Pie XII 1956 - CONSTITUTION APOSTOLIQUE «SEDES SAPIENTI7E»


II

La vocation religieuse.

6 S. C. des Religieux, Décr. Quo efficacius, 24 janv. 1944, A. A. S., XXXVI (1944)' p. 213. (Enchiridion, no 381, p. 560.)

7 S. C. des Religieux, Litt. Cire. Quantum conférât, 10 juin 1944. (Enchiridion, no 382' p. 561-564.)




Tout d'abord, Nous voulons que personne n'ignore que le fondement de toute vie, soit religieuse, soit sacerdotale et apostolique — ce qu'on appelle vocation divine — est constitué d'un double élément en quelque sorte essentiel, à savoir : l'un, divin ; l'autre, par contre ecclésiastique. Pour ce qui est du premier, il faut dire que la vocation de Dieu est à ce point nécessaire pour embrasser l'état religieux ou sacerdotal que, si elle fait défaut, on doit dire que le fondement même sur quoi s'appuie tout l'édifice fait défaut.

Car celui que Dieu n'appelle pas n'est conduit ni aidé par sa grâce. Par ailleurs, si on doit dire qu'il y a une véritable vocation en quelque sorte divine pour n'importe quel état, dans la mesure où le principal auteur de tous les états et de tous les dons et dispositions tant naturels que surnaturels est Dieu lui-même, combien plus faut-il le dire de la vocation religieuse et sacerdotale qui brille d'une excellence si sublime et est comblée de tant de distinctions naturelles et surnaturelles qu'elle ne peut avoir d'autre origine que le Père des lumières, de qui vient tout don excellent, toute grâce parfaite (Jc 1,17).

Par contre, pour en venir à l'autre élément de la vocation religieuse et sacerdotale, le catéchisme romain enseigne que sont dits appelés par Dieu ceux qui sont appelés par les ministres légitimes de l'Eglise 8.

Ce qui, loin d'être en contradiction avec ce que Nous avons dit de la vocation divine, s'y trouve plutôt étroitement uni. Car la vocation à l'état religieux et clérical — étant donné qu'elle destine quelqu'un à mener publiquement une vie de sanctification et à exercer un ministère hiérarchique dans l'Eglise, cette société visible et hiérarchique — doit être, en vertu d'un mandat, approuvée, acceptée et régie par les Supérieurs, également hiérarchiques, à qui a été confié par Dieu le gouvernement de l'Eglise.

Doivent y être attentifs tous ceux qui s'appliquent à recruter et examiner les vocations de ce genre. Ils ne doivent, par conséquent, jamais forcer personne de quelque façon que ce soit à l'état sacerdotal ou religieux 9, ni y attirer ou y admettre quelqu'un qui ne donnerait pas réellement de vrais signes de vocation divine, ni promouvoir pareillement au ministère clérical quelqu'un qui ferait preuve de n'avoir reçu divinement que la seule vocation religieuse ; et pour ceux qui auraient reçu également ce don de Dieu, ils ne doivent pas les pousser ou les égarer vers le clergé séculier. Ils ne doivent enfin écarter personne de l'état sacerdotal, s'il est reconnu par des signes certains qu'il s'agit d'un appel de Dieu 10.

Il est clair, en effet, que ceux qui aspirent à servir dans la cléricature, et pour lesquels ces règles sont fixées, doivent réunir tout ce qui est requis pour constituer cette vocation



8 Catéch. Rom. à l'usage des curés, édité par les soins de Pie V, 2, 7.

9 Car.. 971. 19 Ibid.

multiple : religieuse, sacerdotale et apostolique. Par conséquent tous les dons et qualités qu'on estime nécessaires pour remplir cet office divin si sublime doivent se trouver en eux.




III

La tâche des éducateurs.

D'autre part, tout le monde comprend que les germes de vocation, ainsi que les qualités qu'elle requiert, dès qu'ils existent, ont besoin d'éducation et de formation pour se développer et mûrir. Rien, en effet, n'apparaît parfait dès le premier instant de la naissance, mais la perfection s'acquiert par des progrès graduels. Pour diriger cette évolution, il faut tenir compte de tout, soit de celui qui est l'objet de la vocation divine, soit des conditions de lieux et de temps, pour atteindre efficacement la fin proposée. Il faut donc que l'éducation et la formation des jeunes religieux soient pleinement assurées, éclairées, solides, complètes, adaptées sagement et avec confiance aux besoins d'aujourd'hui soit intérieurs, soit extérieurs, cultivées assidûment et attentivement suivies, non seulement en ce qui concerne la perfection de la vie religieuse, mais encore de la vie sacerdotale et apostolique.

