Pie XII 1954 - III


PRIÈRE DES ENFANTS POUR LA PAIX

(19 mars 1954) 1



Cher Jésus, un jour tu as aussi été un petit enfant comme nous et tu nous as dit que tu aimais avoir des petits amis près de toi... c'est pourquoi nous les petits enfants de tous les coins du monde nous venons maintenant te remercier et prier pour la paix.

Tu désires être avec nous à chaque instant, en chaque lieu ; fais donc de nos coeurs ta maison, ton autel, ton trône, fais que tous nous formions une seule famille unie sous ta protection et dans ton amour.

Ecarte bien loin de chaque homme, jeune ou adulte, les pensées et les oeuvres de l'égoïsme qui séparent entre eux et éloignent de toi les enfants du Père céleste.

Que ta grâce soit pour tous un rempart contre les ennemis de ton Père et les tiens. Pardonne-leur, ô Seigneur, ils ne savent ce qu'ils font.

Si avec ton aide les hommes s'aimaient les uns les autres, ce serait la vraie paix dans le monde, et nous les petits enfants nous pourrions vivre sans la crainte des horreurs d'une nouvelle guerre.

Nous demandons à ta Mère, Marie l'Immaculée, qui est aussi notre Mère, de t'offrir notre prière de Paix, ainsi nous sommes certains que tu l'exauceras.

Doux Jésus, merci. Ainsi soit-il.


LETTRE POUR LES DEUX CENTENAIRES DE LA BASILIQUE DE SAINT-FRANÇOIS A ASSISE

(25 mars 1954) 1


A l'occasion du IIe centenaire de l'élévation de l'église de Saint-François à Assise à la dignité de Basilique Patriarcale et de Chapelle papale (1754) et du VIIe centenaire de sa consécration (1253), le Souverain Pontife adressa la lettre suivante au Révérendissime Père M. Victor M. Costantini, Ministre Général des Frères Mineurs Conventuels :

Il est certes utile et opportun, chaque fois que s'en présente l'occasion, de proposer en exemple à tous les hommes les glorieux mérites du Patriarche Séraphique ; il semble, en effet, « qu'en personne, l'image du Christ, Notre-Seigneur, et la forme évangélique de la vie, n'ont brillé d'une manière plus semblable et plus fidèle qu'en François » 2. C'est pourquoi le contenu de la lettre que vous Nous avez envoyée, selon laquelle le septième siècle est révolu depuis que Notre Prédécesseur Innocent IV consacra de ses propres mains le temple splendide « posé sur la colline du Paradis », et pareillement le deuxième siècle depuis que le même temple fut honoré du titre de Basilique Patriarcale et du privilège de « Chapelle Papale », Nous apparaît comme un double événement digne d'être célébré, et de nature à fournir occasion de remettre en mémoire les origines de la Famille franciscaine d'où resplendit la lumière d'une sainteté très élevée et d'où sortit un heureux renouveau chrétien des moeurs.

Tout le monde sait comment, en tout temps, les Pontifes romains ont manifesté à l'Ordre éminent des Mineurs une particulière bienveillance. En effet, deux ans seulement après que votre Père et Législateur se fut envolé de cette terre d'exil vers la céleste patrie, Notre Prédécesseur Grégoire IX décida par Lettre Apostolique « qu'on construisît une église dans laquelle le corps du Bienheureux François devait être conservé » 3 ; le même Pontife posa solennellement en 1228 la première pierre de ce grand édifice, après avoir inscrit de son autorité infaillible le Séraphique Patriarche au catalogue des Saints 4. Et il voulut non seulement que cette église ne fût soumise qu'au Pontife Romain 5 et qu'elle fût « placée sous la protection spéciale du Siège Apostolique » *, mais qu'elle devînt « Tête et Mère de tout l'Ordre franciscain » 7.

Peu d'années après, Notre autre Prédécesseur, Innocent IV, consacra de ses propres mains, Nous l'avons dit, ce temple merveilleux, déjà parvenu à son faîte 8 ; il voulut « qu'on l'embellît et ornât artistiquement » 9 et il le revêtit de privilèges et faveurs particuliers 10.

« Tous et chacun des privilèges, prérogatives, libertés, exemptions et immunités » concédés par les Souverains Pontifes précédents, Notre Prédécesseur Benoît XIV, non seulement les confirma par Lettre Apostolique mais y mit comme un couronnement ; ainsi que vous le savez : pour accroître la splendeur et la gloire de ce temple, il décida : « Par la teneur de la présente Lettre et par la plénitude du Pouvoir Apostolique, Nous érigeons Notre dite Eglise de Saint François d'Assise en Basilique Patriarcale et Chapelle Papale ; Nous la déclarons telle dès maintenant et à perpétuité ; et Nous voulons qu'elle soit dite et tenue pour Basilique Patriarcale et Chapelle Papale à parité complète avec les autres Basiliques Patriarcales de la Ville-Mère 12. » C'est pourquoi tant dans la Basilique supérieure qu'inférieure, « Nous déclarons l'autel dès à présent et à l'avenir Pontifical ou Pipai, de sorte que personne ne puisse, sans induit spécial..., y célébrer la messe en privé ou solennellement » 13. Nous voulons de même

Voir Bulle Recolentes du 28 avril 1228. Voir Bulle Speravimus du 16 juin 1230. Voir Bulle Recolentes du 22 octobre 1228. Ibid.

Voir Bulle Is qui Ecclesiam du 22 avril 1230.

Voir Bulle Si populus Israeliticus du 11 juin 1253.

Voir Bulle Decet du 10 juillet 1253.

Voir Bulle Dignum Bxistimamus du 16 juillet 1263.

Constitution Apostolique Fidelis Dominus du 25 mars 1754.

Ibid.

Ibid.

que dans l'une et l'autre Basiliques, « un trône ou Siège Pontifical... soit donc conservé à perpétuité » 14.

11 Nous semble, à la considération de ces remarquables privilèges — et Nous les confirmons bien volontiers en ces commé-moraisons centenaires — que Dieu lui-même a voulu non seulement honorer de la gloire suprême son fidèle serviteur dans le siège du bonheur céleste, mais aussi qu'il voulut le glorifier très spécialement sur la terre où il vécut sa vie très sainte et laissa sa dépouille mortelle.

A l'instar des Souverains Pontifes, les écrivains de toutes langues et Nations, comme captivés par la splendeur de sa sainteté l'exaltèrent par les plus grandes louanges ; et « les plus grands artistes rivalisèrent... dans la reproduction la plus exacte et la plus belle, par la peinture ou la sculpture, la gravure ou la mosaïque, de la figure et de la vie de François » 1o.

Mais ce qui importe bien plus, c'est que la vie de Saint François non seulement soit mise dans sa pleine lumière par la splendeur de la littérature et des arts, mais que chacun se propose ses éclatants exemples de vertus en modèle à imiter. Vous spécialement qui le suivez comme Père Législateur et avez embrassé par voeux sa forme de vie religieuse, tendez de toutes vos forces à reproduire en vous son image, à conformer vos moeurs, sous l'inspiration et avec l'aide de la grâce divine, à la beauté de son esprit séraphique et de sa sainteté.

Ce seront là, cher Fils, les fruits heureux et salutaires de ces célébrations centenaires. Il faut en effet « considérer que les honneurs rendus au Bienheureux François seront alors seulement très agréables à celui qui en est l'objet, s'ils sont fructueux pour ceux qui les rendent. Et ce fruit solide et durable consiste en ceci : que les hommes acquièrent une certaine ressemblance avec celui dont ils admirent l'éminente vertu et s'efforcent par cette imitation de devenir meilleurs » 10.

Tels sont, cher Fils, Nos voeux très fervents, ce que Nous vous souhaitons particulièrement à tous et l'objet de Nos prières instantes à Dieu pour vous tous. Et Nous avons confiance que la vertu du Père Séraphique qu'avec l'aide de Dieu vous aurez fait revivre en vous, vous la ferez fleurir de la même manière



Ibid.

Lettre Encyclique Rite expiatis, du 30 avril 1926, cf. A. A. S., 8, 1926, p. 170. Léon XIII, Lettre Encyclique Auspicato du 7 septembre 1882.

par votre parole, vos exemples et votre zèle apostolique parmi le plus grand nombre possible d'hommes.

Et comme Nous savons que le Patriarche d'Assise a été envoyé providentiellement pour réformer la chrétienté non seulement de son époque tourmentée, mais surtout pour tous les temps, Nous espérons que ces centenaires, en même temps qu'ils appelleront certainement à son glorieux tombeau de dévotes foules de pèlerins, contribueront notablement au renouveau des moeurs tant désiré.

Soutenu par cette douce espérance, Nous vous accordons paternellement dans le Seigneur, à vous, cher Fils et aux Religieux de votre Ordre - qui ont reçu et observé très attentivement la garde de la Basilique Patriarcale d'Assise et du tombeau du Père Séraphique - à toute la Famille franciscaine et à tous ceux qui participeront aux cérémonies sacrées, la Bénédiction apostolique, présage des grâces célestes et gage de Notre très particulière bienveillance.










ENCYCLIQUE SACRA VIRGINITAS

(25 mars 1954) 1






En un temps où, sous mille formes, la chasteté est attaquée, le Souverain Pontife estime devoir exalter cette vertu, dans un document solennel.

La sainte virginité, et cette parfaite chasteté 2 qui est consacrée au service de Dieu, sont, sans aucun doute, un des plus précieux trésors que son Fondateur a laissés comme héritage à la société qu'il a établie, l'Eglise.
La virginité intégrale et perpétuelle est propre au christianisme.


