Augustin, Sermons 5044

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QUARANTE-QUATRIÈME SERMON. POUR L'ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR. X.

ANALYSE. - 1. Les Mages viennent sous la conduite de l'étoile. - 2. Comparaison entre eux et la reine de Saba, qui est allée visiter Salomon. - 3 Extravagance d Hérode. - 4. Nous devons joyeusement accourir aux pieds du Christ avec les Mages.

1. Le jour solennel de la sainte Epiphanie vient de se lever sur l'univers: le monde entier doit donc le célébrer, car un astre a dissipé, par l'éclat de ses rayons, les ténèbres où il était plongé, une étoile nouvelle a brillé aux yeux des hommes. Sous la conduite de cette étoile, les Mages sont venus d'Orient à Jérusalem; par le fait d'une révélation d'en haut, ils ont reconnu dans l'enfant celui dont ils attendaient leur salut, et ils l'ont adoré. Rien, pourtant, dans le Christ nouveau-né, ne prêtait à l'adulation: il n'était point assis sur un trône royal, il ne portait point de manteau de pourpre, sur son front ne brillait point de diadème, autour de lui, nul apparat de domestiques, point de gardes pour inspirer la crainte. Ce n'était pas non plus la gloire acquise en d'heureux combats qui avait pu attirer les Mages auprès du Christ; s'ils ont suivi l'étoile, ç'a été uniquement sous l'influence d'un sentiment de religion et de piété. Et parce qu'un Sauveur était né pour les nations, ils lui ont apporté, des extrémités de la terre, trois sortes de présents, emblèmes magnifiques de la Trinité. Un enfant, nouvellement né, était couché dans une crèche, son corps était tout petit, sa pauvreté le rendait méprisable; mais sous ces minces apparences se cachait quelque chose de grand; et cet enfant, les Mages avaient appris à le connaître, non sur un signe venu de la terre, mais d'après le langage muet du ciel; c'est pourquoi ils venaient de si loin pour lui offrir leurs hommages et le prier.

2. Une reine du Midi était venue des confins du monde; elle voulait recevoir, de la bouche de Salomon, des leçons de sagesse. Ce n'était pas la gloire de son règne qu'elle désirait connaître, c'était la lumière de l'esprit, le radieux éclat de la sagesse, qu'elle souhaitait de contempler. La sagesse qui brillait en Salomon était si grande, que le bruit s'en était répandu à d'énormes distances, et que les esprits studieux s'étaient sentis enflammés du désir d'apprendre; par conséquent, cette femme était venue à la recherche, non point d'un Dieu caché, mais d'un homme qui lui parlerait; elle était venue, non pour adorer, mais pour écouter. Qui avait donné à Salomon cette admirable connaissance de toutes choses? C'était le Christ, notre Seigneur et Sauveur, celui qui, revêtu de l'infirmité de notre chair, se cachait encore ici-bas sous les dehors d'un petit enfant, mais qui faisait déjà briller, dans le ciel, le signe radieux de son infinie majesté.

3. Le bruit de sa naissance se répand dans le ciel, parmi les étoiles, au milieu des anges; il s'étend jusqu'aux bergers, aux scribes, aux pharisiens, aux nations, aux Mages; et, par toutes ces routes à la fois, il arrive aux oreilles du roi Hérode. Celui-ci l'entend, l'épouvante le saisit. Hérode, que crains-tu? Pourquoi ton âme méchante se trouble-t-elle? Si tu veux arriver au salut, celui-là est né, qui pourra te mettre en possession du royaume de Dieu, mais qui ne saurait t'inspirer aucune jalousie parce qu'il n'est point un roi de la terre. Pourquoi te montrer cruel? A quoi bon massacrer des enfants? Pourquoi faire du mal à un âge qui n'en fait pas? Le glaive de ce Roi qui vient de naître ne sera jamais l'instrument de la méchanceté (713) et de la vengeance, mais celui de la miséricorde et de la liberté. Ce roi omnipotent sortira portant son glaive sur sa cuisse, mais ce glaive ne servira qu'à détruire l'emportement des passions; il fera triompher la virginité et la chasteté. Hé quoi, Hérode, tu tombés dans le trouble parce qu'il est né un Roi des Juifs! Et pourquoi? Son royaume n'est pas de ce monde (1). Il régnera, oui, sans doute, mais pas comme tu crains de le voir régner. Toi, tu finiras bientôt, mais «son règne», à lui, «n'aura pas de fin(2)». Pourquoi trembler d'épouvante en présence d'un vivant? Il n'y a rien à craindre; le Roi des Juifs, qui est venu au monde, ne t'enlève point ta vaine royauté. Tu crains de la perdre, cette royauté, et tu ne redoutes pas de périr toi-même! Le Christ régnera sur les Juifs, mais sur des Juifs à lui, sur des Juifs circoncis de coeur et non de corps, sur des Juifs en esprit, et non selon la lettre, sur des Juifs réels, et non fictifs. A des Juifs de ce caractère et dont il est le Roi, il prépare le royaume éternel des Juifs: tu peux arriver à posséder ce royaume, si tu le veux; mais alors tu régneras, non point sur eux, mais avec eux; tu régneras éternellement; non pas à la place du Christ, mais conjointement avec lui. Aujourd'hui, par le massacre des innocents, tu désires retenir entre tes mains les rênes de la royauté; ton crime ne t'empêchera pas de mourir, et la mort te forcera à les abandonner. Celui dont tu cherches à te débarrasser te survit en ce monde, et, quand il aura été mis à mort, il régnera sur tous les peuples. Va donc maintenant; marche, précipite-toi dans le sang d'une multitude d'enfants, afin d'arriver presque à faire mourir le seul que tu cherches. Si tu y parviens, ah! du moins tu le crois, tu régneras tranquillement. Ne crains rien, ne te trouble pas: cet enfant, que tu prétends livrer à la mort,