Tout ceci, comme l'enseigne l'expérience, ne peut se réaliser qu'avec des hommes choisis, éprouvés, qui se distinguent non seulement par la doctrine, la prudence, le discernement des esprits et par une expérience variée des hommes et des choses et par d'autres qualités humaines, mais encore qui soient remplis de l'Esprit-Saint et qui, par leur sainteté et leur exemple de toutes les vertus, éclairent les jeunes gens, car ceux-ci, comme on le sait, dans tout l'ensemble de leur formation, sont plus entraînés par la vertu et les bonnes actions que par les discours ".

Dans l'accomplissement de cette charge très grave, les éducateurs auront comme première règle celle que le Seigneur énonçait dans l'Evangile en disant : « Je suis le bon Pasteur, le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis... Je suis le bon Pasteur et je connais les miennes et les miennes me connaissent » (Jn 10, 11-12, 14) ; ce que saint Bernard exprime par ces mots : « Apprenez que vous devez être des mères et non des maîtres ; cherchez plus à être aimés qu'à être craints12. » Le Concile de Trente lui-même exhorte très instamment les Supérieurs ecclésiastiques : « Il estime devoir leur rappeler qu'ils se souviennent qu'ils sont des pasteurs et non ceux qui frappent, et qu'ils dirigent leurs sujets non en leur faisant sentir la domination, mais qu'ils les aiment comme des fils et des frères plus jeunes, et qu'ils s'efforcent par leurs exhortations et leurs avertissements de les détourner de ce qui n'est pas permis, de peur que, ayant fauté, on ne soit obligé de leur infliger les châtiments qui leur sont dus. Mais s'il leur arrive par fragilité humaine de pécher, qu'on observe à leur égard le précepte de l'Apôtre, en les reprenant, les menaçant et les exhortant en toute bonté et patience : car la bienveillance fait plus pour corriger que la sévérité, plus l'exhortation que la menace, plus la charité que l'autorité. Mais si la gravité de la faute oblige à employer la verge, il faut alors unir la rigueur avec la bonté, la justice avec la miséricorde et la sévérité avec la douceur de façon à garder la discipline salutaire aux populations et nécessaire pour l'amendement de ceux qu'on aura corrigés, ou, s'ils refusent de se repentir, que les autres soient détournés du mal par un salutaire exemple de correction 13. »



L'éducation doit embrasser l'homme tout entier.

Qu'ils se souviennent, en outre, tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, dirigent la formation des religieux, que cette éducation et formation doit se donner selon une progression harmonieuse et avec tous les moyens et méthodes convenables, suivant les occasions, et qu'elle doit embrasser l'homme tout entier sous tous les aspects de sa vocation, de manière à en faire de toute façon réellement « un homme parfait dans le Christ Jésus » (Col 1,28). En ce qui concerne les moyens et les méthodes de formation, il est clair que ceux que fournissent la nature elle-même et la recherche humaine de notre époque ne doivent être aucunement méprisés, s'ils sont bons ; bien mieux, il faut en faire grand cas et sagement les admettre. Cependant, nulle erreur serait pire que celle de celui qui, dans



2 ln cantica, sermon 23. Migne, P. h. 183, 885 B.

3 Can. 2214, § 2 ; Conc. de Trente, sess. XIII, de réf., ch. îer.

la formation de disciples si choisis, préoccupé à l'excès de ces méthodes naturelles ou d'elles seules, placerait au second rang ou sous quelque prétexte négligerait les ressources et les moyens de l'ordre surnaturel, alors que pour la recherche de la perfection religieuse et cléricale comblée de ses fruits apostoliques, les ressources surnaturelles telles que les sacrements, la prière, la mortification, et autres du même genre, non seulement sont nécessaires, mais primordiales et tout à fait essentielles.

