Catéchèses Paul VI 23377

23 mars 1977: LA PÉNITENCE, SACREMENT DE LA RÉSURRECTION ET DE LA PAIX

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Chers Fils et Filles,



La proximité de Pâques nous invite à un devoir caractéristique de la participation de chaque fidèle à la célébration de la grande fête de la Rédemption : le devoir de se confesser, c’est-à-dire de s’approcher du Sacrement de la Pénitence, personnellement et sincèrement, s’accusant de ses péchés avec un sincère repentir et la ferme intention de s’amender. Ceci est une importante loi de l’Eglise, et elle est toujours en vigueur; une loi difficile, mais salutaire, sage et libératrice ; une loi dont l’observance se heurte aujourd’hui à deux genres d’obstacles : l’un, pratique et extrinsèque, est celui dé trouver les circonstances favorables à l’accomplissement de ce devoir ; l’autre, psychologique et intrinsèque, celui de formuler au fond de sa propre conscience le concept du péché, c’est-à-dire de ses propres péchés et d’avoir le courage de les avouer — même sous le sceau du secret le plus absolu — à un prêtre, c’est-à-dire à un ministre autorisé par l’Eglise à les absoudre et à imposer la pénitence qu’ils réclament.

Mais nous sommes obligés de constater un manque progressif d’observance de cette pratique sacramentelle, avec de nombreux et importants reculs dans la fidélité et dans la vivacité de la vie chrétienne et de la conscience de la vie ecclésiale. Il en découle de graves appréhensions pour tous ceux, ministres ou simples fidèles, qui aiment la réalité mystico-sociologique du mystère de notre insertion dans le Christ, le mystère de la grâce, le mystère de notre salut. Que l’homme ait encore et toujours besoin du sacrement de la Pénitence ce n’est pas seulement le droit canon qui l’affirme (cf.
CIS 906) ; nous le constatons aussi dans le fait que nous sommes moins conscients de cette régénération profonde que le baptême accomplit en nous et qui nous oblige, en conséquence, d’adopter un style de vertus morales original, cohérent et supérieur ; nous en avons une preuve également dans l’expérience des avantages spirituels que, la confession assure à l’âme qui veut être forte et fidèle dans la profession et sa propre religion, spécialement lorsqu’un sage recours à ce sacrement accompagne le développement et le déroulement de l’existence vécue (cf. A. Manzoni, la Moralità Cattolica, 1 ch. VIII).

Ceci est une simple constatation et non pas une entrée en matière pour faire l’apologie de la Confession sacramentelle. Une apologie qui peut être extrêmement étendue si elle est étudiée au point de vue historique ; qui peut être des plus fécondes si l’on utilise les développements mêmes des études, scientifiques ou littéraires, de la psychologie de l’homme moderne ; qui peut être profondément consolante pour tous ceux qui se rendent compte qu’une enquête honnête et objective concernant les racines intérieures de l’agir humain ne peut qu’aboutir à un pessimisme désolé et même désespéré au sujet de l’inaptitude de l’homme à la pratique d’une vertu authentique et stable. Qu’il nous suffise de dire que cette apologie est possible et facile pour ceux qui se rappellent les paroles que le Christ ressuscité proclama le soir même de sa résurrection, lorsqu’il apparut à ses disciples réunis dans le Cénacle : « La paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Cela dit, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, il leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20,21-23). Le sacrement de la Pénitence, ainsi institué, se révéla immédiatement comme sacrement de la résurrection des âmes mortes, comme sacrement des âmes revivifiées, comme sacrement de la vie, de la paix, de la joie.

Qu’il nous suffise d’exhorter les prêtres, nos Frères, habilités à l’administration du Sacrement de la Pénitence, à donner à l’exercice pastoral qu’il permet et renforce, toute l’importance qu’il requiert, l’estime, le culte, l’esprit de sagesse et de sacrifice qu’il mérite ; la Confession est le sacrement thérapeutique par excellence, le sacrement pédagogique pour la formation chrétienne à tous les niveaux (cf. le périodique Seminarium, n. 3, 1973).

