Pie XII 1954 - PROTOCOLE FINAL


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU IIP CONGRÈS DES AVOCATS ESPAGNOLS

(ig juin 1954)1


Lors du Congrès des Avocats Espagnols qui s'est tenu à Valence en juin 1954, la lettre suivante adressée à Maître Eduardo Moleror bâtonnier du Barreau de Valence, fut lue :

Répondant au désir que vous avez manifesté, j'ai informé le Saint-Père des travaux que les avocats espagnols se proposent d'effectuer au cours de leur IIIe Congrès national qui doit se réunir prochainement à Valence.

Sa Sainteté, accueillant avec gratitude vos sentiments d'attachement à la Chaire de Pierre, m'a chargé de vous transmettre le témoignage de sa paternelle bienveillance. Elle s'est plu à voir l'ambiance de spiritualité dont vous voulez entourer cette manifestation, ainsi que le désir dont vous êtes animé de continuer les glorieuses traditions mariales par un fervent hommage à la Mère de Dieu en cette année qui lui est consacrée.

En accord avec ces sentiments religieux, vous avez très opportunément mis au nombre des thèmes d'étude non seulement ceux qui se réfèrent d'une manière plus directe à la technique de votre profession, mais aussi d'autres tendant à illustrer l'orientation catholique propre aux activités du forum.

Dans les temps actuels, en effet, lorsque « l'on voit chez de nombreuses personnes s'affaiblir le respect dû à la majesté du Droit et lui préférer les considérations d'intérêt et d'utilité, de force et de richesse, il est nécessaire que tout juriste catholique fidèle à sa mission aime et respecte avant tout la justice et la vérité » 2.

L'avocat qui prend en main la cause de son client lorsqu'il recueille et fait valoir tout ce qui peut être allégué en faveur de sa demande, peut et doit mettre toute son ardeur à faire triompher sa cause ; mais, « dans toute activité, il ne doit pas se soustraire à l'unique idéal commun : découvrir, assurer et faire valoir légitimement la vérité, le fait objectif » 3.

Par conséquent, celui qui accepte de défendre une cause ou une personne déterminée doit d'abord acquérir la certitude que le mandat dont il devra s'acquitter est juste. De même, dans ses multiples interventions, l'avocat doit être guidé pour l'administration de la justice par le souci de tout subordonner à la cause de la vérité. Il peut être assuré qu'en agissant ainsi, loin de perdre son prestige et son autorité devant sa clientèle, il les consolidera et les augmentera, et il contribuera par ailleurs à l'élévation de sa dignité professionnelle.

Ce sentiment de haute responsabilité dans l'accomplissement de sa mission, déjà si importante en elle-même pour la société, fera aussi que l'avocat, en étant en contact avec des personnes de toutes classes, fera rayonner dans les milieux les plus divers l'influence bienfaisante que par son honorabilité, par ses conseils et son appui désintéressés aux faibles et aux pauvres, par sa rectitude et son respect de la loi, par son travail pacificateur, il est appelé à exercer pour la bonne marche de l'ordre social.

Le Saint-Père, en s'adressant à cette haute assemblée du Barreau espagnol, animée de si nobles propos, formule ses meilleurs voeux pour l'heureux succès de ses travaux, et, afin que ses efforts portent des fruits abondants, invoque sur tous ceux qui en font partie l'abondance des lumières divines.

En gage des bénédictions célestes, l'Auguste Pontife, de tout coeur, accorde à vous, aux autres membres de la Commission organisatrice et à tous les participants au Congrès, la Bénédiction apostolique.



Discours de S. S. Pie XII, au tribunal de la Rote Romaine, le 3 octobre 1941. Discours de S. S. Pie XII, au tribunal de la Rote Romaine, le 2 octobre 1944.



LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU PRÉSIDENT DE LA XIVe SEMAINE SOCIALE

D'ESPAGNE


(25 juin 1954)1


Du 5 au 21 juillet s'est tenue à Burgos la XIVe Semaine sociale d'Espagne. Elle avait pour thème : la crise du logement. En cette occasion le Président, Son Exc. Mgr Gonzalez Menendès Reigada, évêque de Cordoue, reçut la lettre suivante :

Le Souverain Pontife qui a toujours suivi avec un vif intérêt le déroulement des Semaines Sociales d'Espagne a été heureux de recevoir les renseignements de Votre Excellence sur la XIVe Semaine qui va se tenir ces jours-ci à Burgos.

Le thème des travaux : le logement et ses problèmes, ne pouvait être plus opportun. Ce n'est pas un problème local, ni même national ; il s'agit d'un problème universel, d'une importance manifeste, aussi bien en lui-même que dans ses conséquences.

