PieXII 1955 - D'ITALIE


TÉLÉGRAMME AU PRÉSIDENT EISENHOWER

(25 septembre 1955)1

Sa Sainteté Pie XII a envoyé à Son Exc. Dioight D. Eisenhower, président des Etats-Unis, un télégramme contenant ses voeux fervents pour le rétablissement de sa santé. Voici la traduction de ce message :

Nous Nous empressons d'adresser à votre Excellence l'expression de Notre sympathie dans votre maladie avec l'assurance de Nos ferventes prières pour votre prompt retour à la santé et à vos précieux efforts pour le bien-être de votre pays et la réalisation de la paix mondiale.


DISCOURS AUX MEMBRES DU DOUZIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DES VILLES ET DES POUVOIRS LOCAUX

(30 septembre 1955) 1

Le vendredi 30 septembre, Sa Sainteté Pie XII, revenu spécialement de Castelgandolfo, reçut dans la salle royale les maires et représentants des villes, venus de tous les continents, et leur adressa le discours suivant :

En décidant de tenir à Rome votre XIIe Congrès de l'Union internationale des villes et pouvoirs locaux, vous lui donniez, Messieurs, le cadre qui convient le mieux à une manifestation de ce genre. Quelle cité pouvait, en effet, vous offrir un décor plus prestigieux, non seulement par ses sites et ses monuments, mais surtout par les souvenirs historiques qui y sont attachés, et les conquêtes intellectuelles et spirituelles, dont ils ont été les témoins ? Vous n'avez pas eu de peine, Nous en sommes convaincu, à trouver ici l'inspiration qui a animé vos travaux et qui vous a mis sur la voie des solutions que vous cherchez.

Prospérité des communes au moyen âge.

Il est impossible de prononcer le mot de « commune » sans évoquer cette période du moyen âge qui vit s'élaborer cette forme d'organisation sociale et politique, destinée à jouer un rôle si important dans l'histoire de l'Europe. Les groupements d'artisans et de marchands, suscités par le renouveau économique de l'époque, étaient obligés de créer de toutes pièces un réseau d'institutions garantissant leur sécurité individuelle et collective, et le libre exercice de leur profession. Dès que ces bases furent assurées, se développa une vie culturelle intense, dont sont


POUVOIRS LOCAUX

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restés témoins des édifices admirables par leur puissance, leur richesse et leur beauté. Signes de force et de fierté, ils attestent aussi l'attachement profond de ces hommes à leur cité, et leur sens des responsabilités.

rôle de la commune aujourd'hui.

Aujourd'hui, l'évolution de la société et de ses institutions a transformé profondément le caractère des villes ; elles sont insérées dans un Etat plus ou moins centralisé ; elles ont perdu une large part de leur initiative et de leur indépendance pour faire droit aux exigences de relations sociales qui s'étendent sur de larges fractions de continents et débordent même au-delà. Mais, si les perspectives d'ensemble se sont modifiées, la commune reste quand même, après la famille, le lieu des échanges humains les plus fréquents et les plus indispensables. Elle établit d'ordinaire entre ses habitants une façon analogue de parler, de penser et de sentir ; elle leur propose les mêmes problèmes à résoudre et sollicite directement leur esprit d'entraide et de collaboration.

Bien que les populations actuelles utilisent largement les moyens de transport, devenus nombreux et commodes, et s'écartent plus aisément de leur domicile, elles n'en restent pas moins attachées à ce milieu, où s'entretiennent des contacts plus familiers et plus constants. C'est là que l'idée de patrie trouve, pour le grand nombre, sa racine la plus profonde, car on y expérimente plus vivement les bienfaits d'une bonne organisation de la société, ses conditions indispensables, et parfois les erreurs dommageables et les fautes à éviter. Aussi la commune a-t-elle rempli et remplit-elle encore dans l'éducation civique des citoyens une fonction de premier plan.

rôle du maire.

