Pie XII 1958 - PRIÈRE POUR LA JEUNESSE FÉMININE CATHOLIQUE D'ITALIE


DISCOURS A DES TRAVAILLEURS DE LA PROVINCE DE NAPLES

(g mars 1958) 1


Le Souverain Pontife a accordé une audience spéciale dans la Basilique vaticane à près de 30.000 travailleurs de la Campanie, membres d'un pèlerinage organisé par l'ONARMO2 et par l'« OEuvre pontificale d'Assistance », sous le patronage de S. Em. le cardinal Mimmi, Secrétaire de la S. Congrégation Consistoriale.

1 D'après le texte italien des A. A. S., 50, 1958, p. 205 ; traduction française de l'Osservatore Romano du 21 mars 1958.
2 Opera nazionale assistenza morale Opérai (OEuvre nationale d'assistance religieuse et morale aux ouvriers).

S'adressant à cette vaste assemblée, le Saint-Père a prononcé un important discours en italien, dont voici la traduction :



Nous vous sommes reconnaissant, Vénérables Frères et très chers fils et filles de Naples et de sa province, pour le réconfort que vous apportez à Notre coeur par votre présence si fervente et empressée. Si à tout moment le Vicaire du Christ se réjouit de recevoir la visite de ses fils, il y a toutefois certains jours où son esprit sent plus vivement le besoin de se voir entouré de leur présence et de leur affection pour leur communiquer ses sentiments intimes, parfois de tristesse et, d'autres fois, de joie et d'espérance.

C'est bien le cas aujourd'hui où, suivant l'impulsion de la méritante OEuvre Pontificale d'Assistance et de l'ONARMO, vous avez désiré vous réunir autour de Nous et témoigner votre fidélité et votre dévotion inébranlables pour le Siège Apostolique.

Accueillez donc Notre salut paternel vous tous qui, par le nombre imposant des participants, par la présence de vos très zélés archevêques et évêques et par celle — bienvenue elle aussi — des autorités civiles, représentez dignement une des plus illustres régions d'Italie, une des plus dignes portions du troupeau du Christ, cette terre que les anciens Latins désignaient déjà sous le nom de Campania felix. Oh ! comme Nous voudrions que cette devise expressive et favorable se manifestât le plus rapidement possible dans une plénitude de prospérité spirituelle et matérielle pour toute la région et, en particulier, pour son illustre, populeuse et enchanteresse métropole de Naples, qui Nous est si chère et est si attachée et dévouée au Siège Apostolique. Laissez-Nous donc vous exposer quelques pensées qui, tout en vous témoignant le vif intérêt avec lequel Nous suivons ce qui vous concerne, vous servent également de soutien dans votre courageuse marche en avant vers les idéaux de progrès religieux et civil, que vous vous êtes certainement proposés.

3 Horat. Epist. lib. I, 1, v. 83.


Les beautés de la région napolitaine.

