Pie XII 1957 - DISCOURS AUX ÉLÈVES DES LYCÉES DE ROME


I.

ÉTUDIEZ LA VÉRITÉ

Vos intelligences juvéniles s'ouvrent à la vie, anxieuses de connaître, et la nature est ouverte devant vous avec ses merveilles et ses mystères ; les problèmes de l'existence, les faits humains, vos aspirations, le but à poursuivre, les voies à suivre, les moyens à employer : tout fait question ; tout exige une clarté de lumière et une précision de réponse. Etudiez donc. Appliquez-vous au prix de n'importe quel effort et ne négligez rien de ce que les programmes et les maîtres vous proposent. Etre indolent et paresseux signifierait vous trahir vous-mêmes et renoncer au développement complet et harmonieux de votre personne. Vous décevriez également vos parents, qui pour faire continuer les études ont peut-être fait de gros sacrifices et affronté des privations ; vous refuseriez à la patrie et au monde le nombre nécessaire d'hommes capables, d'hommes de science, d'artistes, de techniciens de la politique, de l'économie, du droit.



II.

ÉTUDIEZ SÉRIEUSEMENT



Les matières inutiles ont une grande importance

a) Dans ce but, gardez-vous surtout d'évaluer l'importance de l'étude selon le critère de l'utilité immédiate. Vous ne savez pas encore ce que la vie vous réserve ; et vous ne savez guère vers où s'orientera effectivement votre carrière.

C'est un fait bien connu que l'on prescrit aux futurs capitaines de marine et aux officiers des navires de guerre la manoeuvre des voiles. Personne n'imaginerait à première vue qu'elle puisse être nécessaire à la solution des problèmes techniques compliqués concernant la route d'un transatlantique et le tir d'un cuirassé. Mais si vous demandez aux experts pourquoi les futurs navigateurs doivent apprendre la manoeuvre des voiles et s'y perfectionner, ils vous répondront que les marins acquièrent ainsi plus facilement ce sixième sens, appelé précisément le « sens marin ».

L'application à votre cas Nous semble naturelle et facile. Chaque fois que vous ouvrez un livre, que commence une leçon, que se déroule un examen, vous ne devez pas vous demander : à quoi cela me sert-il ? Ne dites pas : je serai ingénieur ; à quoi me sert la philosophie ? Je serai avocat ; à quoi me sert la physique ? Je serai médecin ; à quoi me sert l'étude de l'art ? La vérité est que certaines notions et informations, un certain bagage de connaissances et un certain ordre mental, le sens de la mesure et de l'harmonie intellectuelle — en un mot, la plus grande ampleur et profondeur des bases — aident toujours dans la vie et sont souvent utiles d'une façon inattendue et inespérée : ce qui vaut généralement pour deux matières, le latin et l'histoire.



Il faut viser à la formation plus qu'à l'information.

b) Pour étudier sérieusement, il faut se garder de croire que
le nombre des connaissances soit l'élément fondamental pour
construire l'édifice de votre culture. Ce n'est pas trop de choses
qu'il faut, mais tout le nécessaire et ce qui convient, bien appris,
justement compris, intensément approfondi. Il faut donc éviter
de vous obliger à un effort presque surhumain et à poursuivre
péniblement tout ce que le savoir a mis sur les chaires et tente
de porter sur les bancs des élèves. C'est d'autant plus vrai lors-
qu'il s'agit d'études surchargées, purement mnémoniques, bien
différentes de l'étude sérieuse et joyeuse de la véritable et pro-
fonde formation culturelle — de ces études par lesquelles l'école
risque de se transformer en un drame qui attriste les parents
et irrite les élèves.



L'unité organique de la culture.

c) Mais il est un troisième défaut dont il est nécessaire que
les élèves se gardent avec l'aide des professeurs consciencieux et
le concours de ceux qui se chargent d'établir les programmes.