Le droit au logement est un droit fondamental de la personne humaine.

Le logement ou habitation est une des nécessités vitales de l'homme, un des droits de la personne humaine. Dans son aspect économique, que l'on ne peut séparer en lui de l'aspect moral, l'homme a besoin de nourriture, de vêtements et d'une maison, comme le dit l'Ecclésiaste : initium vitae hominis aqua et punis et vestimentum et domus protegens 3. Combien est-il douloureux de ne pouvoir satisfaire un de ces droits ! Mais si l'on dit cela à propos de l'individu isolé, lorsqu'on le considère vivant en famille le problème prend un caractère encore plus aigu. Les souffrances s'étendent alors à plusieurs êtres, et le coeur se serre à voir d'innocentes créatures manquer du nécessaire.

L'habitation doit réaliser une série de fins.

La conception chrétienne de l'habitation, spécialement quand il s'agit de la famille, englobe les diverses fins à laquelle elle est destinée. La maison est un foyer, un sanctuaire, une école, un atelier et une protection ; caractéristiques qui répondent aux fonctions mêmes de la famille, fonctions par ailleurs difficilement réalisables hors des murs de la maison ou dans un abri qui ne possède pas ces caractéristiques indispensables.

Or aujourd'hui il y a crise du logement.

Mais aujourd'hui malheureusement, nombreux, très nombreux sont les individus et les familles qui n'ont pas de maison ou qui vivent dans des conditions lamentables à tous points de vue. Sans les règles d'hygiène exigées, avec l'impossibilité d'observer comme il se doit les normes morales, sans pouvoir donner aux enfants l'éducation nécessaire, manquant de l'attrait paisible et reposant que doit offrir le foyer après la fatigue du travail, « il est horrible de penser aux difficultés que le mauvais état de la maison cause à l'union et à l'intimité de la vie de famille » s.

Et comment en est-on arrivé à cet état de choses ? L'augmentation progressive de la population ; la concentration d'un nombre croissant d'habitants dans les centres urbains et industriels ; les problèmes économiques résultant du coût élevé de la construction et du maigre rapport des logements dans beaucoup de cas ; les nombreux impôts et charges du fisc ; les guerres « qui ont rendu la situation plus difficile et la nécessité d'un remède plus urgente » 4, tout cela a abouti à ce que le



S S. S. Pie XI, Encyclique Quadragesimo anno, A. A. S., 23, 1931, p. 221. * S. S. Pie XII, Discours à l'Institut Romain des Habitations à bon marché, 21 novembre 1953 ; cf. Documents Pontificaux 1953, p. 594.



rythme de la production, dans le secteur de la construction, est absolument insuffisant pour les besoins existants.

Pour porter remède à cette crise, il faut d'abord unir tous les efforts.

Les causes d'une situation si grave étant connues, il faut chercher les remèdes opportuns.

La première chose en l'occurrence est de se rendre compte que, devant un problème si vaste et si urgent, l'effort de tous est indispensable ; personne ne peut se dispenser de faire ce qui est facilement en son pouvoir pour alléger cette nécessité et « procurer à des milliers, à des millions d'individus et de familles un logement qui leur assure un minimum d'hygiène et de bien-être, de dignité et de moralité » 5.

L'Etat doit intervenir, lui aussi, mais à titre subsidiaire.

Les proportions du mal auquel il est nécessaire de remédier sont telles que la collectivité ne peut le faire à elle seule ; on doit recourir aussi à l'Etat, sans oublier que « les pouvoirs publics doivent, aussi bien dans toutes les questions que dans celle du logement, rendre possible l'initiative privée, la favoriser et en tout cas ne pas s'y opposer » 6.

Une législation sage en matière de propriété doit être promulguée.


Une des choses qui pourraient contribuer â la solution recherchée de ce problème serait une modification de la législation fiscale qui fût plus favorable à la propriété urbaine et capable de protéger les droits légitimes des propriétaires, protection qui ne manquerait pas de tourner à l'avantage positif de la construction. En même temps le plus haut intérêt s'attache à la production et à la réduction de prix, directe ou indirecte, des matériaux de construction, en évitant aussi de même les odieuses spéculations sur la valeur des terrains. « Les autorités compétentes, sans aucun doute, ne doivent ni ne peuvent soustraire, directement ou indirectement, à la propriété tout accroissement de valeur résultant uniquement de l'évolution des circonstances locales ; mais la fonction sociale de la propriété exige que ce gain n'empêche pas aux autres de satisfaire convenablement et à un juste prix un besoin aussi essentiel que celui d'une habitation » 1.

De plus l'Etat doit accorder des subventions à ceux qui veulent construire des logements.

