PieXII 1955 - I. LA LIBÉRATION DE LA FAUTE


II. LA LIBÉRATION DE LA PEINE

Sortir de l'état de faute et de peine implique nécessairement la libération non seulement de la faute, mais aussi de la peine : ce n'est qu'ainsi qu'on parvient à cette sorte de restitutio in integrum dans l'état initial, libre de faute et, par conséquent, de peine.

La peine éternelle dans le droit divin.

Des affirmations et des faits récents Nous suggèrent ici une brève déclaration. Toute peine encourue ne comporte pas en soi une rémission. La révélation et le magistère de l'Eglise l'établissent fermement : après le terme de la vie terrestre, ceux qui sont chargés d'une grave faute seront soumis par le Maître suprême à un jugement et subiront une peine qui ne comporte ni libération ni pardon. Dieu pourrait même dans l'au-delà remettre une telle peine : tout dépend de sa libre volonté ; mais il ne l'a jamais accordé ni ne l'accordera jamais. Ce n'est pas ici le lieu de discuter pour savoir si l'on peut rigoureusement démontrer ce fait par la seule raison naturelle ; certains l'assurent, d'autres le mettent en doute. Mais les uns comme les autres apportent dans leurs arguments ex ratione des considérations qui indiquent qu'une telle disposition de Dieu n'est contraire à aucun de ses attributs, ni à sa justice, ni à sa sagesse, ni à sa miséricorde, ni à sa bonté ; ils montrent encore qu'elle n'est pas non plus en opposition avec la nature humaine donnée par le Créateur lui-même, avec sa finalité métaphysique absolue tendant à Dieu, avec l'élan de la volonté humaine vers Dieu, avec la liberté physique du vouloir, enracinée et toujours présente dans la créature humaine. Toutes ces réflexions laissent sans doute chez l'homme, quand il juge en se fiant seulement à sa propre raison, une dernière question portant non plus sur la possibilité, mais sur la réalité d'une si inflexible sentence du Juge suprême. Nul ne pourra donc s'étonner qu'un théologien de grande renommée ait pu écrire au début du XVIIe siècle r Quatuor sunt mysteria nostrae sanctissimae fidei maxime diffi-cilia crédita menti humanae : mysterium Trinitatis, Incarnationis, Eucharistiae et aeternitatis suppliciorum5. Mais, malgré tout cela, le fait de l'immutabilité et de l'éternité de ce jugement de réprobation et de son accomplissement est hors de toute discussion. Les débats auxquels a donné lieu un livre publié récemment 6 manifestent souvent un grave défaut de connaissance de la doctrine catholique et partent de prémisses fausses ou faussement interprétées. Dans le cas présent, le législateur suprême, en usant de son pouvoir supérieur et absolu, a fixé la validité

Lessius : De perfectionibus moribusque dwinis, l. XIII, 25. Giovanni Papini : Il diavolo. Edit. Valecchi, 1954.

irrévocable de son jugement et de son exécution. Cette durée sans limite est donc le droit en vigueur.

Les diverses formes de cessation de la peine dans le droit humain.

Mais revenons maintenant au domaine du droit humain, qui est le principal objet de ce discours. Comme Nous l'avons déjà noté, la libération de la faute et la libération de la peine ne coïncident pas toujours ; la faute peut avoir une fin et la peine continuer, et vice versa la faute demeurer et la peine prendre fin.

Les formes de cessation de la peine sont diverses. Il est évident, avant tout, que cette cessation a lieu automatiquement au moment où la peine infligée a été expiée, ou bien quand, étant limitée à un temps déterminé, celui-ci s'est écoulé, ou encore lorsque sa continuation (parfois l'exécution même) est liée à une condition résolutoire ou suspensive, et que celle-ci a été suffisamment remplie.

La rémission de la peine.

Une autre forme consiste en la rémission de la peine par un acte de l'autorité supérieure compétente. C'est alors la grâce, le pardon ou l'amnistie, qui ont une certaine analogie avec 1'« indulgence » dans le domaine religieux. La faculté d'édicter de tels actes de clémence n'appartient pas au juge qui a rendu la sentence de condamnation, en appliquant au cas particulier la peine établie par le droit. Elle revient de soi à l'instance qui juge et punit en son propre nom et en vertu de son propre droit. Aussi dans la vie de l'Etat le droit de remettre la peine est ordinairement réservé à l'autorité suprême, qui peut l'exercer par une disposition soit générale, soit propre à un cas individuel.