On comprend combien grave est la responsabilité des magistrats communaux qui ne peuvent être de simples exécutants des décisions prises par l'Etat. Qu'il Nous soit permis dans cette assemblée d'exalter en particulier le rôle du premier d'entre eux, maire, bourgmestre ou sindaco. Bien qu'il exerce aussi les fonctions de délégué de l'autorité centrale, il apparaît surtout comme le représentant de la commune. Il en est, le plus souvent, issu ;

il en possède l'esprit ; il en connaît les besoins, les aspirations, les difficultés. Au-delà des tâches administratives, il reste un homme capable de s'intéresser personnellement à d'autres hommes, de mettre à leur disposition, dans les limites fixées par le bien commun, son autorité et les pouvoirs dont il est investi. On aime trouver en lui un homme généreux, loyal, aux idées larges, sachant comprendre ceux dont il ne partage point les vues politiques, sensible aux problèmes humains comme aux exigences des prescriptions légales, attentif à défendre intelligemment l'autonomie du fief qu'il régit.

L'autonomie des communes à l'intérieur de la nation.

Qu'il existe d'autre part une légitime sujétion des communes à l'égard de la nation, personne ne le contestera ; c'est la contrepartie d'une assistance désormais nécessaire pour que la commune puisse rester, dans l'Etat moderne, à la hauteur de ses tâches multiples et garantir à ses ressortissants tous les services auxquels ils ont droit. Mais une autonomie assez large constitue un stimulant efficace des énergies, profitable à l'Etat lui-même, à condition que les autorités locales s'acquittent avec compétence de leur office et se gardent de tout particularisme étroit. Puisque les finances tiennent une place prépondérante parmi les facteurs qui conditionnent cette autonomie, vous avez voulu en ce Congrès les étudier attentivement, et vous avez recueilli à cette fin les rapports de vingt-quatre pays. Les renseignements abondants, que vous avez ainsi rassemblés, et les échanges auxquels ils ont donné lieu, vous permettront, Nous aimons à le croire, d'éclaircir cette question assurément difficile. Et tout spécialement Nous exprimons le voeu que les gouvernements tiennent compte des nécessités très particulières des villes capitales, en considération des charges délicates et difficiles qui leur sont confiées.

Les autres thèmes de votre Congrès : « Les communes et la culture », « Les communes et l'éducation des adultes » envisagent un domaine, où des initiatives du plus haut intérêt restent possibles. Comme elles peuvent revêtir les formes les plus variées et exigent d'être adaptées au caractère de chaque région, elles reviennent normalement aux pouvoirs locaux qui, en cas de besoin, s'appuieront sur l'aide de l'Etat.

Rôle des communes dans l'élaboration d'une Europe plus unie.

Mais la première manifestation de votre Congrès fut la célébration solennelle au Capitole de la « Journée européenne des communes ». Vous avez voulu à bon droit insérer dans votre programme l'étude de cette question qui prend à l'heure présente une importance de plus en plus notable. D'éminentes personnalités ont exposé avec autorité le point de vue européen, esquissant le rôle que les communes avaient à jouer dans l'élaboration d'une Europe plus unie économiquement, socialement et politiquement.

Un mouvement irrésistible pousse aujourd'hui les nations à s'unir, afin de mieux assurer leur sécurité ou leur développement économique ; aucune ne peut prétendre rester dans l'isolement sans encourir pour elle-même des risques sérieux ou sans nuire à la communauté qui attend son appui. On pourrait croire que les communes n'ont aucune raison d'intervenir dans ces problèmes qui débordent apparemment leur compétence. Ce serait une erreur ; le corps social ressemble en cela aux organismes vivants : sa santé dépend du fonctionnement normal des cellules qui le composent ; certaines d'entre elles viennent-elles à défaillir, c'est tout le corps qui en souffre ou, du moins, il en résulte une menace permanente pour l'avenir. Vous avez raison de souligner combien l'intégrité de cette unité de base conditionne la solidité de l'édifice européen.

Mais outre le point de vue institutionnel, qui constitue pour ainsi dire le squelette de l'être social, il faut aussi considérer son esprit, c'est-à-dire l'ensemble des dispositions d'âme absolument requises pour rendre possibles une collaboration efficace et une bonne entente durable : l'estime d'autrui, le désir de mieux le connaître, de l'aider, de consentir pour lui certains sacrifices, parce qu'on a compris qu'il n'existe jamais d'opposition réelle entre les intérêts véritables, surtout moraux et spirituels, des personnes et des sociétés humaines.

Les jumelages de communes.

