine et humaine, vous passerez parmi les hommes en portant avec vous un sourire et une joie que le monde ne connaît plus et qui, en revanche, illumine l'âme de chacune de vous.

Mais avec quel coeur voudrions-Nous vous dire, chères filles, une autre parole, écho de celle que Nous adressions, il y a un an aujourd'hui à toute l'Action Catholique. Vous savez Notre sollicitude pour le monde, dans lequel la divine Providence Nous a placé comme chef visible de l'Eglise. Vous connaissez aussi combien Nous sommes convaincu que les temps où nous vivons sont parmi les plus cruciaux de l'histoire. Nous avons tant de fois averti que le déclin des structures sociales actuelles rend aujourd'hui particulièrement urgente une vaste et assidue prédication de l'Evangile de Jésus-Christ, anxieusement désirée par de nombreuses âmes. Aussi conscient de cette nécessité et de cette possibilité, avons-Nous assumé la charge d'appeler toute l'Eglise à une grande oeuvre en lançant ce « cri de réveil », auquel font désormais écho des pasteurs et fidèles dans tant de régions de l'Italie et du monde. Nous avons la ferme confiance que, dans un délai peut-être moindre qu'il ne serait humainement prévisible, le mal pourra être arrêté dans sa marche et que le bien aura ses victoires pacifiques et constructives. Rien ne se ferait sans une aide toute spéciale de Dieu, et celle-ci certainement ne fera pas défaut. Mais il faut aussi des âmes généreuses, car Dieu veut, dans ses oeuvres, la coopération des hommes. C'est pour cela que Nous Nous adressons de nouveau à toutes les jeunes catholiques italiennes et que Nous leur disons : prenez vos rangs, c'est-à-dire disposez-vous selon les nécessités et les capacités de chacune. Et puis agissez. Agissez hardiment, unanimement, docilement.

Agissez hardiment.

Même si vous étiez peu nombreuses, si vous n'étiez que le petit troupeau se resserrant autour de Jésus, vous ne devriez pas avoir de crainte — selon sa parole — Nolite timere pusillus grex ' :



Luc, 12, 32.



« Ne crains pas, petit troupeau. » Mais vous êtes nombreuses. Evaluez vos forces et puis dressez-vous et faites sentir votre présence en Italie, en exigeant que l'on écoute votre voix. Essayez de demander, par exemple, au nom du respect que l'on doit aux bonnes moeurs, qu'il soit permis à de jeunes chrétiennes d'observer la loi divine sans être contraintes à l'héroïsme de chaque jour, de chaque instant. Pourquoi le monde doit-il appartenir à l'ennemi de Dieu, aux ennemis de Dieu ? Notre « cri de réveil » fut également un cri d'appel à la rescousse. Un cri d'appel — et vous l'entendrez de plus en plus fort — passe sur la terre ; c'est la voix de tous les hommes de bonne volonté. Accueillez-le, faites-le vôtre, répétez-le avec force : « Nous voulons que Jésus règne dans le monde ; nous voulons qu'à son nom s'agenouille toute créature céleste et terrestre ; nous voulons que s'incline et s'agenouille même l'enfer. » Que craignez-vous, chères filles ? Un million de jeunes filles chrétiennes ont nécessairement un élan auquel il n'est guère facile de résister. Même une fragile jeune fille peut devenir une Jeanne d'Arc, lorsque Dieu lui donne la force de son bras.

b) Agissez unanimement.

