PieXII 1955 - LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A L'OCCASION DU XX\2e\0 ANNIVERSAIRE DE LA J. I. C. F.


EXHORTATION AUX CURÉS ET PRÉDICATEURS DE CARÊME DE ROME

(10 mars 1955) 1

Le jeudi 10 mars, le Saint-Père a reçu en audience spéciale, les curés et prédicateurs de Carême de Rome, cinq cents curés de divers diocèses d'Italie, à qui il a adressé Y exhortation suivante :

Le Saint-Père remercie curés et prédicateurs de leur dévouement.

Grâces soient rendues à Dieu qui, cette année encore, Nous accorde de vous adresser la parole, chers fils, curés et prédicateurs de Carême de Notre diocèse de Rome, pour lequel Nous ne cessons de prier et de Nous prodiguer, selon Nos forces, en offrant pour lui jusqu'à Notre vie.

Nous voudrions dire d'abord Notre vive satisfaction pour tout ce que vous avez fait et continuez de faire souvent au prix de grandes peines et de privations pour le bien de la population de la Ville, sous la sage direction de Notre très cher Cardinal Vicaire et de ses zélés vice-gérants. Nous avons voulu prendre des informations exactes et bien qu'ayant désiré citer en exemple, cette année encore, une paroisse où des entreprises régulières ont été commencées et conduites à bonne fin, Nous avons constaté qu'il Nous serait difficile de choisir l'une ou l'autre, en un moment où naît dans tout Rome une ferveur de vie nouvelle. Tout le monde voit s'accroître le nombre des églises et l'on connaît pareillement votre zèle pour rendre plus facile et fructueuse l'assistance à la sainte messe et aux cérémonies liturgiques. De même, dans tous les quartiers se déroulent des cours de culture

> D'après le texte italien des A. A. S., XXXXVII, 1955, p. 212 ; traduction française de l'Osservatore Romano, du 18 mars 1955.

religieuse pour laïques, et un soin assidu est apporté à l'assistance de la jeunesse, spécialement de la jeunesse étudiante.

H tient à les encourager en leur donnant des conseils pour leur action apostolique.

Mais, pour ne pas risquer, en prêchant et en vous dévouant, de consumer toutes vos forces spirituelles, vous avez tout d'abord fait une fervente retraite, vous avez discuté des problèmes pastoraux en un Congrès très réussi et, dernièrement, vous avez voulu vous appliquer à la prière et à l'étude en prenant une part active à un cours d'« Exercices pour un monde meilleur », dont on Nous dit beaucoup de bien de divers côtés, et dont évêques et prêtres mettent particulièrement en relief la parfaite conformité aux besoins actuels comme l'extraordinaire efficacité pour la solution des plus urgents et pressants problèmes de l'heure présente.

Chers fils ! En d'autres occasions Nous Nous sommes entretenu avec vous, en vous présentant le curé comme un bon pasteur et en vous parlant de la nécessité pour lui de se faire aider par un groupe hardi et empressé de catholiques militants, capables de porter la doctrine et les exemples de Jésus là où il est quasi impossible au prêtre de pénétrer. Laissez-Nous donc vous proposer aujourd'hui quelques simples notes pastorales concernant votre action apostolique.

D'abord pour l'apostolat individuel.

Pour le travail visant au renouvellement des individus, Nous vous recommandons la discrétion pour commencer, la constance pour continuer et le courage pour aller jusqu'au bout.

i° La discrétion et la prudence.

Soyez avant tout discrets en commençant.