1. Jn 18,36 - 2. Lc 1,33

est venu pour ravir la royauté à la mort, et pas à toi. Peut-être te dis-tu: Je le tuerai, par là même je pourrai vivre. Inutile précaution! C'est là, au contraire, le moyen de mourir, ce n'est pas le moyen de s'assurer l'existence. Crois plutôt en lui, si tu veux vivre; car il est la vie, celui que tu veux faire mourir. Les Mages, étant venus, cherchent le Seigneur; Hérode le cherche aussi mais si ceux-là veulent vivre pour lui, celui-ci se propose de le faire passer de vie à trépas. L'amour guide les premiers jusqu'au berceau du Christ, et le leur fait adorer; le second voudrait en finir avec lui, mais sa fureur est déjouée; les uns, guidés par l'étoile, rencontrent le salut; l'autre, aveuglé par sa méchanceté, trouve sa propre perte; les Mages se réjouissent à voir Jésus-Christ, Hérode se consume à lui en vouloir.

4. Mes frères, prenons nous-mêmes part à la joie de tous les peuples gentils, dont les Mages ont été les prémices; ainsi éviterons-nous de périr avec les Juifs, qui ont préféré, pour leur roi, Hérode au Christ. Sans doute, on ne saurait trop flétrir la folle cruauté du roi Hérode; mais il faut s'étonner bien davantage encore de la sottise des Juifs. Ils ont découvert l'endroit où se trouvait le Christ; suivant qu'ils l'avaient appris par les écrits des Prophètes, ils ont désigné Bethléem comme le lieu de sa naissance, et, par envie, ils ont refusé de croire au Sauveur naissant, se montrant ainsi pleins de zèle pour lire et remplis de mauvaise volonté pour se soumettre à la foi. Laissons-les dans la vieillerie de la lettre; préparons-nous tous les jours à adorer, conjointement avec les Mages, Notre-Seigneur Jésus-Christ; célébrons, avec une sobriété exemplaire et saintement, cette grande solennité, afin que nous méritions, comme tous les saints, d'arriver jusqu'à notre Seigneur et Sauveur. Ainsi soit-il.




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QUARANTE-CINQUIÈME SERMON. POUR L'OCTAVE DE L'ÉPIPHANIE. SUR LE BAPTÊME DU CHRIST.

ANALYSE. - 1. Le Christ se fait baptiser pour nous amener à la pénitence. - 2. Humilité de Jean. - 3. Il voit les cieux s'ouvrir et le Saint-Esprit en descendre: comment? - 4. Le mystère de la Trinité se dévoile dans son entier. - 5. Exhortation au baptême.

1. Que Dieu se soit fait voir parmi nous; que Notre-Seigneur Jésus-Christ ait été, en même temps, Dieu et homme, et qu'en lui aient manifestement paru les prérogatives de l'un et de l'autre, c'est un fait annoncé en bien des manières par les Prophètes, et affirmé par le saint Evangile d'aujourd'hui: de là nous devons conclure que, si Dieu a daigné se faire homme, c'était afin que l'homme, perdu par son péché, pût devenir Dieu. Après avoir accompli le mystère de l'Incarnation et pris sur lui les faiblesses de notre humaine mortalité, l'Homme-Dieu nous a appris la manière d'effacer nos fautes; car il est venu demander à Jean-Baptiste le baptême de la pénitence, afin de nous procurer le salut par son propre baptême. Imitez donc et recevez le sacrement justificateur qu'a établi le Fils de Dieu. Il a fait pénitence, et, pourtant, aucune raisonne l'obligeait à la pénitence; pleurez, vous, car vous avez tout motif de verser des larmes de douleur. Il a effacé les péchés de la chair; c'est à vous de les déplorer. Il a purifié dans l'eau matérielle ce qui était sans taches; pour vous, dont 1a conscience est souillée, purifiez-la dans le torrent de vos larmes.