Celui qui connaît les problèmes de l'école sait que rien n'est aussi nuisible qu'un amas de connaissances accumulées pêle-mêle et en désordre ; qui ne s'accordent pas ni ne se complètent ; qui se heurtent souvent, ou même s'éliminent réciproquement. Il arrive plus d'une fois que l'enseignement et l'étude des matières scientifiques sont poursuivis sans que l'on considère en rien la nécessité d'une formation complète de l'intelligence. Celle-ci doit acquérir sans cesse davantage la capacité de la synthèse et la profondeur de la recherche au moyen d'une sérieuse étude philosophique. La science et la philosophie doivent donc se compléter mutuellement, en se rencontrant là où l'étude traite des structures les plus intimes et profondes de la matière et là où doivent surgir ou se révéler les harmonies les plus amples et les plus élevées.

Il arrive d'autre part que l'enseignement et l'étude de la religion sont négligés par certains élèves ou regardés avec doute et méfiance par certains professeurs d'autres matières, qui peut-être n'épargnent pas railleries et insinuations. Et comme il fut un temps où l'on avait recours aux certitudes et aux lumières de la science pour railler les doutes et les ombres de la philosophie, de même à présent on compare la « raison » de certaines notions philosophiques avec le « caractère insoutenable » des mystères. Chacun peut imaginer le chaos qui résulte d'une semblable méthode d'enseignement et d'étude. Vos jeunes esprits fragiles et non préparés ne le savent que trop.

On obtiendrait bien d'autres résultats si l'enseignement de toutes les matières était parfaitement ordonné et organique. En effet, le corpus doctrinae obéit, lui aussi, aux lois de tout corps vivant. Celui-ci croît par l'effet du développement intérieur de ses membres, lesquels, à leur tour, trouvent dans le tout les aliments pour leur propre vie. L'appauvrissement intérieur de certains membres ou leur croissance désordonnée provoquent dans le reste du corps perte de vitalité, faiblesse et, par conséquent, incapacité d'action. Il en est de même pour les branches du savoir humain. Une croissance désordonnée ne profiterait pas à l'ensemble de la culture, comme serait nuisible le manque de distinction entre ce qui est fondamental ou principal et ce qui, au contraire, est accessoire.

L'unité organique souhaitée pour la culture s'obtiendra quand le corpus doctrinae aura lui aussi comme tête le Christ. « Je suis... la vérité », s'écria-t-il un jour (Jn 14,6). Quand vous étudiez la nature, rappelez-vous que « toutes les choses furent faites par Lui et que sans Lui rien ne fut fait de ce qui existe » (Jean i, 3). Quand vous apprenez l'histoire, n'oubliez pas qu'elle n'est pas une simple liste de faits, plus ou moins sanglants ou édifiants, parce qu'il est facile de voir en elle une architecture, qui doit être étudiée et approfondie à la lumière de la providence divine universelle et de l'incontestable liberté d'action humaine. En particulier vous noterez de quel oeil différent vous regarderiez les événements des deux derniers millénaires si vous les considériez comme le développement de la civilisation chrétienne, en partant de ce qui fut les humbles débuts de l'Eglise, en vous arrêtant aux grandes synthèses anciennes et médiévales qui n'ont pas été surpassées, en réfléchissant sur les douloureuses apostasies, mais aussi sur les grandes conquêtes modernes et en regardant avec confiance les nombreux signes de renaissance et de relèvement.




III.



MAIS POUR QUE CETTE CULTURE ORGANIQUE SOIT POSSIBLE, IL EST NÉCESSAIRE QUE VOS ÉTUDES SOIENT COMPLÈTES

Les sciences de la nature.

a) En premier lieu se présente à vous le monde naturel qui impressionne vos sens et suscite votre curiosité. Il est nécessaire que la nature, avec ses beautés et son charme, continue de séduire irrésistiblement la jeunesse de la génération moderne. Poussez votre regard jusqu'aux mystérieuses profondeurs des nébuleuses et des amas d'étoiles dispersés dans l'immense univers ; arrêtez-vous à contempler les merveilles de votre planète, palais royal de l'homme ; pénétrez jusqu'aux structures les plus profondes de l'atome et de son noyau. Pour lire ce livre merveilleux prenez la science comme interprète, en vous passionnant pour ses problèmes, ses solutions, ses hypothèses, ses mystères mêmes. Alors que les petits présomptueux demeurent satisfaits des quelques notions apprises, vous vous rendrez compte de la disproportion qui augmentera de plus en plus entre ce que vous savez et ce que vous désirez connaître. Si vos maîtres — à qui Nous adressons Notre pensée affectueuse et reconnaissante — savent vous guider dans cette lecture, dans cette étude, vous demeurerez stupéfaits de la facilité avec laquelle dans toute créature on découvre le Créateur, qui est glorifié par cette connaissance et vous récompense en remplissant votre coeur de félicité.



