Pie XII 1954 - ALLOCUTION AU CONGRÈS D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT A L'OCCASION DU CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'ÉMIGRATION

(11 septembre 1954) 1


Du 11 au 16 septembre s'est tenu à Breda le 11e Congrès de la Commission Catholique Internationale de l'Emigration ; à cette occasion, la lettre suivante fut envoyée à Son Em. le Cardinal de Jong, archevêque d'Utrecht.

J'ai l'honneur, selon l'auguste instruction du Saint-Père, d'adresser cette lettre à Votre Eminence en sa qualité de président d'honneur du Congrès Catholique de l'Emigration qui doit se tenir prochainement à Breda.

Lorsque, sur le désir de Sa Sainteté, voici trois ans, la Commission Catholique Internationale de l'Emigration fut organisée comme agence de coordination, d'information et de représentation de l'effort catholique dans ce pressant problème de l'émigration, il fut envisagé d'encourager des conférences générales, comme celle de Breda. Depuis lors, on a senti que l'étude et les discussions des directeurs et spécialistes qui, dans les diverses nations intéressées, consacrent généreusement leur temps et leur activité au bien-être de ceux qui sont obligés de trouver un nouveau foyer sur des terres lointaines, produiraient une collaboration plus effective et un zèle renouvelé pour des initiatives individuelles et collectives.

Faisant suite à la première conférence de cette nature tenue à Barcelone, le Congrès actuel, avec sa participation plus large, la soigneuse préparation d'études documentées et l'information détaillée obtenue par des questionnaires sur la situation de tous les pays, donne la promesse d'être une contribution appréciable au progrès de cette noble initiative d'authentique charité chrétienne.

Il n'est pas inopportun de faire ressortir ici le chaleureux intérêt et l'encouragement du Saint-Siège à l'égard de votre oeuvre. Dans l'introduction de la Constitution apostolique Exsul Familia au sujet du soin spirituel des émigrants, publiée en août 1952 2, Sa Sainteté soulignait le fait que l'Eglise doit être présente auprès des exilés et des émigrants par une sollicitude spéciale et une assistance active. Ils doivent être aidés à préserver leur mode de vie chrétienne, et leur foi traditionnelle doit être intégralement sauvegardée. Comme les émigrants d'aujourd'hui affrontent dans les pays étrangers tant de difficultés inconnues dans le passé, des mesures d'aide et toute l'assistance possible doivent leur être assurées. Cet exposé sommaire, tout en n'étant pas une présentation technique ou scientifique du problème tel que vous le discuterez, indique brièvement la finalité et le dessein de votre assemblée et la relation intime de vos efforts avec l'oeuvre de l'Eglise.

Toute l'importance des délibérations de votre Congrès est illustrée par la fréquence avec laquelle le sujet de l'émigration est revenu dans l'activité et les discours du Souverain Pontife. La sollicitude constante et l'aide charitable apportées par l'intermédiaire des Représentations Pontificales aux vastes populations arrachées à leurs foyers durant la dernière guerre et les années qui l'ont suivie, sont trop bien connues pour être rappelées ici. Déjà en 1941, lors de la commémoraison de Rerum Novarum, Sa Sainteté mit en relief à propos de l'émigration le droit de la famille à un espace vital, un droit basé dans le cas des travailleurs ruraux sur la nature même de la terre. Durant la période de l'après-guerre II a continuellement eu recours aux écrits et à la parole pour éveiller la conscience non seulement des catholiques mais des nations du monde, à un sens de leur responsabilité dans la solution de ce problème, international par sa nature propre ; et aux organisations internationales constituées dans ce but, Il a donné à la fois l'encouragement et l'appui du Saint-Siège.





Cf. Documents Pontificaux 1952, p. 337.



Je prends la liberté de citer assez longuement, parce qu'il illustre bien la pensée de Sa Sainteté et qu'il se rapporte aux travaux de votre Congrès, le passage suivant de l'allocution a-dressée aux Délégués participant à la Conférence Internationale de l'Emigration tenue à Naples en octobre 19513 : «Nous n'avons pas besoin de vous dire que l'Eglise catholique se sent obligée au plus haut point de s'intéresser à l'oeuvre des migrations. C'est qu'il s'agit de remédier à d'immenses nécessités : le manque d'espace et le manque de moyens d'existence, parce que la vieille patrie ne peut nourrir tous ses enfants et que la surpopulation contraint ceux-ci à émigrer ; la misère des réfugiés et des refoulés, qui, par millions, sont forcés de renoncer au pays où ils sont nés, perdu pour eux, et d'aller au loin s'en chercher et s'en édifier une autre. L'Eglise ressent ces détresses d'autant plus qu'elles atteignent en très grande partie ses propres enfants.

