Pie XII 1957 - III


LETTRE AU T. R. P. KILIANO LYNCH GÉNÉRAL DE L'ORDRE DES CARMES

(3 avril 1957) 1






A l'occasion de l'inauguration d'une maison de retraites, à Fatima, où les exercices spirituels seront régulièrement donnés aux Tertiaires carmélites, le Souverain Pontife a exprimé ses voeux et donné ses directives dans une lettre en latin, adressée au Très Rév. Père Kiliano Lynch, Général de l'Ordre des Carmes. Voici la traduction du document pontifical :

Nous avons appris par l'excellente lettre que vous Nous avez fait parvenir, que les membres du Tiers Ordre carmélite de toutes les nations se réuniront le mois d'août prochain près du sanctuaire de Fatima, où la bienheureuse Vierge est vénérée de si particulière façon ; vous Nous dites également qu'en ce lieu béni des cérémonies sacrées inaugureront une maison de retraites, dédiée au bienheureux Nufio Alvarez-Pereira, où seront donnés régulièrement les exercices spirituels. Pour ces deux bonnes nouvelles, Nous vous félicitons de tout coeur, avec la ferme espérance que des fruits abondants et salutaires ne manqueront pas d'en résulter.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIX, 1957, p. 346.




Pour ce qui est des Tertiaires carmélites, Nous désirons en premier lieu qu'ils gardent bien présente à leur esprit et gravée dans leur âme cette parole de Jésus-Christ : « Soyez parfaits, comme est parfait votre Père dans le ciel » (Mt 5,48). En effet, la sainteté de vie n'est pas un commandement qui regarde les seuls prêtres, ou ceux qui par inspiration divine ont été appelés à prononcer les voeux de religion, mais encore tous ceux qui appartiennent à l'état séculier et spécialement — puisque c'est à eux que Nous Nous adressons dans cette lettre — ceux qui sont membres du Tiers Ordre carmélite. Ces derniers plus que les autres, agrégés en quelque sorte à cette famille religieuse qu'ont illustrée splendidement tant de saints et de saintes, doivent s'encourager avec soin à suivre leurs glorieux exemples. Pour cela, qu'ils soient surtout attentifs à l'impossibilité de se vouer à des oeuvres extérieures et à l'apostolat, s'ils n'ont pas d'abord formé et exercé leur âme dans la pratique de la vertu chrétienne, dans l'amour de l'oraison et de la pieuse méditation.

Mais ensuite, qu'ils ne répugnent à aucune entreprise pour attirer les autres — qu'ils doivent regarder et aimer comme des frères — sur le chemin de la vertu, en comptant sur l'inspiration et l'aide de la grâce divine ; ou bien, s'ils y sont déjà, pour faire en sorte qu'ils s'emploient chaque jour davantage à atteindre la perfection chrétienne et à étendre de plus en plus le règne de Jésus-Christ.

Ce faisant, ils répondront plus facilement aux exigences de leur état de vie et aux règles propres qu'ils ont choisies. Car voici leur idéal : « Vouer sa vie à la propagation du règne de Dieu et au service du prochain, dans toute la mesure du possible. Et ainsi, en temps opportun, suivant le conseil et les directives des supérieurs, se dépenser dans les oeuvres de charité, enseigner le catéchisme aux enfants, susciter des vocations sacerdotales et religieuses, surtout dans l'Ordre des Carmes, aider les missions, s'appliquer à l'apostolat sous toutes ses formes, et à cet effet offrir ses services à l'Action Catholique dans sa propre paroisse *. »

D'une façon particulière, ils auront à coeur de se consacrer comme ses enfants à Notre-Dame du Carmel, la vénérant avec une intense piété et plaçant toute leur vie sous son très puissant patronage. Ils auront ainsi la Vierge à leurs côtés, aide pleine de sollicitude et consolatrice très aimante, pendant cette vie, en proie à tant de dangers et de difficultés, comme à l'heure suprême de la mort. Même dans le feu du purgatoire, s'ils doivent passer par cette expiation, Notre-Dame restera encore la dispensatrice de la grâce et des secours divins.