Puis, nous exhortons tous les fidèles à purifier leur âme de toute méfiance que la discipline sacramentelle en vigueur peut susciter pour son exercice pratique. Si, dans certains cas particuliers l’Eglise autorise l’absolution collective, rappelez-vous que cette faculté a un caractère exceptionnel, qu’elle ne dispense pas de la confession personnelle et qu’elle ne veut pas priver le pénitent des avantages qu’elle comporte: école de sagesse morale, la confession entraîne l’esprit à distinguer le bien du mal; arène d’énergie spirituelle, elle exerce la volonté à la cohérence, à la vertu positive, au devoir difficile; dialogue sur la perfection chrétienne, elle aide les fidèles à découvrir leur propre vocation à en corroborer les perspectives par la fidélité et par le progrès vers la sanctification, la leur et celle d’autrui. Puisse la fête de Pâques toute proche apporter à chacun de vous le bonheur de la célébrer par une bonne confession. Avec la Communion, elle est le grand don de Pâques (cf. le toujours actuel Catechismus ex Decreta Concilii Tridentini ad Parochos, De Poenit. Sacramento ; et les récentes Normae pastorales circa absolutionem sacramentalent generali modo impertiendam, de la S. Congrégation pour la Doctrine de la, Foi, CDF 12, 16 VI, 1972, AAS vol. LXIV, 1972, p. 510 et ss.).

Avec notre Bénédiction Apostolique.





30 mars 1977: PAR LA CROIX J’ATTIRERAI TOUS LES HOMMES A MOI

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Chers Fils et Filles,



Une fois encore, la notation du temps nous conduit à la fête de Pâques. Celle-ci entraîne un double jugement; d’abord celui que le monde, invité à être spectateur de la Passion du Christ, et de la Résurrection qui l’a suivie, donnera du protagoniste du drame messianique, c’est-à-dire de Jésus lui-même. Qui est, qui était ce personnage qu’à un tournant décisif de son procès, le Procureur Romain, Pilate, présenta, sous un émouvant aspect, à la foule amassée, devant le prétoire, avec ces paroles fatidiques : « Voici l’homme » (
Jn 19,5). Et l’homme était Jésus ; il venait d’être flagellé, et Celui qui s’était dit Roi des Juifs avait été, par cruelle dérision, couronné d’épines et couvert d’un manteau de pourpre. Pilate voulait apitoyer le peuple et il clama bien fort : « Voyez, je vous l’amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve aucune faute en lui ». Vous savez quel accueil les grands prêtres et les gardes réservèrent à cette apparition : « à la croix, à la croix ! ». Et, après une nouvelle phase du procès, ce sera le sort de Jésus : la croix. Le monde est saisi d’épouvanté devant la victime désormais promise à l’infâme supplice de la croix.

Cette croix qu’il avait prédite lui-même, ajoutant un commentaire qui est un autre jugement, celui que le condamné aurait porté sur le monde en train de contempler la scène de sa crucifixion : « Mais, quand je serai élevé de la terre (allusion au genre de mort que serait la sienne), j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12,32). Voilà le monde attiré, fasciné par le divin Crucifié. Il émane de lui un charme mystérieux qui entraîne vers lui toute l’humanité croyante. Autour de la Croix du Christ se pressent des hommes nouveaux. C’est Saint Paul qui nous le dit, trouvant dans cette paradoxale convergence vers le Christ Crucifié le signe caractéristique de la nouvelle, et finalement vraie religion : « Pour moi, frères, quand je suis venu parmi vous... je n’ai rien voulu savoir sinon Jésus Christ, et Jésus Crucifié » (1Co 2,2 Ga 6,14).

Maintenant, c’est sur cet aspect de notre vie religieuse et chrétienne qui trouve son pivot dans la croix du Christ, qu’il nous faudra fixer l’attention, spécialement dans la commémoration pascale : comment se peut-il que la science de la Croix (comme l’appelèrent les Saints) ait un tel pouvoir de faire converger sur la mort du Christ — et quelle mort — la substance même de sa doctrine et de sa mission, au point d’obliger quiconque veut être son disciple à la connaître et à la vivre ? Comment le drame d’une mort peut-il devenir en soi et pour nous un mystère de vie ?