Tout en gardant cet ordre des méthodes et des ressources, il ne faut absolument rien négliger de tout ce qui peut être utile de quelque façon pour parfaire le corps et l'âme, cultiver toutes les vertus naturelles et former virilement un type d'homme complet, en sorte que, ensuite, la formation soit religieuse, soit sacerdotale s'appuie sur ce fondement très solide d'une honnêteté naturelle et d'une humanité cultivée (Ph 4,8), car il sera plus facile et plus sûr pour les hommes de trouver la voie pour aller au Christ si, dans la personne du prêtre, leur apparaît plus clairement « la bénignité et l'amour de Dieu notre Sauveur pour les hommes » (Tt 3,4).

Mais, bien que tous doivent faire grand cas d'une formation humaine et naturelle du clerc religieux, sans aucun doute, dans le cours de sa formation, la sanctification surnaturelle de son âme passe avant tout. Car si le conseil de l'Apôtre vaut pour tout chrétien quand il assure que « ce que Dieu veut, c'est votre sanctification » (Thess., 4, 3), combien plus y est tenu celui qui non seulement est revêtu du sacerdoce, mais professe la recherche de la perfection évangélique elle-même, et même, en vertu de sa charge, devient à ce point l'instrument de la sanctification des autres, que, de sa sainteté propre, dépendent grandement le salut même des âmes et l'accroissement du règne de Dieu !

Que tous les membres des états de recherche de la perfection évangélique se souviennent donc et que fréquemment devant Dieu ils méditent qu'il ne leur suffit pas pour remplir le devoir de leur profession d'éviter les péchés, soit graves, soit même, avec l'aide de Dieu, les fautes vénielles, ni de se conformer matériellement seulement aux ordres des Supérieurs, ou même à leurs voeux et ce qui peut lier leur conscience, ou encore à leurs constitutions particulières selon lesquelles, comme l'Eglise l'ordonne dans les saints canons, « tous et chacun des religieux, Supérieurs et sujets, doivent... modeler leur vie et tendre ainsi à la perfection de leur état » 14. Car il faut qu'ils accomplissent tout cela de tout coeur et avec un ardent amour, non seulement par nécessité, mais encore en conscience (Rm 13,5), puisque pour s'élever aux sommets de la sainteté et pouvoir offrir à tous des sources vives de charité chrétienne, ils doivent être ornés de toutes les vertus et brûler de la charité la plus ardente pour Dieu et le prochain.




IV

La formation intellectuelle.

Mais là où l'on s'emploiera à cette sanctification de l'âme, il faudra également donner aux religieux une formation très soignée, soit intellectuelle, soit pastorale. Nous voulons en dégager et proposer un peu plus amplement les principes, étant donné l'importance du sujet et à cause de la conscience que Nous avons de Notre charge suprême.

La nécessité pour ces religieux de recevoir une formation intellectuelle solide et complète dans toutes les matières ressort manifestement de la triple dignité dont ils brillent dans l'Eglise de Dieu, dignité religieuse, sacerdotale et apostolique.

Les religieux, en effet, qui ont pour tâche principale de contempler les choses divines en recherchant uniquement Dieu et en s'unissant à lui, et de les transmettre aux autres, doivent se rappeler qu'ils ne peuvent en aucune façon s'acquitter comme il faut et avec fruits de cette tâche très sainte et s'élever à une sublime union avec le Christ, s'ils n'ont pas en abondance cette connaissance profonde et toujours perfectible de Dieu et de ses mystères qui s'acquiert dans les études sacrées 15.

La dignité sacerdotale qui donne à celui qui en est revêtu d'être constitué légat des sciences du Seigneur (1R 2,3) et d'être appelé à un titre particulier sel de la terre et lumière du monde (Mt 5,13-14), exige une formation solide et très étendue, particulièrement en ce qui concerne les disciplines ecclésiastiques, qui puisse nourrir et fortifier la vie spirituelle du prêtre lui-même et le garder de toute erreur et de toute nouveauté aberrante, qui, de plus, le rende fidèle dispensateur

14 Can. 595.

15 Pie XI, Lettre ap. Unigenitus Dei Filius, 19 mars 1924, A.A.S., XVI (1924), p. 137-
(Enchiridion, no 348, p. 405-404.)
des mystères de Dieu (1Co 4,1-2) et parfait homme de Dieu, prêt pour toute oeuvre bonne (2Tm 3,17).