Quiconque considère la région napolitaine dans ses aspects divers la qualifiera facilement de terre particulièrement bénie par Dieu. Tout d'abord la configuration géophysique et les conditions climatériques lui confèrent cet honneur incomparable de voir le nom de Naples célèbre dans le monde entier et cela depuis l'époque classique, où Horace, affirmait au sujet des parages parthénopéens, bien connus des patriciens de Rome : Nullus in orbe sinus Bajis praelucet amcenis3. Le cercle des Apennins protège contre les rigueurs septentrionales les plaines fertiles, qui descendent doucement vers le midi, comme désireuses de soleil et de mer. Les côtes sont multiformes et gracieuses, parfois mollement étendues comme de verts tapis caressés par les vagues, d'autres fois tombant à pic de promontoires aux rochers escarpés, anxieux de refléter dans des baies paisibles leur austère enchantement. Des poètes et peintres de toutes nations ne se lassent jamais de chanter et de représenter la profonde poésie, qui se dégage de l'heureuse synthèse de la lumière, des couleurs, des lignes, des parfums, de la douceur des trois éléments, terre, ciel et mer. Les noms de Posilippe, Sorrente, Capri, Ischia, Amalfi résonnent partout comme ceux de royaumes fabuleux d'harmonie et de paix. Que dire de la salubrité de l'air, de la richesse des eaux, dont certaines ont un pouvoir thérapeutique efficace déjà connu des Romains ; de la singularité des phénomènes volcaniques et de la fertilité extraordinaire du sol ? En un mot, toute la nature y chante d'une voix haute et mélodieuse la gloire du Créateur. Illustre autant que lointaine est l'histoire de votre région, qui s'inspira des plus antiques civilisations méditerranéennes, spécialement d'Athènes et de Rome, dont on accourt de tous côtés admirer les imposants vestiges à Paestum, Cumes, Pompéi, Herculanum. Les origines de l'expansion chrétienne dans l'Occident sont également marquées de noms parthénopéens, comme celui de Pouzzoles, où aborda l'apôtre saint Paul, prisonnier pour le Christ, en route vers Rome, en y séjournant toute une semaine sur les prières insistantes de la communauté chrétienne naissante (Ac 28,13-14). Les siècles suivants trouvent Naples, ou son « Royaume », constamment mêlée aux plus grands événements de la vie de l'Europe, parfois de façon décisive, par l'action de ses dirigeants, de ses condottieri, philosophes, juristes, orateurs, poètes et artistes et, en particulier, des nombreux saints et pontifes romains, dont la terre napolitaine fut le lieu de naissance ou de résidence. Pour ne citer que quelques-uns des plus grands, Nous rappellerons les noms de Virgile, Publius Stazius, Thomas d'Aquin, Gian Lorenzo Bernini, Giambattista Vico. A ce propos on a justement noté que l'inclination innée des Napolitains vers les études philosophiques et juridiques, unie à la disposition naturelle pour l'art et la musique, révèle le profond sens « humain » de leur esprit, qui les rend presque indifférents à l'égard d'autres valeurs, apparemment plus utiles. Le caractère du Napolitain — s'il a quelques défauts, ce dont aucun peuple n'est exempt — ne manque d'aucune de ces qualités qui peuvent le rendre parfait et eminent ; pour certains dons, même il excelle, au point de s'attirer l'estime et la sympathie universelle. Telles sont entre autres la forte et vive intelligence, l'ouverture d'esprit, la tendance à rester joyeux malgré les adversités. Surtout l'admirable sincérité à l'égard de la religion, bien que l'instruction religieuse ne soit pas toujours suffisamment diffusée dans certaines classes populaires et se manifeste donc, parfois, sous des formes peut-être trop extérieures. Mais comment pourrait-on rappeler en quelques traits toutes les valeurs accordées par Dieu à votre terre, toutes les glorieuses pages de votre histoire civile et religieuse, les oeuvres splendides réalisées par vos pères, les nouvelles voies ouvertes à la science par vos savants et, en particulier, le témoignage constant de foi et de sainteté donné à l'Eglise, suivant le vivant exemple de votre glorieux Patron, dont vous conservez jalousement les précieuses reliques ?


Le problème de Naples et de l'Italie méridionale.

Mais vous désirez que, dans cet entretien, Nous considérions moins les gloires du passé que les nécessités présentes de votre région, qui, toutes ensemble, constituent ce que vous appelez le « problème de Naples », lequel fait à son tour partie du « problème du Midi » plus vaste et plus complexe, problème difficile à la solution duquel s'appliquent activement, principalement depuis plus d'une décade, les sollicitudes de l'Eglise et de la nation, chacune en ce qui est de sa compétence, l'une poussée par un devoir de charité et d'apostolat et l'autre par un devoir de justice et de solidarité nationale. Il résulte de l'ample documentation qui Nous a été aimablement envoyée au sujet des conditions religieuses, sociales, économiques, démographiques de Naples et de sa province, que de nombreux et importants pas en avant ont été accomplis (ou sont en train de l'être) vers la solution du problème ; mais le chemin est encore long et âpre. S'il ne serait pas sincère de cacher les déficiences et les retards dans l'oeuvre de relèvement à accomplir dans les « zones sous-développées », il ne serait pas honnête non plus de persister à ignorer de parti pris, la reprise, presque prodigieuse, de votre cité et de votre province depuis l'immédiat après-guerre. Pour rétablir la vérité il suffit de comparer les conditions d'alors avec celles d'aujourd'hui. L'aspect extérieur de vos villes est lui-même bien différent de l'amas désolant de ruines en quoi elles avaient été réduites par les atteintes de la guerre. Le terme « méconnaissables », attribué maintenant à de nombreux centres urbains, a finalement le sens d'un synonyme de renaissance et de progrès. De nombreux quartiers nouveaux ont comblé les vides effrayants creusés par les bombardements ; les chantiers, les usines, les centres industriels ont été relevés et multipliés ; les églises, les écoles, les hôpitaux ont été reconstruits ; les routes et les chemins de fer réparés et améliorés ; les ports peuplés d'une nouvelle flotte, modernisés par d'importants travaux ; les services publics des communications et des approvisionnements réorganisés avec des installations modernes. A ces oeuvres visant à rétablir les conditions normales de vie bouleversées par l'immense conflit, il convient d'ajouter tout ce qui a été entrepris de nouveau, avec hardiesse, pour porter la région à un niveau de progrès déjà atteint par d'autres.