Quel bonheur si nous trouvons la clé qui nous donne l’accès à ce royaume de l’économie chrétienne, c’est-à-dire au plan de notre salut, dans la révélation de l’Amour de Dieu pour nous : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3,16). Que ce suprême dessein d’Amour se réfère au Christ lui-même venu pour le confirmer : « Le Fils de Dieu m’a aimé et il s’est livré pour moi » (Ga 2,20 Rm 8,37).

Voilà tout, et nous n’en dirons pas plus en ce moment. Mais cela suffit pour rester éblouis, par le mystère de la Croix en elle-même et pour accueillir le destin de l’Amour, rapporté à nous-mêmes, à chacun de nous personnellement : comment répond-on à l’Amour ? Puisse la célébration pascale nous en enseigner le moyen et nous donner l’énergie nécessaire pour y répondre comme il se doit. « Qui nous séparera jamais de l’amour du Christ ? » (Rm 8,35).

Amen ! avec notre Bénédiction Apostolique.

***

Un groupe important d’élèves de l’enseignement catholique de Strasbourg est présent ici, ce matin, avec des professeurs et de nombreux parents. Merci de votre visite, chers Fils et chères Filles. Tous les ans, Nous avons la joie d’accueillir votre pèlerinage, vos amis qui viennent à Rome étendre leur culture et fortifier leur amour de l’Eglise. Mais tette année Nous recevrons plusieurs fois l’Alsace, puisque votre Evêque et son Auxiliaire vont venir Nous parler du diocèse, de leurs réalisations et de leurs projets. De ce diocèse, vous êtes un peu l’avenir! Demain, c’est vous qui aurez a prendre des responsabilités dans les communautés chrétiennes. Des aujourd’hui, pourtant, vous avez un rôle a jouer dans le monde des jeunes, car vous aussi devez évangéliser par vos paroles et par l’exemple de vos vies. Notre souhait est donc celui-ci: préparez- vous les mieux possible pour votre tâche future, grâce a la formation solide que vous donnent familles et éducateurs; soyez des chrétiens courageux, soucieux d’approfondir leur foi; et en même temps n’oubliez pas que votre mission commence des maintenant, qu’elle est même déjà commencée. A tous, nos voeux et notre Bénédiction, et une prière spéciale a l’intention de ceux parmi vous qui éprouvent des troubles de la vue, afin que le Seigneur, qui est Lumière, Vérité et Vie, se laisse contempler et saisir par eux dans toute sa beauté et dans tout son Amour.




6 avril 1977: ENTENDRE LA PAROLE DE DIEU ET S’EN NOURRIR

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Chers Fils et Filles,



Une invitation que la sainte liturgie du Carême nous a fait répéter maintes fois, est exprimée ainsi : « Si vous entendez sa voix (Seigneur), ne durcissez pas vos coeurs ». C’est l’Eglise qui parle, prenant à son compte l’exhortation du Psalmiste, David ; une exhortation qui se répète dans l’Ecriture Sainte, tant à cause de l’importance de ce qu’elle entend annoncer que de l’indifférence avec laquelle une grande partie du Peuple élu accueille l’annonce (cf.
Ex 19,5 Pr 1,20-21 etc.). On remarque que la Bible insiste vivement pour se faire entendre, pour se faire comprendre (Ps 33,12 Ps 49,7). Et l’on voit que le sort des hommes dépend de l’attention qu’ils prêtent à la voix divine ; et l’on voit aussi, par contre, que les hommes, même ceux qui vivent dans l’économie du salut, se montrent réticents à accueillir l’invitation religieuse et paraissent presque en craindre l’enchantement et l’autorité.

Dieu parle. Qui l’écoute ? Lorsqu’on étudie ce fait, duquel dépend notre libre réponse et par conséquent notre salut, on note souvent dans l’art mystérieux de la révélation divine une manière particulière de langage, un langage formulé en mots simples et communs (Pensez aux paraboles de l’Evangile, cf. Mt 13,14 et ss. ; 13, 35). Sous leur sens figuré, ils cachent et en même temps révèlent une pensée plus profonde que les hommes ne comprennent pas tous, parce qu’ils ne se donnent pas tous la peine de la sonder et d’en cueillir le sens véritable et intime. Cette ambiguïté est également une méthode voulue par l’Auteur de la Parole divine, parfaitement cohérente avec la liberté humaine : comprendra qui veut comprendre. Certes la révélation nous est transmise dans sa formulation exacte, mais elle est enfermée dans un écrin de termes (p. ex. la parabole), des termes qui ont une signification par eux-mêmes mais nous sont confiés afin que notre esprit, et principalement notre bonne volonté sachent y découvrir la voix intime, profonde, authentique du Seigneur.