Déjà certaines communes de pays différents, même à travers l'Atlantique, ont songé à nouer entre elles des relations d'amitié, à promouvoir des échanges culturels, à s'entraider en cas de besoin. De pareils contacts, tout en stimulant la fierté légitime que chacun entretient à l'égard de ses traditions locales, contri

vous contribuerez beaucoup, Messieurs, au renforcement de l'esprit public, au maintien des valeurs permanentes de la civilisation, sans lesquelles l'Etat se transforme infailliblement en un mécanisme d'oppression. Que vos communes ne se contentent pas de conserver les souvenirs glorieux de leur passé, mais qu'elles y puisent l'aliment d'une activité plus intense et plus féconde.

En implorant la protection céleste sur vous-mêmes, sur vos familles et tous ceux qui vous sont chers, sur vos cités, bien volontiers Nous vous en accordons comme gage Notre Bénédiction apostolique.

buent à dissiper bien des préjugés, à atténuer des susceptibilités, à accroître l'admiration et la sympathie qu'on porte aux autres. Si l'on souhaite créer un esprit européen, c'est donc sur les relations entre communes d'un pays à l'autre qu'il faudrait compter tout d'abord, plus que sur celles de groupes trop restreints ou d'organes gouvernementaux. Aussi croyons-Nous que les échanges directs entre communes apporteront à l'idée européenne le terrain de culture idéal, riche de traditions séculaires, bien antérieures à la constitution des Etats modernes.

Rien n'empêche d'ailleurs ces relations de déborder le cadre européen ; les sentiments d'affection sincère ne connaissent pas de frontière politique ni de distinction de race ou de culture. La charité chrétienne a toujours ignoré et continue à ignorer ces barrières, car elle perçoit directement en tout homme et en tout groupe humain la présence d'une même dignité et d'une responsabilité identique devant le Dieu créateur et les autres membres de la société. L'humanité prend aussi plus nettement conscience d'une destinée commune, à laquelle les efforts actuels ne sont nullement disproportionnés ; ils y acheminent d'ores et déjà et acquièrent par là une haute signification, dont vous avez le droit d'être fiers.

Le patrimoine culturel, artistique et religieux des communes.

A l'encontre des communes du moyen âge qui s'affrontaient souvent en rivalités sanglantes, engendrées par un désir immodéré de domination et un particularisme excessif, celles d'aujourd'hui orientent leurs énergies mieux disciplinées vers une émulation très utile à leur développement et à leur prospérité. Nous souhaitons surtout, Messieurs, que dans l'accomplissement de votre tâche d'administrateurs, vous sachiez conserver et enrichir le patrimoine culturel, artistique et religieux, qui vous est confié. Nous pensons, en particulier, aux émouvantes manifestations de foi qu'une tradition séculaire a implantées dans beaucoup de cités : pèlerinages célèbres, qui conservent la mémoire d'un saint aux vertus héroïques ou d'un signe spécial de la bienveillance divine et de ses faveurs spirituelles ou corporelles, temples élevés par la piété ardente des fidèles, démonstrations publiques qui expriment l'âme profonde d'un peuple.

En unissant vos efforts pour garder à vos cités une juste autonomie et le libre exercice des fonctions qui leur sont propres,


ALLOCUTION AUX JEUNES FILLES DE LACTION CATHOLIQUE ITALIENNE

(2 octobre 1955) 1

Les célébrations de la dixième année d'existence de la Section des « Giovanissime » (14-18 ans) de la Jeunesse féminine d'Action Catholique d'Italie ont été couronnées le dimanche 2 octobre par la grande audience pontificale qui s'est déroulée à dix-sept heures à la Basilique vaticane. Environ 20,000 adolescentes provenant de toutes les régions d'Italie ont acclamé à son arrivée le Saint-Père venu spécialement de Castelgandolfo.

Après l'interminable ovation qui l'avait accompagné jusqu'au trône, le Saint-Père adressa à l'assistance le discours suivant :

Votre enthousiasme, cette irrésistible manifestation de joie,. Nous dit qu'il convenait bien d'exaucer votre désir de conclure ici, à la maison du Père commun, votre Congrès si réussi. En vérité, Nous pensions qu'il ne Nous serait guère facile, en une-période si chargée, de trouver du temps pour cette audience, et en outre, de ne pas répéter ce qui a déjà été dit, après tant de fois où Nous avons parlé aux jeunes filles d'Action catholique.

