Pie XII 1957 - ALLOCUTION AU CONGRÈS EUROPÉEN DE LA SOCIÉTÉ « UNIVERSAL FILM»


LETTRE POUR LE CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DU PAPE PIE XI

(12 mai 1957) 1






A l'occasion des fêtes organisées à Desio (Lombardie), pour commémorer le premier centenaire de la naissance du Pape Pie XI, le Souverain Pontife a adressé une lettre en italien à Son Exc. Mgr Montini, archevêque de Milan. En voici la traduction :

L'annonce des manifestations solennelles par lesquelles la ville de Desio s'apprête à commémorer le centenaire de la naissance de Pie XI est pour Nous une agréable invitation à prendre la parole, en une si heureuse occasion, pour remercier le Seigneur du don fait à la chrétienté en la personne d'un Pontife qui fut grand parmi les plus grands. L'histoire s'est déjà prononcée en ce sens en considérant l'oeuvre imposante, matérielle et spirituelle, qui remplit le long pontificat de ce successeur de Pierre : ses enseignements, ses entreprises, ses actions révélèrent en lui, qui jusqu'à soixante ans avait été surtout un chercheur assidu de manuscrits, le dynamisme complexe de l'homme d'action, de pensée, de volonté qui, placé au gouvernail de la barque mystique, étonna le monde par l'élévation de son intelligence et sa claire intuition des besoins nouveaux. C'est dans cet esprit qu'il vécut son programme : Pax Christi in regno Christi.

Mais ce que les hommes n'apprirent qu'indirectement, à travers sa parole profonde, ce à quoi ils firent peut-être moins attention, ce fut la richesse de sa vie intérieure dans laquelle il convient de rechercher le secret de toute son activité et de sa force d'âme.

La Providence Nous plaça à ses côtés, humble collaborateur de son travail quotidien, et Nous le vîmes dans l'intimité tel que le révélèrent au grand jour ses actes publics : un homme entièrement pris par la dignité et la mission qu'il tenait de Dieu.

Et afin que la vertu de ce Pape intrépide se manifestât au monde plus clairement, il fallut sa dernière maladie. Contrairement à ce qu'il avait demandé à Dieu durant sa vie — de n'être pas surpris par la mort mais que celle-ci fût rapide — le mal qui devait mettre fin à une aussi noble existence fut long, douloureux, lancinant. Le Pontife fut digne de sa force évangélique : il ne se raidit pas et ne s'interdit pas de se plaindre ; il s'interdit seulement l'abattement et resta sans ostentation à son poste de commandement ou, mieux, de vigie : homme, à la souffrance, Pape, au travail. Il fut un spectacle de grandeur pontificale dans la simplicité et l'humilité chrétienne ; il fut pour le troupeau de Dieu un maître admirablement efficace dans ce qu'il est si important de connaître : savoir souffrir.

En confiant à Votre Excellence ces impressions telles que Nous les a suggérées ce centenaire, Nous souhaitons que la commémoration en soit largement féconde en bons fruits spirituels et, de grand coeur, Nous vous donnons, ainsi qu'aux autorités, au clergé, aux organisateurs, à Nos chers fils de Desio et à tous les participants, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A S. EXC. M. RENÉ COTY, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

(13 mai 1957) 1






Le 13 mai 1957, le Souverain Pontife reçut en audience solennelle M. René Coty, Président de la République française. Après un entretien privé de 45 minutes, le Pape reçut également l'hommage des personnalités accompagnant l'illustre visiteur, puis il prononça en français l'allocution suivante :

Il Nous est particulièrement agréable, Monsieur le Président de la République française, de recevoir Votre Excellence, et Nous sommes heureux de vous saluer en présence de M. le ministre des Affaires étrangères et des autres personnalités illustres de votre suite.

Cette audience, qui restera sans aucun doute mémorable dans l'histoire séculaire des rapports entre le Saint-Siège et la très noble Nation française, évoque en Notre esprit le souvenir des gloires de votre peuple, de la valeur et des vertus de vos ancêtres ; elle suscite également des espoirs et des présages favorables pour son avenir dans les voies de l'honneur, sur lesquelles Nous l'accompagnons toujours de Nos voeux les plus fervents.

La France, en effet, féconde en héros et en saints, demeure un foyer unique de la pensée et de la recherche. Depuis de longs siècles les apports les plus divers s'y fondent et s'y assimilent, et trouvent souvent dans votre langue leur forme universelle. Le génie de votre race a vu ses dons de clarté et de logique s'épanouir de la façon la plus heureuse dans la vision de l'univers, qui découle de l'Evangile. De là sans doute provient cet équilibre de l'esprit et de la sensibilité, qui fait la valeur incomparable du classicisme français.


PRÉSIDENT RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



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Et si, quittant le domaine de l'histoire, Nous jetons un regard sur la terre de France et sur le cadre harmonieux de ses provinces, véritables écrins où les merveilles de l'art s'enchâssent dans celles de la nature, quelle richesse et quelle variété ne trouvons-Nous pas ? Ses montagnes et ses forêts, ses cathédrales et ses châteaux, ses centres intellectuels et son industrie forment un ensemble, qui attire le voyageur et qui émerveille le savant. Aussi voyons-Nous avec joie ce champ de travail si divers et si prometteur fournir à la génération qui monte l'occasion de déployer en des formes de vie nouvelles les qualités traditionnelles du passé. C'est tout ce peuple généreux, avec son glorieux héritage et ses dons remarquables, que Nous saluons en vous, Monsieur le Président, et auquel Nous exprimons Notre paternelle affection.

