Pie XII 1956 - COMPAGNIE DE JESUS


LETTRE

A SON EXC. MONSEIGNEUR A. RENARD ÉVÊQUE DE VERSAILLES POUR LE CONGRÈS DE L'UNION DES OEUVRES CATHOLIQUES DE FRANCE (30 mars 1956)

Le Souverain Pontife a envoyé la lettre suivante à Son Exc. Monseigneur Alexandre Renard, président du soixante-huitième congrès national de l'« Union des oeuvres catholiques de France » qui a eu lieu à Versailles du 3 au 6 avril, et a étudié le thème « Pastorale, oeuvre commune ».

Notre paternelle sollicitude pour le clergé de France Nous a rendu particulièrement agréable l'annonce du Congrès de pastorale que vous vous apprêtez à présider dans votre ville épiscopale. Prêtres, religieux et militants laïques s'y réuniront nombreux pour étudier, avec l'assistance de plusieurs membres de la hiérarchie, la nécessité et les caractères d'une action pastorale d'ensemble, qui regroupe, pour une oeuvre commune, les labeurs et les initiatives de chacun. De grand coeur, Nous bénissons ces travaux et les encourageons.

Le Saint-Père loue les heureuses initiatives de l'épiscopat français pour adapter la pastorale aux conditions présentes.

Il y a trois ans déjà, Nous nous étions plu à louer « l'effort de lucidité » des catholiques de France et leur souci d'adapter la pastorale aux conditions présentes des villes et des campagnes, grâce à un usage prudent des données de la sociologie. « On cherche, disions-Nous, à voir clair pour agir efficacement ». Qui donc, en effet, peut méconnaître le nombre et la diversité des formes d'apostolat et d'action catholique qui, sous la vigilance des Pasteurs, se sont développées depuis quelques décades dans votre patrie ? Congrès et sessions d'étude ne cessent d'attester cette vitalité ; les missions se multiplient, qui, sur la base d'une analyse méthodique et patiente, animent une cité entière ou toute une zone rurale ; l'enseignement religieux et la formation spirituelle, la recherche intellectuelle et l'action sociale sont, avec le ministère sacramentel et la vie liturgique, l'objet d'un zèle qui ne connaît point de repos. Et comment ne pas mentionner l'Institution récemment fondée par Nos soins pour faire refleurir la foi et la vie chrétienne dans les régions ou les milieux sociaux qui exigent une action proprement missionnaire ? Tant d'efforts difficiles et courageux Nous sont connus : que les prêtres de France les poursuivent avec ardeur et confiance, dans une filiale docilité à ceux que l'Esprit-Saint a établis pour régir l'Eglise de Dieu (Ac 20,28) !

Il rappelle que pour produire des fruits, les efforts des pasteurs requièrent une formation doctrinale solide, une grande charité sacerdotale et une judicieuse coordination.

Pour porter tous leurs fruits, de tels efforts requièrent tout d'abord une ferme assise doctrinale et cette charité fraternelle entre prêtres, que Nous recommandions il y a peu de semaines au clergé romain. Mais, au plan de l'apostolat, qui est celui de votre Congrès, ils requièrent également une judicieuse coordination des ministères dans un cadre d'action suffisamment large. Cette exigence, sans doute, est de tous les temps ; elle s'impose cependant davantage à notre époque, non seulement pour remédier au trop petit nombre d'ouvriers apostoliques, mais pour mieux correspondre aussi à la complexité accrue des relations humaines et aux dimensions nouvelles des structures sociales de vie et de travail. Aussi bien, tous les prêtres qui se dépensent dans un secteur donné, aimeront-ils considérer leurs fonctions sacerdotales, diverses et complémentaires, comme étant au service d'une seule et même tâche d'Eglise, sous l'autorité de l'Evêque. C'est au chef du diocèse, responsable de tout l'apostolat qui s'y accomplit, qu'il appartient d'apprécier l'ampleur des regroupements de forces souhaitables, d'en définir les conditions et les limites, d'assigner à chacun les objectifs d'action. Il n'est pas douteux au surplus que les paroisses, cellules irremplaçables de la communauté chrétienne, ne soient les premières à bénéficier de cette meilleure coordination. L'heure n'est plus aux efforts isolés et dispersés.

Le Saint-Père souligne que les oeuvres d'apostolat ne doivent pas faire perdre de vue l'importance de l'action personnelle sur les âmes.