» Nous sommes heureux que votre assemblée ait contribué à rendre l'opinion publique mondiale consciente de la gravité de cette tâche. Et Nous Nous réjouissons doublement de ce que les valeurs spirituelles et morales, qui doivent être sauvées, protégées, développées, aient trouvé un bel écho dans votre Congrès : la dignité et les droits de la personne humaine et de la famille pour que celle-ci demeure réunie, qu'elle puisse se créer un nouveau chez-soi et y trouver le nécessaire, afin de vivre contente et agréable à Dieu.

» Nous savons combien il y a encore à faire, et combien de labeurs et de difficultés signifie l'établissement dans un nouveau pays et sur un nouveau sol. Nous vous remercions d'autant plus vivement pour votre effort, et appelons du fond du coeur sur l'oeuvre de l'émigration et de l'immigration la protection de Dieu et l'abondance de ses divines faveurs. »

Ces sentiments s'appliquent encore plus directement et personnellement à vous qui participez à ce Congrès Catholique de l'Emigration en zélés collaborateurs dans l'apostolat de l'Eglise. Le fait que vous travaillez à une cause que le Saint-Père a si profondément à coeur sera, j'en suis sûr, une source d'inspiration pour tous les participants auxquels, en gage de la lumière céleste sur le Congrès, Il donne affectueusement Sa paternelle Bénédiction apostolique.


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT A L'OCCASION DE LA IVe SEMAINE D'ÉTUDES PASTORALES D'ITALIE

(16 septembre 1954) 1


Son Em. le Cardinal Lercaro, archevêque de Bologne, présidant la IVe Semaine d'Etudes Pastorales, lut à l'ouverture de la session la lettre suivante :

Le thème assigné à la IVe Semaine d'adaptation pastorale, « La paroisse », invite Sa Sainteté, en raison du caractère du sujet lui-même, fondamental entre tous ceux qui ont trait à l'organisation de la vie chrétienne, à répondre au désir manifesté par les promoteurs de cette réunion, et à redire ce que, en d'autres occasions, sa parole autorisée a déjà exprimé et qui, certainement, tient à coeur à Votre Eminence et à ceux qui l'entourent.

L'importance du ministère paroissial.

Le Saint-Père, en effet, dès le début et durant le cours de Son pontificat, adressant la parole aux curés de Rome, parole qui s'applique d'ailleurs à ceux des autres diocèses, a proclamé, à plusieurs reprises, l'importance du ministère paroissial et l'opportunité d'en reviser les formes, en vue d'une adaptation aux nécessités pastorales modernes et d'un renouveau fécond, réclamés par les crises spirituelles et morales de notre temps.



' t D'après le texte italien de VOsseroatore Romano du * septembre 1954, traduction française de la Doc»mer,fefion Catholique, t. LI, c. M97-



« Chaque curé — disait Sa Sainteté — est un apôtre, mais celui qui développe son activité dans une grande ville, celui-là surtout doit sentir brûler en lui-même le feu de l'esprit apostolique et missionnaire et du zèle conquérant d'un saint Paul. Si vous considérez les temps modernes avec leurs événements politiques et religieux et avec les déviations multiformes des croyances religieuses dans la recherche philosophique et scientifique, et dans l'instruction et l'éducation profanes, vous ne tarderez pas à voir combien sont changées les anciennes conditions spirituelles de la société '2. » « A mesure que se déroulait la série des événements de ces dernières années, déjà avant la fin de la guerre, mais plus encore après, Notre attention et Notre activité ont été extraordinairement absorbées par le souci de répondre aux besoins et aux instances d'une si grande partie de la chrétienté. D'innombrables âmes tournent avec espoir et confiance leurs yeux et leur coeur vers l'Eglise. Et c'est ce spectacle même, toujours présent à Notre esprit, qui Nous pousse à considérer particulièrement le ministère direct, immédiat, des âmes, dans la vie paroissiale, dans l'action quotidienne du prêtre à l'autel, en chaire, au confessionnal, dans l'enseignement, parmi la jeunesse, au chevet des malades, dans les entretiens personnels. Ce travail assidu a été, et est partout, et en tout temps, la base fondamentale et comme la solide armature qui assure la perpétuelle vitalité de l'Eglise 3. »

Maintenant, Sa Sainteté est heureuse de constater que cette conception de la perpétuelle vitalité de l'institution paroissiale et de son inépuisable capacité pastorale et missionnaire forme l'objet non seulement d'une étude, mais encore d'une ferme conviction en ceux — comme le sont certainement les participants de cette Semaine — qui connaissent les conditions spirituelles de la société contemporaine et ont à coeur que dans son sein se conserve et s'alimente le levain vital de la foi catholique.