Nous avons voulu, en cette occasion solennelle, décorer Votre Excellence de l'Ordre du Christ, le plus élevé des ordres équestres pontificaux, selon l'expression du saint Pontife Pie X, qu'aucun autre ne surpasse en dignité, mais qui l'emporte sur tous en noblesse et en éclat. En lui conférant cet ordre suprême, Nous entendons avant tout reconnaître les hauts mérites, que Votre Excellence s'est acquis au cours de sa vie. Mais Nous voulons aussi donner à ce geste la valeur d'un symbole et d'un souhait : que la doctrine du Christ, qui est pour les nations source intarissable de lumière, de civilisation et d'amour, resplendisse et brille de toute part sur votre douce et grande patrie, et lui apporte, à la vue des glorieux exemples du passé et des clairs besoins du présent, un regain de vie et d'ardeur en vue des conquêtes pacifiques les plus hautes, pour le bien-être et le vrai progrès de tout le genre humain.


DISCOURS AUX DIRIGEANTS DE L'ÉCOLE DE BIBLIOTHÉCAIRES DE MUNICH

(15 mai 1957) 1






Le Saint-Père a reçu en audience, le mercredi 15 mai, un groupe de professeurs et fonctionnaires de l'Ecole de bibliothécaires de la Bibliothèque d'Etat de Munich, venus à Rome en voyage d'étude, et leur a adressé en allemand le discours dont nous donnons la traduction suivante :

Nous vous saluons, chers Messieurs et Dames, de l'Ecole des bibliothécaires de la Bibliothèque d'Etat de Munich qui, ces jours derniers, avez visité les bibliothèques de Rome et spécialement la Bibliothèque vaticane.

Vous êtes à bon droit fiers de votre Bibliothèque d'Etat de Munich. En ce qui concerne l'histoire de l'Eglise, elle est parmi les plus riches du monde. Vous aurez maintenant appris quels précieux trésors renferment aussi les bibliothèques de Rome, souvent dans des coins perdus et des corridors obscurs.

1 D'après le texte allemand de Discorsi e radiomessaggi, XIX ; traduction française de la Documentation Catholique, t. LIV, col. 730.




Comme vous le savez, le nom « Bibliothèque vaticane » désigne deux collections, dont l'une a été faite pour l'autre. La « Bibliotheca Apostolica Vaticana » est la grande collection de manuscrits adjoints qui, jusqu'à ces dernières décennies, sont devenus propriété du Saint-Siège. Parmi elles, provenant de votre pays, se trouve la bibliothèque palatine. Pour compléter cet ensemble, sous la direction de votre compatriote qui devait devenir le cardinal Franz Ehrle, fut créée après 1890 la bibliothèque vaticane de consultation, la « Bibliotheca Leonina ». Elle devait être à la disposition de ceux qui étudient les manuscrits et, naturellement, ensuite, des chercheurs qui travaillent dans


BIBLIOTHÉCAIRES DE MUNICH



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l'océan des archives secrètes du Vatican. C'est pour eux en premier lieu que fut conçue la vaste collection si riche d'intérêt des sources imprimées devant servir à l'histoire de chaque pays ou Etat.

La Bibliothèque vaticane est à proprement parler l'Institut des « scriptores ». Ceux-ci ne sont pas un décalque des « conseillers de bibliothèque », mais une création faite au cours du siècle dernier. Les scriptores partagent leur temps en des travaux pour la bibliothèque et des travaux scientifiques propres. Ce sont eux qui publient les catalogues de la « Bibliotheca Apostolica Vaticana ».

Parmi les services annexes de la Bibliothèque vaticane, le service photographique est sans doute aujourd'hui le mieux équipé. Une école de bibliothécaires et une école d'archivistes sont rattachées à la Bibliothèque vaticane, la dernière a pris une extension importante au cours de ces dernières années en ce qui concerne la paléographie, la diplomatie et les archives.

Nous Nous félicitons qu'à la tête de Nos services d'archives et de bibliothèque se trouve un homme qui jouit d'une haute considération dans le monde scientifique : le cardinal Giovanni Mercati, déjà chargé d'ans et si apprécié de Nous.

Le Vatican ne veut pas être une entreprise scientifique. Mais l'ouverture des archives du Vatican par Léon XIII eut pour conséquence inévitable que les services de bibliothèque du Vatican se sont fortement développés. Cette ouverture fut une action courageuse. Le Pape a permis par là à la recherche scientifique de voir librement par elle-même ce que l'action des Papes depuis Innocent III a accumulé de témoignages historiques. On entend dire d'une façon générale que les recherches qui ont pu ainsi être entreprises ont contribué d'une façon surprenante à la justification et à l'honneur de l'Eglise catholique.