Poussé par le zèle qui, souvent, réellement le « dévore » (Ps. LXVIII, 10 ; Jo. II, 17), le prêtre apôtre peut tomber dans une regrettable erreur : ce serait de prétendre tout obtenir d'un seul coup et vouloir déjà dès le début ce qui se présente comme le point le plus ardu et nécessite dès lors des soins et des efforts multiples. Procéder de la sorte signifierait s'exposer à peu près certainement tout d'abord à de vaines illusions, puis à d'amères désillusions. L'apôtre ne peut, en effet, se dispenser de considérer la faiblesse morale d'autrui, le manque de préparation intellectuelle, les personnes et les choses au milieu desquelles il vit et le rivage — si l'on peut dire — d'où l'âme égarée devrait venir à lui, ou plutôt retourner à Dieu, si elle se laissait engager à entreprendre la traversée. Mais l'approcher avec des arguments qu'elle ne comprend pas, lui demander ce qu'elle n'est pas préparée à donner, serait certainement nuisible aux fins de l'apostolat. Il s'agit peut-être de rétablir des contacts interrompus ; il est donc nécessaire de s'approcher délicatement de l'âme éloignée, en réveillant chez elle l'intérêt perdu et en s'appli-quant à la reprise d'un langage peut-être complètement oublié. Naturellement, user de cette discrétion nécessaire ne veut pas dire arriver à des concessions avec l'erreur et avec le mal. Il ne s'agit pas ici de « faire la paix » à tout prix, mais de savoir commencer les pourparlers pour une paix juste, non point entre le mal et le bien — ce qui serait absurde — mais entre l'homme qui renonce à sa malice et Dieu qui l'accueille avec une bonté infinie et une immense tendresse. Savoir renoncer à la hâte, savoir attendre le moment propice, savoir doser ce que l'on dit et ce que l'on demande : telle est la première condition indispensable à l'action apostolique individuelle.

La constance et la persévérance.

Mais l'apôtre doit avoir un autre don en traitant avec les âmes qui sont l'objet de ses soins pastoraux. Il arrive que l'on n'obtient pas toujours ce que l'on veut et, de toute façon, il est rare qu'on l'obtienne tout de suite. Il n'est même pas exclu que l'hostilité, la froideur ou l'indifférence puissent induire le prêtre à renoncer à son oeuvre ou, tout au moins, rendent son action plus faible et, par conséquent, moins efficace. Il faut, chers fils, être constants, persistants, sans céder à la fatigue et au dégoût. Il faut savoir demeurer debout, même quand tout pousse à vaciller ; demeurer ferme même si l'on devait s'écrouler à terre, en proie à une angoisse qui transforme en silencieuses agonies certaines nuits qui semblent éternelles. Alors, quand les lèvres de l'apôtre murmurent : Quid lucri ? (Ps. XXIX, 10) ou quand il s'écrie douloureusement : Transeat a me calix iste (Matth. XXV, 39), il faut qu'il ajoute tout de suite, comme le fit Jésus dans

2 Cf. Documents Pontificaux 1052, p. 43.

Nécessité d'établir des statistiques sérieuses.

En identifiant les besoins, évitez la superficialité.

Elle engendre ce qu'on pourrait appeler le critère de l'approximation, dont les effets désastreux se constatent dans tous les domaines, sans excepter celui de l'apostolat. Pour prévenir de telles conséquences, il faut un travail de statistique fait de façon sérieuse, avec un réalisme exigeant, avec une impartialité sereine.

Il est certain, par exemple, que nombreux sont à Rome ceux qui satisfont au précepte de l'assistance à la sainte messe, les jours d'obligation. Il apparaît que les églises, même dans certaines zones de la banlieue, sont vraiment pleines et de façon répétée durant les Messes célébrées le dimanche et les jours de fête. Le curé peut-il être heureux de cette affluence ? Sans doute et à bon droit ; mais, avant de se sentir tout à fait tranquille, il devrait calculer avec une précision suffisante le nombre de ceux qui seraient tenus de venir et qui ne viennent pas. On constate, en effet, que plus d'une fois un calcul soigneux réserve des surprises désagréables au prêtre soucieux du sort des âmes.

De même, on ne peut nier que les leçons de catéchisme à Rome soient suivies de manière consolante et que les prêtres (comme également les divers Instituts, associations, congrégations mariales et similaires) s'emploient avec un grand zèle à ce que tout soit fait toujours mieux. Mais, précisément, pour que l'amélioration puisse être obtenue plus facilement, il faut se demander : combien d'enfants de la paroisse devraient venir et ne viennent pas ? Voici quelque temps, Nous avons désiré examiner personnellement la situation du catéchisme paroissial à Rome et Nous avons encore sous les yeux les chiffres qui Nous furent communiqués. Il y a certainement, dans ce domaine aussi, des réalisations fort belles et florissantes ; mais d'autres constatations ne peuvent qu'attrister tout coeur apostolique. Des observations opportunes, de justes considérations, de remarquables progrès tout récents atténuent l'impression que l'on éprouve à première vue et font même espérer que puissent être éliminées certaines des principales difficultés que le zèle des curés ne suffit pas par lui seul à surmonter.

