Pie XII 1954



DOCUMENTS PONTIFICAUX

de Sa Sainteté PIE XII



Aimez l'Eglise, parce qu'elle mérite votre
amour, elle, l'Epouse du Christ et la déposi-
taire des trésors éternels. Pie XII

Radiomessage à Salerne 11 février 1954


DOCUMENTS PONTIFICAUX

DE SA SAINTETÉ PIE XII
réunis et présentés par

R. KOTHEN



EDITIONS SAINT-AUGUSTIN SAINT-MAURICE (Suisse)


IMPRIMATUR



Mechlinias, die 22a Martii 1956

L. J. SUENENS Eppus tit. Isinden. Vie. gen.

Tous droits réservés


LETTRE-PRÉFACE DE SON EMINENCE LE CARDINAL LÉGER Archevêque de Montréal

Montréal, le 12 août 1955.



Monsieur l'Abbé,



Allez donc, enseignez toutes les nations. (Mt 28,19)


Telles furent les dernières paroles que le Fils de Dieu prononça sur la terre avant de remonter vers son Père. Il ne faudrait pas croire qu'il s'agissait là d'un simple conseil, ni même d'un ordre. Les paroles de Dieu ont une puissance créatrice et elles garderont leur vertu efficace jusqu'à la fin du monde et même durant l'éternité. (Matth. XXIV, 35)

Par ces paroles, le Seigneur Jésus créait le magistère de l'Eglise et Il donnait à des hommes mortels, fragiles, ignorants et versatiles, le privilège de parler au nom de Dieu, des choses du salut, avec sûreté. Aussi l'étude attentive de l'Histoire de l'Eglise nous fait toucher du doigt la présence de l'Esprit qui devait, à travers les âges, assister les Papes et donner à leurs enseignements la rectitude de la foi. Les interventions des papes du dernier siècle ont redressé la pensée humaine et lui ont indiqué les solutions que posaient les problèmes modernes : Grégoire XVI condamne le libéralisme doctrinaire ; Pie IX met en garde contre l'indif-férentisme religieux ; Léon XIII précise les positions du temporel et de l'éternel, mais il maintient la primauté de celui-ci jusque dans le domaine social ; Pie X redonne au Christ Jésus sa place dans la cité en détruisant toutes les idoles du modernisme ; Benoît XV redonne à l'Eglise l'élan missionnaire des temps apostoliques ; Pie XI rappelle les exigences de l'éducation chrétienne et la sainteté du mariage.

Mais la vie de l'homme doit être entièrement soumise à l'action de Dieu. Les exigences de la grâce sont terribles : rien n'échappe au souverain domaine du Seigneur. L'« Adveniat Regnum tuum » n'est pas un souhait vague. Il est l'expression d'une volonté qui n'a rien laissé au hasard. Le chrétien sait que Dieu a compté ses cheveux (Matth. X, 30) et que toute activité, tant de son esprit que de son corps, doit être « une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rom. XIII). Et voici que la Divine Providence donne à son Eglise un guide qui la conduira par tous les chemins, dans la lumière de l'éternité et avec la sûreté de l'Esprit qui sait tout (Sg 1,7). Le génie de Thomas d'Aquin avait rassemblé en sa Somme Théologique toutes les connaissances de son temps et il les avait unifiées en une synthèse lumineuse.

Sa Sainteté Pie XII a construit une autre Somme de l'enseignement de l'Eglise. Durant vingt ans, il a projeté sur la multiforme activité d'un siècle de technique la lumière de l'Evangile et il n'est pas un geste de l'Homme contemporain qu'il n'ait éclairé, expliqué ou défini. Il est et demeurera celui qui a « enseigné à l'univers entier et à toute la création » (Mc 16,15), les voies du salut.

Vos volumes placent cette lumière devant nos pas afin qu'elle nous dirige et c'est pourquoi vous méritez nos félicitations.

Veuillez agréer, Monsieur l'Abbé, l'expression de mes sentiments respectueux et soyez assuré de mon entier dévouement en Jésus et Marie.



t Paul Emile Cardinal Léger Archevêque de Montréal






INTRODUCTION



L'année 1954 se présente avant tout — selon d'ailleurs la volonté formelle du Souverain Pontife et le voeu du peuple chrétien — comme une Année Mariale1. Celle-ci commémorait le centenaire de la Proclamation du Dogme de l'Immaculée Conception faite par Pie IX, le 8 décembre 1854.

L'Année Mariale fut inaugurée le 8 décembre 1953 2. Depuis cette date, les manifestations et les cérémonies en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie se multiplièrent à travers la catholicité. Il y eut dans un grand nombre de pays des Congrès mariaux auxquels souvent le Saint-Père s'associa directement, soit en y adressant un message radiodiffusé, soit en y envoyant une lettre :

en France, le 13 juin 3 en Sicile, le 17 octobre 10

en Bolivie, le 13 août * au Liban, le 18 octobre11

au Canada, le 15 août * en Nigeria, le 11 novembre 12

en Belgique, le 5 septembre 0 aux Philippines, le 5 décembre 13

au Brésil, le 7 septembre 7 en Colombie, le 8 décembre 14

en Uruguay, le 12 octobre 8 aux Indes, le 8 décembre 15

en Espagne, le 12 octobre ' au Pérou, le 12 décembre 16

Mais à Rome même un Congrès de mariologie avait lieu le 24 octobre auquel Pie XII participait en y envoyant un message "'.

