Pie XII 1957 - R AD IOM ESS AGE A UNE CONFRÉRIE EUCHARISTIQUE D'ESPAGNE


DISCOURS À DES DAMES CATÉCHISTES

(17 octobre 1957) 1






Le Souverain Pontife a bien voulu recevoir en audience spéciale, mardi 17 octobre, le florissant Institut des Dames Catéchistes, qui fête cette année le 50e anniversaire de son approbation par le Motu Proprio de saint Pie X, en 1907. Aux religieuses membres de la Congrégation s'étaient jointes de nombreuses collaboratrices laïques. Le Saint-Père s'est adressé aux unes et aux autres en un discours en espagnol, dont nous publions la traduction suivante :

Si Nous ne connaissions déjà, par le grand bien qu'ils réalisent depuis longtemps dans la Ville Eternelle, les « Centres », les « Ecoles » et toutes les oeuvres inspirées et organisées par Nos très chères filles, les méritantes Dames Catéchistes, il suffirait d'un pèlerinage comme le vôtre pour Nous faire connaître non seulement le développement et la vitalité de ces institutions, mais aussi l'esprit qui les anime, que Nous sommes heureux aujourd'hui de louer et de bénir, en vous souhaitant la plus cordiale de toutes les bienvenues.

Parce que, si Nous regardons d'un côté, avant tout Nous vous voyons, vous qui consacrez à cette oeuvre vos forces et votre vie, poussées par la plus pure charité, qui, comme l'Apôtre, vous incite ainsi et vous presse (2Co 5,14) à n'être satisfaites que dans l'apostolat le plus difficile, le moins riche en réconforts humains et le plus exigeant en sacrifices, et qui porte également inscrit au front son caractère de précurseur dans le domaine social, objet de Nos prédilections. Que sera la parole, très chères filles, que vous a réservée votre Père le Pape ? Une parole très simple et la suivante : Si vous Nous présentez aujourd'hui tant de milliers d'âmes, conduites sur la bonne voie et qui sont un si grand motif de satisfaction pour Nous, qui ne pouvons en ce monde apprécier le bien que de façon imparfaite ; combien se montrera satisfait, combien sourira plein de bienveillance le très Sacré-Coeur de Jésus, quand votre grande Fondatrice, votre Dolores Rodriguez Ortega y Sopena lui présente au ciel une si grande moisson et précisément alors qu'il va y avoir un demi-siècle depuis le jour où un de Nos prédécesseurs, un saint, daigna accueillir paternellement votre OEuvre ?

Mais vous n'êtes pas venues seules ; et Nous voyons, d'un autre côté, tant de vos collaboratrices, représentant plusieurs autres milliers, dont l'apostolat est d'autant plus méritoire qu'il est plus désintéressé et obscur ; d'autant plus admirable qu'il est davantage plein d'abnégation et de constance ; d'autant plus riche en valeurs surnaturelles qu'il est moins apparent aux yeux du monde et de la chair. Très chères filles, Dames et Demoiselles : votre mission est des plus hautes, parce que le Seigneur vous a appelées à manifester de façon tangible que la société chrétienne n'est qu'un seul corps, dont les membres ne peuvent se désintéresser les uns des autres, et dans lequel, en fin de compte, la solution définitive doit être donnée par le véritable amour qui fait une même chose de tous, des humbles et des puissants, de ceux qui jouissent et de ceux qui souffrent, de ceux qui possèdent et de ceux qui n'ont rien ; le véritable amour qui pousse celui qui possède quelque chose à y faire participer son frère qui en est dépourvu (I Jean, ni, 17). Ne vous laissez pas vaincre par la fatigue et le découragement, ne vous laissez pas désarmer par la routine et l'ennui ; ne vous laissez pas vaincre par les difficultés et les inconvénients, mais plutôt attirez beaucoup d'autres personnes à votre activité, en démontrant de la sorte l'estime que vous avez pour cette grâce qui vous a été faite par le Seigneur en vous appelant à ce travail !

Mais il faut que vous Nous excusiez, les unes et les autres, si Nous vous disons que Nos préférences vont à ces fils et à ces filles, également présents ici ; à ces ouvriers et à ces jeunes filles qui, précisément, par leur conduite et par leurs progrès exemplaires dans les Centres et dans les Ecoles ont su mériter ce merveilleux voyage ou comme il vous plaira de l'appeler.