Nous Nous permettons d'ajouter : ce qui domine dans l'ensemble du Vatican, c'est la sincère volonté de travailler pour Dieu et sa cause. Et Nous croyons volontiers que Nous sommes d'accord avec vous pour dire que pour vous aussi le sens dernier de votre travail est le service de Dieu et sa louange.

C'est dans cet esprit que Nous vous accordons de tout coeur la Bénédiction apostolique.


RÉPONSE AU TÉLÉGRAMME DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

(15 mai 1957) 1






Avant de quitter Rome, Son Exc. M. René Coty, Président de la République française, a tenu à remercier encore le Souverain Pontife de son bienveillant accueil et Sa Sainteté a daigné répondre à ce message en ces termes 2 :

1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano, du 16 mai 1957.

2 Voici le texte du télégramme de Son Exc. M. René Coty :

« Au moment de quitter la Ville Eternelle, je tiens à marquer à Votre Sainteté mes sentiments de reconnaissance émue pour l'accueil qu'Elle a bien voulu réserver au Président de la République française. Le peuple de mon pays gardera précieusement le souvenir des paroles d'une bienveillance si profonde par lesquelles s'est exprimé son amour pour la France et des voeux qu'Elle a formés pour la poursuite de sa mission séculaire. Votre Sainteté voudra bien agréer en même temps l'hommage de ma gratitude personnelle et de mon fervent respect. »

René Coty




Nous sommes très sensible au message que Votre Excellence Nous a adressé au moment de regagner la France et, en la remerciant de ses paroles pleines de courtoisie et de déférence, Nous sommes heureux de lui redire la joie particulière que Nous avons eue d'accueillir le premier Magistrat de la France et de lui témoigner Notre constante affection pour sa noble et chère Patrie.

LETTRE ENCYCLIQUE POUR LE IIIe CENTENAIRE DU MARTYRE DE S. ANDRÉ BOBOLA



(16 mai 1.937) 1





A l'occasion du IIIe centenaire de la mort de S. André Bobola, le Souverain Pontife fit paraître la Lettre encyclique suivante à l'épiscopat catholique, pour chanter les gloires du saint martyr et inviter les chrétiens à imiter ses vertus. Voici la traduction du texte original latin :

A la fin du troisième siècle écoulé depuis sa mort, Nous désirons que tous les catholiques du monde entier, et particulièrement les fils de la très chère Pologne qui ont en lui un titre d'honneur et un exemple sublime de courage chrétien, se souviennent avec piété du martyre et de la sainteté d'André Bobola, cet invincible athlète du Christ.

Aussi ne voulons-Nous pas laisser passer cette heureuse circonstance, inscrite en lettres d'or dans les annales de l'Eglise, sans dire quelque chose de sa vie et de sa vertu, et sans le proposer par cette Encyclique comme modèle à vous-mêmes, Vénérables Frères, et aux fidèles confiés à vos soins, selon la charge et la condition de chacun.

Ce qui semble resplendir le plus dans la vie d'André Bobola, c'est la foi catholique, dont la vigueur, nourrie par la grâce divine, s'affermit et grandit avec les années au point qu'elle fut chez lui un caractère particulier et lui donna la force de supporter un courageux martyre.

Ce que l'Apôtre des Gentils affirme : « Le juste vit de la foi » (Hébr. x, 38), brille en lui d'une lumière singulière. En effet, tout ce que l'Eglise enseigne comme vérité à croire ou devoir à pratiquer, il l'embrassait avec fermeté et s'efforçait généreusement de le traduire en actes. C'est pourquoi il prit dès sa jeunesse l'habitude de réduire et de dominer tous les mouvements déréglés qui, depuis la triste chute d'Adam, troublent notre âme et l'entraînent facilement aux choses défendues, et tendit de toutes ses forces à acquérir les vertus chrétiennes.



I La vie de saint André Bobola.

Il naquit en 1591 dans la région de Sandomir, de parents illustres par leur noblesse et plus encore par leur vertu et la constance de leur foi. Doué d'une intelligence solide et vive, après avoir reçu dès son plus jeune âge dans sa famille une éducation vraiment chrétienne, il fut envoyé au collège de la Compagnie de Jésus, où il se fit remarquer par l'innocence de sa vie et une piété singulière.



a) Sa vocation religieuse et sacerdotale.

2 In Cant., serm. 36, n. 5 ; P. h., 1S3, 060-D.




Comme il méprisait les vanités de ce monde et aspirait aux « charismes supérieurs » (I Cor. xn, 31), peu après, âgé de 19 ans, pour avancer plus facilement dans la voie de la perfection évan-gélique, il entra dans la Compagnie de Jésus et fut reçu au noviciat de Vilna. Se souvenant de la grave exhortation de Jésus-Christ : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix chaque jour et qu'il me suive » (Luc ix, 23), il s'efforça avec une ardeur chaque jour croissante d'acquérir l'humilité par le mépris de lui-même. Mais comme il était d'un caractère altier, impatient et quelque peu obstiné, il eut à poursuivre contre lui-même un combat très dur, et c'est en quelque sorte chargé de la croix qu'il dut gravir le Calvaire pour parvenir au sommet de cette vertu et acquérir enfin avec l'aide de la grâce, qu'il sollicitait par des prières assidues et ardentes, la splendeur de la perfection chrétienne, selon la sage pensée de saint Bernard : « S'il n'est construit sur le fondement stable de l'humilité, l'édifice spirituel ne peut tenir debout » 2. Il