C'est assurément pourquoi les saints Pères ont souligné que la virginité perpétuelle est un don supérieur d'origine essentiellement chrétienne. Et c'est à bon droit qu'ils remarquent que, si les païens de l'antiquité demandaient aux vestales un tel genre de vie, ils ne l'imposaient que pour un certain temps3 ; et lorsque dans l'Ancien Testament on prescrivait de garder et de pratiquer la virginité, on l'ordonnait seulement comme une condition préliminaire au mariage 4 ; et par ailleurs — comme l'écrit saint Am-broise — « nous lisons qu'il y avait aussi des vierges au Temple de Jérusalem. Mais que dit l'Apôtre ? « Toutes ces choses leur sont arrivées en figure » 6 pour présagei les temps futurs ».



La virginité fleurit dès les origines de l'Eglise.

Et certainement depuis les temps apostoliques, cette vertu s'est développée et a fleuri dans le jardin de l'Eglise. Lorsque, dans les Actes des Apôtres \ il est écrit que les quatre filles du diacre Philippe étaient vierges, c'est pour signifier assurément leur état de vie plus que leur jeunesse. Et, peu de temps après, Ignace d'An-tioche, en saluant les vierges, rappelle 8 qu'elles constituaient déjà, avec les veuves, un élément important de la communauté de Smyrne. Au IIe siècle — comme en témoigne saint Justin ¦— « beaucoup des deux sexes, à l'âge de soixante et septante ans, persévèrent sans tache, formés depuis leur enfance à la discipline du Christ » Peu à peu s'accrut le nombre des hommes et des femmes qui vouaient leur virginité à Dieu ; et de la même façon, l'importance de l'office dont ils s'acquittaient dans l'Eglise s'accentua grandement, comme Nous l'avons amplement exposé dans Notre Constitution apostolique Sponsa Christi10.

La virginité est exaltée par les Pères de l'Eglise.

Et, d'autre part, les saints Pères — comme Cyprien, Athanase, Ambroise, Jean Chrysostome, Jérôme, Augustin et bien d'autres — l'ont exaltée dans leurs écrits sur la virginité, avec les plus grandes louanges. Cette doctrine des saints Pères, enrichie au cours des siècles par les Docteurs de l'Eglise et les maîtres de l'ascèse chrétienne, a certainement une grande influence pour susciter et affermir la résolution une fois prise, de se vouer à Dieu dans la chasteté parfaite et d'y persévérer jusqu'à la mort.



De fait de très nombreux chrétiens ont vécu dans la virginité et

la chasteté.

La multitude des fidèles qui, depuis le début de l'Eglise jusqu'à nos jours, ont consacré à Dieu leur chasteté, est incalculable : les uns en gardant intacte leur virginité ; d'autres en lui vouant, à la mort du conjoint, leur veuvage, d'autres, enfin, en regrettant leurs péchés par le choix d'une vie parfaitement chaste ; mais tous se distinguent par cette résolution commune de s'abstenir, pour Dieu, des plaisirs de la chair, et cela pour toujours. Que, par conséquent, ce que les saints Pères ont proclamé touchant le mérite et la gloire de la virginité, soit pour tous ceux-là une invitation, une aide et une force pour persévérer fermement dans l'offrande de leur sacrifice, à savoir de ne rien soustraire, si peu que ce soit, ni rien se réserver de l'holocauste qu'ils ont offert sur l'autel de Dieu.



Religieux, prêtres et laïcs observent ces vertus.

11 Cf. Code du droit canon, can. 487 ; ce canon dit : « L'état religieux, ou mode stable de vie en commun, par lequel les fidèles en plus des commandements communs




Mais si un des trois voeux qui constituent l'état religieux repose sur cette chasteté parfaite et si elle est de

mandée aux clercs de l'Eglise latine ordonnés dans les Ordres majeurs 12, et si on l'exige des membres des instituts séculiers cette vertu est également florissante chez de nombreux fidèles qui restent à l'état purement laïc ; car il y a des hommes et des femmes qui ne sont pas dans l'état public de perfection et qui cependant renoncent totalement au mariage et aux plaisirs de la chair de propos délibéré et même par voeu privé, afin de servir plus librement le prochain et d'unir leur âme à Dieu plus facilement et d'une manière plus intime.



Ces âmes privilégiées sont louées par le Souverain Pontife.

A chacun et à tous ces fils et filles très chers qui ont consacré leur corps et leur âme à Dieu, de quelque façon que ce soit, Nous Nous adressons d'un coeur paternel, et Nous les exhortons vivement à affermir la résolution qu'ils ont prise et à vouloir y rester fidèles avec soin.



Toutefois aujourd'hui des erreurs, des exagérations se faisant jour sur ce point, il est bon de préciser à nouveau la pensée de l'Eglise sur ce sujet.

Mais, parce qu'il y en a aujourd'hui un bon nombre qui, s'écartant de la voie droite sur ce point, exaltent tellement le mariage au point de le préférer même à la virginité, et déprécient à cause de cela la chasteté consacrée à Dieu et le célibat ecclésiastique, conscient des exigences de Notre charge apostolique, Nous devons proclamer et défendre, surtout à présent, l'excellence du don de la virginité, pour garder de ces erreurs la vérité catholique.



La doctrine de l'Eglise sur la virginité a été formulée par le Christ.

Tout d'abord, Nous pensons devoir rappeler que l'Eglise a reçu des lèvres mêmes de son divin Epoux l'essentiel de sa doctrine touchant la virginité.

Comme, en effet, les disciples trouvaient trop lourds les liens et les difficultés du mariage que leur Maître leur avait exposés dans son discours et comme ils lui disaient : « Si telle est la situation de l'homme à l'égard de la femme, mieux vaut ne pas se marier » 14, Jésus-Christ leur répondit que tous ne comprenaient pas cette parole, mais seulement ceux qui en avaient le don ; que certains étaient empêchés de se marier par un défaut naturel, d'autres par la violence et la malice des hommes, mais que d'autres s'en abstenaient spontanément, de leur propre volonté et le faisaient « pour le règne des cieux » ; et il conclut par ces paroles : « Comprenne qui peut comprendre. » 15

Par ce mot donc, le divin Maître ne faisait pas allusion aux empêchements physiques de contracter mariage, mais à la résolution spirituelle d'une libre volonté de s'abstenir pour toujours du mariage et des plaisirs du corps. En faisant cette comparaison entre ceux qui ont décrété spontanément ce renoncement et ceux qui, du fait de la nature ou de la violence des hommes, sont forcés d'y renoncer, le divin Rédempteur ne nous enseigne-t-il pas qu'en véri-

14 Matth., 19, io.

15 Ibid, 19, 12.

té la chasteté, pour être réellement parfaite, doit être perpétuelle ?



La virginité est avant tout don total de soi à Dieu.

De plus — comme l'ont enseigné très clairement les saints Pères et Docteurs de l'Eglise, — la virginité ne peut être une vertu chrétienne si nous ne l'embrassons pas « pour le règne des cieux » 16; c'est-à-dire si nous ne prenons pas cette condition de vie pour pouvoir plus facilement nous appliquer aux choses divines ; pour arriver plus sûrement un jour à la béatitude éternelle ; pour pouvoir enfin, plus librement, conduire les autres aussi au règne des cieux en nous y appliquant avec soin.



Les autres motifs pour rester chastes ne sont pas valables pour revendiquer le titre de vierge.

Ils ne peuvent donc revendiquer l'honneur de la virginité chrétienne, ces chrétiens ou chrétiennes qui renoncent au mariage par égoïsme démesuré ou pour en fuir les charges, comme l'observe saint Augustin 1?, ou même à la manière des pharisiens, pour faire orgueilleusement parade de leur intégrité corporelle, ce que déjà le Concile de Gangres réprouvait, condamnant ceux qui, vierges ou continents, s'abstenaient du mariage comme d'une abomination et non pour la beauté et la sainteté même de la virginité 18.



La tradition est unanime pour affirmer que la virginité est essentiellement la consécration du corps et de l'esprit à Dieu.

1« Matth., 19, «.

17 S. Augustin, De sancta virginitate, c. XXII ; P. L., 40, 407.

18 Cf. can. 9 ; Mansi, Coll. Concih, 2, 1096.




Et c'est pourquoi l'Apôtre des nations, inspiré de l'Es-prit-Saint, nous avertit : « L'homme qui n'est pas marié

a souci des affaires du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur... Et la femme sans mari, comme la vierge, pense aux choses du Seigneur, pour être sainte de corps et d'esprit. » 19 Telle est donc la première intention, telle est la principale raison de la virginité chrétienne ; à savoir d'aspirer uniquement et de diriger son esprit et son coeur vers les choses divines ; de vouloir plaire à Dieu en toutes choses ; de penser à lui intensément et de lui consacrer totalement son esprit et son corps.

Les saints Pères ont toujours interprété de cette façon la parole de Jésus-Christ et la doctrine de l'Apôtre des nations ; depuis les premiers temps de l'Eglise, en effet, ils ont tenu la virginité pour l'offrande à Dieu de la consécration du corps et de l'esprit. Aussi saint Cyprien demande aux vierges « que s'étant consacrées au Christ, elles s'abstiennent de tout plaisir charnel, qu'elles se vouent à Dieu de corps et d'esprit... qu'elles ne recherchent point de parure ni à plaire à qui que ce soit, si ce n'est à Dieu » 20. L'évêque d'FIippone, avec plus de précision, déclare : « Ce n'est pas pour elle-même, parce que c'est la virginité, mais parce qu'elle est consacrée à Dieu qu'on l'honore... Et nous ne la louons pas dans les vierges parce qu'elles sont vierges, mais parce qu'elles sont des vierges consacrées à Dieu par une pieuse continence 21. » Les princes de la sacrée théologie, saint Thomas d'Aquin22 et saint Bonaventure23, se basant sur l'autorité de saint Augustin, enseignent que la virginité ne possède pas la fermeté de la vertu, si elle ne vient pas d'un voeu de la garder perpétuellement sans tache. Et, en

19 I Cor., VII, 32, 34.

20 S. Cyprien, De habitu virginum, 4 ; P. L„ IV, 443.

21 S. Augustin, De sancta virginitate, ?. VIII, 11 ; P. L., 40, 400, 401.

22 S. Thomas, Sum. theol., 2a-2ae, q. CLII, a. 3.

23 S. Bonaventure, De perfectione evangelica, q. III, a. 3. col. 5.

effet, ceux-là réalisent le mieux et le plus parfaitement la parole du Christ touchant la perpétuelle abstinence du mariage qui s'obligent par un voeu perpétuel à la garder ; et on ne peut justement prétendre que soit meilleure et plus parfaite l'intention de ceux qui voudraient se réserver la possibilité de se libérer de son obligation.