En ce qui concerne la nouvelle maison de retraites, de tout coeur Nous formons des voeux pour qu'elle contribue dans la plus large mesure possible à favoriser la fréquentation des exer-



Règle du Tiers Ordre séculier de Notre-Dame du Mont-Carmel, art. 59.




TIERS ORDRE CARMÉLITE



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cices spirituels, non seulement par les membres de l'un et l'autre clergé, mais aussi par les séculiers. C'est là une exigence spéciale des temps que nous vivons. Car si d'une part l'oubli et la négligence des biens célestes ont déjà gagné trop de coeurs, d'autre part la préoccupation exclusive des choses extérieures et la passion effrénée pour tout ce qui est terrestre en tourmentent beaucoup d'autres, leur faisant perdre progressivement le goût des dons surnaturels et allant même jusqu'à en éteindre le désir. C'est pourquoi il arrive souvent que les hommes d'aujourd'hui se laissent tellement entraîner par le courant des préoccupations éphémères, qu'ils en viennent aisément à trouver impossible la méditation des vérités éternelles ; avec cette triste conséquence que la vertu chrétienne s'affaiblit et qu'il n'est pas rare de voir chez certains vaciller la lumière de la foi, pour insensiblement s'éteindre.

Il est donc suprêmement convenable que tous reconnaissent l'utilité des exercices spirituels, et qu'ils les tiennent en telle estime que tous cherchent le plus largement possible à en établir la pratique régulière. Pour cela aussi Nous avons raison de vous féliciter, et Nous demandons dans une humble prière au Dispensateur de tout bien, les secours nécessaires qui vous permettront de continuer l'oeuvre magnifique de salut que vous avez si bien commencée.

Dans ces sentiments et en gage des faveurs célestes, à vous, fils bien-aimé, à tous les membres du Tiers Ordre carmélite et spécialement à ceux qui bientôt se réuniront près du sanctuaire de Fatima, Nous accordons de tout coeur dans le Seigneur Notre Bénédiction apostolique.

LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE 50e ANNIVERSAIRE DE L'UNION DES FEMMES D'ACTION CATHOLIQUE
(3 avril 1957) 1






Pour marquer le 50e anniversaire de son existence, l'Union des femmes d'Action catholique a préparé un vaste programme biennal de séances d'information et de formation culturelle qui se concluront en 1958 par un congrès national.

Le Saint-Père, informé de ces projets, a bien voulu faire répondre par le Substitut de la Secrétairerie d'Etat, Son Exc. Mgr Dell'Aequa, dont voici, traduite de l'italien, la lettre adressée à Mgr Luigi Piovesana, assistant ecclésiastique général de l'Union :

Vous vous êtes empressé d'informer le Souverain Pontife, par votre message en date du 20 mars dernier, de l'intention de l'Union des femmes d'Action catholique, approuvée par la Commission episcopale pour la haute direction de l'Action catholique italienne, de célébrer le cinquantenaire de son existence par un ample programme biennal, tout d'abord au sein de l'organisation, puis, en 1958, par diverses manifestations, s'adressant à tout le monde féminin.

Sa Sainteté connaît bien l'histoire de ces cinquante années de vie de l'UDACI, dont la fondation fut voulue par le saint Pontife Pie X : histoire de développement continu, d'apostolat et de conquêtes, de présence dans tous les secteurs de la vie féminine italienne.

Mais le secret de ce succès réside dans l'esprit surnaturel qui a toujours animé le mouvement, selon la pensée du saint fondateur ; dans la sollicitude apportée, en premier lieu, à la vie intérieure des adhérentes ; dans l'obéissance inébranlable à l'Eglise et au Pape ; dans la pieuse fidélité à la chaire de Pierre. Ils s'harmonisent donc bien avec de telles caractéristiques de son histoire d'un demi-siècle les projets pour l'avenir qui sont en même temps les thèmes choisis pour la célébration jubilaire : en effet, une vie spirituelle plus forte rend plus convaincant l'apostolat de la vérité et engage la femme à une présence sociale apostolique sans cesse plus vive dans la nation.