La philosophie.

b) Des sciences expérimentales, passez aux vérités de la philosophie, qui est le fondement de tout savoir. Nous savons bien que, souvent, malheureusement, une étude si noble et nécessaire se réduit à une liste accablante d'erreurs provenant de pensées égarées et de coeurs désordonnés. Une telle étude est certainement nuisible pour les élèves, comme l'atteste la plainte de plus en plus forte et angoissée de parents justement soucieux pour la foi de leurs enfants. Nous ne saurions comprendre pourquoi on devrait appeler un « maître » celui qui sème les brumes du scepticisme dans l'esprit sans défense des jeunes gens. La liberté de l'intelligence consiste en la possibilité de pénétrer de plus en plus profondément telle ou telle vérité, d'en considérer un aspect plutôt qu'un autre, de former des synthèses et des déductions de plus ou moins d'ampleur. C'est donc une liberté toute positive et d'autant plus grande qu'elle est davantage éclairée et protégée contre l'erreur.

Il faudra donc bien connaître l'histoire de la pensée philosophique, mais il faudra insister encore plus sur l'étude de la réalité dans tous ses éléments et dans tous ses aspects. Chacun de vous devra être en mesure de répondre avec précision et clarté aux demandes que vous vous poserez inévitablement vous-mêmes ou qui vous seront posées par d'autres : qu'est-ce, en général, que la réalité ? Qu'est-ce, en particulier, que le monde ? Qu'est-ce que la valeur de la connaissance humaine ? Dieu existe-t-il ? Quelle est sa nature, quels sont ses attributs ? Quelles relations existe-t-il entre Lui et le monde ? Entre Lui et les hommes ? Quel est le sens de la vie ? et de la mort ? Quelle est la nature de la joie et quelle est la fonction du plaisir ? Avec quels critères doivent être régies les sociétés humaines, la société familiale et la société civile ?

Afin que ces demandes aient une réponse appropriée, il est nécessaire de recourir à la philosophie éternelle, que des intelligences eminentes élaborèrent au cours des siècles et qui n'a rien perdu de sa valeur objective et de son efficacité didactique ;

d'autant plus que les développements des connaissances scientifiques ne sont pas en opposition avec les thèses certaines de cette philosophie.



La science de la foi.

c) De la philosophie, passez à la science qui tire ses connaissances des doctrines de la foi, apprises par révélation divine.

Tous les chrétiens, mais spécialement ceux qui se consacrent à l'étude, devraient avoir, autant que possible, une instruction religieuse profonde et organique. Il serait, en effet, dangereux de développer toutes les autres connaissances et de laisser le patrimoine religieux sans changement, tel qu'il était dans la première enfance. Nécessairement incomplet et superficiel, il serait étouffé, et peut-être détruit, par la culture areligieuse et par les expériences de la vie adulte, comme en témoignent tous ceux dont la foi fit naufrage pour des doutes demeurés dans l'ombre, des problèmes restés sans solution. Comme il est nécessaire que le fondement de votre foi soit rationnel, une étude suffisante de l'apologétique devient indispensable ; ensuite vous devrez goûter les beautés du dogme et les harmonies de la morale ; enfin vous essayerez de pousser votre regard au-delà des voies de l'ascétisme chrétien, bien haut, jusqu'aux sommets de la mystique. Oh ! si le christianisme vous apparaissait dans toute sa grandeur et dans toute sa splendeur !



Exhortation finale.

Un dernier mot, chers fils. Faites que la vérité connue et possédée devienne une règle de vie et d'action. Rendez-vous par elle libres de passions et de préjugés. Par elle croissez dans le Christ. Veritatem facientes in caritate, crescamus in illo per omnia qui est caput Christus (Eph. iv, 15).

Le monde entend passer une voix de renaissance, un cri de réveil : ce sera le réveil chrétien. Vous voulez — Nous le disions au début — construire du nouveau sur les ruines accumulées par ceux qui préférèrent l'erreur à la vérité. Le monde devra être reconstruit en Jésus.