Mais vos instances filiales, le fait que s'achève la première décade d'activité de votre section et surtout les informations que Nous avons eues sur votre générosité, sur votre zèle à faire tout ce que vous demande l'Eglise, tout cela Nous a amené à Nous poser la question : Est-il possible qu'une fraction si chère de: l'Action Catholique italienne parte de Rome sans avoir vu le Pape ? Nous Nous trouvons, à présent, devant une assemblée qui Nous apparaît comme une multitude d'anges dans l'attente des signes de Dieu : pouvions-Nous vous renvoyer chez vous, sans auparavant vous adresser Notre Salut, sans vous donner Notre Bénédiction ?

Nous voici donc au milieu de vous, chères filles, « jeunes de l'Action Catholique », Notre vraie joie et Notre couronne ; Nous vous remercions pour le bonheur, l'émotion et la sûre espérance que vous Nous procurez par ce magnifique spectacle de gentillesse, de grâce, d'harmonie et de candeur. Sans doute n'ignorez-vous pas toute l'affectueuse sollicitude avec laquelle Nous suivons sans cesse votre sort. Vous êtes nées quand, en Italie comme ailleurs, tout faisait craindre qu'un triste hiver dût peser longuement sur les esprits, avec son gel et avec ses nuits interminables. Aussi votre apparition Nous sembla comme l'envol d'une foule d'hirondelles messagères d'un nouveau printemps, et elle témoigna une fois de plus l'inépuisable fécondité de l'Eglise et son éternelle jeunesse. Des exigences d'ordre pratique, en plus de motifs psychologiques, provoquèrent votre séparation de vos soeurs plus petites et des plus grandes, pour rendre plus homogène la Section des Aspirantes et plus active la Section des « Effectives ». Aujourd'hui, vous êtes comme un précieux pont de transition entre les unes et les autres, en même temps que vous avez davantage de possibilité de recevoir une formation plus appropriée à votre âge.

On vous appelle Jeunettes (Giovanissime) et, en effet, vous n'êtes plus des enfants et vous n'avez pas encore non plus atteint l'épanouissement de la pleine jeunesse. On ne s'étonne pas qu'à votre âge, l'imagination se laisse parfois entraîner par des rêveries et que la volonté apparaisse particulièrement changeante, tandis que le coeur, souvent agité, devient une proie facile du soudain enthousiasme comme du profond abattement. Votre nature fait que, dans la succession des jours, vous êtes tantôt caressées par le soleil et tantôt assaillies par la fureur des tempêtes ; et tandis que vous jouissez de l'enchantement de splen-dides aurores, vous vous retrouvez, à l'improviste, attristées comme dans la langueur de mélancoliques couchants.

Mais vous, chères filles, vous êtes des Giovanissime d'Action Catholique ; c'est-à-dire que vous vous êtes librement enrôlées dans le principal des groupes laïcs de la pacifique armée qui, dans l'Eglise, soutient les saintes luttes du Seigneur. Vous devez donc éviter de toutes vos forces que l'éternelle fluctuation entre la lumière et l'obscurité, finisse par vous réduire à l'immobilité ou, pis encore, vous induise à revenir en arrière. L'Eglise attend bien autre chose de la Jeunesse Féminine d'Action Catholique ; et vous, en vérité, vous n'avez pas déçu ses espoirs ni rendu vaine son attente.

Magnifique essor du mouvement « Giovanissime ».

Après seulement dix ans d'existence, vos 14,000 sections disséminées dans toute l'Italie comptent 200,000 jeunes filles. Ces chiffres, déjà si éloquents, acquièrent une signification particulière pour qui sait que les Giovanissime sont devenues une telle multitude, même en adoptant pour elles la rigueur dans le choix et la fermeté dans la formation. Un bel opuscule In salite (En montée) décrit ce qu'est votre méthode : chaque jour, reprendre le chemin, chaque jour, partir avec un enthousiasme renouvelé et un courage plus empressé. Chaque jour est une escalade plus pénible, mais plus enivrante, vers les cimes où la voix mystérieuse vous appelle à défier la rudesse des rochers pour jouir de la splendeur des champs de neige.