Une autre question, chers fils. Comment va l'instruction religieuse des adultes ? Pour combien d'entre eux les notions apprises dans l'enfance demeurent l'unique bagage de doctrine chrétienne ?

le jardin : Verumtamen non mea voluntas, sed tua fiât (Lc 22,42). Et Dieu enverra l'ange consolateur (Lc 22,43) le réconforter, le soutenir ; et son oeuvre de salut continuera couronnant son zèle et son sacrifice.

50 Une sainte audace.

Mais Nous voudrions une troisième qualité chez l'apôtre qui se consacre à la sanctification des âmes.

Comme Nous avons eu l'occasion de le noter d'autres fois, il y a dans l'Eglise un souffle d'Esprit-Saint, qui appelle à l'héroïsme, au dévouement complet. Au milieu des ronces d'un monde redevenu païen, percent, sans cesse plus nombreuses, des fleurs immaculées qui réjouissent par leur fraîcheur et enchantent par leur parfum ; âmes d'élite de tous les âges et de toutes les conditions. Nous voudrions que les prêtres sachent saintement oser et ne craignent pas de proposer les buts de la sainteté la plus sublime. Pourquoi tant d'âmes tombent-elles dans les filets du monde ? Parce qu'elles croient trouver en .celui-ci ce qui forme l'objet de leurs aspirations, de leurs désirs ; et, en revanche, quand il est déjà trop tard, elles s'aperçoivent que les fruits de cette rencontre sont l'inquiétude, le doute, la tristesse, la méfiance, la haine. Soyez courageux, chers fils. Sachez prendre par la main les âmes et les attirer doucement, mais fermement, vers Jésus, vers l'amitié avec Lui, vers la transformation en Lui. Faites-leur comprendre que c'est seulement ainsi qu'elles trouveront la paix, la foi, la joie, l'espérance, l'amour ; seulement ainsi qu'elles trouveront la vie.

Conseils pour la pastorale d'ensemble.

— Pour votre action apostolique visant au renouvellement collectif, revenons quelques instants à ce que Nous indiquions déjà dans Notre Radiomessage du 10 février 1952 2. « Faites en sorte — disions-Nous — que les besoins soient bien identifiés, les buts bien clairs, les forces disponibles bien dénombrées, de façon que les ressources initiales actuelles ne soient pas négligées, ni employées de manière désordonnée, ni gaspillées en activités secondaires. »

Et encore : combien dans la paroisse font leurs Pâques ? Et parmi vos fidèles, combien vous semblent vivre dans la grâce de Dieu ?

Les chiffres établis, il faut en étudier la signification pour connaître les causes de certains éloignements ou de certains retours. L'identification du mal n'est pas encore le diagnostic, sans lequel on ne peut parler de juste pronostic et encore moins de cure appropriée.

Souci de faire appel à toutes les forces.

Dans le calcul des forces, il faut aussi éviter un défaut que l'on voit se présenter plus d'une fois. Certaines sont ignorées par le curé, d'autres sont « sous-évaluées » ou dépréciées, quand on ne les combat même pas ouvertement. Ouvrez à tous les bras, chers fils, en bénissant tout ce que l'Eglise approuve. Quiconque est animé de bonne volonté doit trouver place dans la vigne du Seigneur, qui accepte tout service, comme il cherche les ouvriers de toutes les heures. Avec un si grand terrain à défricher, avec tant de plantes à cultiver, surtout avec une telle moisson à récolter, il n'est pas permis au prêtre de s'attarder à considérer — sans un motif raisonnable — les étendards sous lesquels les fidèles se groupent, ou les insignes qu'ils portent, à condition qu'ils soient bénis par l'Eglise. Que soit donc le bienvenu quiconque s'offre à vous aider. Le champ de Dieu est vaste et les exigences de sa mise en valeur sont innombrables.

La lutte contre Y individualisme.