N'importe quel courage est inutile et peut même être nuisible, si le ver des discordes intestines venait apporter le trouble parmi vous. Devant un ennemi qui serre chaque jour davantage ses rangs, devant l'entreprise qui vous attend, ceux qui — à Dieu ne plaise — sèmeraient l'ivraie de la désunion parmi vous, parmi les forces catholiques, seraient coupables de trahison. Où existe la désunion, c'est la désolation et la défaite. Aujourd'hui trois millions d'inscrits renouvellent leur carte d'adhésion à l'Action Catholique. Qu'adviendrait-il si l'union entre tous les membres de ce formidable organisme était intacte et intangible ? Si elle devenait la loi suprême et inéluctable à n'importe quel prix ? Qui pourrait dans ce cas s'opposer efficacement à cette « phalange du Christ Rédempteur » ? Qui pourrait en retarder la marche ? Qui pourrait rompre cette barrière défensive de l'Eglise ? Qui pourrait en comprimer la fougue bienfaisante ?

c) Agissez docilement.

En vérité, il a toujours suffi d'un signe de Nous, de Notre voix, pour faire vibrer et allumer le zèle de Nos si chères jeunes

filles de l'Action Catholique. Nous tenons à vous en donner acte avec une paternelle satisfaction et à vous exhorter à conserver et accroître, si possible, cet esprit de docile obéissance aux Pasteurs de l'Eglise. Ils savent bien ce qu'ils peuvent vous demander et ils connaissent les terrains sur lesquels ils ne veulent pas s'introduire. Mais quand une « directive » survient, quand une résolution est prise, la Jeunesse Féminine obéit sans discuter : généreusement, avec empressement, parce qu'il n'y a pas un jour, il n'y a pas une minute à perdre en cette heure qui est celle de l'action, d'une action des plus urgentes.

Voilà, chères filles, tout ce que Nous voulions vous dire, tandis qu'a lieu l'inauguration de la « Domus Mariae », tandis que toute la Jeunesse Féminine de l'Action Catholique entre comme dans un Cénacle mystique, où — cum Maria matre Jesu3 ; « avec Marie mère de Jésus » — elle se recueille en prière. Et Nous aussi Nous prions afin que le souffle divin de la grâce, comme le « vent impétueux » de la Pentecôte, remplisse non seulement votre « Domus », votre maison, mais toute l'Eglise. Nous prions Jésus pour qu'il hâte le jour — qui doit venir — où une nouvelle effusion mystérieuse du Saint-Esprit enveloppera tous les soldats du Christ et les enverra tous apporter le salut parmi les misères de la terre. Et ce seront des jours meilleurs pour l'Eglise ; ce seront — à travers l'Eglise — des jours meilleurs pour le monde entier.

Act., ï. 14.




RADIOMESSAGE AU CONGRÈS MARIAL DE COLOMBIE

(8 décembre 1954) 1


A Bogota, les catholiques de Colombie clôturèrent l'Année Mariais par un Congrès ; et Pie XII tint à s'y associer :

Vénérables Frères et Fils de la catholique Colombie, qui clôturez dans la capitale de votre nation le IIIe Congrès mariai national.

Le 8 décembre 1953, Nous Nous adressions solennellement à tout le monde catholique, en l'invitant ad Marianum Annum celebrandum, à célébrer l'Année Mariale2, pour commémorer dignement le centenaire de la définition dogmatique de l'Immaculée Conception de Notre-Dame Marie toujours Vierge. Les espérances qui s'accumulaient alors dans Notre coeur paternel, étaient si grandes que Nous aurions difficilement pu penser que Nous les verrions dépassées et accrues.

Aujourd'hui, en la date même où se clôture cette Année, rendant humblement grâces au Dispensateur de tout bien, Nous constatons que îles et continents, peuples et nations, régions et villes, sociétés et individus, autorités et fidèles de tout âge, de toute classe et de toute condition — et en premier lieu comment pourrait donc ne pas se trouver votre chère cité — ont voulu, semble-t-il rivaliser pour honorer et acclamer leur Mère du ciel, lui chanter et lui témoigner de mille manières leur dévotion. C'est comme si ce rayon de soleil qui se posa sur le visage de Notre angélique Prédécesseur Pie IX en un moment inoubliable, s'était ensuite réfracté en mille reflets, illuminant toute l'Eglise, tout le monde et Nous promettant que les buts que Nous proposions en proclamant cette Année Mariale — retour à Jésus par l'imitation des vertus de Marie ; rénovation des moeurs ; paix et justice pour le monde ; lumière pour les égarés ; liberté pour l'Eglise — se devineraient déjà dans la splendide floraison de ce riant printemps des âmes. Grâces en soient rendues pour tout cela à Celui qui Nous console dans Nos tribulations 3, en considérant plus sa bonté que Notre faiblesse et Notre indignité !