Ce n'est pas le moment, très chers fils et filles, de vous dire encore une fois ce que l'Eglise ressent devant vos problèmes et ce qu'elle a fait, ce qu'elle fait et ce qu'elle veut faire pour les résoudre, comme Nous avons déjà eu l'occasion de le dire



il n'y a pas longtemps 2 ; ce n'est pas non plus l'occasion de revendiquer la mission éducatrice de l'Eglise, « parce que tout enseignement, comme toute action humaine, a un rapport nécessaire de dépendance avec la fin ultime de l'homme et, par conséquent, ne peut se soustraire aux normes de la loi divine, dont elle est la gardienne, l'interprète et la maîtresse infaillible3 ». La rencontre d'aujourd'hui est une rencontre de famille, où Nous préférons vous ouvrir avec simplicité Notre coeur de Père pour vous faire voir que si l'Eglise vous cherche, vous instruit et vous éduque, c'est seulement parce qu'elle est inéluctablement poussée à cela par son sentiment maternel ; c'est parce qu'elle vous aime et parce que vous êtes ceux qu'elle a été appelée à évangéliser (Lc 4,18), en suivant les traces de son divin Fondateur ; parce que vous formez sa joie et sa couronne (Ph 4, i), quand vous vous réfugiez dans son sein maternel et quand vous proclamez, comme en ce moment, que vous êtes ses fils dévoués.

Soyez fidèles, des plus fidèles, en tirant profit de la culture que vous offrent vos Centres et vos Ecoles. Un des plus grands maux des temps présents, si disposés à tout ce qui est savoir et connaissance ; une des tactiques les plus insidieuses de l'ennemi de Dieu pour tromper les âmes en ces jours si ouverts à l'information la plus variée ; une de ses méthodes les plus nocives consiste à cacher la vérité, à l'ignorer, à la déformer, à accumuler sur elle des rumeurs, des menaces, des mensonges, si bien que les âmes simples, les éléments de jugement étant changés, changent également l'objet de leur amour et de leur haine.

Remerciez le Seigneur parce que vous avez connu la vérité ! Rendez-lui grâces parce que, comme c'est naturel dans les coeurs droits, vous l'avez immédiatement aimée ! Démontrez votre gratitude à ces âmes d'élite qui vous ont instruits et qui se sacrifient pour vous.

2 Radiomessage aux travailleurs d'Espagne, il mars' 1951 ; Documents Pontificaux 1951,

p. 87.

3 Pie XI, encyclique Divini illius Magistri, 31 décembre 3929 ; A. A. S., 22, p. 54-




Et que la Bénédiction que Nous vous donnons de tout coeur soit un gage des plus hautes grâces célestes. Portez-la à votre patrie et à vos cités ; portez-la à vos familles et à vos amis ; mais portez-là surtout à Nos fils bien-aimés, les ouvriers espagnols et de toutes les nations, où fonctionnent vos Centres et vos Ecoles, dont Nous faisons Nôtres les anxiétés et les sollicitudes et auxquels Nous souhaitons toutes sortes de félicités.


DISCOURS À UN PÈLERINAGE DE CORDOUE

(18 octobre 1957) 1






Guidés par leur évêque, Son Exc. Mgr Albino Gonzales y Reigada Menendez, O. P., les pèlerins du diocèse de Cordoue, venus à Rome à l'occasion du XVIe centenaire de la mort du grand évêque espagnol Ossius de Cordoue, qui fut une des plus hautes figures du premier Concile oecuménique de Nicée (325), ont été reçus en audience à Castel-gandolfo le vendredi 18 octobre. Le Saint-Père s'adressa aux présents dans leur langue maternelle en un discours dont nous donnons la traduction suivante :

La roue du temps, qui ne s'arrête jamais dans sa marche inlassable, — Vénérable Frère et très chers fils, — Nous apporte sans cesse tant d'anniversaires et tant de commémorations que Notre attention réussit à peine à les considérer tous.

Mais, parmi ceux-ci, comment pourrions-Nous laisser passer ce centenaire de la naissance de cette insigne figure, dont le profil se dégage des brumes des premiers siècles comme celui d'un géant, qui, à l'embouchure d'un port, indique la voie sûre au navigateur ; du grand Ossius de Cordoue, gloire de votre cité et de votre patrie, non moins qu'honneur de toute l'Eglise, qui le compte parmi ses plus illustres champions.