Que ceux qui rêvent d'une décadence inexistante et prévoient d'impossibles déclins de l'Eglise jettent un regard en arrière dans l'histoire ; qu'ils réfléchissent sur le présent et imaginent — car ce n'est pas impossible — l'avenir. Qu'ils se rappellent ce qu'il advint de ceux qui tentèrent de détruire l'Epouse du Christ ; qu'ils regardent ce qu'il arrive à ceux qui s'obstinent dans ce dessein insensé. Celui qui se dressera contre l'Eglise se brisera contre la pierre sur laquelle le Christ, son divin Fondateur, a voulu l'édifier.

Jeunes gens ! Voulez-vous coopérer à la gigantesque entreprise de reconstruction ?

La victoire appartiendra au Christ : voulez-vous combattre avec Lui ? souffrir avec Lui ?

Ne soyez donc pas une jeunesse molle et veule. Soyez plutôt une jeunesse enflammée, une jeunesse ardente. Allumez et faites se répandre le feu que Jésus vint apporter dans le monde.

LETTRE POUR LE IIIe CENTENAIRE DE LA MORT DE M. OLIER
(25 mars 1957) 1






A l'occasion du IIIe centenaire de la mort de M. Olier, fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, le Souverain Pontife a adressé la lettre autographe suivante, à Son Em. le cardinal Feltin :

Le tricentenaire de la mort de Jean-Jacques Olier, fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, dont vous présiderez prochainement à Paris les solennités commémoratives, est une date qui mérite à juste titre d'être célébrée par tous ceux qui ont à coeur la formation et la sanctification du clergé. Aussi est-ce très volontiers que, répondant à la requête du Supérieur général de la Compagnie, Nous vous adressons, en cette heureuse circonstance, Nos voeux paternels : qu'ils soient le gage de Notre estime pour cette Société sacerdotale, à laquelle Nous lient d'ailleurs les précieux souvenirs de Nos retraites d'ordination ; qu'ils soient aussi pour les chers prêtres de France, dont une notable proportion sont formés dans les séminaires sulpi-ciens, un nouveau témoignage de Notre affection et de Notre sollicitude.

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXIX, 1957, p. 272.




Curé d'une paroisse parisienne, qui offrait à son zèle un champ d'apostolat difficile, éducateur du clergé à une époque où les prescriptions du Concile de Trente attendaient encore en bien des diocèses leur mise en pratique, Jean-Jacques Olier, qui avait une si haute idée de la grandeur du sacerdoce, invite encore aujourd'hui les prêtres à réfléchir aux exigences surnaturelles de leur vocation et de leur ministère. Ce sera, Nous le savons, le sens du prochain Triduum de prières et de prédications, sur lequel Nous appelons dès maintenant une large effusion de grâces.

Les obstacles au ministère en milieu déchristianisé.

Le riche patrimoine de valeur sacerdotale du clergé français, auquel souvent Nous Nous sommes plu à rendre hommage à la suite de Nos prédécesseurs, ne cesse pas de fructifier de nos jours, et nombreux sont les prêtres des villes et des campagnes qui s'efforcent, par une courageuse fidélité, de correspondre à l'idéal de sainteté que leur proposent les prières de l'Ordination : Innova in visceribus eorum spiritum sanctitatis... Eluceat in eis totius forma iustitiae I (Pontifical). Et pourtant, l'exercice du ministère se heurte actuellement à des obstacles nouveaux, ou du moins accrus par certains facteurs de déchristianisation et la transformation de bien des structures, par l'effervescence des idées et la liberté des moeurs. Le zèle même avec lequel le prêtre veut être présent dans tous les milieux de vie pour les évangéli-ser, auprès de toutes les souffrances pour y porter remède, ce zèle l'expose parfois au risque de manquer de prudence dans ses jugements et de réserve dans sa conduite. Mais inversement, pourrait-on excuser celui qui, cédant à de stériles regrets ou de faciles critiques, s'abstiendrait de regarder tel qu'il est ce monde à convertir et ne ressentirait pas, devant tant d'âmes en péril, l'angoisse . qui Nous étreint Nous-même ?



Le premier devoir du prêtre est sa propre sanctification.