Dans la mesure où l'apostolat est une oeuvre commune, le prêtre doit acquérir les qualités, d'ordre spirituel et pastoral, qui sont requises pour l'exercer dans cet esprit. Il aura à coeur notamment de respecter la diversité des ministères et de consentir parfois les sacrifices nécessaires ; le souci des ensembles ne lui fera pas perdre de vue l'importance du contact individuel et de la direction des âmes ; une juste appréciation des données propres au milieu à évangéliser ne saurait lui faire oublier la souveraine efficacité de l'action de la grâce, la puissance de la parole de Dieu et la fécondité surnaturelle de la sainteté. Comme le père de famille « qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes » (Mt 23,52), l'apôtre d'aujourd'hui doit puiser dans sa foi en l'Eglise un élan toujours jeune pour enrichir d'heureuses initiatives l'action pastorale, en même temps qu'un respect des normes traditionnelles, éprouvées et sanctionnées par l'autorité hiérarchique.

Le Congrès de Versailles, animé par les dirigeants de l'Union des OEuvres, est déjà, Nous le savons, le fruit d'une longue et fraternelle collaboration entre les divers mouvements de la vie catholique française. Dieu veuille qu'il favorise à l'avenir une fructueuse coordination des efforts apostoliques dans votre pays ! C'est avec ce voeu paternel que Nous vous accordons, ainsi qu'à vos collègues de l'épiscopat et militants laïques, Notre Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX FIDÈLES DE ROME ET DU MONDE A L'OCCASION DE LA FÊTE DE PÂQUES (1er avril 1956)


Le dimanche 1er avril, solennité de la Paque de Notre-Seigneur, le Souverain Pontife, avant de donner la bénédiction « Urbi et Orbi » a adressé, depuis la loggia extérieure de la Basilique Vaticane, aux fidèles de Rome et du monde, un message en italien dont nous donnons la traduction suivante :

Comme alertés par le cri de victoire du divin Ressuscité et illuminés par son éclat mystique, vous êtes rassemblés ici, chers fils et filles, pour unir votre hosanna à l'exultation des choeurs angéliques : « Exultet iam angelica turba cselorum », « Voici qu'exulte l'armée des cieux », (Chant de Pâques). Le choeur puissant de vos jubilations, qui résonne dans ce lieu sacré, si riche pour des chrétiens de souvenirs éloquents et encourageants, constitue une strophe admirable de l'hymne continuel que l'Eglise depuis deux mille ans chante à son divin Roi, vainqueur de la mort.

Le Saint-Père exprime le souhait que cette solennité de Pâques soit, pour tous les hommes, une invitation à croire au Christ Rédempteur.

Il est donc digne et juste que maintenant votre hosanna au Christ ressuscité, jailli de coeurs en qui surabonde la joie d'avoir trouvé en Lui la lumière, l'assurance, la vie, se répande comme un message de salut adressé à tous les hommes de la terre pour susciter un renouveau d'espérance. Nous voudrions par conséquent que la solennité de Pâques de cette année soit en premier lieu une invitation à croire au Christ, adressée aux peuples qui ignorent encore, sans que ce soit leur faute, l'oeuvre salvifique du Rédempteur ; à ceux qui par contre voudraient en voir le nom effacé de l'esprit et du coeur des peuples ; de manière particulière enfin, à ces âmes de peu de foi qui, séduites par de trompeuses espérances, sont sur le point d'échanger les inestimables valeurs chrétiennes pour celles d'un faux progrès terrestre. Que se hâte l'heure où la terre, illuminée par l'éclatante lumière du Roi éternel, pourra se réjouir, comme vous en ce jour, de se sentir affranchie des ténèbres spirituelles, aujourd'hui si denses : « Totius orbis se sentiat amisisse caliginem » (ibid.) « Que tout l'univers se sente libéré de la nuit ».



Il rappelle aux chrétiens qu'ils doivent mettre leur confiance non pas dans la prétendue toute-puissance de l'homme moderne mais bien dans la foi au Christ.

Cependant, comment votre message pourrait-il être convaincant et encourageant, chers fils de Rome et du monde catholique, si votre foi elle-même n'était sincère et solide, vive et opérante ? Vous représentez sans aucun doute cette « humanité sans peur », qui, tout en vivant au milieu des orages du siècle, sait conserver intacte au fond de l'esprit la sérénité essentielle, bien plus, s'apprête à affronter le mal et le désordre pour les vaincre par le bien. Mais sur quoi donc est fondée votre sérénité ? Non certes, du moins non premièrement, sur la prétendue toute-puissance de l'homme, ni seulement sur les moyens de progrès extérieur ou sur les possibilités croissantes d'organisation, ni même uniquement sur la capacité de défense contre les menaces de la nature et des hommes. La sérénité, fruit d'une assurance acquise, s'enracine principalement dans la foi au Christ. Si la peur, tellement répandue à présent dans le genre humain, n'habite pas vos coeurs, vous le devez à ce « nolite timere », ne craignez pas, adressé par le Christ à ses disciples de tous les temps ; vous le devez à la certitude que, comme membres de son Corps mystique, vous aurez part à sa victoire sur le monde, Nous voulons dire sur le royaume des ténèbres, d'incertitude et de mort, qui nous entoure.