Nous vous félicitons donc et afin que l'avenir soit digne de votre passé, Nous voudrions vous indiquer trois points destinés à toutes les « Jeunettes » d'Italie. Voulez-vous, chères filles, être conscientes ? Voulez-vous être cohérentes ? Voulez-vous être militantes ?

Efre des jeunes filles « conscientes ».

1. Il est nécessaire avant tout d'être conscientes.

Il ne s'agit pas — c'est évident — de perdre votre charme naturel, votre vivacité, ni non plus cette saine allégresse si propre à votre âge. Alors qu'une opinion publique égarée continue à attirer l'attention sur ceux qui font des dons de Dieu un instrument d'offense contre Lui et de perdition pour les âmes, il est nécessaire que vous deveniez chaque jour plus conscientes de votre dignité de créatures humaines, convaincues qu'aucune beauté ou grâce, aucune richesse ou puissance ne peut, en aucune manière, être comparée à la grandeur incommensurable de ceux qui, comme vous, participent à la vie même de Dieu.

Observez, chères filles, le monde dans lequel nous vivons ; considérez cette époque que de nombreux signes indiquent comme une des plus décisives dans l'histoire du christianisme. Entre autres, il semble que Dieu soit désormais en train de préparer quelque chose de vraiment insolite pour toute l'humanité, s'il est vrai, par exemple, que l'application pacifique des dernières découvertes scientifiques doive accomplir dans la vie humaine une transformation que personne n'aurait pu seulement même imaginer, voici quelques années.

Devant ce spectacle, avec ces prévisions et pour d'autres motifs que Nous avons cherché à illustrer, en diverses occasions, sur Nos lèvres revient, parce que Nous l'avons fortement enracinée dans le coeur, une parole d'espoir et de confiance. Peut-être Dieu entend-il pousser les hommes à une recherche plus concrète et anxieuse de Jésus ? à son invocation plus suppliante ? Peut-être le monde se trouvera-t-il amené plus que jamais à demander l'aide de l'Eglise pour être sauvé ?

Si cela était, vous comprenez quelle responsabilité serait celle de l'Eglise, Epouse de Jésus-Christ ; et vous vous rendez fort bien compte aussi du sérieux et de l'ampleur de l'engagement que vous demande l'Action Catholique. Supposez, par exemple, que les hommes, maintenant éloignés de Dieu, tournent leurs pas vers l'Evangile ; supposez qu'arrivés au seuil de l'Eglise, avides de lumière et assoiffés de certitude, ils trouvent en revanche trop de chrétiens errant eux aussi dans l'obscurité ; supposez que jusque dans vos rangs, ils rencontrent des âmes incertaines et sceptiques. Qu'arriverait-il alors ? Etre conscientes signifie connaître. Il faut que chacune de vous s'applique sérieusement à acquérir une connaissance exacte, claire et organique des vérités de la foi ; il faut une étude personnelle, assidue, systématique des fondements rationnels de celle-ci et de ses rapports avec la science. Il faut surtout l'adhésion ferme et sans réserve à tout ce que Dieu a révélé et que la Sainte Eglise vous propose de croire. Mais, quel malheur, si cette connaissance restait une simple conquête intellectuelle et ne donnait point lieu à des actes de volonté !

Efre « cohérentes ».

2. Il faut donc aussi être cohérentes. Il est nécessaire que chez vous règne une parfaite harmonie entre la pensée et les oeuvres.

Regardez, chères filles, ceux qui sont dans l'erreur. Ils font le mal et le portent partout où ils vont. Pourquoi vous, qui êtes dans la vérité, ne feriez-vous pas le bien et n'en seriez-vous pas les apôtres ?

2 A. A. S., XXXXV, 1953, pp. 748-749 ; cf. Documents Pontificaux 1953, pp. 468-469.

3 Cf. Preces post private Misses celebrationem recitandoe.

Efre « militantes ».

3. Enfin, soyez militantes.

En dehors du principe de la légitime défense dans le sens que Nous avons expliqué d'autres fois 2, les guerres matérielles, avec rencontres armées, effusion de sang, destructions de vies et de biens, sont exécrées par l'Eglise. Toutefois, la vie de tout homme ici-bas n'est-elle pas une vie de lutte, et tout chrétien, en particulier, ne devient-il donc pas un soldat du Christ quand il reçoit le sacrement de la Confirmation ? Personne ne songera donc à s'étonner si Nous parlons de bataille à des adolescentes chrétiennes, aux « Jeunettes » d'Action Catholique. En effet militantes signifie combattantes. Mais c'est un combat d'amour et la victoire ne tue pas le vaincu, ne l'enchaîne pas. La victoire vivifie et libère.