brûlait d'amour pour Dieu et pour le prochain : rien de plus doux pour lui que de passer toutes les fois qu'il le pouvait, de longues heures devant le tabernacle, et que de subvenir suivant ses moyens à toutes les misères... Il aimait Dieu par-dessus tout et plus que lui-même, et, selon la règle de son saint Fondateur, il ne cherchait que sa plus grande gloire. Si bien qu'on peut dire de lui qu'il mettait en pratique l'exhortation de saint Bernard, déjà cité : « Il ne faut désirer que celui-là seul qui rassasie le désir » 8.

Il n'est donc pas étonnant que cet athlète de Jésus-Christ, doué de telles qualités surnaturelles, ait réalisé de si grands progrès dans le domaine de l'apostolat et recueilli tant de fruits de salut. Son ardeur le portait principalement à conserver et à promouvoir la foi catholique, si bien qu'étant encore chargé des enfants comme professeur à Vilna, ou plus tard dans d'autres villes, il aimait à leur enseigner avec le plus grand soin la doctrine chrétienne, à les exhorter à la piété envers l'Eucharistie et envers la Sainte Vierge.

Mais lorsqu'il eut été élevé à la dignité sacerdotale, l'année même et le jour où, à Rome, Ignace et François Xavier étaient canonisés, son premier souci fut de s'adonner, sans épargner aucune fatigue, aux missions et aux prédications afin de propager partout une foi catholique qui ne fût pas vaine, mais produisit de bonnes oeuvres.



b) Son amour de l'Eglise et son zèle à la défendre.

3 In dedic. Eccl, serrrt. IV, n. 4 ; P. L., 183, 528-D.




Comme dans les régions orientales du pays, la religion courait le plus grand danger spécialement à cause des efforts des dissidents qui cherchaient par tous les moyens à arracher les fidèles à l'unité de l'Eglise pour les attirer à leurs erreurs, André, sur l'ordre de ses supérieurs, se rendit dans ces régions, parcourut leurs villes, bourgs et villages et par des sermons aussi bien que par des conversations privées, mais surtout par l'éclat de sa grande sainteté et le zèle ardent de son apostolat, il libéra de ces idées fausses la foi vacillante de nombreux fidèles, la réduisit à de sains principes et ramena tous ceux qu'il put à l'unique bercail de Jésus-Christ. Non seulement il releva et fortifia la foi chancelante ou languissante des chrétiens, mais il les incita à pleurer leurs péchés, à apaiser leurs discordes, à restaurer les bonnes moeurs, au point que, partout où. comme le divin Maître, il passait en faisant du bien, on voyait en quelque sorte s'épanouir un nouveau printemps, fleurir les vertus et resplendir des fruits de salut ; aussi rapporte-t-on que tous, même les dissidents, l'appelaient de façon expressive le chasseur d'âmes.

De même que l'infatigable apôtre de Jésus-Christ vécut de la foi, la propagea et la défendit avec le plus grand zèle, ainsi pour cette foi ancestrale ne craignit-il pas d'affronter la mort.

Elle est célèbre parmi d'autres la terrible persécution de la religion catholique qui éclata au XVIIe siècle dans les régions de l'Est lorsque les troupes des Cosaques, qui avaient alors envahi ces territoires, déployèrent leur fureur contre les catholiques, leurs pasteurs et les prédicateurs de la vérité évangélique ; on pouvait voir, en effet, les églises détruites, les monastères incendiés, les prêtres et les fidèles çà et là massacrés, la dévastation et le saccage de toutes les choses sacrées.



c) Son martyre et sa glorification.

André Bobola, qui méritait de s'appliquer la maxime : « Rien de ce qui concerne Dieu ne m'est étranger » 4, sans craindre aucunement la mort ni les supplices, enflammé de l'amour de Dieu et du prochain, se jeta au milieu de la tourmente pour empêcher tous ceux qu'il pourrait de renier la foi, les écarter par tous les moyens des embûches et des erreurs des dissidents, et les exhorter avec force à conserver saine et entière la doctrine chrétienne. Mais le 16 mai 1657, fête de l'Ascension, il fut pris près de Janow par les ennemis du nom chrétien, ce qui, assurément, ne l'effraya pas, mais lui procura plutôt une joie céleste, car nous savons qu'il avait toujours souhaité le martyre, et qu'il se souvenait des paroles du divin Rédempteur : « Heureux serez-vous quand les hommes vous maudiront, vous persécuteront, vous calomnieront de toute manière à cause de moi. Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux : c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes, vos devanciers » (Mt 5,11-12).

