Pie XII 1953 - LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU CONGRÈS DE L'APOSTOLAT DES LAÏCS EN AFRIQUE


LETTRE A M. PAUL MAGLOIRE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE D'HAÏTI

(16 novembre 1953) 1






A l'occasion du cent cinquantième anniversaire de la République d'Haïti2, le Souverain Pontife a envoyé au Président de la République, la lettre que voici :

A l'heure où la noble nation haïtienne s'apprête à fêter le cent cinquantième anniversaire de la proclamation de son indépendance, Nous tenons à lui donner un nouveau témoignage de Nos sentiments paternels.

La bienveillance du Chef de l'Eglise, vous en avez éprouvé les effets dès l'origine — peut-on dire — de cette indépendance que vous fêtez aujourd'hui avec une légitime fierté. Et depuis ce temps, les Souverains Pontifes n'ont cessé de manifester leur sollicitude pour votre Patrie, comme l'atteste, entre autres, le Concordat toujours en vigueur entre le Saint-Siège et la République d'Haïti et qui a été si riche en fruits de salut.

Nous avons tenu à poursuivre, pour Notre part, l'oeuvre de Nos prédécesseurs et à montrer Notre particulier intérêt pour votre pays, notamment en assurant à des jeunes ecclésiastiques haïtiens le bienfait de la formation romaine et en élevant tout récemment à l'épiscopat un prêtre originaire de votre patrie 3.

Nous ne saurions donc rester insensible aux glorieux souvenirs que vous vous apprêtez à évoquer solennellement. Nous souhaitons que Nos chers fils d'Haïti se souviennent à cette







occasion de toutes les faveurs dont le Seigneur les a comblés au cours de ce siècle et demi de leur existence nationale. Qu'ils élèvent vers Lui un hymne de joyeuse reconnaissance et — comme Nous les y exhortions dans Notre radiomessage pour le bi-centenaire de Port-au-Prince4 — qu'ils aient à coeur de se montrer, en toutes circonstances, fidèles à professer dans toute sa pureté la foi de leurs pères et à se distinguer toujours par le plus filial dévouement à l'Eglise et au Vicaire de Jésus-Christ.

Dans ces sentiments, et en invoquant sur eux les plus abondantes grâces d'En-Haut, Nous leur accordons de grand coeur, ainsi qu'à Votre Excellence, Notre Bénédiction apostolique.










ALLOCUTION AU CORPS DIPLOMATIQUE

(19 novembre 1953) 1






En ce jour, le Pape recevait en audience le Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège qui avait voulu protester solennellement contre ïarrestation du Cardinal Wyszynski, archevêque de Gniezno et de Varsovie. C'est Son Excellence Joseph-Patrick Walsh, ambassadeur extraordinaire d'Irlande, qui se fit l'interprète du Corps diplomatique en disant :

Les membres du Corps diplomatique ont sollicité le privilège de cette audience pour pouvoir témoigner solennellement, en la présence de Votre Sainteté, combien ils partagent Votre douleur en face de la persécution qui sévit à cette heure avec une violence qui rappelle les premiers temps du christianisme. Nous voulons témoigner en même temps combien nous compatissons avec tous ceux qui sont les victimes de cette persécution et surtout avec Son Eminence le cardinal Wyszynski et avec les autres prélats dont nous avons appris, presque jour par jour, le sort cruel.

Aussi voudrions-nous nous prévaloir de cette occasion pour déclarer à Votre Sainteté toute l'horreur et toute la détestation que nous éprouvons devant ces offenses contre les droits de l'homme et surtout contre le droit qu'il a d'exprimer sa foi en Dieu et de la pratiquer selon la loi divine imprimée dans l'âme et dans la conscience de tous les hommes.

Nous souhaitons que cette suppression de la liberté puisse venir rapidement à sa fin, et que ceux qui en sont responsables puissent enfin comprendre que le seul chemin vers la paix est celui du respect pour la liberté de conscience et pour le caractère sacré de l'âme humaine.

Le Saint-Père répondit :

Depuis que se sont déroulés les tristes événements qui ont inspiré votre présente démarche, de partout Nous sont parvenus







encore les témoignages d'une solidarité dont vous venez en quelques mots de reprendre et de résumer les motifs. Aussi est-ce rempli d'une grande émotion que Nous vous accueillons ici avec les illustres membres du Corps diplomatique accrédité auprès de Nous et dont vous êtes le porte-parole autorisé, et que Nous vous remercions d'avoir voulu, en cette circonstance. Nous apporter un précieux réconfort.