Enfin, la charge apostolique que les membres des états de perfection exercent dans l'Eglise du fait de leur vocation, soit par la prédication, soit par la formation chrétienne des enfants et des jeunes gens, soit par l'administration des sacrements, particulièrement celui de la Pénitence, soit par des Missions en pays infidèles, soit par la direction spirituelle des âmes, soit enfin par le mode de vie quotidienne qu'ils mènent avec les gens, ne pourra pas produire de fruits abondants et durables s'ils ne connaissent pas parfaitement la doctrine sacrée et ne cessent de s'en pénétrer.

Les Supérieurs religieux, en premier, doivent veiller à cette formation solide et très complète de l'intelligence en tenant compte du développement naturel des jeunes et de la distribution des études, mettant tout en oeuvre pour que la culture littéraire et scientifique des religieux élèves « ne le cède en rien à celle des laïques qui suivent les mêmes études. Si l'on y veille, on aura par le fait même pourvu sérieusement à la formation des esprits et facilité en temps voulu le choix des sujets » 16, et on s'assurera que ces mêmes élèves soient préparés à approfondir les disciplines ecclésiastiques en leur en fournissant les moyens.



La philosophie et la théologie.

18 Pie XII, exh. ap. Menti Nostrae, 23 sept. 1950, A. A. S., XXXXII (1950) p. 4M Cf. Documents Pontificaux, 1950, p. 394 et suivantes.




En ce qui concerne la philosophie et la théologie, qui ne doivent être enseignées très saintement que par des maîtres capables et soigneusement choisis, il faut observer tout ce qui a été prescrit par les saints canons, par Nos prédécesseurs et par Nous-même, particulièrement pour ce qui est du respect du au magistère ecclésiastique et de la fidélité à son égard qui doit être manifestée de toutes manières, toujours et partout, et inculquée aux âmes et aux esprits des élèves ; de la prudence et de la précaution qui doivent toujours aller de pair avec une attention diligente et hautement recommandée portée aux nouvelles questions qui se posent avec les temps nouveaux ; de l'argumentation de la doctrine et des principes du Docteur angélique



qui doivent être saintement maintenus et suivis entièrement dans l'enseignement philosophique et théologique des élèves

La théologie doit être enseignée à la fois avec la méthode positive et celle dite scolastique, en prenant saint Thomas d'Aquin comme guide et maître, de sorte que, à la lumière d'un enseignement authentique, les sources de la révélation divine soient étudiées d'une façon approfondie avec des moyens adaptés et que les trésors de vérité qui en proviennent soient clairement exposés et efficacement protégés. Puisque c'est au seul magistère de l'Eglise qu'il a été confié d'interpréter authen-tiquement le dépôt de la Révélation, il doit être expliqué non en suivant des raisonnements purement humains et des opinions privées, mais très fidèlement selon le sens et l'esprit de l'Eglise elle-même. Donc, que les professeurs de philosophie chrétienne et de théologie sachent qu'ils exercent leur charge non par un droit propre et en leur nom propre, mais au nom et sous l'autorité du Magistère suprême et, par conséquent, sous sa vigilance et sa direction : c'est de lui qu'ils l'ont reçue comme une charge canonique ; c'est pourquoi, tout en sauvegardant la juste liberté de discussion sur les points où elle est encore admise, « ils doivent bien se rappeler que le pouvoir d'enseigner ne leur a pas été donné pour transmettre à leurs élèves leurs opinions propres, mais les doctrines bien éprouvées de l'Eglise » !8.

En outre, tous, tant les maîtres que les élèves, ne doivent pas perdre de vue que les études ecclésiastiques sont orientées non seulement à la formation intellectuelle, mais à une formation intégrale et solide, soit religieuse, soit sacerdotale et apostolique ; c'est pourquoi leur but n'est pas seulement de permettre de passer des examens, mais d'imprimer dans les âmes des élèves comme une marque indélébile dont ils tireront toujours, lorsqu'ils en auront besoin, lumière et force pour leurs propres besoins et ceux des autres 19.

Pour atteindre cette fin, l'enseignement intellectuel doit être avant tout étroitement uni avec l'amour de la prière et la contemplation des choses divines ; il doit ensuite être complet, en



17 Pie XII, Enc. Humant generis, 12 août 1950, A. A. S., XXXXII (1950), p. 573, 577-
578. Cf. Documents Pontificaux, 1950, p. 295 et suivantes.