Dans un choeur universel si harmonieux, il est évident que la voix de la Colombie bien-aimée ne pouvait manquer ; et Nous saisissons avec plaisir cette occasion pour vous exprimer la consolation intime que Nous avons eue en sachant que dans les circonscriptions ecclésiastiques colombiennes ont eu lieu des manifestations mariales appropriées, préparées par de fécondes Missions populaires, avec un visible renouvellement de vie chrétienne.

Mais tout cela ne suffisait pas pour satisfaire votre piété. La Colombie aux innombrables sanctuaires mariais — la Vierge de la Peña, de la Popa, de la Candelería ; Notre-Dame de l'Estrella, de las Lajas, pour ne citer que les premiers qui Nous viennent à la mémoire — la Colombie venue à la vie précisément « sous les auspices de Notre-Dame dans le mystère de son Immaculée Conception », désirait quelque chose de plus. Et c'est alors que surgit l'idée de ce troisième Congrès Mariai National, mariai par l'inauguration du monument national à Notre-Dame de Fatima, mariai par les honneurs décernés à votre gracieuse « Borddita », mais surtout mariai pour avoir eu comme objet central votre Patronne bien-aimée, l'objet de prédilection de tout coeur colombien, Notre-Dame de Chiquinquira.

La voilà, très chers fils, dans cette précieuse chapelle, où depuis quatre jours convergent tous les coeurs ! La voilà dominant ce grandiose stade, au centre de la nation ! La voilà, et si les larmes ne voilent pas vos yeux, regardez-la encore, comme Nous la contemplons Nous-même en esprit !

Ce ne fut pas la piété simple d'Antoine de Santana, ni le pinceau rudimentaire et ingénu d'Alonso de Narvaez, qui vous la donnèrent au XVIe siècle ; ce ne furent pas non plus les pieuses aspirations de Maria Ramos qui, six lustres plus tard, la renouvelèrent merveilleusement ; ce fut un don du ciel à une génération de prédilection, pour que ne lui fît pas défaut une des choses les plus douces en ce monde : l'amour d'une Mère



2 Cor., 1, 4.



Regardez-la ; regardez-la : cette tunique rose, c'est l'ardeur de sa charité ; ce manteau bleu, c'est sa pureté immaculée ; ce sceptre qu'Elle a à la main, c'est le symbole de sa Maternité Royale ; cet Enfant divin qu'Elle berce, c'est notre Jésus bien-aimé, dans les petites mains duquel cet oiseau pourrait bien être un symbole de vos âmes. Elle porte sur ses tempes la couronne que lui donnèrent vos ancêtres ; et dans son sourire si doux, il y a une évocation de tous les dons, de toutes les grâces qu'elle a accordés à votre peuple dans les moments difficiles, dans les calamités publiques, jusqu'à se dépouiller de ses joyaux quand la patrie en avait besoin.

La Colombie, comme on l'a si bien écrit, reconnaît en l'Eglise une Mère : c'est elle qui lui donna les fils sortis des forêts, créa ses centres de culture, fonda ses villes, forma sa civilisation, la nourrit de son sein et, dans son coeur fécond, fit germer tout ce qui constitue la noblesse et la dignité de son être même. La Colombie aux hautes montagnes, aux immenses savanes, aux vallées riantes et aux plages dorées ; la Colombie aux superbes cordillères, avec leurs cimes vaporeuses, et aux fleuves opulents comme des mers ; le pays du légendaire « Eldorado », de l'antique culture, des grands humanistes et poètes, est maintenant à genoux devant le trône de sa Mère et Souveraine pour promettre et pour implorer.