Voeux et félicitations.

Toutefois, il reste encore beaucoup à réaliser. Il subsiste toujours beaucoup de situations misérables, souvent cachées ou ignorées, dans lesquelles se débattent certains milieux populaires et qui ne peuvent laisser indifférents les catholiques et tous les honnêtes gens. Nous désirons vivement que Notre parole intervienne en faveur de ces fils, qui souffrent sans que ce soit de leur faute et qui n'ont par eux-mêmes aucune possibilité d'améliorer leur niveau de vie. Avant tout, votre métropole a encore besoin de maisons et de travail. Le manque de ce dernier et le manque de maisons dépendent de la densité extraordinaire de la population sur un territoire relativement restreint. Les statistiques — celles du moins que Nous avons pu consulter — montrent que la densité de la population dans la province de Naples est, en moyenne de 1800 habitants par kilomètre carré, c'est-à-dire onze fois plus élevée que la densité moyenne de la nation. Le problème du chômage est grave également. C'est de cela que dérive encore l'insuffisance des habitations, le pourcentage étant de plus de deux personnes par pièce : ce qui signifie que des familles entières disposent tout juste d'une seule pièce, nullement commode et salubre. Il faut penser, en outre, que 30.000 personnes environ échappent à cette moyenne trop faible, encore réfugiées — et Nous le disons avec tristesse — dans environ 7.000 taudis, qui ne méritent pas le nom de maison. Et pas davantage dignes de ce nom ces habitations trop humbles, dites « basses », c'est-à-dire des locaux étroits, impropres à la vie d'une famille. C'est là un problème à part, mais qui doit être affronté et résolu comme il convient. Il est facile d'imaginer les souffrances qui résultent du chômage et du manque de maisons pour votre peuple bon et généreux et les déficiences spirituelles et morales auxquelles ils donnent lieu et que Nous Nous abstiendrons d'énumérer ici, car vous les connaissez bien. Aucune des grandes métropoles modernes, peut-on dire, n'est exempte de telles plaies ; mais si celles-ci affligeaient un peuple, n'ayant pas comme le vôtre, de si nobles traditions, l'intelligence ouverte, la vive sensibilité, désireux de pouvoir travailler et prêt pour cela mais privé de toute perspective de voir ses conditions changer bientôt en mieux, les conséquences pourraient en être fort graves. On a noté, en effet, que certaines forces sociales, auxquelles il n'importe sans doute pas tant de soulager les conditions des humbles et des pauvres que de les gagner à leur cause, sollicitent les populations méridionales avec de faciles promesses de donner une entière solution à leur « problème », qui, au moins en ce qui concerne le chômage, échappe malheureusement aux possibilités immédiates de la nation. A ce propos, Nous désirons manifester Notre admiration à l'égard des chères populations du Midi pour avoir efficacement résisté aux efforts réitérés exercés auprès d'eux, non pas, comme on a voulu l'affirmer, par inertie mentale ou par des sentiments rétrogrades, mais par une conviction éclairée de la vérité plusieurs fois prouvée que la domination de ces forces se traduit toujours en une servitude intolérable. Les populations de Naples et du Midi ont résisté jusqu'à présent avec une dignité exemplaire aux insistances du matérialisme athée, en démontrant non seulement le solide fondement religieux de leurs consciences, mais la présence active de ce sens hautement « humain » qui les a toujours distinguées dans l'histoire et leur fait encore à présent apprécier au plus haut point les valeurs de l'esprit comme indispensables à la vie ; c'est-à-dire la dignité et l'honneur de la personne, la possession effective des justes libertés civiles, les sentiments familiaux, le dévouement pour la patrie. Alors Nous vous demandons, chers fils, qui représentez en si grand nombre Naples et le Midi d'Italie : Etes-vous encore disposés à résister pour vous assurer et assurer à vos enfants ces valeurs suprêmes de la vie ? Etes-vous encore prêts à demeurer fermes, avec vigilance et énergie, afin de conserver intacts les trésors de vos traditions de civilisation ? Maintien-drez-vous toujours ferme votre fidélité au Vicaire du Christ, qui reste toujours à vos côtés en les personnes de vos archevêques, évêques, curés et prêtres ? — Votre rassemblement d'aujourd'hui, dans cette ville sacrée de Rome, dans ce Temple, le plus grand de la Chrétienté, est déjà une réponse affirmative à Notre demande, éloquent témoignage de votre résolution d'inébranlable dévotion pour le Christ et pour l'Eglise.