La virginité trouve sa source dans la charité.

Les saints Pères ont considéré ce lien de la chasteté parfaite comme une espèce de mariage spirituel par lequel l'âme s'unit au Christ ; et c'est pourquoi certains se sont avancés jusqu'à comparer à l'adultère la violation d'un voeu en cette matière 24. C'est pourquoi saint Atha-nase écrit que l'Eglise catholique a la coutume d'appeler épouses du Christ celles qui se distinguent par la vertu de virginité 25. Et saint Ambroise, en écrivant sobrement sur la virginité, a ce mot : « Est vierge celle qui épouse Dieu2S. » Bien mieux, comme il ressort des écrits du même évêque de Milan dès le IVe siècle, le rite de la consécration des vierges était fort semblable à celui qu'emploie l'Eglise dans la bénédiction du Mariage jusqu'en notre temps 2\

C'est pourquoi les saints Pères exhortent les vierges pour qu'elles aiment leur divin époux avec plus d'ardeur qu elles n'aimeraient celui qui aurait été leur conjoint, et de suivre toujours sa volonté dans leurs pensées et leurs actions 29. Saint Augustin leur écrit même : « Aimez de tout votre coeur le plus beau des enfants des hommes : cela vous est loisible ; votre coeur est libre des liens conjugaux... Si donc vous devriez un grand amour à vos conjoints, combien plus devez-vous aimer Celui pour qui vous n'avez pas voulu avoir de conjoints ? Qu'il soit fixé dans votre coeur profondément Celui qui pour vous a été attaché à la croix. 30 » Ce qui d'ailleurs correspond aux sentiments et résolutions que l'Eglise elle-même demande aux vierges, dans le rite de leur consécration à Dieu, quand elle les invite à prononcer ces paroles : « J'ai méprisé le règne de ce monde et tout le faste du siècle pour l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que j'ai vu, que j'ai aimé, en qui j'ai cru, que j'ai préféré.31 » Il n'y a donc rien d'autre qui incline avec suavité la vierge à consacrer totalement son corps et son âme au divin Rédempteur, sinon l'amour de Dieu, selon les très belles paroles que saint Méthode, évêque d'Olympe, met sur ses lèvres : « o Christ, tu es tout pour moi. Je me garde chaste pour toi, et tenant ma lampe resplendissante, je cours au-devant de toi. 32 » C'est donc l'amour du Christ qui conseille à la vierge de se réfugier dans l'enceinte d'un monastère, et d'y demeurer toujours pour contempler et aimer plus librement et plus facilement son Epoux céleste; c'est cet amour qui la stimule puissamment à entreprendre les oeuvres de miséricorde en faveur du prochain de toutes ses forces jusqu'à la mort.

Pour ces hommes « qui ne se sont pas souillés avec les femmes, car ils sont vierges » 33, l'apôtre saint Jean assure : « Ceux-ci suivent l'Agneau partout où il va.34 » Méditons donc cette exhortation que saint Augustin

S. Augustin, De sancta virginitate, c. LIV-LV ; P. t., 40, 428.

Pontificale Romanum : « De benedictione et consecratione virginum ».

S. Méthode d'Olympe, Convivium decem virginum, or. XI, c. II ; P. G., 18, 209.

Avoc, 14, 4-

Ibid.

adresse à tous : « Suivez l'Agneau, parce que la vierge est assurément la chair de l'Agneau... A bon droit vous le suivez par la virginité du coeur et de la chair partout où il va. Qu'est-ce, en effet, que le suivre sinon l'imiter ? Car le Christ a souffert pour nous, nous laissant son exemple, comme dit l'apôtre Pierre, « pour que nous suivions ses traces » 35. Tous ces disciples et épouses du Christ ont donc embrassé l'état de virginité, comme le dit saint Bonaventure, « par conformité avec le Christ leur époux, à qui leur état rend semblables les vierges » 36. Il ne pouvait suffire, en effet, à leur ardente charité envers le Christ de lui être unie par les simples liens de l'affection ; mais il fallait absolument que cette même charité fût éprouvée par l'imitation de ses vertus, particulièrement par une conformité avec sa vie, toute consacrée au bien et au salut du genre humain. Si les prêtres, si les religieux, les religieuses, si enfin tous ceux qui, d'une manière ou d une autre, se sont voués au service de Dieu, observent la chasteté parfaite, c'est en définitive parce que leur Maître divin fut vierge jusqu'à la fin de sa vie. « C'est même le Fils unique de Dieu, s'écrie saint Fulgence, Fils également unique de la Vierge, unique Epoux de toutes les vierges saintes, fruit, ornement et récompense de la sainte virginité, lui que la sainte virginité a engendré, que la sainte virginité épouse spirituellement, lui qui féconde la sainte virginité pour qu'elle persévère sans tache, lui dont elle est ornée pour qu'elle reste belle, lui qui la couronne pour qu'elle règne éternellement glorieuse » 37.



La virginité favorise le service de Dieu.

Nous estimons ici opportun, Vénérables Frères, de développer davantage et d'expliquer avec un plus grand soin

55 I Petr., 2, 21 ; S. Augustin, De sancta virginitate, c. XXVII ; P. L., 40, 411. 3« S. Bonaventure, De perfectione evangelica, q. III, a. 3. 87 S Fulgent. Epist., 3, c. IV. nO 6 ; P. L., LXV, 326.

pour quelles raisons l'amour du Christ pousse les coeurs généreux à renoncer au mariage et quels liens secrets existent entre la virginité et la perfection de la charité chrétienne. La parole du Christ que Nous avons rapportée plus haut suggère déjà que le parfait renoncement au mariage libère les hommes de leurs lourds fardeaux et graves devoirs. Inspiré par l'Esprit divin, l'Apôtre des nations expose la raison de cette libération en ces termes : « Je veux vous voir exempts de soucis... Celui qui est avec une femme a souci des affaires de ce monde, des moyens de plaire à sa femme ; et le voilà partagé » 3S. On doit pourtant, à cet égard, remarquer que l'Apôtre ne blâme pas les hommes de se préoccuper de leurs épouses, et il ne reproche pas aux épouses de chercher à plaire à leurs maris ; mais il assure plutôt que leurs coeurs sont partagés entre l'amour du conjoint et leur amour de Dieu, et qu'ils sont tiraillés par des soucis aigus, et qu'à cause des devoirs qu'ils ont contractés en se mariant, ils ne peuvent facilement se donner à la méditation des choses divines. Car le devoir de leur union qui les lie leur commande clairement : « Ils seront deux dans une seule chair » 39. Et, en effet, les conjoints sont tenus par des liens mutuels, tant dans les tristesses que dans les joies de tout ce qui arrive . On comprend dès lors facilement pourquoi ceux qui désirent s'adonner au service de Dieu embrassent l'état de vie virginale comme une libération, c'est-à-dire pour pouvoir plus pleinement servir Dieu et se dévouer de toutes leurs forces au bien du prochain. Comment, par exemple, un missionnaire de l'Evangile comme saint François-Xavier, un père des pauvres comme saint Vincent de Paul, un éducateur de la jeunesse comme saint Jean Bos-



I Cor., 7, 32-33.

Gen., 2, 24 ; Matth., 19, 5.

I Cor., 7, 39.

co, une « mère des émigrés » comme sainte Françoise-Xavier Cabrini, auraient-ils pu accomplir des oeuvres aussi grandes et aussi pénibles s'ils avaient dû pourvoir aux besoins matériels et spirituels d'un conjoint et de plusieurs enfants ?



La virginité favorise la vie spirituelle.

Il y a encore une autre raison pour que tous ceux qui aspirent à se dévouer à Dieu et au salut du prochain embrassent l'état de virginité. C'est ce qu'affirment les saints Pères, quand ils traitent des avantages que peuvent trouver ceux qui s'abstiennent de ces plaisirs du corps pour mieux goûter les élévations de la vie spirituelle. Sans aucun doute — comme ils l'ont clairement observé, — une volupté de ce genre, comme celle qui vient légitimement du mariage, n'est pas condamnable en soi ; bien mieux, le chaste usage du mariage est ennobli et consacré par un sacrement spécial. Toutefois, il faut également reconnaître que les facultés inférieures de la nature humaine, après la chute misérable d'Adam, font obstacle à la droite raison et même parfois poussent l'homme à agir contre ses devoirs. Comme l'écrit le Docteur angélique, l'usage du mariage « occupe l'âme et l'empêche de s'adonner entièrement au service de Dieu » 41.



Pour être plus « libres spirituellement », les prêtres de l'Eglise latine voeu de chasteté.

C'est précisément pour que ses ministres sacrés arrivent à cette liberté spirituelle de l'esprit et du corps et qu'ils ne soient pas embarrassés dans des affaires terrestres, que l'Eglise latine leur demande d'assumer volontairement et de bon gré l'obligation de la chasteté parfaite 42.

« S. Thomas, Sum. theol, ??-???, q. CLXXXVI, a. 4. 4* Cf. Code de droit canon, can. 132, § 1. Voir note 1?.