18 S. Pie X, Motu pr. Doctoris angelici, 29 juillet 1914, A. A. S. (1914), p. 338.
(enchiridion, n0 373, p. 531.)

19 Pie XII, Discours à des Séminaristes, 24 juin 1939, A. A. S., XXXI (1939). (Enchiri-
n0 373, p. 53I.)

n'omettant aucune partie des matières prescrites, qu'il soit de plus cohérent et ainsi composé dans toutes ses parties que toutes les matières convergent vers un seul système solide et bien ordonné ; qu'il soit aussi sagement adapté pour répondre aux erreurs de notre époque et aider à ses besoins ; qu'il soit de même au courant des découvertes récentes et en même temps bien en accord avec la vénérable tradition ; qu'il soit enfin efficacement ordonné à un accomplissement fructueux de toutes les charges pastorales, de sorte qu'il permette aux futurs prêtres d'enseigner et de défendre comme il faut la saine doctrine dans des sermons et des catéchèses s'adressant tant à des gens incultes qu'à des gens instruits, de bien administrer les sacrements, de promouvoir activement le bien des âmes et d'être utiles à tous par leurs paroles et par leurs actes.



La formation pastorale.

Bien que tout ce que Nous avons dit jusqu'ici de la formation spirituelle et intellectuelle des élèves concoure au plus haut point à préparer des hommes vraiment apostoliques et soit nécessaire pour cela, de sorte que, si le prêtre manque de la sainteté et de la science voulues, il soit certain que tout lui manque, Notre très importante charge Nous fait cependant un devoir d'ajouter ici que, outre la sainteté et la science requises, il est absolument nécessaire que le prêtre, pour bien remplir son ministère apostolique, reçoive une préparation pastorale très soignée et en tous points parfaite, qui lui donne l'habileté et la dextérité véritables pour remplir convenablement les nombreuses charges de l'apostolat chrétien.

S'il est habituel que chacun, avant d'exercer un métier, commence par une solide préparation, soit théorique, comme l'on dit, soit technique, soit pratique au cours d'un long apprentissage, qui niera qu'une préparation bien plus soignée et plus haute ne doive précéder ce que l'on appelle à bon droit l'art des arts ?

Cette formation pastorale des élèves, qui doit être commencée dès le début du cycle des études, et se perfectionner graduellement au fur et à mesure qu'ils avancent en âge, et s'achever par un stage spécial après les études de théologie, correspondant au but de chaque Institut, doit viser avant tout à ce que les futurs ministres et apôtres du Christ, à l'exemple du Christ lui-même, soient solidement et profondément imprégnés des vertus apostoliques, à savoir un zèle ardent et très pur pour travailler à la gloire de Dieu, un amour actif et ardent envers l'Eglise pour défendre ses droits, conserver et répandre sa doctrine, un zèle brûlant pour le salut des âmes, une prudence surnaturelle dans les paroles et les actes jointe à la simplicité évangélique, une humble abnégation de soi et une docile soumission aux supérieurs, une très ferme confiance en Dieu et une conscience très aiguë de sa charge, une virile habileté à mener les affaires et la constance à continuer les choses entreprises, une fidélité attentive à remplir son office, un grand courage pour faire et supporter des choses très dures, et, enfin, une amabilité et une humanité chrétiennes qui attirent tout le monde.

Il faut s'efforcer, en outre, en donnant la formation pastorale, à ce que, en tenant compte du degré d'avancement dans les études, les élèves soient instruits de toutes les matières qui puissent conduire à former en tous points le « bon soldat du Christ Jésus » (2Tm 2,3) et lui donner les armes apostoliques adaptées. Par conséquent, outre les études philosophiques et théologiques, pour les préparer opportunément à l'action pastorale, comme Nous l'avons dit, il est absolument nécessaire que les futurs pasteurs du troupeau du Seigneur reçoivent, de la part de maîtres compétents selon les normes du Siège apostolique, un enseignement relatif aux questions psychologiques et pédagogiques, didactiques et catéchétiques, sociales et pastorales et autres du même genre, qui réponde au progrès actuel de ces matières et qui les prépare aux nécessités multiples de l'apostolat moderne.

Pour que cette formation apostolique doctrinale soit affermie par l'usage et l'expérience, il faut y associer des exercices dits pratiques, progressant graduellement avec sagesse et prudemment ordonnés. Nous voulons qu'ils s'accomplissent dans un stage spécial, suivi après la réception du sacerdoce, sous la conduite d'hommes très compétents du fait de leur doctrine, de leurs conseils et de leurs exemples, et qu'ils se développent d'une façon continue, sans jamais interrompre les études sacrées.

