Catéchèses Paul VI 15677

15 juin 1977: SE NOURRIR DE L’EUCHARISTIE

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Chers Fils et Filles,



Avez-vous, vous aussi, célébré dimanche dernier, la fête du Corpus Domini, la Fête-Dieu ? C’est-à-dire la fête liturgique solennelle de l’Eucharistie qui, d’une certaine manière, synthétise l’itinéraire religieux qui nous a conduit à l’union, et même, à la Communion avec le Christ ? Eh bien, vous avez tous, certainement compris que nous sommes arrivés à un sommet de notre démarche : nous sommes arrivés à Lui, à sa présence cachée mais réelle, mais toujours dans le cadre du temps qui passe et ne change pas ; qui au contraire, affirme sa fugacité et nous entraîne vers l’avenir, vers notre mort corporelle, vers l’océan mystérieux de l’autre vie. L’Eucharistie, soit comme sacrifice rappelant la Passion de Jésus pour notre mort corporelle, vers l’océan mystérieux de l’autre vie. L’Eucharistie, soit comme sacrifice rappelant la Passion de Jésus pour notre rédemption, soit comme Sacrement de sa Table divine, n’est pas, pour nous, la dernière rencontre. Elle demeure comme gage et promesse d’une vie future, dans la plénitude de la joie de notre incorporation au Christ glorieux. Ceci indique que la rencontre eucharistique peut et doit se répéter. Jésus a voulu se représenter sous les apparences du pain, comme pour nous stimuler à le désirer, à le recevoir encore, à faire de Lui un aliment qui doit nous donner le désir et la joie de renouveler la communion qu’il nous permet d’avoir avec lui. Ceci nous paraît une conclusion du moment eucharistique : sublime et habituel ; extraordinaire et ordinaire ; nous obligeant donc à vivre dans un climat vraiment surnaturel, même si aujourd’hui, notre existence reste terrienne, coutumière, mortelle. Une fois de plus, une parole de Saint Augustin semble résumer parfaitement ce dualisme, humain divin de la vie chrétienne alimentée par l’Eucharistie : « sic vive, ut quotidie possis sumere » ; vis de telle manière que tu puisses chaque jour te nourrir de l’Eucharistie (cf. Cath. ad Par. de Eucb. Sacr., n. 60). Cette spiritualité, surveillée et excitée par la proximité et la facilité de la rencontre eucharistique, peut être la source d’une authenticité chrétienne dont un vrai fidèle doit faire son programme.

Une seconde conséquence de l’introduction de l’Eucharistie dans notre style de vie concerne la bonne entente et la bonté qui doivent caractériser nos relations sociales avec les personnes de notre entourage. Jésus nous enseigne que nous ne saurions accomplir dignement un acte religieux si nous ne sommes pas réconciliés avec notre frère (
Mt 5,23). Comme le monde serait transformé si cette discipline découlant de l’Eucharistie était d’application générale ! Du reste, elle l’est déjà par tant d’âmes évangéliques et généreuses qui vivent dans un continuel exercice de charité d’oblation, de sacrifice silencieux. Et elles le vivent justement en vue du moment de la sainte communion qui luit et brûle comme une lampe dans leur for intérieur !

Cette relation entre la célébration eucharistique et la dignité, la pureté, l’innocence de l’âme chrétienne, est la première et permanente recommandation que l’Apôtre Paul — à qui nous pourrions attribuer la qualité de premier évangéliste de l’Eucharistie — a faite dans le célèbre récit de la « synaxe » liturgique aux premiers moments du christianisme. Il vaut la peine de relire ce texte béni. De fait, Saint Paul a écrit, dans sa première Epître aux Corinthiens : « Pour moi, en effet, j’ai reçu du Seigneur ce qu’à mon tour je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain et, après avoir rendu grâces, le rompit et dit : « ‘Ceci est mon corps, qui est pour vous ; faites ceci en mémoire de moi.’ De même, après le repas, il prit une coupe en disant : ‘Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; toutes les fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi’. Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne ». Suivent alors ces très graves paroles : « C’est pourquoi, quiconque mange le pain ou boit la Coupe du Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur.

Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’il mange alors de ce pain et boive de cette coupe ; car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation, s’il n’y discerne pas le Corps ».

Avec quelle conscience sincère, avec quelle tremblante humilité, avec quelle humble confiance devrons-nous donc diriger nos pas vers Jésus Christ dans l’Eucharistie !

Ceci, il faut que chacun de nous se le répète, pour que le grand Sacrement soit vraiment pour nous l’heureux viatique pour la vie éternelle !

Avec notre Bénédiction Apostolique !





22 juin 1977: RENOUVELONS NOTRE ENGAGEMENT HUMBLE, FORT, FIDÈLE

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Chers Fils et Filles,



Une pensée nous domine, ici, près de la tombe du premier Apôtre, de celui a qui le Seigneur a dit, avec spirituelle solennité, les célèbres et ineffaçables paroles : « Tu es Pierre ; et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise » (
Mt 16,18) : cette pensée est celle de l’Eglise.

Nous ferons bien de laisser cette pensée nous dominer. Elle contient de nombreux secrets ; des secrets qui nous concernent. Et avant tout, le secret de nos véritables, inéluctables, inépuisables rapports avec Dieu. Tout de suite, le mystère attire et éblouit notre regard. Pouvons-nous faire fi de ce besoin de la solution duquel tout dépend ? : notre intelligence du monde, du temps, de notre destin. On peut ignorer, on peut nier la religion ; mais sa réalité, son exigence demeurent, s’imposent ; elle est la clé qui permet de saisir quelque chose du sens de l’univers ; elle est la lumière qui, comme le soleil illumine le monde, éclaire l’histoire, le bien et le mal, l’esprit humain, la vie, notre vie. Sous l’éclairage de la religion toute chose acquiert un sens, même si celui-ci dépasse notre entendement, et nous fait entrevoir des profondeurs qui accroissent le sens universel du mystère ; mais ce n’est plus un mystère d’obscurité : c’est un mystère ouvert à la pensée, à la joie de la connaissance, à la découverte des trésors inépuisables de la science. Commençons par fixer dans notre esprit cette conviction : la religion est lumière.

Puis, presque d’elle-même, la pensée prend des ailes et survole l’histoire, l’humanité, le monde et ses vicissitudes. Et sous cette vision panoramique se profile un dessein précis : c’est une voie longue et disjointe, mais qui maintient toujours sa direction, enregistrée dans un livre en deux volumes, la Bible avec son Ancien et son Nouveau Testament : le grand, le dramatique poème de la Révélation qui se concentre sur le Christ. Le mystère se révèle à un nouveau degré de réalité. Nous ne pourrons jamais arriver au bout de notre lecture, de notre étude, de notre méditation au sujet de la Parole qui s’est faite Homme, du Verbe qui s’est fait chair et qui, avant de quitter la brève scène de sa prodigieuse histoire, nous a laissé deux choses : l’Eglise et l’Esprit qui deviennent l’âme d’une histoire bivalente, l’histoire de l’humanité réunie en assemblée, en Eglise, en société humaine ; et cette société humaine ne connaît plus de subdivisions de lieux et de temps, elle est une, unique et universelle ; elle est un seul corps composé de tous les hommes qui ont le bonheur d’y participer; l’Eglise réunie, disions-nous, et nous ajoutons : animée ; animée, oui, par l’Esprit Saint, Dieu-Amour vivifiant le Corps de l’Eglise qui est le Corps mystique du Christ : le Christus totus comme disait Saint Augustin, et que nous sommes, nous, en vertu de cette vie dans le Christ qui durera non seulement au-delà de notre mort corporelle, mais ensuite, pour toute l’éternité.

Et la pensée retourne sur elle-même et se fait conscience. Elle nous interroge intérieurement, jusqu’à nous faire trembler. Nous, oui nous, sommes-nous vraiment chrétiens ? Quels rapports de foi et de grâce nous unissent-ils à cette fatidique et bienheureuse Eglise de Dieu ? Sommes-nous catholiques ? de nom ou dans la réalité de notre vie ? l’Eglise est-elle vraiment notre Mère, notre Maîtresse ? est-elle vraiment notre confiance, notre barque pour le grand voyage sur la mer agitée du monde présent ?