Et très solennellement l'Année Mariale se clôturait le 8 décembre 1954 par une cérémonie en la Basilique de Sainte-Marie-Majeure. Toutefois, le Saint-Père ne put y être présent car la maladie le retint en sa chambre depuis le 2 décembre 1954 jusqu'en mars 1955. Déjà Pie XII, du 25 janvier 1954 jusqu'au 25 mars avait dû cesser, pour raison de santé, ses activités habituelles. Il eut quand même l'occasion d'envoyer un bref message à la foule assemblée le 8 décembre dans la Basilique libérienne 18.

Encore, dans le cadre de cette Année Mariale, Pie XII institua, le Xe' novembre, la fête liturgique de la Royauté de Marie 19.




Il faudrait dans cette même ligne, citer encore :

— l'Allocution aux Enfants de Marie le 17 juillet20

— le Radiomessage aux Fidèles de Bretagne, le 26 juillet21

— l'Allocution aux Congrégations mariales le 8 septembre 22

— la Lettre à l'occasion de la clôture de l'Année Mariale 23.

Une autre journée mémorable vit rassemblées à Rome des foules nombreuses venues de tous les pays, lors de la canonisation de saint Fie X, le 29 mai

II y eut durant cette année 1954 encore cinq canonisations ; elles eurent lieu le 12 juin 25 :

— Saint Pierre-Louis Chanel, religieux français, martyr.

— Saint Gaspard Del Buffalo, religieux italien, confesseur.

— Saint Joseph Pignateïli, religieux espagnol, confesseur.

— Saint Dominique Savio, laïc italien, confesseur.

— Sainte Marie Crucifiée di Rosa, religieuse italienne, vierge.

A l'occasion de la canonisation de saint Pie X, un grand nombre d'évêques étant venus à Rome, le Saint-Père saisit cette occasion pour fournir à cette auguste assemblée un enseignement pastoral, dans une allocution à l'Episcopat, le 31 mai ; il y décrit les tâches de l'épiscopat2", la fonction du magistère.

Et poursuivant le même thème, Pie XII, le 2 novembre 27 parla aux évêques de :

— la fonction de sanctification

— la fonction de gouvernement.

Dans la même ligne, il faut signaler l'exhortation traditionnelle que le Souverain Pontife prononce aux Curés et aux Prédicateurs de Carême de Rome. Cette année, à cause de son état de santé, ce document du Pape fut distribué le 28 février 28.

Un document important concernant la situation internationale a été publié sous forme de Radiomessage de Noël29 où le Souverain Pontife formule un jugement net sur la politique de « co-existence » entre les deux blocs : l'Est représenté par l'Union des Républiques socialistes soviétiques et l'Ouest, représenté par les Etats-Unis.

Un Concordat fut signé le 16 juin entre le Saint-Siège et la République Dominicaine 30.

Pie XII écrivit au cours de 1954 :

— Encyclique Sacra Virginitas, le 25 mars 31

— Lettre Encyclique commémorant le XIIe centenaire de la mort de saint Boniface, le 5 juin 32

— Encyclique sur la situation religieuse en Chine, le 7 octobre 33

— Encyclique Ad Cceli Reginam, le 11 octobre 34

Le Saint-Père accorda encore de nombreuses audiences à divers groupes spécialisés auxquels il donna des directives précises : les enseignants S5, les médecins 36, les avocats les ouvriers 38, les gymnastes 39, les paysans40, les tailleurs41, les écoliers42, les radiologuesis, les pharmaciens 44, les géophysiciens "5, les fondeurs les tisserands ", les céramistes 48, les policiers 49, les éditeurs m, les hôteliers 11.

A travers tous les discours et écrits de Pie XII, il ressort que le Pape en 1954, est vivement préoccupé par l'offensive matérialiste qui — sous diverses formes — envahit le monde 52.

Quant au gouvernement intérieur de l'Eglise, il faut signaler durant cette année l'érection de :

3 provinces ecclésiastiques au Brésil et en Colombie

6 diocèses au Brésil, Colombie, Costa-Rica, Equateur, San-Salvador, Venezuela

5 prélatures nullius au Brésil, Equateur et Venezuela En France, une nouvelle prélature nullius a été instaurée à Pontigny devenant le siège de la Mission de France 5S. Il y a, en terrain de missions :

3 nouveaux vicariats apostoliques : — Hollandia en Indonésie — Kuderguensis en Afrique Occidentale Française — Kuwait en Arabie

2 nouveaux diocèses : — Jabalpurensis et lhansiensis aux Indes

Quant aux Eglises orientales, on a créé :

(31) p. 79 ; (32) p. l87 ; (33) p. 407 ; (35) p. 22 ; (36) pp. 345, 361, 384 ; (37) p. 52I ; (38) p. 467 ; (39) p. 259 ; (40) p. 400 ; (41) p. p. 340 ; (42) p. 158 ; (43) p. 131 ; (44) p. 349 ; (45) p. 375 ; (46) p. 380 ; (47) p. 400 ; (48) p. 403 ; (49) p. 446 ; (50) p. 492 ; (51) p. 505.