En revanche, sous le nom de rémission ou pardon ne sont pas comprises certaines faveurs ou mitigations dans l'exécution, qui laissent sans changement la substance de la peine, mais qui sont accordées au coupable pour sa bonne conduite ou pour d'autres motifs. Du reste, la rémission de la peine au sens propre s'applique aussi bien aux « peines médicinales » qu'aux « peines vindicatives », là où celles-ci sont admises.

La dernière étape de l'itinéraire parcouru par l'homme coupable et châtié nous ramène au problème, plusieurs fois mentionné déjà, de la fin principale de la peine, notamment du sens ou, selon d'autres, du non-sens d'une peine purement vindicative.

Peines médicinales et peines vindicatives.

Dans Notre discours du 3 octobre 1953 au Vie congrès international de Droit pénal, et également en la présente occasion7, Nous avons souligné le fait que beaucoup, peut-être la majorité des juristes civils, repoussent la peine vindicative ; mais Nous ajoutions que l'on donnait peut-être aux considérations et aux arguments allégués comme preuve une importance et une force plus grandes qu'ils n'ont en réalité. Nous faisions également remarquer que l'Eglise, en théorie et en pratique, a maintenu la double sorte de peines (médicinales et vindicatives) et que cela est plus conforme à ce que les sources de la révélation et la doctrine traditionnelle enseignent au sujet du pouvoir coercitif de l'autorité humaine légitime. On ne donne pas à cette assertion une réponse suffisante, en faisant observer que les sources en question ne contiennent que des idées correspondant aux conditions historiques et à la culture de l'époque et que, par conséquent, on ne peut leur attribuer une valeur générale et toujours durable. Car les paroles qu'on trouve dans ces sources et dans le magistère vivant ne se réfèrent pas au contenu concret de prescriptions juridiques ou de règles d'action particulières (cf. spécialement Rom. XIII, 4), mais au fondement essentiel du pouvoir pénal et de sa finalité immanente. Quant à celle-ci, elle est aussi peu déterminée par les conditions de temps et de culture, que la nature de l'homme et la société humaine voulue par cette même nature. Mais quelle que soit l'attitude du droit positif humain sur ce problème, il suffit, pour Notre but présent, de mettre en lumière que, dans une rémission totale ou partielle de la peine, les peines vindicatives, non moins que les peines médicinales, peuvent ou même doivent être prises en considération.

Elément extérieur ...

Dans l'application du pardon on ne saurait recourir à l'arbitraire. Ce qui doit servir de norme, c'est le bien du coupable, non

7 Cf. Documents Pontificaux 1953, p. 464, et première et Seconde parties de ce discours, ibià.f 1954, p. 521.

moins que celui de la communauté juridique, dont il a coupa-blement violé la loi, et, au-dessus de l'un et de l'autre, le respect et l'excellence de l'ordre établi selon le bien et la justice. Cette norme exige, entre autres choses, que dans l'application du pouvoir pénal, on tienne compte, comme en général dans les relations des hommes entre eux, non seulement du droit strict de la justice, mais aussi de l'équité, de la bonté et de la miséricorde. Autrement on court le risque de transformer le summum jus en summa injuria. Cette réflexion incite précisément à penser que dans les peines médicinales, comme également jusqu'à un certain point, dans les peines vindicatives, une rémission devrait être prise en considération chaque fois que l'on a acquis la certitude morale que le but immanent de la peine a été obtenu, à savoir la vraie conversion intérieure du condamné et une sérieuse garantie de sa durée. Les dispositions du droit canonique en cette matière (cf. can. 2248, par. 1 et 2 et can. 2242, p. 3 du C. I. C. ) pourraient servir de modèle. Elles réclament d'une part la preuve de fait du changement de sentiments chez le coupable et, de l'autre, elles ne permettent pas que le pardon intervienne automatiquement, mais le font dépendre d'un acte juridique positif de l'instance qualifiée. Dans le document que vous avez présenté, il est affirmé que le droit pénal civil fait apparaître comme désirables un nouveau développement sur ce point et une adaptation plus souple aux justes exigences actuelles. La proposition peut être bonne, encore que le droit pénal civil se présente à bien des égards, dans des conditions différentes de celles du droit pénal ecclésiastique. De toutes façons, la réalisation d'une réforme semble réclamer de nouveaux éclaircissements théoriques et des expériences pratiques bien solides.

. et élément intérieur de la libération de la peine.

A côté de l'aspect légal et technique de la libération de la peine, le même document mentionne aussi une autre influence complètement différente mais réelle, qui s'exerce sur le coupable et qui, étant une libération plus profonde et plus intime de la peine, ne peut être passée sous silence. Naturellement elle est moins appréciée par les juristes de profession en tant que tels, bien qu'elle soit acceptable pour eux comme « hommes » et comme « chrétiens » ; elle indique par elle-même un approfondissement essentiel ou, si l'on préfère, une sublimation et une « chris-tianisation » de tout le problème de l'exécution des peines.