L'antique et merveilleuse Cordoue, sise au bord des abondantes eaux du Guadalquivir, dans la sérénité de sa plaine, semble destinée à entendre chanter les gloires de ses grands fils, d'un Sénèque et d'un Lucain de l'époque romaine jusqu'à un Averroès et un Maimonide aux temps de Califat, ou à un Am-broise de Morales et un Luis de Gongora aux siècles postérieurs ; auxquels on pourrait facilement ajouter plus d'un autre que le peuple espagnol connaît bien. Tous révèlent les excellents dons d'une race dans laquelle, comme Nous avons eu Nous-même l'occasion de le noter « paraissent s'harmoniser la délicate grâce andalouse et la sage gravité romaine, la typique austérité ibérique et la richesse imaginative et ornementale de l'envahisseur arabe ».

Ces phrases, pèlerins de Cordoue, Nous les avons prononcées à l'occasion de l'élévation aux honneurs des autels d'une authentique fille de votre terre, la Bienheureuse Raphaèle-Marie du Sacré-Coeur, héroïne de la sainteté 2, comme si Nous voulions noter que toutes vos meilleures qualités resplendissent surtout lorsqu'elles se manifestent dans la fermeté de votre foi et de votre adhésion à la Chaire de la vérité ; quand votre Cordoue se présente au monde comme la cité des confesseurs et des martyrs ; quand vous pouvez vous glorifier d'évêques comme le grand Ossius, dont Nous n'avons pas l'intention de tracer maintenant un portrait, mais dont on ne peut cependant ignorer le prestige extraordinaire qui l'amena à diriger de grandes assemblées oecuméniques ; l'élévation et la solidité théologiques dont il laissa des traces évidentes dans les formules définitives de Nicée ; et la stabilité dans la foi aux terribles moments de la puissance arienne.

Et c'est précisément cette ferveur d'esprit, cette fermeté dans la foi et cette filiale dévotion envers la Chaire de Pierre que vous êtes venus — Vénérable Frère et très chers fils — Nous répéter en ce moment difficile que traverse le monde, où, sans que Nous prétendions le comparer avec les temps d'Ossius, il semble éprouver une inquiétude, une insécurité, une impatience, qui, aujourd'hui encore voudraient l'envahir tout entier, des limites extérieures de l'organisation sociale jusqu'au plus profond des consciences, dans lesquelles ne peut manquer de se faire sentir la répercussion de tant d'agitation et incertitudes, surtout si l'on tient compte que ne fera jamais défaut la malveillante insinuation qui prétend rendre la religion et l'Eglise responsables ou, pour le moins, complices de tant de maux.

Surmontant tout cela, très chers fils, au-dessus des obscurités de l'avenir et des anxiétés du présent, sans vous soucier des petitesses et des mesquineries, demeurez toujours « forts dans la foi » (), solidement unis entre vous par le



* Cf. Documents Pontificaux 1952, p. 192.



lien de la charité sincère, dociles et obéissants à la voix de vos Pasteurs et Prélats, les yeux tournés vers l'unique vérité qui vous montrera infailliblement le bon chemin. Et si vous avez quelque peu à souffrir, ne vous effrayez pas, parce que, comme l'a dit votre grand philosophe 3 : Non quid, sed quemadmodum feras, interest : « Ce qui importe n'est pas ce que tu souffres, mais comment » ; car, sans être arrivé à jouir de la lumière de l'Evangile, on dirait qu'il sut déjà deviner la valeur parfaite de cette vertu, qui tout en étant une en soi, appelée fermeté, fait également partie de toutes les autres, auxquelles elle communique force et sécurité4.

Allez donc, très chers fils, et commémorez, comme il est juste, votre grand Ossius, mais n'oubliez jamais les grandes leçons que, par delà les siècles, il vous donne avec cette voix vigoureuse et avec cette énergie que nous admirons à travers ses grandes oeuvres. Ainsi ce centenaire sera fécond en grâces spirituelles pour vous, comme Nous le désirons bien sincèrement.