Frères, que ceci soit un moment décisif pour notre vie. Renouvelons ici, sur la tombe de Pierre, notre engagement humble, fort, fidèle : oui, nous serons fidèles ! son Eglise sera notre sagesse, notre concorde, notre école de charité.

Que de joie pour notre vie tout entière !

Qu’il en soit ainsi, avec notre Bénédiction Apostolique !

***

Nous sommes heureux de saluer les membres du Congrès européen des maladies du thorax, qui se tient actuellement à Rome, ainsi que les nombreux anciens de la clinique universitaire de l’hôpital Carlo Forlanini.

Vous savez, chers amis, en quelle estime Nous tenons votre science médicale, toute orientée vers le soulagement des malades. Dans la très haute spécialisation de votre travail, sachez garder toujours le souci de la personne humaine au premier plan de vos préoccupations, et maintenir dans le monde médical toutes les exigences éthiques qui en découlent. De grand coeur, Nous vous bénissons.




6 juillet 1977: ECLAIRER LE CHEMIN DE VOTRE VIE

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Chers Fils et Filles,



Quand nous voyons devant nous l’assemblée que vous formez, visiteurs fidèles désireux de voir le Pape et d’entendre sa parole, ou encore pèlerins curieux de faire l’expérience de cette rencontre avec nous et de tirer de cette brève présence à une audience du Pape des conclusions au sujet de graves problèmes, plutôt difficiles à résoudre en se basant sur la simple et immédiate impression découlant de ce moment singulier, nous nous sentons heureux et ému, toujours surpris par une extraordinaire vision : celle de vos âmes ouvertes devant nous comme des livres personnels sur lesquels il nous semble pouvoir lire une question simple, mais décisive ; une question qui nous reste en mémoire pour l’avoir lue dans les premiers chapitres de l’Evangile, là où les auditeurs du solitaire et sage évangélisateur du désert jordanien, Jean le Baptiste, lui demandent : « Que nous faut-il donc faire ? » (
Lc 3,10-12).

Oui, chers visiteurs, nous avons le sentiment de pouvoir lire une demande semblable dans vos âmes. Vous nous demandez une parole qui vous oriente, qui console, rafraîchisse, dirige vos esprits et éclaire ainsi le chemin de votre vie. Nous croyons ne pas nous tromper. Vous êtes ici, avides de recevoir des directives spirituelles qui puissent guider votre existence et donner toute sécurité à votre navigation sur la mer agitée de l’expérience quotidienne, assurant la direction générale de votre démarche dans la vie.

Cette noble curiosité peut se considérer comme un phénomène normal et général. Se rendre à une audience du Pape provoque en toute personne consciente le réflexe d’une interrogation intérieure : quel est — demande en effet une personne consciente — ma position effective devant celui qui se définit « Vicaire du Christ ? » Position tranquille, position cohérente, position soumise, ou position indifférente, peut-être même polémique ? La seule présence du Pape est déjà une provocation à faire le point, le point moralement astronomique, et, à définir, intérieurement et consciemment, où en est notre existence sur le plan spirituel. Et nous, en vous parlant, en vous saluant, en vous bénissant, nous sommes conscient de tous ces états d’âme et nous voulons, avec l’aide du Christ opérant dans notre ministère, vous donner ce moment de lumière, d’énergie, de béatitude qui correspond à nos intentions et à vos besoins spirituels particuliers. Dieu veuille qu’il en soit ainsi, avec l’abondance, la plénitude propre à la bonté divine qui, à cet effet, daigne se servir de notre ministère apostolique !

Nous ne saurions toutefois négliger la situation morale de l’heure présente tant sur le plan religieux que sur celui des moeurs publiques. Observez ceci : nous nous trouvons dans une période terriblement agitée en ce qui concerne les principes de base du style moral et religieux dont nous devons supposer la présence aux sources de notre conscience opérante. Existe-t-il encore des principes-pivots de notre manière d’agir ? Ou bien, dans notre style de vie ne domine-t-il pas une série d’axiomes négatifs qui privent notre navigation pratique sur la mer des moeurs modernes de tout gouvernail, de toute exigence, de toute distinction entre le bien et le mal, de tout impératif volontaire de droiture, de toute suprématie contraignante des valeurs religieuses ? Nous-mêmes, ne sommes-nous pas souvent « relativistes », c’est-à-dire enclins à nous adapter à l’opportunité, à l’intérêt personnel, à l’indifférence au sujet de la valeur éthique de nos actions ?