L’homme reste libre également sur le plan de la révélation divine ; il doit faire ce qu’il peut pour venir en contact avec la Pensée divine. La voix divine résonne ; la comprend qui veut la comprendre. Un phénomène naturel, que plus personne n’ignore aujourd’hui, celui de la Radio, nous fournit une image de cette Loi du sens mystérieux de la conversation divine. Pensez à l’immensité des voix extrêmement diverses qui remplissent l’atmosphère. Seuls s’en rendent compte ceux qui, disposant d’un appareil adéquat, savent détecter ces voix qui, autrement, seraient vaines ; et les comprennent seulement ceux qui savent mettre leur propre appareil en état de les recevoir.

L’analogie convient à notre cas. Le grand mystère de la Rédemption nous est transmis de manière impressionnante par le rite liturgique : qui l’accueille ? et parmi ceux qui reçoivent ainsi la présentation rituelle et évocatrice de l’histoire évangélique, combien y en a-t-il qui en saisissent le sens théologique, réel, actuel ? Bien plus, parmi ceux-là, combien comprennent le mystère présent, actualisé par la liturgie ? Combien l’appliquent vraiment à eux-mêmes ? (cf. He 3,7 et ss. ; He 4,2 et ss.). Notre bref discours veut être une cordiale invitation : D’abord, à participer aux cérémonies de la Semaine Sainte dont l’intention est de se faire comme la voix du Christ qui nous rappelle, nous explique, nous offre la participation au mystère de la Rédemption : si aujourd’hui cette voix se fait entendre à nos coeurs, que ceux-ci ne restent pas fermés et indifférents à la loi divine. Deuxièmement, à faire un effort pour comprendre au moins quelque chose de ces rites qui, enchâssés dans des cérémonies traditionnelles et dans une langue latine peuvent rester, comme des manuscrits antiques, impénétrables à notre intelligence. Pourtant il existe aujourd’hui suffisamment de documentation explicative pour ceux qui désirent vraiment en comprendre le sens et en saisir la force. Et troisièmement, une invitation à chacun d’appliquer à soi-même le drame divin de Jésus, à le revivre dans son propre coeur, à en écouter l’accent ineffable, à y consacrer un humble et généreux acte de bonne volonté. Qui sait ce que Jésus sacrifié et ressuscité veut de chacun de nous ?

A ce secret individuel s’adressent notre bénédiction et nos voeux, avec pour tous nos souhaits de « Bonnes Pâques ! ».

***

Nous ne pouvons pas adresser un mot particulier a chacun des groupes ici présents, et Nous le regrettons. A tous, Nous souhaitons renouveau et joie spirituels, en vous invitant à contempler l’amour du Christ dans sa Passion et la force de sa Résurrection, à vous insérer aussi dans cette immense famille de croyants rassemblés ces jours-ci à Rome.

Nous saluons spécialement les trois mille étudiants réunis par l’Institut pour la Coopération internationale, à l’occasion de leur rencontre annuelle. Chers amis, Nous vous félicitons de vouloir «fonder le futur» - tel est votre thème - sur des bases solides, éprouvées, généreuses et lucides! Il y a dans l’homme un certain nombre d’exigences pour son développement intégral, qui sont autant de repères imprescriptibles sur le chemin que vous voulez tracer. Prenez bien votre part de responsabilité dans un monde étudiant qui connaît tant de fièvres, mais trop peu de constructions positives. Aucune idéologie ne doit vous asservir, ni vous faire perdre le sens de la justice, de la vérité, de l’amour universel, de la solidarité soucieuse du bien commun de toutes les classes sociales, sans lesquelles il serait vain d’attendre quelque progrès durable. Ceux qui ont foi dans le Christ savent que sa vérité libère (Cfr. Jn 8,32), et que sa charte d’amour permet de construire sur le roc (Cfr. Mt 7,24).

