Pie XII 1956 - RADIOMESSAGE A L'OCCASION DE LA CONSÉCRATION DE L'EMILIE AU SACRÉ-COEUR


ALLOCUTION A DES TECHNICIENS DE L'ÉLÉGANCE AUTOMOBILE

(29 octobre 1956) 1






Le Saint-Père a reçu, le 29 octobre, un groupe de personnes ayant pris part au IXe concours international d'élégance automobile ; il leur a adressé en français, Y allocution suivante :

La manifestation, qui vous a réunis à Rome, Messieurs, témoigne d'une manière significative de cette heureuse fusion de la technique et de l'art, qui contribue à rendre à la fois plus facile et plus noble la vie des hommes d'aujourd'hui. Le neuvième concours international d'élégance des voitures automobiles italiennes et étrangères, auquel vous participez en qualité de constructeurs ou de représentants commerciaux, rassemble, en effet, les productions récentes les plus réputées de ce secteur industriel. Nous vous accueillons bien volontiers en cette circonstance et vous assurons de Notre estime et de Nos encouragements.

L'esthétique de l'automobile n'a rien de gratuit ni d'arbitraire, car la forme d'une carrosserie d'auto reste d'autant plus étroitement soumise aux règles de l'aérodynamique que la vitesse du véhicule doit être plus élevée. Mais les constructeurs ont tiré parti de l'assujettissement à ces lois pour concevoir des modèles soigneusement profilés, dont les lignes s'adaptent, pour ainsi dire, au mouvement de l'oeil, qui suit le véhicule lancé à toute allure sur la route. Et malgré cela, vous n'avez pas négligé la commodité et le confort des occupants, tant pour les voitures ordinaires que pour les autocars, que l'on voit chaque été sillonner toujours plus nombreux les routes européennes.

Aussi sommes-Nous heureux de vous féliciter des résultats obtenus par vos efforts inlassables. Dans le secteur de l'automobile, une concurrence sévère met aux prises les constructeurs et ne leur permet jamais de se reposer sur les lauriers conquis. Mais de cette concurrence les premiers bénéficiaires sont les usagers, à qui les raffinements des engins actuels font désirer encore d'autres perfectionnements. Vous avez l'ambition de les satisfaire et même de devancer vos compétiteurs, en conquérant les préférences du client par les qualités techniques et l'élégance de vos voitures.

Mais quel que soit le champ de votre activité et le but immédiat que vous poursuivez, ne manquez pas de jeter les yeux plus loin que l'horizon étroit du profit immédiat et de la conquête du marché. L'élégance automobile ne devrait avoir d'autre sens que celui d'être symbole et expression de la noblesse d'âme, de manifester l'élévation de l'esprit humain, sa domination sur la matière et les fins spirituelles plus hautes, pour lesquelles il vit et lutte. Si le technicien et l'artiste se contentent d'agencer et de façonner des matériaux périssables, ils devront tôt ou tard se résigner à voir disparaître leur oeuvre, supplantée par d'autres ou consumée par le temps.

Plus qu'un succès et des satisfactions éphémères, Nous vous souhaitons donc les vraies joies de l'âme, qui n'a cherché en tout que le moyen de faire du bien et de servir le prochain et la société.

Que le Seigneur daigne vous combler de ses faveurs et les répandre aussi sur vos familles et tous ceux qui vous sont chers ! Nous vous en donnons comme gage Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES MILITANTES POUR LA RÉNOVATION CHRÉTIENNE DU MILIEU BOURGEOIS ITALIEN

(29 octobre 1956) 1






Le 2g octobre, le Saint-Père a reçu à Castelgandolfo les dirigeantes du mouvement « Rinascita cristiana », qui groupe des cercles d'Action catholique spécalisée pour les milieux de la bourgeoisie italienne. A cette occasion, il a adressé une exhortation, en langue française, à ces groupes et à ceux des mouvements similaires de l'étranger :

A l'occasion des journées d'étude qui réunissent à Rome le groupe national de « Rinascita cristiana », vous avez désiré, chères filles, venir Nous présenter le témoignage de votre attachement. Nous sommes très sensible à cette marque de déférence, qui démontre votre volonté de resserrer les liens qui vous unissent à la hiérarchie, et par elle à toute l'Eglise, afin de mieux contribuer à l'apostolat catholique par l'action dans votre milieu. Vous occupez dans votre mouvement des postes de responsabilité, qui supposent beaucoup de compétence et de zèle, car l'orientation des efforts de « Rinascita », la méthode et l'ardeur, avec lesquelles ils sont poursuivis, le succès qui les couronnera, dépendent en grande partie de vous.



Le Saint-Père encourage vivement le mouvement « Rinascita » dont l'objectif est de rendre profondément chrétien le milieu bourgeois italien.

Aussi voudrions-Nous vous féliciter d'abord du travail, que vous avez accompli au cours de l'année 1955-1956. Votre objectif est bien clair : l'éducation apostolique des chrétiens du milieu bourgeois et l'action sur ce milieu par un effort, qui porte simultanément sur vous-mêmes et sur les autres, pour découvrir vos responsabilités dans tous les domaines : famille, profession, relations sociales, et amener tant les individus que les institutions à prendre une attitude, qui soit parfaitement d'accord avec l'idéal chrétien. Ce qui distingue votre méthode, et lui confère son attrait et son efficacité, c'est que vous n'entendez point aborder seulement des problèmes théoriques, ni entreprendre telle ou telle forme particulière d'apostolat, mais agir sur la mentalité du milieu bourgeois. Vous voulez modifier sa façon de penser, de juger et de vivre, après lui avoir montré, en le découvrant d'abord dans votre vie personnelle et communautaire, que ses attitudes concrètes sont souvent bien loin de ce qu'elles devraient être, bien loin de ce que propose un christianisme authentique.