Et que doit-elle promettre ?

Que, comme en ce moment, dans ce beau stade d'« El Cam-pin » où vous êtes tous réunis, vous vous sentez tous frères, vous le soyez de même vraiment toujours, en vivant les bienfaits de cette paix que Nous vous proposions Nous-même, il n'y a pas si longtemps [12] comme condition indispensable pour pouvoir jouir des avantages les plus élémentaires de la vie sociale.

Cette piété chrétienne que vous manifestez maintenant avec tant de dévotion, sachez pareillement la vivre ensuite dans toutes les occasions de votre vie, depuis l'intimité du sanctuaire familial jusqu'aux manifestations les plus extérieures de votre activité de citoyen. Promettez aussi de garder toujours, comme en ce moment, les yeux fixés sur la Reine du ciel et de la terre, qui vous présente dans ses bras son Jésus bien-aimé, et de même ne les écartez jamais d'Elle, sûrs de toujours trouver, sur une route si accueillante, Celui qui est la vérité et qui est la vie.

Et pour l'obtenir, demandez-le sans peur et sans crainte, car vous êtes devant une Mère qui ne refuse rien à personne. Demandez l'innocence pour la jeunesse, la fermeté pour les jeunes hommes, la sereine maturité pour l'âge d'expérience ; demandez la lumière pour ne pas vous égarer dans les ténèbres des temps présents, la force pour que votre foi ne vacille pas sous les attaques répétées de l'ennemi infernal ; en un mot, demandez le prompt avènement de ce Règne, qui est le Règne de vérité et de vie, de sainteté et de grâce, de justice, d'amour et de paix 5.

Pour la troisième fois, l'honneur de donner l'hospitalité à une Assemblée si imposante est revenu à la très noble Bogota, qui, installée à l'extrémité orientale de cette vaste région, couronnée de montagnes, peut être déjà dite mariale à voir comment elle s'abrite à l'ombre de ces deux cols, celui de Guadalupe et celui de Monserrat ; la Bogota de la Vierge du Rosaire, de Notre-Dame « del Topo et de las Aguas » ; la Bogota de cette Vierge de la Pena, « la meilleure Mère — qu'ont eue les mortels ».

Oh ! oui, Mère bien-aimée, vous êtes la meilleure de toutes les mères ; aussi nous vous aimons d'un amour avec lequel nous n'avons jamais aimé ni n'aimerons jamais aucune pure créature. Acceptez, Nous vous en supplions, l'hommage que toute l'Eglise vous a présenté avec une dévotion filiale durant toute cette Année Mariale ; acceptez la nouvelle couronne, que Nous avons posée Nous-même sur votre front ; et accueillez en ce moment si solennel tout ce peuple qui, le jour même de l'anniversaire de la proclamation de votre Immaculée Conception, a voulu vous répéter qu'il est tout entier à vous. Et faites, ô Reine du ciel et de la terre, que par l'intermédiaire de Notre Bénédiction descendent sur eux les meilleures grâces, celles dont ils ont le plus besoin, celles que vous conservez préparées spécialement pour eux.

Une Bénédiction que Nous désirons tout d'abord pour le très digne Cardinal Légat, avec tout l'Episcopat de la nation et tout le clergé, tous les religieux et toutes les religieuses qui sont présents ; une Bénédiction qui doit parvenir aussi aux Autorités, dont la présence et l'action ont tant contribué à la splendeur du Congrès, ainsi qu'à tout le peuple des fidèles, à toute la nation colombienne bien-aimée, et à tous ceux qui écoutent Notre voix, inspirée du plus sincère amour paternele.



5 Praef. in fest. Christi Reg.

« On lira la Lettre à S. Em. le Cardinal Luque, archevêque de Bogota, l'instituant Légat au Congrès Mariai de Bogota dans les A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 705.