« Si cette même loi ne lie pas dans toute sa rigueur — comme le rappelait Notre Prédécesseur d'immortelle mémoire, Pie XI — les clercs de l'Eglise orientale, chez eux aussi pourtant, le célibat ecclésiastique est en honneur : et en certains cas — quand il s'agit des plus hauts degrés de la hiérarchie, — c'est une condition nécessaire et obligatoire. 43 »

La continence des prêtres est réclamée par leur service de l'autel autant que par les exigences apostoliques.

43 Lettre Enc. Ad catholici sacerdotii fastigium, A. A. S., 28, 1936, pp. 24-25.

44 Lev., 15, 16-17 ; XXII, 4 ; I Sam., 21, 5-7 ; S. Sirice, Pape, Ep. ad Himer., P. t., LVI, 558-559-

45 S. Pierre Damien, De ccelibatu sacerdotum, c. III ; P. t., CXLV, 384.




Il faut de plus, observer que les ministres sacrés s'abstiennent complètement du mariage, non seulement pour qu'ils s'acquittent de leur charge apostolique, mais également parce qu'ils servent à l'autel. Car, si déjà, dans l'Ancien Testament, les prêtres s'abstenaient de l'usage du mariage lorsqu'ils s'acquittaient du service du Temple, pour ne pas contracter l'impureté légale comme les autres hommes '\ combien plus il convient que les ministres de Jésus-Christ, qui offrent chaque jour le Sacrifice eucharistique, se distinguent par une chasteté perpétuelle ? Pour ce qui regarde cette continence parfaite des prêtres, saint Pierre Damien observe sous une forme interrogative : « Si donc notre Rédempteur a tant aimé cette fleur de la chasteté parfaite, au point non seulement de naître du sein d'une Vierge, mais encore de recevoir les soins d'un nourricier vierge, et cela alors que tout enfant il vagissait dans la crèche, à qui, dites-moi, veut-il confier son corps, maintenant qu'il règne, immense, dans les cieux ? »

De soi l'état de virginité est plus parfait que l'état de mariage.

Pour ce motif surtout, il faut affirmer — ce que l'Eglise enseigne clairemennt — que la sainte virginité l'emporte par son excellence sur le mariage. Le divin Rédempteur l'avait déjà suggéré à ses disciples, comme un conseil de vie plus parfaite 4\ et l'apôtre Paul, après avoir dit du père qui donne sa fille en mariage : « Il fait bien », ajoute aussitôt : « Et celui qui ne la donne pas en mariage fait mieux ». Ce même apôtre, tout en comparant le mariage avec la virginité, plus d'une fois expose sa pensée, surtout lorsqu'il dit : « Je veux, en effet, que vous soyez tous comme moi... Aux célibataires et aux veuves, je dis donc : qu'il est bon de demeurer comme moi. »48 Si donc, comme Nous l'avons écrit, la virginité l'emporte sur le mariage, cela vient surtout, sans doute, de ce qu'elle tend à réaliser une fin plus excellente 49 ; et que, de plus, elle offre un moyen très efficace de s'adonner totalement au service de Dieu ; alors qu'au contraire, l'âme de celui qui est engagé dans les liens et affaires du mariage est plus ou moins « partagée ».5°

Mais si nous considérons l'abondance de fruits qui en proviennent, alors, sans aucun doute, son excellence est mise encore en plus grande lumière : car « on connaît l'arbre à ses fruits ».51



L'histoire de l'Eglise prouve la fécondité spirituelle de la virginité.

Nous ne pouvons Nous empêcher d'éprouver une immense et très douce joie à la pensée de cette innombrable phalange de vierges et d'apôtres qui, dès les débuts de l'Eglise, jusqu'en nos temps, ont renoncé au mariage pour se consacrer plus facilement et plus pleinement au salut du prochain, par amour pour le Christ, et ont déployé de si admirables initiatives, sur le plan de la religion et de la charité. Car, même si Nous ne voulons, comme il convient, rien enlever de leurs mérites et des fruits de leur apostolat à ceux qui militent dans les rangs de l'Action catholique et peuvent, dans leur activité salutaire, atteindre ceux que des prêtres et des religieux et religieuses ne peuvent approcher ; néanmoins, Nous savons que c'est à ceux-ci, pour la plus grande part, qu'il faut attribuer les oeuvres de cette charité. Ceux-là, en effet, suivent et dirigent la vie des hommes de tout âge et de toute condition, d'un coeur généreux : et quand ils succombent à la fatigue ou à l'infirmité, ils confient aux autres la continuation de leur mission sacrée, comme un héritage. Aussi, il arrive souvent que l'enfant à peine né soit accueilli en des mains virginales et que rien ne lui manque de ce que la mère elle-même pourrait, en son amour intense, lui donner ; de même, lorsqu'il a grandi et s'est ouvert à la raison, on le confie pour l'élever à ceux qui pourront donner à son âme l'enseignement de la doctrine chrétienne, orner son esprit des sciences profitables, et formeront comme il faut ses facultés et son caractère. Si quelqu'un souffre d'une maladie ou est affligé d'épuisement, il est entouré de ceux qui, animés par la charité du Christ, s'efforcent de lui rendre la santé par leurs soins vigilants et les remèdes convenables. Qu'il s'agisse de celui qui est privé de ses parents ou qui se trouve accablé de misères spirituelles ou par la pauvreté, qu'il ait été mis en prison, il ne sera pas sans réconfort et sans secours ; mais les ministres sacrés, les religieux, les vierges consacrées verront avec pitié, en lui, comme un membre souffrant du Corps mystique de Jésus-

Christ, se souvenant de la parole du divin Rédempteur lui-même : « J'ai eu faim, en effet, et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger et vous m'avez recueilli ; nu, et vous m'avez vêtu ; infirme, et vous m'avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi... En vérité, je vous le dis, ce que vous avez fait à l'un des moindres d'entre mes frères que voici, c'est à moi que vous l'avez fait » 52. Que dirions-Nous pour louer en tout point les hérauts de la parole de Dieu, qui, loin de leur patrie, supportent les plus accablants labeurs pour convertir des multitudes d'infidèles à la foi chrétienne ? Que dire des épouses sacrées du Christ qui leur donnent le secours de leur collaboration très précieuse ? Pour chacun et pour tous, Nous répétons ces mots que nous écrivions dans Notre Exhortation apostolique Menti Nostrae : « ... Par cette obligation du célibat, bien loin de perdre entièrement le privilège de la paternité, le prêtre l'accroît à l'infini, car la postérité qu'il ne suscite pas à cette vie terrestre, il l'engendre à la vie céleste et éternelle. »53

D'autre part, la virginité n'est pas seulement féconde par les initiatives et les oeuvres extérieures auxquelles peuvent se dévouer plus facilement et plus pleinement tous ceux qui l'embrassent, mais encore en raison des formes de charité parfaite à l'égard du prochain, comme le sont leurs ardentes prières appliquées à son intention et les lourdes privations supportées spontanément et volontiers pour la même raison. A tout cela, les serviteurs de Dieu et les épouses de Jésus-Christ — ceux et celles surtout qui passent leur vie dans l'enceinte du cloître — ont consacré leur vie.

Enfin, la virginité consacrée au Christ témoigne par elle-même d'une telle foi pour le royaume de Dieu, montre un tel amour à l'égard du divin Rédempteur, qu'il ne faut pas s'étonner qu'elle produise des fruits abondants de sainteté. Car ces vierges et tous ceux qui s'adonnent à l'apostolat et se vouent à la chasteté parfaite, par la sainteté élevée de leur vie, sont, en nombre presque incalculable, l'honneur de l'Eglise. Cette virginité donne, en effet, aux âmes une telle force spirituelle, qu'elle peut, s'il le faut, les pousser jusqu'au martyre ; et c'est ce qu'enseigne l'histoire très nettement, en proposant à l'admiration de tous, tant de phalanges de vierges, depuis Agnès la Romaine jusqu'à Maria Goretti,

L'état de virginité est en quelque sorte une anticipation de la vie leste.

Ainsi, ce n'est pas sans raison qu'on appelle la virginité la vertu angélique ; c'est ce qu'assure saint Cyprien, en écrivant à des vierges : « Ce que nous serons plus tard, vous commencez, vous, à l'être déjà. Vous jouissez déjà, en ce siècle, de la gloire de la résurrection ; vous passez dans le siècle sans en souffrir la contagion. En persévérant dans la chasteté et la virginité, vous êtes égales aux anges de Dieu. »54 A l'âme assoiffée de vie très pure et brûlante du désir d'arriver au règne de Dieu, la virginité est offerte « comme une pierre précieuse », pour laquelle un homme « a vendu tout ce qu'il avait et l'a achetée » . Quant à ceux qui sont mariés et même jusqu'à ceux qui se roulent dans la fange des vices, lorsqu'ils voient des vierges, souvent ils admirent la splendeur de leur pureté et ils se sentent poussés à la poursuite de ce qui doit sur-












Matth., 25, 35-36, 40.

A. A. S., 42, 1950, p. 663 ; Documents Pontificaux 1950, p. 401.



passer les plaisirs des sens. Ce qu'assure saint Thomas d'Aquin, en écrivant : « A la virginité... on attribue une beauté plus sublime » °6, c'est, sans aucun doute, la raison du fait que les vierges attirent tout le monde à leur exemple. Et d'autre part, ces hommes et ces femmes ne démontrent-ils pas parfaitement, par leur parfaite chasteté, que cette maîtrise de l'âme sur les mouvements du corps est un effet du secours divin et un signe de puissante vertu ?