Eh bien, devant une telle situation qui se généralise et s’aggrave chaque jour, avec une ignorance progressive soit du sens du devoir, soit de la sensibilité religieuse, soit de la fierté personnelle dans le cadre de nos besoins propres ou de ceux d’autrui, que pouvons-nous vous dire aujourd’hui pour répondre à votre désir tacite de recevoir de nous une effusion de lumière ? Ce n’est pas une parole seule que nous aurions à vous dire ; mais tant, et tant ! Nous nous limiterons à vous en dire deux. Les voici : premièrement la nécessité d’un ordre moral dérivant d’une conscience au courant de la grande doctrine du bien et du mal. Nécessité, disons nous en pensant à la Croix ! Deuxièmement, la facilité relative de la morale voulue et observée ; nous dirions mieux, la félicité qui naît d’être bon, avec la grâce divine. Jésus lui-même l’a dit : « Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger » (Mt 11,30). Frères et Filles ! Faisons-en tous l’épreuve !

Avec notre Bénédiction Apostolique.





13 juillet 1977: L’IMPORTANCE DE LA CONSCIENCE MORALE

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Chers Fils et Filles,



Ce que nous voulons vous dire pour donner également à cette rencontre spirituelle momentanée qu’est notre audience un noyau de bonnes pensées qui exhortent, qui régénèrent, qui méritent d’être rappelées et personnellement ré-élaborées, est extrêmement simple et nous l’avons, plusieurs fois déjà, soumis à l’attention de nos auditeurs : il s’agit d’un thème, ancien mais toujours neuf, celui de la conscience et, précisons-le tout de suite, de la conscience morale.

La raison de ce choix peut être cherchée au sommet de notre office pastoral : n’avons-nous pas en effet, pour tâche de parler de science de la vie, qui est celle de bien vivre ? Et nous pasteurs d’âmes, que désirons-nous, sinon que nos fidèles nous écoutent et nous suivent sur les sentiers de la vertu chrétienne ? (cf.
Jn 10,14).

On peut en voir le motif également dans une intention plus modeste plus immédiate, celle de vous rendre attentifs et fidèles à cette commune norme de vie — si précieuse et si souvent contredite aujourd’hui — qui s’appelle l’honnêteté, la bonne conduite, la dignité du comportement personnel.

Que la chronique de notre vie publique soit pleine de faits criminels, que la délinquance soit largement répandue, que la vie incorrecte soit une voie ouverte à tant le personnes que nous prenons pour des gens de bien, que la fausseté des moeurs civiles soit admise comme art de soigner ses propres intérêts ou de couvrir des actes vicieux, que trop de jeunes enfin se laissent entraîner à des formes déplorables et dégradantes d’une conduite insensée, il serait difficile de nier cette décadence de la moralité publique que rapportent amplement tous les moyens modernes de communication sociale.

On dirait que les normes de la moralité se sont affaiblies, que l’éducation civique admet désormais un abaissement vulgaire de la coexistence et que les anciennes lois de la civilisation et de l’honnêteté ne sont plus désormais que des formalités pédantes et périmées.

Que s’est-il passé ? Il est difficile de le dire en termes suffisamment précis, mais il est facile d’observer que ce ne sont pas seulement les formes extérieures mais également celles, intérieures, personnelles, de la vie moderne qui sont généralement discréditées. Sont en faveur aujourd’hui les formes de ce qu’on appelle la permissivité qui, malheureusement, n’attaque pas seulement le vernis apparent des coutumes civiles, mais se glorifie de détruire — et elle le fait — l’armature éthique et publique de la coexistence actuelle jusque dans les principes supérieurs mêmes de la civilisation humaine.