52 Consulter la « Table analytique » au mot « matérialisme ». «8 Cf. p. 308.




— l'archidiocèse de Bassora pour les Chaldéens (en Irak) qui, sur une population de 1.135.000 habitants, compte 6.000 catholiques de rite chaldéen ;

— l'archidiocèse de Bagdad pour les Arméniens (en Irak) : sur ce territoire, il y a environ 14.000 Arméniens dissidents et 2.250 Arméniens catholiques avec 5 prêtres ;

— le diocèse de Kamechlie pour les Arméniens en Syrie : groupant 3.000 Arméniens catholiques entourés de 10.000 Arméniens dissidents et ¡0.000 chrétiens de diverses confessions, répandus dans la province de Djesireh ;

— l'administration apostolique de Lattaquieh pour les maronites en Syrie, comptant 10.500 fidèles ;

— l'ordinariat de France pour les fidèles de rites orientaux : il y a en effet en France près de 300.000 chrétiens orientaux dont

150.000 de rite byzantin

100.000 de rite arménien (en majorité dissidents)

40.000 de rite ruthène (en majorité catholiques)

10.000 de divers rites (catholiques et dissidents)

Il y a lieu de signaler également la grande efflorescence des Instituts Séculiers depuis la publication de la Constitution « Provida Mater Eccle-sia » du 2 février 1947.

En 1954, on enregistrait l'approbation des Constitutions de 44 d'entre eux et 165 demandes de fondations nouvelles étaient introduites.

Pour avoir une vue de l'Histoire de l'Eglise, année par année, on consultera les volumes :

— L'Attività délia Santa Sede nel 1954 hi

— Cristo nel Mondo 55

Le premier volume de cette nouvelle collection a paru en 1953 et le deuxième est donc consacré aux événements religieux de 1954.

Parmi les publications consacrées exclusivement à fournir une vue des événements de l'Eglise, citons en langue française :

— La Documentation Catholique58

— Informations Catholiques Internationales 57



54 Ed. Tipografia Poliglotta Vaticana.

55 Ed. Pro Civitate Christiana, Assisi.

56 Ed. La Bonne Presse, Paris.

57 163, Bd Malesherbes, Paris 17.

58 Ed. Secrétariat de l'Action Catholique, Heemstede.

59 Ed. Herder, Fribourg-en-Brisgau.




En langue néerlandaise : — Katholiek Archief58 et en allemand : — Herder Korrespondenz 59




LETTRE A L'ÉPISCOPAT ITALIEN SUR LA TÉLÉVISION

(1er janvier 1954) 1


ce jour, Pie XII envoya l'exhortation suivante aux Evêques d'Italie :

Les progrès rapides que la télévision fait désormais en de nombreux pays maintiennent Notre attention toujours plus en éveil sur cet instrument merveilleux offert à l'humanité par la science et par la technique, instrument précieux et dangereux en même temps, à cause des répercussions profondes qu'il est destiné à exercer sur la vie publique et privée des nations.

En Italie, la télévision est sur le point de commencer ses émissions régulières, et le projet déjà élaboré d'un vaste réseau de stations sur tout le territoire national fait prévoir avec raison les développements considérables promis à ce nouveau et puissant moyen d'expression et de diffusion des images, des idées, des sentiments et de l'art.

L'importance de cet événement ne peut échapper à personne, car il pose au public une nouvelle série de problèmes délicats et urgents d'ordre moral, de présence vigilante et active, et d'organisation dans ce domaine également.

Le fait de savoir, Vénérables Frères, que vous partagez Nos paternelles sollicitudes en ce sujet, Nous apporte un grand réconfort dont Nous vous remercions cordialement.

Conscient donc de la gravité de la matière, Nous croyons arrivé le moment de vous adresser la parole sur ce sujet pour vous encourager à persévérer dans les louables efforts que vous avez déjà entrepris et pour que votre action, convenablement orientée par les directives que Nous entendons vous donner, soit opportune, efficace et produise des fruits salutaires et durables.



Et tout d'abord, il convient de remercier Dieu pour cette découverte de la télévision.

Nous reconnaissons pleinement la valeur de cette lumineuse conquête de la science, car elle est une nouvelle manifestation des merveilleuses grandeurs de Dieu, qui « en a donné aux hommes la connaissance afin d'être honoré dans ses merveilles »2. La télévision nous impose à tous par conséquent, le devoir de la reconnaissance, que l'Eglise ne se lasse jamais de rappeler à ses fils chaque jour au Saint Sacrifice de l'Autel quand elle les avertit que « c'est chose vraiment digne et juste, équitable et salutaire de rendre grâces toujours et en tout lieu à Dieu pour ses dons ».

Tels étaient les sentiments de Notre esprit, Vénérables Frères, quand, à Pâques 1949 3, il Nous fut donné pour la première fois d'user de ce moyen pour communiquer avec Nos fils, et de faire en sorte que non seulement Notre voix leur arrivât, mais que leurs regards pussent en même temps se rencontrer avec Notre personne, et dès lors Nous Nous exprimions en ces termes : « Nous attendons de la télévision des conséquences de la plus haute importance pour la révélation toujours plus lumineuse de la vérité aux intelligences loyales ».