RADIOMESSAGE AU CONGRÈS MARIAL DE BOMBAY

(8 décembre 1954) [13]


Aux Indes, on a clôturé l'Année Mariale par un Congrès auquel le Pape s'associa en prononçant les paroles suivantes :

Vénérables Frères et chers Fils de votre Mère l'Inde et de notre Mère l'Eglise.

Elle serait vraiment insensible l'âme qui ne se laisserait pas toucher profondément par cet acte national d'hommage mariai que vous concluez aujourd'hui avec tant de ferveur à Bombay la belle Porte de votre aimable pays.

1954, p. 706.




Seuls ceux qui veulent ignorer ou qui interprètent mal l'histoire significative de votre fermeté dans la Foi — à vous transmise dès les temps apostoliques, alors que les grains de sénevé venaient à peine d'être semés par notre Divin Seigneur, puis ravivée avec une vigueur et une fécondité nouvelles par l'apostolat d'un Xavier, d'un de Nobili et de nombreux autres missionnaires, venus de la Rome éternelle vous apporter son divin message de fraternité et de pardon — seuls les inattentifs demeureront surpris en voyant l'ardeur avec laquelle l'Inde catholique entend ajouter avec celle de vos frères dans le Christ au Pakistan, à Ceylan et en Birmanie, son affectueuse et puissante note collective au grand choeur de louange et d'imploration qui s'élève du coeur de l'Eglise universelle, en cette inoubliable Année Mariale, vers le Coeur de Notre-Dame Immaculée. Et c'est pour Nous une source de joie intime de pouvoir être présent parmi vous en la personne de Notre Légat, le vénéré cardinal de l'Inde [14].

Ces journées communes de prières, de conférences et de projets, dans l'intérêt et en l'honneur de la Sainte Vierge, rendues possibles par les offrandes des fidèles de toute Nation et encouragées par la réception officielle que vos autorités ont faite à Notre Légat, ne sont pas en réalité un nouvel aspect dans votre vie spirituelle. Elles scellent solennellement le nom et la mission de Marie sur le coeur d'une nation qui n'a jamais cessé de l'aimer tendrement et d'imiter ses vertus en témoignage de son amour [15]. Des milliers de pèlerins, jeunes et vieux, se recueillent pieusement chaque année autour de ses sanctuaires de Bandel, Kottar, Velangany, ici même en l'admirable Bombay, et en tant d'autres lieux. La récitation du chapelet en famille, chaque soir, unit la prière de vos cités mouvementées et des petits villages à celle de l'Eglise priant dans tous les continents. Vos florissantes confréries, vos séminaires, les écoles et les instituts sociaux invoquent le patronage et l'aide de Marie. Tout cela constitue une preuve permanente, pour un monde éprouvé et tourmenté, de votre confiance en la Reine et en la Mère que vous avez voulu, incités par l'heureuse coïncidence de l'anniversaire de votre indépendance avec la fête de sa glorieuse Assomption, proclamer « Notre-Dame de l'Inde ».

Mais ne permettez pas que ceux qui sont hors de la Communauté de Foi se trompent un seul moment sur la signification, l'origine et le but de votre dévotion séculaire envers Marie. Toute fleur que vos enfants déposent à ses pieds, tout chant que vous élevez vers sa beauté incomparable, tout recours à sa puissance et à sa miséricorde, doivent être interprétés dans leur réalité, du début à la fin : l'expression et le reflet de votre consécration personnelle au Christ vivant ; à l'Enfant Divin qu'elle fut digne de porter à Bethléem *, sans aucun mérite de sa part ; au Maître Divin qui daigna être instruit dans la sagesse humaine à sa sainte maison de Nazareth5 ; à la Divine Victime et au Vainqueur du péché et de la mort, dont elle vit s'accomplir le sacrifice rédempteur sur le Calvaire 6. C'est donc à Jésus que conduit, par l'intermédiaire de Marie, le sentier spirituel de cette authentique dévotion mariale dont vous témoignez encore une