Les plaies de la guerre : urgence d'un relèvement spirituel et moral.

Mais la résistance des populations du Midi à l'action du matérialisme athée n'est pas seulement de leur part témoignage de haute civilisation et de dignité ; c'est aussi une contribution concrète au salut et au bien de toute la nation et un acte de confiance en la patrie commune, qui ne doit pas être déçu. Nous souhaitons que ceux à qui il appartient de fixer les mesures particulières en faveur des régions italiennes les plus atteintes par le chômage, le fassent avec diligence et persévérance ; que soient ainsi réalisées les suggestions des économistes, qui indiquent le remède entre autres, dans le transfert vers le Sud de capitaux privés et publics, dans la plus grande extension du crédit, dans la création de centres industriels, de manière à assurer aux ouvriers un travail stable et à élever le revenu moyen des milieux populaires.

Mais à quoi serviraient la renaissance accomplie et la prospérité générale souhaitée, si elles n'étaient accompagnées d'une guérison spirituelle et morale des plaies, laissées en héritage par la guerre et fruits d'une négligence invétérée, qui affligent encore certaines catégories de la population ? L'histoire et l'expérience présente démontrent que, si la pleine prospérité n'est pas guidée par la sagesse humaine et religieuse, elle marque souvent le premier pas vers la décadence. Tout en vous exhortant à progresser de plus en plus sur le plan religieux, Nous exprimons déjà Notre satisfaction pour la fidélité à l'Eglise de vos populations et, d'une façon générale, pour leur respect vis-à-vis des principes et des règles de vie chrétienne. Nous connaissons les multiples entreprises des prêtres séculiers et des religieux pour faire pénétrer partout l'influence chrétienne et pour élever la culture religieuse parmi les classes moyennes du peuple. Votre union avec le clergé, votre assiduité aux cérémonies religieuses dans les églises, votre dévotion pour la Sainte Vierge, votre participation active aux manifestations publiques de foi sont admirables. Certaines associations de jeunes étudiants et d'ouvriers accomplissent un travail profitable, aussi bien dans le domaine apostolique proprement dit que dans celui de la charité. Dans le monde du travail, une activité également intense est accomplie par des aumôniers pleins de zèle et par des assistantes sociales, conformément aux directives de l'OEuvre Pontificale d'Assistance et de l'Onarmo.

Toutefois il reste encore des secteurs où il faut accroître une influence chrétienne concrète et éliminer de graves déficiences. Il faut, en premier lieu, s'occuper de l'enfance dans les milieux les plus pauvres. Vous connaissez tous les misères matérielles et spirituelles dans lesquelles tombe une partie nullement négligeable de la jeunesse napolitaine et à combien de dangers moraux elle est exposée. Quelles qu'en soient les causes, c'est un devoir de la société religieuse et civile — par conséquent du clergé, des autorités, de tous les citoyens — de multiplier leurs efforts afin d'aider les parents à préparer leurs enfants à la vie chrétienne et humaine. Cela pourra se faire en commençant par les accueillir dans les asiles, les écoles, les instituts, les colonies de vacances, où ils seront convenablement nourris et où ils trouveront la possibilité de s'instruire, de s'éduquer et de recevoir une formation professionnelle. Tout ce qui a été déjà fait dans ce domaine, spécialement par le zèle actif du nouvel archevêque de votre Métropole, ne doit pas faire oublier ce qu'il reste à accomplir. On devrait ensuite s'occuper de la même façon de certains « quartiers populaires », au centre ou dans la banlieue, où, plus d'une fois, derrière les façades splendides de places et de rues fameuses, l'on trouve la misère et les souffrances, mais aussi les mauvaises moeurs. Nous ne doutons pas qu'animés comme vous l'êtes par l'esprit d'apostolat, vous prendrez le plus possible à coeur le sort de cette partie du peuple, en instituant des oeuvres d'assistance morale, en approchant les différentes familles, pour accroître chez elles la conscience de leur dignité de chrétien. Un autre secteur, qui mérite des sollicitudes assidues, est celui du travail, particulièrement du travail industriel, dont les nécessités spirituelles et morales ne sont pas diverses de celles communes à toutes les régions italiennes.



Ce qui a été fait...