Après avoir donné ces très hauts principes qui doivent régir soit le travail de formation, soit les éducateurs et leurs élèves, et les lois générales se rapportant à chaque point de cette question si importante, ayant tout mûrement examiné, Nous



déclarons et statuons de science certaine et en vertu de la plénitude du pouvoir apostolique, qu'ils doivent être observés par ceux qu'ils concernent. Nous donnons de plus le pouvoir, de par Notre autorité, à la Sacrée Congrégation des Religieux de publier des ordonnances, des instructions, des déclarations, des interprétations et d'autres documents du même genre, pour l'application des statuts généraux déjà approuvés par Nous et d'édicter tout ce qui est de nature à faire observer fidèlement la constitution, les statuts et les ordonnances.

Nonobstant toutes choses contraires, même dignes d'une mention particulière.


DISCOURS A DES DOMESTIQUES ITALIENNES

(3 Wn 195°) 1




Le dimanche 3 juin, le Saint-Père a accordé une audience spéciale à plus de sept mille travailleuses appartenant au mouvement « Tra Noi » (Entre nous).

Il leur a adressé un discours en italien, dont nous publions la traduction suivante.

Le Saint-Père dit l'affection toute particulière qu'il a pour les humbles.

Nous avons attendu avec une sollicitude particulière cette rencontre avec vous, travailleuses domestiques de Rome et d'Italie, et Nous sommes heureux, maintenant, de vous voir parce que parmi tant de Nos fils et filles, proches et lointains, qui viennent Nous rendre visite, vous occupez certainement une place spéciale dans Notre coeur de père. Représentant Jésus comme son vicaire sur la terre, Nous nourrissons un grand amour envers les simples et les humbles ; et vous êtes de leur nombre.

Nous vous accueillons donc avec une vive tendresse, chères filles, et Nous ne vous cachons pas le regret que Nous éprouvons de ne pouvoir Nous entretenir avec chacune d'entre vous, pour vous parler, pour vous écouter, et que vous repartiez toutes, autant que possible, à vos maisons et à votre travail avec l'esprit plus éclairé, le coeur plus assuré, plein d'espérance et de confiance en un avenir meilleur. Rarement, Nous tenons à vous le dire, Notre maison a ouvert ses portes aussi volontiers : soyez les bienvenues, chères filles, âmes généreuses et si riches d'enthousiasme même dans votre modeste activité Merci pour la joie que vous Nous procurez ; merci pour le réconfort que vous Nous donnez, en Nous invitant à avoir confiance dans votre avenir. Merci d'être venues écouter Nos voeux Nos anxiétés, Notre exhortation.


Il se réjouit de l'amélioration des conditions matérielles du personnel domestique et souhaite qu'elle aille en s'accentuant.

1. — Avant tout, Nous faisons des voeux pour votre bien-être matériel.

Celui qui considère votre condition présente voit facilement combien nous sommes désormais loin d'usages et de coutumes qui régnaient autrefois et étaient regardés comme normaux. Aujourd'hui, grâce à l'évolution sociale en continuel développement, tout travailleur — y compris la travailleuse domestique — voit ses droits individuels et familiaux protégés et reconnus. Déjà le code civil (art. 2240-2246) règle votre rapport de travail, prescrit la durée de la période d'essai, établit les droits et les devoirs de la personne admise dans la vie de la famille, fixe les normes pour la rétribution, le logement, les soins et l'assistance médicale en cas de maladie, conformément à la loi. Le code ordonne également le repos hebdomadaire, le repos annuel et donne droit à un préavis convenable pour la cessation du contrat, à l'indemnité proportionnelle aux années de service et au certificat de travail. Et enfin, la loi est intervenue pour la concession de la treizième mensualité et pour étendre l'assistance médicale aux domestiques retraitées.