La fonction pastorale du curé dans le cadre de l'Eglise.

Collaborateur et participant du pouvoir en vertu duquel l'évêque gouverne spirituellement, dans les limites de son dio-

2 Discorsi e Radiomessaggi, vol. I, p. 519, 6 février 1940 ; Actes de S. S. Pie XII, édition de la Bonne Presse ; t. II, p. 36.
s Discorsi e Radiomessaggi, vol. VIII, p. 15, 16 mars 1946 ; Documentation Catholique, du 14 avril 1946, c. 318-319.

cèse, le peuple chrétien, le curé puise dans la dignité et dans l'autorité épiscopale, constituée par le Christ pour le gouvernement de son Eglise, l'importance perpétuelle de sa fonction pastorale, et il en propage les enseignements, en dispense les grâces spirituelles, en exécute les ordres. Et de même qu'il est le premier à se soumettre filialement et fidèlement à l'évêque et au Chef suprême de l'Eglise, le Pape, de même il est le premier à infuser dans le troupeau confié à ses soins le sens de l'unité ecclésiastique, à en exiger une affectueuse discipline, à susciter en lui l'esprit de prière, l'ardeur de la charité, la ' vigueur des bonnes oeuvres.

Adapter aux besoins nouveaux les méthodes d'apostolat.

D'une part, cette conception de la fonction paroissiale est si vaste et, d'autre part, la vie actuelle de la société évolue tellement et a tant besoin de soins qu'il est aisé de comprendre que l'action pastorale de la paroisse, tout en disposant toujours du même dépôt sacré de vérité et de grâce, doit constamment viser à rendre sa mission féconde et, par conséquent, doit continuellement, dans la sphère de ses buts immuables, renouveler les méthodes de son apostolat, en s'efforçant de vaincre la routine, comme aussi de conserver ce que les traditions du passé lui ont légué de beau et de sacré, et de raviver dans les coeurs ce qui reste toujours vivant en soi, c'est-à-dire la semence de l'éternel Evangile du Christ.

Il sera utile, à cet effet, d'étudier le cadre des principales fonctions de l'apostolat paroissial : le culte divin, premier devoir auquel il se consacre, comment le rendre ordonné, sincère, attrayant ; l'exercice de la charité fraternelle, l'instruction caté-chétique du peuple et spécialement de la jeunesse, comment la développer systématiquement par des explications orales et des méthodes appropriées ; l'organisation des fidèles dans la paroisse et pour le bien de la paroisse, etc..

Les formes complémentaires de la fonction paroissiale.

A ce propos, le Saint-Père se complaît à arrêter son regard sur les paroisses qui cherchent justement à étendre et à bien ordonner leur activité à certaines formes complémentaires très importantes de leur fonction pastorale qui, aujourd'hui, en Italie, sont principalement les suivantes : l'école de la doctrine chrétienne, les loisirs de la jeunesse, sains et éducatifs, le souci du peuple ouvrier. Sa Sainteté a confiance que les curés italiens, héritiers d'efforts séculaires pour sanctifier et grouper dans l'Eglise catholique le peuple italien, sauront reprendre avec non moins de sagesse et non moins de courage cette grande oeuvre pastorale, convaincus que l'idée, tout d'abord, de la paroisse idéale et la résolution ensuite, de la rendre telle, l'abnégation, la peine, la confiance en Dieu peuvent encore aujourd'hui, comme toujours faire de l'apostolat paroissial le salut spirituel de ce pays.

En formulant ces voeux, le Saint-Père bénit en même temps Votre Eminence, les évêques présents à la Semaine, les prêtres qui y prendront part et toutes les familles paroissiales qu'ils paissent affectueusement dans le Christ.



ALLOCUTION AU XIVe CONGRÈS INTERNATIONAL D'HISTOIRE DE LA MÉDECINE

(17 septembre 1954)1



L'allocution suivante fut faite à Castelgandolfo lors de l'audience des membres de ce Congrès.

