S. Alphonse - la religieuse - - I. - PERFECTION DE LA PAUVRETÉ


PRIÈRE

Ô mon Jésus, je trouve en vous tout mon bien ; hors de vous, je n'ai plus ni volonté ni désir. Daignez m'attirer tout entière à vous pour que je brûle de votre amour: je serais si heureuse d'en être entièrement consumée !

Je vois, ô mon bien-aimé Rédempteur, que, depuis de longues années, me voulant toute vôtre, vous vous êtes comme attaché à mes pas. Puis donc que vous prenez tellement à coeur mes avantages, faites que moi, dorénavant, je n'aie plus d'autre soin que de vous aimer et de vous faire plaisir. Par pitié, délivrez-moi de toutes les attaches qui me retiendraient loin de vous ; puis, rendez-moi uniquement soucieuse de vous éviter tout déplaisir et de vous procurer le plus possible de contentement.

Ô Verbe Incarné, vous êtes venu en ce monde pour enflammer les coeurs de votre amour : de grâce, prenez mon coeur, gagnez-le par vos charmes, remplissez-le de votre lumière, donnez-lui l'élan pour suivre en tout votre sainte volonté ; en un mot, unissez-le totalement à vous et restez-en le seul maître. Réalisez l'union entre vous et moi, entre moi et vous, dans la perfection de l'amour, et que rien ne brise cette union, jusqu'à l'éternité. Faites que je ne sois plus mienne, mais vôtre toujours, et toute vôtre, ô mon amour, ô mon trésor et mon unique bien.

Marie, ma mère, toutes mes espérances sont dans votre intercession.


CHAPITRE X Détachement de la famille et des amitiés humaines

§ Ier, - DÉTACHEMENT DE LA FAMILLE

I. Si l'attachement à la famille ne causait pas un grave dommage, Jésus-Christ ne nous aurait pas recommandé avec tant d'instances le détachement à cet égard. En un endroit de l'Évangile, il nous dit : Si quelqu'un vient à moi et ne hait pas son père et sa mère... il ne peut être mon disciple (Lc 14,26). Et ailleurs : Je suis venu séparer le fils d'avec son père et la fille d'avec sa mère (Mt 10,35). Pourquoi cette sorte de haine envers les parents ? pourquoi cette ardeur à nous séparer d'eux ? Le Sauveur lui-même nous en donne le motif : On aura pour ennemis les gens de sa propre famille (Mt 10,36). En vérité, dans l'affaire du salut, les hommes, et particulièrement les religieux, n'ont pas de pires ennemis que leurs parents, n'ayant personne qui mette plus d'obstacles à leur bien spirituel. « Cela est fréquent, » affirme saint Thomas ; et il dit ailleurs que, dans les questions qui concernent notre âme, « nos amis sont nos ennemis. »

L'expérience le fait bien voir. Même un saint Charles Borromée malgré son extrême réserve et son complet détachement, confessait que jamais il n'allait dans sa famille sans en revenir moins fervent, moins zélé pour le service de Dieu. Aussi, les maîtres de la vie spirituelle ne cessent de répéter, à l'âme qui veut devenir parfaite, cette exhortation : Fuyez vos parents, ne vous mêlez pas de leurs intérêts, et même, quand ils sont loin, ne soyez pas anxieuse de recevoir de leurs nouvelles.

2. Quelle ferveur peut avoir une religieuse qui voudrait toujours ses parents auprès d'elle ; qui, pour les faire venir, multiplie lettres et messages, et, s'ils ne répondent pas à son appel, se trouble et les accable de lamentations ? Quelle étroite union avec Dieu trouverez-vous dans une religieuse de cette espèce ? « Il faut fuir le contact avec la famille, dit saint Grégoire, si l'on veut la vraie union avec le Père commun qui est Dieu. » L'Évangile nous montre la sainte Vierge cherchant, durant trois jours, l'Enfant [...]