. . . Cela suppose, de la part des apôtres, une vie intérieure fervente.

Cette oeuvre de rénovation prend naissance dans la réflexion et la prière quotidienne et se poursuit au sein de vos groupes, dans la discussion et l'échange des idées, qui permettent à chacune de participer à l'expérience des autres et d'examiner à cette lumière les données de sa propre expérience. Ainsi découvrez-vous peu à peu les composantes, qui forment votre mentalité avec toutes ses caractéristiques, bonnes ou mauvaises, et pouvez-vous entamer alors efficacement le renouvellement souhaité. Au point de départ, vous placez donc la méditation de l'Evangile, méditation attentive et prolongée, qui vous rend capables de porter sur les faits ordinaires de la vie quotidienne un regard nouveau et de déceler des failles, qui auparavant ne vous apparaissaient guère. Jusque là, en effet, les habitudes contractées et leur accord avec les normes reçues dans votre milieu vous empêchaient de percevoir un sentiment de malaise, qui aurait dû naître du désaccord de ces comportements avec ce qu'on attend d'un vrai chrétien, parfaitement fidèle à la doctrine qu'il professe. L'examen approfondi du texte évangélique, les lumières reçues dans la prière, les suggestions recueillies auprès des autres lors de vos échanges de groupe, mirent bientôt à jour les insuffisances de votre foi et les attitudes peu solides qui en découlaient. Parfois le patient travail de méditation et de réflexion, que le mouvement vous invite à faire chaque jour,



a pu vous apparaître comme une chose onéreuse et difficile. Vous avez dû vaincre certaines résistances intimes ou certaines lassitudes pour continuer fidèlement cet effort, et aussi pour oser en communiquer le fruit au cours de vos réunions. Mais bientôt des clartés nouvelles ont traversé un horizon jusque là obscur, des perspectives inconnues s'ouvraient à vos yeux étonnés, des exigences plus impérieuses se réveillaient en votre âme. Il vous a semblé que le christianisme, tel que vous l'aviez pratiqué jusqu'alors, se contentait trop facilement de l'observation des commandements et des devoirs essentiels du chrétien, sans vouloir progresser davantage ; sa sève était contenue et privée de sa vigueur ; la plante, qui aurait dû pousser loin des ramures et devenir un grand arbre, se rabougrissait, se repliait sur elle-même comme fatiguée et prise de torpeur. Les échanges de « Rinascita » ont secoué cette léthargie ; vos yeux dessillés ont entrevu des lointains immenses. Le souffle véhément de l'Esprit-Saint se levait à nouveau, comme au jour où Nicodème, allant trouver le Christ, entendit de ses lèvres la parole lumineuse : Oportet vos nasci denuo, « Il vous faut naître de nouveau » (Jn 3,7) ; il faut que l'Esprit de Dieu reprenne en vous toute son impétuosité, qu'il vous traverse de ses inspirations et ressuscite sa charité.



Le premier travail consiste à prendre conscience des déficiences du eu et de proposer les redressements nécessaires.

En regardant votre milieu, en tâchant de le mieux connaître par vos enquêtes, vous avez dû d'abord faire oeuvre de vérité, découvrir ses défauts et ses limites. Le programme de cette année, par exemple, vous invitait à étudier l'usage des moyens de diffusion de la pensée : conversation, presse, cinéma, radio et télévision. Vous avez constaté qu'on les utilisait la plupart du temps pour répondre à un intérêt égoïste, et que ce repli sur soi impliquait le refus de s'ouvrir aux autres, de s'intéresser à eux, d'assumer leurs difficultés. Votre sens chrétien, affiné par la prière et la réflexion, en a tiré une ligne de conduite pour l'action apostolique. Mais prendre conscience de ses propres manquements, et surtout en prendre conscience collectivement, et admettre les redressements nécessaires, c'est faire oeuvre de vérité et d'humilité. Nul ne prétendra que ce soit facile ou agréable ; mais cette première étape reste absolument indispensable. Se voir et se juger, soi-même et son milieu, tel que l'on est devant Dieu : seule la grâce divine rend possible cette révélation, en même temps qu'elle fait sentir l'appel à la perfection de l'idéal manifesté par le Christ. N'est-ce pas le Seigneur lui-même qui se rend alors présent en chacun de ses membres : Christum habitare per fidem in cordibus vestris, « que le Christ habite en vos coeurs par la foi» (Ep 3,17). Jeter sur le monde un regard identique au sien, partager les intentions qui l'animaient, son désir immense de rédemption, telle est la démarche spontanée de qui vit en lui et par lui.



Tout en ayant un objet immédiat limité, l'apostolat de « Rinascita » s'étend au monde entier.