C'est en gage de ces grâces et en témoignage de Notre bienveillance particulière que Nous voulons vous donner en ce moment la Bénédiction à vous présents ici, avec vos intentions et désirs, à votre diocèse, à toute la riante Andalousie et toute la très chère Espagne.































Sénèque, De Providentia, chap. II.

S. Thomas, la 2ae, p. q. 61, art. 3 In c.


LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AUX FRATERNITÉS DE SAINTS-CÔME-ET-DAMIEN

(18 octobre 1957) 1






Au nom du Souverain Pontife, Son Exc. Mgr Dell'Aequa, Substitut de la Secrétairerie d'Etat, a adressé la lettre suivante aux membres des Fraternités de Saints-Côme-et-Damien a réunis à Malaga pour leur neuvième assemblée nationale. Voici la traduction du document rédigé en espagnol :

Les médecins et pharmaciens catholiques d'Espagne appartenant à la Fédération des Fraternités de Saints-Côme-et-Damien vont se réunir pour leur IXe assemblée nationale, afin d'étudier, à la lueur des enseignements pontificaux, les droits et devoirs du malade en ce qui concerne tant la société que le médecin et le pharmacien qui les assistent. Le Saint-Père a accueilli avec gratitude l'hommage des organisateurs de ces Journées et il m'a chargé de vous faire parvenir l'expression de sa bienveillance et de ses voeux cordiaux.



Le corps humain, instrument de l'âme.

1 D'après la traduction française de la Documentation Catholique, LV, col. 273. Les sous-titres sont également de la Documentation Catholique.

2 La Société Saints-Côme-et-Damien a été fondée en Belgique, le 27 septembre 1029, par M. l'abbé Robert Kothen. Elle est le mouvement d'Action Catholique des' pharmaciens et doit imprégner de vie et de doctrine chrétiennes la profession pharmaceutique. A partir de 1945 la Société débordait les frontières de la Belgique et devenait une Société internationale, dont le premier congrès se tint à Rome en 1950. (Cf. L'abbé Robert Kothen, une vie de prêtre, par T. Leclercq, Ed. du Soleil Levant, PP 153-182)




Le sens religieux et moral reconnaît au corps humain un caractère sacré qui transcende toutes les prérogatives et valeurs



que les sciences naturelles et l'art peuvent lui attribuer. « Le Roi de l'univers, pour couronner dignement la création, forma, d'une façon ou d'une autre, du limon de la terre, l'oeuvre merveilleuse du corps humain et lui insuffla sur la face un souffle de vie qui a fait du corps l'habitation et l'instrument de l'âme... Ainsi élevé à l'honneur d'être l'habitation de l'esprit, le corps humain était prêt à recevoir la dignité de temple même de Dieu, avec les prérogatives, en les dépassant même, qui appartiennent aux édifices qui lui sont consacrés 3.

C'est donc une mission très noble et très importante que celle du médecin — et, toute proportion gardée, aussi celle du pharmacien — puisque, en plus d'avoir pour objet le corps de l'homme destiné à être le temple de Dieu, elle doit conserver un bien aussi capital que l'est la vie humaine. Une telle profession, outre la compétence scientifique, requiert spécialement chez celui qui l'exerce d'importants dons moraux ; il est demandé, de plus, au médecin catholique, beaucoup de charité et de compassion, une vive foi chrétienne et un profond respect pour le Créateur et sa créature de prédilection : l'homme qui souffre.



Les limites du droit de chacun sur son propre corps.

3 Sa Sainteté Pie XII, Discours au Congrès scientifique du sport et de l'éducation physique, 8 novembre 1952 ; cf. Documents Pontificaux 1.952, p. 515.




Les techniques modernes mettent entre les mains des médecins et des pharmaciens des instruments puissants dont l'usage doit être réglé par la morale, sous peine de se convertir en cause de ruine spirituelle. En de nombreuses occasions, le Souverain Pontife a pris la défense de la vie de l'être humain, aujourd'hui malheureusement si souvent menacée, même avant de voir la lumière de ce monde, et souvent, également, il a parlé de l'intégrité dans laquelle l'homme doit maintenir son propre corps. Si on doit demander au médecin de dire la vérité sur le cas qu'il examine et de conserver un secret rigoureux, presque toujours exigé par la prudence et parfois aussi pour la bonne réputation du malade, ce dernier, sachant le droit et le devoir que sa conscience lui impose de se guérir, doit suivre les prescriptions du médecin qualifié, en tenant compte de ce que le droit sur son propre corps a des limites et qu'il ne peut disposer de lui-même que selon une hiérarchie de valeurs déterminée 4.