C'est déjà beaucoup, mais nombreux sont ceux qui estiment, en outre, injustifié l'écart entre vos conditions et celles d'autres travailleurs ; ils considèrent donc comme légitimes votre désir et celui de tous ceux qui s'intéressent à votre situation de voir votre rapport de travail obtenir une solution plus juste et plus stable ; d'autant plus qu'une impopularité accentuée continue de caractériser l'activité domestique, ce qui a produit une crise de cette main-d'oeuvre si utile et, même dans certains cas, si nécessaire. Nous avons donc appris que vos représentants qualifiés ont étudié et proposé, en lieu compétent, ce qu'il faudrait encore faire, à leur avis pour satisfaire aux justes désirs de votre catégorie.

Il désire surtout que les travailleuses trouvent, dans les maisons de leurs employeurs, une ambiance d'amour chrétien.

Mais Nous avons aussi un autre voeu dans Notre coeur et Nous ne voulons pas manquer de l'exprimer. Certes, la loi pourra vous assurer une juste rétribution, certaines mesures et conditions opportunes de travail. Mais ce serait encore peu si, dans les maisons où vous êtes accueillies, vous ne trouviez pas le réconfort et la compréhension humaine et, plus encore, le souffle ardent de l'amour chrétien. Nous souhaitons de tout coeur que vos employeurs soient pour vous moins des patrons que des pères, se substituant, autant que possible, à vos parents, à vos frères et soeurs. Beaucoup sont déjà ainsi et il serait injuste de ne pas le reconnaître ; pour d'autres, qui ne le sont pas encore, Nous invoquons la lumière de Dieu, notre Père commun, afin qu'ils voient en vous de propres soeurs, voire avec des fonctions diverses et de plus humble condition : de vraies soeurs pour lesquelles est prescrit l'amour qui prévoit, qui comprend, qui réconforte, qui secourt : un amour qui voit en vous les membres de l'unique grande famille humaine et, en même temps, de la famille la plus petite qui a recours à vos services.


Le Saint-Père fait part de ses anxiétés : beaucoup de travailleuses donnent un magnifique exemple, en résistant aux pièges et aux sollicitations au mal de la grande ville, mais beaucoup aussi se laissent entraîner.

2. — Après ces voeux paternels, chères filles, Nous voulons vous confier aussi Nos anxiétés, les tristesses de Notre esprit.

Les travailleuses domestiques partent de leurs maisons, non pas pour chercher des aventures, mais pour trouver du travail et se procurer ainsi les moyens nécessaires à une vie sereine et honnête. Toutes, pensons-Nous, vous avez quitté une maman en larmes, un père inquiet et soucieux, des frères pour ainsi dire humiliés de ne pouvoir empêcher votre départ en raison de l'insuffisance de leurs modestes gains.

La première rencontre avec la cité vous a déjà remplies de stupeur et d'étonnement ; sans doute, n'imaginiez-vous pas combien de ténèbres se cachaient sous la splendeur de certaines lumières ; combien de boue était prête à vous salir, à vous engloutir même, alors que vous vous trouviez surprises devant l'offre de certaines fleurs ; combien de méchanceté se dissimulait dans l'esprit d'hommes à l'apparence inoffensive et souvent même, pleine de charme. Ingénues pour la plupart vous ne soupçonniez pas que le serpent était tapi là même où semblait permis l'espoir de ne pas rencontrer d'embûches, de ne pas risquer sa vie.

Grâce à l'éducation reçue, à la sollicitude de bonnes âmes et aux mesures de prévoyance de mouvements inspirés par la charité du Christ, beaucoup ont su suivre leur chemin sans tomber, sans se salir. Il y a, en effet, dans votre catégorie, des foules d'âmes vraiment sublimes, prêtes à n'importe quel héroïsme, résistant à n'importe quelle attaque ; capables de vivre dans l'humilité et la modestie sans céder au désir, cependant explicable, d'échapper à un travail qui plus d'une fois donne peu de satisfaction. Il y a des âmes qui vivent sereines même dans le martyre silencieux de la fatigue quotidienne, souvent insuffisamment appréciée dans sa valeur irremplaçable, parfois incomprise et même méprisée. Des âmes qui renoncent à tout pour aider un père et une mère âgés et des parents éloignés. Des âmes — cela arrive souvent aussi — qui trouvent jusque dans leurs petites économies les moyens de secourir les misères d'autrui.