Et cette foi, comme il est normal, s'épanouira dans la charité ; la vie nouvelle, germée dans votre âme, vous entendez la porter aux autres, faire en sorte qu'ils en vivent ; vous voulez les transformer, non de l'extérieur par une action superficielle, mais de l'intérieur, pour qu'ils commencent eux aussi à voir ce que vous voyez et qu'ils en conçoivent le désir, d'abord incertain, puis mieux assuré, de se changer eux-mêmes et de devenir à leur tour, dans leur milieu, des foyers de charité chrétienne. Qui dit catholique, dit universel ; rien n'est plus étranger au vrai disciple du Christ que l'esprit de caste, l'isolement, le repli sur soi, que vous avez dénoncé franchement. Cet obstacle, vous devez tenter par tous les moyens de le renverser. Mais ne vous étonnez pas s'il résiste tenacement et si, apparemment abattu, il se redresse soudain. Car il possède, hélas ! des bases solides dans une nature affaiblie par le péché, il pèse sur elle de tout son poids et retarde ses élans. C'est sur tous les plans qu'il faut batailler sans relâche, pour élargir les façons de penser, pour purifier les intentions, se débarrasser de toute étroitesse de vues. Au contact des moindres faits de l'actualité, il s'agit de déclencher le réflexe juste, désintéressé, inspiré de la vie de foi et des exigences de la charité. Mais quelle lutte avant d'en arriver là ! Vous vous apercevez bientôt, en suivant cette route, qu'elle conduit au sacrifice, qu'elle impose le pardon des offenses, le mépris de l'argent, le détachement du coeur, en un mot, qu'elle entraîne à la suite du Christ souffrant. Et n'est-ce pas nécessaire, si vous ambitionnez de continuer son oeuvre, de participer avec lui à la rédemption du monde ? Ici plus de limite précise : personne ne vous dira jamais que vous avez assez travaillé ou peiné, pour contenter Dieu et pour étendre son royaume. Le Seigneur vous demande, au contraire, une générosité, qui ne connaît pas de frein, il vous propose un apostolat qui s'ouvre sur le monde entier, même si son objet immédiat reste bien déterminé.

Vos désirs présents sont-ils à la hauteur de pareil programme ? Nous le croyons, chères filles ; car si Dieu a mis en vous la volonté de le servir mieux et de répondre sincèrement à ce qu'il attend de vous, il y a déposé en même temps la force d'accomplir ses desseins, l'humble désir d'être associé à ses peines et l'espoir de participer un jour à son triomphe.

Il vous paraît peut-être que vos ressources spirituelles ne suffiront pas pour atteindre un but si élevé, mais la grâce parle la première ; elle vous fixe le terme et vous assure le secours efficace pour y arriver. Dans la mesure où vous lui serez fidèles, vous exercerez autour de vous cet apostolat,, qui est un débordement de vie intérieure, un témoignage du surnaturel et de sa puissance de rénovation dans un monde, que le péché a divisé, fermé sur lui-même, rendu opaque aux vraies valeurs de vie. Que le Saint-Esprit, fons vivus, ignis, caritas, vous éclaire et vous anime. Qu'il dirige vos efforts et leur donne la fécondité ! Ainsi le mouvement de « Rinascita » pénétrera-t-il chaque jour davantage dans le milieu où Dieu vous a placées pour y étendre son règne.

En gage des faveurs divines que Nous appelons en abondance sur vous-mêmes, sur vos foyers et sur tous les membres de votre mouvement, Nous vous accordons de tout coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.






ALLOCUTION A UNE DÉLÉGATION DU CERCLE CULTUREL DE SABADELL

(30 octobre 1.956) 1






Le mardi 30 octobre, le Saint-Père a accordé une audience à une délégation du « Circulo Sabadellès », de Sabadell, florissante cité industrielle espagnole de la province de Barcelone. Il leur a adressé l'allocution suivante :

Très chers fils, membres du « Circulo Sabadellès », celui qui ignore la riche variété de qualités et de nuances, qui forment le caractère même de votre région pourrait difficilement imaginer qu'un groupe comme le vôtre, venu de Sabadell, dont les fabriques de textiles étaient déjà estimées aux XIIIe et XIVe siècles et que l'on pourrait styliser par un dessin de fabrique sur fond de cheminées fumantes, se soit présenté au centre de la chrétienté ; il représente, en effet, une société à caractère récréatif et culturel, qui procure un honnête divertissement à ses adhérents en encourageant de charmantes traditions populaires, pleines de beauté et de sentiment, et en s'efforçant, du même coup, de mettre à leur portée les possibilités d'une élévation intellectuelle.

Il ne s'agit pas d'un organisme quelconque, de ceux qui naissent à la chaleur d'un enthousiasme momentané, pour disparaître ensuite au premier soleil comme un brouillard de printemps, mais d'une société solide et bien établie, qui célèbre, avec joie, ses cent ans d'existence ; précisément, en une si solennelle occasion, elle a voulu venir à Rome, offrir à son Père le Pape, un précieux souvenir de ce premier centenaire.


CERCLE CULTUREL DE SABADELL



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Soyez donc les bienvenus, très chers fils ; un bravo bien sincère et mille fois merci pour votre geste si généreux, si pieux et si filial. Ceux qui pensent que l'homme, au contact de la machine, n'est capable que de s'abrutir jusqu'à se transformer, tout au plus, en un rouage insensible, ont beaucoup à apprendre de votre exemple. En vous recevant comme des fils très fidèles, Nous éprouvons une satisfaction si particulière que Nos paroles arrivent à peine à l'exprimer.