Parmi les nombreux congrès qui se tiennent à Rome à la fin de cet été, plusieurs sont organisés par des associations de médecins pour étudier des questions intéressant directement la pratique actuelle de cette noble profession. Mais, élargissant le cadre ordinaire de vos préoccupations, vous avez voulu, Messieurs, dans votre XIVe Congrès International d'Histoire de la Médecine, inscrire au programme quelques thèmes de portée plus générale dignes de retenir l'attention de quiconque s'intéresse aux problèmes culturels. Aussi sommes-Nous très heureux de vous recevoir en cette occasion pour vous féliciter et souhaiter à ces rencontres le plus grand fruit.

Le rythme étonnamment rapide qui entraîne depuis plus de cent ans l'évolution des sciences n'a pas manqué de provoquer les plus heureuses conséquences dans le domaine de l'art de guérir. En même temps que s'approfondissait au siècle dernier la connaissance du corps humain, de sa structure et de ses fonctions, l'avènement de la microbiologie lançait la médecine dans la voie d'un progrès tellement radical que l'on a peine à comprendre les idées et les pratiques des médecins qui vécurent à une époque moins fortunée. Et pourtant, les conceptions actuelles en anatomie, physiologie et pathologie, la précision des méthodes modernes de recherche ne constituent que l'aboutissement de longs tâtonnements et la continuation d'une route particulièrement difficile. Compléter le tableau magnifique de l'histoire de la médecine, en éclairer les points obscurs, préciser tel ou tel trait des figures d'avant-plan ou des disciples plus modestes qui appliquent et vérifient les intuitions des maîtres, redresser aussi les interprétations inexactes qui défigurent la réalité, telle est, Messieurs, la tâche que vous vous proposez.

Mais vous n'oubliez pas que les leçons du passé doivent servir aux hommes du temps présent, les instruire, leur éviter de répéter certaines erreurs ou de s'engager sur des chemins sans issue. En médecine comme dans les autres branches du savoir, il n'est pas rare que des principes bien établis viennent peu à peu à s'obscurcir, victimes parfois d'une routine qui en fausse la portée jusqu'à les dénaturer et les condamner à disparaître. Arrive un jour cependant où la vérité ressuscite. En relisant les anciens, l'on s'aperçoit que déjà ils avaient ouvert la voie et formulé des règles sages. Aux fervents de l'histoire de la médecine, il appartient de rechercher les trésors oubliés et de les remettre en valeur. C'est pourquoi Nous souhaitons que les thèmes de relation traités dans vos sessions : la médecine comme moyen d'union entre les peuples, sa contribution au progrès de la civilisation, l'école de Salerne et le monde médical préuniversitaire, projettent sur certains aspects du passé un éclairage nouveau, susceptible d'intéresser et d'instruire les contemporains.

La médecine, science et art, occupe, dans les civilisations, une place vraiment particulière : son importance pour l'individu comme pour la société, les qualités requises chez celui qui l'exerce, le caractère sacré de la vie humaine dont elle dispose, déterminèrent dès l'antiquité l'intervention du législateur, soucieux d'en contrôler l'exercice. Deux millénaires avant le Christ, le code fameux d'Hammourabi promulgue les peines et les récompenses qui sanctionnent l'échec ou la réussite des interventions médicales. Il était nécessaire cependant qu'une activité aussi complexe et délicate trouvât, pour l'orienter, les enseignements d'un maître conscient de ses exigences techniques autant que de ses responsabilités morales. Le génie grec, si fécond dans tous les domaines de la culture, allait là aussi donner sa mesure. Les écrits d'Hippocrate contiennent sans aucun doute une des plus nobles expressions de la conscience professionnelle, qui impose en particulier le respect de la vie et le dévouement au malade, et tient compte aussi des facteurs personnels : maîtrise de soi, dignité, discrétion. Celui qui sut mettre en évidence ces normes morales, et les présenter dans l'ensemble d'une doctrine suffisamment complète et harmonieuse, fit à la civilisation l'hommage d'une oeuvre plus grandiose que celle des conquérants d'empires.

Nous ne pouvons oublier que, fidèle à cet idéal, la médecine fut et reste destinée à tenir un rôle capital lorsque se déchaînent les terribles fléaux, guerres et épidémies, qui menacent jusqu'à l'existence des peuples. Dans les angoisses et l'urgence de ces conjonctures, elle se découvre alors des ressources insoupçonnées, tant par l'invention et la mise au point de thérapeutiques nouvelles, que par le dévouement héroïque des médecins à leur mission de salut.