Il précise que la foi est lumière, aliment, défense, mais à condition que ce ne soit pas une foi quelconque : la vraie foi est agissante et se traduit toujours en amour de Dieu et du prochain.

La foi est donc lumière, aliment et défense de la vie ; elle est l'étendard auquel sourira la victoire dans le combat spirituel que tout chrétien est appelé à soutenir, selon la parole expresse de l'Apôtre saint Jean : « La victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi » (1Jn 5,4).

Cependant la victoire n'est pas assurée à n'importe quelle foi, mais à celle qui adore dans le Christ crucifié le Fils unique de Dieu, ressuscité, « monté aux deux, assis à la droite de Dieu, et qui reviendra, plein de gloire, pour juger les vivants et les morts » ; à la foi qui se transforme en oeuvres de justice totale, dans l'observation des commandements et des devoirs ; qui en un mot, se traduit en amour de Dieu et, par lui et en lui, en amour de nos frères, tous les hommes, surtout les humbles et les pauvres. Il n'y aurait au contraire qu'une apparence de foi destinée à la défaite, dans ce vague sentiment de christianisme, lâche et vide, pour ainsi dire, qui ne passe pas, dans l'esprit, le seuil de la persuasion, ni dans le coeur, celui de l'amour ; qui ne constitue pas le fondement et le couronnement de la vie privée et publique ; qui ne voit enfin dans la loi chrétienne qu'une simple morale humaine de solidarité et une certaine aptitude à promouvoir le travail, la technique et le bien-être extérieur.


Le Saint-Père met en garde les chrétiens, contre les fausses doctrines modernes... en particulier les chrétiens persécutés qui, par ignorance ou par terreur, seraient tentés de coopérer à de discutables systèmes de progrès matériel.

Ceux qui agitent l'étendard trompeur de ce vague christianisme, loin d'appuyer l'Eglise dans la terrible lutte qui lui est imposée pour conserver à l'homme du siècle les valeurs éternelles de l'esprit, accroissent au contraire la confusion, car ils se font par là complices des ennemis du Christ. Ce serait le cas en particulier des chrétiens qui, trompés, ou soumis par la terreur, coopéreraient à des systèmes discutables de progrès matériel qui exigent en contrepartie le renoncement aux principes surnaturels de la foi et aux droits naturels de l'homme.

Il invite les fidèles à suivre les enseignements de l'Eglise... seule vraie dépositaire de l'intégrité de la foi. L'Eglise ne craint ni les persécuteurs ni les autres obstacles.

Fondée sur la roche vivante de la foi, unique dépositaire de l'intégrité de cette foi, l'Eglise en dresse le drapeau sauveur au milieu des peuples, afin que les croyants véritables et actifs travaillent sous sa direction au salut commun.

L'Eglise ne craint rien du monde et dans le monde parce que, à chaque instant, elle vit le mystère de Pâques, encouragée par la promesse du Rédempteur ressuscité : « Fax vobis » (Lc 24,36) : Paix à vous ! Grâce à son assistance toute-puissante, l'Eglise qui n'a craint dans le passé ni les tyrans, ni les obstacles opposés à ses entreprises bienfaisantes, même dans le domaine des conquêtes de la civilisation, sent maintenant en elle-même le courage et la force d'affronter les problèmes les plus épineux qui éprouvent l'humanité, comme celui d'établir entre les peuples la coexistence dans la vérité, dans la justice et dans l'amour.

Il désapprouve l'attitude des chrétiens qui par un pessimisme injustifié, boudent les progrès réalisés dans la société moderne.

La confiance ferme est une prémisse indispensable du triomphe de la paix. Ils sont donc bien loin de la favoriser ceux qui se laissent aller à un courant de pessimisme, suscité à dessein, et qui trouve son expression dans l'adage déprimant « cela ne sert à rien » ; ni ceux qui, fermant les yeux aux nombreuses réformes d'ordre économique et social dont ils jouissent cependant — avantages obtenus souvent au prix de fatigues exténuantes et en triomphant d'obstacles presque insurmontables — ne voient que ce qui manque, que ce qui n'a pas encore été pleinement réalisé, et prêtent facilement l'oreille aux suggestions des semeurs de mécontentement.