N’oubliez pas non plus que le service de la société, votre profession de demain, requièrent une compétence profonde, et donc une culture approfondie, des études spécialisées sérieuses: c’est une question de loyauté. Méritez la confiance qu’on met en vous.

Enfin le futur ne peut ignorer ses racines: puissiez-vous découvrir ici, dans l’art et dans l’histoire de la Rome chrétienne, les témoignages stimulants de ceux qui ont su mettre, ou plutôt accueillir, la beauté, la charité, la foi, la sainteté, au coeur de leur existence et de leurs projets ! Ecoutez leurs appels permanents, pour votre bonheur, pour votre salut, pour celui de vos frères. Avec notre cordiale Bénédiction Apostolique.




13 avril 1977: QUE NOUS VIVIONS, NOUS AUSSI, DANS UNE VIE NOUVELLE !

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Chers Fils et Filles,



Etre chrétien : quelle signification cela a-t-il ? La première signification, première par ancienneté et par importance, vient du fait que nous avons été rendus dignes de porter ce nom, non pas comme une simple qualification sociologique (cf.
Ac 11,26), mais comme un rapport vital avec le Christ, une entrée dans le Royaume de Dieu. Jésus lui-même l’a enseigné à un premier notable, d’abord timide, mais ensuite adepte fidèle de sa prédication et de son influence messianique, Nicodème « ... à moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer au Royaume de Dieu » (Jn 3,5). C’est ainsi que fut annoncé ce signe sacramentel novateur, le Baptême. Puis, sitôt après la descente du Saint-Esprit, après la Pentecôte, ce sera là le premier acte extérieur, accompagné toutefois de l’expression intérieure de sentiments de foi et de pénitence, qui sera demandé et conféré aux premiers disciples de la prédication apostolique (Ac 2,38 Ac 3,19-4,4) ; et aussitôt ce rite indispensable et caractéristique est déclaré en liaison avec la passion du Seigneur, avec sa résurrection (Rm 3,3, etc.). La première relation, essentielle et vitale, de notre vie, nous est établie au moyen du Baptême : « Le Christ, notre Pâque, a été immolé ! » s’exclame Saint Paul, réaffirmant presque le canon fondamental de la religion qui, dans le Christ, précisément prend son origine et son nom.

Ce fait a un tel relief dans le domaine de notre foi que nous ferions bien de lui consacrer une toute particulière réflexion, si nous voulons que la fête de Pâques qui vient d’être célébrée ne passe pas comme tout autre jour, comme n’importe quelle fête, sans laisser de traces dans notre manière de concevoir la vie chrétienne.

Nous nous contenterons, en ce moment de rappeler le double symbolisme du rite baptismal dont le sens nous introduit dans la signification théologique, c’est-à-dire essentielle, du sacrement. D’abord : le Baptême est un bain. Mais pourquoi un nouveau-né, et même toute créature humaine ont-ils besoin d’être purifiés pour être admis au Royaume de Dieu ? pour être appelés chrétiens ? Et c’est ici que se présente la grande histoire du péché originel, un péché qui fut proprement tel dans Adam et qui, par triste héritage, passa à tout le genre humain, non pas comme faute personnelle, mais comme état personnel et propre de tout fils d’Adam, incapable de se racheter de lui-même des conséquences fatales de péché du premier homme (cf. S. Ign. Ad Romanos, 5 ; Denz.-Schôn., DS 621). Ceci est un point capital dans le plan religieux du christianisme et de toute l’humanité. Il s’en déduit et la nécessité de la Rédemption et la fortune suprême qui nous est concédée au moyen de la purification baptismale.

Et, second symbolisme du Baptême : la participation mystique à la mort et à la résurrection du Seigneur. Relisons Saint Paul : « Ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts pour la gloire du Père, nous vivions, nous aussi, dans une vie nouvelle. Car si c’est un même être avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable » (Rm 6,3-5). Au IV° siècle, Saint Cyrille (313-387), Evêque de Jérusalem, explique la doctrine de manière encore plus ample : il fut un admirable pionnier de la catéchèse ecclésiastique systématique qui, d’ailleurs avait déjà eu ses maîtres antérieurement (cf. Prat, Théologie de Saint Paul, II, 306 et ss.). Nous ne pouvons manquer de citer Saint Ambroise en particulier (De Sacramentis et De Mysteriis, O. Faller, 1955).