Mais, outre cela, l'Etat peut aider, dans un sens positif — et il y aurait un grand mérite à cela — par des contributions financières, aussi bien les individus que les sociétés. Ces subventions devraient être effectuées suivant des critères justes et équitables, avec une application facile et dans la mesure que lui permettent ses ressources. De la sorte on aurait des loyers à bon marché et il existerait la possibilité de transformer d'humbles familles en propriétaires d'un foyer.

// faut encourager la création de sociétés privées qui entreprennent la construction d'habitations.

L'expérience a illustré les excellents résultats obtenus avec la création de sociétés à caractère de bienfaisance se consacrant à la construction de logements pour les classes les plus nécessiteuses. Soit en profitant du louable appui de l'Etat, soit en stimulant la générosité des particuliers, soit encore en organisant des coopératives dans ce but, ces sociétés ont apporté un soulagement méritoire à ce problème en édifiant des quartiers entiers, éloquent exemple de charité sociale.

7 Ibid.




On ne peut non plus oublier ici les possibilités des entreprises. On tend de plus en plus à donner à l'entreprise le sens d'une famille, où, les droits et les devoirs de chacun étant sauvegardés, tout le monde coopère dans un effort commun à la prospérité de celle-ci. Il n'est pas douteux que l'intérêt de l'ouvrier à l'égard de l'entreprise sera en proportion des mesures de prévoyance sociale qu'elle prend à son intention et parmi celles-ci aucune n'est aussi importante que de lui procurer une maison pour se reposer au milieu de la paix familiale de la fatigue quotidienne du travail. Aussi y a-t-il des entreprises

qui, grâce à l'une ou l'autre formule économique, recherchée avec sollicitude et intelligence, ont fait surgir de beaux quartiers autour des centres de travail.

Il faut aussi préconiser une réforme des moeurs, qui — au dedans — bâtit le foyer familial.

L'organisation mécanique de la vie actuelle et les erreurs qui existent sur la nature et la finalité de la famille — beaucoup oublient qu'elle doit être une unité spirituelle et morale, juridique et économique8 — ont notablement contribué à diminuer l'amour du foyer, qui, dans le passé, poussait les familles, comme une aspiration de rêve, à se procurer une maison personnelle, même au prix de gros sacrifices. Aujourd'hui, on vit trop longuement hors du foyer et on n'y recherche plus autant la vie familiale ; on n'aime plus l'épargne comme autrefois ou l'on cherche d'autres emplois pour l'argent en oubliant ce que représente pour la famille la paix domestique. Il y a là, par conséquent, un domaine dans lequel on peut faire beaucoup avec des résultats flatteurs.

Le Saint-Père qui a vu par le programme de la Semaine les projets d'étude des différents aspects de ce problème ne peut manquer d'exhorter tout le monde à apporter le plus grand zèle à diffuser largement les enseignements de la Semaine afin qu'ils contribuent efficacement à alléger un mal si étendu. On note dans votre nation une législation hautement favorable à ce sujet ; il y a des sociétés comme celle de la Sainte Famille de Cordoue qui ont réalisé un admirable travail , il existe des entreprises qui offrent à leurs employés des foyers convenables. Fasse donc le Seigneur que, grâce à l'effort de tous, l'intention chrétienne de procurer « un foyer à chaque famille » se réalise bientôt.

Sa Sainteté implore les lumières divines sur le travail de la Semaine et de tout coeur envoie, à Votre Excellence et à tous ceux qui assistent à celle-ci, la Bénédiction apostolique.





LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI



PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX SYNDICATS CHRÉTIENS DE BELGIQUE

(27 juin 1954) 1


A l'occasion du 50e anniversaire de la fondation de la C. S. C. (Confédération des Syndicats Chrétiens) de Belgique, M. A. Cool, président reçut la lettre suivante :

Lorsqu'en 1904 le secrétariat des Unions professionnelles chrétiennes était fondé pour unir les premiers syndicats chrétiens de Belgique, il eût sans doute paru téméraire de penser que ce modeste organisme grouperait, cinquante ans plus tard, près de la moitié des ouvriers et employés syndiqués de Belgique. Et voici pourtant que, pour célébrer le jubilé d'or de ce secrétariat, devenu la Confédération des Syndicats chrétiens, plusieurs dizaines de milliers d'affiliés, délégués par leurs camarades, se rassembleront le 27 juin à Gand, berceau du syndicalisme chrétien, sous la présidence du cardinal archevêque de Malines, entouré des membres de l'épiscopat belge. Le Souverain Pontife lui-même, répondant volontiers à votre requête, se plaît à vous adresser, par mon entremise, ses voeux très paternels.