Dans un temps aussi difficile, le souvenir d'un Olier — d'autant plus convaincu de la nécessité de la vie intérieure qu'il connaissait mieux par expérience pastorale les tâches ardues du ministère — est instructif : il rappelle à la génération présente que la grandeur et la force du prêtre sont d'être en plénitude homme de Dieu et homme de l'Eglise.

Etre homme de Dieu, c'est avant tout tendre à la perfection de la charité divine : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint » (Lev. xix, 2). Or, aujourd'hui comme hier, la sainteté a pour condition indispensable la prière et l'ascèse ; et Nous ne saurions trop recommander à tous Nos fils engagés dans les travaux du ministère sacerdotal de s'interroger sur leur fidélité à cette double obligation. La doctrine spirituelle que la Compagnie de Saint-Sulpice a reçue de son fondateur est riche d'enseignements sur ce point ; elle a formé depuis trois siècles des générations de prêtres, pour qui l'oraison et l'Office divin no-



tamment étaient, dans une vie de prière, le devoir sur lequel on ne transigeait point, pour qui aussi, dans une vie d'ascèse, le célibat fidèlement gardé par la chasteté du coeur était l'honneur d'une existence sacerdotale. Ces voies tracées par leurs devanciers, ces voies surtout qu'exige la sainteté de leur vocation, les prêtres d'aujourd'hui voudront les suivre avec une générosité d'autant plus grande que les tâches apostoliques qui les sollicitent sont plus pressantes et plus astreignantes. Qu'ils méditent l'admirable exhortation de saint Pie X au clergé catholique ; qu'ils se souviennent de nos enseignements répétés ! Ce n'est pas en vain qu'au début de Notre pontificat Nous donnions cette consigne aux prêtres de l'Eglise : Orate magis magisque et instantius orate2. Ce n'est pas sans de graves motifs que, dans Notre exhortation Menti Nostrae, Nous exprimions « Notre préoccupation et Notre anxiété » à la pensée de certains de Nos fils qui sont « plongés dans le tourbillon de l'activité extérieure jusqu'à négliger le premier devoir du prêtre qui est le devoir de sa propre sanctification » 3. Les grandes lois de l'union à Dieu et de la fécondité apostolique restent les mêmes de siècle en siècle ; la croix demeure l'instrument de notre salut ; et c'est toujours par le sacrifice de soi qu'inspire la charité divine, c'est toujours « par le jeûne et la prière » que sera vaincu le Prince de ce monde.



Le ministère du prêtre doit s'exercer en continuelle dépendance de l eveque.

2 Discours du 24 juin 1939, cf. A. A. S., 31, 1939, p. 249.

S A. A. S., XXXXII, p. 677 ; cf. Documents Pontificaux 1950, pp. 394 et suiv.

« Cf. A. A. S., XXXX, 1948, p. 375.




Homme de Dieu, le prêtre est aussi par excellence l'homme de l'Eglise. Vous savez, cher fils, combien il importe de mettre aujourd'hui cette vérité en relief et de rappeler ce « principe inébranlable » que « la sainteté de la vie personnelle et l'efficacité de l'apostolat ont pour base et pour soutien... l'obéissance constante et exacte à la sainte hiérarchie » 4. Dans leur enseignement comme dans leur action, les prêtres aimeront se comporter en fidèles coopérateurs de leur évêque, auquel ils ont promis obéissance et qui est, sous l'autorité suprême du Vicaire du Christ, le vrai docteur et pasteur de son troupeau. Respectueux de la doctrine, dont l'Eglise est gardienne, qu'ils s'appliquent à la bien posséder par une sérieuse culture théologique et à la transmettre exactement par le ministère du catéchisme et de la prédication ; serviteurs de la Vérité divine, qu'ils la défendent sans faiblesse, mais avec charité ! Dans la conjoncture présente, l'union des prêtres entre eux, leur docilité envers la hiérarchie, leur fidélité à l'enseignement et aux directives du Saint-Siège, sont des facteurs si importants pour les progrès de l'Eglise, que Nous ne saurions trop insister sur les vertus requises à ce témoignage d'unité et de charité. C'est autour de l'évêque, responsable de l'apostolat dans son diocèse, responsable de la doctrine qu'on y enseigne, que tous les efforts doivent converger. Faute de cette insertion profonde dans ce qui est l'oeuvre commune de l'Eglise dans telle région ou tel milieu, le ministère particulier d'un prêtre risque vite de perdre sa fécondité surnaturelle, comme un fleuve, coupé de sa source, ne tarde pas à se tarir.