S'il est un motif de satisfaction particulière de Sa Sainteté à l'égard des femmes de l'UDACI, en ces dernières années, il est offert par la vénération avec laquelle elles ont accueilli ses paroles paternelles sur les problèmes de la femme aujourd'hui, et par la fidélité avec laquelle elles les ont retenues et fait connaître à l'imitation de la très Sainte Vierge Marie, qui conservait dans son coeur et méditait toutes les paroles de son divin Fils Jésus (Lc 11,51), Maître de cette vérité dont l'Eglise catholique est la fidèle dépositaire et gardienne.

En ce qui concerne leur présence dans la vie sociale de la nation, le Saint-Père se réjouit de tout ce qui a été fait, mais ne peut pas cacher la préoccupation éveillée par l'offensive antichrétienne persistante et par les multiples tentatives de pénétration parmi les femmes de la part de mouvements de caractère laïciste ou matérialiste. Aussi exhorte-t-il la branche féminine adulte de l'Action catholique italienne à renforcer de plus en plus, sur une vaste échelle, l'oeuvre de conquête des femmes étrangères à l'Action catholique, en se servant, entre autres, de ces mouvements auxquels l'UDACI a opportunément donné naissance et qui exercent leur influence dans des domaines étrangers à l'activité spécifique de l'Action catholique.

Dans le programme que vous avez exposé se trouve mise en important relief la partie destinée au clergé, avec un cours de formation et de perfectionnement pour les assistants et vice-assistants diocésains et trois cours inter-régionaux pour tout le clergé régulier et séculier.

S'il est vrai, dans tous les secteurs de la vie catholique, que le fruit substantiel d'une oeuvre ou d'un mouvement dépend en grande partie de l'impulsion spirituelle qu'y donne le prêtre, cela s'est révélé encore plus vrai dans l'histoire de ces cinquante années de l'UDACI. La pensée évoque de nobles figures de prêtres qui, comme assistants et vice-assistants centraux et diocésains, ont donné une forte note de spiritualité aux organisa-



tions et aux oeuvres, si bien que leur mémoire demeure bénie. Il est de la plus grande importance que cette tradition continue et se renforce et, même, que tout le clergé italien soit invité à connaître et à apprécier le mouvement, à lui apporter la contribution d'une collaboration et d'une aide.

Le Saint-Père, pour tous ces motifs, encourage et bénit les travaux de préparation et de célébration du cinquantenaire ; et à vous, aux vice-assistants centraux, aux assistants et vice-assistants diocésains, aux prêtres qui participeront au cours, au digne Conseil central de l'UDACI et à toutes les femmes inscrites à l'Union, le Souverain Pontife envoie une bénédiction spéciale, en gage et présage des faveurs célestes.

DISCOURS A DES ENFANTS DE MARIE

(6 avril 1957)1






Recevant un groupe d'Enfants de Marie, de la Trinité-des-Monts, à Rome, accompagnés de Congréganistes de France, de Cuba et d'Espagne, le Saint-Père leur a adressé en français le discours suivant :

Nous sommes heureux d'accueillir le groupe fervent et zélé des Enfants de Marie du Sacré-Coeur de la Trinité-des-Monts, et Nous vous remercions, chères filles, des voeux et des prières que vous offrez sans cesse à Dieu pour le vicaire de Jésus-Christ.

Oh ! combien il désire le secours d'En-Haut pour correspondre aux besoins des âmes et aux nécessités de la Sainte Eglise ! De toutes parts pasteurs et fidèles se tournent vers le Siège de Pierre pour solliciter directives et réconfort ; des nations les plus lointaines de la terre, comme aussi des régions les plus voisines s'élève un appel au secours. Les corps souffrent, les âmes aspirent à la paix dans la tranquillité de l'ordre. Aucune intercession n'est de trop, près du Père des cieux, pour obtenir en faveur de l'humanité souffrante lumière et force. Demeurez toujours des âmes de prière avant tout ; par là, vous puiserez à la source de la vraie charité, et votre effort bienfaisant portera des fruits de grâce dans les coeurs.