4 S. Bernard, Epist. 20, ad. Card. Haimericum ; P. L., 182, 123-B.




L'esprit frémit d'horreur en se rappelant toutes les tortures que l'athlète du Christ supporta avec un courage invincible et une foi inébranlable. En effet « frappé à coups de bâton, souffleté, traîné à une corde par un cheval sur un chemin douloureux et sanglant, il fut conduit à Janow pour y subir le dernier supplice. Dans ce combat, le Martyr Polonais égala les plus nobles triomphes célébrés par l'Eglise. Interrogé s'il était prêtre latin, André répondit : « Je suis prêtre catholique ; né dans la foi catholique, c'est dans cette même foi que je veux mourir ; ma foi est vraie ; elle conduit au salut ; repentez-vous plutôt, faites pénitence, sans quoi vous ne pourrez pas obtenir le salut au milieu de vos erreurs ; embrassez ma foi, et vous connaîtrez le vrai Dieu, et vous sauverez vos âmes »5.

A ces mots, ces hommes criminels, insensibles à la pitié et rendus au contraire plus féroces, en vinrent à une telle cruauté qu'ils infligèrent encore au soldat du Christ des peines plus atroces. Celui-ci fut de nouveau « frappé de fouets, couronné comme Jésus-Christ d'une couronne d'épines, violemment souffleté et terrassé d'un coup de sabre. Puis on lui arracha l'oeil droit, il fut écorché vif en diverses parties du corps, ses blessures atrocement brûlées et frottées avec des bouchons de paille. Ce n'était pas encore suffisant : on lui coupa les oreilles, les narines et les lèvres, on lui arracha la langue en arrière par un trou fait dans la nuque, enfin on lui enfonça un poinçon dans le coeur : alors seulement, vers trois heures de l'après-midi, le courageux athlète, après avoir donné un étonnant exemple de courage, fut frappé d'un glaive et obtint la gloire du martyre » 6.

Ce martyr invincible, empourpré de son sang, fut triomphalement reçu au ciel, et sur terre l'Eglise, voyant son éclatante sainteté attestée et confirmée par Dieu lui-même en des signes étonnants, le proposa au culte et à l'imitation de toute la communauté chrétienne. En effet, l'an 1853, Notre prédécesseur de vénérée mémoire, Pie IX, l'inscrivit au catalogue des Bienheureux, et en 1938, Notre prédécesseur immédiat, Pie XI, d'immortelle mémoire, le mit solennellement au nombre des Saints.











Litt. Decr. Fii XI, Ex aperto Christi latere, cf. A. A. S., 30, 1038, p. 359. Homilia Pii XI in canoniz. S. Andreae B., cf. A. A. S., 30, 1938, pp. 152-153.


II



Sur les traces du saint Martyr.

Nous avons voulu retracer brièvement dans cette Encyclique les traits principaux de la vie et de la sainteté d'André Bobola pour que, dans le monde entier, tous les fils de l'Eglise catholique non seulement le regardent avec admiration mais imitent avec une égale fidélité son orthodoxie, sa foi intacte et le courage de celui qui a combattu jusqu'au martyre pour l'honneur et la gloire de Jésus-Christ. Pendant ces fêtes du IIIe centenaire surtout, que, sur vos instances et vos conseils, Vénérables Frères, tous méditent ses hautes vertus et qu'on se fasse un devoir de suivre ses traces.



a) La lutte contre le matérialisme athée.

Aujourd'hui, hélas, en plusieurs endroits, la foi chrétienne s'affaiblit ou risque même de s'éteindre. Beaucoup ignorent presque la doctrine de l'Evangile ; d'autres — ce qui est pis — la rejettent tout-à-fait comme dépourvue de sens pour les hommes d'un siècle en progrès et qui croient pouvoir, sans Dieu et par eux-mêmes, c'est-à-dire par leur intelligence, leurs forces et leur puissance, se procurer sur cette terre tout ce qu'il leur faut pour vivre, travailler, triompher des secrets de la matière et les mettre à leur service pour le bien commun de tous leurs concitoyens. Il y en a même qui s'efforcent d'arracher complètement la foi chrétienne de l'âme des autres, en particulier des ignorants et des simples ou de ceux qui sont déjà contaminés par leurs erreurs — cette foi qui reste pour les plus malheureux surtout la seule consolation de cette vie mortelle — et leur promettent un bonheur merveilleux impossible à conquérir sur cette terre d'exil. Quoi qu'elle cherche, quoi qu'elle tente, la société humaine quand elle erre loin de Dieu ne jouit pas de la tranquillité désirée et de l'accord des esprits dans la paix mais connaît le trouble et l'angoisse comme un homme tourmenté par la fièvre ; lorsqu'elle cherche anxieusement les richesses terrestres, les commodités, les plaisirs et met en eux seuls sa confiance, elle poursuit une ombre et s'attache à ce qui passe. Sans un Dieu souverain et sa loi sainte, il n'existe pour les hommes aucun ordre stable, aucun vrai bonheur puisqu'il n'y a plus de fondement solide pour la vie privée ni pour l'organisation de la vie sociale. En outre, vous le savez, Vénérables Frères, seuls les biens célestes et éternels et non ceux qui passent peuvent entièrement combler et rassasier notre âme.