Que le Seigneur bénisse de façon spéciale vos activités sociales. Dans les vénérables et très anciennes traditions populaires, il n'est guère difficile de distinguer le sacré du profane, car on peut souvent y trouver des évocations de la spiritualité la plus vraie, et même des thèmes qui ne sont pas complètement étrangers aux manifestations liturgiques ; elles offrent l'occasion de faire revivre dans les esprits, d'une manière attrayante et pleine de charme, la solide pensée religieuse, qui inspira peut-être, un jour, à vos aînés, ce que vous répétez aujourd'hui avec joie. Cultivez toujours, avec un amour spécial, les formes si précieuses de vos traditions, afin que reste toujours intacte cette continuité d'esprit qui demeure l'une des plus grandes garanties de la solidité et de la stabilité dans la vie des peuples.



En ce qui concerne la seconde partie de votre activité sociale, Nous désirons seulement vous adresser une exhortation.

Efforcez-vous toujours de perfectionner votre formation, mais sans jamais oublier qu'une formation authentique doit s'appuyer nécessairement sur l'unique vérité, dont l'Eglise est la dépositaire ; dans cette formation, ne perdez pas de vue l'homme en son intégrité dont l'être, certes, ne tient pas, seulement dans la curiosité ni dans l'avidité du savoir ; en le considérant ainsi, rendez-vous compte que la partie la plus noble de l'homme se trouve toujours en son esprit ; pour la formation de cet esprit, enfin, rappelez-vous, mais surtout mettez en pratique les grands moyens de formation spirituelle qui sont la prière, la mortification chrétienne et la fréquentation assidue des saints sacrements.

A travers la région du Vallès passe un puissant souffle de vie, qui se manifeste dans la fiévreuse activité de ses fils, dans la rumeur incessante de ses machines, dans le volume sans cesse croissant de ses affaires et dans cette ardeur de



progrès et d'initiative, qui a fait de votre cité un centre industriel de première force. Nous souhaitons qu'à une telle activité de vie matérielle corresponde une activité de vie spirituelle plus grande encore, pour que l'esprit n'apparaisse pas étouffé par la matière et que le progrès ne se dévore pas lui-même, comme cela est malheureusement constant, si manque l'équilibre entre l'un et l'autre. Nous pensons que des hommes comme vous et des sociétés comme la vôtre peuvent contribuer à ce que Notre ardent désir devienne une réalité consolante pour vous.

Allez de l'avant, très chers fils, avec Notre Bénédiction ; et que cette Bénédiction s'étende sur vos personnes et vos justes désirs, vos familles et vos amis, votre cité, votre région et toute votre patrie.


TÉLÉGRAMME AU CARDINAL WYSZYNSKI A L'OCCASION DE SON RETOUR A VARSOVIE

(jo octobre 1956) 1






A l'acte de très déférent hommage et de reconnaissance émue, qu'à peine remonté sur son siège, le cardinal Wyszynski avait tenu à lui rendre, le Saint-Père a répondu par le télégramme suivant :

Votre retour sur le siège de Gniezno et Varsovie dont vous Nous avez fait part par un télégramme très déférent et d'une haute pensée et qui remplit de joie le peuple de Pologne et tous les catholiques, Nous est une très douce raison de rendre grâces au Tout-Puissant, et de vous féliciter, Notre très cher fils, avec infiniment d'affection. Votre courage, votre irréfragable force d'âme dans vos épreuves, ont resplendi comme un exemple ; en répondant par de ferventes prières au témoignage de votre dévotion, Nous vous adressons, de grand coeur, Notre Bénédiction, à vous, à votre clergé et à vos ouailles ainsi qu'aux évêques et aux fidèles de la catholique Pologne. Nous sommes heureusement et fermement convaincu que si, votre retour, très attendu, a rendu mémorable cette année consacrée à la Vierge de Jasna Gora, patronne de la Pologne, de même, grâce à la Mère du Rédempteur, il sera pour votre pays, l'espoir d'une paix sincère, fondée sur la justice, la charité et la liberté de l'Eglise.


MESSAGE AU CARDINAL MINDSZENTY A L'OCCASION DE SA MISE EN LIBERTÉ

(31 octobre 1.956) 1






Le Saint-Père s'est plu à adresser au cardinal Mindszenty le télégramme suivant d'affection paternelle :

Avec la même affection paternelle, avec laquelle, il y a huit ans, Nous avions déploré, avec une très amère douleur, votre dépossession de votre siège et votre incarcération iniques ; avec laquelle également Nous avions publiquement protesté bien des fois, et spécialement dans un consistoire extraordinaire, aujourd'hui, Nous apprenons avec une vive consolation votre mise en liberté, aux applaudissements de la chrétienté et de votre patrie. Nous en rendons de ferventes grâces à Dieu qui a exaucé les suppliques incessantes de tous les chrétiens, et dont la grâce a fait resplendir votre foi et votre constance au milieu d'épreuves si nombreuses et si lourdes, supportées pour le nom du Christ. Que ce soit, pour la chère nation hongroise, grâce à votre zèle apostolique et à celui des autres évêques, auquel feront écho vos fidèles, l'augure de la refloraison d'une vie catholique renouvelée, après de si graves périls d'erreurs et tant de sang versé ; qu'ainsi puisse toujours briller cette déférente fidélité à l'Eglise et au Saint-Siège apostolique que vous avez reçue de vos pères. Et pendant que Nous implorons de Dieu le repos éternel pour les victimes de ces récentes journées de deuil, à vous, Notre cher fils, qui êtes toujours resté présent dans Nos prières et Nos préoccupations, aux autres évêques, au clergé et à tous les fidèles, à ceux particulièrement qui ont eu à souffrir de ces terribles malheurs, en gage de l'aide divine, Nous vous adressons, de tout coeur, Notre Bénédiction apostolique.