3 Cant., 8, 6.

4 Luc, 2, 7.

5 Luc, 2, 51-52. « Jean, 19, 25.

fois aujourd'hui, publiquement et avec fierté, à la clôture d'un centenaire historique. Si vous avez confié à sa sollicitude et à sa vigilance maternelle vos problèmes familiaux et sociaux les plus délicats et les plus urgents — comme l'atteste la fervente résolution de vos congrès mariais successifs —, il Lui appartient non pas de vous donner, mais seulement de vous obtenir du Coeur Sacré de son Fils et Sauveur la lumière et la force que vous demandez. Elle est le canal de cristal très pur, et non la Source, de cette grâce divine surabondante que vous implorez par l'intermédiaire de son Coeur Immaculé pour votre foyer, pour l'Eglise et pour le pays.

Continuez surtout, chers fils, à rendre évident par vos actions, spécialement par votre programme unanime de réforme morale et de justice sociale, que la dévotion des hommes et des nations à Notre-Dame ne doit jamais se restreindre à un pieux sentiment, si noble que soit son inspiration, si élevé que soit son objet. Elle est la première à insister sur cette action qui donnera confirmation à vos témoignages d'amour, pour compléter le secours demandé par votre prière chrétienne. Sa réponse constante à toute supplication résonne doucement mais nettement au cours des âges et à travers les sept mers depuis la fête de Cana : « Faites tout ce qu'il vous dira » 7.

Et comment vos pacifiques légions d'Action Catholique pourraient-elles trouver ailleurs, mieux que dans sa vie entièrement consacrée, le modèle et l'exemple de leur stratégie et tactique spirituelles ? Que dans leur oubli total de soi, dans leur mise en commun de la prière, des joies et des souffrances du Christ en Ses membres, chez vous et à l'extérieur, que dans leur collaboration loyale et effective avec la hiérarchie apostolique qui leur parle et fait des plans pour eux en Son Saint Nom, les hommes de cette génération reconnaissent aussi l'empreinte de Marie dans leur apostolat.

En cette heure de travail spécial et de splendide opportunité pour les hommes et les peuples de bonne volonté, Nous sommes réconforté et rassuré de savoir que les coeurs des fidèles de Notre Inde dévouée et des Etats voisins ne font qu'un et ne sont inférieurs à personne dans leur fidélité résolue au Christ. En invoquant l'intercession de Sa Mère bénie, la gracieuse Reine des Cieux, en même temps que Nous implorons une abondante moisson de faveurs célestes résultant des travaux de votre Congrès, dans l'amour du Christ et de l'Eglise Son Epouse, Nous donnons avec une profonde affection paternelle à Notre cher Légat, à vous, Vénérables Frères et à tous ceux qui sont ici présents, en personne, par délégation ou de coeur, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A L'OCCASION DU SACRE EPISCOPAL DE SON EXC. MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI

(12 décembre 1954)1 s'apprêtent à accueillir et à suivre dans l'obéissance le Pasteur de leurs âmes.


Dans de telles dispositions d'esprit, Nous sentons bien leur gratitude émue pour le don qu'en la personne du nouvel Archevêque Nous avons fait à l'Eglise de Milan. Et au Pasteur, comme à son fidèle troupeau, Nous accordons de grand coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.



Monseigneur Montini, pro-secrétaire d'Etat, a été nommé archevêque de Milan et il a reçu, en la basilique Saint-Pierre, la consécration épiscopale.

Nous étions présent en esprit, dans la Basilique patriarcale vaticane, au rite de cette consécration épiscopale que Notre affection pour le consacré Nous réservait à Nous-même, mais que les adorables dispositions de la Providence ne Nous ont pas permis d'accomplir.