Le véritable ami de la paix doit savoir réagir en lui-même à pareilles instigations et se persuader que c'est justement sur les aspects faibles de l'homme comme le pessimisme, l'envie, la frénésie de critiquer sans raison, que s'appuie l'ennemi de la paix pour jeter le trouble dans les âmes. Il se sert tantôt de l'une tantôt de l'autre de ces passions et stimule l'une ou l'autre, par la menace ou la tromperie ; tantôt en discutant tantôt en frappant ; aujourd'hui en exaltant ses mythes, demain en les condamnant ; aujourd'hui en s'éloignant durement, demain en se rapprochant ; aujourd'hui en annonçant un nouveau système, demain en revenant à l'ancien.

Le Saint-Père, évoquant le grave problème de la paix, déclare que celle-ci n'est pas un repos semblable à la mort mais plutôt une puissance et un dynamisme.

D'autre part, chers fils, il faut noter que la vraie paix n'est pas un repos semblable à la mort, mais plutôt une puissance et un dynamisme de vie. Il s'ensuit que plus l'être est élevé et l'agir intense, plus profonde doit apparaître l'harmonie née de la paix, et que celle-ci par conséquent ne s'oppose à aucune conquête de la pensée ni au développement des activités productives et techniques, mais crée au contraire les conditions les plus aptes au progrès de toute oeuvre artistique, économique et scientifique.

Pour terminer, le Saint-Père parle de l'énergie nucléaire : elle peut devenir une source inestimable de bienfaits pour les hommes, dans ses applications à des fins pacifiques. Malheureusement la fabrication d'engins terriblement meurtriers fait peser sur l'humanité une angoisse toujours plus grande.

Tout le monde sait cependant comment certains succès rapides et importants des conquêtes humaines peuvent en réalité créer des angoisses et des craintes chez les hommes, parce qu'elles mettent en grave danger leur vie individuelle et sociale ; il suffit de considérer ce qui arrive maintenant dans les applications de l'énergie nucléaire dont on parle tant, au sujet de laquelle on étudie, on espère et on craint tant.

L'utilisation de cette énergie formidable pour des fins pacifiques forme l'objet d'examens attentifs et continuels auxquels vont Nos bénédictions ainsi que l'approbation et les louanges de toute âme honnête et de tout peuple civilisé. En effet, son emploi dans les moyens de transports rendra beaucoup plus faciles et rapides les échanges de matières premières et leur distribution à tous les membres de la grande famille humaine ; les applications des isotopes radioactifs à la connaissance des faits biologiques, à la cure de très graves maladies, à la technique de processus industriels particuliers ; la production d'énergie dans les centrales atomiques : tout cela ouvre à l'horizon du genre humain des horizons nouveaux et admirables. Toutefois personne n'ignore qu'on a cherché et trouvé d'autres usages capables au contraire de procurer la destruction et la mort. Et quelle mort ! Chaque jour on enregistre, sur cette route, de tristes progrès, on se hâte pour arriver seuls, les premiers, et pour avoir le dessus. Et le genre humain ne croit plus guère à la possibilité d'arrêter cette folie homicide et destructrice de soi. Pour augmenter la peur et la terreur, on voit apparaître ces projectiles téléguidés, capables de parcourir des distances énormes pour apporter au moyen des armes atomiques la destruction totale des hommes et des choses.

Il invite, encore une fois, les peuples à s'arrêter dans cette course abîme et invoque l'aide du Sauveur pour les dirigeants des nations.

Ainsi donc, afin que les peuples s'arrêtent dans cette course à l'abîme, Nous élevons encore une fois la voix, en invoquant la lumière et la force de Jésus ressuscité pour ceux qui président au destin des nations. Message de foi, message de paix, telle soit donc la présente fête de Pâques pour tous les hommes, au salut temporel et éternel de qui Jésus-Christ immola sa vie. Que ce double message parvienne à toutes les âmes, apportant le réconfort et renouvelant l'espoir ; que ceux-ci épanouis comme des fleurs au soleil de justice, Jésus, arrivent bientôt à maturité et portent les fruits nourrissants de la justice plénière et de la concorde fraternelle !

En formulant ces souhaits que Nous offrons au divin Ressuscité comme Notre et votre prière, Nous vous accordons à vous qui êtes ici et à tous Nos chers fils et filles spirituellement présents, en particulier aux malheureux et à ceux qui souffrent, Notre Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX JEUNESSES FÉMININES CATHOLIQUES (3 avril 1956)

Mardi 3 avril, le Saint-Père a reçu en audience les participantes du treizième congrès international de la Fédération mondiale des jeunesses féminines catholiques (F.M.J.F.C.) 2

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 272.
2 Les déléguées venues de 34 pays différents étaient conduites par la présidente de la Fédération, Mademoiselle Christine de Hemptinne. Parmi les nations représentées, signalons : Afrique : A.O.F., Togo ; Asie : Corée, Indes, Philippines, Viet-Nam, Thaïlande, etc. ; Amérique du Nord : Canada et Etats-Unis ; Amérique latine : Mexique, Argentine, Chili, Colombie, Venezuela ; Europe : Allemagne, Angleterre, Autriche, Belgique, Espagne, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suisse, ainsi que des réfugiés de Russie, Lithuanie et autres pays ; Oceanie : Australie.