Les oeuvres de miséricorde.

Nous avons parcouru avec attention la liste des activités auxquelles s'applique votre dévouement apostolique, et ce sont bien les oeuvres de miséricorde traditionnelles et nécessaires : visite et assitance aux pauvres, aux malades, aux enfants abandonnés, aux foyers déshérités. Quel soutien pour notre foi de savoir





que Notre Seigneur lui-même s'identifie à tous les malheureux qu'il a faim et soif avec les indigents, qu'il souffre avec eux du froid et de l'isolement, qu'il est là, et qu'il attend dans le plus petit de ses frères le geste de bonté, la parole de réconfort, grâce auxquels les éprouvés pourront porter leur croix et en comprendre la valeur. Comment des coeurs chrétiens sauraient-ils résister à l'appel du Coeur de Jésus, qui les presse de le reconnaître et de le secourir, de le faire connaître aussi et de le faire aimer ?



Nécessité de l'apostolat des laïques. Un effort collectif, éclairé et méthodique.

Nous louons également l'enseignement du catéchisme et l'engagement dans l'Action catholique. Par là vous aidez de plus près les prêtres dans leur lourde tâche. En cette ville de Rome que la divine Providence a confiée de façon spéciale à Notre sollicitude paternelle, malgré les plus grands efforts pour la construction d'églises dans la périphérie, la population augmente, vous le savez, plus vite que le nombre des paroisses. Le travail est immense et les ouvriers trop peu nombreux. Nous faisons appel à toutes les bonnes volontés et Nous demandons à tous les fidèles de prendre conscience de leurs responsabilités : là où le prêtre ne peut pénétrer que rarement et de façon rapide, là où il ne peut aucunement pénétrer, ce sont les fidèles qui en quelque sorte représentent l'Eglise ; leurs jugements, leurs attitudes, leurs décisions la font bien juger ou la compromettent, non sans quelque fondement. Jésus n'a-t-il pas déclaré : « Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits... Ce n'est pas en me disant : Seigneur, Seigneur, qu'on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c'est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 7,18 et 21). Or, cette volonté de Dieu notre Sauveur est que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (1Tm 11,4). A la grande oeuvre du salut du monde tout chrétien doit collaborer, au moins par l'exemple des vertus qui feront de lui une lumière dissipant les ténèbres du mal, un ferment soulevant la matière, un sel conservant le goût des réalités spirituelles ; mais il peut aussi, en prenant part à un effort collectif, éclairé et méthodique, modifier la mentalité de son milieu, influer sur les manières de vivre et d'agir, obtenir la réforme des institutions, en sorte que non seulement les individus, mais la société elle-même devienne ce qu'elle doit être, selon les principes de l'ordre social et de la morale chrétienne. La tâche de l'Action catholique est plus urgente et plus importante que jamais, car l'ennemi de la nature humaine recrute des adeptes toujours plus nombreux et toujours plus acharnés à faire prévaloir les lois de la matière sur celles de l'esprit. Tout chrétien fervent doit dire avec l'Apôtre : « L'amour du Christ nous presse, à la pensée que si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (II Cor. v, 14-15). C'est dans le Coeur de Jésus que vous puiserez le zèle des âmes et l'esprit de sacrifice, qui en est la pierre de touche.

Recevez, chères filles, ces paroles d'exhortation, comme une preuve de Notre affection paternelle et une marque de Notre confiance. Nous demandons à la très Sainte Vierge d'intercéder près de son divin Fils, afin qu'il vous soutienne et vous fortifie dans son amour, et en gage de ces faveurs célestes, Nous vous accordons avec toute l'effusion de Notre coeur une très ample Bénédiction apostolique.

LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT

A L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES CATHOLIQUES

(8 avril 1957) 1




L'Assemblée générale des Organisations internationales catholiques s'est tenue à Bruges, du 12 au 15 avril 1957. A cette occasion, Sa Sainteté Pie XII a fait adresser par Son Exc. Mgr Dell'Aequa, substitut de la Secrétairerie d'Etat, la lettre suivante en français à M. Raoul Del-grange, président de la Conférence des O.I.C. :

L'Assemblée générale de la Conférence des organisations internationales catholiques offre chaque année au Souverain Pontife une occasion qu'il saisit volontiers, de remercier ceux de ses fils qui se dévouent dans ces diverses organisations, de les féliciter de leurs fructueux labeurs et de leur fraternelle collaboration, de leur adresser enfin ses paternels encouragements.



Les catholiques et la vie internationale.

Le programme de la prochaine assemblée de Bruges a d'ailleurs retenu la bienveillante attention de Sa Sainteté, qui, parmi les différents points abordés, s'est plu à relever celui de la formation des catholiques à la vie internationale. Ce sujet fut choisi, précisiez-vous, comme une contribution de la conférence au IIe congrès de l'apostolat des laïques, qui se tiendra à Rome en octobre prochain. On ne peut qu'apprécier cette initiative et souhaiter que se resserrent toujours davantage à l'avenir, dans les formes qui apparaîtront les meilleures, les cordiales relations de travail qui unissent déjà ces deux organismes consacrés, l'un et


ORGANISATIONS INTERNATIONALES CATHOLIQUES 145

l'autre, à la cause si importante de la présence et de l'apostolat des catholiques dans le monde.

Grâce à Dieu, il existe désormais dans presque tous les pays des laïques chrétiens auxquels l'expérience de nombreux contacts internationaux a révélé les nouvelles dimensions offertes à leur action et la part qu'ils doivent prendre aux tâches communes de concorde, d'étude ou d'assistance qui s'imposent de nos jours. Mais cette conviction, les membres de la conférence veulent la faire partager à un plus grand nombre et le Saint-Père, si préoccupé des problèmes de la vie internationale, vous sait gré de cet effort pour promouvoir, par les moyens qui sont les vôtres, une meilleure formation des catholiques sur ce point.

Le sens du « Corps mystique ».

Cette formation a pour plus sûr fondement la fidélité même des chrétiens aux exigences de leur foi. Par son baptême, le fidèle n'est-il pas devenu membre d'un corps qui ne connaît ni les frontières de l'espace, ni celles du temps ? Accordé au rythme de la vie de l'Eglise, notamment au cycle de la liturgie et aux progrès de l'évangélisation, il vit à l'unisson de milliers de frères : Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus dans son cloître, marchant pour un missionnaire, avait l'âme éminemment catholique ! Il convient donc, selon l'avertissement de Sa Sainteté de mettre tant de richesses spirituelles au service de l'entente internationale : « L'appartenance à l'Eglise du Christ, une, sainte, catholique, dans laquelle tous les fidèles ont le même droit de citoyenneté ; la foi unique qui les rend tous un... ; la table sainte unique... ; l'unique Esprit-Saint... ; l'unique Chef visible de l'Eglise catholique qui embrasse tous ses fils dans le même amour : tout cela constitue, par nature et par expérience séculaire, le plus puissant moyen de guérir les plaies des guerres, de réconcilier et de pacifier les peuples » 2.

2 A. A. S., t. XXXIV, p. 142.

Tout restaurer dans la charité.

Une telle contribution des catholiques à la vie internationale est plus importante et efficace qu'on ne le croit d'ordinaire. Là où régnent l'impératif des arguments économiques, la rigueur des techniciens et un froid matérialisme, il faut introduire la lumière et la chaleur de la charité. Aux institutions nouvelles, il faut donner une âme, et les principes de la morale doivent régir les relations complexes qui se nouent dans le monde actuel. Il s'agit pour les catholiques, ainsi que l'a si souvent répété le Saint-Père, de favoriser une « atmosphère de compréhension mutuelle, qui a comme éléments fondamentaux le respect réciproque, la loyauté qui reconnaît honnêtement aux autres les mêmes droits que l'on exige pour soi-même, la bienveillance envers les hommes des autres nations comme envers ses frères et soeurs »3. Il s'agit, en un mot, de répandre dans la communauté des peuples un esprit de charité, car « la charité est serviable... elle ne cherche pas son intérêt... elle ne tient pas compte du mal, elle ne se réjouit pas de l'injustice, elle met sa joie dans la vérité » (1Co 13,4-6).