Il Nous plaît encore de souligner ce qui est le fruit le plus suave de la virginité : c'est que les vierges manifestent et rendent comme publique la parfaite virginité de leur Mère l'Eglise elle-même et la sainteté de son étroite union avec le Christ. C'est pour cela que, très sagement, ont été écrites les paroles dont se sert le pontife en suivant le rite de la consécration des vierges et en suppliant Dieu en ces termes : « Afin qu'il y ait des âmes plus sublimes qui, méprisant dans le mariage les plaisirs de la chair, en cherchent la signification secrète, et au lieu d'imiter ce qui se pratique dans le mariage, aspirent à ce qu'il symbolise 57. »

C'est, pour les vierges, leur plus grande gloire, qu'elles soient les images vivantes de cette parfaite intégrité qui unit l'Eglise avec son divin Epoux. Elles offrent, en outre, un signe admirable de la sainteté florissante et de la fécondité spirituelle par lesquelles excelle la société fondée par Jésus-Christ et elles procurent à cette même société une joie aussi intense que débordante. C'est pourquoi saint Cyprien écrit, fort à propos : « C'est la fleur qui s'épanouit en l'Eglise, l'honneur et l'ornement de la grâce spirituelle, la joie de sa nature, une oeuvre parfaite et sans tache de louange et de gloire, l'image de Dieu correspondant à la sainteté du Seigneur, la part la plus illustre du troupeau du Christ. La glorieuse fécondité de l'Eglise, notre Mère, se réjouit par elles et en elles elle fleurit abondamment ; et plus l'essaim des vierges grandit en nombre, d'autant plus croît la joie de cette Mère. »58



Telle est la doctrine traditionnelle de l'Eglise.

Cette doctrine qui établit l'excellence et la supériorité de la virginité et du célibat sur le mariage, comme Nous l'avons dit, a déjà été énoncée par le divin Rédempteur et l'Apôtre des nations ; de même au Concile de Trente,59 elle fut solennellement définie comme dogme de foi divine et les Pères et les Docteurs de l'Eglise ont toujours été unanimes à l'enseigner. Nous-même, comme nos Prédécesseurs, chaque fois que l'occasion Nous en a été donnée, Nous n'avons cessé de l'exposer et de la recommander vivement. Cependant, comme récemment plusieurs ont attaqué cette même doctrine transmise par l'Eglise, non sans graves dangers et dommages pour les fidèles, en raison des devoirs de Notre charge, Nous avons jugé opportun de l'exposer à nouveau dans cette Encyclique et de dévoiler et condamner les erreurs qui, bien souvent, sont proposées sous la fausse apparence de la vérité.



Toutefois aujourd'hui certains affirment que la chasteté est nuisible l'épanouissement physique de l'homme.

D'abord, selon le sentiment commun d'hommes éprouvés, auquel l'Eglise a toujours fait honneur, ceux qui considèrent l'instinct sexuel naturel comme la plus importante et la plus grande inclination de l'organisme humain, et










S. Thomas, Sum. theol., 2a-2ae, q. CHI, a. 5.

Pontificale Romanum : « De benedictione et consecratione virginum ».








par conséquent en concluent que l'homme ne peut pendant toute sa vie contenir un tel instinct sans courir le grave danger de détériorer son organisme, et particulièrement ses nerfs, et donc de nuire à l'équilibre de sa personnalité, sont sans aucun doute dans l'erreur.

Comme saint Thomas le fait justement observer, l'instinct qui est le plus profondément enraciné dans notre âme est celui de la conservation, l'instinct sexuel ne vient qu'en second lieu. De plus, il appartient à l'impulsion dirigeante de la raison humaine, ce privilège singulier de notre nature, de maîtriser les impulsions et les instincts et de les ennoblir en les dirigeant avec rectitude 6°.



Pour être chaste il faut faire effort et être secouru par la grâce de Dieu.

Il est vrai, malheureusement, qu'après le premier péché d'Adam, les facultés et les désirs déréglés de notre corps cherchent à dominer non seulement les sens, mais les âmes, en obscurcissant les esprits et en affaiblissant les volontés. Mais la grâce de Jésus-Christ nous est donnée, particulièrement par les sacrements, pour que, vivant de l'esprit, nous réduisions notre corps en servitude81. La vertu de chasteté n'exige pas de nous que nous ne sentions pas l'aiguillon de la concupiscence, mais plutôt que nous le soumettions à la juste raison et à la loi de la grâce, en le faisant tendre de toutes nos forces à ce qu'il y a de plus noble dans la vie humaine et chrétienne.

60 S. Thomas, Sum. theol., ia-2ae, q. XCIV, a. 2. M Gal., 5, 25 ; I Cor., 9, 27.




Pour acquérir parfaitement cette domination de l'âme sur les sens, il ne suffit pas de s'abstenir seulement des actes qui sont directement contraires à la chasteté, mais il est absolument nécessaire de renoncer volontairement et généreusement à tout ce qui, de près ou de loin, offense cette vertu ; l'âme régnera alors pleinement sur le corps et pourra, avec tranquillité et liberté, vivre de sa vie spirituelle. Qui ne voit, parmi ceux qui sont imprégnés des principes de la religion catholique, que la virginité et la chasteté parfaite, loin de nuire au développement et au progrès naturels de l'homme et de la femme, les augmentent et les ennoblissent au plus haut point ?

Il est faux d'affirmer que l'état de mariage assure mieux la perfection humaine que la virginité.

Récemment, Nous avons, avec regret, condamné l'opinion de ceux qui vont jusqu'à dire que seul le mariage peut assurer à la personnalité humaine le développement naturel et la perfection voulue °2. Certains, en effet, affirment que la grâce, donnée ex opère operato dans le sacrement de mariage, sanctifie l'usage du mariage jusqu'à en faire un moyen plus efficace que la virginité elle-même pour unir les âmes à Dieu, puisque le mariage chrétien est un sacrement, tandis que la virginité ne l'est pas. Nous dénonçons cette doctrine comme fausse et pernicieuse. Certes, ce sacrement donne aux époux la grâce d'accomplir saintement leur devoir conjugal et renforce les liens de l'amour réciproque qui les unit ; cependant, il n'a pas été institué pour faire de l'usage du mariage en quelque sorte, un moyen plus apte en soi à unir à Dieu les âmes des époux par les liens de la charité 63. Saint Paul n'a-t-il pas plutôt reconnu aux époux le droit de s'abstenir de l'usage du mariage pour un certain temps, afin de vaquer à la prière "4, parce que cette abstinence rend plus libre l'âme de celui qui veut s'adonner aux choses de Dieu et à la prière ?

Enfin, on ne peut pas affirmer, comme le font certains, que « l'aide mutuelle » 65que les époux cherchent dans le mariage chrétien, soit pour leur propre sanctification une aide plus parfaite que — selon l'expression utilisée ¦— la solitude de coeur des vierges et des non-mariés. Car bien que ceux qui ont embrassé l'état de chasteté parfaite aient renoncé à l'amour humain, on ne peut dire que par cette renonciation ils aient diminué ou dépouillé leur personnalité humaine. Ils reçoivent, en effet, du Rémunérateur céleste lui-même un don spirituel, qui dépasse de loin 1'« aide mutuelle » qu'il est donné aux époux de recevoir l'un de l'autre. En se consacrant à Celui qui est leur principe et qui leur communique sa vie divine, bien loin de s'appauvrir, ils s'enrichissent au plus haut point. Qui pourrait prendre à son compte d'une façon plus vraie que les vierges, cette phrase admirable de saint Paul : « Ce n'est pas moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi » ,8 ?

C'est pour cette raison que l'Eglise estime avec sagesse devoir maintenir le célibat des prêtres, parce qu'elle sait qu'il est et doit être une source de grâces qui les unit plus intimement à Dieu.

C'est une erreur de croire que l'apostolat des gens mariés est plus efficace que celui des vierges.

Nous e3timons op0ortun de parler encnre de ceux qui, pkur détourner les jeunes gdns des Séminaires et les jeunes filles des Instituts religieux, essaient da les persuader que l'Eglise, auj„urd'hui, a davantage besoin de l'aide et des exemples de vertu chrétienne de ceux qui sont unis dans le mapiage et vivent au milieu des autres hommes, que des prêtres et des religieuses qui, à cause de leur voeu de

«5 </span6Cf. Code de droit canon, can. 1013. § 1er. «« G!l., 2, 20.

chasteté, vivent comme séparés de la société humaane. Il n'esp personne, Vénérables Frères, qui ne voie que cette opilion ast absklument fausse et pernicieuse.

Y Ce n'est certes pas notre intention de nher qud les époux catholiques, par l%s exemples de leur vie chrétienne, dans leur milieu de vie et d'affaires, peuvent porter des fruits abondants et salutaires par le témoignage de leurs vertus. Cependant, celui qui, pour cette raison, suggère qu il est préférable de vivre dans le mariage que de se consacrer à Dieu, invertit et confond l'ordre normal des choses. Il est certain que Nous désirons ardemment, Vénérables Frères, que ceux qui sont déjà mariés ou aspirent à le devenir soient instruits du grave devoir qui leur incombe, non seulement d'élever avec un soin parfait leurs enfants, mais d'aider les autres, dans la mesure de leurs moyens, par leurs bons exemples et le témoignage de leur foi. Mais ceux qui cherchent à détourner les adolescents d'entrer au Séminaire ou dans les Ordres et Congrégations religieuses, et de prononcer les saints voeux, en les persuadant qu'ils peuvent, en se mariant, faire davantage de bien spirituel par la profession publique et visible de leur vie chrétienne, en tant que père ou mère de famille, tous ceux-là, comme la conscience de Notre charge Nous en fait un devoir, Nous ne pouvons que les condamner absolument. Ils feraient beaucoup mieux d'exhorter avec le plus de zèle possible ceux qui, nombreux, vivent dans le mariage à coopérer avec empressement aux oeuvres d'apostolat laïc, plutôt que de chercher à détourner de l'état de virginité les jeunes, aujourd'hui malheureusement peu nombreux, qui veulent se consacrer au service de Dieu. Saint Ambroise écrit opportunément, à ce propos : « Il a toujours appartenu à la grâce sacerdotale de répandre la semence de la chasteté et de susciter l'amour de la virginité »