Exemple de condamnés innocents.

La peine se présente par sa nature comme un mal imposé à l'homme contre sa volonté ; elle provoque de ce fait à l'intime de l'homme une attitude spontanée de défense. Il se sent dépouillé de la libre disposition de lui-même et soumis à une volonté étrangère. Plus d'une fois des maux semblables, mais d'une autre origine, frappent l'homme, ou bien encore l'homme se les inflige volontairement. Dès que l'on renonce à l'opposition spontanée à la souffrance, son aspect oppressif et humiliant disparaît ou, du moins, se trouve essentiellement diminué, même si demeure l'élément sensible et douloureux, comme Nous avons déjà eu l'occasion de l'observer dans la seconde partie de Notre exposé. Nombreux sont aujourd'hui ceux qui, malgré leur innocence, se trouvent soumis à cette oppression et à cette souffrance ; physiquement et moralement, ils souffrent dans les prisons, dans les bagnes, dans les camps de concentration, dans des lieux de travaux forcés, dans les mines, dans les carrières, où les ont relégués la passion politique ou l'arbitraire de pouvoirs totalitaires ; ils souffrent toutes les misères et toutes les douleurs, qui peuvent être imposées selon le droit et la justice aux vrais coupables, et souvent même davantage. Ceux qui, sans faute de leur part, supportent de si grands maux, ne peuvent, bien entendu, se soustraire extérieurement à la pression de la force, mais ils peuvent s'élever intérieurement au-dessus de tout. Ils sont soutenus déjà sans doute par des motifs moraux naturellement bons, mais plus facilement et efficacement par des considérations religieuses, par la certitude que, toujours et partout, ils dépendent de la Providence divine, qui ne se laisse arracher des mains rien ni personne et qui, au delà de la brève durée de la vie terrestre de chaque homme, dispose de l'éternité et de la toute-puissance pour réparer tout ce qui a été injustement souffert, pour rétablir l'équilibre de tout ce qui a été bouleversé ou caché, pour briser et châtier toute tyrannie humaine. Et puis, aux regards du chrétien, c'est surtout le Seigneur qui est présent, lui qui dans sa Passion éprouva toute la profondeur de la souffrance humaine, en goûta l'amertume et, par obéissance au Père, par amour pour lui et dans une tendre commisération envers les hommes, prit volontairement sur lui les douleurs et les ignominies, la croix et la mort. Fortifiés par l'exemple de l'Homme-Dieu, nombre de ces innocents trouvent dans leur souffrance la liberté et le calme intérieur et, alors même que demeure l'affliction extérieure, ils réalisent pourtant une libération intime de la douleur, par le chemin de la foi, de l'amour et de la grâce.

OEuvre charitable de secours aux condamnés coupables.

Ils peuvent également atteindre le même but, et par la même voie, ceux qui souffrent pour leur faute et se sentent esclaves de la peine. Nous voudrions Nous référer à ce que Nous avons déjà exposé en parlant de l'exécution de la peine, au sujet de l'état spirituel du condamné ; il faut maintenant considérer ici comment on peut et doit venir à son secours pour qu'il parvienne à une victoire intime et, par là, à une libération intérieure du mal de la peine. Avec la foi, avec l'amour, avec la grâce, il est possible de donner à son esprit clairvoyance et lumière, à son âme nourriture et chaleur, à sa faiblesse force et soutien. Sans doute le coupable pourrait-il lui-même faire mûrir en lui et mener à son terme un tel progrès ; cependant, il en est peu qui livrés à eux-mêmes, pourront y parvenir. Ils ont besoin de recevoir d'autrui conseil, aide, compassion, encouragement et réconfort. Mais celui qui se dispose à accomplir une telle oeuvre, doit tirer de sa propre conviction et de ses richesses intérieures ce qu'il veut communiquer au coupable ; autrement sa parole restera aes sonans aut cymbalum tinniens (I Cor. XIII, 1).