Il ne s’agit pas, en ce moment, de juger le monde ; contentons-nous d’exiger pour nous-mêmes le respect de notre dignité personnelle et d’avoir conscience, toujours plus fortement, de notre propre devoir d’être humain et de chrétien. Il n’est pas inutile de rappeler la double expression de la conscience qui, comme l’enseignement les maîtres, peut être psychologique ou morale. C’est là, une distinction importante. La conscience psychologique est une connaissance-réflexe de soi-même qui aujourd’hui peut évoluer, être maintenue en forme grâce à la culture, à l’environnement communautaire qui stimule cette réflexion psychologique dont nous ne parlerons pas en ce moment. C’est la conscience morale qui fait l’objet de cet entretien: elle est d’une importance capitale pour la conception de la vie que nous voulons servir et à laquelle nous voulons éduquer. Le « connais-toi toi-même » de la philosophie antique a dans la conscience morale sa plus complète et sa plus haute expression en raison d’un aspect essentiel et décisif du développement de la personnalité humaine. Pourquoi ? parce que dans cette forme de conscience, l’esprit est guidé par une tendance naturelle, que les philosophes classiques appellent « syndérèse », à recourir intérieurement à des principes innés concernant l’agir humain, principes qui dépassent les limites de la sphère subjective et s’adressent à l’origine de l’activité consciente : ils tendent au rapport personnel de l’être humain avec l’Absolu, au rapport avec Dieu. La conscience morale se mesure donc à la relation entre le Bien et le Mal; elle guide l’homme vers sa source et vers son terme et donne à l’esprit le sens — qui sera alors un jugement — de sa responsabilité transcendante (cf. St Thomas I 79,12 I-II 31,1 ad 3).

Perception extrêmement importante, disions-nous, sur laquelle se fonde l’évolution morale de notre esprit et donc de notre conscience morale.

Celle-ci, Fils bien-aimés, n’est pas une source de problèmes inutiles et fastidieux comme les scrupules, l’incertitude devant l’action, l’involution psycho-éthique de l’âme ; mais elle est simplement la conscience de l’homme en tant qu’homme et pour nous chrétiens, en tant que chrétiens. Celui qui a l’habitude d’insérer dans sa prière, c’est-à-dire dans son entretien avec Dieu, un examen de conscience, sait quelle force, quelle clarté, quelle source d’autonomie personnelle peut jaillir d’un tel examen qui a pour miroir l’oeil de Dieu.

Essayez-le. Avec notre Bénédiction Apostolique.





20 juillet 1977: L’ACTION ÉCLAIRÉE PAR LA FOI

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Chers Fils et Filles,



Une des pensées qui pénètrent dans l’esprit lorsqu’une pause dans les occupations extérieures permet de réfléchir consciencieusement sur soi-même, concerne les principes de l’activité personnelle, comme lorsqu’on se demande : « que fais-je » ? et spécialement : « pourquoi le fais-je ? quels sont les motifs de mon action ? ». Les motifs peuvent être nombreux et, d’habitude, ils dépendent l’un de l’autre; ils sont hiérarchisés. Ainsi, par exemple, on travaille pour gagner son salaire ; et le salaire pour vivre.

D’où la demande : quel est le motif, quel est le but, supérieurs à tous les autres, qui donnent à une vie sa qualification professionnelle ou, mieux, morale ? Le but en soi, l’objectif général de l’activité, c’est de faire le bien. Mais quel bien ? le moral ? le bien pour soi-même ? le bien utile ? le bien agréable ? le bien facile ? le bien possible ? L’honnêteté naturelle de notre vie dépend de cette réponse fondamentale : la valeur morale de notre existence est fonction du but principal et supérieur qui la guide.

Une question qui paraît facile, mais qui pose tant de problèmes auxquels les hommes, ceux qui sont braves et bons, savent souvent donner des réponses magnifiques mais toujours incomplètes par rapport aux fins globales. Il y a ceux qui se contentent d’édifier la moralité humaine dans sa dimension purement naturelle, même si elle est dilatée jusqu’à ses limites extrêmes (cf. Térence « Homo sum, nihil a me alienum puto »). D’ailleurs, est-ce vraiment et toujours possible ? Il y a ceux qui refusent d’admettre le moindre principe moral absolu : le « permissivisme » moderne empêche tout recours à des normes supérieures et contraignantes.