C'est toutefois une consolation pour le Père qui n'a pu imposer les mains en invoquant le Saint-Esprit, de les élever en ce moment pour une Bénédiction à son fidèle collaborateur, devenu aujourd'hui son Frère dans l'ordre épiscopal. Cette Bénédiction, de même qu'elle est toute remplie des souvenirs d'un long service où alternèrent joies et douleurs, de même apporte-t-elle une lumière de foi et d'espérance pour l'avenir du nouveau Pasteur appelé à régir, sur la chaire de Saint-Ambroise, une si large portion du cher peuple lombard.

A ce peuple, que Nous savons présent à la solennelle cérémonie en la personne de ses premiers Magistrats, des Autorités ecclésiastiques, des représentants du Clergé séculier, des Ordres et des Congrégations Religieuses, de l'Action Catholique et de toutes les classes sociales, Nous voulons exprimer Notre satisfaction pour l'unanime sentiment affectueux, avec lequel tous


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS EUCHARISTIQUE ET MARIAL DU PÉROU

(12 décembre 1954) 1


Ce Congrès ayant lieu à Lima, le Saint-Père y envoya par radio le message que voici :

Parmi les nombreuses faveurs imméritées qui Nous ont été généreusement accordées par la Divine Providence, Nous ne considérons pas comme la moindre celle d'avoir pu offrir au monde catholique cette Année Mariale Universelle qui vient de prendre fin et qui Nous a donné, ainsi qu'au monde entier, une telle occasion de manifester à la Reine des deux et de la terre Notre piété filiale et la profonde dévotion que Nous éprouvons pour Elle. On dirait que l'Eglise, saisie d'un irrésistible élan d'amour, a vécu une année entière de joie spirituelle et de ferveur céleste, qui restera comme une des dates les plus marquantes des fastes mariais.

Et voici que, précisément, alors que s'éteignent les derniers accords d'un concert si vaste et si grandiose, Nous arrivent du lointain et cher Pérou les échos de votre voix, Vénérables Frères et fils bien-aimés qui célébrez votre Ve Congrès Eucharistique national, un congrès que vous avez voulu, par une décision aussi heureuse qu'opportune, à la fois Eucharistique et Mariai.

On sait le rôle de première importance que la dévotion pour la Vierge Marie Notre-Dame a eu et continue à avoir dans l'évangélisation du Nouveau Continent et dans la conservation de sa foi. L'Amérique des conquistadores — Jérôme de Aguilar,

» D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 71a.

Hernán Cortés, Pedro de Alvarado, Alonso de Hojeda — qui sous une cuirasse d'acier savaient conserver un coeur des plus tendres pour leur Mère ; l'Amérique aux cent cités portant son nom si doux, celle des dizaines de cathédrales placées sous son patronage ; celle de la Vierge de Tepeyac, dont vous célébrez précisément la fête ; celle des grands chefs, pères de la patrie, qui accouraient également vers Elle — un Belgrano, un San-Martin, un Hidalgo ou un Artigas — avant de commencer leurs généreuses entreprises.

Mais, pour une bonne partie du continent américain, votre pays, très chers fils, eut toujours une mission particulière, la mission du Pérou : foyer de civilisation et de foi, authentique centre de gravité spirituelle, avec ses fameux Conciles de Lima, charte fondamentale des Eglises d'Amérique, et avec sa brillante constellation de Saints.

De la sorte, il est facile de comprendre que pour être fidèle à une mission si honorable, le Pérou devait être une nation eucharistique. De multiples témoignages Nous disent qu'il l'est vraiment : ses très antiques confréries du Saint-Sacrement, dont certaines sont liées au nom même de Pizarre ; ses somptueuses processions de la Fête-Dieu, qui rivalisent même avec celles de Tolède ; l'invocation « Loué soit le Saint-Sacrement » que l'on voit gravée sur les façades de ses maisons ; la dévotion des Quarante-Heures, qui y fut introduite dès 1816 ; enfin la piété avec laquelle les bons péruviens se découvrent dans la rue et récitent le « Credo », en entendant la cloche de leur église annoncer l'élévation du Saint-Sacrement.