Nous avons lu avec une profonde émotion ce que l'un de vous, l'illustre professeur Francesco Carnelutti, a écrit au sujet des paroles que le Seigneur prononcera à la fin des temps : « j'étais en prison, et vous êtes venus me voir... tout ce que vous avez fait à l'un des moindres de mes frères que voici, c'est à moi que vous l'avez fait » (Matth. XXV, 30-40). Ce qui est offert ici comme idéal du don de soi pour le salut spirituel et la purification du prisonnier va même au delà du commandement nouveau du Rédempteur « Aimez-vous les uns les autres », qui devait être le signe auquel se reconnaîtraient ses disciples (Jo. XIII, 34-35) ; il s'agit, en effet, de se rapprocher du coupable au point de voir, d'honorer et d'aimer en lui le Seigneur ; bien plus il faut s'assimiler soi-même à lui à tel point qu'on se mette spirituellement à la place de cet homme en habit de détenu et dans la cellule de sa prison, selon ce que le Seigneur en personne dit de lui-même : « J'étais en prison et vous êtes venus me voir » (Matth. XXV, 36) : tout ce monde intérieur, cette lumière et cette bonté du Christ pourront apporter au coupable soutien et aide pour sortir de la misérable servitude de la peine et reconquérir la liberté et la paix intérieure.

Contribution de la communauté à la libération

Mais en outre, les paroles du Seigneur obligent non seulement ceux à qui est confié le soin immédiat du condamné, mais encore la communauté elle-même, dont il est et demeure un membre. Celle-ci devrait faire effort pour se disposer à accueillir avec amour celui qui, sortant de prison, recouvre la liberté : avec un amour nullement aveugle, mais clairvoyant, et pourtant en même temps sincère, secourable, discret et susceptible de lui rendre possible la réadaptation à la vie sociale et de lui permettre de se sentir à nouveau libre de la faute et de la peine. Les exigences d'une telle disposition ne se fondent pas sur une méconnaissance utopique de la réalité ; comme on l'a noté, en effet, ce ne sont pas tous les coupables qui sont prêts et enclins à supporter et à soutenir le processus nécessaire de purification — et peut-être la proportion de ceux qui ne le sont pas est-elle grande — ; mais il reste vrai que bon nombre d'autres peuvent être aidés, et le sont en fait, à parvenir à l'entière libération intérieure ; c'est pour eux spécialement qu'aucun effort chrétien ne sera jamais ni excessif ni trop ardu.

Puissent Nos quelques considérations contribuer à éclairer, avec la richesse de la pensée chrétienne, le vrai sens, moralement et religieusement purifié, de la peine et à aplanir au condamné, avec les effusions de la charité, la voie qui doit conduire à la libération ardemment désirée de la faute et de la peine.

C'est avec de tels sentiments, Messieurs, que Nous invoquons de Dieu sur vous-mêmes et sur votre oeuvre, grande et méritoire, les meilleures et plus abondantes faveurs célestes, tandis que Nous vous accordons de tout coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.


MOTU PROPRIO «CUM SUPREM/E» CRÉANT L'OEUVRE DES VOCATIONS RELIGIEUSES

(11 février 1955) 1

Répondant à Notre suprême et paternelle sollicitude, la Sacrée Congrégation des religieux Nous a indiqué comme très opportune la fondation d'une OEuvre primaire des vocations religieuses qui aurait pour but, par des conseils et surtout par diverses oeuvres constituées dans chaque région, d'encourager les fidèles à favoriser, protéger, seconder les vocations aux états de perfection chrétienne, de propager la véritable notion de la dignité et de l'utilité des états de perfection, et aussi d'inviter les fidèles de toutes les parties du monde à une communion de prières et d'exercices de piété. De Notre propre mouvement et dans la plénitude de Notre pouvoir apostolique, Nous voulons, statuons et décidons que cette OEuvre des vocations religieuses à laquelle Nous donnons le titre de pontificale soit établie auprès de cette même Sacrée Congrégation. Nous y ajoutons la faculté de s'agréger les oeuvres et les personnes qui en feront la demande et, en même temps, d'étendre les indulgences déjà accordées ou celles qui le seraient, ainsi que les faveurs spirituelles, à tous les membres inscrits.

Qu'il en soit et demeure fermement ainsi décidé, nonobstant toutes choses contraires, même dignes de mention particulière.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVII, 1955, p. 266 ; traduction française de la Documentation Catholique.

En réponse à leurs traditionnels voeux de Noël et de Nouvel An, Sa Sainteté Pie XII a adressé la lettre suivante aux évêques d'Allemagne :

A nos chers Fils Joseph, cardinal Frings, de la Sainte Eglise Romaine, archevêque de Cologne ; Joseph, cardinal Wendel, de la Sainte Eglise Romaine, archevêque de Munich et Freising, ainsi qu'à nos Révérends Frères, archevêques et autres membres de la hiérarchie de l'Allemagne, en paix et union avec le Siège apostolique.

Chers Fils et vénérables Frères, Salut et Bénédiction apostolique.