Les vexations infligées au très digne Cardinal Wyszynski ouvrent dans Notre coeur une plaie nouvelle, celle de voir, après tant d'autres, s'ajouter une étape à la voie douloureuse où depuis plusieurs années chemine la vaillante nation polonaise. Au cours d'une histoire riche en hauts faits et qui contient nombre de pages éclairées de l'héroïsme le plus pur, celle-ci eut bien souvent l'occasion de prouver avec quelle ardeur elle s'attachait à la foi reçue voici près de mille ans, au moment où elle commençait à prendre conscience d'elle-même, et dont rien depuis lors n'a pu réussir à la détacher. L'expérience des siècles le prouve ; les vraies convictions religieuses et l'amour de la patrie s'insèrent au plus profond de l'âme humaine, pénètrent ses fibres intimes et comptent parmi ses biens les plus précieux. Bien loin de s'opposer ou même de se gêner mutuellement, ces deux sentiments tirent d'un appui réciproque une vigueur insoupçonnée. Ne répondent-ils pas d'ailleurs aux exigences les plus impératives et les plus naturelles à l'homme, dont ils assurent le perfectionnement et la croissance harmonieuse, individuelle ou collective, dans le respect de l'autorité légitime et du droit international ?

A l'amour de son pays, le peuple polonais a toujours uni la fidélité indéfectible à la personne du Pontife Romain, et il y trouve la force qui l'aide à défendre valeureusement son existence. Nous l'avons rappelé aux représentants de l'armée polonaise qui, en 1944, étaient venus au nom de leurs compatriotes Nous manifester le filial hommage de la Pologne semper fidelis. Nous l'avons répété dans Notre lettre du 1er septembre 1951 à l'Episcopat et au peuple polonais 2 et, aujourd'hui comme alors, Nous évoquons avec ferveur le souvenir, maintenant assombri par la douleur et l'anxiété, de l'entretien où l'archevêque de Gniezno et de Varsovie Nous redisait l'inébranlable fermeté de la Pologne dans la tradition qui la relie au Saint-Siège.

L'on ne s'étonnera pas que celui qui s'était donné pour tâche de maintenir les valeurs les plus intangibles de son peuple, devienne la victime principale de ceux qui espèrent, en frappant à la tête, porter un coup décisif qui mettra fin à une tenace résistance.

C'est pourquoi Nous recevons avec gratitude votre protestation contre un acte qui lèse non seulement les droits d'un seul homme, mais ceux de tout un peuple et qui tend à déraciner de sa conscience des convictions vitales. Qui donc ne se sentirait pas visé par cette entreprise renouvelée contre la dignité humaine ? Les nations que vous représentez se préoccupent de sauvegarder les droits imprescriptibles qui seuls rendent possible une vie sociale digne de ce nom. Leur appui moral ne manquera pas Nous en sommes certain, de soutenir et d'encourager ceux qui supportent vaillamment des atteintes aussi graves à leur liberté religieuse et politique, et qui trouveront dans leur aide de nouveaux et puissants motifs d'espérer.

La gravité des maux actuels ne doit enlever à personne la confiance en un avenir meilleur. La vérité et la justice ne sont pas des mots. Elles possèdent la force du Dieu Très-Haut, qui s'en porte garant, s'en constitue le défenseur et dès maintenant, en dépit des apparences, met au coeur de ses enfants la certitude du triomphe final, de la paix dans l'estime réciproque des peuples et l'accord généreux des bonnes volontés. Que le Tout-Puissant vous accorde à vous-mêmes et à vos pays respectifs de voir l'aube de ce jour que tous désirent, et pour lequel beaucoup n'hésitent pas à offrir aujourd'hui leurs souffrances et leur vie.