Aussi avons-Nous lu avec une vive satisfaction la relation qui Nous a été envoyée par la Délégation Régionale pour la Campanie de l'OEuvre Pontificale d'Assistance et de l'Onarmo, concernant l'activité de l'année écoulée, en en tirant des motifs de réconfort et d'espoir. Le chiffre élevé de 80.000 travailleurs assistés dans les centaines d'entreprises, fabriques, chantiers, centres de pêcheurs et de marins, communautés de manoeuvres et lieux de travail, est sans aucun doute un beau nombre. Et quelle somme de bien se cache derrière l'aridité de ce chiffre ! D'une part les saintes fatigues et les sacrifices secrets des vaillants aumôniers du travail et des assistantes sociales, qui prodiguent leurs forces dans les postes les plus avancés du combat pour le Christ, dans des activités diverses comme, par exemple, les réunions de travailleurs chrétiens, les récollections, la formation d'« ouvriers-type », la diffusion de la bonne presse, les célébrations religieuses sur les lieux de travail, les pèlerinages, les écoles professionnelles, les patronages pour enfants, les visites aux malades ; d'autre part, chez les ouvriers mêmes, combien de fruits de vie surnaturelle grâce à la prière et aux sacrements, quels progrès dans la formation chrétienne des consciences et dans l'exercice des vertus religieuses et civiles ! Dieu veuille bénir le généreux dévouement des uns et la docile adhésion des autres, en étendant sa grâce et sa présence partout où l'homme obéit au précepte : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front » (Gn 3,19), et partout où le fracas des machines peut atténuer, mais non étouffer ni dominer les battements du cceur humain !



. et ce qui reste à faire.

Voilà, chers fils et filles de Naples et de la Campanie, ce que Notre cceur et Notre charge pastorale Nous ont suggéré de vous dire. Notre exhortation paternelle vous démontre combien sont grandes et vives l'espérance et la confiance que Nous mettons en vous. Un principe fondamental a toujours inspiré l'action de l'Eglise : conquérir au Christ de nouvelles zones, mais sans abandonner celles déjà acquises ; avancer dans de nouvelles directions et avec de nouvelles méthodes, mais sans renoncer à celles approuvées par la tradition ; se lancer dans de nouvelles entreprises, mais sans détruire les anciennes. Votre région fut solidement conquise à l'Eglise dès les origines, elle forme une page de gloire et d'honneur de son histoire. Si urgents et importants que puissent être les soucis du Vicaire du Christ dans l'incertitude des temps présents, votre peuple et vos besoins ne seront jamais oubliés ni négligés. En Nous adressant en particulier à vos insignes Pasteurs et aux catholiques les plus fervents, Nous voudrions les exhorter à se persuader que la tradition à elle seule ne peut donner la sécurité, mais qu'il faut redoubler d'effort et de vigilance pour la conserver et la protéger. Que personne ne se laisse tenter soit par la pensée que ce qui se perd aujourd'hui sera récupéré demain, soit par l'idée que le bien, la vérité, le bon sens finissent toujours par prévaloir d'eux-mêmes. Si, par l'extraordinaire pouvoir de relèvement démontré par votre peuple, il a été possible de reconstruire en une dizaine d'années une grande cité dévastée matériellement, il n'en est pas de même pour les ruines des âmes, des traditions, des bonnes moeurs, de la vie spirituelle. Vigilate et orate (Mt 26,41) : vous répétons-Nous avec le divin Maître.

Avec ces résolutions, avec cet esprit, vous retournerez à vos villes enchanteresses, aux gracieuses côtes et îles, aux fertiles campagnes, à la terre particulièrement bénie de Dieu, pour y accomplir la volonté que Dieu vous a manifestée. Que sa grâce et ses bénédictions vous accompagnent et vous soutiennent !


PRIÈRE A SAINT JOSEPH ARTISAN

(11 mars 1958)1






Voici la traduction française d'une -prière à saint Joseph, artisan, composée en italien par le Souverain Pontife. Le texte autographe en a été reproduit par l'« Osservatore Romano » des 17-18 mars 1958 :

O glorieux Patriarche saint Joseph, humble et juste artisan de Nazareth, qui avez donné à tous les chrétiens, mais spécialement à nous, l'exemple d'une vie parfaite dans le travail assidu et dans une admirable union avec Marie et Jésus, aidez-nous dans notre tâche quotidienne, afin que nous aussi, artisans catholiques, nous puissions trouver en celle-ci le moyen efficace de glorifier le Seigneur, de nous sanctifier et d'être utiles à la société où nous vivons, tous idéaux suprêmes de notre activité.

Obtenez-nous du Seigneur, ô Protecteur bien-aimé, humilité et simplicité de cceur, amour pour le travail et bienveillance pour ceux qui y sont nos compagnons, conformité à la volonté divine dans les souffrances inévitables de cette vie et joie en les supportant, conscience de notre mission sociale spécifique et sens de notre responsabilité, esprit de discipline et de prière, docilité et respect envers les supérieurs, fraternité envers nos égaux, charité et indulgence pour ceux qui dépendent de nous. Soyez avec nous dans les moments de réussite, quand tout nous invite à goûter honnêtement les fruits de nos fatigues ; mais soutenez-nous dans les heures tristes, lorsque le ciel semble se fermer pour nous et les instruments du travail se rebeller eux-mêmes entre nos mains.