Mais, malheureusement, toutes ne se comportent pas ainsi. Il y a des âmes qui oublient leur dignité de créatures humaines et celle encore plus grande de filles de Dieu. Des âmes imprudentes, entraînées dans le tourbillon du mal, devenues des victimes d'une mystérieuse industrie du péché, qu'aucun code humain n'arrive à punir par ses menaces et ses sanctions. En pensant à ces âmes Notre coeur est dans l'angoisse et dans les larmes. Nous conjurons pour elles tous ceux qui peuvent être des instruments de salut ; Nous invoquons pour elles la puissance de l'intervention divine, afin qu'elles ne tardent pas à se relever de l'abîme. Et Nous supplions celles qui le peuvent encore, de s'arrêter au bord d'un gouffre qui réussit à les enchanter par le charme effrayant de ses horribles profondeurs.

Que soient bénis ceux qui s'appliquent avec un zèle émouvant à vous protéger, chères filles, contre les dangers qui vous entourent. Que soient particulièrement bénis les prêtres et les laïcs qui, dans le mouvement providentiel « Tra Noi », vous aident moralement et matériellement à demeurer honnêtes ; soyez enfin bénies vous-mêmes, chères filles, qui voudrez être des apôtres parmi vos soeurs par de simples paroles, par la force de l'exemple, par la générosité de l'action, par la ferveur de la prière et par l'acceptation joyeuse de toute peine et de toute souffrance.


Le Saint-Père donne une dernière recommandation : fuir le mal, accomplir le bien.

3. — Notre anxiété pour la ruine de vos âmes, qui Nous sont si chères, Nous suggère une dernière parole. Ecoutez-la, faites-la vôtre, apportez tout votre zèle à la mettre en pratique, au prix de n'importe quel sacrifice. La voici, dans son éternelle simplicité lapidaire ; fuyez, chères filles, fuyez le mal et accomplissez le bien.

a) Fuyez le mal en vous gardant des faux prophètes, des loups rapaces. Jésus l'a lui-même recommandé à tous et Nous devons vous le répéter. Les faux prophètes sont ceux qui charment par des fausses promesses en vous invitant à recourir à des moyens illicites pour arriver à des buts voire bons et légitimes. Un faux prophète est celui qui empoisonne votre esprit, qui met la haine dans votre coeur, qui vous exhorte à la négligence dans l'accomplissement de votre devoir quotidien. Est un faux prophète et un loup rapace celui qui, avec le mirage d'un bien-être matériel, véritable ou prétendu, demande votre adhésion ou, au moins, votre coopération indirecte à des oeuvres qui visent à la destruction systématique de toute valeur humaine et divine. Des loups rapaces déguisés en agneaux sont ceux qui vous attirent dans des rets invisibles et vous lient ensuite avec des chaînes horribles, même si elles sont dorées. Nous vous en conjurons du fond de Notre coeur, chères filles : ne cédez pas à l'ennemi, où qu'il se présente à vous et sous n'importe quelle forme ; résistez, fortes dans la foi, quand il tourne autour de vous pour vous faire tomber dans ses pièges.

b) Ayant assuré la résistance au mal, accomplissez le bien en transformant en service de Dieu tout votre travail. Les yeux du corps voient des créatures humaines en ceux qui vous ont prises à leur service ; ils espèrent une récompense humaine pour l'oeuvre que vous faites chaque jour, suivant les ordres qui vous sont donnés. Mais les yeux de la foi savent aller au-delà des apparences ; ils voient Jésus en quiconque vous commande légitimement. Cette foi, loin de vous humilier, confère un carac-



tère de saint orgueil à votre travail domestique. Vous n'obéissez pas à des hommes, qui sont vos égaux, qui, parfois, valent moins que vous-mêmes ; vous obéissez à Dieu. Cette foi vous fera servir avec amour vos supérieurs ; donc avec ferveur el avec cette exactitude scrupuleuse que seul l'amour sait faire naître. Enfin cette foi alimentera en vous la ferme espérance qu'il y aura pour vous, après le service terrestre, une récompense céleste digne de Dieu, qui est maître et père, et digne de vous qui êtes ses créatures, appelées à participer à sa vie et à l'héritage de sa gloire.

Avec ce souhait sur les lèvres et dans le coeur, Nous vous donnons, à vous ici présentes, ainsi qu'à vos compagnes de travail, à vos familles, à toutes les personnes et à toutes les choses qui vous sont chères, Notre paternelle Bénédiction apostolique.



Pie XII 1956 - CONSTITUTION APOSTOLIQUE «SEDES SAPIENTI7E»