Et nous chrétiens ? Certes, nous sommes pour la primauté de la liberté ; mais d’une liberté en correspondance, en cohérence avec le devoir. Mieux encore, nous avons une conception religieuse de la perfection humaine, de la justice au plein sens du mot ; nous estimons que celle-ci ne peut nous être donnée que par le Christ, par la foi qui nous prescrit une justice surnaturelle, et qui nous apporte l’aide, la grâce pour être vraiment bons. Rappelons-nous toujours les paroles de Saint Paul : « L’homme juste vivra par la foi ».

De la foi, nous devons tirer les principes normatifs et les principes pratiques de la vie juste et bonne (cf.
Ga 3,11).

Avec notre Bénédiction Apostolique.





27 juillet 1977: UNE, SAINTE, CATHOLIQUE, APOSTOLIQUE

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Chers Fils et Filles,

De quoi allons-nous parler pendant ce bref moment de conversation ? De l’Eglise, naturellement. Une visite à Rome, comme votre visite de pèlerins, une visite d’étrangers, fait certainement naître spontanément dans votre esprit la curiosité, le désir de vous faire une nouvelle idée, une idée plus claire que celle que vous avez de cette grande et mystérieuse institution qu’est l’Eglise ; vous pensez, en effet que là où l’Eglise a son centre, là où vous pouvez rencontrer le Pape, le Chef de l’Eglise, vous pourrez avoir une connaissance directe, plus complète, plus exacte, plus mémorable de l’Eglise même. Il en est ainsi, précisément. Nous vous suggérons, pendant votre séjour à Rome, de répéter, du fond du coeur, les paroles si souvent répétées du Credo de la Messe dominicale : « Je crois... ». En ce lieu, cette expression acquiert une gravité particulière : « Je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique ».

Que ces paroles vous soient chères. Ce sont des paroles de vie. Elles semblent répondre à une question très simple et cependant très difficile. Qu’est-ce que l’Eglise ? Il ne suffit certainement pas de répondre que l’Eglise est l’édifice sacré où l’on va prier. Puis vous entendez, au sujet de l’Eglise, les définitions les plus étranges, les plus arbitraires, généralement incomplètes et partiales, parfois même blessantes. Vous êtes, à notre avis, tous baptisés ; vous appartenez donc à l’Eglise. Eh bien, qu’est-ce que l’Eglise ? Le Concile Vatican II, célébré il y a quelques années, en a donné plusieurs définitions plutôt descriptives qui font voir la richesse, la profondeur, la beauté de ce terme : « l’Eglise ». Les Maîtres de la religion, les Evêques, les théologiens et d’autres experts ont eu également des mots merveilleux et profonds à son sujet et il n’est pas facile de les répéter, de les résumer : on a dit, par exemple, que l’Eglise est le dessein de Dieu sur l’humanité, qu’elle est le royaume de Dieu dans le monde, l’oeuvre de Dieu, l’édifice que Dieu bâtit dans l’histoire ; elle est le Peuple de Dieu ; elle est l’Alliance de Dieu avec les hommes ; elle est le Corps mystique du Christ... Des idées grandioses, des idées immenses qui ont ceci de particulier que, du fait qu’elles sont des idées divines et universelles, elle nous concernent aussi de manière toute spéciale, et investissent notre destin. Nous ne pouvons faire abstraction du concept d’Eglise pour définir en quelque mesure notre être même, notre vie, notre sort. Nous sommes l’Eglise. C’est-à-dire que nous sommes « appelés » ; Eglise signifie convocation, signifie appel, signifie réunion du peuple (cf.
Dt 9,10 Ac 19,32) ; signifie l’humanité réunie par la voix et par la grâce de Dieu, par le Christ, dans l’Esprit Saint (cf. Ac 2,39 Rm 8,30 cf. Bellarmin, De Eccl. militante, I ; voici la définition de Bellarmin, « L’Eglise est la communauté de tous les fidèles »).