Faites qu'à votre exemple, nous tenions les yeux fixés sur notre Mère Marie, votre très douce épouse, qui filait silencieusement dans un coin de votre modeste atelier, laissant glisser sur

2 S. S. Pie XII a accordé une indulgence partielle de trois ans aux travailleurs qui ont cette prière avec piété et d'un coeur contrit.




ses lèvres le sourire le plus suave ; que nous n'éloignions pas notre regard de Jésus qui s'affairait avec vous à votre établi de menuisier ; ainsi pourrons-nous mener sur terre une vie paisible et sainte, prélude de celle éternellement heureuse qui nous attend dans le ciel, pour tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il !2.


MESSAGE AU CORPS DIPLOMATIQUE ACCRÉDITÉ AUPRÈS DU SAINT-SIÈGE

(12 mars 1958) 1




Pour le 19e anniversaire du couronnement du Pape Pie XII, les membres du Corps diplomatique près le Saint-Siège adressèrent au Chef suprême de l'Eglise un télégramme 2 de souhaits respectueux et de fervents hommages.

Le Souverain Pontife a bien voulu y répondre par le message suivant, en français :

1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano, éd. quot., du 13 mars 1958.

2 Voici le texte de ce message :

« Très Saint Père. — Au dix-neuvième anniversaire du Couronnement de Votre Sainteté, le Corps Diplomatique près le Saint-Siège, spécialement réuni à cette occasion, souhaite présenter à votre Auguste Personne ses' voeux les plus déférents et les plus émus. Notre émotion ne tient pas seulement au zèle inlassable avec lequel Votre Sainteté sans se ménager s'acquitte des' lourds devoirs de Sa charge, mais également aux douloureux soucis qui dans le monde entier affligent Son coeur paternel toujours si largement ouvert aux souffrances de tous. C'est avec une profonde reconnaissance qu'en exprimant nos souhaits' au Chef Suprême de l'Eglise catholique nous rendons hommage au défenseur du droit naturel et au protecteur des libertés de la personne humaine et que nous prions Dieu de conserver de longues années encore Votre Sainteté à l'humanité tout entière. »




Les voeux si déférents et chaleureux que, par l'entremise de ses membres les plus anciens, l'Excellentissime Corps Diplomatique accrédité auprès de Notre Personne Nous a adressés furent pour Notre coeur une cause de joie et un précieux réconfort. Aussi tenons-Nous à donner personnellement à Vos Excellences l'assurance que Nous sommes profondément sensible à l'empressement unanime de cette démarche, à la noblesse et à la délicatesse des sentiments exprimés, à l'hommage surtout qui y est rendu en Notre personne à l'action poursuivie dans le monde par ce Siège Apostolique pour l'honneur de Dieu et la défense des valeurs les plus sacrées du patrimoine de l'humanité. En gage de Notre bien vive gratitude, Nous implorons de grand coeur sur vos patries respectives ainsi que sur vos personnes les Bénédictions du Dieu tout-puissant.


DISCOURS AUX JEUNES GENS DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE

(îg mars 1958)1






Le îg mars, plus de 100.000 jeunes gens de l'Action catholique italienne s'étaient réunis sur la place Saint-Pierre. Le Souverain Pontife, porté sur la « sedia », traversa leurs rangs, acclamé par le « Christus vincit » et de ferventes protestations de fidélité à l'Eglise.

Parvenu au pied de la Basilique vaticane, sur le parvis de laquelle le trône papal avait été dressé, le Saint-Père prononça une vibrante allocution en italien, dont voici la traduction :

Encore une fois cette immense place a ouvert ses bras et accueille, en cet heureux jour consacré au glorieux Patriarche saint Joseph, époux de la Bienheureuse Vierge, une multitude d'âmes en fête. Il y a quelques minutes, Nous entendions monter jusqu'à Nous, jusqu'à la salle de Notre travail quotidien, la vague de vos cris : cri de foi consciente, cri d'amour, cri de fidélité absolue au Christ, à Son Vicaire sur terre, à toute l'Eglise.

Et si, en ce moment, tandis que Notre voix vous parvient et pénètre dans vos âmes, un silence parfait et presque religieux enveloppe la place, rendant plus impressionnante votre solide et immobile union, Nous entendons également les battements de votre coeur, les mouvements de votre âme. Et cette harmonie de coeurs, cette fusion de votre vie de jeunes avec la vie du Pape donnent une fois de plus la mesure exacte de la vitalité indestructible, dynamique et toujours croissante de l'Eglise.