Pour qu'il puisse y avoir une sage organisation des forces, il faut surtout se garder de l'individualisme.

Quand on note, d'une part, la ferveur de tant d'entreprises, où personne ne s'arrête, personne ne ralentit le pas, personne ne s'épargne et qu'on doit reconnaître d'autre part la faiblesse des résultats par rapport à ce qu'un si grand emploi d'énergies et tant d'abnégation faisaient prévoir, on en vient à se demander si, peut-être, l'on ne combat pas trop seuls, trop isolés et désunis.

Qui sait, chers fils, s'il ne serait pas bon à Rome aussi, de réviser le travail apostolique à la lumière des principes qui règlent toute juste collaboration. A Notre avis, c'est là aujourd'hui une des exigences les plus impérieuses pour l'action apostolique du clergé et du laïcat.

Aussi tout ce que vous ferez pour coordonner votre travail sera-t-il béni par Nous, béni aussi par Dieu. Et que Marie, sous la protection de qui Nous avons placé, en ce 10 février 1952 désormais lointain Notre « cri de réveil », continue à bénir vos efforts et votre générosité. Ainsi la Rome éternelle resplendira avec toujours plus d'éclat devant tous les peuples comme phare de lumière et de vérité.


LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT

A M. BERNARD JOUSSET PRÉSIDENT DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES CATHOLIQUES

(11 mars 1955)1

L'Assemblée générale de la Conférence des Organisations internationales catholiques constitue chaque année l'un des importants carrefours, où se rencontrent, pour de fructueux échanges, des personnalités qualifiées appartenant aux principales branches de l'activité catholique dans le monde. Aussi est-ce avec une vive bienveillance que le Souverain Pontife me charge de vous exprimer Ses voeux paternels à la veille de la prochaine Assemblée de La Haye.

Celle-ci sera tout entière consacrée aux activités mêmes de la conférence et de ses membres, et en particulier un rapport de synthèse s'efforcera de dégager des expériences de chacun, les problèmes communs aux quelque trente O. I. C. qui militent désormais dans le champ de la vie internationale. Sa Sainteté apprécie l'intérêt de cette mutuelle information, si propre à accroître entre vous, les liens d'une loyale compréhension et d'une fraternelle collaboration, et Elle saisit volontiers la circonstance pour encourager à nouveau les Organisations catholiques dans la poursuite d'une action toujours mieux coordonnée au service de l'Eglise.

Ce service d'Eglise, d'ailleurs, chacun sait avec quelle filiale docilité à son Chef vous l'accomplissez ; et il m'est agréable de rendre ici hommage au sens catholique qui vous anime. Or

1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano, du 1er avril I055.

cette attitude est tellement essentielle à l'action que vous menez, qu'il a paru bon à Sa Sainteté de vous inviter à réfléchir, à l'occasion de l'Assemblée générale, sur les conditions dans lesquelles votre apostolat international doit servir l'Eglise, en tous lieux, par une confiante collaboration à l'oeuvre de l'épiscopat dans les divers pays.

Il est certain qu'en raison du champ très vaste de leurs activités, et du fait surtout de leurs relations avec les Organisations internationales, officielles ou non-gouvernementales, les membres de la conférence sont légitimement fondés à prendre leurs directives auprès de Celui qui porte la sollicitude de toutes les Eglises. Mais qui méconnaîtrait pour autant que la vie même d'une organisation internationale, ses rapports avec les associations catholiques qui, au niveau de la nation ou du diocèse, sont à la source de sa vitalité, les démarches qu'elle fait à leur bénéfice, les recommandations qu'elle est amenée à leur adresser ; en un mot que tout invite cette Organisation à se tenir en relation déférente et filiale, partout où elle travaille, avec l'épiscopat local et avec ses institutions qualifiées, telles qu'elles existent en de nombreux pays ? N'est-ce pas l'évêque qui, sous la haute autorité du Pontife Romain, a pleine mission d'enseigner et de gouverner ses fidèles, et en particulier de présider à l'apostolat ?