Le patient a, de plus, l'obligation de prendre les médicaments et de suivre les prescriptions qui lui ont été ordonnés par un médecin honnête ; il y a cependant des cas où le dernier mot au sujet de possibles interventions sera laissé à sa décision ou à celle de la famille qui le représente.

En aucun cas, le pharmacien ne pourra délivrer au malade un produit si, « par sa nature et dans l'intention du client, il est indubitablement destiné à une fin coupable »5.



Médecine sociale et morale chrétienne.

Le bien-être de la société repose en grande partie sur le travail, et le travail dépend de la santé. De là l'importance théorique et pratique de la médecine professionnelle et sociale qui a fait tant de réalisations remarquables dans la prévention des accidents du travail, dans la salubrité des entreprises et dans le traitement des maladies professionnelles.

Avec le progrès de la médecine sociale doit aller de pair l'étude approfondie de la morale chrétienne pour assurer une collaboration empressée aux victoires de la science sur les maladies, de la part de tous ceux qui ont l'obligation de promouvoir et d'appliquer les remèdes opportuns.

Il fut un temps où les oeuvres d'assistance étaient considérées comme des manifestations de la charité privée ou publique et vivaient principalement de dons. Aujourd'hui, elles sont tenues pour un devoir social organisé par les institutions et la nation elle-même, en vertu des principes de la solidarité et de la justice. C'est ainsi qu'il nous est donné d'assister à une splendide floraison d'études, de programmes, de réalisations concrètes qui ont pour objet l'amélioration des conditions d'hygiène et de santé de la population. Mais l'on sait bien que, dans ce domaine, les meilleures armes ne sont pas seulement les remèdes spécifiques, mais aussi un logement sain, une bonne alimentation, un travail rationnel ; la bataille contre la misère,





* Sa Sainteté Fie XII, Discours au premier Congrès international d'hispathologie, 14 septembre 1952 ; cf. Documents Pontificaux 1952, p. 457.

•S Sa Sainteté Pie XII, Discours au Congrès international des pharmaciens catholiques, 2 septembre 1950 ; cf. Documents Pontificaux 1950, p. 347.



le vice, l'ignorance et la dégradation doit tendre comme il convient au but évangélique d'améliorer cette pauvre humanité.

Les mêmes exigences politiques, sociales, économiques, morales, de l'industrialisation, de l'urbanisme, de la considération due au travailleur ont favorisé, parmi d'autres causes, l'importance qu'a pris en ce siècle le régime de la Sécurité sociale, en ce qui concerne l'exercice de la médecine. Son champ d'application n'est pas limité aux travailleurs, mais il s'étend graduellement aussi aux autres catégories de citoyens.



Application des principes moraux.

Et, là encore, la déontologie trouvera matière à étude pour appliquer les principes de la morale aux cas de fraude ou de simulation, pour exiger le respect dû à la personne humaine des bénéficiaires des secours, pour éviter les maladies imaginaires qui entraînent abusivement des interventions inutiles, pour veiller à l'observation de la législation dans les clauses du contrat.

Il faut espérer qu'avec la multiplication constante, dans tous ou presque tous les pays, d'essais et d'oeuvres d'assistance mutuelle, ainsi qu'avec l'accumulation des expériences, de la part d'organismes tant officiels que particuliers, celle-ci ira en se perfectionnant jusqu'à satisfaire avec le minimum d'inconvénients les exigences parfois opposées des éléments qui, chez elle, entrent en jeu.

La conscience de la fonction spéciale dévolue aux malades dans le Corps mystique du Christ, ainsi que le capital de mérites auquel la souffrance donne occasion, donneront au malade consolation, sérénité et encouragement pour le meilleur accomplissement de ses devoirs. « Par votre douleur surnaturellement offerte — disait récemment Sa Sainteté le Pape heureusement régnant — vous pouvez conserver tant d'innocences, ramener sur le droit chemin tant d'égarés, éclairer tant d'indécis, rasséréner tant d'angoissés. »6

8 Discours aux malades' du Centre des volontaires de la souffrance, 8 octobre 1957 ;




Invoquant les grâces du ciel sur vous et sur tous les membres de cette assemblée, le Souverain Pontife vous accorde de tout coeur, en gage de fruits abondants, une Bénédiction apostolique particulière.