Pour être militantes, il faut être héroïques. Etes-vous prêtes ? Pour être militantes, il faut être des apôtres. Le voulez-vous ? Voulez-vous apporter l'amour là où il y a la haine ? la pureté là où il y a la corruption ? la lumière là où il y a les ténèbres ? la vie là où il y a la mort ? Voulez-vous remettre Dieu à sa place, c'est-à-dire en tout lieu ? Dans les écoles, dans les parlements, dans la presse, dans les divertissements, dans toute structure humaine. Voulez-vous que règne Jésus ?

La veille du jour où a débuté votre Congrès, l'Eglise célébrait la fête de l'archange saint Michel, dont le nom signifie Quis ut Deus : Qui est comme Dieu ?

L'Eglise le vénère comme Prince de la milice céleste, défense et protection des fidèles, lui qui, par la force de Dieu, repousse dans les abîmes de l'enfer les esprits malins, errant dans le monde pour la ruine des âmes 3.

Chères filles ! Nous disions, au début, que votre présence ressemble à celle d'une multitude d'anges. Retournez à vos oeuvres et combattez sans trêve, non pour que s'ouvrent les portes de l'enfer, mais afin que dans le monde et dans les coeurs règne Jésus, doux souverain d'amour.

Sous les voûtes de cette majestueuse Basilique, les notes du Symbole des Apôtres ont résonné en tant de langues. Voulez-vous, chères filles, Nous répondre :

— Croyez-vous en Dieu, le Père Tout-Puissant, Créateur et Maître du ciel et de la terre ?

Il est donc le maître absolu des hommes et des choses : maître de la vie et de la mort, de la matière et de l'esprit, du temps et de l'éternité. Et, cependant, observez l'incohérence de beaucoup. Combien de fois ne discute-t-on pas les ordres, les commandements de Dieu ; n'élève-t-on point de protestations contre ses actes ; et, parfois même — c'est horrible à dire — ne blasphème-t-on point son saint Nom ? Est-ce là de la cohérence ?

— Répondez encore : Croyez-vous en Jésus-Christ Notre-Seigneur ?

Il est donc le Verbe Incarné ; il est le centre vivant, permanent de toute l'histoire humaine. Cependant tant d'hommes et certains peuples continuent à vivre comme s'il était, certes, un grand personnage, mais loin, bien loin, étranger à la vie des individus et indifférent à l'histoire des peuples. Dites-le : est-ce là de la cohérence ?

— Croyez-vous, chères filles, dans le Saint-Esprit ?

Il est le Sanctificateur et il habite en chacune de vous, qui devient ainsi un temple vivant du Très-Haut. Cependant, tant de fois, sa présence est oubliée et ce même temple est profané et détruit avec une incroyable inconscience. Vous ne devez pas être ainsi. Ayez devant les yeux une jeune fille qui affronta avec sérénité la mort pour que son âme reste sans tache, pour que son corps ne soit pas profané : Maria Goretti et, avant et après elle, d'innombrables martyrs furent cohérents.

— Une dernière question, chères filles : croyez-vous en la Sainte Eglise catholique ?

Elle est le royaume de Dieu sur la terre, gouverné par le successeur de Pierre. C'est seulement en elle, mère des Saints et de tous les fidèles, que les individus et les peuples trouveront le salut. Mais, en attendant, beaucoup s'obstinent à en demeurer éloignés, continuent à l'insulter, à la calomnier, à la combattre. Sont-ils cohérents certains fidèles qui semblent étrangers à ses luttes, à ses victoires ?