L'histoire de l'école de Salerne illustre à merveille le rôle international de la médecine et son apport civilisateur. Lorsque les invasions barbares submergèrent l'Empire Romain, l'Eglise réussit à conserver dans ses monastères l'essentiel de la culture gréco-latine et, en particulier, les écrits des principaux auteurs médicaux. Mais en outre, fidèles à la pratique de la charité chrétienne, les moines s'appliquèrent aussi à secourir malades et infirmes et gardèrent vivantes les traditions d'où sortit au XIe siècle cette école médicale, qui fut la plus célèbre du moyen âge avant la fondation des Universités ; Salerne rayonnera bientôt après sur toute l'Europe et enverra partout les disciples qu'elle aura formés.

Aujourd'hui, grâce à la multiplicité des moyens de diffusion de la pensée, la science médicale dispose au maximum des avantages de la collaboration internationale. De nombreuses associations groupent les diverses spécialités et instaurent pardessus les frontières une féconde émulation. La médecine continue ainsi à promouvoir efficacement le progrès de la civilisation et remporte chaque année, pour ainsi dire, l'une ou l'autre victoire importante. Quel puissant stimulant pour étudier avec passion l'histoire d'un art si intimement mêlé à la croissance intellectuelle et morale des peuples, partageant toutes leurs vicissitudes, reflétant toutes les péripéties de leurs progrès et de leurs décadences !

En affrontant le problème de la maladie, le médecin, qu'il le veuille ou non, doit prendre position devant celui de la destinée humaine. S'il ne reconnaît rien au-delà des phénomènes biochimiques, n'avoue-t-il pas implicitement l'échec de tous ses efforts ? Or c'est là une attitude contre laquelle s'élève non seulement le sens intime de tout individu, mais cette longue marche séculaire, cette progression courageuse et tenace que détaille l'histoire de la médecine. L'homme de coeur, qui engage toutes ses énergies dans la lutte contre la maladie, ne peut ignorer le message de Celui qui s'est dit le Maître de la vie et de la mort et qui a prouvé cette affirmation par de nombreux prodiges, en particulier par celui de sa propre résurrection. Il ne peut ignorer surtout que le Christ promet à tous les hommes dociles à sa parole, de les faire participer un jour à son triomphe définitif.

Nous souhaitons, Messieurs, que cette vérité si consolante vous soutienne dans votre labeur quotidien, austère et exigeant, dont le monde éprouve sans cesse les immenses bienfaits. Que la Divine Providence en assure le succès et vous accorde de réaliser vos meilleurs désirs. De tout coeur, Nous vous en donnons pour gage Notre Bénédiction apostolique.


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI

PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT A LA XXVIIe SEMAINE SOCIALE D'ITALIE

(19 septembre 1954)1


Cette année la Semaine Sociale d'Italie avait lieu à Vise du 19 au 25 septembre 1954 et avait pour thème : les problèmes de la famille.

La prochaine XXVIIe Semaine Sociale de Pise qui s'occupera de la famille dans ses transformations sociales contemporaines, propose à la réflexion des catholiques italiens un sujet qui, par son importance et ses développements possibles, justifie bien le très vif intérêt général qu'elle suscite.

Pareil choix ne pouvait manquer de satisfaire pleinement Sa Sainteté qui a tant à coeur la vigoureuse défense des droits spéciaux de la famille2, à une époque où les conflits sociaux, les progrès de la technique et une atmosphère desséchée par les préoccupations matérielles risquent de faire perdre de vue les valeurs fondamentales de la vie et du développement humain. Pour tous ces motifs, je suis très heureux de transmettre à Votre Eminence Révérendissime et à tous les rapporteurs de la Semaine les félicitations et les voeux du Souverain Pontife qui attend beaucoup de ces travaux pour le plus grand bien de la nation.

La famille, cellule de la société.

Cellule de la société et première communauté constituée par Dieu lui-même pour le développement de la personne hu-

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 20-21 septembre 1954 ; traduction de la Documentation Catholique, t. LI, c. 1477.