Tous les chrétiens, ceux mêmes dont la profession ou l'apostolat s'exercent dans leur milieu habituel de vie, sont ainsi invités à s'ouvrir à ces perspectives plus vastes et à contribuer, pour leur part, à l'instauration de plus de justice et de charité. A tous, il faut faire connaître ce que réalisent les catholiques, qui travaillent au plan international, ce qu'eux-mêmes peuvent faire pour soutenir leur action, ce que l'Eglise attend de ses fils dans un monde où les relations se resserrent sans, pour autant, devenir toujours plus humaines. Chacune des organisations internationales catholiques voudra s'appliquer, dans son propre domaine, à cette tâche de formation et d'information.

Mais, il y a plus. Car il apparaît hautement désirable qu'un nombre croissant de catholiques s'appliquent personnellement aux multiples travaux de portée internationale qui sollicitent aujourd'hui les bonnes volontés. Des pays entiers ont besoin, par exemple, du concours fraternel et désintéressé d'experts et de techniciens. Que les catholiques collaborent donc volontiers à ces grandes oeuvres : par leur compétence professionnelle alliée à leur esprit chrétien, ils y rendront d'irremplaçables services et, grâce à eux, la pensée et la morale chrétiennes seront dans ce monde nouveau un ferment de civilisation.

En vous confiant par mon entremise ces quelques considérations, le Saint-Père appelle de grand coeur sur les travaux de l'Assemblée les plus abondantes grâces divines ; il remercie tous les membres de la conférence, et notamment l'organisation présidente, de leur actif dévouement à la cause catholique et, en gage de sa bienveillance, il leur accorde sa paternelle Bénédiction apostolique.

Discorsi e radiomessaggi, t. XIV, p. 257.


LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A DES PROFESSEURS DE SÉMINAIRES D'ITALIE

(ç> avril 1957) 1

Son Exc. Mgr Dell'Aequa, substitut de la Secrétairerie d'Etat, a envoyé la lettre suivante à Son Em. le cardinal Pizzardo, préfet de la Sacrée Congrégation des séminaires et des universités, pour apporter les voeux du Saint-Père au Congrès des professeurs de philosophie des séminaires d'Italie, qui s'est tenu à Rome du 24 au 27 avril. Voici la traduction du document italien :


En février dernier, votre Eminence Révérendissime a personnellement informé le Saint-Père que le Congrès des professeurs de philosophie des Séminaires d'Italie se tiendra à Rome du 24 au 27 avril ; et vous m'avez fait maintenant l'honneur de me charger de présenter en hommage au Souverain Pontife un exemplaire du volume qui illustre le programme de ce congrès.

L'examen de ce programme est suffisant pour se rendre compte du soin, de la compétence et de l'esprit pratique avec lesquels les thèmes ont été choisis et préparés.

La récente réforme du cycle du lycée et l'institution dans les Séminaires du Cours supérieur de philosophie comportent des questions de méthode et de nouveaux problèmes didactiques, qui seront amplement discutés.

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano, du 19 avril 1957, traduction française de VOsservatore Romano hebdomadaire, éd. française, du 3 mai.




Mais on a justement voulu faire précéder cette partie pratique du développement des problèmes doctrinaux, concernant les rapports de la philosophie avec les autres sciences, la valeur universelle de la philosophie éternelle pour juger les courants de la pensée contemporaine, la contribution de l'étude de la philosophie pour la formation spirituelle, intellectuelle et morale du prêtre.

Depuis que Léon XIII de v. m., par l'Encyclique Aeterni Patris du 4 août 1879, a confirmé et promu avec son autorité souveraine le mouvement de renouvellement de la philosophie chrétienne, en exhortant à persévérer dans le dessein d'un retour à la méthode, à la doctrine et aux principes de Thomas d'Aquin, un immense progrès a été accompli, soit pour la formation intellectuelle du clergé, soit pour la présence de la pensée chrétienne dans la culture contemporaine et ses effets bienfaisants.