Les souhaits de bonheur et de grâce que vous Nous avez présentés, en union avec votre clergé et avec le peuple qui vous est confié, à l'occasion de la grande fête de la naissance de Jésus-Christ et de la nouvelle année, et tout particulièrement les demandes et les prières pour le Père commun que filialement vous avez adressées à Dieu, Nous ont été particulièrement agréables et Nous ont apporté une très grande consolation.

Le Pape remercie les évêques d'Allemagne de la manière dont ils lui ont fait rapport sur les fêtes et le succès de l'Année Mariale dans leur pays.

Vous avez ensuite voulu Nous exprimer, chers Fils et vénérables Frères, dans vos lettres qui attestent un si grand dévouement, vos sentiments de reconnaissance en raison de la procla

1 Traduction de la Documentation Catholique, N0 1197, du 17 avril 1955, d'après le texte officiel allemand publié par le bulletin de l'agence K. N. A., du 19 mars 1955.

mation par Nous de l'Année mariale qui devait être solennellement célébrée dans le monde entier, et de l'institution de la fête de l'Immaculée Mère de Dieu, Reine de l'univers. En faisant cela, Nous n'avions pas de doute que vous et vos fidèles auriez volontiers et avec joie répondu à Nos paternelles exhortations, et certainement non sans résultats précieux et salutaires. Ce que vous Nous avez dit à ce sujet dans la même lettre ne dépasse pas l'espoir que Nous avions mis en vous, mais affermit encore Notre courage et Nous remplit d'une joie immense.

Ainsi, au cours de l'année mariale, les fêtes religieuses n'ont cessé de se succéder chez vous, fêtes auxquelles très souvent prirent part, non seulement d'immenses foules du peuple chrétien, mais aussi de très hautes personnalités de la vie publique. Aussi bien de vos magnifiques et vénérables cathédrales que des humbles sanctuaires qui s'élèvent vers le ciel dans les villes et dans les villages, montèrent vers Dieu et sa Mère pleine de bonté pour nous tous, d'ardentes louanges. Des foules de pèlerins se sont dirigées vers les sanctuaires, chez vous ou même à l'étranger, où la bienheureuse Vierge Marie est particulièrement honorée. Dans les couvents de religieuses et dans les maisons privées, où l'image de la Vierge Marie s'arrêtait au cours de son pèlerinage, la piété a connu un vif élan, et pendant de nombreuses et longues heures s'élevèrent les voix de ceux qui priaient.

Sur ce point, l'archidiocèse de Cologne mérite une mention spéciale : l'image de la Très Sainte Vierge y a parcouru triomphalement les villes, bourgades et villages. Partout elle attirait les coeurs, éveillait la foi et fortifiait la piété. Des manifestations semblables eurent lieu dans l'archidiocèse de Paderborn, le diocèse de Ratisbonne et en d'autres diocèses où la possibilité s'en est présentée. Ces témoignages d'une fervente piété ont manifestement préparé ce grandiose événement au cours duquel toute l'Allemagne a été solennellement consacrée au Coeur immaculé de la bienheureuse Vierge Marie, Reine du ciel et de la terre 2. On peut espérer que l'intervention de cette Protectrice céleste vous obtiendra du ciel des grâces encore plus riches et que, dans l'avenir, avec une réception plus fréquente et même quotidienne des sacrements et l'utilisation des autres secours que propose

2 Katholikentag de Fulda. Cf. Documentation Catholique, no 1183, du 3 octobre 1954, col. 1251 ; Documents Pontificaux 1954, p. 317.


LETTRE AUX ÉVÊQUES D'ALLEMAGNE

(12 février 1955) 1

l'Eglise catholique, la vie morale des chrétiens deviendra de jour en jour plus florissante.

Le Pape désire aussi être « franchement » et soigneusement informé des « nécessités et difficultés » qu'ils rencontrent dans leur tâche pastorale.

Chers Fils et vénérables Frères, la coutume que vous avez de Nous envoyer à Noël vos voeux de bonheur et de Nous tenir au courant de tous les événements, joyeux ou tristes, qui affectent vos diocèses Nous est très agréable. Cependant, l'année dernière, vous avez presque tous estimé devoir passer sous silence tout ce qui concerne des choses inquiétantes ou troublantes ; vous n'avez mentionné que trois événements que Nous voulons brièvement examiner dans cette Lettre. Cependant, vous avez agi de la sorte, comme certains d'entre vous l'ont ouvertement écrit, pour que de nouveaux soucis et de nouvelles afflictions n'accablent pas Notre âme.