On ne peut affirmer non plus, ce que plusieurs prétendent témérairement, que la doctrine chrétienne obscurcit les lumières de la raison alors qu'elle accroît plutôt leur clarté et leur force en la détournant des fausses apparences et en l'amenant à une compréhension des choses plus large et plus profonde. Il ne faut donc pas croire que l'Evangile, c'est-à-dire la doctrine de Jésus-Christ que l'Eglise catholique interprète légitimement par mandat divin, est périmé et dépassé mais qu'il est vivant et fort, et seul capable d'indiquer aux hommes le chemin sûr et direct vers la vérité, la justice et toutes les vertus, de leur assurer l'entente fraternelle et la paix et de conférer à leurs lois, à leurs institutions, à leur communauté des garanties solides et inébranlables.

Tous les hommes sages qui réfléchiront comprendront facilement qu'André Bobola la soutint volontiers et courageusement, qu'il soutint également tant de travaux, tant de souffrances, afin de conserver intacte la foi catholique de ses concitoyens, de préserver le plus possible leur vie morale, exposée à tant de périls et d'attraits mauvais, et de les former aux vertus chrétiennes au prix d'un labeur infatigable.



b) Prêtres et laïcs au service de l'Eglise.

Puisque, comme Nous l'avons dit, Vénérables Frères, la religion catholique connaît aujourd'hui en de nombreux endroits une situation difficile, il faut par tous les moyens la protéger, l'étendre, la propager. Vous serez aidés dans une tâche aussi grave non seulement par les ministres sacrés qui doivent vous assister en vertu de leur charge mais aussi par tous les laïcs généreux qui sont prêts à combattre les combats pacifiques de Dieu. Plus grande est l'audace que les ennemis de Dieu et du christianisme mettent dans leurs attaques contre Jésus-Christ et l'Eglise qu'il a fondée, plus vive doit être la réaction non seulement des prêtres mais aussi de tous les catholiques, par la parole, par leurs écrits et surtout par leur exemple, en épargnant toujours les personnes mais en défendant la vérité. Si, dans ce but, il est nécessaire de vaincre beaucoup d'obstacles et de sacrifier ses biens et son temps, qu'on n'hésite jamais en se souvenant de la maxime : faire des choses difficiles et souffrir beaucoup, c'est le propre du courage chrétien, et Dieu lui-même le récompensera du plus grand prix, la béatitude éternelle. Si vraiment nous voulons tendre chaque jour à la perfection de la vie chrétienne, ce courage implique toujours quelque forme de martyre ; car ce n'est pas seulement par le sang versé que l'on rend à Dieu témoignage de sa foi mais aussi en résistant constamment à l'attrait du vice et en consacrant entièrement avec générosité et libéralité ce que l'on est et ce que l'on a à celui qui est notre Créateur et Rédempteur et sera un jour dans le ciel notre joie sans fin.

Que tous prennent donc en exemple la fermeté d'âme de saint André Bobola, qu'ils gardent entière sa foi invincible et la défendent de toutes leurs forces ; qu'ils imitent son zèle apostolique et s'efforcent d'établir par tous les moyens en leur pouvoir le règne de Jésus-Christ sur la terre et de le propager partout, chacun selon sa condition.



c) Appel spécial à la Pologne.

i Ciceron, De Or., 2, g, 36.




Si Nous voulons adresser ces exhortations paternelles et ces souhaits à tous les pasteurs sacrés et à leurs troupeaux, cependant Nous pensons tout particulièrement à ceux qui demeurent en Pologne. André Bobola est en effet leur honneur et leur gloire puisque il est né de leur peuple et qu'il l'a illustré non seulement par la splendeur de tant de vertus mais par le sang de son martyre. Qu'ils continuent donc, en suivant son exemple lumineux, à professer la foi de leurs ancêtres en dépit de toutes les attaques ; qu'ils s'efforcent avec le plus grand soin de bien diriger la vie morale des chrétiens et qu'ils se persuadent que la gloire principale de leur patrie est de perpétuer l'indéfectible constance de leurs ancêtres et de faire en sorte que la Pologne soit toujours fidèle, qu'elle soit le « rempart de la chrétienté ». Dieu lui-même en effet — comme l'enseigne 1'« histoire... témoin du passé, lumière de vérité... maîtresse de vie » 7 — semble avoir confié cette tâche spéciale au peuple polonais. Qu'ils s'efforcent donc de s'en acquitter avec zèle et fermeté, en évitant les tentations dangereuses et en triomphant avec la grâce divine des difficultés de tout genre. Qu'ils regardent la récompense que

Dieu promet à tous ceux qui, avec une totale fidélité, une ardeur enthousiaste et une charité brûlante, vivent, travaillent, luttent pour défendre et propager sur terre son Règne pacifique.

Nous ne pouvons Nous empêcher de profiter de cette occasion pour Nous adresser aussi directement, par cette Encyclique, à tous Nos chers fils de Pologne et surtout aux Evêques qui ont souffert pour le nom de Jésus-Christ. Agissez avec courage mais aussi avec cette force chrétienne qui s'accompagne de prudence, de sagacité, de sagesse. Conservez la foi catholique et l'unité. Que la foi soit la ceinture de vos reins (Is. xi, 5) ; qu'elle soit proclamée dans le monde entier (Rm 1,8) ; qu'elle soit pour vous « la victoire qui triomphe du monde » (I Jean v, 4). Faites cela « les yeux fixés sur Jésus, l'auteur et le consommateur de la foi, qui au lieu de la joie qui lui était proposée, méprisant l'ignominie a souffert la croix et siège désormais à la droite du trône de Dieu » (Hebr. xii, 2).