2 Discours du 20 septembre 1949 à l'Union internationale des Organismes familiaux ; cf. Documents Pontificaux 194g, p. 394.



maine, la famille demeure toujours, aujourd'hui comme dans le passé parmi les plus hautes et les plus graves questions à l'ordre du jour, aussi bien pour l'ordre social que pour la vie elle-même de l'Eglise. C'est vers elle que se tourne l'Epouse du Christ quand il s'agit de l'origine et de la formation de ses fils ; c'est vers elle également que regarde la nation, qui mesure d'après sa vigueur sa propre stabilité, sa propre force et sa propre grandeur, car « la cité est telle que la font les familles et les hommes dont elle est formée, comme le corps est formé par les membres ».3

Si ensuite, on considère attentivement les grandes crises et les grands déséquilibres auxquels a été sujette la société en ces dernières années, sur le plan économique, politique, religieux, et auxquels n'a pu évidemment se soustraire l'institution familiale, il ne sera pas difficile de découvrir un autre motif, qui rend le très noble thème plus que jamais adapté aux exigences de l'heure. En réalité, la famille est la grande malade de cet après-guerre, sur laquelle pèsent encore, parfois d'une manière tragique, les funestes conséquences du dernier conflit. Il faudra donc commencer par refaire les familles, ainsi que l'observe justement le Souverain Pontife, « si l'on veut sortir d'une façon durable de la crise actuelle » *, et si, encore une fois, on ne veut pas travailler en vain. Elle est toujours aussi pressante cette invitation lancée par Sa Sainteté en pleine période de guerre : « Aux dirigeants des nations, .Nous voudrions adresser un paternel avertissement : la famille est sacrée ; elle est le berceau non seulement des enfants, mais encore celui de la nation, de sa force et de sa gloire. Que la famille ne se désintéresse ni ne dévie de son noble but voulu par Dieu !... Si vous avez à coeur l'avenir de l'humanité, si, en conscience, devant Dieu, vous attribuez quelque poids à ce que valent pour l'homme les noms de père et de mère, et à ce qui fait le vrai bonheur de vos enfants, restituez la famille à son oeuvre de paix. »5

La famille italienne et les dangers qui la menacent.

8 Encyclique Casti Connubiï, 30 décembre 1930.

4 Discours du 26 juin 1940.

5 Discours du 14 mai 1942.




Il faut convenir que l'Italie reste encore parmi les nations qui opposent le plus de résistance aux conséquences des mauvaises moeurs et à la triste entreprise de désagrégation du foyer domestique. Solidement établie sur le fondement chrétien, profondément enracinée dans les traditions du peuple et protégée par de sages lois, la famille constitue l'une des plus éclatantes gloires et des plus précieuses ressources spirituelles de la nation italienne. Ce serait pourtant un grave danger que de s'imaginer que l'institution familiale, entendue dans la plénitude de sa dignité et de ses droits, est pacifiquement reconnue par tout le monde. Il serait non moins funeste de ne pas opposer de remèdes opportuns à certaines erreurs théoriques et pratiques qui préparent la voie à des concessions toujours plus larges en fait de moralité familiale. La vérité est que, même en Italie on assiste, dans de nombreux milieux, à une désagrégation progressive du bloc familial, favorisée par les divertissements malsains, par les théories matérialistes, par la mode indécente. Il suffit de penser à la tendance de certains de recourir à la fraude afin d'éluder les lois établies pour la défense de la stabilité de la famille ; à la diffusion des pratiques néomalthusiennes lesquelles violent les lois divines qui président à la transmission de la vie ; à la légèreté avec laquelle certaine presse jette en pâture au public des scandales qui avilissent l'amour conjugal un et indissoluble, fidèle et fécond. A cela s'ajoutent les difficultés économiques de la vie moderne, plus ou moins communes à tous les pays, qui, même en Italie, sont en train d'apporter des modifications de caractère moral et social, et posent des problèmes familiaux nouveaux et complexes pour la solution desquels il ne suffit plus aux catholiques de témoigner un respect général envers la famille et d'avoir une vague connaissance de ses prérogatives traditionnelles.

Elles sont donc providentielles les journées de Pise qui, en accueillant les voix les plus autorisées de la vie catholique italienne, seront un salutaire appel à l'opinion publique concernant une question aussi vitale.

Les exigences de la famille dans Y évolution actuelle de la société.

Cependant, pour répondre à l'attente publique, ces efforts ne pourront pas se borner simplement à la défense d'un patrimoine de valeurs conservées grâce à un juste équilibre. En effet, les organisateurs de la Semaine se rendent compte — le thème des travaux projetés le démontre — que les structures sociales se transforment aujourd'hui rapidement en un ordre nouveau qui ne sera vivant et vital que s'il est basé sur les doctrines sociales de l'Eglise. En présence de cette évolution, il faut renforcer non moins rapidement, suivant les besoins du jour, les positions de la famille, afin que la cellule de la société ne demeure pas étrangère à la marée montante des transformations de la vie.