Ceci pour dire qu’une conception chrétienne de la vie ne peut manquer d’être imprégnée de l’enseignement de notre foi au sujet de notre Pâque. Pâque, c’est le Christ immolé pour nous et qui nous est communiqué par le sacrement régénérateur qu’est notre Baptême. Ne l’oublions jamais !

Avec notre Bénédiction Apostolique.

***

A vous aussi, jeunes gens de Belgique, notre Salut spécial et notre merci pour votre Visite empressée! Dans la foulée de vos devanciers, vous avez la joie d’accomplir le 25e Pèlerinage Militaire Belge au centre de l’Unite Catholique. Nous vous félicitons pour ces 25 ans de fidélité, et Nous félicitons vos Responsables et vos Familles, si heureux de vous accompagner.

Nous vous encourageons très vivement a être - aujourd’hui même dans votre Situation particulière et demain, dans vos responsabilités familiales, civiques et professionnelles, - le levain nouveau dont parle souvent la liturgie Pascale. Le monde a un besoin urgent de votre fermeté dans la foi, de votre sens aigu des valeurs humaines et évangéliques, de votre amitié universelle - Nous disons plus - de votre amour puise dans le coeur du Christ mort et ressuscite! Courage, chers Jeunes ! Et confiance dans le Seigneur! Avec Notre Bénédiction Apostolique!




20 avril 1977: VIVRE L’AUJOURD’HUI DE DIEU

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Chers Fils et Filles,



Le temps liturgique nous conduit à poursuivre notre réflexion sur le mystère pascal, sous l’aspect multiple de notre participation au Christ. Jésus a accompli l’oeuvre de rédemption. Sa célébration sacramentelle liturgique et morale que nous avons évoquée et, de certaine manière (sacramentelle, pénitentielle, dévotionnelle), revécue, tend à laisser quelque trace profonde dans notre esprit et dans nos moeurs. La vie chrétienne se caractérise par un effort continu de renouvellement et de perfectionnement : l’homme intérieur qui vit en nous, tend à se renouveler « de die in diem », de jour en jour (
Col 4,16). Alors se pose une question qui engage notre conduite : cette résolution de perfectionnement continuel agit-elle efficacement en nous ? ou bien retombe-t-elle aussitôt dans le commun d’une vie qui nous plonge dans la médiocrité coutumière ? Et aussitôt domine en nous un style de vie qui non seulement renonce à se modeler sur l’exemple et sur l’enseignement du Christ, mais qui cherche également à se soustraire à l’engagement que la célébration pascale nous a fait éprouver dans le secret de notre conscience comme logique, comme urgent : l’engagement d’être authentiquement chrétiens. Et nous nous disons à nous-mêmes que nous voulons être comme les autres, comme l’un de ces individus frappés en série par la société permissive. Parfois même, un instinct tentateur voudrait nous affranchir des formes trop régulières de notre manière d’être et nous faire expérimenter quelque geste audacieux et anticonformiste de libre conduite.

C’est la mode aujourd’hui ; et un essaim de stimulations, de provocations nous assaille de toutes parts pour ranimer en nous les passions endormies ou inquiètes qui semblent ainsi réclamer, comme un droit naturel, celui de se laisser aller à des expériences qu’un juste sentiment moral nous dit coupables. Il y a même une tendance qui, partant de chaires autorisées et de moeurs relâchées voudrait vaincre les scrupules des consciences sensibles en les mithridatisant, c’est-à-dire en les accoutumant progressivement à la violation de la loi morale.

Et cela, ce n’est pas chrétien, pour ne pas dire que ce n’est pas humain ; cela n’est pas logique.

Il faut au contraire que nous nous rappelions toujours deux ordres de vérités qui font partie des principes fondamentaux de notre manière correcte de penser et donc d’agir. Le premier découle de la connaissance que notre anthropologie, c’est-à-dire notre science de l’homme, éclairée par la foi et, en partie, confirmée par notre douloureuse expérience, nous enseigne : c’est-à-dire que nous savons que l’homme est un être dans lequel a pénétré un désordre que nous pouvons définir perturbateur de son dessein constitutionnel (cf. Rm 7,15) et que l’on prétend souvent inexistant, sinon pour cause de coercition anti-pédagogique ; opinion délétère encore en vogue aujourd’hui.