Le Souverain Pontife régnant a répété, dans l'exhortation Menti Nostrae 2, l'importance d'une solide préparation philosophique pour la formation culturelle intégrale et la vie du prêtre, mais il a aussi dénoncé, dans l'Encyclique Humani generis 3, les dangers découlant de l'oubli ou de l'abandon des grands principes de la saine philosophie, dans le domaine même des sciences sacrées, avec le relativisme dogmatique ou avec une nouvelle apologétique qui accepte les positions anti-intellectualistes et antimétaphysiques d'une si grande partie de ce qu'on appelle la philosophie moderne. Aussi le développement des divers thèmes se réfère-t-il opportunément, avec une insistance particulière, à ces deux documents pontificaux.

A tant de courants modernes de la pensée qui inculquent dans de nombreux esprits le doute et le pessimisme ; à tant d'esprits désireux de nouveauté, il est nécessaire d'opposer la philosophie antique et chrétienne, faite de certitude et de possession sereine et apaisante de la vérité. Afin que les prêtres soient vraiment une lumière dans un monde enténébré, il est plus que jamais nécessaire qu'ils trouvent dans la saine philosophie les bases préliminaires de la science sacrée et d'un fécond apostolat : cela fait comprendre l'importance et la délicatesse de la mission confiée aux maîtres du clergé de demain.

Pour tous ces motifs, le Souverain Pontife se réjouit de la prévoyante initiative de votre Eminence et de la S. Congrégation des séminaires et des universités, et de tout coeur il envoie à ceux qui ont préparé le congrès, aux maîtres et tous ceux qui y participeront une Bénédiction particulière, en gage et présage des faveurs célestes pour son heureux succès.



Du 23 septembre 1950 ; cf. Documents Pontificaux 1950, pp. 394 et suiv. Du 12 août 1950 ; cf. Documents Pontificaux 1950, pp. 295 et suiv.


NOTE CONDAMNANT L'EMPLOI DES ARMES NUCLÉAIRES

(14 avril 1957) 1






A son retour d'Angleterre où il avait demandé la suspension des essais nucléaires, M. Masatoki Matsushita, professeur de l'Université de Tokio, a été reçu en audience par le Saint-Père qui lui a remis la note suivante, rédigée en français :

La maîtrise croissante de l'homme sur des forces naturelles effrayantes fait naître de nouveaux et pressants motifs d'anxiété. En effet le pouvoir destructeur des armes nucléaires est devenu illimité, n'étant même plus freiné par la masse critique qui posait une limite naturelle à la puissance déjà terrible des armes atomiques primitives. Or ce pouvoir illimité est utilisé comme une menace qui, renvoyée d'un camp à l'autre, devient toujours plus catastrophique, chacun cherchant à dépasser l'autre par les terreurs croissantes et malheureusement réelles qu'il lui inspire.

Quand il s'agit de catastrophes naturelles, on ne peut que s'incliner devant ce qui arrive par disposition du Tout-Puissant ; mais si une catastrophe venait à se produire du fait de la perverse volonté de domination d'un homme — avec toutes les rétorsions qu'elle entraînerait — comment un pareil acte pourrait-il n'être pas réprouvé et condamné par toute âme droite ?

Au lieu donc de l'inutile gaspillage d'activité scientifique, de fatigue et de moyens matériels que représente la préparation de cette catastrophe, dont personne ne peut prédire avec certitude quels seraient, en plus des immenses dommages im

2 La note était accompagnée du rappel suivant de toutes les interventions du Saint-Père concernant cette question :

1941. — Dès cette année — et précisément le 30 novembre 1941, — en inaugurant la sixième année de l'Académie pontificale des Sciences, Sa Sainteté le Pape Pie XII fait explicitement allusion aux études sur l'atome, montrant l'intérêt pris par l'Eglise aux résultats qui peuvent découler de ces études, tant dans l'ordre physique que dans l'ordre moral. (Discorsi e radiomessaggi, 3, p. 176.)