Nous apprécions beaucoup ces égards aussi affectueux que délicats de la part de Nos fils ; ils Nous touchent profondément et Nous vous en sommes très obligé. Mais, étant donné la conscience que Nous avons de Notre charge, et le souci que Nous portons de l'Eglise entière, Nous prenons, en raison de l'amour particulier que Nous avons pour vous, une grande part à vos préoccupations. C'est pourquoi Nous avons désiré, et Nous le désirons toujours, que vous Nous informiez franchement dans vos lettres, non seulement de vos joies, mais aussi des nombreuses nécessités et difficultés que vous rencontrez quotidiennement dans l'exercice de vos tâches pastorales. D'autre part, ces difficultés ne Nous sont pas inconnues, à Nous, qui, comme vous le savez, suivons depuis longtemps et avec une affectueuse sollicitude les progrès de la vie chrétienne, ainsi que les difficultés de votre peuple, qui Nous est très cher à plus d'un point de vue. Nous avons clairement conscience des soucis, des efforts et des peines que réclame de vous journellement l'exercice de votre charge pour éclairer le troupeau qui vous a été confié, de cette lumière céleste qui provient de l'Evangile et des enseignements de l'Eglise, et en même temps pour le défendre avec zèle et perspicacité contre les dangers qui le menacent dans une mesure qui va chaque jour croissant.

Et particulièrement dans le recrutement des congrégations religieuses féminines hospitalières, la formation des maîtres, la question de l'école et le problème des Allemands disparus dans les pays de l'Est.

Nous connaissons d'une façon tout particulièrement détaillée les énormes difficultés qui vous accablent lorsque, fidèles à vos devoirs d'évêques, vous vous efforcez, autant que cela est possible, de protéger les écoles catholiques primaires, de même que les écoles catholiques professionnelles ; d'assurer le droit naturel des parents à l'éducation des enfants et de conserver intacte la sainteté de la vie familiale et du mariage chrétien qui sont mis en danger par une augmentation considérable des mariages mixtes, par le relâchement des moeurs et la prétention démesurée à une liberté, saine en elle-même ; de maintenir dans toute sa pureté la foi catholique du peuple, qui court aujourd'hui de si grands dangers, et enfin de donner à tous les réfugiés qui ont perdu leur foyer, leur patrie et tout leur avoir, selon vos possibilités, non seulement les secours de la religion, mais aussi ceux de la vie sociale : parce qu'ils sont en infériorité numérique, ils ont davantage besoin d'être soutenus.

Mais, étant donné que Nous avons déjà exprimé en plusieurs occasions Notre sentiment le plus intime au sujet de ces événements, particulièrement dans la lettre que Nous vous avons adressée au mois d'octobre dernier, Nous estimons opportun de ne parler ici brièvement d'une manière spéciale que des événements que vous avez mentionnés dans trois de vos lettres.

Dans l'une de ces lettres, Nous avons lu : « Un souci tout particulier..., c'est la pénurie de recrutement dans les Congrégations religieuses féminines hospitalières. »

Une autre lettre traite des lourdes inquiétudes qui peuvent être provoquées par de sérieuses discussions, lorsque le corps législatif d'un Land déterminé doit étudier une nouvelle loi qui devra réglementer l'instruction et la formation des enseignants.

Une troisième lettre, enfin, parle de la violente lutte scolaire, « lutte, comme le dit cette lettre, qui nous fut imposée en Basse-Saxe..., et malgré tous nos effors, nous n'avons pu empêcher l'établissement d'une loi injuste extrêmement défavorable à l'école catholique ».

La crise des vocations religieuses

En ce qui concerne le premier point, Nous ne pouvons pas Nous empêcher de Nous plaindre de Notre côté de ce grave état de choses, étant donné, comme l'auteur de la lettre le fait remarquer lui-même, qu'il ne concerne pas seulement votre peuple, mais plus ou moins le monde catholique tout entier. Cette crise des vocations, de même que, d'une façon générale, la forte diminution de l'estime portée au célibat consacré à Dieu et embrassé pour l'amour de Jésus-Christ, a été la raison pour laquelle Nous avons rédigé une Encyclique sur la virginité consacrée à Dieu 3. Et ce fut pour Nous une grande consolation d'apprendre que les évêques de l'Allemagne occidentale, au cours de leur conférence tenue en novembre dernier à Pùtzchen, répondant à Notre demande, ont décidé de rappeler à tous, dans des lettres pastorales qui devaient s'adresser également au clergé et au peuple, qu'ils devaient prendre en considération une question aussi importante et utiliser tous les moyens suceptibles, avec l'aide de Dieu, de contribuer à la solution de cette question 4.

La question de l'école.

En ce qui concerne la deuxième et !a troisième questions, Nous pensons qu'il est à peine nécessaire de vous rappeler ce que Nous avons dit à plusieurs occasions, sur le système scolaire, et surtout dans les Lettres que Nous avons adressées en février5, puis en octobre de l'année écoulée.