2. En voyant Dieu s'approcher du baptême de pénitence pour le recevoir, le vénérable Prophète fut saisi de stupeur; le trouble et l'épouvante se répandirent dans tout son être en la présence du Rédempteur. «Seigneur», s'écria-t-il, «soyez-moi propice! Ces eaux où se purifient les corps sont la piscine réservée aux pécheurs. Je baptise les serviteurs, mais je ne dois point baptiser le Maître. Je le sais, vous venez de la source des eaux célestes; pourquoi donc entacher les choses divines au contact des choses de la terre? En vous se trouvent des sources toutes pures, dont les eaux abondantes rafraîchissent les terres desséchées et communiquent la fécondité à celles qui sont stériles. O saint, si, seulement, vous m'ordonniez de m'approcher de ces eaux salutaires! si, seulement, vous daigniez en verser sur moi de vos propres mains! Purifié de mes souillures charnelles, je pourrais marcher dans le sentier du ciel, j'ignorerais les faiblesses coupables de la chair!». Néanmoins le Sauveur persiste dans son dessein; puis, voilant pour un instant sa divinité, il dit à Jean: «Fais maintenant ce que je dis, car il nous faut accomplir toute justice (Mt 3,15)». Voyez, quelle céleste réponse! Le Christ ne nie pas qu'il soit Dieu, mais parce qu'il est devenu homme, il veut accomplir tout ce qu'exigent les prescriptions de la loi. Car c'est justice qu'il reçoive ce qu'il doit donner, et qu'il imprime le sceau de la perfection à ce qu'il doit léguer à l'Eglise. Alors Jean le laissa: il ne se sépara point de lui, mais il l'abandonna à sa propre volonté, pour lui laisser faire ce qu'il désirait. Il voyait dès lors, en effet, que le baptême du Sauveur sanctifierait les eaux, et que ce bain serait, non plus celui de la pénitence, mais celui de la grâce.

3. «Aussitôt qu'il fut baptisé, Jésus sortit de l'eau, et les cieux s'ouvrirent (Mt 3,16)». Emblème de la promptitude avec laquelle devait s'opérer l'oeuvre de notre régénération, et de la facilité avec laquelle le vieil homme se changerait en homme nouveau. Jésus est baptisé, et tous les secrets mystères de l'homme se dévoilent. Les cieux s'ouvrent en présence de Jean, non pour rendre profanes les mystères célestes; mais pour rendre accessible (715) à l'homme l'entrée du paradis, fermée par nos fautes. Les cieux s'ouvrent, sans qu'il y ait scission dans les éléments, sans qu'on aperçoive la moindre déchirure, la plus petite anfractuosité dans les airs, ou que Dieu ait besoin d'en soutenir les parois... Cependant l'oeil spirituel peut apercevoir ce que l'oeil charnel ne saurait découvrir. Rempli de l'Esprit-Saint, Ezéchiel assure que les cieux se sont ouverts devant lui, et qu'il y a lu la mystérieuse signification des quatre animaux. De même en a-t-il été de saint Etienne, au moment où il a rendu un si beau témoignage à Jésus-Christ. Plein de l'Esprit-Saint, et portant ses regards vers le ciel, il a vu la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu, et il a dit: «Je vois les cieux ouverts, et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu (1)». Il a donc vu les cieux ouverts, celui qui prophétisait en l'Esprit; il a vu les cieux ouverts, celui qui confessait si ouvertement le Christ: «Et j'ai vu», dit le Précurseur, «l'Esprit de Dieu descendant du ciel comme une colombe et venant sur lui (2)», c'est-à-dire sur Notre-Seigneur Jésus-Christ. Rien d'étonnant à ce que Jean ait vu venir le Saint-Esprit, puisque, avant de naître, il a tressailli dans le sein d'Elisabeth, en présence de la mère du Sauveur, et que, dans le désert, il a ainsi annoncé le Christ: «Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers (3)». Mais, dira peut-être quelqu'un, comment a-t-on pu voir l'Esprit de Dieu, puisqu'il est invisible, incompréhensible et répandu dans tous les éléments, un Esprit qui est évidemment Dieu? Le Sauveur ne dit-il pas dans l'Evangile que «Dieu est esprit (4)?» Ce qui voit l'esprit de Dieu, c'est le coeur pur, c'est toute intelligence dont l'Esprit-Saint daigne s'approcher. Par la toute-puissance de sa divinité, et selon son bon plaisir, il pénètre dans ce coeur, dans cette intelligence; il s'y rend visible. «L'Esprit de Dieu souffle où il veut (5)»: il gouverne toutes choses, sans être gouverné par aucune; le monde entier reçoit la vie de cette âme éternelle, qui donne la connaissance du ciel et la refuse, qui a développé l'étendue des mers, qui couvre toute la terre et qui, pénétrant dans le vaste corps du monde, communique libéralement la vie à toutes les semences.