S. Ambroise, De Virginitate, c. V., n. 26 ; P. D., 16, 2'2.






Nous estimons en outre devoir avertir qu'il est absolument faux `'affirmer que ceux qui embrassant une vie de chasteté parfaite sont comme étrangers à la communauté des hommes. Les religieuses qui consacRent leur vie au servicd des pauvres et des malades, sans distinction de race, de condition soci!le ou de religion, ne sont-elle# pas unies intimement aux misères et aux douleurs de ces derniers et n'y compatissent-elles pas coime le feraient leur3 mèrec ? De même, le prêtre, à l'exemple du divin Maître, ne remplit-il pas l'office de bon pasteur qui connaît ses brebis et les appelle par leur nom 68 ? C'est là une conséquence de la chasteté parfaite que pratiquent ces prêtres, ces religieux at ces religieuses, qu'ils puissent se dévouer à tmus les hommes et les aimer tous de l'amour du ChriSt. Même ceux qui mènent la vie contemplative, parce qt'ils offrent à Dieu non seulement leurs prières %t leurs supplications, mais aussi leur 0ropre immolation pour le salut des autres, contribuEnt beaucoup au bien de l'Eglise ; ils sont même hautement louables, car, dans les circonstances présentes, ils se consacrent aux oeuvres d'apostolat et de charité selon les directives que Nous avons données dans la Lettre apostolique, Sponsa Christi69 ; ils ne peuvent pas être considérés comme étrangers à la société, puisqu'ils contribuent doublement au bien spirituel des hommes.

Pie XII rappelle quelques principes, et tout d'abord que la perfection peut être atteinte en dehors de la virginité.

Nous en venons maintenant, Vénérables Frères, aux conséquences pratiques qu'on peut déduire de la doctrine de l'Eglise sur l'excellence de la virginité.

Il faut d'abord dire clairement ceci : de ce que la virginité doit être estimée comme un état plus parfait que

«8 Jean, 10, 14 ; X, 3.

«8 Cf. A. A. S., 43, 1951, p. 20 ; Documents Pontificaux 1950, p. 538.

le mariage, on ne doit pas conclure qu'elle doive être considérée comme nécessaire pour parvenir à la perfection chrétienne. Il est possible de vivre saintement, même sans chasteté consacrée à Dieu, comme le prouve l'exemple de tant de saints et de saintes, honorés par l'Eglise d'un culte public, qui ont été des époux fidèles et d'excellents pères et mères de famille ; et il n'est pas rare de rencontrer des époux qui recherchent ardemment la perfection chrétienne.

La chasteté n'est donc pas obligatoire.

Il faut en outre faire observer que Dieu na pas imposé la virginité à tous les chrétiens, comme l'enseigne saint Paul par ces paroles : « Pour ce qui est des vierges, je n'ai pas de commandement du Seigneur, mais je donne un conseil™ ». Ce n'est qu'un conseil qui nous invite à embrasser la chasteté comme conduisant ceux « à qui cela a été donné » d'une façon plus sûre et plus facile à la perfection évangélique à laquelle ils aspirent et au royaume de Dieu ; comme le fait remarquer justement saint Ambroise, « elle est proposée et non imposée » .

C'est pourquoi, d'une part, la chasteté parfaite postule des chrétiens un libre choix avant qu'ils s'offrent et se consacrent à Dieu ; d'autre part, elle postule de Dieu lui-même un don et une grâce supérieure '3. Déjà le divin Rédempteur lui-même nous a avertis à ce sujet en disant : « Tous ne comprennent pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela a été donné... Comprenne qui peut comprendre 74. » Commentant cette parole de Jésus-Christ,

saint Jérôme invite « chacun à estimer ses propres forces pour savoir s'il lui sera possible de pratiquer la virginité et d'obéir aux préceptes de la pureté. La chasteté en elle-même est, en effet, douce et attirante pour tous. Mais il faut bien mesurer ses forces pour que celui qui peut comprendre comprenne. La voix du Seigneur semble encourager et exhorter ses soldats à recevoir la récompense de la chasteté. Que celui qui peut comprendre comprenne : que celui qui peut combattre combatte, vainque et triomphe » 75.
Ceux qui veulent mener une vie chaste, doivent s'y préparer.


La virginité est, en effet, une vertu difficile : pour pouvoir la pratiquer, il ne suffit pas seulement d'être fermement et expressément décidé à s'abstenir d'une façon absolue et pour toujours des plaisirs licites du mariage, il faut encore, pour contenir et maîtriser les révoltes de la chair et les passions du coeur par une vigilance et une lutte constantes, fuir les attraits du monde afin de triompher des tentations du démon. Combien vraie est cette phrase de saint Jean Chrysostome : « La racine et le fruit de la virginité, c'est une vie crucifiée 76. » La virginité, en effet, selon saint Ambroise, est comme un sacrifice et la vierge elle-même « une hostie de pureté, une vktime de la chasteté » ". Mieux, Méthode, évêque d'Olympe, compare les vierges aux martyrs 78, et saint Grégoire le Grand enseigne que la chasteté parfaite supplée le martyre : « Car, bien que le temps de la persécution soit passé, notre paix a cependant son martyre ; bien que nous ne présentions pas notre cou au fer, nous tuons les désirs charnels avec un glaive spirituel » C'est pourquoi la chasteté consacrée à Dieu exige des âmes fortes et nobles qui soient prêtes à lutter et à vaincre « pour le

1 • 80

royaume des cieux » .

Avant de s'engager sur ce chemin ardu, que ceux à qui l'expérience a appris qu'ils ont l'âme trop faible, écoutent humblement cet avertissement de saint Paul : « S'ils ne peuvent se contenir, qu'ils se marient ; car il vaut mieux se marier que de brûler81. » Pour beaucoup, en effet, la continence perpétuelle serait une charge beaucoup trop lourde pour qu'on puisse la leur conseiller. De même les prêtres qui aident de leurs conseils les adolescents qui disent sentir l'appel au sacerdoce ou à la vocation religieuse, ont le strict devoir de les exhorter à considérer la chose attentivement, de façon qu'ils ne s'engagent pas dans un chemin dont on ne peut pas espérer qu'ils le parcourront jusqu'au bout avec constance et succès. Qu'ils examinent prudemment leurs aptitudes, en demandant conseil même à des médecins chaque fois que cela leur semblera nécessaire ; alors, s'il reste un doute sérieux, surtout à cause de l'expérience de leur vie passée, qu'ils usent de leur autorité pour dissuader les candidats d'embrasser l'état de chasteté parfaite, et pour empêcher leur admission aux Ordres sacrés et à la profession religieuse.

Il faut cependant proclamer que la chasteté est possible, si les généreux font appel à la grâce de Dieu.

79 s. Grégoire le Grand, Hom. in Evang., 1. I, hom. III, n0 4 ; P. L., LXXVI, 1089. «0 Matth., 19, 12. 81 I Cor., 7, 9.




Bien que la chasteté consacrée à Dieu soit une vertu difficile, cependant, ceux qui, à l'invitation de Jésus-Christ, après un sérieux examen, répondent d'un coeur généreux et font tout leur possible pour la pratiquer, peuvent






la conserver fidèlement et parfaitement. En effet, en acceptant cet état de virginité et de célibat, ils reçoivent de Dieu la grâce avec l'aide de laquelle ils pourront garder leur promesse. C'est pourquoi, si d'aventure ils s'en trouvaient « qui ne pensent pas avoir reçu le don de la chasteté (même s'ils en ont fait le voeu) » 82, qu'ils ne prétendent pas à cause de cela ne pouvoir satisfaire à leurs obligations sur ce point : car « Dieu ne commande pas des choses impossibles, mais en commandant il conseille, et de faire ce que tu peux et de demander ce que tu ne peux pas , et il t'aide à pouvoir » 8\ Rappelons cette vérité si consolante aussi à ceux dont la volonté est affaiblie par des troubles nerveux et auxquels certains médecins, parfois même catholiques, conseillent avec trop de facilité — sous ce prétexte fallacieux qu'ils ne pourront jamais conserver la chasteté sans nuire à leur équilibre mental — de se faire relever de leurs obligations. Combien il serait plus utile et opportun d'aider ces malades à fortifier leur volonté, et de les convaincre que la chasteté n'est pas impossible, même pour eux, selon la parole de l'Apôtre : « Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation, il ménagera aussi une heureuse issue en vous donnant le pouvoir de la supporter 8\ »

Les moyens recommandés par le divin Rédempteur lui-même pour protéger efficacement notre vertu sont : une vigilance assidue et attentive, grâce à laquelle nous faisons soigneusement ce qui est en notre pouvoir ; et en outre une prière constante par laquelle nous demandons à Dieu ce que, en raison de notre faiblesse, nous ne pouvons pas

Conc. Trid., sess. XXIV, can. 9.

S. Augustin, De natura et gratin, c. XLII, nO 50 ; P. L., 44, 271. Conc. Trid., sess. VI, c. 11. I Cor., 10, 13.

faire : « Veillez et priez afin que vous n'entriez point en tentation ; l'esprit est prompt, mais la chair est faible » .

Pour rester chaste, il faut veiller, prier et se mortifier.

Une telle vigilance, qui doit s'étendre à tous les instants et toutes les circonstances de notre vie, nous est absolument nécessaire : « Car la chair a des désirs contraires à ceux de l'esprit et l'esprit en a de contraires à ceux de la chair » 8\ Si quelqu'un fait des concessions, même petites, aux désirs de la chair, il se sentira facilement entraîné à ces « oeuvres de la chair » que l'Apôtre énumère , et qui sont les vices les plus honteux et les plus repoussants de l'humanité.