Le Saint-Père d'ailleurs eut déjà l'occasion de reconnaître votre courageuse action en vue de « promouvoir l'ordre chrétien dans le monde ouvrier ». « C'est bien cela que veut votre syndicat, affirmait-il en 1949 : c'est à ce titre que Nous le bénissons 2. »































Il s'agissait bien, en effet, pour les pionniers du syndicalisme chrétien en Belgique, d'instaurer dans le monde ouvrier un ordre plus conforme à l'idéal du Christ. Et avec gratitude notre pensée se reporte vers les fondateurs de votre organisation, ces humbles travailleurs qui, résistant à la pression des syndicats adverses, acceptant même parfois d'être lésés jusque dans leurs intérêts matériels, ont mérité, par leur persévérance, les succès de ces dernières années. C'est aussi par la fidélité à cet idéal que, durant un demi-siècle, vos devanciers se sont dépensés pour améliorer la condition des ouvriers, faire respecter en eux la dignité de la personne humaine et leur assurer un rôle plus équitable dans la vie économique du pays. Ce faisant, ils ont servi l'Eglise comme des fils, témoignant de son vrai visage devant le monde du travail, et ils ont rendu manifeste aux yeux de tous qu'un mouvement syndical chrétien, sans le céder à nul autre pour la juste défense des travailleurs, sait garder la préoccupation de faciliter à ceux-ci la poursuite de leur vraie destinée, qui, pour eux comme pour quiconque, est en Dieu.

Pleine de reconnaissance à Dieu pour ce passé fécond, la confédération que vous présidez poursuit avec confiance son oeuvre. Certes, aujourd'hui, la complexité croissante des relations professionnelles et des conjonctures économiques rend souvent difficile la claire détermination de cet ordre chrétien à promouvoir dans la vie de travail. L'Eglise, en maintes circonstances, a précisé sa doctrine et formulé les directives opportunes ; ce n'est pas le lieu de les rappeler ici. Sa Sainteté se plaît plutôt à vous exhorter, en cette fête jubilaire, à demeurer pleinement fidèles dans votre action aux véritables traditions du syndicalisme et surtout au pur esprit chrétien.

La tâche du syndicat est précisée comme suit :

La tâche propre du syndicat est de représenter et de défendre les intérêts légitimes des travailleurs dans les contrats de travail. Ceux d'entre vous qui sont appelés, par la confiance de leurs camarades, à agir au nom du personnel d'une entreprise ou des membres d'une profession, ne doivent donc pas avoir d'autre but que de servir l'intérêt des salariés dans le cadre du bien commun de l'économie. Soucieux à bon droit d'obtenir de tous un respect effectif des justes libertés syndicales, ils comprendront avec quel soin ils doivent éviter de les compromettre en abusant du mandat qu'ils détiennent. Et s'il est vrai que les syndicats exercent naturellement une influence sur le politique et sur l'opinion publique, cependant, en outrepassant leur fin propre et en cédant à la pression des événements, « ils failliraient à l'attente et aux espérances que met en eux tout travailleur honnête et consciencieux » 3. Grâce à Dieu, les membres de la Confédération des Syndicats Chrétiens de Belgique ont su dans le passé et ils sauront dans l'avenir respecter les exigences de cette action syndicale, unissant dans une même volonté de justice le sens du devoir professionnel et la défense de leurs droits.

Le syndicat chrétien a une tâche spirituelle à accomplir.

Mais pour « promouvoir l'ordre chrétien dans le monde ouvrier », il importe plus encore de se pénétrer d'un authentique esprit de foi et de piété. Ainsi que vous le déclarez vous-même, en votre adresse d'hommage au Souverain Pontife, il ne suffit pas de recruter des membres, il faut aussi et avant tout leur apporter de fortes convictions et un style de vie chrétien. C'est pourquoi Sa Sainteté vous félicite particulièrement de placer au premier plan de vos objectifs la formation doctrinale et spirituelle des dirigeants et des militants, et elle se réjouit de savoir assidûment fréquentées les sessions d'étude, retraites et récollections, où vous bénéficiez du dévouement éclairé de vos aumôniers.

Animés de cet esprit surnaturel, vous proclamerez hardiment les principes infrangibles hors desquels le monde du travail ne peut espérer équilibre ni progrès ; vous montrerez à tous la voie — où vous vous êtes déjà engagés non sans d'appréciables résultats — qui conduit à une collaboration fraternelle entre représentants du travail et du patronat. Et quand bien même cet idéal de paix dans la justice et la charité serait démenti par l'âpreté de la vie quotidienne où se mêlent tant de passions et d'intérêts contradictoires, il appartient au syndicaliste catholique de se souvenir toujours de l'esprit dont il se réclame. Qui dénonce l'injustice de certaines conditions de travail ou d'existence doit être vigilant aux excès qui guettent ses propres jugements et ses

actes. Qui aime ses frères de travail au point de leur sacrifier son temps et parfois même la sécurité de son emploi doit aussi écarter de lui les funestes partialités de l'esprit de classe. Qui recourt aux lumières de l'Evangile pour orienter son action ne doit refuser aucune des vérités de cet enseignement ; qu'il s'en pénètre plutôt afin d'être pour ses frères un foyer rayonnant de vie surnaturelle. Tel est l'esprit chrétien, qui, avec l'aide du Seigneur, ne cessera d'animer de plus en plus les membres de la confédération.