ALLOCUTION A LA FÉDÉRATION ROUTIÈRE INTERNATIONALE

(4 octobre 1955)1

Le mardi 4 octobre, à Castelgandolfo, le Souverain Pontife a reçu en audience les membres du deuxième Congrès mondial de la Fédération routière internationale qui s'est tenu à Rome. Voici le discours qu'il leur a adressé en français :

Nous sommes heureux d'accueillir l'hommage de votre visite, Messieurs, et d'adresser à votre illustre assemblée Nos encouragements et Nos voeux. Le second Congrès mondial de la Fédération routière internationale, qui vous réunit à Rome cette année, intéresse à la fois les techniciens de la route, les experts de la circulation routière, de hauts fonctionnaires des administrations publiques, des spécialistes en économie et en jurisprudence, d'éminentes personnalités du monde politique, industriel et commercial des cinquante-deux nations qui composent actuellement votre Fédération. C'est dire l'importance de vos travaux et l'intérêt des résultats que vous poursuivez dans les divers domaines, que Nous venons d'évoquer.

Une pensée commune anime vos études et vos débats : de bonnes routes sont nécessaires pour le développement social et économique des peuples. Vous êtes en quelque sorte comme un corps de savants et de médecins, qui se penchent sur le système circulatoire d'un vivant pour en connaître la nature et les lois, le fonctionnement normal et les anomalies. A travers les routes c'est, en effet, une grande partie de la vie d'un pays qui circule : les artères principales donnent naissance à des routes secon


FEDERATION ROUTIERE INTERNATIONALE

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daires, puis à des chemins vicinaux, qui vont porter jusqu'aux dernières cellules du corps social les ressources nécessaires a l'existence. Non seulement le ravitaillement matériel, mais aussi celui de l'esprit, empruntent les grandes routes pour arriver jusqu'aux hommes. N'est-ce pas sur l'itinéraire des caravanes que de vastes phénomènes historiques, comme le bouddhisme ou l'islamisme, se sont étendus au cours des siècles à travers les nations les plus diverses ? Et les routes si remarquables de l'empire romain n'ont-elles pas facilité la diffusion de la religion chrétienne dans le monde antique ? L'esprit s'émerveille à comparer les conditions des transports routiers, demeurés si précaires jusqu'au siècle dernier, avec les résultats obtenus grâce à eux par la patience et l'énergie des hommes : voyages, découvertes, arts, industrie et commerce en ont dépendu entièrement ou en bonne part.

Graves problèmes posés par l'intense circulation des automobiles.

Aujourd'hui, toutefois, les problèmes ont pris une ampleur et une complexité entièrement nouvelles. Cette révolution est due principalement à l'apparition de l'automobile. Dès ses premiers essais, aux dernières années du siècle passé, elle fit subir à la route une épreuve redoutable. A la paisible traction des véhicules antérieurs succédait un dur frottement tangentiel, car les roues imprimaient désormais le mouvement aux voitures, au lieu de le recevoir d'elles. Les routes furent bientôt défoncées et les nuages de poussière soulevés par les autos témoignèrent assez clairement de la détérioration rapide qu'elles provoquaient. Les problèmes créés suscitèrent à la fois des solutions et des ressources. On chercha des revêtements plus résistants, qui se révélèrent nécessairement fort coûteux ; mais les avantages de la circulation automobile permirent d'imposer fortement les véhicules et les carburants. Il naquit de ce nouvel état de choses tout un ensemble d'études et d'entreprises, qui sont précisément les vôtres, Messieurs, et auxquelles Nous portons un vif intérêt, à cause principalement de leur importance sociale.

Les problèmes actuels de la route apparaissent étroitement liés à l'utilisation récente des nouvelles sources d'énergie, qui ont permis à l'homme d'économiser toujours davantage son temps et ses forces. De simple possibilité, qu'elle était au début, cette ressource est bien vite devenue sévère nécessité : sous la pression de la concurrence, individus, sociétés commerciales et industrielles, nations entières doivent entrer dans cette gigantesque et universelle course de vitesse, qui caractérise la civilisation moderne. Autrement, c'est la ruine financière, l'écrasement économique. Or la route, moyen de transmission, entre dans la lutte comme un élément nécessaire, parfois décisif. Voilà pourquoi il la faut aujourd'hui si commode et si sûre, si parfaite en un mot.