1. Ac 7,38 - 2. Mt 3,16 - 3. Mt 3 - 4. Jn 2,24 - 5. Jn 3

Car telle est la nature de la Divinité, que, partout où tu remarques le mouvement et la vie, tu dois y voir l'action de l'Esprit de Dieu.

4. Dans le baptême du Sauveur se manifestent, d'une part, le dessein secret et difficile à saisir du Saint-Esprit, et, d'autre part, le mystère tout entier de la Trinité. L'Esprit de Dieu connaissait le Verbe, et il l'avait vu se revêtir de notre humanité. Pour montrer aux hommes que sa puissance est égale à celle du Fils de Dieu, il prend donc la forme d'une colombe, bien qu'il soit d'une nature subtile et simple, que la sainteté lui appartienne en propre, et qu'il se trouve à l'abri de toute investigation. Et, pour que la Trinité apparaisse dans son entier, le Père, que personne n'a jamais vu, si ce n'est le Fils unique (1), se fait entendre et fait connaître, par son propre témoignage, le Christ que l'Esprit-Saint désigne déjà. Voici ses paroles: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis mes complaisances (2)». Admirable mystère de la puissance divine! Que les voies de l'Esprit de Dieu sont impénétrables! Il s'est revêtu des dehors d'un oiseau inoffensif; puis il est descendu du haut des cieux sur Jésus-Christ, immédiatement après son baptême; ainsi nous a-t-il montré que l'infusion du Saint-Esprit se fait dans l'âme au moment du baptême; ainsi encore a-t-il réfuté d'avance l'erreur méchante qui consisterait à dire que les paroles de Dieu le Père s'adressaient à Jean, et non à Dieu le Fils.

5. Ici, mes frères, il convient de tourner toute notre indignation contre les impies, et d'en finir avec la mauvaise foi des Juifs, qui ne croient point à la venue du Messie, quand le ciel lui-même lui rend témoignage, qui refusent de reconnaître comme Dieu celui que le Père déclare être son Fils. Aussi, mes très-chers frères, réunissons-nous dans un même sentiment de foi, et soyons tous assez fermes pour confesser Dieu le Père, et son Fils Jésus, et le Saint-Esprit, et reconnaître, en même temps, qu'ils ne forment à eux trois qu'une seule et même substance. Quant à vous, frères bien-aimés, à qui nous procurons le bonheur d'entendre les leçons de l'Apôtre, hâtez-vous de recevoir aussi le baptême. Que rien, en lui, ne vous paraisse abject; que rien, en lui, ne vous semble méprisable. Le

1. Jn 1,18- 2. Mt 3,17

716

Sauveur du monde a daigné entrer dans cette piscine; hâtez-vous donc, «du temps qu'il fait jour, dans la crainte d'être surpris par les ténèbres (1)». Si nombreuses que soient les blessures faites à vos coeurs par le péché, si hideuses que soient les taches imprimées à votre âme par vos fautes, nous les cicatriserons, nous les ferons disparaître avec l'eau vive du baptême: votre conscience y sera

1. Mt 12,35

purifiée de toutes vos anciennes iniquités, une lumière toute spirituelle y sera répandue en vous; c'est ainsi que, par mon ministère, s'accomplira parfaitement en votre personne le grand mystère de ce jour; c'est ainsi que le ciel s'ouvrira pour vous, et que je vous ferai voir le Christ, Notre-Seigneur, à qui l'honneur, la puissance et la gloire appartiennent pendant les siècles des siècles. Ainsi soit-il.




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QUARANTE-SIXIÈME SERMON. POUR LE CARÊME (1). I.

Mes bien-aimés, le Prophète, dont nous venons de lire les paroles, nous ordonne d'annoncer le jeûne, de prêcher la guérison. Il donne, mes très-chers frères, le nom de guérison au jeûne, c'est-à-dire au temps de la Quadragésime, dans lequel nous entrons. Voici donc venir le médecin; que les malades qui veulent être guéris se préparent. Ce médecin, mes amis, est un véritable homme de l'art, et il ne ressemble en rien à ces hommes qui font de la médecine, qui peuvent bien donner leurs soins aux infirmes, mais qui né sauraient donner la santé. Que dit le Prophète?

(1) Voir le premier supplément, sermon LXV.

«Annoncez le jeûne, prêchez la guérison (1)». Au mot de prédication il joint celui de guérison, afin de donner le ferme espoir de la guérison à quiconque désire revenir à la santé. Cette guérison a Dieu pour auteur, mes très-chers frères; car tous les médecins sont eux-mêmes des malades, s'ils n'ont pas encore récupéré la santé en prenant ce remède. Par conséquent, mes amis, il faut montrer à Dieu toutes ses plaies. Un mal renfermé devient dangereux: l'abcès qu'on n'ouvre pas fait doublement souffrir!

1. Jl 1,14




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QUARANTE-SEPTIÈME SERMON. POUR LE CARÈME (1). II.