Le Saint-Père n'en veut pour gage que le geste généreux et si éloquent par lequel vous avez voulu offrir à Monseigneur l'Evêque de Gand, pour mémorial de ce cinquantenaire, une nouvelle église construite dans un quartier ouvrier avec les dons des travailleurs affiliés à la confédération. De grand coeur Sa Sainteté vous en remercie et, vous renouvelant l'expression de sa paternelle confiance, elle vous accorde, ainsi qu'à tous les membres des syndicats chrétiens de Belgique, et à leurs aumôniers, une large Bénédiction apostolique.





ALLOCUTION AUX GYMNASTES


(30 juin 1954) 1


Aux participants du XIIIe Championnat mondial des Associations de gymnastique réunis dans la cour Saint-Damase, le Saint-Père dit :

Soyez les bienvenus vous tous, dirigeants, organisateurs et athlètes, qui participez à ces Championnats du monde de gymnastique. Nous saluons avec joie les représentants de tant de nations différentes, venus pour rivaliser dans une fraternelle émulation, aux yeux de sportifs émerveillés. Aboutissement d'une longue et difficile préparation, d'un travail persévérant et minutieux ces démonstrations seront aussi un témoignage d'effort désintéressé au service d'un noble but. Nous avons dit déjà, voici près de deux ans 2, comment le sport et la gymnastique peuvent contribuer à l'épanouissement des plus belles qualités morales, pourvu qu'ils sachent se maintenir dans les limites de leur finalité propre et se mettre toujours au service d'un idéal pleinement digne de l'homme.

Dans votre vie de tous les jours et dans les actions, humbles ou éclatantes, par lesquelles vous poursuivez votre tâche terrestre, Nous vous souhaitons d'apporter les mêmes vertus de simplicité, de loyauté, de maîtrise de soi et de respect d'autrui, que vous a enseignées la pratique de la gymnastique. Puissiez-vous aussi emporter de votre séjour à Rome, avec le souvenir d'un accueil chaleureux, le désir plus vif d'une collaboration internationale aussi franche et sincère sur tous les autres plans de la civilisation et de la culture.

En même temps que Nous formons ces voeux, Nous en demandons l'accomplissement à Dieu, Créateur du corps humain et de son âme intelligente et aimante, et Nous vous en donnons» pour gage Notre Bénédiction apostolique.













RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES RASSEMBLÉS A SALERNE LORS DE LA RECONNAISSANCE DES RELIQUES DE SAINT GRÉGOIRE VII

(11 juillet 1934) 1


En ce jouv Son Em. le Cardinal Schuster, archevêque de Milan procédait à la reconnaissance des reliques de saint Grégoire VU.

Le nom illustre de saint Grégoire VII que vous célébrez, chers fils, avec une solennité extraordinaire et fort opportune, sous la sage conduite de votre très aimé Pasteur, résonne déjà depuis neuf siècles dans l'Eglise de Dieu comme le symbole de l'athlète parfait et indompté du Christ. En même temps il s'oppose aux adversaires des droits du Siège Apostolique, à toutes les époques, comme un sérieux avertissement que tout assaut dirigé contre lui est condamné à se briser parce que Dieu est son bouclier inexpugnable. Depuis le jour où le Pontife invaincu, frappé à mort en plein combat pour ainsi dire, s'éteignit exilé dans votre cité de Salerne qui en garde les restes vénérés dans sa célèbre cathédrale, il n'y a pas un prêtre, un fidèle ou un Pasteur vraiment dévoué à la cause de Dieu et des âmes qui, en prononçant le nom de Grégoire VII, ne sen*e un frémissement de profonde admiration pour ses exploits et ne puise dans le souvenir de son héroïsme ce courage intrépide qui est, en tous temps, indispensable au soldat du Christ.