L’autre ordre de vérités nous fait voir une sorte de dédoublement de notre nature humaine sur laquelle la pensée ineffable de Dieu, que nous communique la foi, a superposé une « surnature », un « homme nouveau » qui rend au « vieil homme » un visage purifié d’où a été effacée la déformation du péché, même si n’a pas été supprimée la faiblesse qui rend le péché toujours possible. Mais, en outre, a été imprimée l’image nouvelle d’un homme régénéré, élevé à la filiation adoptive de Dieu, associé à une fraternité qui devient coexistence avec le Christ, et animé par le souffle vital divin que nous appelons la grâce et que nous attribuons à l’Esprit Saint.

Voilà pourquoi le concept d’une vie immaculée, c’est-à-dire pure, simple, belle, est restitué ou plutôt concédé à ceux qui ont reçu le baptême et qui — comme l’affirme Saint Pierre dans sa première épître — ont été libérés « avec le précieux sang du Christ » comme celui d’« un agneau immaculé ».

Cet idéal d’une vie innocente, non contaminée, immaculée doit être restitué à notre esprit chrétien et nous rendre la résolution et la grâce d’une existence nouvelle, vraiment pascale.

Avec notre Bénédiction Apostolique.





27 avril 1977: LA FIGURE DE JÉSUS RESSUSCITÉ

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Chers Fils et Filles,



Nous sommes encore dans le temps pascal qui, pour nous, est dominé, comme vous le savez par la mort sur la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ et par sa prodigieuse résurrection. Ce double événement, la mort du Seigneur Jésus et son retour à la vie, domine le monde ; il nous donne la clé de l’histoire précédente, celle du peuple juif, c’est-à-dire l’Ancien Testament, et nous offre une vision du futur destin de l’humanité, le Nouveau Testament ; c’est l’événement sur lequel se fondent la religion chrétienne et l’Eglise et qui place la figure de Jésus au centre des destinées humaines.

Le mystère pascal est donc la synthèse de notre foi, et il attire notre attention comme point de convergence de tous les faits religieux regardant le passé, le présent, l’avenir de l’humanité, le secret du monde et le pourquoi de notre existence personnelle. Ceci, très chers Fils, nous devons le savoir et le méditer : « C’est moi l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur-Dieu ; Il est, Il était et Il vient, le Maître-de-tout » (
Ap 1,8). Nous devons nous habituer à penser toute chose en fonction de ce mysterium pietatis, de ce mystère religieux. Notre foi doit concentrer notre pensée sur le Christ-Seigneur, comme Saint Paul le recommandait à Timothée, son disciple préféré : « Il (Jésus Christ) a été manifesté dans la chair, justifié dans l’Esprit, vu des Anges, proclamé chez les païens, cru dans le monde, enlevé dans la gloire » (1Tm 3,16). La pensée de Saint Paul se fait théologique, incite la nôtre à recourir encore aux sources de son récit, à l’Evangile ; et, dans notre esprit toujours assoiffé d’images sensibles pareilles à celles que Jésus nous a offert en venant dans ce monde, elle soulève une question qui n’est ni enfantine ni ingénue, mais a besoin de réalités expérimentales : comment était Jésus ? Si nous avions, au mieux, si nous avons un jour le bonheur de Le voir, comment nous apparaîtra-t-il ? Comment pouvons-nous L’imaginer ?

Nous risquons d’être déçus ; il semble que la question doit rester sans réponse satisfaisante si nous nous rappelons que lors de ses apparitions après la Résurrection, Jésus ne laissa pas transparaître immédiatement sa figure sensible. Cela se passa ainsi avec Marie-Madeleine au Sépulcre, et avec les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs ; ce fut pareil quand le soir de la Résurrection, Il se présenta au Cénacle devant ses disciples (Jn 20,20), ou, lorsque sur le rivage du lac de Tibériade Il rencontra le groupe des disciples pêcheurs, sans se révéler tout de suite. Jésus s’est entouré de mystère même dans ces moments sublimes où il reprenait sa figure humaine sans la manifester à tous (Ac 10,41).