ENCYCLIQUE «L/ETAMUR ADMODUM» POUR DEMANDER DES PRIÈRES POUR LA PAIX

(ier novembre 1956) 1






C'est pour Nous un motif de grande joie de savoir que l'épiscopat du monde catholique, et avec lui le clergé et le peuple chrétiens ont répondu, avec un élan spontané, à l'invitation que Nous leur avons adressée par la récente lettre encyclique (Luctuosissimi eventus, du 28 octobre 1956) 2, en faisant monter vers Dieu des prières publiques pour le rendre propice.

Nous voulons donc lui rendre, du fond du coeur, d'infinies actions de grâces pour s'être laissé toucher par tant de supplications, spécialement par celles de l'enfance innocente ; il semble avoir enfin fait naître pour les peuples de Pologne et de Hongrie l'aurore d'une paix fondée sur la justice. Nous avons appris, avec non moins de joie, que Nos chers fils, les cardinaux Etienne Wyszynski, archevêque de Gniezno et Varsovie, et Joseph Mindszenty, archevêque d'Eztergom, éloignés de leurs sièges respectifs, ont été reconnus innocents et victimes de fausses accusations et qu'ils se sont vus rétablir dans leurs postes d'honneur et de responsabilité, accueillis triomphalement par une multitude en fête.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 745, traduction française de VOsservatore Romano, du 9 novembre 1956.

2 Cf. p. 666 et suiv.




Nous avons l'espoir qu'il y a là un bon présage pour la réorganisation et la pacification de ces deux Etats, sur la base de principes plus sains et d'une meilleure législation, mais spécialement sur la base du respect des droits de Dieu et de l'Eglise. Nous Nous adressons donc de nouveau à tous les catholiques de ces nations pour que, unissant leurs efforts et

serrant leurs rangs autour de leurs pasteurs légitimes, ils travaillent généreusement au progrès et à l'affermissement de cette sainte cause ; car, si cette cause était abandonnée ou négligée, on ne pourrait obtenir de vraie paix.

Mais, tandis que Notre esprit est encore à ce sujet plongé dans l'anxiété, une autre situation inquiétante se présente devant Nous. Comme vous le savez, vénérables frères, les lueurs d'incendie d'une autre action de guerre se sont allumées menaçantes dans le Moyen Orient, non loin de la Terre Sainte, où les anges, descendus du ciel au-dessus du berceau du divin Enfant, annoncèrent la paix aux hommes de bonne volonté (Lc 2,14). Que pourrions-Nous faire d'autre, Nous qui embrassons tous les peuples dans un amour paternel, sinon de faire monter de suppliantes prières vers le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation (2Co 1,3) et vous exhorter tous à unir vos prières aux Nôtres ? En effet, « nos armes de guerre ne sont pas charnelles, mais puissantes en Dieu » (2Co 10,4).

Notre espoir repose uniquement sur Celui qui, par sa lumière céleste, peut éclairer l'esprit des hommes et plier leur volonté exaspérée vers des desseins plus modérés, de manière que puisse s'établir, entre les nations un ordre juste, pour le plus grand avantage de ceux qui sont en cause, en sauvegardant toujours les droits légitimes de chacun. Que tous se rappellent, spécialement ceux entre les mains de qui est placé le sort des peuples, que jamais aucun bien durable ne pourra naître de la guerre, mais bien une grande quantité de malheurs et de calamités. Ce n'est pas avec les armes, avec les massacres, avec les ruines que l'on résout les questions qui opposent les hommes, mais avec la raison, le droit, la prudence et l'équité.

Quand des hommes avisés, poussés par le désir d'une vraie paix, se réunissent pour traiter de si graves problèmes, qu'ils considèrent les grands dangers d'une guerre qui, se développant d'une petite étincelle, peut devenir un immense incendie ; ils ne peuvent que se sentir alors incités à choisir les voies de la justice et non à s'aventurer sur la pente rapide de la violence.

C'est sur ce point que Nous voulons attirer, en ce moment dangereux, l'attention des gouvernants ; ils seront convaincus, Nous ne pouvons en douter, que Nous ne sommes poussé par aucun autre intérêt que celui du bien commun et de la prospérité commune, qui ne pourra jamais résulter du versement du sang de frères.




ENCYCLIQUE « LAETAMUR ADMODUM»



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Et comme Nous mettons, d'une façon toute particulière, Notre espérance, ainsi que Nous l'avons dit, dans la providence et la miséricorde de Dieu, Nous vous exhortons avec insistance, vénérables frères, à encourager sans cesse et à promouvoir la croisade de prières : que, par l'intercession de la Vierge Marie, le Seigneur veuille bien permettre que les dangers de la guerre disparaissent ; que les intérêts opposés des nations trouvent une heureuse solution ; que partout soient sauvegardés, au profit de tous, les droits sacrés de l'Eglise, sanctionnés par son divin Fondateur, et que « la grande famille humaine, désagrégée par le péché, se soumette à sa très douce souveraineté » 3.