Toutefois le Pérou devait, de la même manière, être une nation mariale. Nous savons également qu'il en est ainsi : l'intervention de la Souveraine céleste dans son histoire, comme vous le rappelle la Vierge de la Porte et, encore plus, Notre-Dame de Suntur Hussi ; la part qu'elle eut dans sa christiani-sation, comme dans le cas du fameux sanctuaire des rives du Lac Titicaca. La dévotion de vos saints pour leur si douce Mère est aussi une preuve de ce caractère mariai : saint Toribio de Mongrevejo, le grand dévot de Notre-Dame de Copacabana ; saint François Solano, le fervent de Notre-Dame des Anges ; sainte Rose de Lima et le bienheureux Martin de Porres, modelés dans l'amour de Notre-Dame du Rosaire ; le bienheureux Jean Massias, qui aimait tant Notre-Dame de Belén ; de même la série interminable et si brillante de sanctuaires mariais qui, des bassesterres d'Arequipa, avec votre Candelaria de Caima ; du Callao, avec sa Vierge du Carmen — et de Lima elle-même, avec ses fameuses églises du Rosaire et de la Merci — s'élève jusqu'aux hautes terres de Cuzco, avec sa Vierge de la Saledad, ou de Copacabana, qui mérita d'être chantée par la lyre de l'insigne poète Calderôn de la Barca.

C'est donc à juste titre, congressistes de Lima, que vous avez voulu, en cette solennelle assemblée que Nous clôturons par Nos paroles, unir ces deux choses : la dévotion eucharistique et la dévotion mariale ; et c'est là une heureuse idée si pleine de piété sincère et de bon sens chrétien que Nous ne pouvons manquer de l'approuver et de la louer.

Aussi, aujourd'hui, après les triomphes dont furent témoins la blanche Arequipa, le noble Trujillo et le Cuzco impérial, vous êtes revenus à la « très noble, très grande et très loyale » cité de Lima, paisiblement étagée face au Pacifique et magnifiquement construite sur les deux rives de l'opulent Rimac, rêvant à la gloire dans le majestueux amphithéâtre des Andes. Lima vous a ouvert ses rues et ses places afin que vous acclamiez le Saint-Sacrement Souverain et sa Mère toute pure, en lui demandant de vous envoyer de nombreux et bons prêtres ; en lui promettant d'intensifier la vie chrétienne de vos familles ; et en l'assurant que vous ferez tout votre possible pour que règne parmi vous le véritable esprit de charité chrétienne et de justice sociale.

Accueillez, Reine des deux et de la terre, accueillez les prières et les promesses de vos fils qui, guidés par votre main maternelle, veulent arriver jusqu'à ce trône de gloire, où Jésus les attend pour écouter les premières et se réjouir des secondes. Ils implorent votre aide en cette heure obscure de la vie du monde, car ils veulent demeurer fidèles à la sainte foi que professèrent leurs pères et ils désirent vous contenter, ô Mère si bonne, et être des serviteurs, fidèles et zélés de votre très doux Fils. On dirait qu'ils sentent, au milieu des agitations d'une époque critique, la terre craquer sous leurs pieds et qu'ils éprouvent plus que jamais le besoin d'une puissante protection ; prenez-les sous votre patronage et leur confiance ne sera jamais démentie.

En gage de ces grâces et en témoignage de Notre bienveillance particulière, Nous voulons vous donner de tout coeur la Bénédiction apostolique : à Notre très cher et très digne Cardinal Légat, à tous les prélats et aux autorités présentes, aux prêtres, religieux et religieuses, à tous ceux qui ont prêté leur concours à la meilleure réussite de ces célébrations, à tous ceux qui sont réunis pour la clôture d'une si solennelle assemblée, à toute la Nation péruvienne qui Nous est si chère, et à tous ceux qui peuvent entendre Notre voix qui veut être la voix d'un Père désirant toujours la plus grande félicité de ses fils [16].


Pie XII 1954 - DISCOURS AUX JURISTES CATHOLIQUES ITALIENS