Le Saint-Père rappelle aux jeunes congressistes que le problème essentiel de tout mouvement d'Action catholique est celui de la vie spirituelle.

Vous inaugurez, aujourd'hui, chères filles, le congrès qui a rassemblé à Rome les membres de la Fédération mondiale des jeunesses féminines catholiques et, poussées par votre affection filiale, dont Nous apprécions vivement toute la délicatesse, voici que vous venez Nous offrir dans la ferveur et la joie, le témoignage de votre dévouement et les projets nouveaux de votre zèle. Pendant cette semaine, vous allez vous prodiguer inlassablement dans les sessions d'étude, les rencontres, les manifestations de foi et de piété, et vous aborderez ensemble le problème essentiel de tout mouvement d'Action catholique, celui de la vie spirituelle. Nous disons essentiel, parce que, plus encore que les problèmes d'organisation interne ou ceux de l'action sur le milieu, la vie spirituelle constitue le coeur même de l'apostolat chrétien, et ceci d'une manière d'autant plus urgente que l'orientation du monde moderne, et son appel toujours plus avide aux ressources prodigieuses de la technique, semblent s'opposer diamétralement à la pratique sérieuse de la prière et de l'union à Dieu.

Il déplore que beaucoup de jeunes chrétiennes séduites par les prodigieux progrès matériels de notre époque perdent le sens des seules vraies réalités : celles de la vie spirituelle.

L'enquête, que vous avez menée en guise de préparation à ces journées d'étude, vous a révélé, sans doute, le déchirement dont souffrent beaucoup de jeunes chrétiens et chrétiennes d'aujourd'hui. Découvrant avec enthousiasme les moyens de connaissance et d'action qui s'offrent à eux, ils s'en emparent sans hésiter, les utilisent sans arrière-pensée et se lancent à la conquête d'un univers, dont la science et la technique reculent chaque jour les limites. La vitesse accrue et la commodité des moyens de communication, l'abondance des livres et périodiques, la radio, le cinéma, la télévision les mettent en contact avec toutes les formes de la vie et de l'activité humaine. Saisis dans ce tourbillon qui ne leur laisse plus le loisir de la réflexion et du recueillement, comment n'en viendraient-ils pas insensiblement à perdre le sens d'autres réalités, plus vraies et plus hautes, mais aussi plus austères, celles de la vie spirituelle, dont ils conservent, malgré tout, comme une nostalgie, mais qui risquent de s'estomper progressivement jusqu'à perdre à leurs yeux presque toute valeur et toute signification.

Puisque vous assumez la mission de répondre aux besoins actuels de la jeunesse sur le plan international, vous devez regarder en face la difficulté et y chercher des solutions adéquates. Nous vous félicitons de votre effort lucide et généreux, dont les fruits, Nous l'espérons, ne se feront pas attendre et, au moment où vous vous préparez à commencer votre congrès, Nous voudrions vous adresser un mot d'exhortation et d'encouragement, comme expression de Notre paternelle sollicitude et de la confiance que Nous mettons en vous.

Pour faire face à ce danger, le Saint-Père donne des directives précises aux congressistes : approfondir le message chrétien et accepter toutes ses exigences.

Le monde moderne s'édifie comme une construction aux dimensions gigantesques, mais l'âme humaine, malgré son émerveillement et son attachement à cette nouvelle demeure, ne pourra jamais échapper au mystère de son origine et de sa destinée, à l'emprise de Dieu son Créateur, pour qui elle est faite et à qui elle doit retourner. Votre apostolat prend appui sur cette inquiétude radicale ; mais afin de pouvoir conduire autrui jusqu'à la découverte du surnaturel dans toute sa plénitude, il faut que vous-mêmes parcouriez en le méditant ce long et difficile itinéraire, qui va de la foi spontanée des enfants et des âmes simples à l'assimilation pleinement réfléchie du message chrétien intégral et de toutes ses exigences. La civilisation moderne séduit par son caractère d'actualité ; elle est tendue vers l'avenir, vers la conquête, vers l'organisation d'une société, qui déborde les frontières politiques et ethniques et s'étend à l'univers. Comment pourrez-vous rester convaincues de l'actualité non moins passionnante et de la puissance d'impulsion de la vie spirituelle, si vous ne l'avez expérimentée en quelque sorte, si chaque jour vous ne vous efforcez de pénétrer davantage dans ce monde, plus secret, mais plus réel et plus merveilleux que l'autre, et de le découvrir sous la conduite de Dieu lui-même ?