ANALYSE. - 1. Le jeûne a été établi d'après l'exemple du Christ: c'est par l'abstinence que l'homme peut recouvrer ce que lui a fait perdre l'intempérance. - 2. L'exemple de Moïse lui donne un nouveau degré d'autorité. - 3. Puissance du jeûne. - 4. La vraie perfection du jeûne consiste à triompher intérieurement de la cupidité et à subvenir aux besoins des pauvres.

1. «Voici le temps favorable, voici les jours de salut (1)». Mes frères, voici les jours où, par les macérations corporelles, nous opérons le salut de nos âmes. Sans doute, nous y mortifions l'homme extérieur, mais aussi nous y vivifions l'homme intérieur. Le jeûne est, en effet, comme la nourriture de notre âme; car s'il nous impose des sacrifices, il profite d'autant à notre salut. Entre autres exemples de sanctification, notre Seigneur et Dieu, Jésus-Christ, nous a donné celui du jeûne et du carême; il a même indiqué le nombre de jours qu'il doit durer, puisqu'il a jeûné pendant quarante jours. C'est donc lui qui est l'auteur de ton jeûne, comme il sera plus tard le rémunérateur de tes mortifications. Le Rédempteur a donc jeûné l'espace de quarante jours; il est, néanmoins, de toute évidence, qu'il n'avait commis aucun péché et qu'il n'avait rien à craindre. Or, si le Dieu qui était à l'abri de toute erreur s'est dévoué à cet acte de pénitence, combien devient-il plus nécessaire à l'homme de s'y soumettre, puisqu'il est si exposé à se tromper! Et si de telles macérations ont été imposées à un innocent, avec combien plus de justice ne peut-on pas les exiger d'un coupable? En goûtant du fruit de l'arbre, en violant la loi du jeûne à laquelle il avait été soumis, Adam, le chef du genre humain, est devenu maître ès-péchés, après avoir été le maître du paradis, et, comme conséquence de sa prévarication, la mort a jeté jusque sur nous son aiguillon.

1. 2Co 6,2

(1) Ce discours est tout à fait digne de saint Augustin.

Quiconque désire vivre, doit donc aimer l'abstinence; car, vous le savez, c'est en convoitant des aliments que l'homme s'est condamné à mourir: et le rusé serpent, qui a séduit nos premiers parents en les excitant à la gourmandise, ne s'est-il pas approché du Sauveur, au moment de son jeûne, pour le tenter? Est-ce qu'il n'ose pas tout, cet audacieux? Mais en observant le jeûne, le Seigneur a confondu cet antique ennemi de l'homme, le nouvel Adam a repoussé le vainqueur du vieil Adam. O l'admirable pouvoir de l'abstinence! Par le jeûne, elle triomphe du diable, à qui la gourmandise a donné jadis la victoire.

2. On dit que Moise a de même observé un jeûne de quarante jours avant de recevoir la loi de Dieu. C'est le jeûne qui obtient la faveur des commandements divins et la grâce de les observer. Moïse s'est privé d'entretiens avec Dieu, mais il a joui de sa présence; le peuple, au contraire, en s'adonnant aux excès du boire et du manger; s'est précipité dans le culte des faux dieux, et parce qu'il n'avait cherché qu'à se rassasier, il ne chercha plus qu'à pratiquer les superstitions des Gentils.

3. Nous venons de vous le démontrer, non-seulement Jésus-Christ, mais Moïse, mais plusieurs autres, nous ont donné l'exemple du jeûne; voyons maintenant quels en sont les avantages et l'utilité. Le Sauveur parle du diable à ses disciples, et leur dit: «Ces démons et ne peuvent être chassés que par le jeûne et (718) la prière (1)». Ce possédé du diable, que les Apôtres ne pouvaient délivrer, Jésus déclare que le jeûne était capable de le rendre à lui-même; c'est pour nous le seul moyen de nous grandir par la pratique des vertus. Voyez donc, ries frères, quelle force est celle du jeûne, quelles grâces précieuses il peut procurer aux hommes, puisqu'il peut même servir de remède à d'autres! Voyez comme il sanctifie celui qui l'observe personnellement, puisqu'il est si propre à purifier ceux-là mêmes qui ne l'observent pas! C'est chose vraiment admirable, mes frères, que les mortifications de l'un deviennent profitables à l'autre.