ALLOCUTION AUX DIRIGEANTS DE SOCIÉTÉS D'HABITATIONS A BON MARCHÉ

(21 novembre 2953)1






L'Institut pour les Habitations populaires d'Italie fêtait ce four le 50e anniversaire de sa fondation. C'est pourquoi le Souverain Pontife reçut à Castelgandolfo les dirigeants de cet Institut et leur dit:

C'est de grand coeur que Nous vous saluons, chers fils, venus de toutes les parties d'Italie pour célébrer le cinquantième anniversaire de la fondation de 1' « Institut Autonome pour les Habitations Populaires de la Province de Rome » et qui attendez de Nous, avec une parole d'encouragement, Notre Bénédiction pour vos travaux. Comme vous appartenez tous à la direction d'Instituts similaires, on peut dire à bon droit que votre Assemblée représente l'administration d'une partie très considérable d'un patrimoine qui a été et doit encore être investi en terrains, maisons et autres immeubles annexes, à l'avantage des classes les moins fortunées de la population.

Ce fait suffirait à lui seul pour susciter la bienveillante attention du Chef de l'Eglise et — voudrions-Nous ajouter, à cause de l'occasion particulière de votre Congrès — de l'Evêque de Rome. En outre, ces cent dernières années, depuis que le progrès industriel et le développement parallèle des grandes villes ont donné à la question des habitations un aspect spécial, les Papes, les évêques et les associations catholiques n'ont pas cessé de consacrer à ce problème important et douloureux aussi, malheureusement, leur particulière réflexion.

Dès le début le problème était pénible et il est demeuré tel jusqu'à ce jour ; les conséquences de la guerre en ont même rendu plus difficiles les conditions et plus urgent le besoin de secours. Aujourd'hui encore, Nous devons faire Nôtres les paroles de Notre Prédécesseur Pie XI de glorieuse mémoire dans l'Encyclique Quadragesimo Anno : « On éprouve de l'horreur à considérer les empêchements que l'état tout à fait déplorable de l'habitation apporte à l'union et à l'intimité de la vie de famille »2.

C'est là le point central, d'où part l'Eglise, en vertu de sa mission pastorale, pour louer et encourager votre oeuvre. Elle ne peut cesser d'avertir et de rappeler que, selon la volonté du Créateur et l'ordre naturel établi par Lui-même, la famille doit être une unité spirituelle et morale, juridique et économique, et que des lois strictes et imprescriptibles règlent la naissance et le développement d'une nouvelle vie. Quelle charge surgit donc pour les consciences chrétiennes quand de futurs époux, de nouveaux foyers domestiques, des familles voyant augmenter leurs membres ne peuvent trouver aucun abri ou seulement une habitation insuffisante et souvent trop chère ! Seul le Seigneur sait dans combien de cas semblables la faiblesse humaine a fait naufrage dans la conduite de la vie chrétienne et aussi dans la foi ! Vous comprendrez donc que Nous considérions et appréciions votre oeuvre surtout dans son aspect apostolique et pastoral ; mais Nous avons la confiance que précisément ce motif sera pour vous un encouragement et un réconfort plus grands.

Cet intérêt apostolique particulier envers ceux qui, ayant une famille, demandent une demeure suffisante et salubre, coïncide du reste avec le véritable intérêt et avec le but objectif de l'économie nationale. Car, précisément ces personnes moralement saines sont celles qui, dans tous leurs besoins matériels, font passer le nécessaire avant ce qui est seulement utile et agréable et ne se laissent donc pas entraîner à une consommation sans frein, cancer de l'économie sociale d'aujourd'hui. Elles sont d'autre part toujours prêtes à contribuer, dans les limites du possible, avec leurs propres forces, à la construction et à l'entretien de leur habitation ; et dès lors, dans les autres domaines également, elles veulent appartenir aux forces productrices du peuple et ne pas être du nombre de ceux qui attendent ou exigent tout uniquement de l'Etat. Ainsi leurs dispositions d'esprit, leur conception générale de la vie sont en harmonie avec les solides



principes économiques de vos Instituts, qui ne sont pas des organisations de l'Assistance Publique, mais qui, en secourant les individus, en fournissant et renouvelant leurs moyens, veulent servir à l'authentique productivité de l'économie nationale.