DISCOURS AU CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA ROUTE EN CIMENT

(19 octobre 1957) 1






Au cours de l'audience spéciale accordée, le 19 octobre, aux techniciens participant au Congrès international de la route en ciment, le Souverain Pontife a prononcé, en français, le discours suivant :

Répondant bien volontiers au désir que vous Nous avez exprimé, Nous sommes heureux, Messieurs, de vous recevoir aujourd'hui et de vous dire Notre estime et les souhaits que Nous formons pour le succès de vos travaux. Ce congrès international de la Route en béton de ciment rassemble en effet les spécialistes les plus qualifiés de nombreux pays d'Europe ; le groupe imposant, que Nous avons sous les yeux, indique assez l'actualité du sujet et l'attente vive qu'ont suscitée les rapports inscrits au programme de vos réunions.

Vous vous proposez de passer en revue les progrès techniques et les réalisations récentes dans la construction de routes et de pistes d'aérodromes en béton de ciment. Il suffit de comparer sur une carte d'Europe le réseau routier, par lequel s'écoule le trafic international, avec celui des autoroutes actuellement en service, pour apercevoir sans peine l'ampleur de la tâche qui reste à fournir en ce domaine. Si le développement du chemin de fer au siècle dernier et au début de celui-ci en fit un instrument essentiel du commerce international et, par là, du développement économique des pays européens, l'automobile vint ensuite le concurrencer et s'est rendue à présent indispensable. Elle a requis et continue à demander la construction de routes nouvelles, aux ramifications plus étendues, adaptées aux exigences croissantes posées par un véhicule rapide et





parfois lourd et encombrant. Tandis que le conducteur veut des routes plus larges, plus sûres, plus faciles, les pouvoirs publics se préoccupent de comparer le rendement économique, qu'elles promettent, aux investissements souvent considérables qu'elles supposent. D'un point de vue plus élevé, on évoquera la nécessité, pour une Europe en voie d'unification et dotée déjà d'institutions telles que la Communauté du Charbon et de l'Acier et le Marché commun, de posséder des voies de communication capables de suffire aux échanges accrus.

Ce sont tous ces aspects que vous tentez de concilier, en étudiant, dans les réunions de ce congrès, les problèmes que pose la construction de routes en béton de ciment, dont les avantages sur les autres types de routes ont été déjà largement démontrés. Qu'il s'agisse d'autoroutes reliant les grands centres d'un même pays ou de pays différents, de grandes artères urbaines ou de voies de moindre importance, vous avez acquis de précieuses données d'expérience, qui vous permettent de déterminer, pour chaque cas, les critères auxquels doivent satisfaire l'établissement des projets et la construction, afin d'assurer, aux moindres faits, le meilleur rendement. Les considérations esthétiques elles-mêmes ne sont pas absentes de vos prévisions et tirent parti des lois de la dynamique ; il suffit, par exemple, de comparer les tracés anciens, qui combinaient de manière trop rigide la ligne et le cercle, avec les tracés récents, dont les courbes s'inscrivent avec une extrême souplesse dans le paysage, pour apprécier le progrès réalisé en cette matière.

Vous avez accordé, dans ce congrès, une attention particulière à diverses expériences d'utilisation du béton précontraint dans la construction des routes et des pistes d'aérodrome. Les essais poursuivis jusqu'à présent ont mis en évidence la résistance remarquable des revêtements de ce type. Toutefois leur coût plus élevé, en dépit des économies réalisées sur l'épaisseur des plaques et la préparation du terrain, ne permet pas encore d'en généraliser l'emploi.

Nous ne doutons pas que vos recherches assidûment poursuivies ne permettent d'apporter aux questions d'ordre technique et économique, que pose la construction des routes modernes, des solutions toujours plus avantageuses et mieux adaptées aux besoins présents et futurs de la circulation automobile. Si les chaussées romaines permirent jadis à la vérité chrétienne de pénétrer profondément dans les régions de l'Europe occidentale.

les routes d'aujourd'hui, incomparablement plus belles et plus commodes, ont à remplir au profit de l'humanité contemporaine une fonction aussi nécessaire. Il serait vain d'espérer que les pays occidentaux puissent entretenir une collaboration pacifique et durable sur la seule base de traités économiques ou d'accords politiques et militaires. Il faut d'abord que leurs intentions profondes tendent à réaliser le bien véritable de l'humanité, et celui-ci, la foi chrétienne seule peut le révéler pleinement et le rendre possible.