Le Saint-Père cite les avantages que ce nouveau procédé apporte à l'humanité.

Du reste, il n'est pas difficile de se rendre compte des innombrables avantages de la télévision, pourvu, comme Nous l'espérons, qu'elle soit mise au service de l'homme pour son perfectionnement.



En premier lieu, c'est une distraction familiale :

2 Eccli. XXXVIII, 6.

8 Cf. Documents Pontificaux 1949, p. 144.




Tandis qu'en effet ces derniers temps le cinéma, le sport ainsi que les dures nécessités du travail quotidien tendent à éloigner toujours plus de la maison les membres de la famille, troublant ainsi le développement naturel de la vie domestique, comment ne pas Nous réjouir de voir la télévision contribuer efficacement à reconstituer cet équilibre, en offrant à toute la famille la possibilité de prendre ensemble un honnête divertissement, loin du danger des compagnies et des lieux malsains.



En deuxième lieu, la télévision peut être un excellent moyen d'éducation :

Nous ne pouvons rester indifférent en face de l'influence bienfaisante que la télévision est capable d'exercer au point de vue social, dans le domaine de la culture, de l'éducation populaire, de l'enseignement et dans la vie même des peuples : cet instrument les aidera certainement à mieux se connaître, à mieux se comprendre et à s'élever à l'union cordiale et à une plus grande collaboration.



En troisième lieu, on peut grâce à la télévision répandre le message évangélique :

Il Nous plaît cependant de Nous arrêter d'une manière particulière sur le rôle que la télévision ne manquera pas d'avoir dans la diffusion du message évangélique. Nous connaissons les résultats consolants obtenus par les efforts des catholiques dans les pays où la télévision a déjà été introduite depuis un certain temps. Mais qui pourra prévoir le nombre et l'étendue des horizons nouveaux qui s'ouvriront à l'apostolat chrétien quand les stations de télévision, réparties sur tout le globe, permettront à tous de contempler encore mieux la vie palpitante de l'Eglise ? Nous aimons à penser qu'alors se resserreront encore davantage les liens spirituels de la grande famille chrétienne et que les hommes mieux éclairés par la lumière de l'Evangile, grâce à ce merveilleux instrument, pourront jouir d'une meilleure connaissance, d'un plus grand approfondissement et d'une plus vaste dilatation du Règne de Dieu dans le monde.



Cependant, la télévision offre des dangers :

De telles considérations ne doivent pas toutefois faire oublier un autre aspect de ce problème délicat et important. Si en effet la télévision bien réglée peut constituer un moyen ef






ficace d'éducation sage et chrétienne, il est également vrai qu'elle ne manque pas non plus de dangers, à cause des abus et profanations auxquels la faiblesse et la malice des hommes pourraient la conduire ; dangers d'autant plus graves que plus grande est la puissance suggestive de cet instrument et plus vaste et indéterminé le public auquel il s'adresse, surtout les groupes familiaux composés de personnes de tout âge et sexe, de culture et de préparation morale différentes, apportées par le journal, les faits divers, le spectacle. Comme la radio, elle peut entrer en toute maison et en tout lieu, et cela à toute heure, y apportant non seulement les sons et les paroles, mais aussi les images concrètes et animées, ce qui lui confère une plus grande puissance émotive, spécialement à l'égard des jeunes. A cela s'ajoute que les programmes des émissions de télévision sont formés en grande partie de films cinématographiques et de représentations théâtrales dont trop peu encore, l'expérience l'enseigne, sont en état de satisfaire pleinement aux exigences de la morale chrétienne et naturelle. Il faut noter enfin que la télévision trouve son public le plus avide et le plus attentif parmi les enfants et les adolescents, que leur âge même rend plus sensibles à son charme et qui, consciemment ou inconsciemment transforment plus facilement en réalités vivantes les images perçues dans la vision animée de l'écran.



Les parents doivent surveiller de près les émissions :

Or, quand on pense à l'inestimable valeur de la famille, qui est la cellule de la société, et quand on réfléchit qu'à la maison doit se développer non seulement le corps mais aussi l'esprit de l'enfant, espérance précieuse de l'Eglise et de la Patrie, on ne peut se dispenser de déclarer à tous ceux qui partagent la responsabilité de la télévision, que les devoirs et les responsabilités qui leur incombent devant Dieu et devant la société sont très graves.



De même les autorités publiques doivent veiller à ce que rien d'inconvenant ne paraisse sur les écrans.

Il revient surtout aux autorités publiques de veiller de toute manière à ce que rien ne blesse ou ne trouble cette atmosphère de pureté et de réserve qui doit entourer le foyer domestique devant lequel la sagesse antique elle-même, saisie d'un respect sacré proclamait : « Que rien d'inconvenant pour l'oreille ou pour la vue ne touche le seuil de cette maison... on doit à l'enfant le plus grand respect »4.

Nous ne cessons d'avoir présent à l'esprit le tableau douloureux de la puissance maléfique et perturbatrice des spectacles cinématographiques. Mais comment ne pas frémir à la pensée que, par la télévision, puisse pénétrer dans la maison elle-même, cette atmosphère empoisonnée de matérialisme., de sottise et d'hédonisme que l'on respire trop souvent dans tant de salles de cinéma ? Vraiment, on ne pourrait rien imaginer de plus fatal aux forces spirituelles de la nation si devant tant d'âmes innocentes, au sein de la famille elle-même, devaient se répéter ces impressionnantes révélations du plaisir, de la passion et du mal, qui peuvent ébranler et ruiner pour toujours tout un édifice de pureté, de bonté et de saine éducation individuelle et sociale.