En attendant, à vous tous, vénérables frères, et aux troupeaux confiés à vos soins, qui seront sensibles comme vous, Nous n'en doutons pas, à ces nouvelles exhortations, Nous donnons de tout coeur la Bénédiction apostolique, pour qu'elle vous apporte les grâces célestes et témoigne de Notre paternelle bienveillance.









































Oraison de la fête du Christ-Roi.


ALLOCUTION AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES D'ESPAGNE

(3 novembre 1956) 1






Le 3 novembre, à la villa pontificale de Castelgandolfo, le Souverain Pontife a reçu en audience le ministre des Affaires étrangères d'Espagne, M. Martin Artajo, accompagné de l'ambassadeur d'Espagne près le Saint-Siège, M. Fernando Castiella y Maiz, des personnes de sa suite et du personnel de l'ambassade.

Le Pape leur a adressé le discours suivant, en espagnol, que nous traduisons ci-dessous :

Malgré Nos préoccupations et le temps limité dont Nous disposons, Nous avons vivement tenu à accueillir le désir exprimé par Votre Excellence et les personnalités qui l'accompagnent, sachant combien sincèrement la foi et la pratique chrétienne inspirent Votre Excellence et la parent du plus précieux de tous les titres.

L'importance de la mission que Votre Excellence vient de conclure avec l'aide de ses distingués collaborateurs, devra être justement appréciée dans les sphères compétentes. Il Nous appartient de la mettre en relief et de l'analyser en ce qu'elle comporte de vraiment bienfaisant et fraternel, en ce moment précisément où le rythme de la politique mondiale semble se modifier, où menacent et même commencent de terribles ruptures, dont la portée pourrait être difficilement calculée avec des visées purement humaines.

Les problèmes mondiaux, comme tout mouvement où interviennent des ambitions humaines plus ou moins contrôlables,


MINISTRE D'ESPAGNE



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ont leurs alternatives auxquelles répondent d'habitude les remèdes opportuns, quand la phase ne dépasse pas les limites ordinaires. Mais il y a des moments où il semble que ces forces se déchaînent et provoquent des crises capables d'assombrir le front le plus serein. On se demande si nous ne nous trouvons pas, aujourd'hui, à l'un de ces instants, où tout équilibre menace de céder, où tout frein commence à paraître insuffisant et où la seule solution reste le recours aux principes éternels de fraternité et de justice, la modération et la prudence, la conscience de sa responsabilité, l'évaluation exacte et paisible des moyens et des fins, le souvenir incessant du compte que chacun doit rendre devant Dieu et devant l'histoire.

L'Espagne catholique a l'expérience de certaines horreurs et il se peut que cette souffrance ait été une insigne grâce du ciel pour la maintenir à l'écart de graves dangers. Notre souhait est qu'elle sache en profiter pour poursuivre la réorganisation de ses moyens de production, l'élaboration de ses institutions fondamentales, la mise en pratique de principes qu'elle a toujours acceptés et reconnus, apport de sa riche civilisation nationale à l'harmonie générale des peuples, et surtout la totale pacification des esprits en son sein ; ce sera là une projection authentique de ses hauts idéals chrétiens sur tous les aspects de sa vie économique, culturelle et sociale.

Monsieur le Ministre, née et formée dans un milieu profondément catholique, nourrie de principes supérieurs aux valeurs exclusivement humaines dont la teneur ne pourra jamais être aussi élevée ni aussi transcendantale, Votre Excellence semble avoir été spécialement préparée à cette mission. Nous désirons ardemment qu'il en soit ainsi, et tandis que, de tout coeur, Nous vous bénissons, vous-même et les personnalités présentes, Notre Bénédiction s'étend également sur le Chef de l'Etat, sur votre gouvernement et sur tout le cher peuple espagnol.


ENCYCLIQUE « DATIS NUPERRIME >> POUR DÉPLORER ET CONDAMNER LES ÉVÉNEMENTS DE HONGRIE

(5 novembre 1956) 1






Dans Notre toute dernière lettre encyclique aux évêques du monde catholique, Nous exprimions, devant l'apparente amélioration de la situation en Hongrie, Notre espoir de voir enfin resplendir sur le noble peuple hongrois la nouvelle aurore d'une paix fondée sur la justice et la liberté 2.

Mais les nouvelles qui ont suivi, ont rempli Notre âme de la plus amère douleur : voici, coulant à nouveau, dans les villes, les bourgs et les villages de la Hongrie, le sang de citoyens qui aspiraient de toute leur âme à une juste liberté ; voici les institutions nationales, à peine restaurées, à nouveau renversées et anéanties par la violence, et la servitude imposée par les armes de l'étranger, à un peuple ensanglanté.