Que les routes modernes, comme celles de l'antiquité, s'ouvrent donc aux hommes porteurs des vérités, qui répondent à l'angoisse du temps présent et lui indiquent le salut ! Qu'elles favorisent les échanges de biens matériels, intellectuels, spirituels entre les cités européennes, et les aident à garder la conscience de leurs responsabilités mutuelles dans la sauvegarde de la paix et de la culture chrétienne !

C'est à une si noble tâche que vous contribuez pour votre part en travaillant à l'amélioration des communications routières. Que le Seigneur daigne seconder vos efforts et leur accorder la récompense qu'ils méritent ! Nous l'en prions de tout coeur et, en appelant les faveurs divines les plus abondantes sur vous-mêmes, sur vos familles et sur tous ceux qui vous sont chers, Nous vous en donnons pour gage Notre Bénédiction apostolique.


DISCOURS

À DES FABRICANTS DE MACHINES-OUTILS

(23 octobre 1957) 1






Recevant les dirigeants du Comité Européen de Coopération entre les industries de machines-outils et les délégués de neuf nations, réunis à Rome en session, le Saint-Père a prononcé le discours suivant, traduit de l'italien :

Pour la première fois, le Comité européen de Coopération entre les industries des machines-outils a tenu ses réunions à Rome, et c'est avec une satisfaction particulière que Nous avons accueilli, Messieurs, votre désir d'être reçus par Nous.

Fondé en 1951 dans le but de coordonner l'étude des problèmes qui intéressent les constructeurs de machines-outils en Autriche, en Belgique, en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Hollande, en Suède, en Suisse, votre Comité européen représente une des premières manifestations concrètes de l'esprit qui anime la constitution d'une fédération européenne et dont les récents accords sur le Marché commun ont été une nouvelle expression.

Les premiers outils de l'homme, ces marteaux de pierre primitifs, grâce auxquels il arriva presque instinctivement à concentrer sur un point précis et à l'instant du heurt l'effort de son bras, étaient déjà l'application empirique d'une des lois fondamentales de la mécanique. Il est émouvant pour l'historien des sciences d'observer de temps en temps, à travers les siècles, dans les documents de la préhistoire et de l'antiquité, l'apparition d'un nouvel instrument, humble découverte du génie humain, qui toutefois marque une étape dans l'élévation de l'esprit, une pierre milliaire dans la conquête du monde. Même au siècle passé, quand les conditions de la métallurgie n'avaient pas encore été transformées par l'utilisation de l'énergie électrique, les inventions de la mécanique appliquée se succédèrent lentement ; mais aujourd'hui, le rythme des découvertes s'est accéléré à un tel point que l'on assiste à une véritable course dans le renouvellement des machines, spécialement des machines-outils destinées à la production en série de pièces de construction industrielle.

Ce progrès technique, qui éblouit les hommes du commun, est un signe de la grandeur de l'homme, et l'épanouissement de son intelligence dans le domaine des richesses de la nature l'exalte à juste titre, mais il serait funeste pour lui de se laisser étourdir par les succès matériels, qui ne contribueraient pas à le libérer de ses servitudes et de la tyrannie des passions.

Or, s'il est vrai, qu'à un premier stade, la machine a souvent asservi l'homme, destiné au contraire à la diriger, on assiste aujourd'hui à un tel perfectionnement des machines-outils que l'on peut en espérer de plus en plus l'affranchissement de nombreux travailleurs, assujettis jusqu'à présent à des tâches purement matérielles. En effet, l'automation tend à mécaniser les fonctions de contrôle et d'adaptation nécessaires à la bonne marche d'une production complexe, et les appareils électroniques dépassent désormais en rapidité, capacité et précision les organes des sens. Ils peuvent enregistrer, retenir et utiliser une somme d'informations bien supérieure au pouvoir de l'homme. On peut s'attendre à les voir se substituer presque partout dans la production industrielle à ces ouvriers, dont le travail se réduisait à exécuter un certain nombre de gestes mécaniques ou un contrôle purement matériel.