Pour ces motifs, Nous croyons opportun d'observer que la vigilance exercée normalement par l'autorité responsable du spectacle public ne suffit pas à assurer la tenue morale irréprochable des émissions de télévision : un autre critère d'appréciation est nécessaire, car il s'agit de représentations qui doivent pénétrer dans le sanctuaire de la famille. On voit donc, surtout en ce domaine, combien sont mal fondés les droits prétendus de la liberté totale de l'art, ou le recours au prétexte de la liberté d'information et de pensée ; des valeurs supérieures sont en jeu qu'il faut protéger et qu'on ne pourrait violer sans encourir les sévères sanctions dont le divin Sauveur menaçait les coupables : « Malheur au monde, à cause des scandales !... malheur à l'homme par la faute de qui arrive le scandale 5. »

Nous avons la profonde assurance que le sens élevé des responsabilités chez ceux qui président à la vie publique saura empêcher les tristes éventualités dont Nous avons parlé ci-dessus. Nous voulons espérer au contraire, en ce qui regarde les programmes des spectacles, qu'on prendra des mesures opportunes pour faire servir la télévision à la saine récréation des citoyens et contribuer aussi en toutes circonstances à leur éducation et à leur élévation morale, mais pour que ces mesures souhaitées reçoivent ensuite une pleine application, il faut que tous y apportent une vigilance attentive et active.



L'Eglise doit, sur ce terrain être vigilante.

C'est à vous d'abord, Vénérables Frères, que Nous Nous adressons et à tout le clergé, en faisant Nôtres à ce sujet les paroles de saint Pau] à Timothée : « Je t'adjure devant Dieu et Jésus-Christ qui jugera les vivants et les morts, et par sa venue et par son règne : prêche la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, supplie, exhorte, en toute patience et souci d'instruction 6 ». Avec une insistance toute pareille, Nous Nous adressons aux laïcs eux-mêmes que Nous désirons aussi voir dans cette sainte croisade toujours plus nombreux, et serrés autour de leurs Pasteurs. Qu'en particulier ceux que l'Eglise appelle dans l'Action Catholique aux côtés de la Hiérarchie sentent la nécessité de prendre des initiatives opportunes pour faire sentir leur présence en ce domaine avant qu'il ne soit trop tard. A personne il n'est permis de contempler passivement les développements rapides de la télévision quand on sait l'influence si puissante qu'elle est indubitablement capable d'exercer sur la vie nationale, pour promouvoir le bien comme pour répandre le mal. Et si des abus et des altérations éventuelles se produisent il ne suffira pas que les catholiques se contentent simplement de les déplorer ; au contraire, il faudra les dénoncer aux autorités publiques au moyen d'indications bien précises et documentées. Comment ne pas reconnaître en effet qu'une des causes, la moins remarquée peut-être, mais non la moins réelle, de la diffusion si grande de l'immoralité consiste moins dans l'absence de mesures que dans le manque de réactions ou dans la réaction trop faible des honnêtes gens qui n'ont pas su dénoncer à temps des infractions aux lois sur les bonnes moeurs ?



Il faut que les catholiques usent de la télévision pour former chrétiennement les âmes.

Toutefois votre oeuvre serait bien loin encore de satisfaire pleinement Nos désirs et Nos espérances si elle se limitait

simplement à vous défendre contre le mal et ne devenait, au contraire, une vigoureuse affirmation du bien. Le but que Nous voulons vous indiquer est que la télévision ne soit pas seulement moralement irréprochable, mais devienne aussi chrétiennement éducatrice.

Ici s'appliquent les sages réflexions que Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie XI, appliquait au cinéma : « Les progrès de l'art, de la science, de l'industrie humaine, puisqu'ils sont de vrais dons de Dieu, doivent être ordonnés et servir pratiquement à l'extension du règne de Dieu sur la terre afin que, selon la prière de la Sainte Eglise, Nous en profitions de telle sorte que nous ne perdions pas les biens éternels : sic transeamus per bona temporalia ut non amittamus aeterna » 1.



Il faut organiser la participation des catholiques à Vélaboration des programmes :

Pour atteindre ce but, on comprend facilement l'importance de la préparation des programmes de la télévision. Or, dans un pays aux traditions catholiques aussi anciennes et profondes que la Nation italienne, Nous avons pleinement le droit d'espérer que la télévision réservera au catholicisme une place proportionnée à l'importance qu'il occupe dans la vie nationale.