La tâche des supérieurs et directeurs de séminaires.

En rappelant, à l'occasion du tricentenaire de la mort de Jean-Jacques Olier, ces qualités indispensables, que Nous avons si souvent recommandées aux clercs, Notre pensée se tourne spécialement vers ceux qui sont les héritiers directs de son esprit et qui se doivent d'appliquer à notre temps les exemples et les leçons de leur fondateur. La tâche des supérieurs et directeurs de séminaire est lourde et délicate ; mais elle est décisive pour l'avenir. Qu'ils y consacrent tout leur zèle, soucieux de former des prêtres qui aient une piété profonde et stable, un caractère trempé par la discipline, un esprit droit et cultivé, un coeur largement ouvert à la détresse spirituelle de tant d'âmes ! Dieu veuille que, sur la terre de France et dans le monde entier, se multiplient de tels prêtres au service de l'Eglise. C'est en en formant le voeu, que Nous vous accordons, ainsi qu'au Supérieur général et aux membres de la Compagnie de Saint-Sulpice, comme à tous ceux qui participeront aux prochaines fêtes anniversaires, la faveur de Notre très paternelle Bénédiction apostolique.


DISCOURS

A UN GROUPE DE JEUNES ALLEMANDS



(28 mars 1957) 1





Le 28 mars, le Pape a reçu en audience spéciale un groupe de jeunes de la « Christlich-Demokratischen Union » (C.D.U.), de Berlin-Ouest, et leur a adressé en allemand de brèves mais importantes paroles, dont voici la traduction :

Nous vous souhaitons cordialement la bienvenue, Messieurs et Mesdames, qui venez de Berlin.

Nous avons Nous-même séjourné longuement dans votre cité et Nous en avons suivi le sort avec une sollicitude et une attention personnelles. Nous avons quitté Berlin vers la fin de 1929 et les dix années précédentes, durant lesquelles Nous représentions le Saint-Siège auprès du gouvernement allemand, furent une période particulièrement agitée. Cependant, les années qui suivirent furent peut-être encore pires. En effet, de 1939 jusqu'à ce jour, la ville de Berlin a connu des événements d'une gravité extrême, qui n'ont pas encore trouvé leur dénouement jusqu'à présent. Nous avons toutefois la conviction que ces années-là passées à Berlin ont été pour beaucoup d'entre vous, le plus grand nombre même sans doute, qui s'occupent spécifiquement de politique, une excellente école, qui vous a permis d'acquérir largement une expérience directe et tangible.
Il y a une « politique chrétienne » que l'Etat se doit de respecter.


1 D'après le texte allemand des A. A. S., XXXXIX, 1957, p. 287 ; traduction française de la Documentation Catholique, t. LIV, col. 528-529.




Vous militez pour une « politique chrétienne », c'est-à-dire une politique s'appuyant sur la base fondamentale des vérités ou principes du christianisme. Un de ceux-ci est que toute autorité vient de Dieu et est liée à Lui. L'Etat n'est pas du tout une valeur absolue ; il n'est jamais tout-puissant, bien qu'il ait du pouvoir, et c'est en relation avec celui-ci que la « politique chrétienne » est de la plus grande importance. En effet, sans pouvoir, l'Etat ne serait pas en mesure de réaliser son but, qui est de garantir et de promouvoir le bien commun, à travers un ordre juridique et social respecté par tous.

Le respect de la personne humaine, des droits humains intangibles et, plus précisément, de ceux de l'individu et de la famille, parmi lesquels se trouvent la pleine liberté d'exercer le vrai culte divin et le droit pour les parents d'élever les enfants et de pourvoir à leur éducation, est un des principes fondamentaux sur lesquels doit se baser une « politique chrétienne ». C'est pour cette raison que l'Eglise doit défendre et défendra jusqu'au bout le droit des parents catholiques à des écoles qui répondent à leurs convictions. Nous avons récemment parlé de cette question, mais Nous avons de bonnes raisons pour le faire de nouveau à présent.



L'unité de l'Europe dépend de la santé morale de ses peuples.