A cause de cela, il faut avant tout que nous veillions sur les mouvements des passions et des sens, et que nous les maîtrisions par une austérité volontaire de vie et les pénitences corporelles de façon à nous soumettre à la juste raison et à la loi de Dieu : « Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises » . L'Apôtre des nations avoue au sujet de lui-même : « Je traite durement mon corps et je le tiens en servitude, de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé » 9°. Tous les saints et saintes ont veillé attentivement aux mouvements de leurs sens et des passions et quelquefois les ont maîtrisés énergiquement, selon les paroles du divin Maître lui-même qui nous enseigne : « Et moi je vous dis que quiconque regarde une femme avec convoitise, a déjà commis l'adultère avec elle dans son coeur. Si ton oeil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi ; car il vaut mieux pour toi perdre un seul de tes membres et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la géhenne » 91. Par cet avertissement, notre Rédempteur nous demande d'une façon très claire tout d'abord que nous ne tombions pas dans le péché, ne serait-ce qu'en pensée, et de même, que nous écartions de nous avec une volonté ferme ce qui pourrait ternir cette magnifique vertu, même le plus légèrement. Sur ce point, on ne veillera jamais trop, on ne sera jamais trop sévère. Si quelqu'un en raison d'une mauvaise santé ou pour d'autres causes ne peut pas pratiquer les austérités corporelles, cela ne doit en aucun cas le dispenser de la vigilance et de la mortification intérieure.

Pour rester chaste il faut fuir les tentations et les occasions de péché.

A ce sujet, il faut encore rappeler — ce que d'ailleurs enseignent les Pères 92 et les Docteurs de l'Eglise 93 — que nous pouvons plus facilement vaincre les charmes du péché et les attraits des passions en les fuyant de toutes nos forces plutôt qu'en les affrontant directement. Pour protéger la chasteté, selon la phrase de saint Jérôme, la fuite vaut mieux que la lutte ouverte. « Je fuis pour ne pas être vaincu » M. Cette fuite doit être ainsi comprise que, non seulement nous évitions avec soin les occasions du péché, mais que, surtout dans ce genre de combat, nous élevions notre esprit et notre âme vers les choses divines, et particulièrement vers Celui à qui nous avons consacré notre virginité. « Regardez la beauté de Celui qui vous aime » 9\ comme le conseille saint Augustin.

»1 Matth., 5, 28-29.

82 Cf. s. Césaire d'Arles, Sermo, XLI ; éd. G. Morin, Maredsous, 1937, vol. 1er, p. 172.

98 Cf. S. Thomas, in Ep. I ad Cor., 6, lect. ; ; S. Fr. de Sales, Introduction à la vie

dévote, part. IV, c. VII ; S. Alphonse de Liguori, La vera sposa di Gesù Cristo, c. I, n0 16 •

c. XV, n0 10.

94 S. Jérôme, Contra Vigilant., 16 ; P. L., 23, 352.

95 S. Augustin, De sancta virginitate, c. LIV ; P. L„ XL, 428.

En tous temps, les saints et les saintes ont considéré cette fuite et cette vigilance attentive, par lesquelles nous devons éviter soigneusement les occasions du péché, comme la meilleure façon de lutter dans ce domaine ; cependant, aujourd'hui, il semble que tous ne pensent pas ainsi. Certains soutiennent que tous les chrétiens, et principalement les prêtres, ne doivent pas — selon leur expression — être séparés du monde comme dans les siècles passés, mais qu'ils doivent être présents au monde, et par conséquent qu'il est nécessaire de leur faire courir des risques et de mettre leur chasteté à l'épreuve, pour qu'ils montrent par là si, oui ou non, ils ont la force voulue pour résister : il s'ensuivrait que les jeunes clercs doivent tout voir, pour les habituer à tout regarder avec une âme tranquille et les immuniser contre tous les troubles. Pour cela, ils leur permettent facilement, sans aucune réserve, de regarder librement tout ce qui se présente à leurs yeux, d'aller au cinéma et de voir même les films qui sont prohibés par la censure ecclésiastique ; de feuilleter des revues, même obscènes, et de lire même les romans qui sont à l'index ou interdits par la loi naturelle. Et ils le leur permettent parce qu'ils estiment que les masses d'aujourd'hui se nourrissent de tels spectacles et de tels livres, et que ceux qui auront à les aider doivent comprendre leur mode de penser et de sentir. Mais il est facile de voir que cette façon d'éduquer les jeunes clercs et de les préparer à la sainteté de leur état est erronée et préjudiciable. En effet « celui qui aime le danger y trouvera sa perte » 9\ et ce conseil de S. Augustin est ici opportun : « Ne dites pas que vous avez des âmes pures si vous avez des yeux impurs, parce que l'oeil impur annonce un coeur impur . »

Eccli., 3, 24.

S. Augustin, Epist., CCXI, n0 10 ; P. L., 33, 961.



















Il n'est pas douteux que cette funeste façon d'agir repose sur une grave confusion de pensée. Certes, Notre-Seigneur a dit de ses apôtres : « Je les ai envoyés dans le monde » 98 ; mais avant, il avait aussi dit d'eux : « Ils ne sont pas du monde, comme moi-même je ne suis pas du monde » 98, et il a adressé cette prière à son Père : « Je ne vous demande pas de les ôter du monde, mais de les garder du mal » 10°. L'Eglise, qui est guidée par ces mêmes principes, a édicté des lois opportunes et sages pour éloigner les prêtres des tentations auxquelles peuvent facilement être sujets ceux qui sont engagés dans les affaires du monde 101 ; par ces règles leur sainteté de vie est suffisamment mise à l'abri des sollicitudes et des divertissements des laïcs.

A plus forte raison les jeunes clercs, parce qu'ils doivent être formés à la vie spirituelle et à la perfection sacerdotale et religieuse, doivent être écartés du tumulte du monde avant d'être lancés dans les luttes de la vie ; ils doivent demeurer longtemps au Séminaire ou au Scolasti-cat pour y recevoir l'éducation soigneuse et attentive qui les prépare progressivement et prudemment à traiter et à connaître les problèmes de notre temps, selon les directives que Nous avons Nous-même données dans l'Exhortation apostolique Menti Nostrae 10". Quel jardinier exposerait de jeunes plantes, sélectionnées, mais fragiles, aux rigueurs du temps pour éprouver une robustesse qu'elles n'ont pas encore ? Les élèves des Séminaires et des Sco-lasticats sont comme les jeunes plantes fragiles, il faut les tenir à l'abri et les exercer progressivement à la résistance et à la lutte.

Le Pape insiste sur la pratique de la vertu de pudeur.

Les éducateurs du jeune clergé feront oeuvre plus juste et utile en inculquant aux adolescents les principes de la pudeur chrétienne, qui est si utile pour conserver la virginité, et que l'on peut justement appeler la prudence de la chasteté. La pudeur prévient le péril qui menace, empêche de s'exposer au danger, et conseille d'éviter les occasions auxquelles s'exposent ceux qui sont moins prudents. Elle n'aime pas les paroles déshonnêtes et vulgaires, et elle a horreur de l'immodestie, même très légère ; elle se garde avec soin d'une familiarité suspecte avec les personnes de l'autre sexe ; elle porte fermement à donner au corps le respect qui lui est dû comme membre du Christ13 et comme temple du Saint-Esprit1 . Celui qui connaît cette modestie chrétienne a en horreur tout péché d'impureté, et il s'écarte immédiatement chaque fois qu'il se sent attiré par ses séductions.

La pudeur, en outre, suggère aux parents et aux éducateurs et met dans leur bouche les paroles qui sont opportunes pour former à la pureté la conscience des jeunes. « Cette réserve — comme Nous l'avons dit dans une allocution récente — ne doit pas être entendue de telle sorte qu'on fasse un silence perpétuel sur ce sujet, et que dans l'enseignement de la morale on n'en dise jamais un mot avec sobriété et prudence ,05. » Cependant, aujourd'hui, il arrive trop souvent que des professeurs et des éducateurs croient qu'il est de leur devoir d'initier d'innocents en

fants, garçons ou filles, aux mystères de la procréation d'une manière qui offense leur pudeur. La réserve chrétienne exige que, lorsque l'on traite de ce sujet, on le fasse avec juste mesure et modération.

Cette pudeur est alimentée par la crainte de Dieu, cette crainte filiale, basée sur une profonde humilité chrétienne, qui nous fait prendre en horreur le moindre péché, comme Notre prédécesseur, saint Clément Ier l'assure en ces mots : « Celui qui est chaste, qu'il ne s'en glorifie pas, sachant bien que c'est à un autre qu'il doit ce don de la continence » 106. Quelle est l'importance de l'humilité dans la sauvegarde de la virginité, personne peut-être ne l'a dit plus clairement que saint Augustin : « La continence perpétuelle, et bien plus la virginité, est un grand don de Dieu qui est fait aux saints, il faut veiller avec soin à ce que l'orgueil ne le corrompe... Plus grand est le bien que je vois, plus je crains pour lui l'orgueil ravisseur. Ce don de la virginité, il n'est personne d'autre qui le protège que Dieu de qui il vient : et „ Dieu est amour " "". Le gardien de la virginité, c'est donc l'amour, mais c'est dans l'humilité qu'il réside » 108.

Pour rester chaste il faut faire appel à la prière et aux sacrements.

Il y a encore une autre chose sur laquelle il faut soigneusement arrêter son attention : pour conserver intacte cette chasteté, ni la vigilance ni la pudeur ne sont suffisantes. Il faut encore utiliser ces secours qui dépassent nos forces naturelles : la prière, les sacrements de Pénitence et de l'Eucharistie, et une dévotion ardente envers la Très Sainte Mère de Dieu.