Etant donné l'importance que Nous attachons à ce sujet, Nous désirons vivement exprimer notre reconnaissance à ceux qui, dans certains Lânder de votre patrie, investis du pouvoir public, s'efforcent fidèlement de faire passer dans la réalité, les accords conclus entre le Siège apostolique et votre peuple au sujet du régime scolaire. Mais à Notre grande tristesse, Nous ne pouvons pas en dire autant de ceux qui gouvernent l'Etat de la Basse-Saxe. On s'efforce là-bas, sous différents prétextes, de ne pas remplir les obligations qui découlent des conventions toujours en vigueur et, alors, ou bien on combat ouvertement les

a Cf. Encyclique Sacra Virginitas, du 25 mars 1954, A A. S., XXXXVI, p. 161, et Documents Pontificaux 1954, p. 79.

i Plusieurs évêques d'Allemagne (Aix-la-Chapelle, Spire, Trêves, Paderborn) ont consacré leur lettre pastorale au problème de la pénurie des vocations sacerdotales.

5 Cf. Documents Pontificaux 1954, 15 février, p. 53.

écoles catholiques, ou bien, ce qui revient au même, on établit des lois qui s'opposent directement à l'article 23 du Concordat conclu entre le Saint-Siège et l'Allemagne, lois par lesquelles de si grandes difficultés se trouvent accumulées qu'on en vient à se demander avec raison si les écoles catholiques pourront encore subsister 6.

Chers Fils et vénérables Frères, afin de ne pas manquer au devoir dicté par Notre conscience, Nous tenons pour essentiel de déclarer solennellement à ce sujet qu'il est absolument nécessaire que les écoles catholiques, selon l'article 24, § 1, du Concordat susmentionné, soient confiées à des enseignants qui, non seulement professent d'appartenir à la religion catholique, mais répondent absolument aux nécessités de ces écoles ; il est également nécessaire que la formation de ces enseignants soit faite dans des centres spéciaux de formation qui sont nettement mentionnés dans les Concordats avec l'Allemagne (art. 24, § 2) ou avec la Bavière (art. 5, § 3), où se trouve garantie une éducation de l'esprit et du coeur de l'enseignement catholique qui réponde aux besoins particuliers des écoles catholiques 7.

Si de tels centres de formation n'existent pas, des enseignants comme il en faut pour Notre cause ne peuvent être formés convenablement qu'au prix de grandes difficultés ; mais si les enseignants de ce genre manquent entièrement, alors il est difficile de s'imaginer comment des écoles catholiques à la hauteur de la tâche que l'on attend d'elles pourront continuer à exister.

6 La loi scolaire de Basse-Saxe, qui est entrée en vigueur le ter octobre 1954, malgré les véhémentes protestations des parents catholiques et une grève des écoliers, a eu pour résultat que sur les 3 811 écoles primaires de ce pays, 3 234 qui étaient école unique de la localité sont devenues automatiquement écoles communales. 90 °/o des écoles confessionnelles se trouvent ainsi supprimées. Par ailleurs, l'érection d'écoles confessionnelles est soumise à de multiples difficultés. Il ne resterait actuellement plus que 100 écoles catholiques' et 74 écoles évangéliques. Les évêques allemands, lors de leur conférence de Fulda, ont protesté contre cette loi, ainsi que les représentants de l'Eglise évangélique. Il y a, en Basse-Saxe, 1 277 637 catholiques et 5 256 133 protestants.

7 S. S. Pie XII fait ici allusion au projet élaboré par le gouvernement bavarois qui consiste en la suppression des écoles normales d'instituteurs existant actuellement et leur remplacement par des écoles d'Etat interconfessionnelles. Ce projet est en contradiction avec l'article 5, § 3, du Concordat signé le 29 mars 1924, entre le Saint-Siège et la Bavière, aux termes duquel « l'Etat devra veiller à ce qu'il y ait des établissements où sera assurée une formation conforme aux principes exposés dans les paragraphes précédents' pour les professeurs destinés à enseigner aans les écoles primaires catholiques ». Son Exc. Mgr Luigi Muench, nonce apostolique en Allemagne, a adressé à ce sujet une note de protestation au gouvernement de Bavière.

Le problème des i 200 000 Allemands, disparus dans les pays de l'Est.