Le Souverain Pontife, vous le savez, S'est plu à rappeler à deux reprises depuis quelques mois, en de mémorables audiences, la triple charge de Docteur, de Pontife et de Pasteur qui incombe, vis-à-vis de leurs propres fidèles, à ceux « que l'Esprit Saint a établis pour régir l'Eglise de Dieu » (Ac 20,28). Cet enseignement magistral, qu'illumine l'exemple du Saint Pontife Pie X, éclairera utilement votre réflexion, il affermira votre action et vous permettra de toujours mieux seconder dans sa tâche, la hiérarchie de l'Eglise, investie de la divine mission de paître le troupeau du Seigneur. Les diverses formes reçues de l'apostolat des laïques, soulignait le Saint-Père, « méritent les plus grands éloges, et peuvent et doivent être énergiquement développées. Mais il faut que tous ces laïques soient et demeurent sous l'autorité, la conduite et la vigilance de ceux qui ont été établis par institution divine, maîtres dans l'Eglise du Christ » 2.

Le Pasteur qui constate les répercussions, dans son diocèse, de telle ou telle décision prise par un organisme officiel inter-

2 Discours du 31 mai 1954, A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 316. Cf. Documents Pontificaux I954, p. 180.

national ne peut certes que se réjouir de savoir que des laïques compétents et dévoués, assistés d'ailleurs de prêtres de doctrine et d'expérience, s'appliquent à faire valoir auprès de ces hautes instances, les justes droits de la religion et de la morale. Mais, en retour, avec quel soin les responsables des O. I. C. doivent-ils veiller à ce que les évêques intéressés à telle question particulière reçoivent, par les moyens appropriés, les informations qui leur permettent de prendre, en connaissance de cause, leurs responsabilités de chefs et de pasteurs ; avec quelle déférence doivent-ils se soucier de recueillir, sur tel problème évoqué à l'échelon international, les avis et recommandations des membres de l'épis-copat, que leur siège ou leur fonction rendraient plus qualifiés en la matière ; avec quel respect de la hiérarchie doivent-ils avoir à coeur de faire honneur, en tous lieux et en toutes circonstances, à ce beau titre de serviteurs de l'Eglise ! A ces conditions, l'apostolat international continuera à se développer, on n'en saurait douter, pour le plus grand bien de la cause catholique. Et c'est pourquoi le Saint-Père, qui bien des fois déjà a encouragé cet apostolat, Se plaît à en souligner aujourd'hui l'un des aspects essentiels.

De tout coeur Sa Sainteté appelle sur les travaux de l'assemblée une large effusion de grâces et vous accorde, ainsi qu'à tous les membres de la conférence, une très paternelle Bénédiction apostolique.


PRIÈRE A MARIE REINE

(15 mars 1955) 1

Du fond de cette terre de larmes où l'humanité souffrante se traîne avec peine ; parmi les flots de notre mer perpétuellement agitée par les vents des passions, nous élevons les yeux vers vous, ô Marie, Mère très aimée, pour nous réconforter, en contemplant votre gloire et vous saluer Reine et Dame des cieux et de la terre, notre Reine et notre Mère. Nous voulons fêter votre royauté avec un légitime orgueil de fils et la reconnaître comme le résumé de tout votre être, ô très douce et vraie Mère de Celui qui est Roi, par droit propre, par héritage et par conquête.

Régnez, ô Mère et Notre-Dame, en nous montrant le chemin de la sainteté, en nous dirigeant et en nous assistant, afin que nous ne nous en éloignions jamais.

De même que, dans les cieux, vous exercez votre primauté sur les choeurs des anges, qui vous acclament comme leur Souveraine ; sur les légions des Saints, qui se délectent dans la contemplation de votre ravissante beauté ; ainsi, régnez sur le genre humain tout entier, surtout en ouvrant les sentiers de la foi à ceux qui ne connaissent pas encore votre Fils.

Régnez sur l'Eglise, qui professe et fête votre doux empire et recourt à vous comme à un sûr refuge au milieu de toutes les calamités de notre temps. Mais régnez spécialement sur cette portion de l'Eglise, qui est persécutée et opprimée, en lui donnant la force pour supporter l'adversité, la constance pour ne point plier sous les injustes pressions, la lumière pour ne point tomber dans les embûches de l'ennemi, la fermeté pour résister aux attaques ouvertes, et à tous moments la fidélité inébranlable à votre Royaume. Régnez sur les intelligences afin qu'elles cher-

D'après le texte italien des A. A. S., XXXXVII, 1955, pp. 421-422.

chent seulement la vérité ; sur les volontés afin qu'elles suivent seulement le bien ; sur les coeurs afin qu'ils aiment uniquement ce que vous aimez vous-même.