La première intention divine qui engendra l’Eglise est donc celle de communauté, puis mieux, celle d’unité. En fait, une communauté compacte et bien agencée comme un édifice parfaitement construit ; souvenez-vous de l’idéal de Jésus : « J’édifierai mon Eglise » (Mt 16 Mt 18). Rappelez-vous que cette unité Jésus lui-même l’a proclamée dans ses ultimes paroles, celles de la prière ineffable, la nuit précédant la Passion, après la Cène : « que tous soient une seule chose » (Jn 17,11 Jn 17,21 Jn 17,22). Ici est le mystère : Jésus le fait comprendre en déclarant que cette unité, propre aux disciples du Christ, jaillit de l’unité même du Fils avec le Père et qu’elle est donc insondable pour notre pensée ; nous devons la proclamer et nous devons la vivre : mois nous ne pourrons pas la comprendre ; nous devons « la croire ». De fait, ces prérogatives propres de l’Eglise : « une sainte, catholique et apostolique » dont nous avons parlé, peuvent revêtir deux significations : l’une, celle de propriété caractéristique de l’Eglise, c’est-à-dire manière d’être, qualités inhérentes à la nature de l’Eglise ; et en ce sens, elles sont des vérités mystérieuses que seule la foi recueille, médite et célèbre ; l’autre signification est, par contre, celle qui découle de leur manifestation extérieure et, sous cet aspect, ces paroles bénies deviennent des « notes », comme on le dit. C’est-à-dire des signes qui, humainement, peuvent se connaître et illustrent, pour ceux qui sont capables de l’observer, la splendeur miraculeuse de l’Eglise (cf. Journet L’Eglise... II, 1193, et ss. ; Bossuet, Lettre sur le mystère de l’unité de l’Eglise), de l’Eglise qui est, répétons-le une, sainte, apostolique et catholique.

Voici, Fils et Frères : nous vous exhortons à recueillir ce témoignage de l’Eglise sur elle-même ; et, aujourd’hui, au sujet de sa première qualité, celle de l’unité ; ici à Rome, près de la tombe de l’Apôtre Pierre, et précisément dans cette période de la vie de l’Eglise, si agitée, si opprimée et cependant si certaine d’elle-même ; fixer aujourd’hui votre attention sur cette première « note » qui atteste clairement l’origine divine de l’Eglise; nous disions : son unité. L’unité de l’Eglise et dans l’Eglise nous fait penser à la source dont elle provient : de Dieu Lui-même ; puis du Christ Chef de l’Eglise et identifié dans toute sa plénitude avec sa seule et unique Eglise ; et l’Esprit Saint, âme incréée de l’Eglise, qui alimente sa vie, qui est la grâce, qui est la charité.

Vous sentirez naître en vous-même la nostalgie de l’unité de l’Eglise ; de l’oecuménisme, par exemple, impatient de se recomposer dans la paix d’une seule foi, sous la direction d’un seul Pasteur (Jn 10,16) ; vous éprouverez de la souffrance pour toute division, pour tout particularisme désobéissant, pour tout schisme, pour toute hérésie, pour toute désagrégation anarchique qui renie cette unité pour laquelle le Christ a souffert la Croix (Jn 11,52). Et vous bénirez votre séjour à Rome, comme motif d’une nouvelle béatitude révélatrice (Mt 13,16).

Avec notre Bénédiction Apostolique.

***

Nous sommes très heureux de saluer ici les membres de la Conférence internationale catholique du Guidisme. Nous avons souvent l’occasion d’encourager les jeunes, parce que Nous voyons en eux, au plan humain, social et spirituel, de grandes possibilités qui malheureusement restent souvent inemployées ou déviées, faute d’éducation. C’est dire notre joie, chères responsables et chers Aumôniers, de voir votre mouvement proposer à ces jeunes un idéal attrayant et exigeant, soucieux d’une éducation authentique de la foi et de toutes les vertus humaines de générosité, de loyauté, de pureté, de courage qui qualifieront le service auquel ils sont appelés dans la vie familiale, professionnelle, civique, ecclésiale. Aimez l’Eglise: travaillez dans une collaboration confiante avec les Evêques et les prêtres de votre région, et, ici, avec notre Conseil pontifical pour les Laïcs. Que le Christ vous guide! Que l’Esprit Saint vous rende forts! Que la Vierge Marie vous assiste! Avec notre Bénédiction Apostolique.