Ces tragiques événements, qui provoquent une indignation et une douleur extrême non seulement chez tous les catholiques, mais dans l'ensemble des nations libres, Nous ne pouvons, dans la conscience de Notre charge, Nous empêcher de les déplorer et de les condamner. Que ceux dont les ordres ont provoqué de tels crimes considèrent enfin qu'on ne peut étouffer dans le sang la juste liberté des peuples.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVIII, 1056, p. 748, traduction française de VOsservatore Romano, du 9 novembre 1956.

2 Cf. pp. 693 et suiv.




Quant à Nous qui nourrissons à l'égard de tous des sentiments paternels, Nous déclarons qu'aucun acte de force, aucun meurtre, injustement perpétré par qui que ce soit, n'est jamais autorisé : c'est à la paix, fondée et maintenue par la justice,


ENCYCLIQUE « DATIS NUPERRIME »



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la liberté et la charité, que Nous exhortons tous les peuples et toutes les classes sociales. Mais la parole du Seigneur à Caïn : « La voix du sang de ton frère crie vers moi de la terre » (Gn 4,9-10) se vérifie encore aujourd'hui : le sang du peuple hongrois crie vers Dieu. Et, si le juste juge ne punit souvent les individus de leurs péchés qu'après leur mort, il frappe parfois dès cette vie — l'histoire le prouve — les gouvernants qui ont fait subir aux autres l'injustice.

Daigne donc le très miséricordieux Rédempteur, Nous l'en supplions, toucher le coeur des responsables : qu'il soit enfin mis un terme à l'injustice, que toute violence s'éteigne et que tous les peuples pacifiés s'entendent dans la tranquillité de l'ordre.

En attendant, Nous implorons du Dieu de miséricorde, pour ceux surtout qui ont malheureusement trouvé la mort au cours de ces douloureux événements, la lumière et le repos éternel dans le ciel, et Nous désirons que tous les chrétiens s'unissent à Nous dans cette supplication.

Au terme de cette Lettre, Nous vous accordons à tous de grand coeur, vénérables frères, ainsi qu'aux troupeaux qui vous sont confiés et spécialement à la très chère nation hongroise, en gage des divines faveurs et, comme témoignage de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique.


1 RADIOMESSAGE SUR LES ANXIÉTÉS DU MONDE À L'HEURE PRÉSENTE

(10 novembre 1956) 1




Le samedi 10 novembre, le Saint-Père a adressé le radiomessage suivant aux peuples et aux hommes de gouvernement du monde entier.

Le Saint-Père déclare que les tragiques événements de Hongrie ont porté un rude coup au faible espoir de paix qui s'était fait jour les mois précédents.

A la douleur de Notre coeur de Père pour l'iniquité consommée au détriment du cher peuple hongrois, coupable d'avoir voulu le respect des droits humains fondamentaux, s'ajoutent Notre anxiété pour la paix menacée et la douleur de voir s'affaiblir les rangs de ceux sur l'autorité, l'union et la bonne volonté desquels on semblait pouvoir compter beaucoup pour le rétablissement progressif de la concorde entre les nations dans la justice et dans la liberté véritable.

Qui pourrait nier que les questions de la paix et de la juste liberté ont, hélas ! fait un pas en arrière, rejetant avec elles dans l'ombre les espérances laborieusement ressuscitées et fortifiées par de multiples témoignages ?

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 787, traduction française de la Documentation Catholique, t. LIII, col. 1481 et suiv.




Trop de sang a été injustement versé ; trop de deuils et de massacres soudain renouvelés ; le fil ténu de la confiance, qui avait commencé à réunir les peuples et soutenait tant soit peu les âmes, semble brisé ; le soupçon et la défiance ont creusé un plus profond abîme de séparation. Le monde entier a tressailli à bon droit devant le hâtif recours à la force, exécrée mille fois et par tous comme moyen d'aplanir les conflits et d'assurer la victoire du droit.

Il n'est pas douteux que, du paroxysme de ces jours de violence, le monde ne soit sorti désorienté et ébranlé dans sa confiance, ayant assisté au retour d'une politique qui, à des titres divers, exclut l'arbitrage et met les intérêts économiques au-dessus des vies humaines et des valeurs morales.



Il adresse un pressant appel aux peuples pour qu'Us fassent pression sur leurs gouvernants pour sauver la paix.

Devant de telles atteintes à la justice et à l'amour fraternel, devant le scepticisme qui envahit progressivement les hommes en face de l'avenir, devant la désunion croissante des esprits, Nous, qui tenons de Dieu le mandat de promouvoir le bien de toutes les nations et qui estimons fermement que la paix n'est pas un vain songe, mais un devoir à la portée de tous, dans l'intention de contribuer à sauver cette paix, tant en elle-même que dans les facteurs sur lesquels elle se fonde, Nous voulons adresser aux peuples notre cri angoissé : restaurons les voies de la paix, renforçons l'union de ceux qui la désirent, redonnons la confiance à ceux qui l'ont perdue.

C'est pourquoi Nous nous adressons tout d'abord à vous, chers peuples, hommes et femmes, intellectuels, travailleurs, artisans et paysans, de toute race et de tout pays, afin que vous fassiez entendre à vos gouvernants quels sont vos sentiments intimes et vos vraies aspirations.