Ce que les possibilités techniques permettent d'effectuer à présent, les circonstances économiques le rendent le plus souvent nécessaire, parce que non seulement la simple concurrence industrielle et commerciale, mais aussi l'accroissement continu des besoins de la société moderne, obligent à augmenter sans cesse la productivité. Comme, d'autre part, le 95 pour cent de l'énergie employée aujourd'hui dans les pays industrialisés est d'origine mécanique, et non plus humaine ou animale comme dans les siècles passés, il en résulte clairement l'importance qu'ont, dans le monde moderne, la construction et le perfection-



nement des machines-outils, qui seules peuvent utiliser dans des conditions économiquement avantageuses l'énergie disponible.

Pourvu que l'homme sache dominer ses instincts et profiter de ces vastes ressources pour développer sa vie intellectuelle et spirituelle, celle-ci n'a rien à craindre du progrès matériel. Mais si l'homme succombait à la tentation d'une vie toujours plus facile et de plaisirs des sens de plus en plus grands, il en résulterait une nouvelle servitude et une décadence morale certaine.

Nous souhaitons, au contraire, que les besoins les plus profonds de l'âme trouvent leur satisfaction dans un temps libre plus grand et dans les services que procurent les machines modernes. Vous aurez de la sorte, Messieurs, contribué aux nécessités du monde présent et aplani la voie à un ordre qui pourra mettre au service du plus grand nombre les richesses communes de l'humanité. C'est là la grâce que Nous demandons à Dieu pour vous et, en gage de Notre bienveillance, Nous donnons à vous tous ici présents, à vos familles et à tous ceux qui sont dans votre pensée et dans votre coeur, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX MINISTRES EUROPÉENS DES TRANSPORTS

(24 octobre 1957) 1






Désireux de pouvoir présenter un filial hommage au Saint-Père, les ministres européens des transports, réunis en congrès à Rome, ont été reçus en audience le jeudi 24 octobre. A cette occasion, Sa Sainteté s'adressa à l'assemblée en ces termes :

La septième session du Conseil des ministres de la Conférence européenne des ministres des transports, qui vous réunit à Rome, Messieurs, vous a fait souhaiter être reçus par Nous ; Nous accédons volontiers à ce désir, heureux de saluer en vous les représentants des dix-sept nations qui prennent part à votre Conférence.

La question des transports, si étroitement liée à celle du Marché commun, et à tous les problèmes de fédération européenne, est assurément l'une de celles qui réclament d'incessantes mises au point. Il est clair en effet que l'efficacité des traités économiques récents dépend pour une part non négligeable de la facilité, de la rapidité et de la sécurité des échanges qui s'établissent entre vos pays. Meilleure sera la coordination des réseaux routiers, ferroviaires, aériens, meilleures aussi seront les relations commerciales et humaines entre les diverses régions de l'Europe. Si la partie technique échappe à Notre compétence, Nous en comprenons toutefois aisément la difficulté, tant sont multiples les données dont il faut tenir compte ; mais les conséquences d'une harmonisation plus parfaite des transports européens interessent de si près la cause de l'union pacifique qui Nous est si chère, que Nous ne pouvons demeurer insensible aux progrès qui résulteront, Nous l'espérons vivement, des conversations et





des études que vous poursuivez en commun dans la ville de Rome.

Il se trouve qu'aujourd'hui, 24 octobre, la liturgie romaine célèbre l'Archange Raphaël, invoqué dans l'Eglise en faveur des voyageurs. Le récit du livre de Tobie, où le messager de Dieu guide à bon port son protégé, est sans aucun doute à l'origine de cette dévotion, et Nous ne pouvons signaler cette heureuse coïncidence sans Nous réjouir que vous ayez, de ce fait, part à la prière de l'Eglise. Aussi, en formant les meilleurs voeux pour le succès de vos réunions, demandons-Nous à Dieu de favoriser vos efforts et de les conduire à bonne fin. Et comme gage de Notre bienveillance, Nous vous donnons, à vous ici présents, à vos familles, aux personnes qui vous sont chères, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


Pie XII 1957 - R AD IOM ESS AGE A UNE CONFRÉRIE EUCHARISTIQUE D'ESPAGNE