Il ne faut jamais oublier que la chasteté parfaite est un don supérieur qui vient de Dieu. Saint Jérôme dit nettement à ce sujet : « Cela a été donné 109 à ceux qui 1 ont demandé, qui l'ont voulu, qui ont peiné pour l'obtenir. Celui qui demande recevra, celui qui cherche trouvera, et à celui qui frappe, il sera ouvert11G. » S. Ambroise ajoute que de la prière dépend la constante fidélité des vierges envers le divin Epoux m. Et saint Alphonse de Liguori, avec son ardente piété, enseigne qu'il n'y a rien de plus nécessaire et de plus sûr pour vaincre les tentations contre cette belle vertu de la pureté que de se réfugier aussitôt près de Dieu dans la prière U2.

A la prière, il faut encore ajouter le sacrement de la Pénitence qui, reçu fréquemment et avec ferveur, est un remède spirituel qui purifie et guérit ; il en est de même de l'Eucharistie qui, selon les paroles de Notre Prédécesseur d'immortelle mémoire Léon XIII, est « le meilleur remède contre la concupiscence » 1 . Plus une âme est pure et chaste, plus elle a faim de ce Pain dans lequel elle puise la force de résister à tous les attraits du péché impur, et par lequel elle s'unit plus intimement avec le divin Epoux : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » 1U.

La dévotion envers la Sainte Vierge est une excellente garantie en faveur de la pureté.

109 Matth., 19, il.

HO Md., 7, 8 ; S. Jérôme, Comm. in Matth., 19, 11 ; P. t., 26, 135.

111 S. Ambroise, De virginibus, 1. III, c. IV, n0 18-20 ; P. t., 16, 225.

112 S. Alphonse de Liguori, Pratica di amar Cesù Cristo, c. XVII, no 7-16.

113 Léon XIII, Enc. Mi'rae caritatis, 23 mai 1902 ; A. L., 22, pp. 1902-1903.

114 Jean, 6, 57.




Pour garder une chasteté sans tache et parfaite, et pour la faire grandir, il existe un moyen remarquable et qui n a cessé de faire ses preuves au cours des siècles : c est une

dévotion solide et fervente envers la Vierge Mère de Dieu. D'une certaine manière, tous les autres moyens se trouvent contenus dans cette dévotion ; celui qui en est animé sincèrement et profondément est sans aucun doute poussé à veiller attentivement, à prier et s'approcher avec fruit du tribunal de la Pénitence et de la Table sainte. C'est pourquoi, Nous exhortons d'un coeur paternel tous les prêtres, les religieux et les religieuses à se mettre sous la particulière protection de la Mère de Dieu, qui est la Vierge des vierges et « l'éducatrice de la virginité », selon l'expression de saint Ambroise U5, et qui est, tout particulièrement, la Mère très puissante de tous ceux qui se sont consacrés au service de Dieu.

Saint Athanase fait remarquer que c'est par elle qu'est née la virginité 116, et saint Augustin enseigne clairement : « C'est avec la Mère de Dieu qu'a commencé la dignité virginale » "7. A la suite de saint Athanase "8, saint Ambroise propose en exemple aux vierges la vie de la Vierge Marie : « Filles, imitez-la... 119. Que la vie de Marie soit pour vous comme un tableau de la virginité, qui, ainsi qu'un miroir, reflète l'éclat de la chasteté et la beauté de la vertu. Prenez des exemples pour votre vie, là où se trouve pour vous comme un modèle qui vous montre ce que vous devez corriger, imiter et garder... Elle est l'image de la virginité. Telle, en effet, fut Marie, que sa seule vie soit un enseignement pour tous... 120. Que Marie, donc, soit la règle de votre vie » « Si grande fut sa grâce qu'elle n'a pas gardé pour elle seule le don de la virginité, mais qu'elle a donné la parure de l'intégrité à ceux aussi sur lesquels elle veillait122. » Combien est vraie cette phrase du même saint Ambroise : « O richesses de la virginité de Marie ! 123 » C'est à cause de ces richesses qu'il est si profitable aux religieuses, aux religieux et aux prêtres d'aujourd'hui de contempler la virginité de Marie, pour pratiquer plus fidèlement et plus parfaitement la chasteté de leur état.

Qu'il ne vous suffise pas, chers fils et filles, de méditer les vertus de la Bienheureuse Vierge Marie : recourez à elle avec une confiance absolue, selon le conseil de saint Bernard : « Cherchons la grâce et cherchons-la par Marie 124. » Et particulièrement en cette Année mariale, confiez-lui le soin de votre vie spirituelle et de votre perfection, imitant l'exemple de saint Jérôme qui affirmait : « Pour moi, la virginité est une consécration en Marie et au Christ 12\ »

Pie Xll se réjouit de voir dans l'Eglise tant de vierges. Cependant le nombre de ceux qui se consacrent à Dieu diminue.

Dans les graves difficultés contre lesquelles l'Eglise doit aujourd'hui lutter, c'est une grande consolation pour Notre âme de pasteur suprême, Vénérables Frères, de voir que la virginité qui fleurit dans le monde entier, en notre époque comme dans la précédente, est tenue en grand estime et hautement honorée, bien que, comme Nous l'avons dit, elle se heurte à des erreurs, qui, nous l'espérons, seront passagères et se dissiperont rapidement.



























Nous ne nions cependant pas que Notre joie se voile d'une certaine tristesse en voyant que, dans de nombreux pays, le nombre de ceux qui répondent à l'appel de Dieu et embrassent l'état de virginité diminue de jour en jour. Nous en avons déjà montré les principales causes et Nous n'avons pas à y revenir. Nous exprimons plutôt Notre confiance que les éducateurs de la jeunesse qui sont tombés dans ces erreurs en reviennent au plus vite et les répudient, qu'ils aient à coeur de les réparer, et qu'ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour que ceux qui se sentent appelés par une force surnaturelle au sacerdoce et à la vie religieuse et s'en confient à eux, soient aidés de toutes manières pour atteindre ce noble idéal. Et souhaitons que de nouvelles et plus nombreuses légions de prêtres, de religieux et de religieuses, répondant en nombre et en qualité aux besoins actuels de l'Eglise, s'avancent au plus tôt pour cultiver la vigne du Seigneur.

Le Pape fait appel spécialement aux parents, afin qu'ils favorisent ¡'eclosión des vocations.

Nous exhortons en outre — comme la conscience de Notre charge apostolique Nous en fait un devoir — les pères et les mères de famille pour qu'ils consentent volontiers à offrir au service du Seigneur ceux de leurs enfants qui s'y sentent appelés. Si cela leur coûte, s'ils en éprouvent de la tristesse ou de l'amertume, qu'ils méditent attentivement ces paroles que saint Ambroise adressait aux mères de Milan : « J'ai connu des jeunes filles qui voulaient se consacrer à Dieu et qui en ont été empêchées par leur mère... Si c'était un homme que vos filles voulaient aimer, les lois leur permettraient de choisir celui qu'elles désirent. S'il leur est permis de choisir un homme, ne leur est-il pas permis de choisir Dieu ? 126 »

Que les parents pensent au grand honneur qui rejaillit sur eux avec un fils qui reçoit la prêtrise ou une fille qui consacre sa virginité au divin Epoux. Parlant des vierges sacrées, le même évêque de Milan disait : « Parents, vous avez entendu... la vierge est un don de Dieu, une oblation de son père, le sacerdoce de la chasteté. La vierge est l'hostie de sa mère, dont le sacrifice quotidien apaise la colère de Dieu 1 . »

Le Saint-Père signale aussi les âmes consacrées à Dieu, qui subissent persécution dans les nombreux pays soumis au régime communiste.

Maintenant, Vénérables Frères, avant de terminer cette Encyclique, nous désirons diriger Notre esprit et Notre coeur tout particulièrement vers ceux et celles qui, consacrés à Dieu, subissent dans de nombreux pays de dures et terribles persécutions. Qu'ils prennent exemple sur ces vierges sacrées des premiers temps de l'Eglise qui ont subi le martyre pour leur virginité avec un courage résolu et invincible 12S.

Que tous persévèrent fermement dans leur sainte résolution de servir Dieu « jusqu'à la mort » 129 ; qu'ils pensent à la grande valeur que représentent devant Dieu leurs angoisses, leurs souffrances et leurs prières, pour instaurer son règne dans leur pays et dans toute l'Eglise ; qu'ils soient aussi certains que ceux qui « suivent l'Agneau partout où il va » 13°, chanteront éternellement le « cantique nouveau » 131 que personne d'autre ne peut chanter.

127 Ibid., c. VII, nO 32 ; P. L., 16, 198.

128 S. Ambroise, De virginibus, 1. II, c. IV, n» 32 ; P. L., 16, 215-216.

129 Phil., 2, 8.
180 Apoc., 14, 4.
"I Ibid., 3.




Notre coeur paternel et compatissant se tourne avec émotion vers ces prêtres, ces religieux et ces religieuses



126 S. Ambroise, De virginibus, 1. I, c. X, nO 58 ; P. L., 16, 205.

qui, courageusement, confessent leur foi jusqu'au martyre ; Nous prions pour eux comme aussi pour toutes les âmes consacrées au service divin dans toutes les parties du monde pour que Dieu les confirme, les fortifie, les console ; et Nous vous invitons ardemment, Vénérables Frères, ainsi que vos fidèles, à prier en union avec Nous afin d'implorer pour eux les consolations célestes ainsi que les dons et les secours divins qui leur sont nécessaires.

Pour qu'elle soit médiatrice de ces dons divins et en gage de Notre particulière bienveillance, Nous vous accordons de grand coeur, Vénérables Frères, Notre Bénédiction apostolique, à tous les prêtres, les religieux, les religieuses, en particulier à ceux « qui souffrent persécution à cause de la justice » ", et à tous vos fidèles.

<3î Matth., 5, lo.


Pie XII 1954 - III