Nous voudrions que ceux qui vivent en tremblant pour le sort de l'Eglise fussent sur cette place ; Nous voudrions que ce superbe spectacle fût contemplé par tous ceux qui prévoient d'impossibles déclins ou rêvent d'agonies inexistantes du Corps mystique du Christ. Qu'ils viennent donc et qu'ils voient : se peut-il, ô jeunes gens, que l'Eglise approche de sa fin ?

Peut-on parler de mort, tant que — et ce sera toujours — frémit la vie et se fait pressante l'action d'une jeunesse comme la vôtre ?

Quatre-vingt-dix ans ont passé depuis la naissance de votre Association, et le Père commun doit manifester à Ses fils Sa satisfaction, il doit exprimer ses souhaits. Le petit groupe d'alors est devenu une grande, puissante et pacifique armée. Certes, tout ne fut pas toujours lumière et triomphe dans votre histoire déjà longue ; en effet, la jeunesse est généreuse, enthousiaste, exubérante. Il est donc difficile qu'elle sache éviter toute intempérance, celle-ci étant due presque toujours à une impétuosité manquant d'équilibre. Mais la jeunesse d'Action catholique s'est toujours reprise et elle veut, aujourd'hui, réaliser dans la discipline et dans l'ordre son dévouement à la cause de Dieu et de l'Eglise. Nous avons donc le droit de proclamer aujourd'hui devant tous que vous voulez être la jeunesse la plus lumineuse d'Italie ; la jeunesse la plus hardie et la plus forte ; la jeunesse la plus ardente et la plus pure. Ceux qui penseraient que ces paroles ne sont que l'expression compréhensible de Notre affection paternelle pour vous n'ont qu'à vous regarder en face et à scruter votre âme. Il y a dans vos yeux tant de transparence et de candeur ; dans vos esprits une telle lumière de certitude et de foi ; dans vos coeurs tant de sérénité et de paix ; dans votre âme tant de joie de vivre.

Nous vous remercions, très chers jeunes gens, pour votre présence, pour votre enthousiasme, pour votre ferme résolution de continuer, confiants et sereins, votre chemin.

La solennelle célébration d'aujourd'hui coïncide avec une date qui, Nous apparaissant symbolique, Nous a fourni un sujet pour Nos brèves paroles ; en effet, il ne s'en faut que deux jours pour que l'on puisse dire l'hiver terminé et commencé le printemps.

Pouvons-Nous alors vous rappeler que vous laissez derrière vous un sombre hiver, mais que vous avez devant vous un été lumineux ? Pouvons-Nous vous inviter à vivre avec le plus grand zèle le printemps que Dieu est en train de donner au monde, en train de donner à l'Eglise ?

Un sombre hiver est désormais derrière nous.

i. — Iam... hiems transiit (Ct 2, ii) : l'hiver, un sombre hiver est désormais passé.

Peu de personnes peut-être — et, moins que tous, les jeunes — se rendent compte aujourd'hui de la nuit qui a enveloppé le monde, du gel qui a rendu stériles et fait mourir d'innombrables germes de vie. Un sombre hiver par les erreurs qui ont obscurci tant d'esprits ; sombre par la boue qui a troublé tant de coeurs ; sombre par la malhonnêteté qui a souillé tant d'ceu-vres ; sombre par les individus désorientés, par les familles brisées, par les nations dévastées, par le monde déchiré dans d'horribles guerres. Regardez, chers jeunes gens, le monde qui est derrière vous ; regardez le passé lointain, récent et tout récent, et vous ne pourrez manquer de dire que, sous tant d'aspects, nous sortons d'un sombre hiver.



Un été lumineux s'annonce.

2. — Mais si l'hiver est resté derrière vous, devant vous se trouve l'été prometteur, lumineux et fécond : Prope est aestas (Mt 24,32) : l'été est proche.

Nous voudrions, ô jeunes gens, que votre regard fût et demeurât serein, tandis que « d'un pas ardent — vous marchez, fiers, vers l'avenir » (de l'hymne de la GIAC : « Vivre la Confirmation »).