Les hommes d'Etat sont actuellement engagés dans la construction d'une Europe unie. C'est une grande tâche et Nous n'avons jamais manqué de faire connaître Notre profonde joie chaque fois que des progrès ont été accomplis vers la réalisation de ce but. Puissent tous ceux qui ont des responsabilités dans la vie publique et aspirent, directement ou indirectement, à l'accomplissement de ce sublime idéal politique, être toutefois convaincus que la possibilité d'y arriver dépend entièrement de l'intégrité morale des peuples et des Etats en question. Cette intégrité ne peut être obtenue si font défaut de vigoureuses forces religieuses qui se manifestent dans tous les domaines et jusque dans les dernières cellules de l'organisme social. S'il n'y avait point d'autre aspect de la moralité publique, les problèmes économiques intérieurs de chaque Etat seraient au moins suffisants pour ouvrir les yeux de tous les intéressés.

Nous implorons pour vous et pour votre cité la Providence divine et la grâce du Seigneur, en vous donnant de tout coeur la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES AVIATEURS FRANÇAIS

(30 mars 1957) 1






Plusieurs personnalités de la Société nationale française de constructions aéronautiques «Sud Aviation» se sont rendues à Rome pour présenter en Italie le modèle d'avion à réaction « La Caravelle ». Elles furent reçues en audience spéciale par le Saint-Père qui leur adressa en français la brève allocution suivante :

Venus à Rome pour présenter officiellement l'avion moyen courrier à réaction « Caravelle », vous avez désiré, Messieurs, recevoir de Nous la Bénédiction apostolique, persuadés qu'elle attirerait sur vos personnes la protection du Tout-Puissant et l'étendrait aussi sur votre travail, en particulier sur le nouveau type d'appareil qui est le fruit de vos efforts.

L'homme est naturellement fier de l'oeuvre sortie de ses mains, même modeste et destinée à d'humbles usages. A juste raison pouvez-vous donc éprouver admiration, joie et contentement pour la réussite que constitue la « Caravelle » aux points de vue technique et esthétique. Nous devinons aisément la somme de recherches, d'expériences, de tentatives que représente pareille création. D'un bout à l'autre de cette longue chaîne, qui va de la première esquisse jusqu'à l'ultime rectification, chacun de ceux qui y travaillèrent, aux postes les plus élevés de direction comme au niveau de l'exécution manuelle, dut y mettre toute sa conscience professionnelle et la volonté de produire un chef-d'oeuvre, qui fasse honneur à l'industrie aéronautique française, à la compétence de ses constructeurs et à la maîtrise de ses ouvriers.

Vous souhaitez certes, et Nous faisons Nôtre votre souhait, que la mise en service de cet appareil confirme ses mérites et


AVIATEURS FRANÇAIS



131



qu'il contribue, par la sécurité et le confort assurés aux passagers, à rendre plus agréables encore les voyages aériens. Lorsqu'elle bénit les avions, l'Eglise demande à Dieu qu'ils fassent naître des désirs célestes dans les coeurs des fidèles qui les utilisent. Aujourd'hui, Nous formulons la même prière pour vous-mêmes, qui avez eu part à la réalisation de la « Caravelle ».

Que le Seigneur vous inspire toujours des projets nobles et généreux pour son service et pour sa gloire ! Nous vous accordons bien volontiers, en gage de ces faveurs, Notre Bénédiction apostolique pour vous, pour vos familles et tous ceux qui vous sont chers.


DISCOURS A DE JEUNES JURISTES ESPAGNOLS



(ier avril 1957) 1





Un groupe de jeunes juristes de l'Université de Madrid avait tenu à choisir Rome comme but de pèlerinage de fin d'études. Il fut reçu en audience spéciale par le Saint-Père qui lui adressa en espagnol un bref discours, dont voici la traduction :

Cette année encore, élèves de la Faculté de droit de l'Université centrale espagnole, en envisageant votre voyage de fin des cours, vous avez voulu, avec vos illustres professeurs, combiner la tournée d'études avec le pèlerinage romain, en Nous offrant cette occasion de vous recevoir dans Notre maison et de vous bénir affectueusement.