Sans entrer ici dans l'aspect technique et juridique de la question, Nous voulons noter que des bénéfices financiers ne doivent jamais prévaloir sur des nécessités humaines. Il serait inadmissible que les subsides accordés pour la construction ou l'entretien d'un réseau routier soient drainés au service d'intérêts particuliers, alors que des populations moins favorisées ont un urgent besoin d'être libérées de leur état d'infériorité par l'accès de la civilisation, lequel dépend en grande partie des voies de communication. Ouvrir une route, c'est dans un cas semblable ouvrir un débouché économique, introduire les bienfaits de la médecine et de l'hygiène, de l'instruction et de la religion : dispensaires, écoles et stations missionnaires verront leur activité multipliée et leur rayonnement s'étendre. Avec eux, c'est la santé de l'âme et du corps qui pénétrera profondément dans la région. Il n'est aucun homme de coeur, qui ne soit sensible à de telles considérations, et il appartient à ceux qui peuvent juger et intervenir, de le faire avec force et générosité. En agissant de la sorte, on se méritera la reconnaissance de quiconque a le sens de la fraternité humaine.

Devoir des automobilistes de respecter la vie d'autrui.

Votre fédération poursuit encore autour des problèmes de la circulation une oeuvre importante d'éducation sociale, à laquelle Nous aimons rendre hommage, Nous voulons dire la formation d'un sens plus aigu de leurs responsabilités chez tous les usagers de la route. Qui n'a été préoccupé, en effet, du trop grand nombre d'accidents, dont elle est le théâtre ? Les véhicules toujours plus nombreux, plus rapides et plus lourds se créent les uns aux autres, et créent pour les piétons, un danger toujours plus grand. Les causes en sont multiples, les unes matérielles, les autres psychologiques. Quant aux premières, on s'applique, Nous l'espérons, à y remédier partout efficacement. Mais il est aussi nécessaire d'inculquer à tous la notion du devoir grave de respecter la vie d'autrui. A cela contribuera sans doute la crainte salutaire de répressions immédiates et proportionnées ; mais la police seule ne peut prévenir le péril créé par des conducteurs peu maîtres d'eux-mêmes, entraînés par la passion de la vitesse ou parfois intoxiqués par l'alcool. Il importe de faire observer spontanément une discipline exacte, conforme aux règlements universellement adoptés. Les conséquences si souvent dramatiques des infractions au code de la route lui confèrent un caractère d'obligation extrinsèque beaucoup plus grave que l'on ne pense généralement. Les automobilistes ne peuvent compter sur leur seule vigilance et leur seule habileté pour éviter les accidents ; ils doivent encore maintenir une juste marge de sécurité, s'ils veulent être à même d'épargner les imprudents et d'obvier aux difficultés imprévisibles.

Nous voulons croire que votre sollicitude, qui est aussi la Nôtre, ne restera pas sans effet, et qu'une opinion publique mieux éduquée fera régner sur les routes un climat de courtoisie, de modération et de prudence conformes aux meilleures traditions de la civilisation chrétienne.

La charité fraternelle doit passer avant toute autre préoccupation.

Laissez-Nous encore, Messieurs, évoquer d'un mot les réflexions que Nous suggéraient les beaux albums, où vous présentiez aux lecteurs quelques exemples plus remarquables de l'industrie routière, nobles réalisations de l'intelligence et du travail humains. En jetant les yeux sur ces files de voitures lancées sur les routes impeccables, une question s'élevait, non sans quelque angoisse, en Notre coeur : où vont-ils si vite tous ces hommes ? Est-ce le sentiment du devoir, ou la passion de l'argent, qui les pousse ? Est-ce le désir de servir, ou celui de dominer leur prochain ? Et Nous pensions au précepte de la charité, à la parole qui résume tout l'enseignement du divin Maître : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jean XV, 12). « Tout ce que vous voudriez que les hommes fissent pour vous, faites-le pareillement pour eux » (Matth. VII, 12). Puisse-t-il entraîner toujours plus à sa suite les coeurs et les volontés des hommes. Il est la lumière du monde, et ceux qui le suivent ne marchent pas dans Les ténèbres (Jn 8,12).

En souhaitant, pour finir, que l'harmonieux concours de vos efforts contribue largement au bien général de la société et favorise les rapprochements pacifiques, auxquels aspire le monde entier, Nous demandons à Dieu de vous combler de Ses grâces, et Nous vous accordons dans cette intention, à vous-mêmes ici présents, à vos familles et à tous ceux qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


PieXII 1955 - D'ITALIE