Avec raison, vous glorifiez Hildebrand, gloire de l'Ordre bénédictin, réformateur infatigable de l'Eglise que déjà son ami et collaborateur saint Pierre Damien appelait : immohilis co-lumna Sedis Apostolicse : colonne inébranlable du Siège Apostolique2 ; honorez le Pape Grégoire VII, à la mort duquel, le 25 mai 1085, un chroniqueur contemporain écrivait : . . . graviter corpore infirmatus, sed in defensione iustitiae usque ad mortem firmissimus, Salerni diem clausit extremum ; de cuius obitu omnes religiosi utriusque sexus, et maxime pauperes, do-luerunt. Erat enim catholicae religionis ferventissimus institutor, et ecclesiasticae libertatis strenuissimus defensor : gravement malade de corps mais ferme jusqu'à la mort dans la défense de la justice, sa fin fut déplorée par tous les fidèles des deux sexes et surtout par les pauvres. Il était en effet l'apôtre fervent de la religion catholique et l'ardent défenseur de la liberté ecclésiastique 3. De ces traits brefs, mis en valeur par des témoignages multiples et indiscutables, ressort la figure étonnante de Grégoire VII comme un géant de la Papauté, si bien qu'on peut dire de lui, sans crainte de se tromper, qu'il fut un des plus grands Pontifes non seulement du moyen âge mais de tous les temps. S'il est vrai que la grandeur d'un Pape doit se mesurer non seulement à sa sainteté personnelle mais à l'ample et exacte vision des problèmes de son époque, à la hauteur des buts proposés, aux forces morales employées à les réaliser, il n'y a pas de doute que Grégoire VII fut très grand dans son jugement, sa volonté et son action.

Fait étonnant aujourd'hui encore : à une époque d'agitations convulsives alternant avec de funestes relâchements, il s'est élevé au-dessus des mesquines convoitises personnelles et des intérêts de parti et a su déterminer, avec une clairvoyance sûre, les questions et les besoins essentiels qu'il fallait affronter et régler avec une résolution inébranlable. Ce qui apparaissait alors souverainement nécessaire et que Grégoire VII voulut avec ténacité, était de rétablir l'Eglise dans l'indépendance, l'unité et la sainteté dont son divin Fondateur l'avait dotée.

Il fallait que l'Eglise fût libre. Voici donc que Grégoire VII accepte les conflits qui s'imposent pour l'affranchir, comme un corps libre et sain, des chaînes et des entraves jetées par les puissances terrestres, spécialement à la liberté de choix de ses Pasteurs. Voilà quel fut le sens de la lutte des Investitures, une des plus âpres et des plus décisives que l'Eglise ait combattues pour son indépendance et qui a renforcé chez les Pontifes du



S. Pétri Dam. Epp. I, 2, 9 ; Migne, P. L., t. 144, col. 273 C.

Bernholii Chronicon ad a. 1085. - Mon. Cerm. Met., SS., t. V, p. 444, lignes ï-*.

second millénaire, qui s'ouvrait alors, la conscience de sa valeur suprême et du devoir de la défendre de toutes leurs forces.

Il fallait en outre que l'Eglise fût unie, de cette union organique et vivante caractéristique du corps parfaitement développé. Et voici que Grégoire VII se fait le promoteur infatigable de relations fréquentes et intimes avec les Evêques et, par leur intermédiaire, avec toute la chrétienté. La collection de ses Lettres dans lesquelles résonnent presque tous les noms des nations anciennes et récentes alors connues, sont le témoignage admirable de sa sollicitude pour l'unité de l'Eglise et de son vif désir de guérir la scission, alors déjà consommée, entre l'Orient et l'Occident chrétien.

Il fallait surtout que l'Eglise fût sainte. En effet, à quelle autre fin devrait donc servir son organisme, dont l'origine et la constitution intime dévoilent les prodiges ineffables de la sagesse, de la sainteté et de la charité de Dieu ? Voici pourquoi Grégoire VII déploie un zèle ardent pour restaurer les vertus sacerdotales et rénover dans le peuple les moeurs chrétiennes. C'est ainsi que, d'une Eglise sainte, unie et libre, il attendait une influence efficace et bienfaisante sur la cité terrestre. Aucun Pape peut-être n'a plus que lui compris et poursuivi avec ferveur la tâche de l'Eglise dans le monde et pour le monde.