Avec une vive satisfaction, Nous avons relevé ces principes dans vos divers rapports. Les pouvoirs publics doivent, dans la question des habitations comme partout ailleurs, rendre possible, favoriser et en tout cas ne pas contrarier l'entreprise privée et, spécialement dans le cas des habitations populaires, celle des Coopératives. Il est bien triste de constater les torts que causent ici les faux principes, et comment les difficultés de l'après-guerre ont empêché d'avancer plus rapidement sur la juste voie. Certes, il doit toujours y avoir un pouvoir public fort, qui fasse le nécessaire avec énergie et méthode. Les autorités compétentes sans aucun doute ne doivent ni ne peuvent soustraire directement ou indirectement à la propriété tout accroissement de valeur résultant uniquement de l'évolution des circonstances locales ; mais la fonction sociale de la propriété exige que ce gain n'empêche pas aux autres de satisfaire convenablement et à un juste prix un besoin aussi essentiel que celui d'une habitation. Combattez donc, avec tous les moyens que justifie le bien commun, l'usure foncière et toute spéculation financière économiquement improductive sur un bien aussi fondamental qu'est le sol. Les fameuses ruches ou habitations-casernes, d'ancienne et de nouvelle édification, sont pour la plupart une conséquence des négligences de ceux qui portent la responsabilité du bien commun et des mesures préventives qu'il exige.

Le développement de la technique moderne, la constitution de formes appropriées du droit positif et surtout un pacifique renouveau de l'économie nationale, spécialement de l'augmentation des biens dans toutes les classes du peuple, peuvent permettre à vos Instituts d'étendre les notables résultats déjà obtenus. Nous pensons à des buts comme la propriété d'une maison ou au moins d'une habitation ; Nous pensons à une plus grande utilisation du type de construction extensive, au lieu du type mixte, à peu près le seul possible dans des circonstances déterminées, c'est-à-dire de la construction intensive-extensive.

Sans doute la physionomie apparente de Rome est-elle, dans certains quartiers, encore bien triste, et telle semble être également celle d'autres grandes villes. Sans parler des maisons qui menacent ruine ou qui sont tout à fait malsaines, on voit encore toujours — ou pour mieux dire on voit toujours de nouveau apparaître — les ramilles logées dans des baraques ou des grottes, les « cavernicoles », les « entassés des locaux inaptes ou de toute façon inhabitables ». Il convient de tenir compte qu'est toujours grande l'affluence de ceux qu'attirent l'attrait souvent trompeur de la grande ville et l'espoir d'une vie plus facile et plus aisée. Aussi, à bon droit, cherchez-vous la solution du problème des habitations dans un cadre plus vaste, dans des « plans régionaux » et, finalement, dans une « orientation unitaire pour le progrès général du pays et dans un bien-être plus répandu pour le peuple italien ». De la sorte, vous vous trouvez de nouveau en harmonie avec un principe fondamental de la doctrine sociale de l'Eglise. Le pays, le territoire qu'habite un peuple uni dans l'Etat, lié par le bien commun, n'est pas simplement, même au point de vue économique, comme le veut le libéralisme économique, le domaine étendu, où le mécanisme des prix momentanément inférieurs et des conditions plus favorables du marché déterminent le sort et le logement des hommes ; mais le sol national est plutôt le lieu, où le peuple, avec toutes ses activités vitales et dans la succession des générations, enfonce ses racines, comme la plante dans le terrain. Le sol national doit donc être cultivé et soigné, si l'on veut qu'il contribue à une véritable productivité également économique de la nation. Tel est le but élevé à la réalisation duquel participent vos Instituts.

Nous concluons ces brèves considérations en reconnaissant encore une fois bien volontiers l'importance de votre oeuvre dans la grave question des habitations en Italie, tandis que de tout coeur Nous implorons pour vous, pour vos travaux, pour vos familles les meilleures bénédictions du ciel.












PRIÈRE POUR L'ANNÉE MARIALE 1953-1954

(ier novembre 1953)1






L'Année Mariale annoncée par l'Encyclique « Fulgens Corona Glo-riae » du 8 septembre 1933 2 a fourni l'occasion au Saint-Père de rédiger une prière spéciale dont voici le texte :

Ravis par la splendeur de votre céleste beauté et pressés par les angoisses de ce temps, nous nous jetons dans vos bras, ô Marie, Mère Immaculée de Jésus et Notre Mère, certains de trouver dans votre Coeur très aimant l'apaisement de nos ferventes aspirations et le refuge assuré dans les tempêtes qui de toutes parts nous assaillent.