A cet effet, Nous savons avec quel zèle louable on a déjà veillé dans les Diocèses où se trouvent des stations de télétransmission à désigner un ou plusieurs laïcs ou prêtres chargés de s'intéresser à la formation des programmes de caractère religieux. Nous souhaitons donc que, pour un meilleur rendement, elle puisse s'effectuer d'une façon coordonnée sur le plan national et dépende d'un Office Central compétent qui ait pour fonction d'imprimer, sur les points essentiels, un caractère uniforme à l'action des individus, de faire servir à tous les fructueuses expériences réalisées en ce domaine dans les diverses parties du monde, de recueillir les indications et les conseils surtout ceux des Pasteurs d'âmes, et en même temps de représenter auprès de qui de droit la voix et la pensée même de l'Episcopat italien. Si l'Episcopat agit en ce sens et interprète les désirs non seulement de la partie saine de la Nation, mais aussi ceux de la majeure partie des usagers de la té-





' Encyclique Vigilanti Cura.



lévision, il sera certes plus facile aux responsables en ce qui regarde le choix des programmes, de résister à des critères et à des jugements de valeur qui ne seraient pas entièrement re-commandables, de quelque côté qu'on les suggère. De même pourront aboutir à l'Office susdit les initiatives d'ordre culturel, d'organisation ou autres, prises de différents endroits. Comme le dynamisme de la vie moderne reçoit une impulsion très puissante de l'esprit d'organisation, il est nécessaire de marcher dans l'union et la concorde ; en ce domaine précisément l'union des catholiques fait leur force.

On formera en cette matière la conscience des catholiques :

En même temps, il est plus que jamais nécessaire et urgent de former chez les fidèles une conscience droite des devoirs chrétiens dans l'usage de la télévision ; une conscience qui sache remarquer les périls éventuels et s'en tienne aux jugements de l'autorité ecclésiastique sur la moralité des spectacles télévisés. Qu'on éclaire en premier lieu les parents et les éducateurs afin qu'ils n'aient pas à pleurer, quand il sera trop tard, sur les ruines spirituelles de l'innocence perdue. Nous ne pourrions donc assez louer comme de vrais apôtres du bien tous ceux qui, selon leurs possibilités, vous aideront dans cette oeuvre bienfaisante.



Le Pape demande sur ce sujet la collaboration des Evêques.

Le travail qui vous attend, Vénérables Frères, Nous ne le dissimulons pas, est immense et ardu. Mais que vous soutiennent la conscience de lutter pour la sauvegarde de la morale chrétienne au milieu de votre troupeau, et la Vierge Immaculée, à la maternelle protection de qui Nous confions particulièrement, en cette année qui Lui est consacrée, l'heureux succès de vos efforts. Et de même que, par une sorte d'heureux augure, les premiers pas de la télévision ont contribué ici à Rome à rendre plus solennelle l'inauguration de l'Année Ma-riale, puissent ses développements ultérieurs aider aux triomphes futurs de Jésus et de Marie, en faisant rayonner plus intensément sur toutes les âmes de bonne volonté « la lumière qui illumine tout homme qui vient en ce monde8 » et en apportant dans toutes les maisons, en tout lieu, partout où ce moyen pénétrera « tout ce qui est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, tout ce qui rend aimable » ; la cause de la civilisation en tirera avantage avec celle de la religion et de la paix, « et le Seigneur de la paix sera avec vous » *.


Ph 4,8-9.



ALLOCUTION AUX PROFESSEURS DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE D'ITALIE

(S janvier 1954) 1






Recevant en audience les participants au Congrès national des dirigeants de l'Union Catholique italienne de l'Enseignement secondaire, Pie XII s'exprima en ces termes :

Les « Journées Nationales » que Y « Union Catholique italienne de l'Enseignement secondaire », a organisées ces jours-ci, Nous ont offert, chers Fils et Filles, l'occasion de voir réunis autour de Nous tous ses dirigeants. Par cette « Assemblée » nationale, votre Union a entendu inaugurer les manifestations pour la première décade d'existence de votre florissante et importante Association qui, constituée à Rome en juin 1944, s'est ensuite rapidement répandue dans toute l'Italie.



Le Pape approuve l'action de cette Union :

Ces dix années ont été sagement et avantageusement employées et le vaste programme que votre Union s'était proposé a été vigoureusement développé dans divers « secteurs » pour le véritable bien de l'école italienne. Les professeurs qui adhèrent à votre idéal forment la majorité dans différents organismes nationaux, qui, à l'occasion des consultations électorales au sein de la profession, ont eu à manifester l'orientation de leur pensée. Cet heureux résultat n'aurait pas été obtenu sans le grand effort d'organisation accompli par les principaux dirigeants de votre Union et sans la généreuse collaboration de tant de dirigeants secondaires.

En particulier, il faut améliorer les conditions économiques du corps enseignant :

Il permettra, Nous voulons l'espérer, de poursuivre avec succès les revendications de votre programme économique. Nous n'ignorons pas en effet que la rétribution de la plupart des professeurs, loin de leur assurer l'argent et le temps nécessaires à la culture personnelle et au perfectionnement pédagogique, suffit à peine aux besoins quotidiens de la vie, surtout pour ceux qui ont eu le courage d'assumer la charge d'une famille.



U faut tenir compte du rôle social joué par les professeurs :

Il y a encore dans votre carrière trop de conditions précaires, chaque année remises en question, et sans sécurité pour l'avenir, au grave détriment de la continuité dans l'enseignement et du perfectionnement personnel. Quand on considère la petite place que les rétributions du corps enseignant ont dans le budget national, on en vient à désirer que, selon les possibilités, soient allouées à ce chapitre les sommes relativement modestes qui suffiraient, en élevant la condition matérielle des professeurs, à améliorer l'enseignement national et par là même, l'état culture! de tout le pays.