Avec raison, historiens et hommes d'étude, suivis par l'opinion commune, ont considéré comme une marque caractéristique de la personne d'Hildebrand son culte pour la justice, pour le triomphe de laquelle il s'employa incessamment, lutta et mourut. Il a prononcé peu de paroles avec autant de respect et de ferveur que celle de iustitia, comme s'il avait toujours présente à l'esprit l'image de sa majesté souveraine, devant laquelle toute puissance créée doit s'incliner : Magis . . . mortem suscipere parati erimus, quam iustitiam relinquere4 : Plutôt la mort que trahir la justice ! écrivait-il en 1081 devant l'armée hostile d'Henri IV. La justice était pour lui l'ordre de Dieu dans le monde, elle supposait donc que toutes les choses humaines, des plus petites aux plus grandes, fussent ordonnées selon la volonté et la loi de Dieu et que l'homme fût façonné non sur le modèle du péché mais à l'image de Dieu : imago Dei, quae est forma iustitiae 5. Eclairé d'aussi hautes pensées, Grégoire se place au nombre des précurseurs qui déploient librement les forces intimes de l'Eglise pour faire prévaloir dans le monde le plan de Dieu. Dans cette oeuvre qui commence à Grégoire VII, pour se continuer dans les siècles suivants et jusqu'à nos jours d'une manière toujours plus concrète, le souvenir jamais affaibli de son Pontificat fut toujours et reste aujourd'hui une protestation claire et incomparable contre la fuite vile de quelques-uns devant la responsabilité qui incombe au fidèle chrétien dans le domaine entier de la vie publique.

De la sorte, tandis que les aspirations et les projets de Grégoire VII révèlent la clarté extraordinaire de son esprit, ses oeuvres donnent la mesure de l'exceptionnelle vigueur de son âme. Il osa entreprendre la lutte démesurée pour la liberté de l'Eglise et l'ordre juste, sachant non seulement défier les réactions violentes des instincts inhérents à la nature humaine, mais conscient aussi de la résistance qu'auraient opposée les traditions invétérées et les circonstances de fait, devenues depuis longtemps déjà un droit établi. Sous cet aspect, il semble opportun aujourd'hui encore de noter qu'il n'est pas conforme à la vérité historique de représenter Grégoire VII avec un caractère téméraire, c'est-à-dire enclin aux litiges et avide d'en semer sur son chemin ; au contraire, il a souffert indiciblement sous le poids de son Office et de sa responsabilité. Un certain nombre de ses Lettres qui révèlent, avec une transparence émouvante, le fond de son âme — celle par exemple qu'il écrivit à l'Abbé Hugues de Cluny, le 22 janvier 1075 8 — nous font pour ainsi dire revivre les drames intimes de son esprit, les luttes et les tristesses mortelles qui souvent l'étreignaient à la vue des maux qui l'entouraient, des démarches à accomplir, des résolutions à prendre. Celui qui le représenterait et le décrirait comme un homme dur et inaccessible prouverait certainement qu'il ne le connaît pas : il était au contraire disposé et accessible à la douceur qu'il laissa régner toutes les fois que le devoir le lui permit. A Canossa, où il lui aurait été facile d'abattre son adversaire Henri IV, abandonné presque de tous et réduit à demander grâce à ses pieds, le grand Grégoire, par un acte qui


























fut une preuve lumineuse de sa magnanimité souveraine, sacrifia au contraire les avantages politiques qui étaient dans ses mains aux sentiments du bon Pasteur et du prêtre du Christ. Ainsi à Canossa resplendit une vérité : que dans les circonstances les plus ardues, la Providence divine soutient et guide, par des secours extraordinaires, l'oeuvre du Vicaire du Christ ; et une grandeur : la grandeur surhumaine de Grégoire VII. — Il n'est pas non plus conforme à la vérité qu'il ait d'un coeur léger passé outre à d'anciens usages et à des droits présumés ; il examina bien plutôt avec un soin particulier les traditions ecclésiastiques mais il écrivit aussi les paroles mémorables : Dominus . . . non dixit : Ego sum consuetudo ; sed : verilas

Ces considérations nous amènent à pénétrer le secret de sa force intime. Il soutint les luttes que lui imposa son temps avec une pureté d'intention telle qu'on n'en pourrait imaginer de plus grande. Il eut exclusivement en vue la vérité et la volonté de Dieu. Faire prévaloir sur toute considération humaine le vouloir divin : voilà ce qu'il établit comme norme unique de son action, à peine élu au Souverain Pontificat, comme il le déclara ouvertement dans une lettre du 6 mai 1073 au duc Gode-froid : Neque enim liberum nobis est alicuius personali gratta legem Dei postponere aut a tramite rectitudinis pro humano fa-vore recedere : Nous ne sommes pas libres de faire passer la loi de Dieu après la faveur personnelle de quelqu'un ni de nous écarter, pour faire plaisir aux hommes, du sentier de la droiture8. A ce programme noble et saint, il resta fidèle jusqu'à son dernier souffle.