... recourir à la prière fréquente.

Mais la difficulté surgit au moment où s'imposent, inéluctables, les conditions de cette découverte. Le bruit, l'agitation, la vitesse perdent ici tous leurs droits. Il s'agit d'entrer dans le sanctuaire intérieur, dans le calme et le silence, et surtout d'attendre patiemment et humblement la grâce d'en-haut, d'accepter la volonté d'un Autre, dont Jean-Baptiste disait : « Il faut qu'il grandisse et que je diminue » (Jn 3,30). La prière quotidienne et prolongée, seule voie qui conduise en présence de Dieu, combien de jeunes ont le courage de s'y astreindre ? N'espérez pas, chères filles, exercer d'apostolat digne de ce nom, si vous n'acceptez pas d'abord cette exigence élémentaire et dont la tradition chrétienne n'a cessé de souligner l'importance.



... ne pas prêter l'oreille à ceux qui prétendent que l'Eglise devrait accommoder sa discipline aux circonstances actuelles.

La civilisation matérialiste s'efforce d'ancrer l'homme dans le monde présent, de faire briller à ses yeux des espérances toutes terrestres, d'accroître sa confiance dans l'efficacité du travail humain et son aptitude à remédier aux maux de l'humanité. Les chrétiens eux-mêmes n'échappent pas à cette fascination. Certains, trop sûrs d'eux-mêmes, ont peine à admettre la précarité des résultats acquis par la mise en oeuvre des seules ressources de la technique et de l'économie. D'autres, incapables de l'effort sincère que réclame la vie chrétienne tâchent d'en réduire les exigences : ils demandent instamment des concessions, des accommodements. Le dogme les offusque par son caractère absolu ; ils accusent la morale chrétienne d'intransigeance et préféreraient qu'elle s'adapte aux circonstances de l'âge moderne, aux difficultés apparemment insurmontables qui s'opposent à son observation ; ils plient ainsi la rigueur des préceptes à l'appréciation subjective des individus. Et vous savez aussi combien l'obéissance à l'Eglise, à ses directives, à ses conseils de prudence coûte à beaucoup de vos contemporains.



... vivre d'une vie de grâce fervente et se soumettre filialement l'autorité de l'Eglise.

Pour restaurer dans votre milieu social le sens du christianisme authentique, il faut que, bien conscientes de ces problèmes, vous en ayez aperçu le vrai principe de solution : une vie de grâce fervente, jalousement protégée et entretenue. Cette ferveur, loin d'affecter uniquement les couches superficielles de la sensibilité, doit imprégner l'âme entière, pénétrer l'intelligence et aviver de son éclat la connaissance des vérités révélées et des normes morales qui inspirent le comportement individuel et social. L'attitude de l'homme devant les biens terrestres, devant les conquêtes de la technique en particulier, dépend d'abord de la conviction, non purement théorique, mais intimement vécue et nourrie par la prière et la réflexion, que ce monde passe : — prseterit enim figura huius mundi (1Co 7,31), dit saint Paul — et que, pour l'homme pécheur, il n'y a de salut que dans l'acceptation du sacrifice du Christ, de la mort avec Lui et en Lui : la vraie vie n'est pas ici-bas, mais dans l'au-delà. Déjà cependant, elle s'inaugure sur terre en celui qui adhère au Christ et à son enseignement intégral, c'est-à-dire pour qui reconnaît l'Eglise comme dépositaire du message divin, qu'elle interprète infailliblement, et du pouvoir de gouverner et de sanctifier les hommes. Vous êtes bien conscientes, comme toutes les jeunes filles d'aujourd'hui, de votre autonomie personnelle, et vous ne voulez pas d'une autorité qui s'impose sans donner les preuves de son pouvoir. La justification dernière de l'Eglise et de la soumission qu'on lui doit, la foi vous la donnera ; l'amour de Dieu répandu dans vos coeurs par le Saint-Esprit (Rm 5,5) seul peut vous faire comprendre et admettre tout ce que le Christ vous enseigne par l'Eglise, sans rien dissimuler, ni estomper, ni effacer. Vous aimez aussi vous lancer dans l'action et vous réjouir des fruits obtenus par votre initiative. Qui vous apprendra, sinon l'Esprit-Saint, à rester humbles dans le succès, à vous dévouer sans retour sur vous-mêmes, peut-être sans résultat tangible, mais dans une fidélité inaltérable et silencieuse. Vous n'aurez plus alors à craindre l'échec ou la désillusion, mais vous les supporterez vaillamment d'un coeur égal.