4. Toutefois, n'allez pas vous imaginer qu'en mettant en pratique le jeûne, auquel vous vous croyez maintenant obligés, vous n'en avez pas d'autre à accomplir. Il en est un autre, bien plus parfait: c'est celui qui s'observe dans le secret du coeur; et il est d'autant plus agréable à Dieu, qu'il échappe davantage aux regards des hommes. Ce jeûne consiste à s'abstenir de toutes les convoitises que la chair soulève en nous contre l'esprit. C'est peu de nous priver d'aliments, si nous nous accordons les plaisirs du vice; ce n'est pas assez de nous tenir en garde contre la gourmandise, il faut encore nous mettre à l'abri de l'avarice, en nous montrant généreux à l'égard des pauvres. A quoi bon nous montrer sévères en fait de nourriture, si nous nous laissons encore aller à des disputes et que nous soyons indulgents pour notre caractère emporté? Par conséquent, mettons un frein à notre intempérance. de paroles,

1. Mc 9,28

comme nous en mettons à notre intempérance de bouche. Evitons avec soin les dissensions, les rixes, les iniquités, afin que ne s'applique pas à nous cette parole du Prophète: «Ce jeûne», dit le Seigneur, «n'est pas celui de mon choix: romps plutôt les liens de l'iniquité, détruis les titres d'échanges forcés, remets leurs dettes à ceux qui en sont écrasés, déchire tout contrat injuste. Partage ton pain avec celui qui a faim, fais entrer dans ta maison celui qui n'a pas d'abri. Lorsque tu vois un homme nu, couvre-le et ne méprise point la chair dont tu es formé. Alors ta lumière brillera comme l'aurore, et je te rendrai aussitôt la santé, et ta justice marchera devant toi, et tu seras environné de la gloire du Seigneur. Alors tu invoqueras le Seigneur, et il t'exaucera; à ton premier cri, le Seigneur répondra: Me voici (1)». Vous le voyez, mes très-chers frères, voilà le jeûne que le Seigneur a choisi; voilà la récompense promise par lui aux observateurs de ce jeûne. «Partage ton pain avec celui qui a faim, fais entrer dans ta maison celui qui n'a pas d'abri». Telle est donc la nature du jeûne qui plait à Dieu: c'est que, pendant ces jours, tu donnes aux indigents ce que tu te retranches; car il est digne d'une âme religieuse et croyante d'observer l'abstinence au profit, non pas de l'avarice, mais de-la charité. Ne seras-tu pas largement récompensé de tes sacrifices, si ton jeûne sert à procurer à autrui la tranquillité?

1. Is 58,6-9




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QUARANTE-HUITIÈME SERMON POUR LE CARÊME. 3.

ANALYSE. - Quel jeûne est désagréable à Dieu. - 2. Quel jeûne est celui de son choix.

1. Puisque les jours de jeûne sont arrivés, mes très-chers frères, c'est avec ration que le Prophète, dont les paroles nous ont été lues, nous enseigne la manière de jeûner, (719) d'autant plus que, suivant lui, tous les jeûnes ne sont pas agréables à Dieu. L'homme qui se propose d'observer la loi du carême doit donc prendre bien garde de ne pas rechercher en cela sa propre satisfaction, car alors ses mortifications ne feraient que déplaire au Très-Haut. En effet, qu'est-ce qu'a dit le Prophète? Le voici: «Nous avons jeûné: pourquoi n'avez-vous pas daigné regarder nos jeûnes? Nous nous sommes humiliés pourquoi l'avez-vous ignoré (1)?» Au dire du Prophète, des hommes se plaignaient de ce que le Seigneur n'avait ni fait attention à leurs jeûnes, ni remarqué leurs humiliations comme si Dieu ignorait quelque chose! N'est-il pas écrit de lui: «Il sait toutes choses, même avant qu'elles se fassent (2)?» Pourrait-il ignorer ce qui est, quand il sait même ce qui n'est pas? Mais non, mes bien-aimés; Dieu ne sait pas tout, car il est dit qu'il ignore tout ce qui n'est pas digne d'être connu; par conséquent, tout ce qui est mauvais et injuste, on dit que Dieu ne le sait point, parce que cela ne mérite pas qu'il le connaisse. C'est pourquoi le Prophète dit encore plus loin: «Vous suivez votre propre volonté dans les jours de jeûne, vous exigez durement ce qui vous est dû, vous suscitez des procès et à des querelles (3)». Vous le voyez donc, mes bien-aimés: ce sont, non pas les jeûnes en eux-mêmes, mais les oeuvres des jeûneurs qui déplaisent à Dieu. «Par vos jeûnes, vous suscitez des procès et des querelles». O homme, à quoi bon jeûner, si les jeûnes ont lieu au milieu des procès, des discordes et des rixes? Il te serait peu utile d'observer corporellement l'abstinence, si ton âme s'enivre d'iniquité. Pourquoi, dit le Prophète, exaspérer ceux qui dépendent de vous? Pourquoi torturer les petits par des luttes incessantes? Considérez, oui, considérez vous-mêmes, mes très-chers frères, quel est ce jeûne qui donne faim et n'empêche nullement de frapper, qui éprouve le corps par l'abstinence et laisse se perpétrer l'assassinat, qui refuse tout aliment à l'estomac et permet aux mains de se rougir dans le sang des autres. Aussi Dieu ajoute-t-il, avec un extrême à-propos, ces paroles: «Pourquoi jeûnez-vous pour moi?» En d'autres termes: Pourquoi jeûner pour moi, et vous réserver des chicanes?