Malgré la laideur de nos fautes et le poids écrasant d'infinies misères, nous admirons et chantons l'incomparable richesse des dons sublimes dont Dieu vous a comblée au-dessus de toute autre pure créature, depuis le premier instant de votre Conception jusqu'au jour où, élevée au Ciel, il vous a couronnée Reine de l'Univers.

O limpide source de foi, arrosez nos esprits des vérités éternelles ! O lis odorant de toute sainteté, imprégnez nos coeurs de votre céleste parfum ! O triomphatrice du mal et de la mort, inspirez-nous une profonde horreur pour le péché, qui rend l'âme abominable à Dieu et esclave de l'enfer !

Ecoutez, ô bien-aimée de Dieu, le cri fervent qui s'élève de tout coeur fidèle en cette Année qui vous est consacrée. Penchez-vous sur nos plaies douloureuses. Changez le coeur des méchants, séchez les larmes de*affligés et des opprimés, réconfortez les pauvres et les petits, éteignez les haines, adoucissez la dureté des moeurs, gardez à la jeunesse sa fleur de pureté, protégez l'Eglise sainte, faites que les hommes ressentent tous l'attrait de la bonté chrétienne. Sous votre nom, qui sonne harmonie dans les cieux, que les hommes se reconnaissent frères et les nations membres d'une seule famille, sur laquelle resplendisse le soleil d'une paix sincère et universelle.

Accueillez, ô Mère très douce, nos humbles prières et obtenez-nous par-dessus tout de pouvoir redire un jour devant votre trône, dans une même béatitude, l'hymne qui monte aujourd'hui sur la terre autour de vos autels : Vous êtes toute belle, ô Marie ! C'est Vous la gloire, Vous la joie, Vous l'honneur de notre peuple ! Ainsi soit-il.


PRIÈRE POUR LES ÉMIGRÉS

(21 novembre 1953) [17]






Très Sainte Vierge Marie, Vous qui accompagnez sur les routes du monde ceux qui s'expatrient pour chercher du travail et du pain, après avoir connu Vous-même l'exil, regardez avec bienveillance notre condition ; bénissant ceux qui nous reçoivent, veillez, nous Vous en prions, sur tous ceux que le besoin chasse de chez eux et que la fraternité des autres accueille en les associant à leurs propres sueurs dans les plus durs labeurs.

Soyez une aide aimante, Vous, secours des chrétiens, consolatrice des affligés, pour celui qui, contraint par le sort, éloigné de sa terre natale, vit au milieu d'angoissants soucis pour soi, pour les siens et n'a souvent personne près de lui pour comprendre pleinement sa peine, ranimer ses forces, relever avec la voix du sang son esprit abattu.

Faites, ô Marie, que, réconfortés par Votre miséricorde, secourus par Votre maternelle providence, défendus par Votre prière, les uns et les autres, — nous les exilés et nos familles dans l'inquiétude — tous pareillement soutenus par la Foi, l'Espérance et l'Amour, nous marchions dans la crainte de Dieu et que, soumis à la divine Volonté, fidèles à Jésus-Christ et à son Eglise, nous jouissions des fruits de la Justice chrétienne et, méritions ainsi la paix dans le temps, et le parfait bonheur dans l'éternité. Ainsi soit-il.


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT SUR LA MUSIQUE SACRÉE

(23 novembre 1953) [18]






Afin de commémorer le cinquantenaire du Motu Proprio « Inter Pastorales officii sollicitudines » de Pie X, la lettre suivante fut adressée par la Secrétairerie d'Etat à S. Em. le Cardinal Pizzardo, Préfet de la Congrégation des Séminaires et des Universités.

L'anniversaire du Motu Proprio « Des devoirs de l'état pastoral » du Bienheureux Pie X évoque, en Italie et à l'étranger, les heureuses dispositions par lesquelles le grand Pontife, en restaurant le chant sacré comme partie intégrante de la liturgie, chercha à accroître la splendeur du culte divin et à faire des offices religieux des moyens toujours plus efficaces pour la sanctification du peuple chrétien.

Ce document répond toujours autant, et en un sens même davantage, aux nécessités présentes. En effet, l'appel du Bienheureux Pie X en faveur d'une musique sacrée, plus noble et vraiment artistique, est d'autant plus d'actualité que la culture musicale est, de nos jours, plus répandue et les goûts artistiques sont plus raffinés.