De la conscience assurée d'être, en vertu de son Office, le défenseur sur terre de la cause de Dieu, naissaient cette détermination et cette force avec lesquelles il resta immuablement ferme dans la poursuite des buts proposés, sans détours ni compromis au sujet des droits essentiels, même quand dans les dernières années de son Pontificat tombèrent de tous côtés sur lui revers et défaites. Les paroles que Grégoire VII en exil aurait prononcées sur son lit de mort devant les Cardinaux et les Evê-ques présents qui exaltaient son oeuvre correspondent certainement à une trempe d'âme et à une conduite de vie très droite telles que les siennes : Ego, fratres mei dilectissimi, nullos labores meos alicuius momenti jacio, in hoc solummodo confi-dens, quod semper dïlexi iustitiam et odio habui iniquitatem : Pour moi, mes frères bien-aimés, je n'accorde d'importance à aucune de mes oeuvres, et me fie seulement au fait que j ai toujours aimé la justice et haï l'iniquité9. Mais désormais l'objectivité plus grande qui honore les études historiques modernes a dissipé beaucoup de préjugés et reconnu la sincérité du coeur et la fermeté plus qu'humaine d'Hildebrand. A présent, sa mémoire reçoit de la part d'amis mais aussi de bon nombre d'ennemis le respect que mérite la haute figure d'un aussi grand Pape.

Nous ne voudrions toutefois pas prendre congé de vous, chers fils, qui certainement êtes du nombre des admirateurs et dévots de saint Grégoire VII, sans vous indiquer quelques leçons lumineuses que, du fond des siècles mais présent toutefois par son exemple, il vous adresse de son sépulcre glorieux. — C'est d'abord une exhortation à la confiance dans l'intervention divine toutes les fois qu'il s'agit du sort de l'Eglise. On a observé plusieurs fois dans les luttes soutenues par celle-ci au cours des siècles, que les puissances adverses remportèrent souvent, au début, des succès brillants tandis que ses défenseurs semblaient plongés dans les tempêtes des persécutions et des épreuves afin, dirons-Nous, de ne pas attribuer le triomphe qui allait venir à eux-mêmes et à la force de la prudence humaine mais à la vertu divine 10. C'est ainsi qu'un jour, Nous en sommes certain, vos souffrances aussi porteront des fruits de bien, ô chers Evêques, prêtres, religieux, laïcs, qui, de nos jours, êtes morts, emprisonnés, torturés, expulsés pour votre fidélité au Christ et à son Eglise. Ce n'est pas autrement que la Providence permit que Grégoire VII terminât sa vie, en exil, humilié, faisant figure de vaincu, dans l'écroulement apparent de toute son oeuvre. Mais il ne fallut pas attendre longtemps après sa mort pour qu'il apparût le vrai vainqueur de la lutte pour la liberté de l'Eglise ; on vit les obstacles brisés, et ses objectifs atteints et réalisés, au moins dans leur partie essentielle.

Une seconde leçon, que Nous appellerions volontiers un testament de Grégoire VII pour vous et pour les chrétiens

Greg. VII, vita a Paulo Bernriedensi conscripta, nO 108. - Watterich, Pont. Rom. I, Lipsiae 1862, pp. 538-539.

Bianchi, Délia potesta et délia politica délia Chiesa, Roma, 1745, t. I, pp. 211-211.



de tous les temps, c'est sa vie elle-même, consacrée à la grandeur de l'Eglise dans la perfection de laquelle il aperçut le salut du monde. Ecoutez docilement le triple avertissement qui vous parvient avec son nom : Aimez l'Eglise parce qu'elle mérite votre amour, elle, l'Epouse du Christ et la dépositaire des trésors éternels. Vivez tous unis, sans division ni discorde entre vous, en conformité avec la foi que vous professez, afin que le monde reconnaisse la sainteté de l'Eglise, non seulement dans la vérité de sa doctrine et dans les sources de grâce qui jaillissent de son sein, mais aussi dans ses membres vivants qui en elle puisent leur perfection. Prodiguez-vous pour le salut du monde ! Tout fidèle chrétien ne peut pas ne pas sentir, selon l'exemple du divin Rédempteur et Maître, une immense pitié pour ses frères. Soyez donc conscients de votre devoir de coopérer à l'amélioration de la société humaine selon l'ordre de Dieu et la loi du Christ.

Enfin, Grégoire VII donne l'exemple de la confiance inébranlable sur laquelle doit se fonder toute oeuvre de salut. Il espéra et travailla, contre toute espérance peut-on dire, sachant bien que son action, entreprise en quelque sorte comme collaborateur de Dieu, ne resterait en aucune manière inféconde. Peut-être pourrait-il vous arriver à vous aussi, dans le champ du Seigneur, d'avoir à évoquer son exemple encourageant pour ne pas abandonner, découragés, la charrue et poursuivre avec une constance infatigable votre travail.

En formulant ce souhait et en vous recommandant tous à la puissante intercession du grand et saint Pontife, Nous vous accordons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.


Pie XII 1954 - PROTOCOLE FINAL