Régnez sur les individus et sur les familles, de même que sur les sociétés et les nations ; sur les assemblées des puissants, sur les conseils des sages, de même que sur les aspirations simples des humbles.

Régnez sur nos rues et sur nos places, dans nos villes et dans nos villages, dans nos vallées et dans nos montagnes, dans l'air, sur la terre et sur la mer.

Et accueillez la pieuse prière de tous ceux qui savent que votre règne est le règne de la miséricorde, où toute supplication trouve accueil, toute douleur réconfort, toute infortune soulagement, toute infirmité santé, et où, comme sur un signal de vos mains très douces, de la mort même surgit la vie souriante.

Obtenez que ceux qui, maintenant, dans toutes les parties du monde, vous acclament et vous reconnaissent comme leur Reine et leur Dame, puissent un jour, dans le ciel, jouir de la plénitude de votre Royaume, dans la vision de votre Fils, qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il2.

Indulgence partielle de 500 jours aux conditions habituelles.


PRIÈRE POUR LE CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL DE LECCE

(17 mars 1955) 1

O très doux Jésus, qui, caché sous les voiles eucharistiques, écoutez avec compassion nos humbles supplications, pour les présenter au trône du Très-Haut, accueillez aujourd'hui avec bienveillance les ardentes aspirations de nos coeurs, qui désirent vivement vous voir publiquement et solennellement glorifié dans notre prochain Congrès eucharistique national, débordants qu'ils sont de l'émanation d'un amour germé, grandi et mûri à la chaleur de votre amour.

Illuminez nos intelligences, secourez nos volontés, renouvelez notre courage et allumez dans nos coeurs la flamme d'un saint enthousiasme, afin que, surmontant notre petitesse, et vainquant toutes nos difficultés, nous sachions vous rendre un hommage moins indigne de votre grandeur et de votre majesté, plus égal à nos anxiétés et à nos saints désirs.

Faites, ô Seigneur, que les prochaines célébrations soient le signe de votre triomphe dans les âmes de vos fils du Salente et de toute l'Italie, par l'intermédiaire de votre grâce et le très doux empire de votre volonté.

Triomphez dans les familles avec la pureté de la communauté conjugale, avec la vie chrétienne, sanctifiée par la prière commune, le bon exemple, la sollicitude et l'autorité des parents, la docilité simple et aimante des enfants.

Triomphez, ô Roi des siècles et des nations, dans la vie publique, dans ses moeurs et dans ses lois, dans ses organisations les plus humbles et comme dans ses plus hauts Conseils, dans

D'après le texte italien de l'Osservatore Romano du 17 mars 1955.

les relations entre les différentes classes, dans le modeste et tranquille village comme dans la ville brillante et fière.

Et Vous, ô Marie, Reine des cieux et de la terre, et notre très tendre Mère ; et vous, ô anges, saints et saintes, patrons de cette cité, de l'Italie et des congrès eucharistiques ; présentez au Père céleste nos prières et enrichissez-les de vos prières afin que le futur congrès soit pour le peuple italien tant aimé le début d'une ère de prospérité dans laquelle, les divisions et les haines surmontées, les anciennes blessures définitivement guéries, les charges et les offenses oubliées, les âmes réconciliées, régnent la concorde, la charité du Christ, le mutuel amour fraternel et la paix. Ainsi soit-il.


ALLOCUTION A UN GROUPE DE JOURNALISTES AMÉRICAINS DES ÉTATS-UNIS

(19 mars 1955) 1

Le 19 mars, le Saint-Père a reçu en audience un groupe de plus de trente journalistes américains (U. S. A.). Il leur a adressé la brève allocution que voici :

Le président de votre Société, Messieurs, en demandant cette audience a utilisé un argument auquel Nous avons dû Nous rendre, en dépit de circonstances extraordinaires. Il déclara qu'il était certain qu'une bénédiction serait « une immense aide pour l'accomplissement de notre difficile tâche ». En effet, rechercher la vérité et être courageusement fidèle à la vérité dans tout ce que vous écrivez et dites, n'est pas une tâche facile ; mais c'est un précieux service et un impérieux devoir à l'égard des milliers ou millions de personnes qui doivent recevoir l'influence de vos paroles. L'éternelle vérité ainsi que l'éternelle justice doivent être votre force et votre guide.