On voit souvent, hélas !, des jeunes filles bien disposées, mais superficielles dans leur foi et dépourvues de convictions raisonnées, subir l'attirance de sentiments généreux, d'idées apparemment très belles, de démarches apostoliques audacieuses et céder sans discernement à cet attrait avec le risque fréquent de commettre de lourdes imprudences et d'en porter les tristes conséquences. La formation religieuse ne leur manquait pas, mais elle n'était ni complète ni solide ; leur esprit se nourrissait plus volontiers de formules brillantes que de doctrine ferme, s'enthousiasmait plus facilement de gestes spectaculaires que de service obscur et généreux. Soyez donc avides, chères filles, d'une vie intérieure stable et bien équilibrée ; ne négligez aucun des aspects de la vérité chrétienne, mais scrutez avec sérieux et patience ses inépuisables richesses. Exercez-vous à la pratique de toutes les vertus, sans en dédaigner aucune. Quand vous ne percevez pas le motif de telle restriction, de telle mesure de l'autorité, sachez obéir avec soumission, et la grâce que vous méritera cette humilité vous éclairera bientôt.



. pratiquer généreusement le sacrifice.

Enfin, qui pourrait se dire véritablement membre d'un Sauveur rachetant les péchés du monde par la souffrance et la mort, sans accepter lui-même sa part effective du sacrifice, sans vouloir conformer, de jour en jour, plus étroitement, sa vie à celle du Crucifié ? Le monde actuel, pénétré d'influences matérialistes, tourné vers la jouissance et la facilité, ne comprend pas cette exigence et adopte des attitudes pratiques qui la contredisent. Puisque vous devez y vivre et en subir l'influence, il est clair que la lutte s'impose. Vous portez en vous-mêmes une sorte d'antagonisme. Vous voulez être des enfants de lumière dans le monde qui la refuse. Et si le renoncement à tant d'aspects attirants de la vie moderne vous semble coûteux, laissez-vous conquérir d'abord par l'idéal que le Christ vous propose. N'est-ce pas le plus noble qui soit, puisqu'il invite à la fois à l'intimité personnelle avec Dieu lui-même, à la conquête du monde à son royaume, à la charité et à la fraternité universelle ? Ego vici mundum (Jn 16,33) : « J'ai vaincu le monde », dit-Il aux siens. D'une victoire qui, avant de se traduire dans les événements historiques, se célèbre au fond des coeurs, qu'elle purifie de tout égoïsme et qu'elle enflamme de l'amour de Dieu et des hommes.



En terminant, le Saint-Père répète aux jeunes congressistes que les fruits de leur apostolat se mesureront à la qualité de leur esprit surnaturel.

Le combat, que vous menez par l'Action catholique, est essentiellement un combat intérieur et spirituel ; c'est sur ce plan d'abord que vous devez, par le renoncement à vous-mêmes, triompher des résistances de la nature à la vie nouvelle qui germe en vos âmes et veut s'y épanouir. Et le fruit de votre charité et de vos oeuvres sera d'autant plus abondant et durable qu'elles témoigneront d'un enracinement plus profond dans le surnaturel authentique.

Nous savons bien, chères filles, que la voie que Nous vous indiquons, demande courage et abnégation. Mais songez à tant de vos soeurs, qui à cette heure combattent héroïquement pour la sauvegarde de leur foi et n'hésitent pas à affronter le martyre du coeur et du corps. Que leur amour du Christ et leur intrépidité soutiennent vos efforts quotidiens ! S'il vous semble parfois n'apporter qu'une modeste contribution à l'oeuvre immense qui devrait se faire, remerciez le Seigneur, qui daigne l'agréer et récompensera votre fidélité en vous donnant de le servir mieux et davantage.

Nous Le prions de répandre ses faveurs en abondance sur vous-mêmes, sur vos associations et toutes vos entreprises et, de tout coeur, Nous vous en donnons pour gage Notre paternelle Bénédiction apostolique.




ALLOCUTION AUX ÉLÈVES DU COLLÈGE PONTIFICAL LATINO-AMÉRICAIN (5 avril 1956)

Le 5 avril, le Souverain Pontife a reçu en audience les supérieurs — appartenant tous à la Compagnie de Jésus — avec les nouveaux prêtres et tous les élèves du Collège pontifical latino-américain. Les élèves de ce Collège proviennent de soixante-huit diocèses. Le Saint-Père leur a adressé un discours en espagnol, dont voici la traduction :

C'est une audience vraiment singulière, chers fils, supérieurs et élèves de Notre Collège pontifical « Pio Latino-Americano », celle que Nous accordons aujourd'hui ; une audience qui fait spontanément venir sur Nos lèvres l'exclamation de l'Apôtre : « Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console de toutes nos tribulations » (2Co 1,3-4).