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Jésus parmi leurs parents, et ne l'y trouvant point. De ce fait, saint Bernard tire cette leçon : « On ne trouve point Jésus parmi la parenté. » « On ne reste pas longtemps dans l'amour de Dieu, ajoute Pierre de Blois, quand on aime selon la chair et le sang. »

Moïse, sur le point de mourir, proféra cette grande parole dont les personnes religieuses doivent faire leur profit particulier : Qui dit à son père et à sa mère : Je ne vous connais pas ; qui dit à ses frères : j'ignore qui vous êtes... ceux-là observent votre parole, ô mon Dieu, et gardent votre alliance (Dt 39,9). Voilà comment une religieuse est fidèle à l'appel divin et à l'alliance qu'elle a contractée avec Dieu le jour de sa profession. Ce jour-là, Dieu lui a dit, comme à tout âme qui se consacre à son amour : Écoute ma voix, ô ma fille, et regarde : comprends quel bonheur sera le tien, si tu m'obéis ; prête donc l'oreille à ma parole : Oublie ton peuple et la maison de ton père, et alors, moi, qui suit ton roi et ton époux, je serai épris de ta beauté (Ps 44,11). « Quelle récompense, s'écrie saint Jérôme : devenir la bien-aimée de ton souverain Maître, » qui fera ta félicité ici-bas et au ciel ! La promesse notre Sauveur est formelle : Quiconque aura quitté sa maison, ou ses frères, ou ses soeurs, ou son père, ou sa mère... à cause de mon nom, recevra le centuple et possédera la vie éternelle (Mt 19,29). En vertu de cette promesse, si, à la séparation d'avec ses parents, elle joint le détachement, la religieuse s'assure à elle-même, avec la garantie de la béatitude éternelle, le centuple en cette vie : pour les soeurs qu'elle quitte, elle en trouvera un grand nombre au couvent ; Dieu lui tiendra lieu de père, Marie remplacera sa mère ; Dieu et Marie l'aimeront et la traiteront comme leur enfant.

3. Les saints comprenaient le plaisir qu'ils donnaient à Dieu par leur détachement : aussi vivaient-ils le plus loin possible de leur famille. Saint François Xavier, se rendant à sa mission des Indes, devait passer près de son pays natal. Sa mère et toute sa parenté firent mille instances pour obtenir sa visite : il s'y refuse, sachant cependant qu'il ne les reverrait plus en ce monde. La soeur de saint Pacôme vint un jour voir son frère ; le saint lui fit transmettre ce message : « Tu sais que je suis en vie : va-t’en tranquille. » Quelques saints en sont venus à ne plus lire les lettres de leurs parents. Saint Jean Climaque rapporte que saint Antoine, abbé, vivait depuis plusieurs années dans le désert, lorsqu'un jour il reçut des lettres de ses parents. Il se dit à lui-même : « Que peut-il me revenir de cette lecture sinon le trouble de l'âme ? Vais-je compromettre la paix dont je jouis ? Loin de moi, souvenirs de la patrie ! ne retournons pas à ce que nous avons quitté. » Et il jeta les lettres au feu, en disant : « Brûlez donc, pour que vous ne me brûliez pas. »

4. « Oh ! disait sainte Thérèse , si nous comprenions bien, nous autres religieuses, le tort que nous font les fréquentes relations avec nos proches, comme nous les fuirions ! Pour moi, je ne m'explique pas quelle consolation nous pouvons trouver auprès d'eux, je ne dis pas en ce qui regarde le service de Dieu, mais même sous le rapport de notre tranquillité et de notre repos. En effet, ne pouvant ni ne devant partager leurs plaisirs, il ne nous restera qu'à ressentir leurs peines. Il n'y en aura pas une que nous ne déplorions, et parfois plus vivement qu'ils ne le feront eux-mêmes. » Que cette réflexion de la sainte est bonne pour vous, ma soeur ! Quand vos parents viennent à la grille, ils ne peuvent certainement pas vous faire jouir des plaisirs du monde : vous êtes enfermée et ne pouvez faire un seul pas dehors. Alors que viennent-ils faire au parloir ? Rien autre que vous raconter leurs ennuis, leurs maladies, leurs embarras.

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