De la sorte, vous obtiendrez que de la béatitude éternelle dont ils jouissent à présent avec la Vierge Marie, Reine de la Pologne, tous les Bienheureux et ceux-là surtout qui sont de votre peuple vous regardent avec bienveillance et vous protègent ainsi que votre chère patrie.

Pour qu'il en soit ainsi, Nous désirons vivement, Vénérables Frères, que vous tous et chacun des fidèles sur toute la terre, adressiez à Dieu des prières, en particulier pendant la célébration de ce centenaire, pour qu'il accorde ses dons les plus abondants et ses consolations célestes à ceux qui sont en plus grand danger et sont en butte aux plus graves difficultés.

Que ces prières communes obtiennent aussi du Dieu de miséricorde que la concorde tant désirée fleurisse à nouveau entre les nations, que les droits sacrés et la mission de l'Eglise, si importants même pour le vrai bien de la société humaine, soient reconnus par tous comme il convient et puissent s'exercer partout légitimement.

Pour que ces souhaits se réalisent, Nous unissons aux vôtres Nos prières ardentes et, comme gage des grâces célestes et en témoignage de Notre bienveillance, Nous vous accordons de tout coeur à vous tous, Vénérables Frères, et à tout le peuple chrétien, Notre Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX MUTUELLES DES CULTIVATEURS DIRECTS D'ITALIE

(16 mai 1957) 1






Un groupe de 600 cultivateurs directs d'Italie, qui avaient participé à l'assemblée générale annuelle de leurs Caisses mutuelles de maladie, furent reçus en audience par le Souverain Pontife qui leur adressa un discours en italien, dont voici la traduction :

Quand le 18 mai 1955 Nous adressâmes des paroles de félicitations et d'encouragement aux cultivateurs directs réunis à Rome pour leur IXe Congrès, il fut particulièrement réconfortant pour Nous de mentionner, parmi les résultats obtenus par leur Confédération, l'extension à cette catégorie sociale de l'assurance contre les maladies 2. Depuis seulement cinq mois était alors entrée en vigueur la loi votée par le Parlement le 22 novembre 1954, qui couronnait six années d'efforts ardus et tenaces contre une opposition résolue à en retarder le plus possible l'approbation.

Et voici que se réunit maintenant à Rome l'assemblée nationale de votre Fédération des Caisses mutuelles, pour soumettre à l'examen et à la discussion le travail accompli durant cette première période d'activité et prendre les décisions, qui détermineront son orientation future.

1 D'après le texte italien de Discorsi e radiomessaggi, 19, traduction française de l'Osservatore Romano, du 7 juin 1957.

2 Cf. Documents Pontificaux 1955, p. 146.




Vous n'avez pas voulu, chers fils, laisser passer cette occasion sans venir Nous demander de bénir vos travaux ; en effet, vous savez bien avec quelle sollicitude et avec quelle affection paternelle Nous accueillons toujours les représentants de votre

Fédération ; et aujourd'hui encore Nous Nous réjouissons avec vous de voir solidement établi et en plein fonctionnement le réseau des Caisses mutuelles, sur le plan communal, provincial et national. Vous pouvez en toute sincérité penser que les efforts considérables accomplis pour mener à terme la loi qui les instituait étaient pleinement justifiés et ont déjà reçu une large récompense. Ainsi s'annonce une amélioration sensible dans la condition des travailleurs agricoles indépendants, souvent réduits à se contenter d'un niveau de vie inférieur à celui auquel ils pourraient légitimement aspirer.



Bienfait des Caisses mutuelles pour les cultivateurs directs.

Plus d'une fois on a fait observer que le propriétaire terrien ou le fermier, qui vit de la culture directe du sol, ne dispose souvent que d'une pièce de terre insuffisante pour l'entretien normal de sa famille et incapable de lui fournir les moyens nécessaires qui permettraient d'envisager, sans trop d'appréhension, le cas d'un traitement médical ou d'un séjour à l'hôpital. Il est donc facile d'imaginer ce qu'il arrive lorsque des maladies ou des accidents frappent le cultivateur ou l'un des siens : il se trouve alors devant la douloureuse alternative ou de contracter de fortes dettes qui pèseront sur lui pendant de longues années et aggraveront encore sa situation économique ou de renoncer aux soins médicaux indispensables. Cette dernière solution, malheureusement fréquente, mettait en un tragique relief la grave condition d'une des catégories de l'ordre social, d'autant plus dure à supporter que les travailleurs salariés de l'industrie, du commerce et d'autres secteurs de l'économie jouissaient d'une assistance sociale capable de leur épargner de telles difficultés.

La nouvelle loi citée a remédié à cette inégalité, en instituant les Caisses mutuelles des cultivateurs directs, qui intéressent environ 1.500.000 familles avec un ensemble de 6 millions de personnes. Celles-ci bénéficient désormais de l'assistance médicale générale à domicile ou dans un dispensaire, de l'assistance hospitalière, de l'assistance médicale spéciale, avec diagnostic et traitement, et de l'assistance obstétricale.