Il faut en outre ajouter que malgré les salutaires effets du Motu Proprio dans le domaine de la musique sacrée, on ne peut encore affirmer que les sages normes qu'il contient aient été toujours et partout observées ; on a malheureusement remarqué assez souvent que la musique exécutée dans les églises laisse à désirer, tant par la pauvreté d'inspiration, l'imperfection tech-









nique de la forme, que par le défaut de préparation des exécutants.

Ceci est d'autant plus en contradiction avec les glorieuses traditions de l'Eglise, que cette dernière a toujours eu soin de mettre au service du culte divin tout le progrès réalisé par l'art, et qu'Elle s'est constamment employée à ce que la liturgie ne manque pas du concours de la musique sacrée, moyen puissant d'élévation mystique, quand la piété et la foi s'en servent avec un esprit chrétien sincère.

Afin de corriger des défauts, vaincre des obstacles et encourager ceux qui se dédient à la restauration liturgique-musicale dans l'esprit de l'Eglise, Sa Sainteté a daigné me charger d'exposer à Votre Eminence Révérendissime quelques points fondamentaux que Votre Eminence est — de par la variété et l'importance de Sa charge — particulièrement désignée pour faire connaître et appliquer par les soins vigilants de l'Episcopat. Sa Sainteté entend commémorer de cette manière l'heureux anniversaire du Motu Proprio de Pie X, confirmé et enrichi par la Constitution Apostolique « Divini cultus sanctitatem » de Pie XI — et bénir et encourager, comme moyen efficace de renouvellement spirituel des fidèles, le mouvement liturgique-musical qui se développe actuellement dans les diverses nations.

Dans Sa récente Encyclique « Mediator Dei », le Pontife régnant recommande instamment aux fidèles de chanter dans les églises. Il est donc indispensable qu'en tout premier lieu le prêtre — en tant que maître des chrétiens et présidant au culte divin — ait une formation artistique suffisante : celle-ci doit se développer graduellement au cours des années de Séminaire. A cette fin, le Saint-Père rappelle le devoir d'appliquer intégralement les normes pratiques déjà données par l'Instruction de cette Sainte Congrégation en date du 15 août 1949 ; Instruction valable aussi bien pour les Collèges et Instituts du clergé séculier et régulier qu'à l'égard des Universités [19]. Dans ces dernières, il serait louable d'instituer des cours spéciaux, scientifiques et pratiques, pour la préparation approfondie des élèves.

Puisque la Cathédrale est l'église-mère du Diocèse, les séminaristes ne devront pas manquer de prendre part activement aux cérémonies liturgiques qui y sont célébrées les jours de fêtes solennelles, afin de contribuer à la splendeur des offices divins. En outre, chaque dimanche et jour de fête — lorsque les séminaristes ne se rendront pas en la Cathédrale — on célébrera dans les Séminaires, les offices bien préparés de la Messe solennelle et des Vêpres chantées, véritable enseignement des choses célestes pour les élèves.

Les Supérieurs des Séminaires faciliteront, aux sujets doués d'un talent musical particulier, et témoignant d'une grande piété liturgique, l'étude scientifique du chant sacré ; et les meilleurs élèves seront destinés à l'Institut Pontifical de Musique Sacrée de Rome.

Grâce à l'activité du clergé et à la piété des fidèles, les « Scholae cantorum » sont aujourd'hui répandues dans quelques pays ; composées surtout de chantres volontaires, elles répondent volontiers, comme un honneur, à l'appel du clergé, offrent leur concours pour une plus digne célébration des cérémonies. Afin que de si utiles initiatives puissent se développer, il est nécessaire que le chant sacré soit enseigné partout et méthodiquement aux enfants des écoles primaires, comme cela se pratique déjà dans quelques pays. En formant avec zèle les « pueri can-tores », on assure une meilleure exécution de l'office divin, mais on contribuera aussi à susciter et à préparer pour l'Eglise de nombreuses vocations ecclésiastiques.

En outre, les Ordinaires auront soin de diriger les jeunes gens qui désirent se vouer au service de l'Eglise par la musique sacrée non pas vers les Instituts laïcs — car ceux-ci n'ont pas ce but précis —, mais vers les écoles dépendant de l'autorité ecclésiastique : l'Institut Pontifical de Musique Sacrée, ou bien les Sections pour la musique sacrée existant auprès de quelques Académies Supérieures de Musique ; ces dernières présentant l'avantage d'appliquer, avec des résultats excellents, les prescriptions du Saint-Siège.