***

Nous ajoutons un bravo pour les jeunes tahitiens du diocèse de Papeete, venus des antipodes, de la Polynésie française. Votre Archevêque, Monseigneur Coppenrath, Nous avait annoncé votre pélerinage. Ce que des miliers de fidèles ont fait durant l’Année Sainte, vous avez voulu le faire vous aussi aujourd’hui. Soyez fiers de votre foi! priez saint Pierre et saint Paul de la rendre encore plus ferme et plus rayonnante. Aimez 1’Eglise que vous découvrez ici comme une grande famille. Et construisez chez vous, avec l’Esprit de Jésus, une communauté fraternelle, digne de l’Evangile. Nous vous bénissons de tout coeur, ainsi que vos parents et amis.




3 août 1977: JE CROIS EN L’EGLISE CATHOLIQUE

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Frères vénérés,

Chers Fils et Visiteurs !



Un mot, un seul mot mais qui suffise à établir dans cette Audience estivale un rapport spirituel entre vous tous et notre humble mais paternelle personne.

Ce mot est celui qui, nous l’espérons, nous définit tous : « catholique ». Il se rattache à celui que nous avons rappelé au cours de l’Audience précédente sur l’unité de l’Eglise. L’un et l’autre se réfèrent à la profession de foi que nous prononçons toujours avec gravité, en récitant le « Credo », c’est-à-dire en affirmant : « Je crois... en la sainte Eglise catholique », ou, plus précisément, comme il est dit dans le symbole adopté pour la célébration de la Messe : Je crois l’Eglise « une, sainte, catholique et apostolique ».

D’où vient cette appellation de l’Eglise, ornée du titre de « catholique », que nous ne trouvons pas textuellement dans la Sainte Ecriture ? Les savants nous disent que le premier qui assigna à l’Eglise le titre de « catholique » fut Saint Ignace d’Antioche, célèbre martyr du début du II° siècle, quand il écrivit de Rome une de ses fameuses lettres à l’Eglise de Smyrne (8, 2). Mais la notion de « catholique » attribuée à l’Eglise ne manque certainement pas dans le nouveau Testament. Il suffit de rappeler les dernières paroles du Seigneur à la fin de l’Evangile de Saint Mathieu : Jésus ressuscité fait ses adieux aux Apôtres avant de monter au ciel, et leur dit : « ... allez et instruisez toutes les nations » (
Mt 28,19). Que veut dire le terme « catholique » ?

Il veut dire universel, et se rapporte directement au « corps » de l’Eglise, comme l’unité se réfère à l’Esprit qui la fait vivre d’une façon divine. Les deux propriétés ou notes, catholicisme et unité, s’intègrent pour signifier la catholicité. Mystère prodigieux que nous ne pouvons connaître, dans son dessein transcendant, que par la foi. Elle nous fait découvrir et admirer l’Amour de Dieu pour toute l’humanité (cf. 1Tm 2,4), et nous aide à admirer ensuite la vocation missionnaire de l’Eglise, et son aptitude à se répandre sur toute la terre, à embrasser le monde entier, à s’insérer dans chaque peuple, et à rendre frères tous les hommes. Et cela non comme le résultat de l’oppression d’un peuple sur l’autre, d’une classe sociale sur une autre classe sociale, d’un totalitarisme inexorable et intransigeant, qui ne peut naître de l’unification forcée et artificielle de l’humanité, privée de la liberté des fils de Dieu, mais qui peut surgir seulement de la diffusion du règne ouvert par le Christ, au-delà de l’horizon de ce monde. Celui-ci peut aussi provenir de la catholicité de l’Eglise, féconde et inépuisable source de civilisation temporelle.

Que cela suffise pour l’instant. Nous vous invitons à méditer et à aimer ce titre de « catholique » qui est essentiellement inséré dans l’économie authentique de l’Evangile et qui se déverse sur notre vocation de disciples du Christ pour élargir nos coeurs à la dimension incommensurable de la charité de Dieu pour nous et pour l’humanité toute entière.






Catéchèses Paul VI 15677