Le Saint-Père dit sa joie de voir réunis autour de lui les représentants de tant de nations de l'Amérique latine.

Depuis que votre collège, après l'horrible déluge de la guerre, a pu reprendre de nouveau sa vie ordinaire, on n'avait jamais vu pareille ordination, en raison de sa variété et de son nombre ; une ordination qui embrasse tant de nations de cette très chère Amérique, qui parle et prie en espagnol, du si fidèle Mexique jusqu'à l'Argentine pleine de promesses, des terres continentales qui rappellent ces vieux pays de solide tradition catholique, comme la Colombie, le Venezuela, l'Uruguay et l'Equateur, jusqu'aux terres des îles plus ou moins lointaines, comme Saint-Domingue et les Philippines, en passant par ce noeud vital qu'est l'Amérique centrale, bien représentée cette fois par le Honduras. Monde immense, plein de promesses dans tous les sens et vers lequel il n'est personne qui ne tourne les yeux en pensant à l'avenir ; mais aussi monde plein de problèmes, que vous connaissez parfaitement, spécialement quand il s'agit de la conservation et de l'augmentation du plus précieux de vos patrimoines, de cette foi catholique qui, au-dessus du sang et de la race, au-dessus de la langue et de l'histoire elle-même, est peut-être le lien d'union le plus étroit entre vous, au point de vous donner une physionomie commune, qui n'a rien à voir avec aucun élément humain, parce qu'elle résulte exclusivement de l'unité d'esprit, qui est la plus solide et la plus profonde de toutes les unités ; de cette foi catholique que vous devez chercher à garder par tous les moyens, « vous efforçant de conserver l'unité de l'esprit par le lien de la paix » (Ep 4,3).

Il rappelle aux nouveaux prêtres qu'ils auront à remplir une immense tâche en rentrant dans leur patrie respective.

C'est précisément parce que Nous sentons l'urgence de ces problèmes, que votre présence, très chers fils, produit dans Notre esprit le même effet qu'un rayon de soleil, par une de ces matinées de printemps tardif, quand, finalement, l'astre roi perce les nuages et se répand sur la terre, la remplissant de joies et de promesses. Oui, vous êtes la promesse d'un lendemain meilleur, quand votre zèle apostolique, alimenté par une prière fervente et par un esprit sincère de sacrifice, vous lancera dans ces immenses nations qui vous attendent, pour leur apporter le message de fraternité entre les hommes, peut-être encore trop divisés par les différences sociales ; pour défendre une foi attaquée non seulement par l'ignorance religieuse de plus d'un, mais aussi par les manoeuvres de la superstition et de l'erreur ; pour être, en outre, le soutien d'une société chrétienne fondée sur le respect de l'autorité, l'intégrité de la famille et une conception de la vie non pas comme un domaine de plaisirs et de jouissances, mais comme un lieu de passage pour une autre vie bien meilleure, qui mérite les quelques souffrances que peut comporter quelquefois l'accomplissement des devoirs les plus élémentaires.

Vous avez gravi les marches de l'autel pour accomplir une offrande de grande valeur, un mois de prières pour Nos intentions. Sachez donc que ces intentions sont la réalisation de votre sainteté sacerdotale, l'efficacité de votre apostolat futur, votre félicité personnelle et celle de tous les vôtres ; et en vous le faisant savoir, Nous ne voulons pas manquer de vous témoigner Notre gratitude.

Vous arrivez enfin au faîte de vos désirs les plus élevés et les plus saints au moment où votre collège se dispose à commémorer son premier centenaire d'existence ; que ces célébrations solennelles soient la meilleure occasion pour rendre au ciel de justes actions de grâces pour tant de bienfaits reçus et pour penser au moyen de continuer avec une nouvelle énergie et avec un enthousiasme nouveau, comme Nous le désirons très sincèrement.

Très chers élèves du collège, qui avez reçu la première tonsure, vous n'appartenez déjà plus au monde, mais à Dieu, qui vous promet un héritage éternel. Vous qui avez reçu les ordres mineurs, accomplissez vos premiers pas dans le sanctuaire de manière qu'ils soient une garantie de votre fidélité future. Diacres et sous-diacres, approchez-vous de l'autel cum timoré et tremore, pour vous rendre dignes de participer à des mystères si formidables. Nouveaux prêtres, vous êtes attendus par des millions d'âmes, auxquelles vous devez ouvrir les portes du ciel, principalement par votre sainteté vécue apostoliquement.

Pour tous, pour vos diocèses et vos patries, pour vos familles et vos amis, pour votre collège, et pour chacun de vous en particulier, la Bénédiction la plus sincère de votre Père commun.


Pie XII 1956 - COMPAGNIE DE JESUS