Mais l'Union vise en ordre principal le perfectionnement professionnel de ses membres.

L'action pour vos augmentations d'ordre économique, n'est pas toutefois le but principal de votre Union. Elle se propose avant tout de « promouvoir et de réaliser la formation morale et professionnelle des adhérents conformément à leur mission éducative spécifique ». Nous avons eu, le 4 septembre 1949, l'occasion d'exposer aux membres de votre second Congrès National la noblesse et l'importance de votre haute mission édu-catrice2, et, par conséquent, Nous n'avons pas besoin aujourd'hui de revenir sur ce sujet. Nous n'avons pas oublié non plus que, vers la fin de l'Année Sainte (4 novembre 1950) vous avez tenu à Nous offrir une chaire de Maître pour exprimer votre fervente et inébranlable adhésion à la Cathedra de Pierre, Maîtresse de vérité, de laquelle vous enseignez par votre exemple et par votre activité ce qu'il y a de plus important pour l'homme sur la terre 3.

D'ailleurs l'Union est nettement orientée vers les tâches apostoliques :

Durant ces dix années d'activité de votre Association, que vous commémorez pour préparer un nouvel élan de vie intérieure et d'action méthodique, trois Congrès nationaux et vingt « assemblées » ont étudié de nombreuses questions d'ordre pédagogique, social et scolaire ; ils ont encouragé une activité correspondante et obtenu de notables résultats. La conscience de leur responsabilité dans l'apostolat s'est renforcée chez beaucoup de professeurs des écoles secondaires, et la pensée chrétienne a recommencé à inspirer certains enseignements et organismes dont l'influence n'est certainement pas négligeable.

Mais il faut continuer à lutter contre le matérialisme envahissant :

S Cf. Documents Pontificaux 1950, p. 520.

* 1Co 3,6.
8 Ph 3,13.

• Documents Pontificaux 1953, p. 644.




Il y a donc lieu de rendre grâces au Seigneur pour le bien accompli ; mais les plus zélés parmi vous sauront s'écrier humblement avec saint Paul : « Moi, j'ai planté, Apollos a arrosé, mais c'est Dieu qui a donné l'accroissement » 4, et ils ajouteront avec lui : « oubliant ce que je laisse en arrière, fortement tendu vers ce que j'ai devant moi, je vais droit au but » 5. Ce serait en effet une tentation de la paresse de s'attarder avec complaisance sur des chiffres et des témoignages tandis qu'il reste encore tant de travail à accomplir pour freiner et refouler le courant matérialiste dont Nous avons récemment parlé dans Notre message de Noël Chacun doit constamment et énergique-ment lutter en soi-même et dans la vie sociale professionnelle contre l'indifférence et le manque de foi surnaturelle. La tendance si accentuée de nos jours à réaliser l'utilité pratique et immédiate, pourrait transformer votre Union en un des si nombreux syndicats dont les revendications économiques sont le seul but réel, alors que vous devez chercher en elle pour vous-mêmes et pour tous ses membres un bien plus profond, durable et rayonnant.

Les enseignants devront pour cela d'abord rechercher leur perfectionnement spirituel :

L'adhésion à votre Union manifeste avant tout la volonté de « poursuivre le propre perfectionnement moral et spirituel », c'est-à-dire d'acquérir, au moyen de la prière, de l'application personnelle à l'enseignement de l'Eglise et de l'effort de vie intérieure, cette union avec Dieu et cette dignité qui donnent à votre conduite et à vos jugements la valeur d'un témoignage en faveur de votre foi, et qui rendront plus respectable et plus efficace votre autorité, non seulement à l'école et durant le temps que les élèves sont sous votre direction, mais également dans la vie publique, auprès des familles et auprès des jeunes qui, après avoir reçu votre enseignement, conserveront pendant toute la vie la fierté de vous avoir eus comme professeurs.
Pour cela ils devront développer leur conscience professionnelle :


La première conséquence pour vous de l'approfondissement de votre vie chrétienne sera naturellement une notion plus élevée de votre mission éducatrice et une conscience professionnelle accrue, Nous voulons dire une volonté plus ardente d'arriver dans votre science à toute la compétence possible en ce qui concerne les connaissances théoriques et l'enseignement pratique.



En particulier, mieux connaître les sciences pédagogiques :

Or, pour remplir entièrement sa fonction, le professeur digne de ce nom doit, avant tout, connaître ses élèves, c'est-à-dire les jeunes de tel âge déterminé selon que les décrit une saine pédagogie chrétienne, et ceux de sa classe ou de son institut particulier, tels que les forme la famille.

On a certainement fait de grands progrès dans la psychologie expérimentale, dans la médecine pédagogique ; on a cherché, non sans d'heureux résultats, à mesurer l'importance des divers éléments qui conditionnent l'assimilation des matières scolaires par la mémoire et l'intelligence de l'élève, les facteurs matériels d'abord, comme l'ameublement, l'éclairage, les types de livres, la composition des images et des sons ; et puis les conditions intellectuelles proprement dites, comme les centres d'intérêt variant selon les circonstances locales et l'âge, et les associations de la mémoire que favorise une éducation appropriée. Il serait inexcusable pour un professeur moderne de ne pas se tenir suffisamment informé des travaux qui s'accomplissent dans ce domaine, et Nous savons bien que vos cercles didactiques s'y intéressent particulièrement.