Les caractéristiques de cette loi sont avant tout, comme Nous venons d'y faire allusion, l'assurance contre les maladies en faveur de travailleurs autonomes, alors qu'avant n'en étaient bénéficiaires que ceux rétribués par un employeur ; puis la parti-



cipation, pour la première fois, de l'Etat italien aux dépenses d'assurance à un taux déterminé, pleinement justifiée par les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles se trouve d'habitude la catégorie des cultivateurs directs. Mais l'innovation digne de la plus grande appréciation et dont vous pouvez avec raison être fiers est que la gestion de vos Caisses mutuelles est confiée à des conseils d'administration élus par les intéressés eux-mêmes. Aussi appartient-il à ceux-ci de choisir des hommes honnêtes et compétents, qui n'aient en vue que le véritable avantage de la communauté et soient habiles à éventer des abus, qui peuvent sans peine s'introduire dans des organismes de ce genre.

Nous n'avons pas besoin d'exposer à présent les heureux succès, qui vous sont bien connus, obtenus en deux ans d'activité de l'assistance hospitalière et rendus éloquents par les simples chiffres.



Les responsabilités réciproques des membres de la communauté.

Vous avez la consolation, chers fils, de fonder sur ces résultats initiaux l'espérance d'alléger notablement le poids des souffrances de tant de familles d'agriculteurs : souffrances physiques si pénibles, quand s'y ajoutait l'impossibilité de leur procurer un soulagement approprié ; souffrances psychologiques, en outre, de parents tourmentés par l'angoisse et prostrés dans l'abattement, incapables comme ils l'étaient d'assurer à leurs enfants les soins nécessaires. On n'ose pour ainsi dire pas mesurer la somme de courage et de patience dont ont fait preuve tant de modestes familles rurales pour supporter de telles peines. Heureusement, il ne restera bientôt plus de cela qu'un triste souvenir. Certes, il reste beaucoup à faire pour rendre vraiment satisfaisante la condition de ces familles, mais un pas en avant, et un sérieux pas, a été accompli.

Comment ne pas souligner en outre tout ce que l'organisation des Caisses mutuelles apporte aux cultivateurs dans le sens civique et social ? Avant tout ils se réjouissent de voir la sollicitude de l'Etat à leur égard et ils baseront sur ce fait une confiance renouvelée envers la communauté nationale. Ensuite, retrouvant en eux-mêmes la sérénité, ils se sentiront libérés de la crainte de se trouver à l'improviste dans la pénurie en cas de maladie d'un membre de la famille. Mais, surtout, en collaborant au fonctionnement des Caisses mutuelles, ils exerceront leur propre responsabilité et se rendront compte, de façon tangible, qu'il leur est possible d'améliorer les conditions matérielles par leurs résolutions et par la coordination de leurs efforts. Le concours à une activité d'ordre économique leur ouvre la voie vers une meilleure compréhension d'un élément essentiel de l'équilibre social : la compensation des risques par la solidarité effective de tous les membres d'une communauté. Les progrès de la civilisation comportent sans aucun doute une plus grande autonomie des individus, un plus grand esprit de liberté et d'entreprise, mais ils risquent toutefois de les isoler et de leur faire perdre la conscience des liens qui les unissent aux autres et fixent les responsabilités réciproques.

La solidarité humaine a son fondement dans la charité chrétienne.

N'est-ce donc pas un des aspects les plus consolants du christianisme que celui de la solidarité spirituelle, qui de tant de façons se manifeste chez les membres de l'Eglise entre eux et avec leur Chef ? Les promesses de rédemption, l'espérance qui pousse les hommes à en chercher chaque jour l'accomplissement même au prix de sacrifices héroïques, les moyens concrets pour obtenir en l'insérant de plus en plus profondément dans la vie de l'Eglise, le trésor des mérites du Christ et des Saints : tout cela appartient en commun aux fidèles, de la même façon qu'ils attendent avec un seul coeur le glorieux retour du Christ et le triomphe définitif de son règne dans la charité. La solidarité humaine n'a pas de fondement solide en dehors de cette charité chrétienne, où elle trouve également sa perfection. Vous possédez, dans votre activité au service de la Fédération nationale des Caisses mutuelles, un moyen nouveau pour l'appliquer en des modes efficaces et généreux, propres à promouvoir un renforcement sensible de la condition sociale des cultivateurs directs.

Veuille le Seigneur diriger vos travaux et leur accorder des fruits abondants, afin que chez tous ceux qui tirent de la terre la nourriture pour eux-mêmes et pour leurs familles, se développent — comme la plante est alimentée par l'action d'une sève nouvelle et vigoureuse — les qualités humaines et les vertus chrétiennes les plus fécondes.

Avec ce souhait et en gage des plus hautes faveurs célestes, Nous donnons de tout coeur à vous et à tous les membres de votre Fédération Notre paternelle Bénédiction apostolique.




Pie XII 1957 - ALLOCUTION AU CONGRÈS EUROPÉEN DE LA SOCIÉTÉ « UNIVERSAL FILM»