Mais alors, comment pouvons nous recomposer fidèlement sa figure dans notre esprit ? Nous nous trouvons devant un problème qui, des sens et de l’imagination, s’élève au plan spirituel : comment voir, comment « repenser Jésus » ? Quelques Saints ont bénéficié à cet égard d’exceptionnelles faveurs comme Sainte Thérèse l’a écrit à son propre sujet (cf. Vida) ; mais les autres, les simples fidèles ? et nous-même, obligé, de manière et en mesure différente, de donner témoignage du Jésus de l’Evangile, et aussi du Jésus céleste ?

Eh bien, nous croyons pouvoir, de quelque façon nous figurer le Christ, que ce soit de manière sensible ou simplement imaginaire, si nous pensons à lui avec un esprit capable, dans un sentiment réceptif de foi, de refléter en nous quelque ressemblance du Seigneur, comme celle qui s’est imprimée dans le voile compatissant de la Véronique de la tradition. Rappelons-nous comment le Centurion romain, qui avait présidé à la crucifixion, le reconnut. Comme l’écrit Saint Marc l’Evangéliste : « Voyant qu’il avait ainsi expiré, le Centurion qui se trouvait en face de Lui, s’écria : ‘Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu !’ » (Mc 15,39).

Et rappelons-nous le premier portrait de Jésus-Christ, portrait biographique plutôt que linéaire, qui nous vient du témoignage de Saint Pierre, témoin certes qualifié, parlant au premier groupe de païens, celui du centurion Cornélius (un autre soldat romain décrit comme « homme juste et craignant Dieu ») admis à la nouvelle foi chrétienne : « ... Jésus Christ, annonça Pierre ; il est le Seigneur de tous ! (...) Jésus de Nazareth qui a passé en faisant le bien et en guérissant... » (Ac 10,38). Voilà une image surhumaine d’une incomparable bonté ! Voilà ce qu’est le témoignage apostolique !

C’est ainsi que nous devons concevoir Jésus ; une bonté toute-puissante, qui s’est fait proche de nous, qui nous est accessible.

Qu’il en soit ainsi, avec notre Bénédiction Apostolique.

***

Nous avons aujourd’hui la joie de saluer un groupe de prêtres grecs orthodoxes de la Métropole de Lamia.

«Christòs anèsti». Le Christ est ressuscité.

C’est avec tette profession de foi commune dans la résurrection du Seigneur que Nous vous accueillons, chers frères dans le Christ.

Soyez les bienvenus! Nous sommes heureux de vous rencontrer car Nous sommes convaincu que la connaissance réciproque et la rencontre entre frères sont des moyens indispensables sur le chemin de la pleine communion entre nos Eglises.

En rentrant chez vous, portez notre salutation fraternelle à votre métropolite, et notre Bénédiction à vos paroisses et à vos familles.

La paix du Seigneur ressuscité et la communion du Saint-Esprit soient avec vous.

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Nous avons le plaisir de Nous adresser aussi aux membres du Bureau de la Fédération internationale des Aides aux Prêtres.

Vous représentez, chères Filles, toutes ces personnes qui ont voué généreusement leur vie au service des prêtres et, souvent, des communautés ecclésiales, paroissiales ou autres, qui leur sont confiées. Vous rendez plus humaines leurs conditions matérielles de vie et vous leur permettez une plus grande disponibilité à leur propre ministère. Soyez fières de cette tâche importante qui constitue un véritable service d’Eglise et fait appel à tant de qualités de dévouement, d’accueil, de discrétion. C’est dire que Nous encourageons vivement les efforts de vos associations, qui vous soutiennent dans cette mission et vous procurent à vous-mêmes équilibre humain et progrès spirituel, et Nous félicitons les prêtres qui favorisent ce mouvement. Portez à tous les membres de votre Fédération le témoignage de notre gratitude, dites-leur que Nous apprécions spécialement leur collaboration à l’oeuvre des prêtres, et leur adressons notre paternelle Bénédiction Apostolique.





Catéchèses Paul VI 23377