Aussi, avec une fervente prière pour que vous réussissiez pleinement dans votre profession, Nous sommes heureux de pouvoir implorer pour vous tous et ceux qui vous sont chers la Bénédiction de Dieu Tout-Puissant, Père, Fils et Saint-Esprit.

1 D'après le texte français de VOsservatore Romano, du 8 avril 1955.


LETTRE AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES DOMINICAINS

(25 mars 1955) 1

1 D'après le texte latin des A A S yyyyvtî VOsservatore Romane, du 22 avril , ' ^' P' 268 ; traduCtion fran*aise d*

A l'occasion du Chapitre Général des Frères Prêcheurs qui s'est tenu à Rome, le Souverain Pontife a adressé au Vicaire Général de l'Ordre la lettre suivante :

Lorsqu'au mois de septembre 1946 Nous avons donné audience aux Pères délégués de l'Ordre de saint Dominique qui, au cours du chapitre régulièrement tenu et après les consultations d'usage, avaient élu leur Supérieur ou Maître Général, Nous les avons exhortés d'un coeur paternel à contribuer, de plus en plus, aux triomphes salutaires de l'Evangile avec une doctrine affermie et des forces accrues.

A présent, sachant qu'au mois d'avril prochain les pères délégués vont à nouveau se réunir avec vous pour un chapitre du même genre, Nous désirons avant tout rappeler le souvenir de celui qui, arraché à cette vie mortelle par un accident aussi douloureux qu'imprévu, est tant regretté de Nous comme de vous.

Il est à peine nécessaire, croyons-Nous, d'exhorter les nouveaux Pères délégués à considérer attentivement qu'ils sont appelés à remplir une charge très importante, puisqu'ils doivent élire celui qui, en tant que successeur de saint Dominique, devra gouverner, diriger et entraîner chaque jour vers de plus vastes accroissements tout votre Ordre, si illustre par tant de services si considérables rendus à l'Eglise et à l'humanité. Qu'ils méditent avant tout cette phrase de l'apôtre saint Jacques : « Tout beau présent, tout don parfait vient d'en-haut et descend du Père des lumières » (Jc 1,17) ; aussi, avant de voter, qu'ils adressent des prières suppliantes à Dieu, pour qu'il daigne dans Sa bonté éclairer leur esprit, de sa lumière céleste. Que tous les membres de l'Ordre de saint Dominique fassent de même, partout où ils se trouvent, Nous le souhaitons, et qu'ainsi, de toute votre famille religieuse, une seule voix s'élève vers le ciel, même la voix de ceux qui appartiennent à « l'Eglise du silence » et qui, Nous le déplorons avec vous, sont empêchés de venir à Rome pour remplir leur charge.

En outre, comme Nous désirons profiter de cette occasion pour proposer à votre méditation quelque enseignement qui s'applique spécialement à votre Institut, ces mots de saint Bernard Nous reviennent à la mémoire : « Briller seulement est vain ; brûler seulement est peu ; brûler et briller est parfait2 ». Il vous faut en effet, pour obéir à la règle de votre législateur, (Constit. n. 452), vous appliquer ardemment à l'étude dans votre Ordre, dont les rayons lumineux, traversant le cours des siècles, éclairent même les ténèbres de notre époque : Nous voulons dire Albert le Grand et surtout son disciple Thomas d'Aquin qui, « infiniment riche en science divine et humaine, peut être comparé au soleil » et qui seul « a réussi à fournir des armes invincibles pour combattre les erreurs qui sans cesse vont naître dans l'avenir » 3.

S. Bernard, Serm. in Nat. S. Joan. Bapt., no 3 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 399-B. Léon XIII, Lettre encyclique Aeterni Patris, A. L., 1879, PP- 273-274.