Vous êtes, très chers fils, la jeunesse courageuse qui se presse avec anxiété devant les portes de l'avenir, comme si vous craigniez que vous échappe ce futur, qu'il vous semble avoir à portée de la main, en ce moment critique de votre vie, en ce passage de la jeunesse à la maturité, en ce changement radical qui doit s'accomplir en vous en abandonnant les salles de classe pour vous lancer dans la vie publique, en laissant la condition d'élèves et, peut-être même de fils de famille pour agir pour votre compte, avec une responsabilité entière et personnelle de vos propres actions.



I Soyez impartiaux et réfléchis.

En un moment aussi décisif, qui ne l'est pas seulement pour vous mais pourrait bien l'être également pour tout votre entou-


JURISTES ESPAGNOLS



133



rage, la première chose que Nous voudrions vous proposer est cet esprit de réflexion, ce calme, cette considération sereine et impartiale des temps, des choses et des possibilités, qui devraient être un des premiers fruits de votre formation juridique, si contraire à tout ce qui pourrait paraître irréflexion, précipitation et manque de maîtrise de soi-même. Et il est bien certain que l'on ne peut jamais dire qu'est perdu un moment de méditation, d'humble recours au Seigneur de toutes les lumières, avant de prendre toute décision qui pourrait par la suite sembler hâtive.



II

Soyez optimistes.

Mais c'est précisément en un moment de ce genre que la contribution de la jeunesse, bien qu'équilibrée par le juste frein de l'avis des aînés, peut revêtir une plus grande importance, en raison de ce qu'elle peut supposer d'énergies intactes, de sain renouvellement et de liberté de mouvement, spécialement lorsqu'il semble que tout parle d'évolution et de progrès. C'est pour cela même, très chers fils, que votre coopération pourrait être précieuse pour la construction de l'avenir, si vous savez l'accorder avec autant d'enthousiasme que de désintéressement, si vous êtes capables de retirer le fruit que l'on attend des études que vous venez d'achever, si vous parvenez à vous préserver de pessimismes, de préjugés et d'impressions négatives et, surtout, si vous n'oubliez jamais de poser comme base les grands principes qui ont continuellement inspiré la vie morale et religieuse de votre nation catholique dans les riches siècles de son histoire lumineuse. Votre présence, aujourd'hui ici, dans cette maison du Père commun, ressemble en quelque sorte à une promesse formelle.




III

Restez des hommes d'étude.

Enfin le point d'arrivée pour ainsi dire à son terme de votre jeunesse pourrait être la meilleure occasion pour jeter un regard sur cette période de votre vie, ou, plutôt que de penser à une fonction collective ou sociale, vous vous êtes consacrés à une activité aussi intime et personnelle que l'est celle de votre propre formation. Aussi maintenant Notre suggestion est que vous n'abandonniez jamais ce travail, que vous ne le considériez pas comme couronné ou achevé ; et de même que vous vous appliquerez toujours à ne pas abandonner l'étude de votre spécialité, en conservant le contact avec les livres, les revues, les conférences et tous les autres moyens d'information, pareillement aussi n'abandonnez jamais les efforts inhérents à votre formation intérieure, surtout spirituelle, en vous appliquant à ce que chaque moment réponde à la plus grande ampleur de vos horizons intellectuels, à la plus grande capacité et pénétration de vos intelligences et à la plus haute responsabilité des postes que la divine Providence vous réserve.

Si la justice omnium est domina et regina virtutum, comme arriva déjà à le connaître la sagesse païenne 2, il est facile de comprendre que l'on puisse espérer de vous que vous ayez fait de son étude une profession. Et ainsi jamais ne faiblira la lumière de ce flambeau que maintinrent si haut un Suàrez et un Vitoria, un Soto et un Banez, un Molina et un Lugo, qui furent, certes, un honneur de l'Eglise, mais qui n'en illustrèrent pas moins leur époque et leur patrie.

2 Ciceron, De officiis 3, 6.




Une bénédiction, très chers fils, professeurs et étudiants espagnols, pour vos études et projets, pour vos parents et amis, pour vos compagnons d'études, spécialement les universitaires madrilènes. Une bénédiction pour toute cette chère jeunesse espagnole, que Nous accompagnons, maintenant et toujours, de façon particulière, de Nos prières et de Notre intérêt le plus paternel.


Pie XII 1957 - DISCOURS AUX ÉLÈVES DES LYCÉES DE ROME