Dans ce travail de reconstruction, les rapporteurs de la Semaine, appelés à préparer les pierres de l'édifice familial rénové, ne pourront manquer de remarquer l'importance du magistère du Pontife régnant qui a fait des questions familiales le thème préféré de son apostolat de la parole et a su ainsi harmoniser admirablement la fixité des principes avec l'évolution technique des problèmes.

Guidés par de si précieux enseignements, les rapporteurs sauront avant tout avoir constamment présentes aussi bien la finalité propre de la vie familiale, qui est de transmettre « l'étincelle de la vie corporelle, et, avec elle, la vie spirituelle et morale, la vie chrétienne, aux nouvelles générations » 6, « que l'unique mesure de progrès » qui est de renforcer à tous points de vue la cohésion du foyer familial, c'est-à-dire « créer des conditions sociales toujours supérieures et meilleures, afin que la famille puisse exister et se développer comme unité économique, juridique, morale et religieuse » 1. Ceci établi, il sera facile de découvrir les directives assignées par les documents pontificaux, correspondant aux diverses exigences de la vie physique, morale et surnaturelle de la famille.

Sécurité économique.

Avant tout, la famille a besoin d'une certaine sécurité économique. Quand, en effet, l'homme est obligé de mener une vie désespérément malheureuse et de vivre dans des habitations malsaines et repoussantes ; aussi longtemps que ne lui sont pas assurés une certaine tranquillité de travail, la possibilité de se marier jeune, un salaire qui lui permette d'épargner et d'acquérir une petite propriété familiale, la vie domestique deviendra pour lui dans ces conditions, toujours plus désorganisée et toujours plus exposée aux germes de corruption sociale et morale. A ce propos, ces paroles prononcées par le Saint-Père au sujet d'un de ces problèmes les plus angoissants qui soient, celui du logement, méritent réflexion : « Combien il est pénible de voir que les jeunes gens à l'âge où la nature incline le plus au mariage, doivent attendre des années et des années, uniquement à cause du manque de logement au risque de s'affaiblir moralement devant cette attente énervante ! » 3.

Santé morale.

Il faut, en outre, redonner à la famille la santé morale. Elle est, en effet, un organisme moral, non moins que social, destiné à favoriser le perfectionnement des qualités morales de ses membres. La condition préalable indispensable pour tout cela, c'est sa stabilité ! A cet égard, Sa Sainteté estime arrivé le moment d'exhorter les catholiques italiens à se garder avec une plus grande vigilance des fauteurs du divorce qui préparent de nouvelles attaques, émettent des prétentions toujours plus hardies, et, ce qui est pis, rencontrent moins de résistance que dans le passé auprès de l'opinion publique. Les vrais catholiques savent — et à l'occasion ils devront s'engager à fond sur ce point — que le lien matrimonial est par lui-même indissoluble. Céder aux pressions exercées au nom d'une liberté qui est une révolte ouverte contre les lois divines serait pour les responsables de la vie publique, jeter le pays dans une redoutable décadence. D'ailleurs, à la stabilité de la vie domestique est strictement lié le problème de l'éducation, pivot de la santé morale de la famille elle-même qui, aujourd'hui, impose une revision des méthodes, afin de pouvoir être à la hauteur des possibilités, des difficultés et des risques des nouvelles conditions de vie. Comment, en effet, ne pas tenir compte de la plus grande autonomie que les jeunes gens d'aujourd'hui prétendent réclamer de leurs parents, de leur tendance à satisfaire en dehors de la famille des exigences confiées jadis à la vie familiale, ainsi que des responsabilités accrues dans le domaine de l'éducation que l'Etat s'attribue de nos jours ? Cela paraît encore plus évident si l'on considère la position sociale de la femme qui, en ces derniers temps, ainsi que le déclare le Saint-Père, « a subi une évolution non moins rapide que profonde. Elle s'est vue transportée du sanctuaire re-