Aussi, si ce précepte du Code de Droit canonique s'applique à tous, il s'adresse à vous tout spécialement : « Que les professeurs approfondissent l'étude de la philosophie rationnelle et de la théologie et l'enseignement de ces matières à leurs élèves selon la méthode, la doctrine et les principes du Docteur angé-lique et qu'ils les respectent fidèlement » (Can. CIS 1366, 2). Et cela pour deux raisons : pour que vous conserviez intacte avec le plus grand soin l'intégrité de la doctrine catholique telle qu'elle est transmise par l'Eglise et que vous la défendiez inébranlable-ment et avec des armes appropriées contre les assauts de l'erreur ; pour que vous ne négligiez jamais d'éclairer et d'expliquer aucune des disciplines humaines qui se réduisent toujours à une seule et même science. Mais il faut aussi que la lumière de votre doctrine brûle de cette charité qui vient de Dieu et qui amène plus facilement les hommes à comprendre la sagesse du Père éternel. « La science enfle », comme dit l'Apôtre, « mais la charité édifie » (1Co 8,1). Le Docteur « Mellifluus » affirme avec raison la même vérité lorsqu'il se demande : « Que ferait la connaissance sans l'amour ? Elle enflerait. Que ferait l'amour sans la connaissance ? Il s'égarerait4. »

Rechercher l'une et l'autre, ce doit donc être pour vous un très grave devoir ; surtout lorsque vous prêchez au clergé ou au peuple fidèle — ce qui est tout spécialement le propre de votre Ordre — de telle façon que vous soyez « ardents dans la prédication » (Constit. n. 452), comme vos Constitutions vous y invitent. En effet, si les mots humains ne sont pas brûlants de l'amour divin, ils sont parfaitement inutiles, selon cette parole de l'Apôtre des Gentils : « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas la charité, je ne suis plus qu'airain qui sonne ou cymbale qui retentit » (1Co 13,1). Il faut en outre que vos paroles concordent toujours avec votre comportement, de telle sorte que l'exemple de votre vie vienne appuyer les paroles de votre bouche.

Que cette charité chrétienne vous unisse très étroitement les uns aux autres comme des frères ; que jamais donc — Nous en sommes absolument certain — la discorde ne se glisse entre vous, que jamais ne s'établisse cette estime de soi, vaine et exagérée, qui blesse les autres. Que l'humilité chrétienne, cette vertu si élevée qui est le fondement de toutes les autres, orne votre âme et qu'elle écarte de vous tout ce qui blesse les autres, et surtout vos confrères, ne fût-ce que légèrement.

Que le devoir de l'obéissance s'appuie sur des motifs jamais ébranlés et toujours fermes ; sur ces motifs qui vous poussent à voir, dans vos supérieurs, Dieu lui-même. Car la désobéissance, mal si particulier à notre époque, disperse les forces, rend faibles et stériles les entreprises apostoliques.

Voilà, très cher fils, ce que Nous avions à proposer, en cette occasion, à votre méditation à tous et à votre recherche chaque jour plus assidue. Nous avons confiance que votre nouveau Supérieur et Maître Général pourra voir, avec l'aide de Dieu, toutes ces vertus toujours mises en pratique avec le plus grand zèle ; ainsi, sous son magistère et sa direction, votre Ordre illustre pourra acquérir de nouveaux mérites, et toute l'Eglise pourra connaître de nouveaux accroissements.

* S. Bernard, In Cant., serai. 6g, no 2 ; P. L., CLXXXIII, 1113-A.


Vous serez également d'une grande utilité, comme vous l'écriviez vous-même, si vous développez, avec le plus de zèle et d'activité possible, les Associations du Rosaire de Notre-Dame ou du Très Saint Nom de Jésus ; vous pourrez en recueillir des fruits salutaires, de jour en jour plus abondants.

Fort de cette douce espérance, Nous vous accordons, avec toute Notre affection dans le Seigneur, en gage des grâces divines et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique pour vous, très cher fils, et pour tous les membres de l'Ordre de saint Dominique, surtout pour ceux qui se réuniront pour l'élection lors du prochain chapitre.


PieXII 1955 - LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A L'OCCASION DU XX\2e\0 ANNIVERSAIRE DE LA J. I. C. F.