1. Is 58,3 - 2. Da 13,42 - 3. Is 58,3-4

719

Pourquoi avoir l'air de me servir par vos mortifications, puisque vos discordes sont pour moi une injure? Et de fait, mes amis, c'est peu d'offrir à Dieu ses macérations à titre d'hommage, si on lui fait injure en l'offensant. Comment! j'insulte, moi qui ne dis rien? Toute oeuvre mauvaise est une injure jetée à la face de Dieu; c'est pourquoi, comme vous l'avez entendu, le Seigneur s'exprime ainsi par la bouche de son Prophète: «Ce jeûne-là n'est pas de mon choix; lors même que tu courberais ta tête comme un roseau fragile, jamais on ne pourra dire que ton jeûne m'est agréable (1)». Que cette parole est juste! car c'est peu de courber la tête, si l'esprit n'est pas humble. Homme orgueilleux, à quoi bon baisser la tête devant Dieu en signe d'adoration, quand tu te renfles pour jeter un regard plus hautain sur les petits et les indigents? Ah! tu te trompes; oui, qui que tu sois, tu te trompes étrangement. Comment? Tu crois honorer Dieu, quand, dans la personne de ton semblable, tu méprises son image?

2. Ce n'est pas sans raison que le Seigneur a dit: «Ce jeûne-là n'est pas de mon choix; «romps plutôt tous les liens de l'iniquité (2)». Brise chez tes semblables tous les liens de l'iniquité. Il ordonne donc à l'homme de se délier lui-même, quand il lui commande de briser les liens de l'iniquité, parce que s'il resserre tous ces liens, il s'enchaîne le premier. Ainsi, je ne consens pas à ce que tu fasses plus de bien aux autres qu'à toi. Crois-moi: si tu ne délies pas autrui, tu seras toi-même enchaîné. «Déchire», dit l'Ecriture, «les titres de ventes forcées; détruis tout contrat injuste». Ici, mes bien-aimés, il est question de l'avarice, c'est-à-dire de la cupidité: oui, il faut déchirer tout contrat de vente extorqué par la violence, toute hypothèque injustement prise; il faut effacer toutes les lettres compromettantes pour le salut de l'homme. Mieux vaut qu'une hypothèque devienne nulle et qu'une âme ne devienne pas vicieuse. Mieux vaut apaiser Dieu par le jeûne, les aumônes et l'empressement à recevoir les étrangers. Personne, en effet, n'étant pur de toute faute, il est plus facile d'obtenir son pardon quand on a, pour prier avec soi, un grand nombre d'intercesseurs.

1. Is 58,5 - 2. Is 58,6

720




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QUARANTE-NEUVIÈME SERMON. POUR LES RAMEAUX. I.

ANALYSE. - 1. A l'approche de Pâques, il faut se débarrasser de tout sentiment de bain et purifier son coeur, afin de recevoir saintement Jésus-Christ. - 2. Pourquoi l'on porte des rameaux à la main. - 3. Le bien une fois entrepris; on doit y persévérer courageusement.

1. Mes frères bien-aimés, toutes les fois que vous vous réunissez dans l'église, il est juste que nous fassions retentir à vos oreilles la parole de Dieu; mais la nécessité de le faire est, en ces jours-ci, plus pressante que jamais. Oui, c'est pour nous un devoir de porter aujourd'hui la parole sainte et d'engager votre fraternité à se débarrasser de tous soins temporels, pour vaquer uniquement à l'accomplissement des préceptes du Seigneur. Nos livres sacrés nous disent, en effet, que vous devez solenniser les jours qui vont s'écouler: et voici de quelle manière il nous faudra les observer: nous aurons soin de n'avoir ni haine ni colère contre aucun de nos frères qui adorent avec nous un seul Dieu, dans la crainte de voir s'appliquer à nous ce passage de l'Ecriture: «Quiconque hait son frère est un homicide (1)». Et si, à la fête de Pâques, nous voulons recevoir le corps du Seigneur, nous tiendrons notre corps et notre âme à l'abri de toute avarice, de toute luxure, de toute colère, de toute haine, de tout discours honteux, de tout péché; ainsi nous préparerons-nous à recevoir le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour notre profit et non à notre détriment; car l'Apôtre a dit: «Quiconque mange indignement le corps du Seigneur et boit indignement son sang, boit et mange sa propre condamnation (2)». Vous le savez, mes frères, si l'un d'entre vous devait aujourd'hui recevoir dans sa maison son supérieur temporel, avec quel empressement il se hâterait d'en faire disparaître toutes les saletés, toutes les ordures, toutes les choses inconvenantes, afin qu'à

1. Jn 3,15 -2. 1Co 11,29

l'arrivée de ce supérieur tout y fût propre et décent. Or, si nous voulons faire à ce supérieur, qui ne peut nous nuire ou nous être utile que pour un temps, la réception digne et révérencieuse dont nous avons parlé, à bien plus forte raison devons-nous prendre de la peine et embellir notre corps et notre âme par la pratique constante des veilles, de la prière et de l'aumône, pour recevoir dans un coeur pur et un corps chaste le corps de Jésus-Christ, notre éternel Seigneur, qui peut, dans le siècle futur, nous être utile ou nuisible d'une manière inimaginable.