1943. — Toujours devant l'Académie pontificale des Sciences, Sa Sainteté explique, le 21 février 1943, les étonnants progrès réalisés dans le domaine atomique et en tire aussitôt, comme conclusion, l'exhortation à utiliser les résultats nouveaux au service de la paix (ibid., 4, PP 388, 389, 390).

1948. — Inaugurant la nouvelle année de l'Académie pontificale des Sciences, le 8 février 1948, le Saint-Père consacre un important passage de son discours à l'ère atomique, et il met le monde en garde contre les terribles calamités que pourrait entraîner l'usage de l'énergie nucléaire pour des buts non pacifiques (ibid., 9, PP 439,184 et suiv. ; cf. Documents Pontificaux 1948, PP 58 et suiv.)

— La même année, le 12 septembre 1948, parlant à la jeunesse italienne d'Action Catholique, le Saint-Père explique, par l'exemple du grand savant non catholique Max Planck, comment l'étude de l'atome amène à reconnaître l'existence d'un Dieu personnel (ibid., 10, p. 208 ; cf. Documents Pontificaux 1948, p. 316).

1951. — Dans son discours à l'Académie pontificale des Sciences, le 22 novembre 1951, le Saint-Père parle encore du microcosme et considère les changements qui se vérifient dans la sphère électronique et dans le noyau pour en déduire des considérations relatives à l'existence, à la providence et à la présence de Dieu (ibid., 13, PP 396-399 pp. 396-399 ; cf. Documents Pontificaux *95*# PP- 529-532).

1955. — larlant le jour le Pâques, 10 avril 1953, à la foule assemblée sur la place Saint-Pierre, le Saint-Père met le monde en garde contre les tragiques conséquences possibles des progrès dans le domaine nucléaire, dénonçant non seulement leurs funestes applications de guerre, mais encore les effets non moins dommageables qui pourraient en résulter dans le domaine de la génétique (ibid., 17, PP 35,36 pp. 35, 36 ; cf. Documents Pontificaux 1955, PP 84,85).

— Parlant du même sujet à l'Académie pontificale des Sciences, le 24 avril 1955, Sa Sainteté exhorte les savants atomiques à ne jamais se soustraire, dans leurs recherches scientifiques, aux exigences de la philosophie traditionnelle et de la morale (ibid., 17, PP* 55-57 > cf- Documents Pontificaux 1.955, PP 302-107).

— Toujours au cours de cette même année 1955, dans son radiomessage de Noël, Sa Sainteté, parlant de la paix, expose les' progrès atteints par les armes nucléaires et la néces-




médiats, les ultimes effets biologiques — spécialement héréditaires — sur les espèces vivantes ; au lieu de cette épuisante et coûteuse course à la mort, les savants de toutes nations et de toutes croyances doivent sentir la grave obligation morale de poursuivre le noble but de maîtriser ces énergies au service de l'homme ; et les organisations scientifiques, économiques, industrielles et même politiques devraient soutenir de tout leur pouvoir les efforts qui tendent à une utilisation de ces énergies sur une échelle de grandeur adaptable aux besoins humains. 2



site d'une entente internationale pour procéder simultanément à la cessation des expériences atomiques, au renoncement à ce genre d'armes et à l'institution d'un contrôle effectif des armements nucléaires. Dans ce texte, riche d'exhortations et d'avertissements de grande portée, le Saint-Père se déclare ouvertement partisan de la cessation des expériences atomiques (ibid., 17, PP 445-447 pp. 445-447 ; cf. Documents Pontificaux 3.955, PP- 480-482).

1956. — Dans son message de Pâques, le ier avril 1956, Sa Sainteté revient sur l'usage pacifique de la formidable énergie nucléaire et exhorte tous les peuples à s'arrêter dans cette terrible course à l'abîme (Osservatore Romano, 2-3 avril 1956, p. 2 ; cf. Documents Pontificaux 1956, pp. 146* 147).


Pie XII 1957 - III