Il faut aussi tenir compte des facteurs moraux :

Mais un professeur chrétien ne pourrait se contenter de la technique pédagogique ; il sait par la foi — et l'expérience, hélas ! le confirme — l'importance du péché dans la vie des jeunes ; il connaît d'autre part l'influence de la grâce. Les péchés capitaux ne dépendent pas par eux-mêmes de la médecine. Certes, il y a souvent des raisons de tempérament et de santé dans la paresse et dans d'autres défauts ; mais il y a aussi et toujours le péché originel. Par conséquent l'éducateur chrétien ne peut se contenter de laisser faire la nature ou simplement de la favoriser comme ferait un cultivateur pour les produits de la terre. A l'imitation de la grâce de Dieu, dont il ne veut être que l'auxiliaire, il corrige et élève à la fois. Il combat les tendances inférieures, et s'applique à faire épanouir les supérieures ; il lutte patiemment et fermement contre les défauts de ses élèves et exerce leurs vertus ; il relève et améliore. De la sorte l'éducation chrétienne participe au mystère de la Rédemption et collabore efficacement à celle-ci. De là vient la grandeur de votre oeuvre, qui n'est pas sans quelque analogie avec celle du prêtre.



Il faut s'assurer la collaboration des familles :

Les jeunes gens dont vous devez vous occuper ne sont pas des êtres abstraits, mais des enfants de familles déterminées. Pour quel motif tant d'efforts des professeurs et tant d'années de constant dévouement donnent-ils parfois si peu de fruits, si ce n'est parce que la famille, par sa carence d'éducation, ses erreurs pédagogiques, ses mauvais exemples, détruit jour par jour ce que le professeur s'efforce péniblement de construire ? N'a-t-il donc rien à dire à la famille ? N'a-t-il rien à faire pour l'éclairer, l'aider, la rendre consciente de la complexité et de l'ampleur de sa mission, lui inculquer de justes connaissances pédagogiques, corriger ses erreurs et stimuler son zèle ? Il est inadmissible que tant de familles croient avoir satisfait à leurs devoirs envers leurs enfants quand elles les ont envoyés à l'école sans se soucier de collaborer intimement avec les professeurs, sur lesquels elles estiment à tort pouvoir se décharger de leurs obligations. Cela est vrai surtout pour les classes élémentaires, mais également pour les classes secondaires car à ce moment-là les adolescents qui sont en croissance commencent à s'émanciper de l'autorité des parents, et il arrive souvent qu'ils opposent les professeurs au père, l'école à la maison. De nombreux parents se trouvent alors comme dépossédés de leur autorité devant l'humeur bizarre des enfants, et certaines erreurs qui se commettent en ces années-là peuvent devenir néfastes pour l'équilibre de l'adolescent. Ce n'est là qu'un point entre beaucoup d'autres pour montrer que la collaboration des parents et des professeurs doit être constante et profonde. Aussi un de vos « Congrès » (novembre 1951) a-t-il étudié « l'école en tant que communauté éducative », et Nous encourageons volontiers tout ce qui facilitera et rendra sans cesse plus étroite la collaboration de l'école et de la famille. Celle-ci, en effet, choisit le professeur pour préparer l'adolescent à vivre dans la cité et dans l'Eglise sa vie d'adulte. La famille ne doit pas et ne peut pas abdiquer sa fonction d'orientation ; la collaboration est naturelle et nécessaire ; mais elle suppose, pour être féconde, une connaissance mutuelle, des relations constantes, une unité de vues, des rectifications successives. Alors seulement les professeurs pourront rendre effectif leur idéal. La famille doit être le plus solide appui du professeur à tous les degrés : local, syndical, national. Il est, en premier lieu, le délégué de la famille et après seulement selon les cas qui se présentent l'officier public ou l'employé de l'Etat ou de la Société d'enseignement.



Pie XII montre les responsabilités des dirigeants :

Dans toute association importante et qui s'étend sur un vaste territoire, la responsabilité des dirigeants est particulièrement grande. Ils sont vraiment l'âme du mouvement ; c'est à eux qu'il appartient de faire, pour ainsi dire, vivre les Statuts, de faire passer dans chacun des associés l'esprit de l'institution. Les « Journées nationales » qui vous ont réunis à Rome doivent représenter un pas décisif dans la vie de l'Union. Des centai-

nés de milliers d'adolescents vous sont confiés durant les années délicates de leur développement ; vous avez une grave responsabilité dans la formation de la jeunesse italienne et vous contribuez pour une part importante à préparer un meilleur avenir à votre pays. Comme chrétiens, vous ne pouvez demeurer indifférents ; comme professeurs, vous avez la joie de pouvoir coopérer puissamment au renouvellement religieux de votre génération. C'est pour cela que Nous avons voulu vous encourager et vous manifester la confiance que Nous mettons dans votre généreuse Union. Sachez tous et dites à vos collègues que le Pape compte grandement sur l'Union Catholique italienne de l'Enseignement secondaire.





Pie XII 1954