Etant donné que la Musique Sacrée constitue une partie intégrante de la Liturgie, et qu'elle est d'une grande utilité pour l'apostolat catholique, les Ordinaires voudront bien accorder tout leur appui — y compris d'ordre économique — à tous les Instituts et Associations ayant pour but l'étude du chant religieux et la diffusion des oeuvres les plus insignes de l'art musical sacré, comme ceux dédiés à sainte Cécile et à saint Grégoire le Grand, qu'il conviendrait d'instituer partout.

Finalement, il convient que la Sacrée Congrégation des Séminaires et des Universités prenne soin des diverses Ecoles Supérieures pour la Musique Sacrée, qui surgissent providentiellement dans beaucoup de pays. Ces écoles pourront aussi bénéficier, si elles ont les titres requis, des avantages de l'affiliation à l'Institut Pontifical de Rome.

Aussi, Sa Sainteté nourrit-Elle l'espoir que le jubilé du solennel document du Bienheureux Pie X ne manquera pas de susciter partout dans l'Eglise, des initiatives louables pour sa digne célébration et sa plus efficace application. Il est certain qu'on contribuera ainsi, parmi le peuple chrétien, au réveil de la vie liturgique, dans le sens souhaité par le Saint-Père, heureusement régnant, par Son Encyclique « Mediator Dei ».

Animée d'une telle confiance, Sa Sainteté demande à Notre-Seigneur lumière et assistance en faveur de ceux qui voudront se dépenser en ce sens pour la gloire de Dieu et le bien des âmes, et Elle accorde, de tout coeur, à Votre Eminence ainsi qu'à tous ceux qui suivront les présentes normes le réconfort de Sa Bénédiction apostolique.

DÉCRET

DE LA S. CONGRÉGATION DES SACREMENTS

CONCERNANT LA FÊTE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION

(26 novembre 1953) 1






Son Eminence le Cardinal Louis Masella a signé le décret suivant, autorisant la célébration d'une messe de minuit les 8 déc. 1953 et 1954.

Afin qu'une plus grande solennité et splendeur de cérémonies liturgiques marquent le commencement et la fin de l'Année Mariale, établie dernièrement pour le monde entier par la Lettre-Encyclique Fulgens Corona 2, notre Très Saint-Père Pie XII, Pape en vertu d'un dessein de la divine Providence, a daigné volontiers, le 25 du mois de novembre, accorder aux Ordinaires des lieux la faculté d'autoriser dans chaque église-cathédrale, collégiale, conventuelle, paroissiale, ainsi que dans les principales églises et oratoires même confiés à des religieux, et surtout dans les sanctuaires et églises consacrés à la Très Sainte Vierge Marie, où le peuple a continué de se rendre en grand nombre, à l'exception cependant des oratoires privés, la célébration d'une sainte messe, même solennelle, une demi-heure après minuit, dans la nuit du 7 au 8 décembre 1953, et également entre les mêmes jours de décembre 1954. Durant cette messe, ou aussitôt après qu'elle est finie, les fidèles, convenablement disposés, peuvent s'approcher de la Sainte Table sous réserve d'être à jeun depuis minuit.







Les Révérendissimes Ordinaires peuvent accorder cette autorisation, à la condition que soient adressées de pieuses supplications à Dieu et à la Bienheureuse Vierge Immaculée, pour implorer les très précieux et très importants bienfaits, énumérés en détail dans la Lettre-Encyclique ci-dessus mentionnée, durant un espace de temps de deux heures au moins, y compris le temps de la célébration de la messe. Il faudra que, par ailleurs soit observé tout ce qui est prescrit par le droit, en prenant bien soin d'éviter tout danger d'irrévérence et de profanation.










DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DES RITES CONCERNANT UNE MESSE VOTIVE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION

(29 novembre 1953) 1








Le Décret suivant a été signé par Son Eminence le Cardinal Micara, Pro-Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites :

Sa Sainteté Pie XII a annoncé, par la Lettre encyclique « Fulgens corona » du 8 septembre dernier, une Année Maria-le : afin que la dévotion du peuple chrétien envers la Sainte Vierge Mère de Dieu croisse chaque jour davantage, et que les prières à notre très douce Mère soient non seulement privées mais publiques, la S. Congrégation des Rites, de par la volonté du Saint-Père, accorde que, chaque samedi de cette Année Mariale, à partir du 8 décembre de cette année, jusqu'au même jour de l'an prochain, dans toutes les églises et chapelles, une Messe votive de l'Immaculée Conception — grand-messe ou messe basse — puisse être célébrée, pourvu qu'il n'y ait ce jour-là ni fête double de première ou deuxième classe, ni férié, vigile ou octave privilégiée de première ou deuxième classe ; ni fête, vigile ou octave de la Vierge ; et pourvu également qu'ait lieu quelque pieux exercice en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie.

Nonobstant toutes choses contraires.










LETTRE A SON ÉM. LE CARDINAL FELTIN A PROPOS D'UNE JOURNÉE DE SUPPLICATION

(30 novembre 2953) [20]






Son Eminence le Cardinal archevêque de Paris reçut la lettre d'approbation suivante, en vue d'organiser une journée mondiale de prières pour la paix :

Le douloureux spectacle d'un monde meurtri et divisé, sur lequel ne cessent de planer de sombres nuées, Nous a déjà fourni maintes occasions d'exhorter tous Nos fils à la prière et à la pénitence, afin d'obtenir du « Père des Miséricordes »[21] l'inestimable bienfait d'une paix juste et stable entre les nations. Il vous souvient, en particulier, que durant la dernière guerre Nous invitions spécialement les enfants chaque année, à l'approche du mois de mai, à implorer ce don de la paix par la très puissante intercession de la Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère. « Qu'ils nous obtiennent, disions-Nous, que partout où s'insinue l'avide convoitise se répande désormais l'amour, que là où sévit l'injustice s'introduise le pardon ; qu'à la discorde qui divise les esprits succède la concorde qui les rapproche et cimente leur union ; que là enfin où l'horreur des inimitiés provoque déchirements et bouleversements, les pactes d'une amitié renouvelée apaisent les esprits et rétablissent toutes choses dans la tranquillité et l'harmonie de l'ordre » [22].

Un semblable appel garde encore de nos jours, hélas ! toute son actualité : le fracas des armes n'a pas fini de retentir en certaines régions et les esprits surtout, sur le plan social comme dans l'ordre international, sont loin de s'être engagés partout sur la voie d'un loyal effort de mutuelle et juste compréhension. Aussi considérons-Nous avec faveur le projet, dont vous Nous entretenez, d'une journée mondiale de prière des enfants pour la paix, au mois de mai 1954. Cette initiative au surplus, qui voudrait, en chaque paroisse, chaque institution scolaire, susciter la prière unanime des enfants pour la paix du monde et l'offrande, à cette intention, de leurs généreux sacrifices, répond sans nul doute aux grandes intentions de l'Année Mariale, telles que Nous les proclamions dans Notre récente Lettre Encyclique « Fulgens Corona » 4.

Nous Nous proposons, s'il plaît à Dieu, d'adresser Nous-même en cette circonstance une parole de paternelle exhortation à tous Nos fils, mais déjà Nous vous sommes reconnaissant de ce qui pourra être fait pour assurer l'heureuse réalisation de cette Journée. Bien préparée, celle-ci doit être, en effet, bien plus qu'une manifestation d'éphémère ferveur : elle éveillera chez ces chers enfants le sens de leur fraternité chrétienne à travers le monde ; elle leur fera aimer l'idéal et connaître les conditions d'une vraie paix des coeurs, des familles, des sociétés ; elle stimulera enfin parmi cette jeunesse le zèle de la vertu, le goût de la prière, le courage du sacrifice, en dehors desquels il n'y a ni sérieuse réforme de la conscience ni oeuvre de paix profonde et durable.

Au maternel patronage de la Vierge Immaculée Nous recommandons volontiers le succès spirituel de cette Journée et, en gage de Nos voeux paternels, Nous accordons à vous-même et à tous ceux qui auront contribué à sa réussite, Notre Bénédiction apostolique.









Cf. p. 385.



Pie XII 1953 - LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU CONGRÈS DE L'APOSTOLAT DES LAÏCS EN AFRIQUE