Déjà la simple certitude de l'existence de Dieu et, plus encore, la foi en la paternité divine doivent vous donner confiance et espérance. Etant profondément bon, Dieu ne permettrait d'aucune façon qu'il y ait dans ses oeuvres quelque mal, s'il n'était assez puissant et bon pour savoir tirer le bien même du mal2. Donc tout ce qui se passe, se passe sous les yeux d'un père très aimant. Si l'on considère ensuite attentivement les circonstances de l'heure présente, votre certitude augmentera encore. Mille erreurs modernes ont été punies par leur propre échec ; vous avez vu l'orgueil de certaines grandeurs sombrer dans le néant, l'opulence de certaines fortunes cesser à l'impro-viste, la boue de la luxure se mélanger souvent au fleuve de larmes et de sang qui a traversé le monde dans le passé.

D'autres erreurs, ô jeunes gens, doivent disparaître ; d'autres sièges élevés devront tomber ; d'autres ambitions effrénées s'écrouler brisées. Et la ruine sera d'autant plus vertigineuse qu'aura été plus grande l'audace de rivaliser avec Dieu. L'été viendra, chers fils, il viendra riche en récoltes abondantes. La terre baignée de larmes sourira avec des perles d'amour et, arrosée du sang des martyrs, elle fera germer les chrétiens.



L'éveil d'un printemps chrétien dans le monde :

3. — Mais Dieu qui a permis le sombre hiver et a préparé pour le monde un été lumineux nous engage tous à vivre et à travailler dans un climat de réveil, dans un temps de printemps.

Au printemps, la terre se réveille, la sève monte, les bourgeons s'ouvrent, les feuilles reviennent sur les arbres ; les buissons revivent, les prairies se couvrent de verdure et les campagnes exultent dans les arbres en fleurs. Les cieux s'éclaircissent ; les jours se font plus longs, les nuits plus brèves ; il y a plus de lumière que de ténèbres.

Sans doute y a-t-il alors souvent des nuages dans le ciel et les orages s'abattent sur la terre ; mais les hommes repeuplent les campagnes et s'attardent plus facilement sur les routes ; la fête de la nature devient une fête des coeurs, parce que le printemps est un temps de renouveau, un temps d'attente confiante, un temps d'espérance.

Regardez, chers fils : tout, dans le monde, est un réveil. La vie matérielle, même au milieu de tant de tristesses et de misères, tend toujours vers un bien-être plus grand et plus répandu. Celui qui considère la courbe d'ascension du progrès scientifique note qu'elle suit comme une sorte de réaction en chaîne, analogue à celle des équilibres instables.

Dans la vie et dans l'activité de l'esprit, les signes de réveil sont également évidents : l'homme sera de plus en plus dispensé des fatigues matérielles, des oeuvres serviles : l'automation est en train de transformer en activité intellectuelle une grande partie du travail humain, tandis que l'extraordinaire progrès technique rend de plus en plus possible et facile la diffusion de la culture parmi les hommes.

On note aussi des signes évidents de réveil dans la vie sociale : aucune autre époque, parmi celles que l'humanité a vécues depuis la venue du Christ, ne nous apparaît aussi décisive que la vôtre, ô jeunes gens, dans l'évolution humaine. Pour la première fois les hommes prennent conscience non seulement de leur interdépendance croissante, mais même de leur merveilleuse unité. Cela signifie que l'humanité deviendra de plus en plus prête à se sentir le Corps mystique du Christ. Donc la nécessité de donner la solution chrétienne aux si nombreux problèmes, qui tiennent le monde dans l'anxiété, sera et apparaîtra de plus en plus évidente aux yeux des hommes honnêtes.

Comme dans tous les printemps, les vents et les tempêtes ne manqueront pas en celui qui est imminent : l'Eglise n'a pas fini son martyre, et elle affronte en ces jours, sans défense mais sans crainte comme toujours, ceux qui tentent de l'atteindre par l'insinuation malveillante, par le soupçon injurieux, souvent même en jetant de la boue sur son vêtement immaculé.

Mais regardez autour de vous, ô jeunes gens : de tous côtés parvient l'écho de voix qui racontent de belles et saintes entreprises ; qui parlent d'énergies stimulées précisément par un désir de réaction contre le mal. Un appel au renouveau passe à travers le monde : voulez-vous l'écouter ? Voulez-vous le faire vôtre ? Voulez-vous le transmettre à d'autres pour qu'il devienne le cri de la jeunesse d'Italie, de la jeunesse du monde ?

Regardez autour de vous, ô jeunes gens, printemps de l'humanité, printemps de la vie. Faites vôtre Notre espérance et dites à tous que nous sommes à un printemps de l'histoire ; Dieu veuille qu'il soit un des plus beaux printemps que les hommes aient jamais vécu ; après un des plus longs et plus cruels hivers, un printemps qui précède un des plus riches et plus lumineux étés.


Pie XII 1958 - PRIÈRE POUR LA JEUNESSE FÉMININE CATHOLIQUE D'ITALIE