2. Enfin, il faut que vous sachiez tous d'où nous vient l'habitude de porter aujourd'hui à notre main des branches d'olivier et des palmes. Cette coutume date certainement des temps antiques. Quand un roi devait aller trouver un autre roi, lorsqu'un grand de la terre se proposait de visiter un puissant personnage, pour traiter avec lui, non de la guerre, mais de la paix, il ordonnait qu'on portât devant lui des, branches d'oliviers. Dans nos livres saints, on désigne cet arbre comme l'emblème de la paix: à la vue de ces branches, le roi ou le personnage puissant pouvait savoir d'avance que celui qui s'approchait ainsi précédé ne venait point dans des intentions hostiles, mais avec la volonté de faire la paix. Cette coutume avait, parfois encore, une autre cause. Si, après avoir déclaré la guerre à ses ennemis, et avec l'aide miséricordieux du Très-Haut, remporté sur eux la victoire, un roi revenait dans son pays, on portait des palmes devant lui, afin qu'à leur vue on pût comprendre qu'il avait triomphé de tous ses adversaires. C'est pour (721) deux motifs semblables que nous portons aussi, dans nos mains, des rameaux d'oliviers et des palmes. Nous portons des rameaux d'oliviers pour montrer que nous avons la paix avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont nous nous préparons à recevoir bientôt le corps. Nous portons aussi des palmes, pour faire voir que nous avons triomphé du diable, à qui nous avons dû livrer une grande bataille pendant ce carême. Chacun de nous, frères bien-aimés, doit soigneusement s'examiner pour savoir s'il a réellement fait la paix avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, et s'il a vraiment remporté là victoire sur le démon, avec qui nous avons dû combattre sérieusement. Celui-là a fait sa paix avec le Sauveur et triomphé du diable, qui, après avoir offensé Dieu dans le cours de cette année, a effacé ses fautes pendant le carême, en priant, en se livrant fréquemment aux veilles, en mortifiant son corps par de longs jeûnes, en donnant aux pauvres les aliments dont il se privait lui-même. Evidemment, le jeûne devient inutile si, avec la valeur de la nourriture dont on se prive, on flatte son propre corps au lieu de subvenir aux besoins des indigents; car il est de toute justice que les pauvres trouvent leur soulagement corporel dans les épargnes faites sur notre propre entretien. Mais quiconque a, pendant cette quarantaine, souillé son corps du péché de luxure, refusé de donner aux pauvres quelque chose de son bien, entretenu en son coeur le feu de l'envie, négligé de s'adonner aux veilles et à la prière, employé la fraude pour dérober ce qui appartient à autrui, celui-là n'a certainement pas la paix avec Dieu; il n'a pas, non plus, triomphé du diable, parce qu'il n'a pas mis sa volonté à l'unisson de celle de Dieu et qu'il a, au contraire, courbé la tête en toute circonstance devant l'esprit malin.

3. Mes très-chers frères, si, dès le commencement de cette sainte quarantaine, vous vous êtes adonnés aux bonnes oeuvres, je vous engage à vous y adonner aujourd'hui avec plus de zèle encore; ingéniez-vous à obéir à Dieu en toutes choses, car personne ne peut lui plaire, après avoir bien commencé, qu'à la condition de persévérer jusqu'à la fin dans la voie de la vertu où il s'est une fois engagé. Mettez donc toute votre attention et tous vos soins, frères bien-aimés, à jeûner et à faire des aumônes, à vaquer à l'oraison et à toutes sortes de bonnes oeuvres, à rendre bien vite au prochain ce que, dans un mauvais moment, vous auriez pu lui ravir, imitant en cela l'exemple de Zachée, qui, par amour pour Dieu, rendait au quadruple ce dont il pouvait avoir fait tort aux autres. Au temps voulu, donnez généreusement et de bon coeur la dîme et les prémices, et si quelqu'un vous a offensés, pardonnez-lui sa faute pour l'amour de Dieu; en agissant ainsi, vous pourrez chanter l'oraison dominicale, non pour votre condamnation, mais pour votre salut. Montrez-vous, autant que possible, riches en toutes sortes de bonnes oeuvres; et, quand viendra la solennité de Pâques, votre corps sera pur, votre âme sera chaste pour recevoir le corps et le sang du Sauveur, et vous mériterez d'entrer dans la gloire éternelle, dont la fête de Pâques est l'emblème. Puissiez-vous recevoir cette grâce de celui qui vit et règne, avec le Père et le Saint Esprit, dans les siècles des siècles! Ainsi soit-il.

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Augustin, Sermons 5044