Et enfin, avant de terminer cette Lettre, Nous voudrions vous parler d'une chose dont Nous savons très bien qu'elle vous tient à coeur, à vous tous comme à Nous-même. Le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne Nous a envoyé une liste portant les noms de ceux qui, depuis la fin de la dernière guerre, ont été portés disparus, dans les immensités de d'Europe de l'Est ou de l'Asie, ou y sont retenus comme prisonniers de guerre, ou y ont été déportés comme civils. Ce n'est pas sans une profonde émotion et une grande compassion que Nous avons pris connaissance de cette immense liste, établie d'une manière consciencieuse et minutieuse, portant les noms de près de 1 200 000 disparus, dont une partie est certainement encore en vie. Quand Nous avons feuilleté cette liste de noms, Nous avons été envahi par une immense douleur. Et avec une peine profonde Nous avons pensé aux affreuses conditions de vie, aux terribles souffrances morales qu'évoquent ces pages, non seulement pour les prisonniers, les disparus et les déportés, mais aussi pour leurs familles.

Chers Fils et vénérables Frères, soyez sûrs que Nous adressons à Dieu nos plus ferventes prières pour vous, et que toutes les fois que l'occasion s'en présentera, Nous ne manquerons pas d'insister pour que le nombre des disparus qui sont encore en vie soit établi d'une façon encore plus minutieuse et que la voie du retour dans la patrie leur soit de nouveau ouverte, de même qu'aux prisonniers et aux déportés.

Et maintenant, de tout Notre coeur paternel, Nous vous apportons Nos voeux de bonheur, car Nous connaissons très profondément le zèle apostolique avec lequel, de toutes vos forces, vous luttez pour que les droits sacrés de Dieu et de son Eglise soient intégralement respectés. En gage des grâces du ciel et en signe de Notre bienveillance paternelle, Nous accordons à chacun de vous, chers Fils et vénérables Frères, ainsi qu'au troupeau qui est confié à vos soins, dans l'amour de Notre-Seigneur, Notre Bénédiction apostolique.



LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A L'OCCASION DU XX\2e\0 ANNIVERSAIRE DE LA J. I. C. F.

(9 mars 1955) 1

La jeunesse indépendante chrétienne a tenu un important congrès pour célébrer son 20e anniversaire. A cette occasion, Son Exc. Mgr Dell' Acqua a adressé à Son Exc. Mgr Moussaron, archevêque d'Albi, la lettre que voici :

Au moment où la Jeunesse indépendante chrétienne féminine s'apprête à célébrer à Paris le 20e anniversaire de la fondation de son mouvement, je suis très heureux de me faire auprès de Votre Excellence, en sa qualité de président de la Commission episcopale des milieux indépendants, l'interprète des voeux paternels du Souverain Pontife.

Par ses 1 500 équipes, travaillant dans la plupart des diocèses de France, ce mouvement donne, en effet, aujourd'hui la preuve de sa vitalité, et il y a tout lieu d'espérer que ces fêtes anniversaires seront pour lui l'occasion d'un nouvel essor et surtout d'une prise de conscience toujours plus approfondie des responsabilités qui lui sont confiées par la hiérarchie.

Sa Sainteté sait de quel coeur les dirigeantes de la J. I. C. F. s'efforcent, avec l'assistance de leurs aumôniers, de faire régner un esprit authentiquement chrétien partout où elles vivent et où s'exerce leur apostolat. Avec une réelle exigence spirituelle, elles s'interrogent sur leur attitude en face des réalités familiales et sociales qui sont la trame de leur existence quotidienne, elles projettent sur celle-ci la pure lumière de l'Evangile et jugent à sa

1 D'après la Documentation Catholique, no 1198, du 1« mai 1955.

clarté la valeur de leur conduite et de l'exemple donné. Ce lucide examen est à la source de l'action du mouvement et de la formation de ses membres.

Dans la confiance que la Vierge immaculée, envers qui les « Jicistes » ont une si filiale piété, veillera sur l'avenir de leur mouvement, le Saint-Père appelle sur elles toutes une large effusion de grâces spirituelles. Qu'une vie intérieure personnelle nourrisse entre elles cette amitié franche et fraternelle, qui est une vraie forme de la charité et un témoignage de la foi ; que leur fidélité au Seigneur s'épanouisse en un esprit d'accueil simple et joyeux vis-à-vis de toutes les jeunes de leur milieu ; et, au-delà de celui-ci, qu'elle les porte à s'ouvrir largement aux autres milieux où tant de jeunes militantes travaillent aussi à instaurer le règne du Christ. En formant ces voeux de tout coeur, Sa Sainteté leur accorde pour ce 20e anniversaire, ainsi qu'à leurs aumôniers et à Votre Excellence, une très paternelle Bénédiction apostolique.


PieXII 1955 - I. LA LIBÉRATION DE LA FAUTE