Les faits ont confirmé que les peuples, les familles, les individus préfèrent la tranquillité du travail et de la famille aux richesses les plus convoitées. Ils sont prêts à renoncer à celles-ci, s'il faut les payer au prix de la tyrannie et au risque d'une guerre avec ses conséquences de ruines, de deuils, de prison et de mort. Au nom de la religion, de la civilisation et du juste sentiment humain : c'en est assez de répressions illégales et brutales, de desseins belliqueux, de rivalités d'hégémonie entre puissances, toutes choses qui font de la vie terrestre un abîme d'angoisses et de terreurs, qui torturent les âmes et réduisent à néant les fruits du travail et du progrès.

Cette voix, qui est celle de la nature, il faut qu'elle se fasse entendre bien haut, à l'intérieur et à l'extérieur de chaque nation, et qu'elle soit entendue et accueillie de ceux à qui les peuples ont confié le pouvoir. Si une autorité publique, dans la mesure où cela la concerne, ne tendait pas à assurer au moins la vie, la liberté, la tranquillité des citoyens — quelles que soient ses autres réalisations — elle faillirait dans la substance même de son but.



Le Saint-Père invite instamment tous les peuples libres à ne pas oublier leurs malheureux frères soumis à un régime de servitude et à s'unir dans une puissante organisation pour sauvegarder leur liberté.

Mais, plus que toute autre préoccupation, pèse sur les âmes le sens des faits douloureux de Hongrie. L'émotion universelle et spontanée du monde, que l'attention portée à d'autres graves événements ne réussit pas à diminuer, montre combien il est nécessaire et urgent de rendre leur liberté aux peuples qui en ont été privés. Le monde peut-il se désintéresser de ces frères et les abandonner au destin d'un dégradant esclavage ? Assurément, la conscience chrétienne ne peut se soustraire à l'obligation morale de tenter tous les moyens permis pour restaurer leur dignité et leur rendre la liberté.

Nous ne dissimulons pas combien les rapports entre les nations et entre les groupes continentaux qui les embrassent sont compliqués à l'heure présente. Mais que l'on écoute la voix de la conscience, de la civilisation, de la fraternité, que l'on écoute la voix même de Dieu, Créateur et Père de tous, en faisant passer, même au prix de sacrifices graves, tout autre problème et tout intérêt particulier après l'intérêt primordial et fondamental des millions de vies humaines réduites à l'esclavage.

Que l'on resserre bientôt les rangs et que l'on groupe en un pacte solide tous ceux qui — gouvernements et peuples — veulent que le monde suive le sentier de l'honneur et de la dignité des fils de Dieu. Un pacte capable aussi de défendre efficacement ses membres de toute attaque injuste contre leurs droits et leur indépendance. Ce ne sera pas la faute des honnêtes gens, s'il ne reste à ceux qui s'éloignent de cette voie que le désert et l'isolement. Peut-être se produira-t-il — et Nous le souhaitons de tout coeur — que la cohésion des nations aimant sincèrement la paix et la liberté suffira à amener à des desseins plus modérés ceux qui se soustraient aux lois élémentaires de la société humaine et qui se privent par là eux-mêmes de parler au nom de l'humanité, de la justice et de la paix.

Leurs peuples ne pourront pas ne pas éprouver, les premiers, le besoin de faire partie à nouveau de la famille humaine pour en goûter l'honneur et les avantages. Soyez donc tous unis pour la liberté et pour la paix, vous, chers peuples de l'Est et de l'Ouest, membres de la commune famille humaine.

La paix, la liberté...

Désormais, ces mots redoutables ne sont plus l'objet d'équivoques. Ils ont retrouvé leur sens originel et lumineux, celui qui fut toujours le Nôtre, comme dérivant de la nature et de la volonté manifeste du Créateur. Répétez-les, proclamez-les, réalisez-les. Que vos gouvernants se fassent les interprètes fidèles de vos vrais sentiments, de vos vraies aspirations, Dieu vous aidera, Dieu sera votre force.



Il termine en souhaitant que le saint nom de Dieu résonne partout comme un appel à la puissance divine qui seule est capable de venir en aide à la faiblesse humaine.

Dieu ! Dieu ! Dieu !

Que ce nom ineffable, source de tout droit, de toute justice, de toute liberté, résonne dans les Parlements et sur les places, dans les maisons et les usines, sur les lèvres des intellectuels et des travailleurs, dans la presse et la radio, que le nom de Dieu, synonyme de paix et de liberté, soit l'étendard des hommes de bonne volonté, le lien des peuples et des nations, le signe auquel se reconnaîtront les frères et les artisans de l'oeuvre commune de salut. Que Dieu vous tire de votre torpeur et vous écarte de toute complicité avec les tyrans et les fauteurs de guerre, qu'il éclaire vos consciences et réaffermisse vos volontés dans l'oeuvre de reconstruction.

Que son nom résonne surtout dans les temples sacrés et dans les coeurs, comme un appel suprême au Seigneur, pour qu'il aide à réaliser, par sa puissance infinie, ce que les faibles forces humaines ont tant de peine à obtenir.

Avec cette prière, que Nous sommes le premier à faire monter vers le trône de la divine Miséricorde, Nous vous quittons, chers fils, dans la confiance que la sérénité viendra à nouveau briller sur le monde et sur les fronts accablés, et que la paix, mise à si dure épreuve, en sortira plus limpide, plus durable et plus juste.




Pie XII 1956 - RADIOMESSAGE A L'OCCASION DE LA CONSÉCRATION DE L'EMILIE AU SACRÉ-COEUR