6 Discours du 13 mai 1952.

7 Radiomessage de Noël 1945.



8 Discours du 24 juillet 1949 à l'Action catholique italienne féminine ; cf. Documents Pontificaux X949, p. 301.



cueilli de la famille à la vaste agitation de la vie publique. Elle exerce aujourd'hui les mêmes professions, porte les mêmes responsabilités et jouit aussi dans le domaine de la vie politique des mêmes droits que l'homme » 9. S'il y a en cela, d'une part, d'incontestables dangers, il serait, d'autre part, injuste, pour ne pas dire périlleux, de ne pas apprécier aussi les avantages qui pourraient parfois résulter de ces nouveaux rapports. Quant à l'ingérence croissante de la société civile en matière d'éducation, on ne se rappellera jamais assez que « les parents ont un droit primordial d'ordre naturel à l'éducation de leurs enfants..., inviolable, antérieur à celui de la société et de l'Etat » *°. En conséquence, l'Etat devra protéger le lioie exercice de ce droit et pallier les insuffisances éventuelles de la famille, mais jamais il ne pourra se substituer indûment à la famille elle-même. Et même là où il est nécessaire d'intervenir, plutôt que de créer de nouveaux organismes — qui pourraient favoriser chez les parents la tendance à se décharger de tâches éducatives qui leur incombent tout d'abord à eux-mêmes — l'Etat devrait promouvoir les conditions de vie, de travail et d'assistance, aptes à mieux faire remplir par la famille ses fonctions d'éducatrice. Il pourrait y arriver en réprimant les mauvaises moeurs, en élevant jusqu'au niveau de morale familiale les instruments de diffusion des idées, et particulièrement en favorisant une plus grande présence des parents au sein de la famille, soit en diminuant pour la femme la nécessité de sortir de chez elle, soit « en faisant en sorte que les lieux de travail et les habitations ne soient pas séparés au point de rendre le chef de famille et l'éducateur des enfants presque étranger à la maison » Cela permettrait aussi une plus intense collaboration des conjoints, souhaitable dans tous les domaines, mais surtout en matière d'éducation.

Renforcement du sentiment religieux.

jeunesse féminine de Rome, aux instituteurs catholiques italiens.




La renaissance de la famille devra s'opérer spécialement sur le plan religieux, car c'est précisément de l'affaiblissement du sentiment religieux lui-même, que découlent, comme d'une source principale, tous les maux dont souffre la famille moderne. Née d'un contrat « essentiellement sacré » 12, que le Rédempteur a élevé à la dignité de sacrement symbolisant son union avec l'Eglise, la famille trouve dans les fins mêmes assignées par la Nouvelle Loi, sa plus haute perfection et la sauvegarde la plus sûre de son unité, de sa dignité et de sa stabilité. Dans cette lumière, la vie des conjoints, qui se développe autour du foyer, n'est pas seulement un échange de droits humains, et l'accomplissement de fonctions naturelles ; elle est encore la participation à des réalités célestes, elle est un instrument d'élévation spirituelle et de sanctification, car le sacrement a créé une source d'énergies divines telle que les conjoints pourront y recourir durant tout le développement de la vie matrimoniale, afin de recevoir aide et réconfort dans l'accomplissement de leurs devoirs. On voit par là la fonction primordiale qui revient à la famille dans la vaste réalité du Corps mystique, et, en même temps, on découvre des horizons infinis de perfection de l'organisme familial, quand il est toujours inséré dans la vie de l'Eglise. Par là, on comprend aussi la nécessité pour les conjoints de sentir toujours plus le lien spirituel qui les unit à la paroisse, là où fut consacrée leur union, pour y puiser la lumière de la foi et les énergies célestes, pour compléter l'éducation surnaturelle de leurs enfants, et pour se consacrer sciemment aux diverses oeuvres d'apostolat religieux et social qui dépendent de la paroisse. Sanctifiée ainsi, la famille retrouvera la paix, la sérénité et la joie, que le matérialisme et le laïcisme modernes étouffent, après lui avoir enlevé son caractère sacré ; dans son sein se développera l'amour pour la maison qui préservera ses membres de la dispersion sur les chemins du monde ; grâce à elle, enfin, l'Eglise pourra répandre sur la vie sociale tout entière les bienfaisants effets du monde supérieur de la grâce.

C'est là le but auquel tend la Semaine Sociale de Pise. En formulant le voeu qu'elle serve à illustrer toujours plus la beauté de la famille chrétienne et qu'elle répande toujours davantage au sein de la nation l'esprit vivificateur de la famille de Nazareth, le Saint-Père implore du ciel l'abondance de lumières et de réconforts, et vous donne à vous, Eminence Révérendissime, ainsi qu'à tous les rapporteurs et participants de la Semaine, sa paternelle Bénédiction apostolique.

Encyclique Arcanum.


Pie XII 1954 - ALLOCUTION AU CONGRÈS D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE